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Les mythes scientifiques sont bien des mythes, mais liés à la science ou s'en inspirant. Ils sont particulièrement présents dans les présentations archéologiques, historiques ou d'histoire des sciences. L'historien des sciences Douglas Allchin explique que les mythes scientifiques présentent les résultats comme provenant de figures d'autorité, sous-estimant la part des erreurs et de leur résolution par la démarche scientifique. Ils sont trompeurs par leurs simplifications réductrices, par exemple qui mettent en scène les faits historiques ou les découvertes scientifiques comme dus au génie d'individus héroïques (en grande majorité des hommes, les femmes étant occultées) plutôt qu'à un travail d'équipe fait d'échanges de savoirs, de raisonnements logiques et de rigoureuses démarches d'investigation et d'expérimentation.
Ainsi, par exemple, la découverte de la loi universelle de la gravitation par Isaac Newton est souvent présentée comme le résultat de la chute d'une pomme sur sa tête. Bien que cette dernière ait probablement joué un rôle dans ses travaux, il a fallu à peu près 20 ans à Newton pour développer entièrement sa théorie. Dans le même ordre d'idées, l'évolution est un phénomène universel observable en physique, chimie, astronomie, géologie, climatologie, biologie, anthropologie, ethnologie, linguistique, sociologie, économie, dans la différence entre générations et la croissance des jeunes, et non une « théorie » due au seul Charles Darwin ; par ailleurs celui-ci ne l'a pas formulée en observant la ressemblance et les différences entre les diverses espèces de pinsons des Galapagos, mais plus de vingt ans plus tard, en Angleterre au terme de longues études et d'échanges avec les éleveurs d'animaux domestiques qui modifient par des méthodes de sélection et de croisement les caractéristiques des espèces.
D'autres mythes véhiculent, souvent pour des raisons politiques, des notions obsolètes qui proviennent de l'histoire des sciences mais qui ont depuis longtemps été invalidées par les recherches et vérifications plus récentes :
- les thèses de l'anthropologie du XIXe siècle, sur l'inégalité des « races » humaines, comme celles de Cesare Lombroso sur l'existence de « criminels nés » ou la théorie de la dégénérescence, le racialisme et le transformisme, dont le véritable socle idéologique est en fait judéo-chrétien (malédiction de Canaan et table des peuples) mais qui s'appuyaient sur des études phrénologiques et physiognomoniques pour étayer scientifiquement ce socle[1]. Ces théories considéraient que l'humanité avait évolué en partant des « Noirs » (« les plus primitifs, les plus proches du singe »), vers les « Jaunes » (un peu « plus évolués ») et enfin vers les « Blancs » (la « race supérieure », le « sommet de l'évolution »). Ces mêmes mythes considéraient les femmes comme moins sujettes à la criminalité en raison de leur « moindre intelligence et de la nature plus inactive de leur vie »[2] ;
- toujours conforme au socle idéologique judéo-chrétien, la définition de la sexualité comme étant une « fonction naturelle à finalité procréative » excluait d'emblée dans le champ du « contre-nature » toute forme de sexualité autre que la copulation hétérosexuelle en vue de « perpétuer la race humaine » alors qu'en histoire naturelle, éthologie, anthropologie et ethnologie, les observations et études des diverses espèces d'êtres vivants et des différentes cultures humaines ont, depuis, montré que la sexualité sert souvent au tissage des liens entre individus et rarement uniquement à la procréation : toutes les formes et variantes que l'on peut rencontrer dans les sociétés humaines sont présentes dans la biosphère, de sorte que nul type de relation sexuelle ou de structure familiale de l'humanité ne peut être qualifié de « plus naturel » qu'un autre ; ils sont tous « naturels » et seules les coutumes, les croyances, les civilisations ou les législations créent des normes, des préférences, des interdits[3];
- la vision anthropocentriste et les notions de « sens de l'évolution », de « progrès vers et par la complexification », de « premier homme » (ou « premier dauphin », ou « premier moustique »…), d'« arbre » généalogique et de « ligne directe » issues du créationnisme, mais aussi de « chaînon manquant », de « fossile vivant » et d'espèce (ou de race) « primitive » issues de la Scala naturæ remontant à l'Antiquité[4] sont toutes dépassées par la perspective actuelle, enrichie d'innombrables découvertes et recoupements, de la phylogénie moderne[5] mais, malgré les apports d'un Stephen Jay Gould ou d'un Guillaume Lecointre, restent largement ancrées dans le public, parmi les enseignants et même parmi les auteurs de documentaires et de livres de vulgarisation[6].
- Albert Ducros, « Phrénologie, Criminologie, Anthropologie : une interrogation continue sur anatomie et comportement », in : Bulletins et Mémoires de la Société d'anthropologie de Paris, N-lle Série, Tome 10 N° 3-4, 1998, pp. 471-476.
- R. Burke, An Introduction to Criminological Theory, Willan Publishing 2001, Devon, Royaume-Uni.
- Jean Génermont, Une histoire naturelle de la sexualité, Les Éditions matériologiques, décembre 2014, [1] et (en) An Encyclopaedia of Gay, Lesbian, Bisexual, Transgender and Queer Culture, 2004 ([2])
- Jean Piveteau, Des premiers vertébrés à l'homme, Albin Michel, 1963, p. 152
- Guillaume Lecointre et Hervé Le Guyader, Classification phylogénétique du vivant, 4-e édition (tome 2), Belin 2017, (ISBN 978-2-410-00385-7)
- Corinne Fortin, Gérard Guillot, Marie-Laure Le Louarn-Bonnet, Guillaume Lecointre, Guide critique de l'évolution, Belin 2009, (ISBN 978-2-7011-4797-0).