Référendum constitutionnel irlandais sur la suppression du délit de blasphème

Un référendum sur le trente-septième amendement de la constitution a lieu le en Irlande. L'amendement, s'il est approuvé, supprimerait de la constitution l'interdiction du blasphème. La suppression de ce délit est largement symbolique, aucun procès n'ayant eu lieu depuis 163 ans. Une élection présidentielle est organisée simultanément.

Référendum constitutionnel irlandais sur la suppression du délit de blasphème
Corps électoral et résultats
Inscrits 3 401 652
Votants 1 489 694
43,79 %
Blancs et nuls 22 236
Résultats par circonscription
Carte
Oui
64,85 %
Non
35,15 %
http://www.referendum.ie/current-referendum/

L'amendement est approuvé à près de 65 % des voix.

Contexte

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Les dernières poursuites pour blasphème en Irlande ont eu lieu en 1855 à l'encontre d'un prêtre, Vladimir Pétchérine, ayant accidentellement brûlé une Bible en se débarrassant de livres sans intérêt. Il est alors jugé et acquitté[1].

La Constitution de 1937 a toutefois maintenu la mention de son interdiction, tout en s'abstenant d'en donner une définition, ce qui a eu pour résultat qu'aucune condamnation ne s'en est jamais suivie[2]. En 1961, une loi précise la peine encourue à sept ans de travaux forcés ou deux ans de prison et 500 livres d'amende[3], avant que la sanction ne soit réduite en 2009 à 25 000 euros d'amende, avec pour conditions d'avoir porté atteinte à plusieurs personnes, et que l'intention d'insulter ou d'outrager une religion soit prouvée. Ainsi, lorsque l'acteur britannique Stephen Fry déclare en 2015 que « si un dieu avait effectivement inventé l'univers, il devait clairement être un fou, un fou absolu, complètement égoïste », l'enquête engagée après le signalement de ses propos par un citoyen fut abandonnée deux ans plus tard, faute de plainte supplémentaire[4]. Interrogé sur ce qu’il dirait à Dieu s’il avait la chance de le rencontrer, Stephen Fry avait préalablement répondu : « Je lui dirais : “le cancer des os chez les enfants, qu’est-ce que cela signifie ? Comment as-tu osé créer un monde où il y a tant de souffrance » avant de se demander « pourquoi il respecterait un Dieu capricieux, mesquin et stupide ». À la suite du dépôt de la plainte, le ministre de la santé Simon Harris avait réagi en qualifiant l’interdiction d’« absurde » et d’« un peu embarrassante »[1],[5].

Des débats ont également eu lieu en 1995 avec la publication de dessins jugés blasphématoires par les journaux Irish Times et Sunday Independant dans le cadre du débat sur la légalisation du divorce, ainsi qu'en 2015 avec la publication de la une d'un numéro de Charlie Hebdo présentant une caricature de Mahomet. Dans les deux cas sans que les poursuites n'aboutissent[4].

Toute modification de la constitution nécessitant un référendum en Irlande, la population est amenée à se prononcer sur une modification de l'article 40.6.1 de la constitution. Celui ci énonce entre autres[6] :

« The publication or utterance of blasphemous, seditious, or indecent matter is an offence which shall be punishable in accordance with law. »

Soit en français[7] :

« La publication ou l'expression de contenus blasphématoires, séditieux ou indécents constitue une infraction punie conformément à la loi. »

Le projet de loi no 87 de 2018, soumis ici à référendum, propose d'en supprimer le mot « blasphématoires »[8]. Il a été décidé par le gouvernement de coalition minoritaire du Fine Gael le , puis présenté à l'Oireachtas le suivant. Il est adopté le à la chambre basse supposément à l'unanimité, aucun membre n'ayant demandé de mise au vote, puis adopté le à la chambre haute, le Seanad Éireann par cinquante neuf voix pour et une contre. Il est décidé de tenir le référendum le même jour que l'élection présidentielle, le suivant[2].

Campagne

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La Conférence des évêques catholiques irlandais a décrit l'interdiction comme « obsolète » et mentionnée que des lois similaires ont été utilisées pour justifier la violence et l'oppression de minorités dans d'autres parties du monde, sans pour autant se déclarer en faveur de l'amendement[9],[10],[1].

Position des principaux acteurs
Position Partis ou association
Pour Fine Gael[11]
Fianna Fáil[12]
Sinn Féin[13]
Parti travailliste[14]
Parti vert[15]
Le Peuple avant le profit[16]
Sociaux-démocrates[17]
Conseil irlandais pour les libertés civiles[18]
Église d'Irlande[19]
Atheist Ireland[20]
en stagnation Neutre Conférence des évêques catholiques irlandais[9],[10]
Non Contre Centre culturel islamique d'Irlande (en)[21],[22]

Résultats

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Nationaux

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Résultats nationaux[2],[23],[24]
Choix Votes %
Pour 951 650 64,85
Contre 515 808 35,15
Votes valides 1 467 458 98,51
Votes blancs et invalides 22 236 1,49
Total 1 489 694 100
Abstention 1 911 958 56,21
Inscrits/Participation 3 401 652 43,79
Votes
Pour
(64,97  %)
Votes
Contre
(35,03  %)
Majorité absolue

Notes et références

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  1. a b et c « Les Irlandais votent l’abrogation du délit de blasphème », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  2. a b et c (de) « Irland, 26. Oktober 2018 : Aufhebung des Blasphemieverbots », sur sudd.ch.
  3. « L’Irlande vote pour son président et se prononce sur le blasphème », sur La Croix, (consulté le ).
  4. a et b « Les Irlandais appelés à voter sur le retrait du délit de blasphème de la Constitution », sur lefigaro.fr, .
  5. « Irlande, l'heure du vote: le blasphème sera-t-il encore un délit? », RTBF Info,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  6. (en) « electronic Irish Statute Book (eISB) », sur www.irishstatutebook.ie.
  7. « Constitution du 1er juillet 1937 », sur univ-perp.fr.
  8. (en) « Referendum on the Thirty-sixth Amendment of the Constitution Bill 2018 - », sur www.referendum.ie.
  9. a et b (en) Stephen McNeice, « Irish bishops say constitutional article on blasphemy is 'largely obsolete' », sur Newstalk, (consulté le ).
  10. a et b (en) Conor Gallagher, « Constitutional blasphemy clause ‘largely obsolete’, Bishops decide », The Irish Times, (consulté le ) : « Rights of religious communities to engage in public debate must be respected, conference states ».
  11. (en) « We must vote yes to remove the crime of blasphemy from our Constitution – Flanagan », sur Fine Gael, (consulté le ).
  12. (en) « Religious faiths are strong enough to withstand the removal of Blasphemy law – O’Callaghan », sur Fianna Fáil, (consulté le ).
  13. (en) « Sinn Féin calls for Yes vote in Blasphemy referendum », sur Sinn Féin, (consulté le ).
  14. (en) « Liam van der Spek Welcomes Referendum on Removal of Blasphemy Offence », sur Labour Party, (consulté le ).
  15. (en) « Green call for Yes Vote in Blasphemy Referendum », sur Green Party, (consulté le ).
  16. (en) « Blasphemy – There Is More To It Than Just A Word », sur People Before Profit, (consulté le ).
  17. (en) « Social Democrats introduce Bills to safeguard freedom of speech by abolishing archaic blasphemy offence », sur Social Democrats, (consulté le ).
  18. (en) « ICCL calls for YES vote in Blasphemy Referendum », sur Irish Council for Civil Liberties, (consulté le ).
  19. (en) « Church of Ireland backs removal of blasphemy offence », sur The Irish Times, (consulté le ).
  20. (en) « Atheist Ireland: Referendum on blasphemy about freedom of speech », sur Irish Examiner, (consulté le ).
  21. "Religious groups back removal of blasphemy from the Constitution". Irish Independent, 23 October 2018.
  22. "Blasphemy, Stephen Fry and referendum in Ireland". BBC News, 20 October 2018.
  23. (en) « Elections Ireland: Referendums », sur www.electionsireland.org.
  24. (en) Résultats 37th Amendment Repeal of Blasphemy Offence