Rivière Mingan

fleuve canadien

La rivière Mingan est un cours d'eau de la Côte-Nord, au Québec (Canada) qui se jette dans le golfe du Saint-Laurent près d'Ekuanitshit.

Rivière Mingan
Illustration
Chute sur la rivière Mingan.
Caractéristiques
Longueur 117 kmVoir et modifier les données sur Wikidata
Bassin 2 330 km2Voir et modifier les données sur Wikidata
Pays traversés CanadaVoir et modifier les données sur Wikidata

Toponymie

modifier

La Commission de toponymie du Québec indique que le nom de cette rivière est attesté depuis au moins le xviiie siècle[1]. Cependant, le nom Mingan est beaucoup plus ancien ; une carte de 1631 identifie déjà un campement estival innu à l'embouchure de la rivière sous le nom de Mican. Trois théories concurrentes expliquent l'origine du nom :

  • En basque, mingain signifie « langue » ;
  • En breton, menguen ou maen gwenn signifie « pierre blanche »;
  • En innu-aimun, maikan réfère au loup[2].
Illustration d'une carte du 18e siècle qui montre la position du Québec, de l'est du Canada et des États-Unis.
La rivière Mingan est attestée sur une carte de 1775.

Sans la discréditer totalement, cette dernière acception est nuancée par Henri Dorion dans son ouvrage Les noms de lieux montagnais des environs de Mingan. Le géographe postule que premièrement, en innu-aimun « les noms d'animaux qui entrent dans la composition des toponymes sont en général associés à des formes verbales signifiant une action » tandis que « Mahikan » est composé uniquement du nom de l'animal; deuxièmement, les Innus prononcent bien « Mingan » et non « Mahikan » et troisièmement, les Innus ignoraient ce nom au xixe siècle, alors qu'Ekuantshit et ses variantes étaient dans l'usage. « Ecouanatchiou » est d'ailleurs relevée sur une carte de George Sproule[note 1] en 1768[3].

Les Innus nomment cette rivière Ekuantshiht Hipu[4], « rivière là où les choses s’échouent »[5], ou encore Memekuauhekau Hipu, « « la rivière du lac montagneux où sont les visages étroits »[6]

Milieu physique

modifier

Hydrographie

modifier
Chute Mingan, au nord d'Ekuanitshit.

La rivière prend sa source dans les hauts plateaux du bouclier canadien[1]. Elle se jette dans golfe du Saint-Laurent, près d'Ekuanitshit, au terme d'un parcours de 117 km et d'un dénivelé de 579 m[7]. Son cours est interrompu par la chute Mingan, à 9 km de l'embouchure.

Bassin versant

modifier

Le bassin versant de la rivière Mingan couvre une superficie de 2 330 km2. Son réseau hydrographique, de type angulaire, s'étend de part et d'autre de la rivière sur une largeur variant entre 20 et 30 km, emprunte un réseau de fractures de l'assise rocheuse peu altérable. Les tributaires présentent souvent des segments rectilignes qui bifurquent en angle droit[8].

L'affluent le plus important de la Mingan est la Manitou, qui s'y jette à 5 km de l'embouchure. Cette dernière est alimentée par le réseau des lacs Manitou, du Gros Diable et du Petit Diable qui totalisent 29,2 km2 de superficie. On compte les rivières Mitshem Kutshieu, Mingan Nord-Ouest et Mingan Nord-Est parmi les autres tributaires majeurs[8].

Hydrologie

modifier
L'eau salée remonte au-delà du pont de la route 138 en période d'étiage.

La rivière n'est pas couverte par une station hydrométrique[9]. À l'embouchure, on estime son débit moyen annuel à 66 m3/s. Il peut atteindre des pointes de 149 m3/s en crue et 16 m3/s en étiage. Les effets des marées sont perceptibles jusqu'à 1,5 km de l'embouchure en étiage[8].

Qualité de l'eau

modifier

La qualité bactériologique et physico-chimique de la rivière, telle qu'évaluée par l'indice IQBP du ministère de l'Environnement du Québec[10] est déclarée satisfaisante (valeur de 74), au terme de l'évaluation de six paramètres : concentration de matières en suspension, concentration d'azote ammoniacal, concentration en nitrites-nitrates, concentration de phosphore, saturation en oxygène dissous et turbidité. Ce dernier paramètre est celui qui tire le résultat vers le bas. La mesure de l'acidité (pH médian de 6,2) a été omise dans la composition de l'indice, considérant que la rivière s'écoule sur les roches cristallines du bouclier canadien et lessive l'humus des podzols[11].

Géologie et géomorphologie

modifier

Dans la portion amont de son cours, la rivière Mingan s'écoule dans une ancienne vallée encaissée en « V » formée lors de la dernière période glaciaire. La portion médiane est constituée d'une vallée glaciaire en « U » et le tracé y est parfois méandré. Le cours est beaucoup plus rectiligne, grugeant dans les dépôts meubles de la plaine côtière[7].

L'estuaire de la rivière Mingan, avec le delta submergé.

L'embouchure est constitué d'un estuaire long de 1,8 km et large de 420 m. Il prend la forme d'un delta submergé, nourri des sédiments provenant des zones d'érosion riparienne dans la plaine côtière[7].

Le sous-sol du bassin versant est principalement composé de roches magmatiques : de l'anorthosite, et, dans une moindre mesure, des granitoïdes. Au nord du bassin, le sol montre beaucoup d'affleurements rocheux et quelques dépôts de surface, des plaques de till discontinues, de profondeur inférieure à 1 m. Les sédiments fluvioglaciaires occupent les fonds des vallées plus importantes. Dans la plaine côtière, les sédiments argileux et limoneux issus du retrait de la mer de Goldthwait sont recouverts de sédiments sablonneux, d'orginie deltaïque ou estuarienne[8].

Climatologie

modifier

Compte tenu de son étendue, de son orientation nord-sud et de l'élévation graduelle de son niveau, le bassin versant de la rivière Mingan n’a pas un climat homogène. Une modélisation climatique permet d'estimer les températures moyennes à °C en bord de mer et −1 °C à l'extrémité nord du bassin versant, et les précipitations à 1 100 mm en bord de mer et 1 300 mm sur les plateaux[11].

La station météo de Rivière-Saint-Jean, opérée par Environnement Québec et située à 23 km à l'ouest de l'embouchure, indique une température moyenne de 1,4 °C et des précipations annuelles de 1 094 mm[11].

Milieu biologique

modifier

Végétation et flore

modifier

La portion côtière du bassin versant est couverte d'une sapinière à épinette noire ainsi que de quelques milieux humides, dont une tourbière de 2 km2. Le reste du bassin versant qui en compose la majeure partie est couvert d'une pessière noire à sapin et mousse. La proportion de sapin augmente en suivant un gradient nord-sud[12].

Peu bûchée et peu atteinte par les maladies[note 2], la forêt est considérée comme vierge et mature[12].

Poissons

modifier

La rivière Mingan est considérée comme étant une rivière à saumon atlantique. Les captures sportives observées ont diminué, possiblement en raison d'une baisse des populations de salmonidés. En 2010, une firme d'ingénierie recense 355 saumons en montaison. Le seuil de conservation inférieur à 100 %, selon les estimations d'œufs déposés[13].

On recense les espèces d'eau douce suivantes dans les eaux de la Mingan :

L'alose savoureuse fréquente la rivière Mingan.

Outre le saumon atlantique, les espèces migratoires suivantes fréquentent la Mingan :

Oiseaux

modifier

Moustiques

modifier

Histoire et culture

modifier

La rivière Mingan constitue l'un des trois cours d'eau qui forme l’assise du territoire patrimonial des Innus d'Ekuanitshit. Des fouilles réalisées à proximité d'une importante fosse à saumon ont révélé les traces de deux occupations datant de 1 800 et 2 000 ans avant le présent[14].

Croquis de la chute Mingan en 1863.

Une partie de la rivière Mingan a été retirée du domaine de l'État et concédée en seigneurie. La seigneurie est peu développée sous le régime français, mais prisée par les Britanniques et les Américains pour la pêche au saumon. La propriété privée est rachetée par le gouvernement du Canada lors de la Guerre du saumon, puis annexée à la réserve indienne de Mingan. Les Innus cessent alors toute pêche et ensemencent la rivière pendant plusieurs années[15]. Depuis 1991, ils exploitent une pourvoirie sur les rivières Mingan et Manitou[14].

Organisation et aménagement du territoire

modifier

Le bassin versant de la rivière Mingan est entièrement compris dans la Minganie, réparti entre le territoire non organisé de Lac-Jérôme, la ville de Havre-Saint-Pierre, la municipalité de Longue-Pointe-de-Mingan et la réserve indienne de Mingan (Ekuanitshit)[16].

Le schéma d'aménagement et de développement de la Minganie prévoit que le territoire est principalement affecté à des fins forestière (98,5 % du bassin versant), mais aussi à des fins de conservation (1,06 %) et récréative (0,41 %)[16]. À l'interface de la rivière et du golfe, trois aires de concentration d'oiseaux aquatiques[17] protègent les sites fréquentés par les oiseaux migrateurs.

Le bleuet nain est cultivé dans le bassin versant de la Mingan.

La production agricole de bleuets nains occupe 0,17 % de la superficie du bassin versant[16]. Autrement inhabité, on recense quelques poches résidentielles isolées dans le bassin versant, soit 45 baux de villégiature en terre publique ainsi que des habitations sur la flèche littorale. On n'y trouve aucune mine, mais 96 claims miniers sont actifs et couvrent 2,11 % du territoire[16].

Notes et références

modifier
  1. Voir Robert Fellows, « SPROULE (Sprowle), GEORGE » dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. V, 1983, Université Laval/Université de Toronto, 2003–, consulté le .
  2. À l'exception d'une infestation de l'arpenteuse de la pruche au tournant du millénaire.

Références

modifier
  1. a et b Commission de toponymie du Québec, « Rivière Mingan », Banque de noms de lieux du Québec, sur toponymie.gouv.qc.ca (consulté le )
  2. Commission de toponymie du Québec, « Mingan », Banque de noms de lieux du Québec, sur toponymie.gouv.qc.ca (consulté le )
  3. Henri Dorion, Les noms de lieux montagnais des environs de Mingan : contribution à la connaissance de la choronymie aborigène de la Côte-Nord, Québec, Les Presses de l'Université Laval, , 216 p. (lire en ligne), p. 48-50
  4. Commission de toponymie du Québec, « Ekuanitshiht Hipu », Banque de noms de lieux du Québec, sur toponymie.gouv.qc.ca (consulté le )
  5. « Ekuanitshit », Nametau innu : mémoire et connaissance du Nitassinan (consulté le )
  6. Commission de toponymie du Québec, « Memekuauhekau Hipu », Banque de noms de lieux du Québec, sur toponymie.gouv.qc.ca (consulté le )
  7. a b et c OBV Duplessis2015, p. 225.
  8. a b c et d OBV Duplessis2015, p. 225-226.
  9. Ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs, « Stations hydrométriques » (consulté le )
  10. Serge Hébert, Développement d’un indice de la qualité bactériologique et physico-chimique de l’eau pour les rivières du Québec, Québec, ministère de l’Environnement et de la Faune, Direction des écosystèmes aquatiques, coll. « envirodoq » (no EN/970102), , 20 p. (ISBN 2-550-31403-4, lire en ligne)
  11. a b et c OBV Duplessis2015, p. 227.
  12. a et b OBV Duplessis2015, p. 226-227.
  13. a b et c OBV Duplessis2015, p. 227-228.
  14. a et b Jean-Christophe Ouellet, « Le programme de recherches archéologiques d’Ekuanitshit (Mingan) : un exemple d’approche communautaire en archéologie nord-côtière (Québec) », Recherches amérindiennes au Québec, vol. 48, no 3,‎ , p. 11–29 (ISSN 0318-4137 et 1923-5151, DOI 10.7202/1062131ar, lire en ligne, consulté le )
  15. Gérald McKenzie et Thierry Vincent, « La « guerre du saumon » des années 1970-1980 : entrevue avec Pierre Lepage », Recherches amérindiennes au Québec, vol. 40, nos 1-2,‎ , p. 103–111 (ISSN 0318-4137 et 1923-5151, DOI 10.7202/1007501ar, lire en ligne, consulté le )
  16. a b c et d OBV Duplessis2015, p. 228.
  17. Des aires protégées de catégorie IV de l'UICN, fréquentées par des oies, des bernaches ou des canards lors des périodes de nidification ou de migration.

Annexes

modifier

Sur les autres projets Wikimedia :

Bibliographie

modifier

Document utilisé pour la rédaction de l’article : Les ouvrages cités ci-dessous ont été utilisés comme sources pour la rédaction de cet article :

  • Organisme de bassins versants Duplessis, chap. 21 « Portrait du bassin versant Mingan », dans Plan directeur de l’eau de Duplessis, Sept-Îles, Organisme de bassins versants Duplessis, , 225-232 p., PDF (lire en ligne), Analyse des bassins versants - Fiches-portraits. Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article

Articles connexes

modifier

Liens externes

modifier