« Ougarit » : différence entre les versions

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'''Ougarit''' (Ugarit en anglais ou en allemand, en [[ougaritique]] : [[:wiktionary:en:𐎜|𐎜]][[:wiktionary:en:𐎂|𐎂]][[:wiktionary:en:𐎗|𐎗]][[:wiktionary:en:𐎚|𐎚]]<ref>[http://www.crim.fr/em/alphabet/ougaritique.html Le nom de la ville] et l'alphabet ougaritique sur le site de l'[[Institut national des langues et civilisations orientales|INALCO]].</ref>'Ugarit''') est une ancienne cité du [[MoyenProche-Orient]], située dans l'actuelle '''Ras Shamra''' (initialement nommée Ras ech-Chamra, (« cap/colline du fenouil »), prèsà onze kilomètres au nord de [[Lattaquié]], dans l'actuelleen [[Syrie]]. CetteC'est la capitale de l'ancien royaume homonyme estqui situéea existé au croisement et{{-m|II|e}}, au débouchémoins d'uneenviron route1800 à 1185 av. J.-C., aux époques de l'âge du bronze moyen et récent. Les fouilles archéologiques qui jointy ont eu lieu depuis 1929 ont essentiellement concerné la [[Méditerranée]]dernière aupériode bassind'occupation [[mésopotamie]]ndu site, à la jonctionfin de l'[[Hittites|Empireâge hittite]]du aubronze nordrécent (v. 1350-1185 av. J.-C.) et ont permis d'accumuler une grande quantité de ladocumentation sphèreet d'influenceinformations [[Égyptesur ancienne|égyptienne]]cette au sudcité et dontle lroyaume qu'apogéeelle sedirigeait. situeElles sont complétées par les fouilles d'autres sites ayant appartenu au tournantroyaume, dunotamment {{le port de [[Minet el-m|II|e}}Beida]] et la résidence palatiale de [[Ras Ibn Hani]].
 
Le royaume d'Ougarit est d'une importance politique et militaire secondaire. Il est placé dans la mouvance des principaux royaumes dominant la Syrie : [[Yamhad|Alep]], puis sans doute le [[Mittani]], l'[[Nouvel Empire égyptien|Égypte]] et enfin les [[Hittites]] à partir des environs de 1350 av. J.-C. Il contrôle un territoire d'une taille limitée, organisé autour de la plaine littorale syrienne qui permet le développement d'une agriculture méditerranéenne prospère. Son importance dérive avant tout de sa position littorale et de son port, qui lui permet de servir d'interface entre la Syrie intérieure et les réseaux d'échanges qui se développent alors sur la Méditerranée orientale et le mettent en contact avec les ports du Levant central et méridional, l'Égypte, Chypre, la côte anatolienne et la [[civilisation mycénienne|Grèce mycénienne]].
== Fouilles ==
 
Les fouilles d'Ougarit ont permis de dégager un important palais royal, des temples, des résidences de tailles diverses donnant des informations sur les différentes couches de sa population. Elles ont également livré plus de {{formatnum:4000}} tablettes cunéiformes, dont la moitié approximativement est rédigée en [[akkadien]] (babylonien) [[cunéiforme]], la langue diplomatique et savante de l'époque et comprend notamment des textes sur les relations entre les rois d'Ougarit et leurs maîtres hittites, et l'autre dans l'[[alphabet ougaritique]], un [[alphabet]] cunéiforme développé à Ougarit au moins après 1250 av. J.-C., pour transcrire la langue locale, elle aussi nommée ougaritique. Cette ville est la plus ancienne connue à avoir employé un alphabet de manière courante. Cette documentation comprend notamment des textes mythologiques et rituels documentant la [[Religion ougaritique|religion locale]].
Le site d'Ougarit ne fut pas découvert directement, mais à la suite d'un incident survenu sur le site voisin de [[Minet el-Beida]], l'ancienne Mahadu, le port d'Ougarit. En 1928, un paysan de la famille Antar y découvrit une ancienne tombe, ce qui attira l'attention des archéologues français [[Claude Frédéric-Armand Schaeffer|C. Schæffer]] et [[René Dussaud|R. Dussaud]], qui fouillèrent le site, avant d'effectuer d'autres prospections dans les alentours<ref name="marguerite-Yvon-Ougarit-1928-1970-fouilles-Minet-el-beida">{{chapitre | langue = fr | nom1 = Yon | prénom1 = Marguerite | titre chapitre = Recherches {{date|1978}}-{{date-|1998}} à Ougarit | auteurs ouvrage = Marguerite Yon et al. | titre ouvrage = Ougarit au Bronze moyen et au Bronze récent | sous-titre ouvrage = Actes du colloque international tenu à Lyon en novembre {{date-|2001}} « Ougarit au II{{e}} millénaire av. J.-C. État des recherches » | éditeur = Maison de l'Orient et de la Méditerranée Jean Pouilloux | collection = Travaux de la Maison de l'Orient et de la Méditerranée | volume = 47 | lieu = Lyon | année = 2008 | passage = page 17 à 25 | consulté le = 12 septembre 2016 | lire en ligne = http://www.persee.fr/doc/mom_1955-4982_2008_act_47_1_2513}}.</ref>. Ils mirent alors au jour les ruines d'Ougarit, sur le [[Tel (archéologie)|tell]] le plus important de la région de Lattaquié, Ras Shamra<ref name="Ras-shamra-Ougarit-tell-schaeffer-dussautlt-bahnassi">{{chapitre | langue = fr | prénom1 = Afif | nom1 = Bahnassi | prénom2 = C. | nom2 = Schaeffer-Forrer | titre chapitre = [[Ras Shamra]] {{date-|1929}}-{{date-|1979}}, par la Mission Archéologique de Ras Shamra | auteurs ouvrage = Afif Bahnassi, [[Adnan Bounni]], C. Schæffer et al. | titre ouvrage = Les périodes anciennes Ougarit. Urbanisme et topographie | sous-titre = Principaux quartiers et monuments du bronze récent, XV{{e}} - XIII{{e}} s. | éditeur = Maison de l'Orient et de la Méditerranée Jean Pouilloux | collection = Collection de la Maison de l'Orient | volume = Hors série 3 | lieu = Lyon | année = 1979 | pages totales = 52 | consulté le = http://www.persee.fr/doc/mom_0243-8046_1979_rpm_3_1}}.</ref>. Les fouilles se poursuivent depuis, dirigées par des équipes d'archéologues français jusqu'aux années 1970, puis une équipe franco-syrienne qui a étendu les recherches dans tout l'arrière-pays d'Ougarit<ref name="marguerite-Yvon-Ougarit-1928-1970-fouilles-Minet-el-beida"/>. Si le site de [[Minet el-Beida]] est actuellement impossible à fouiller en raison de la proximité d'une base navale, un autre site important de l'ancien royaume d'Ougarit est celui de [[Ras Ibn Hani]]<ref name="adnan-bounni-jacques-lagarce-découverte-ras-ibn-hani">{{article | langue = fr | nom1 = Bounni | prénom1 = Adnan | lien auteur1 = Adnan Bounni | nom2 = Lagarce | prénom2 = Elisabeth | nom3 = Lagarce | prénom3 = Jacques | nom4 = Saliby | prénom4 = Nassib | titre = Rapport préliminaire sur la deuxième campagne de fouilles (1976) à Ibn Hani (Syrie). | périodique = Syria | volume = Tome 55 | numéro = fascicule 3-4 | année = 1978 | passage = pages 233-301 | DOI = 10.3406/syria.1978.6640 | consulté le = 11 septembre 2011 | lire en ligne = http://www.persee.fr/doc/syria_0039-7946_1978_num_55_3_6640}}.</ref>, situé le long de la mer à {{unité|5|kilomètres}} au sud-ouest de Ras Shamra, où se trouvent deux palais construits pour la famille royale<ref name="palais-royal-ugarit-ras-ibn-hani">{{article | langue = fr | nom1 = Lagarce | prénom1 = Jacques | nom2 = Lagarce | prénom2 = Élisabeth | titre = Découvertes archéologiques à Ras Ibn Hani près de Ras Shamra | sous-titre = un palais du roi d'Ugarit, des tablettes inscrites en caractères cunéiformes, un établissement des peuples de la mer et une ville hellénistique. | périodique = Comptes rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres | volume = {{122e|année}} | numéro = 1 | année = 1978 | passage = pages 44-65 | DOI = 10.3406/crai.1978.13434 | consulté le = 11 septembre 2016 | lire en ligne = http://www.persee.fr/doc/crai_0065-0536_1978_num_122_1_13434}}.</ref>. Le site même de Ras Shamra n'a encore été fouillé que sur 1/6 de sa superficie. On y a dégagé les principaux monuments, mais aussi des quartiers d'habitation. L'architecture de la cité était essentiellement faite en pierre, ce qui a assuré une bonne conservation de tout le bâti, et donne à ce site un attrait [[tourisme|touristique]] non négligeable. Une autre raison du succès des fouilles de ce site est l'abondante documentation en tablettes [[cunéiforme]]s<ref name="palais-royal-ugarit-ras-ibn-hani"/>, dans plusieurs langues, qui y a été exhumée<ref name="marguerite-Yvon-Ougarit-1928-1970-fouilles-Minet-el-beida"/>. Le site est fouillé de manière clandestine depuis le début de la guerre en Syrie, et a fait l'objet par l'UNESCO d'une inscription sur la liste du patrimoine en péril en juin 2013.
 
Au début du {{-s|XII}}, vers 1185 av. J.-C., Ougarit est détruite et pillée, et disparaît au même moment que les [[Hittites]]. Cette destruction survient dans le contexte de l'[[effondrement de l'âge du bronze récent]], et est peut-être causée par les [[Peuples de la mer]] qui attaquent l'Égypte au même moment. À la suite de ces événements, la ville est désertée et le royaume n'est pas reconstitué. Le site de Ras Shamra sera repeuplé de manière sporadique durant l'Antiquité, mais ne redeviendra jamais une ville importante.
== Le royaume ==
[[Fichier:Syrie hittite.svg|thumb|upright=2.0|left|Ougarit et les principaux sites de la [[Syrie]] sous la domination [[hittites|hittite]] ({{-s|XIII|e}})]]
 
== Fouilles et redécouverte ==
=== Histoire ===
Un sondage archéologique a fait remonter l'habitat à Ougarit au [[Néolithique du Proche-Orient|Néolithique]]. Mais les fouilles n'ont concerné que la période du Bronze Récent, entre le {{-sp-|XIV|e|et le|XII|e}} Avant cette période, la ville est mentionnée dans les archives de [[Mari (site archéologique)|Mari]] (v. 1810-1760). Cette ville est alors vassale du puissant royaume du [[Yamkhad]] ([[Alep]]), et le roi de Mari, [[Zimri-Lim]], allié du roi d'Alep, y effectue un voyage.
 
[[Fichier:Ifpo 22953 Syrie, gouvernorat de Lattaquié, district de Lattaquié, Ras Shamra, vue aérienne verticale (cropped).jpg|vignette|Vue aérienne du site de Ras Shamra en 1933, période des premières campagnes de fouilles.]]
Notre connaissance de l'histoire d'Ougarit n'est bonne qu'à partir du milieu du {{-s-|XIV|e}}. Ce royaume est alors dirigé par [[Ammistamrou Ier|Ammistamrou I{{er}}]] et est un vassal de l'[[Égypte antique|Égypte]]. Le roi suivant, [[Niqmaddou II]], passe sous la domination [[Hittites|hittite]] quand le roi de cet État, [[Suppiluliuma Ier|Suppiluliuma {{Ier}}]], soumet la [[Syrie]] du Nord. Il conclut un traité de vassalité avec son nouveau suzerain. Son fils [[Ar-Halba]] participe à une révolte de vassaux syriens contre le roi hittite suivant, [[Mursili II]], qui réussit à vaincre les rebelles. Ar-Halba est alors détrôné par son frère [[Niqmepa]] (1332-1260), qui se soumet à Mursili II, et conclut un nouveau traité avec lui.
 
La redécouverte du royaume d'Ougarit commence par celle du site de [[Minet el-Beida]], quand au début de l'année 1928 un paysan labourant son champ met au jour une tombe. La Syrie étant alors sous mandat français, les autorités françaises conduisent un premier repérage qui débouche sur l'organisation d'une mission archéologique. Le directeur des Antiquités orientales du Louvre, [[René Dussaud]], en confie la direction à [[Claude Schaeffer]], jusqu'alors spécialisé dans la préhistoire européenne, avec la charge d'explorer également le tell voisin de Ras Shamra. Des tablettes d'argile portant des signes cunéiformes y sont rapidement découvertes et connaissent un retentissement important puisqu'il ne s'agit pas uniquement de l'habituel cunéiforme composé de centaines de signes syllabiques et logographiques, mais aussi d'une forme inconnue jusqu'alors composée de biens moins de signes. Grâce aux travaux combinés de [[Hans Bauer (philologue)|Hans Bauer]], [[Édouard Dhorme]] et [[Charles Virolleaud]], on comprend assez vite qu'il s'agit d'un alphabet de type ouest-sémitique semblable aux alphabets phénicien et hébraïque, écrit dans une langue locale elle aussi de type ouest-sémitique. Son déchiffrement donne une nouvelle dimension à l'exploration du site en permettant la redécouverte de l'inattendue civilisation ougaritique<ref>Marguerite Yon, « Histoire des fouilles : 1929-1934 », dans {{harvsp|id=EXPO04|Galliano et Calvet (dir.)|2004|p=69-74}}.</ref>{{,}}<ref>Sur le déchiffrement : {{en}} K. J. Cathcart, « The Decipherment of Ugaritic », dans {{harvsp|id=HBK|Watson|Wyatt (dir.)|1999|p=76-80}} ; {{Chapitre|langue=fr|auteur=Pierre Bordreuil|titre=L'alphabet ougaritique |auteurs ouvrage= Brigitte Lion et Cécile Michel (dir.)| titre ouvrage =Les écritures cunéiformes et leur déchiffrement| lieu =Paris| éditeur=De Boccard | année= 2008|passage=129-138}}.</ref>.
Après cet épisode, les rois d'Ougarit demeurent des vassaux fidèles aux Hittites, qu'ils soutiennent dans les différents conflits qu'ils mènent, notamment contre l'Égypte. À la mort de Niqmepa, son fils [[Ammistamrou II]] (1260-1230) monte sur le trône d'Ougarit. Son règne est marqué par l'épisode de son divorce avec la fille du roi [[Bentesina]] d'[[Amurru (royaume)|Amurru]], autre vassal des Hittites. Après la mort d'Ammistamrou II, [[Ibiranou]] (1230-1210) lui succède, puis [[Niqmaddou III]] (1210-1200). À cette période, ce sont les rois de [[Karkemish]], issus de la lignée royale hittite, qui assurent généralement le contrôle de la Syrie par le Hatti. Ils interviennent donc à l'occasion dans les affaires du royaume d'Ougarit. C'est aussi de ce moment que datent la plupart des sources épigraphiques retrouvées à Ras-Shamra.
 
Les fouilles de Minet el-Beida sont arrêtées dès 1935, alors qu'elle se poursuivent à Ras Shamra jusqu'en 1939 quand la guerre contraint la mission française à quitter la Syrie. Sur cette période, elles se concentrent surtout sur le point culminant du site, l'Acropole, qui livre de nombreux objets et quelques quartiers d'habitations situés en contrebas. La zone du palais commence à être explorée<ref name=expo0474>Marguerite Yon, « Histoire des fouilles : 1929-1934 », dans {{harvsp|id=EXPO04|Galliano et Calvet (dir.)|2004|p=74}}.</ref>.
Un certain [[Ammourapi]] est roi de la ville au début du {{-s-|XII|e}}. C'est alors que surviennent les invasions de ceux que l'on nomme les [[Peuples de la mer]]. C'est durant cette période chaotique, qui voit la destruction du royaume hittite et de nombreuses villes syriennes, qu'Ougarit est prise, pillée et détruite. Elle sera habitée par la suite par des paysans éleveurs de chèvres qui se servirent des habitats présents, comme en attestent les auges retrouvées, en les reconstruisant sommairement.
 
La Syrie devient indépendante en 1946. La mission archéologique française revient dès 1948 mais les travaux de grande ampleur ne sont autorisées par les nouvelles autorités qu'en 1950. Elles s'attellent surtout dans un premier temps à dégager le palais royal, ce qui offre une nouvelle moisson d'objets et de tablettes. Les fouilles s'étendent aussi aux grands bâtiments voisins. Puis à partir de 1959 deux grandes tranchées sont ouvertes dans les zones résidentielles (ville sud et sud-acropole). En 1960, des équipes syriennes dirigées par Adnan Bounni et Nassib Saliby fouillent aussi une installation d'eau d'époque romaine. La quantité de documentation disponible devient considérable<ref name=expo0474/>.
=== Organisation politique ===
 
De 1971 à 1974 la direction des fouilles est reprise par [[Henri de Contenson]], puis en 1975 à 1976 [[Jean-Claude Margueron]] prend sa suite. Cette période voit le dégagement de nouvelles zones, et l'achèvement d'un grand sondage à l'ouest de l'Acropole (1962-1976) qui a permis d'aller jusqu'aux origines de l'occupation du site, à l'époque néolithique. En 1978, [[Marguerite Yon]] prend la direction des fouilles, jusqu'en 1998. L'étude de la topographie urbaine se poursuit par l'ouverture de nouveaux chantiers (centre de la ville, sud-centre où se trouve la maison d'Ourtenou)<ref>Marguerite Yon, « Histoire des fouilles : 1929-1934 », dans {{harvsp|id=EXPO04|Galliano et Calvet (dir.)|2004|p=74-75}}.</ref>.
Le premier personnage du royaume ougaritique est le roi (ougaritique ''mlk''). Selon l'idéologie commune aux États de l'Orient ancien, il est à son poste parce qu'il a été choisi par les dieux (les dieux ayant un aspect souverain étant [[El (dieu)|El]] et [[Baal]]). Il dirige l'administration, la justice, et en théorie l'armée, mais on voit rarement des souverains ougaritiques exercer une activité militaire. Le roi n'a de toute manière que peu d'autonomie concernant sa politique internationale, qui est dictée par son suzerain hittite.
 
Les fouilles ont livré une grande quantité de documentation, épigraphique et autre, qui sont publiées dès les débuts des fouilles dans diverses publications<ref>{{lien web |titre=Publications |url=https://www.mission-ougarit.fr/parutions/ |site=mission-ougarit.fr |consulté le=30-10-2023}}.</ref>{{,}}<ref>Marguerite Yon, « Histoire des fouilles : 1929-1934 », dans {{harvsp|id=EXPO04|Galliano et Calvet (dir.)|2004|p=74-76}}.</ref>. Les rapports de fouilles sont publiés chaque année dans la revue ''Syria'', et d'autres études paraissent dans diverses revues. De 1939 à 1969 la série ''Ugaritica'' (6 volumes) se spécialise dans la publication d'articles sur l'analyse des données issues des fouilles du site. De 1955 à 1970 la série ''Palais Royal d'Ugarit'' (5 volumes, numérotés de 2 à 6) sert pour les éditions de tablettes mises au jour dans le palais royal et les bâtiments voisins. Un des axes des recherches initiées à partir de 1978 a aussi consisté à exploiter les données des fouilles antérieures qui n'avaient pas été publiées. En 1983 débute la série ''Ras Shamra - Ougarit'' (28 volumes en 2021), qui comprend des monographies et des ouvrages collectifs. La fin de cette phase voit la publication d'importantes synthèses sur le site{{sfn|id=RLA|Yon dans RLA|2015|p=291}}, par Marguerite Yon{{sfn|Yon|id=YON|1997b}}{{,}}{{sfn|Yon|2006}}, [[Gabriel Saadé]]{{sfn|Saadé|2011}} et sous forme collective dirigée par Wilfred Watson et Nicolas Wyatt{{sfn|id=HBK|Watson|Wyatt (dir.)|1999}}.
L'entourage direct du roi est formé par sa famille, et les hauts dignitaires du royaume. La reine (''mlk.t'') est l'épouse principale du roi, et elle garde ce titre jusqu'à sa mort, même si son mari s'éteint avant elle. C'est la mère de l'héritier du trône, désigné par son père de son vivant.
 
Les campagnes de fouilles se sont étendues à d'autres sites de la région de Lattaquié potentiellement intégrés ou du moins contemporains du royaume d'Ougarit. Dès 1934 le suisse Emile Forrer réalise des sondages à Qal'at er-Russ et Tell Soukas dans la plaine de Jablé, mais cette période est surtout marquée par les fouilles entreprises à Al-Mina par le britannique [[Leonard Woolley]], qui livrent un site commercial de première importance, postérieur à Ougarit puisqu'il date de l'âge du fer. L'exploration de la région s'intensifie et s'internationalise à partir de la fin des années 1950. De 1958 à 1963 une équipe danoise dirigée par Paul J. Riis sonde et fouille trois sites de la plaine de Jablé, Tell Soukas, Tell Darrouk et Arab el-Mouk, qui couvrent différentes phases de l'histoire de la région. Au pied du Djebel Aqra, le site de Rass el-Bassit est fouillé sous la direction de Paul Courbin à partir de 1970. En 1977 c'est le site de Ras Ibn Hani, voisin de Ras Shamra, qui commence à être fouillé par des équipes syro-françaises dirigées par [[Adnan Bounni]] et Jacques Lagarce, qui y dégagent notamment deux palais et des fortifications de l'époque du royaume d'Ougarit. Les prospections conduites par Gabriel Saadé dans la plaine de Lattaquié permettent d'approfondir les connaissances sur le passé de la région. Dans les années 1990 les équipes syriennes entreprennent la fouille de Tell Siyannou dans la région de Jablé, qui présente une longue occupation et est mentionné dans les textes d'Ougarit sous le même nom de Siyannou. D'autres sites voisins sont fouillés : Tell Toueini par une mission syro-belge co-dirigée par Karel Van Lerberghe et Tell Iris par Antoine Souleiman. Une équipe syro-japonaise co-dirigée par Akira Tsuneki reprend en 2000 l'exploration de Ras el-Bassit et Nahr er-Russ. Un programme syrien d'ampleur régionale visait aussi à explorer le littoral sous-marin et à inventorier les sites côtiers<ref>Michel Al-Maqdissi, « 75 ans de recherches archéologiques dans le royaume d'Ougarit », dans {{harvsp|id=DA|Dossiers d'archéologie|2004|p=10-15}}.</ref>.
Au niveau administratif, le personnage principal est le premier ministre (''skn''). Le royaume est divisé en plusieurs districts. L'administration locale est aux mains de « maires », agents du pouvoir royal, servant de relais avec les autorités des communautés locales, qui semblent être des conseils d'Anciens, ou bien de notables.
 
En 1999 la mission archéologique de Ras Shamra devient syro-française et est confiée à Yves Calvet côté français et Bassam Jamous côté syrien, qui en assurent la direction jusqu'en 2008. Après cela les responsables sont Valérie Matoïan et Jamal Haydar, jusqu'à l'interruption des chantiers en 2011 en raison de la guerre civile syrienne. Les fouilles reprennent avec la seule partie syrienne en 2014 sous la direction de Khozama al-Bahloul<ref>{{Lien web|langue=fr|url= https://www.ras-shamra.ougarit.mom.fr/geographie.html|auteur=Valérie Matoïan|titre= Un des chantiers historiques de l’archéologie levantine|site=Mission archéologique syro-française de Ras Shamra - Ougarit| date=décembre 2016|consulté le=6 août 2023}}.</ref>. Côté français les recherches se sont poursuivies en se réorientant du fait de l'impossibilité de fouiller le site<ref>{{Article|langue=fr| auteur=Valérie Matoïan |titre= La mission archéologique de Ras Shamra - Ougarit aujourd’hui |périodique=Les nouvelles de l'archéologie |volume= 144 | année=2016|passage= 38-42|lire en ligne= http://journals.openedition.org}}.</ref>{{,}}<ref>{{Ouvrage|langue=fr|auteur=Valérie Matoïan (dir.) |titre=Ougarit, un anniversaire. Bilans et recherches en cours|collection=Ras Shamra – Ougarit |numéro dans la collection=XXVIII|éditeur= Peeters|lieu=Louvain|année= 2021}}.</ref>.
=== Société ===
 
== Histoire du royaume d'Ougarit ==
La société ougaritique est d'après les textes divisée en deux groupes : les « hommes du roi » et les « fils d'Ougarit ».
 
Absente de la documentation écrite du {{-m|III|e}}, Ougarit est mentionnée dans les archives de [[Mari (site archéologique)|Mari]] (v. 1810-1760 av. J.-C.) puis celles d'[[Alalakh]] ({{-s|XVII|e}}), au Bronze moyen{{sfn|id=RLA|van Soldt dans RLA|2015|p=280}}. La ville a peut-être fait l'objet d'une refondation vers 1800 av. J.-C., à l'initiative d'un groupe amorrite (l'ethnie la plus répandue en Syrie à cette époque)<ref>{{Ouvrage|langue=en|auteur= Mary E. Buck|titre= The Amorite Dynasty of Ugarit|sous-titre= Historical Implications of Linguistic and Archaeological Parallels |éditeur=Brill|lieu=Leyde et Boston|année= 2020}}.</ref>. Des tablettes du bronze récent comprennent des noms d'anciens rois d'Ougarit qui reçoivent un culte funéraire, les plus anciens remontant probablement à cette période. Faute de sources complémentaires, il est impossible d'en savoir plus sur ces personnages<ref>{{Article|langue=fr|auteur=Daniel Arnaud|titre=Prolégomènes à la rédaction d’une histoire d’Ougarit II: Les bordereaux de rois divinisés |périodique= Studi micenei ed egeo-anatolici|volume= XXXXI |année= 1998|passage= 107-109}}.</ref>{{,}}{{sfn|Pardee|2002|p=195-202}}. Les textes de Mari indiquent que cette cité est alors vassale du puissant royaume du [[Yamhad]] ([[Alep]]), et le roi de Mari, [[Zimri-Lim]], allié du roi d'Alep, y effectue un voyage durant lequel il rencontre son roi. Il entre aussi en contact avec des marchands crétois, ce qui semble indiquer que la ville est déjà un centre important pour le commerce international<ref>{{Article| langue=fr|auteur=Pierre Villard|titre=Un voyage du roi de Mari à Ugarit| périodique=Ugarit Forschungen|volume=18|année=1986 |passage=387-412 }}</ref>.
Les premiers sont les membres de l'administration palatiale, dépendant donc du souverain. Ils exercent un métier en relation avec le palais. Ce sont donc des administrateurs, des artisans, des marchands, qui sont rétribués en rations ou en champs de subsistance. Dans ce dernier cas, la terre est attachée au service, même s'il semble que ces terres tendent à être appropriées par les tenanciers qui tentent de les faire passer à leur successeur.
Le second groupe est composé essentiellement de ruraux, vivant dans des communautés villageoises et travaillant pour leur propre compte sur des champs leur appartenant.
 
Ougarit est surtout connue pour l'âge du Bronze récent (v. 1500-1200 av. J.-C.), en particulier durant ses dernières phases, les premières décennies étant très mal documentées{{sfn|id=RLA|van Soldt dans RLA|2015|p=280}}.
Ces deux ensembles ne sont pas strictement opposés : certains personnages de rang notable peuvent exercer un service pour le compte du souverain, et donc rentrer dans la première catégorie, tout en ayant à côté des propriétés qu'ils exploitent librement.
 
{{encadré texte|align=left|width=175px|texte=[[Ammistamrou Ier|Ammistamrou {{Ier}}]] (?-1350) <br> [[Niqmaddou II]] (1350-1315) <br> [[Ar-halba]] (1315-1313)<br>[[Niqmepa]] (1315-1260) <br> [[Ammistamrou II]] (1260-1235) <br> [[Ibiranou]] (1235-1225/20)<br> [[Niqmaddou III]] (1225/20-1215/1200)<br> [[Ammourapi]] (1215/1200-1190/85)|légende=Les rois d'Ougarit à la fin du Bronze récent (dates av. J.-C., approximatives et débattues){{sfn|Lackenbacher|2002|p=357}}{{,}}{{sfn|id=RLA|van Soldt dans RLA|2015|p=280-281}}.}}
À côté du groupe des hommes libres, il existait aussi une classe servile, sans doute assez limitée en nombre.
[[Fichier:Syrie hittite.svg|thumb|Ougarit et les principaux sites de la [[Syrie]] sous la domination [[hittites|hittite]] ({{-s|XIII|e}})]]
[[Fichier:Moyen Orient 13e siècle.svg|thumb|La situation géopolitique du Moyen-Orient et de la Méditerranée orientale au début du {{s-|XIII}}.]]
 
Il n'y a pas de preuve directe que le [[Mittani]], puissance dominant la Syrie au début de la période, ait dominé Ougarit, même si cela a souvent été supposé. La cité semble passer sous la domination égyptienne durant le règne d'[[Amenhotep III]], dans la première moitié du {{-s|XIV}} Des fragments de lettres provenant d'Ougarit ont été mises au jour à [[Tell el-Amarna]], parmi la correspondance des vassaux levantins de l'Égypte ([[Lettres d'Amarna]]), notamment une adressée par le roi [[Ammistamrou Ier|Ammistamrou {{Ier}}]] (EA 45) et une autre par son successeur [[Niqmaddou II]] (EA 49){{sfn|id=RLA|van Soldt dans RLA|2015|p=280}}.
=== Économie ===
==== Agriculture ====
 
Cette période correspond au moment où la Syrie passe sous la coupe des [[Hittites]], dirigés par [[Suppiluliuma Ier|Suppiluliuma {{Ier}}]]. Niqmaddou II (v. 1350-1315) passe sous sa domination, et conclut un traité de vassalité avec son nouveau maître. Ce changement d'allégeance lui permet notamment de pacifier ses relations avec le royaume de Mukish (dont la capitale est [[Alalakh]]), autre vassal des Hittites, et de fixer leur frontière commune{{sfn|id=RLA|van Soldt dans RLA|2015|p=280-281}}.
L'activité principale d'Ougarit était l'agriculture. Le territoire du royaume était un très bon terroir agricole, propice à la culture de la « trilogie méditerranéenne » : [[céréale]]s, [[vigne]] et [[Olivier (arbre)|olivier]]s.
 
Son fils et successeur [[Ar-halba]] (v. 1315-1313) participe à une révolte de vassaux syriens contre le roi hittite suivant, [[Mursili II]], qui réussit à vaincre les rebelles. Ar-Halba est alors remplacé par son frère [[Niqmepa]] (v. 1315-1260), qui se soumet à Mursili II, et conclut un nouveau traité avec lui. Les frontières avec le Mukish sont alors confirmées à nouveau, mais Ougarit perd pour des raisons non déterminées la suzeraineté qu'elle exerçait jusqu'alors sur les royaumes situés au sud du sien, Siyannou et Oushnatou (qui semblent en fait avoir un unique souverain). Elle se voit cependant accorder un allègement de son tribut. Ougarit est mentionné par [[Ramsès II]] parmi les participants à la coalition hittite qu'il affronte à [[Bataille de Qadesh|Qadesh]]. Après cette période que la domination hittite sur la Syrie s'exerce avant tout par l'intermédiaire des « vices-rois » de [[Karkemish]]{{sfn|id=RLA|van Soldt dans RLA|2015|p=281}}.
Les champs pouvaient soit appartenir au palais, soit être la possession de particuliers. Dans le premier cas, ils étaient soit attribués à titre de champ de subsistance à un particulier en échange d'une fonction (administrative, militaire, commerciale, artisanale) exercée pour le compte du palais, soit concédés à des fermiers. Les terres en dehors des possessions du palais, sur lesquelles nous ne sommes que très peu renseignés, étaient sans doute exploitées de manière indépendante.
 
À la mort de Niqmepa, son fils [[Ammistamrou II]] (v. 1260-1235) monte sur le trône d'Ougarit. Son règne est marqué par l'éviction de deux de ses frères, peut-être à l'initiative de la reine-mère Ahat-milkou, et l'épisode de son divorce avec la fille du roi [[Bentesina]] d'[[Amurru (royaume)|Amurru]], autre vassal des Hittites, qui cause des remous parce qu'elle est manifestement liée par sa mère à la famille royale hittite{{sfn|id=RLA|van Soldt dans RLA|2015|p=281}}. [[Ibiranou]] (v. 1235-1210) lui succède, puis [[Niqmaddou III]] (1220-1200), dont l'épouse est apparemment une princesse hittite{{sfn|id=RLA|van Soldt dans RLA|2015|p=281}}.
Le terroir était organisé selon l'association d'une maison avec une terre, selon le système de « maisonnée ». Il existait aussi une unité économique agricole plus importante, appelée ''gt'' (littéralement « tour », sans doute organisée autour d'une ferme fortifiée).
 
[[Ammourapi]] (v. 1200-1185) est roi d'Ougarit au moment de sa chute. L'empire hittite se désagrège dans des circonstances inconnues, et c'est dans ce contexte que la ville d'Ougarit et d'autres sites du royaume et des pays voisins subissent des destructions plus ou moins importantes. Après cela, la capitale est abandonnée, alors que les autres sites sont réoccupés. Il est généralement considéré que c'est dû à des assauts des groupes de maraudeurs l'on nomme les « [[Peuples de la mer]] » d'après un texte égyptien légèrement postérieur, mais sans preuve décisive. Des lettres de la dernière époque d'Ougarit mentionnent néanmoins des attaques d'ennemis non nommés qui se déplacent sur des bateaux{{sfn|id=RLA|van Soldt dans RLA|2015|p=281}}{{,}}<ref name=cline>{{Ouvrage |langue=fr |auteur1=[[Eric H. Cline]] |titre=1177 avant J.-C. Le jour où la civilisation s’est effondrée |éditeur=La Découverte |collection=Poche |année=2016 |passage=127-133}}</ref>.
==== Commerce ====
 
== Le site archéologique d'Ougarit (Ras Shamra) ==
[[Fichier:Mycenaean stirrup vase Louvre AO19201.jpg|thumb|Vase à étrier mycénien, XIVe-XIIIe siècles av. J.-C., importé à Ougarit.]]
 
=== Phases anciennes ===
Ougarit dispose d'une position géographique privilégiée pour le commerce maritime, car il s'agit du seul port du littoral nord de la [[Syrie]], entre [[Byblos]] et la [[Cilicie]]. De ce fait, c'est le seul débouché maritime possible pour toute la région du Moyen [[Euphrate]]. À côté de cela un commerce terrestre actif existait aussi le long du littoral méditerranéen, mais aussi vers l'intérieur des terres. Ougarit en tirait au Bronze récent un très grande prospérité, ce qui explique la grande richesse de cette ville à l'époque des sources qui nous documentent le mieux sur elle.
{{Article connexe|Préhistoire du Levant}}
 
Deux sondages ont fait remonter l'habitat sur le site de Ras Shamra au [[Néolithique du Proche-Orient|Néolithique]], en identifiant un niveau (V C) pour le [[PPNB]] tardif (v. 7500-7000 av. J.-C.) des traces d'habitat et des objets, notamment des silex et du mobilier lourd, et des indications que l'agriculture est pratiquée dès les niveaux les plus anciens, ainsi que l'élevage, même si la chasse et la pêche restent à ce stade prépondérants pour la subsistance. La céramique apparaît durant la seconde période connue (V B, v. 7000-6500) sous les formes caractéristiques des débuts de cet artisanat en Syrie, d'abord une céramique grossière (''Soft ware'') puis une céramique lustrée monochrome (''Dark Faced Burnished Ware''). Cette période voit aussi l'apparition d'indices d'une activité de tissage (fusaïoles). Par la suite (niveau V A, 6500-6000) la céramique peinte apparaît, l'usage de la chaux se développe (vaisselle blanche). La place de l'agriculture et de l'élevage augmente avec le temps<ref>{{Ouvrage | langue=fr | prénom1=Olivier | nom1=Aurenche | prénom2=Stefan K. | nom2=Kozlowski | titre=La naissance du Néolithique au Proche-Orient | lieu=Paris | éditeur=[[CNRS Éditions|CNRS Editions]] | collection=Biblis | année=2015 | passage=331-332}}</ref>{{,}}<ref name=cot92/>{{,}}<ref>Yves Calvet et Henri de Contenson, « L'histoire du site : du néolithique à l'époque perse », dans {{harvsp|id=EXPO04|Galliano et Calvet (dir.)|2004|p=36}}.</ref>.
Le commerce concernait des produit divers : [[vin]], [[huile d'olive]], matières textiles et des colorants pour les produits exportés par Ougarit, tandis que d'autres produits, comme le [[cuivre]] [[Île de Chypre|chypriote]] ou d'autres métaux provenant d'[[Anatolie]] transitaient par ce port. De nombreux objets provenant de divers endroits du monde méditerranéen ([[Égypte antique|Égypte]], [[Île de Chypre|Chypre]], [[Civilisation mycénienne|Grèce mycénienne]]) ont été découverts lors des fouilles de Ras Shamra et Minet el Beida.
 
Le site a également fourni des indications d'occupations à la fin du Néolithique (niveau III C, v. 5500-4500) et au début du [[Chalcolithique]] (niveau IV, 4500-4000), périodes durant lesquelles se décèle l'influence des cultures de [[culture de Halaf|Halaf]] puis d'[[Période d'Obeid|Obeid]]. L'habitat se complexifie, la métallurgie du cuivre apparaît. Le secteur sondé est ensuite abandonné pendant environ un millénaire, l'occupation reprenant au Bronze ancien (niveau III A, v. 3000-2000). Le site se dote de caractéristiques urbaines : mur d'enceinte, rues, architecture en pierre. L'artisanat céramique et métallurgique se développent, ainsi que les échanges avec les régions voisines (vallée de l'Oronte, Levant méridional). Vers 2200 la région connaît une crise, et le site semble abandonné un temps<ref>Yves Calvet et Henri de Contenson, « L'histoire du site : du néolithique à l'époque perse », dans {{harvsp|id=EXPO04|Galliano et Calvet (dir.)|2004|p=36-37}}.</ref>{{,}}<ref name=cot92>{{Ouvrage|langue=fr|auteur1=[[Henri de Contenson]]|titre=Préhistoire de Ras Shamra|lieu=Paris|éditeur=Études et Recherche sur les Civilisations|date=1992|pages totales=424 (vol I)|isbn=9782865382323}}</ref>.
Les marchands (''mkr'') faisaient partie de la catégorie des « hommes du roi », qui accomplissaient un service pour le compte du palais en échange d'une rétribution en ration ou un champ de subsistance. Mais rien ne les empêchait de faire des affaires pour leur propre compte à côté. Les marchands avaient également une activité financière, et effectuaient des prêts. Ils étaient organisés en firmes familiales, disposant de plusieurs intermédiaires dans d'autres places commerciales. À l'inverse, des marchands étrangers s'installaient à Ougarit, ville très attractive pour l'exercice du commerce à longue distance.
 
<gallery mode="packed" heights="140px" caption="Objets des phases anciennes provenant de Ras Shamra">
== La ville ==
Pierre polie - Ras Shamra Neolithique - MAN.jpg|Pierre polie du Néolithique. [[Musée d'archéologie nationale]].
Cachet steatite Ras Shamra AO11423.jpg|Sceau-cachet en stéatite avec impression moderne, motifs géométriques, niveaux récents du Néolithique. [[Musée du Louvre]].
Sceau Ras Shamra AO18557.jpg|[[Sceau-cylindre]] en chlorite avec impression moderne, représentant un défilé de bêtes à cornes et d'autres motifs, notamment un petit personnage assis. Fin du {{-m|IV|e}} [[Musée du Louvre]].
</gallery>
 
Après 2000, au début du Bronze moyen (niveau II), le site connaît un renouveau. Plusieurs groupes de populations ont été identifiés lors des fouilles anciennes en fonction de critères matériels : les « creuseurs de silos », les « porteurs de torques », les « bâtisseurs de caveaux »<ref>{{Chapitre|langue=fr|auteur= Joël Mallet|titre=Chronologie et peuplement de l’Ougarit du Bronze moyen (fin du {{IIIe}} millénaire av. J.-C. et première moitié du {{IIe}}) |titre ouvrage=Actes du colloque international tenu à Lyon en novembre 2001 « Ougarit au {{IIe}} millénaire av. J.-C. État des recherches »| éditeur=MOM Éditions|lieu= Lyon|année =2008|numéro dans la collection= 47 |passage= 73-77 |lire en ligne= https://www.persee.fr/doc/mom_1955-4982_2008_act_47_1_2520}}.</ref>. Cela est généralement interprété comme l'indication de l'arrivée de nouvelles populations dans la région ([[Amorrites]] ?). Les connaissances sur la période restent limitées : sur la phase 1900-1650 la ville connaît un développement, elle pourrait alors couvrir tout le tell, est protégée par une muraille puissante, des objets provenant de Chypre et d’Égypte indiquent un élargissement des échanges{{sfn|Yon|1997|p=258}}{{,}}<ref name=expo0437>Yves Calvet et Henri de Contenson, « L'histoire du site : du néolithique à l'époque perse », dans {{harvsp|id=EXPO04|Galliano et Calvet (dir.)|2004|p=37}}.</ref>.
La ville d'Ougarit est de loin la plus grande du royaume. Ses ruines forment actuellement un tell de plus de 25 hectares. De part et d'autre de celui-ci, deux cours d'eau, le Nahr ed-Delbe et le Nahr Chbayyeb, coulent en direction de la mer.
 
=== Le plan de la ville au bronze récent ===
Deux autres sites d'importance notable de l'ancien royaume d'Ougarit ont également été fouillés : [[Minet el-Beida]], l'antique Mahadou, le port d'Ougarit, et [[Ras Ibn Hani]], une résidence palatiale située sur une presqu'île surplombant la [[mer Méditerranée]] à l'ouest de la capitale. Des agglomérations de moindre importance ont été mises au jour dans la plaine de Jablé, plus au sud.
 
* [https://archeologie.culture.gouv.fr/sites/archeologie/files/styles/grand_format/public/upload/mediatheque/image/urbanisme_plan_ougarit.red_.jpg?itok=i3lEpueC Plan de Ras Shamra avec la localisation des zones fouillées, par la Mission archéologique syro-française de Ras Shamra, sur le site Archeologie.culture.gouv.fr]<ref>{{Lien web|url= https://archeologie.culture.gouv.fr/ougarit/fr/urbanisme-dune-capitale-de-lage-du-bronze-recent|auteur=Valérie Matoïan|titre=Urbanisme d’une capitale de l'âge du Bronze récent | site=Archeologie.culture.gouv.fr|date=non daté| consulté le=19 août 2023}}.</ref>.
=== Urbanisme ===
 
L'essentiel des découvertes archéologiques effectuées à Ras Shamra concernent la période finale du site, celle de l'âge du bronze récent (niveau I du site, v. 1600-1185)<ref name=expo0437/>. La ville d'Ougarit est alors de loin la plus grande du royaume. Ses ruines forment actuellement un tell de plus de {{nobr|25 hectares}}{{sfn|id=RLA|Yon dans RLA|2015|p=291}}. De part et d'autre de celui-ci, deux cours d'eau, le Nahr ed-Delbé et le Nahr Chbayyeb, coulent en direction de la mer. L'état qui est connu est celui qui est en place après un séisme qui a lieu vers 1250, qui semble avoir été particulièrement destructeur, et qui a pu modifier des aspects du tissu urbain{{sfn|id=RLA|Yon dans RLA|2015|p=292}}.
[[Fichier:Ugarit 05.jpg|150px|thumb|left|Exemple d'un aménagement hydraulique à Ougarit : une canalisation]]
 
Il n'y a pas forcément de principe d'organisation de l'ensemble de l'espace urbain, la ville semblant s'être {{citation|développée au hasard au cours des siècles}} selon M. Yon{{sfn|id=RLA|Yon dans RLA|2015|p=291 et 293}}. Néanmoins selon J.-C. Margueron la ville est organisée suivant un axe directeur structurant l'inscrivant la topographie régionale, puisqu'il relie le pont-barrage, l'Acropole et le Mont Saphon, et son organisation interne repose sur un réseau de fondations créant une infrastructure compartimentée (organisant les îlots d'habitations et permettant de consolider les maisons à plusieurs étages), pensé au préalable et reproduit lors de chaque reconstruction<ref>{{Ouvrage| langue=fr| prénom1=Jean-Claude |nom1=Margueron| titre=Cités invisibles| sous-titre=La naissance de l'urbanisme au Proche-Orient ancien| lieu=Paris| éditeur=Geuthner| année=2013| passage=97-125}}</ref>.
Ougarit était divisée en divers quartiers résidentiels, dont un certain nombre ont été fouillés. Les maisons étaient regroupées en îlots, séparés par des rues souvent minces et tortueuses. Leur taille est très variable : de 50 à plus de {{unité|500|m|2}} pour celles des plus riches. Il n'y avait pas de séparation de l'espace par la richesse, les habitations des plus riches côtoyant celles des plus modestes. Les résidences comportaient généralement un étage, le rez-de-chaussée étant consacré au stockage et au travail, ainsi que des aménagements hydrauliques pour l'alimentation en eau (puits, canalisations). Certaines maisons ont fourni des lots d'archives privées. Les quartiers résidentiels comportaient également des bâtiments où on se livrait à une activité artisanale, ainsi que des petits temples.
 
La partie ouest du site est dominée par le secteur palatial, qui couvre environ {{unité|10000|m²}}, isolée du reste de la ville. La partie orientale est dominée par l'« acropole » où se trouvent les deux sanctuaires principaux de la ville, dédiés à Baal et à Dagan. Le reste du tell est occupé par des zones résidentielles. Des élargissements des rues à certaines intersections forment des sortes de places, et des voies de circulation plus ou moins larges ont été identifiées. L'entrée principale se trouvait au sud de la ville, traversée par un grand axe de circulation qui enjambait le Nahr ed-Delbé par un pont-barrage, et se prolongeait par une grande rue remontant vers la ville haute. Les autres entrées n'ont pas été identifiées{{sfn|id=RLA|Yon dans RLA|2015|p=291-293}}.
=== Secteur palatial ===
[[Fichier:Ugarit 01.jpg|300px|thumb|Vue des ruines du palais royal d'Ougarit]]
 
=== Les fortifications ===
La zone où se trouvait le palais royal est située au nord-ouest du tell, séparée du reste de la ville. Elle est organisée autour d'une cour centrale. Séparément du palais lui-même, on y trouvait une salle de réception, un salle pour la garnison du palais, les appartements de la reine-mère ainsi qu'un chapelle. Les résidences de certains hauts fonctionnaires avaient été construites plus au sud.
[[Fichier:Ugarit fortress wall with postern 3898.jpg|thumb|left|Fortifications de la zone palatiale : glacis, poterne et ruines de la tour défensive.]]
 
La zone palatiale était défendue par un rempart à glacis de pierre, qui a été identifié dans la partie occidentale du site, où il dispose d'une forteresse protégeant la zone palatiale. Ce dispositif semble érigé vers la fin du Bronze moyen ou le début du Bronze récent. On y trouvait un accès secondaire à la citadelle : une rampe conduisait à une porte défendue par une tour carrée, avec une poterne et une couloir. Dans la dernière période d'occupation du site, la poterne est bouchée et une nouvelle rampe est construite, qui en cache l'entrée{{sfn|id=RLA|Yon dans RLA|2015|p=291}}. En dehors de cet endroit aucun système de fortifications n'a été identifié avec certitude : n'y avait-il aucune enceinte pour protéger la ville, ou bien est-ce qu'il n'a pas encore été mis au jour ?{{sfn|Margueron|2013|p=100-102}}
Le palais en lui-même couvre {{unité|7000|m|2}}. On sait qu'il comportait un étage, où se trouvaient les appartements royaux ainsi qu'un espace administratif, qui s'est effondré après la destruction du site. On trouve une nécropole au sous-sol, selon la tradition syrienne. Le palais comporte une entrée protégée, une salle du trône, ainsi qu'un jardin dans sa partie est.
 
=== L'AcropoleLes aménagements hydrauliques ===
[[Fichier:Ugarit 05.jpg|thumb|upright=0.7|Exemple d'un aménagement hydraulique à Ougarit : une canalisation.]]
 
Ougarit est située dans une zone de climat méditerranéen où les niveaux de précipitations peuvent être très irréguliers, aussi bien durant l'année que d'une année sur l'autre, aussi il est crucial pour ses habitants de s'assurer un approvisionnement régulier en eau. Deux cours d'eau encadrent le site, le Nahr Chbayyeb au nord et le Nahr ed-Delbé au sud et une nappe phréatique est contenue dans les grès marins situés sous le site. Ils sont alimentés en eau depuis les plateaux s'élevant à l'est, avec sans doute une période basse en été, si tant est que les deux cours d'eau, qui sont courts, aient été pérennes. Un pont-barrage a été fouillé sur le Nahr ed-Delbé, qui serait daté du Bronze récent (il pourrait être bien plus tardif, d'époque hellénistique ou romaine) et créerait une retenue d'eau appréciable pour sécuriser la ressource. Deux ou trois sources se trouvent dans le voisinage du site et ont pu servir d'appoint pour l'alimentation comme pour l'irrigation. Il n'empêche que la nappe phréatique a probablement été la première pourvoyeuse d'eau pour les habitants d'Ougarit, qui ont creusés des puits pour y accéder (à 10-{{nobr|15 mètres}} de profondeur)<ref>{{Chapitre|langue=en|auteur=Bernard Geyer| titre= Ressources en eau et aménagements hydrauliques en Ougarit : état de la recherche|auteurs ouvrage=Valérie Matoïan, Michel Al-Maqdissi et Yves Calvet (dir.)|titre ouvrage= Études ougaritiques II |collection=Ras Shamra–Ougarit |numéro dans la collection=20| éditeur=Peeters|lieu=Louvain|année = 2012|passage=11-18|lire en ligne=https://shs.hal.science/halshs-01257539/file/Geyer_RSO20_2012.pdf }}</ref>. Un grand nombre a été identifié lors des fouilles des espaces résidentiels. Des descentes en terre cuite y redirigent également les eaux de pluie. Des cuves en pierre servent aussi à collecter l'eau. Les salles d'eau sont difficiles à identifier, en revanche des latrines ont été repérées aux rez-de-chaussée des habitations, souvent sous l'escalier. Des puisards collectent les eaux usées{{sfn|Callot|2009|p=27}}.
La zone dite de l'Acropole se trouvait au nord-est de la ville, et surplombait le reste des quartiers d'habitations. C'est sans doute la zone sacrée de la ville, puisqu'on y trouvait le temple de deux grandes divinités : [[Baal]] et [[Dagon (dieu)|Dagan]]. Ils avaient tous deux la forme d'une tour, ce qui leur permettait d'être visible de très loin. À proximité, la maison du « Grand Prêtre » a été le lieu de découverte de divers textes religieux, rituels et récits mythologiques.
 
=== La zone du palais ===
== Religion ==
 
* [https://archeologie.culture.gouv.fr/sites/archeologie/files/styles/grand_format/public/upload/mediatheque/image/palais_royal_1.red_.jpg?itok=bgX4F8VM Plan schématique du Palais royal, par la Mission archéologique syro-française de Ras Shamra, sur le site Archeologie.culture.gouv.fr]<ref>{{Lien web|url= https://archeologie.culture.gouv.fr/ougarit/fr/le-palais-royal-dougarit|auteur=Valérie Matoïan|titre=Le palais royal d'Ougarit | site=Archeologie.culture.gouv.fr|date=non daté| consulté le=19 août 2023}}.</ref>.
 
La zone d'environ {{unité|10000|m|2}} où se trouvait le palais royal est située au nord-ouest du tell, séparée du reste de la ville par une muraille et protégée par une forteresse. L'accès se fait à l'ouest par une porte percée dans la muraille, conduisant à une place donnant sur l'entrée principale du palais sur son côté est, ainsi qu'à la ville par un poste de garde. Sa partie nord comprend le « bâtiment aux piliers » , qui devait servir à des réceptions et banquets, et le « temple hourrite » ou « temple du palais », une chapelle palatiale en forme de « temple-tour »<ref>Jean-Claude Margueron, « Le puissant palais d'Ougarit », dans {{harvsp|id=DA|Dossiers d'archéologie|2004|p=23}}.</ref>.
 
Le palais en lui-même couvre {{unité|6500|m|2}}. Il a été construit et étendu en plusieurs phases, à partir du {{-s|XIV|e}} (sur l'emplacement d'un palais plus ancien ?). La pierre de taille est le matériau de base, les murs étant parfois préservés jusqu'à {{nobr|4 mètres}} de haut. Des poutres et des élévations en briques crues renforçaient la solidité des murs. L'édifice disposait d'un étage, dont la présence est notamment signalée par des escaliers. Au rez-de-chaussée, il dispose d'une entrée monumentale à l'ouest, ouvrant sur la zone destinée aux activités publiques. Une première cour mène à des espaces de banquet et à la salle du trône. Les autres zones servent aux fonctions domestiques ou privées. Un jardin occupe la partie est de l'édifice, entouré de magasins et de pièces qui ont sans doute un usage privé. Une autre salle au sud dispose d'un bassin d'agrément. Au nord se trouve la nécropole souterraine de la famille royale. L'étage devait comprendre les appartements royaux ainsi qu'un espace administratif, qui s'est effondré après la destruction du site (comme l'indiquent les trouvailles de tablettes au milieu des débris){{sfn|id=RLA|Yon dans RLA|2015|p=293}}{{,}}<ref>Jean-Claude Margueron, « Le puissant palais d'Ougarit », dans {{harvsp|id=DA|Dossiers d'archéologie|2004|p=23-27}}.</ref>.
 
<gallery mode=packed>
Ugarit Royal Palace entrance to right 3902.jpg|Entrée du palais.
Ugarit Royal Palace main courtyard 3908.jpg|Cour et porche à colonnes conduisant à la salle du trône.
Ugarit Royal Palace throne hall 3909.jpg|Salle du trône.
Ugarit Royal Palace reception hall with pool 3919.jpg|Salle au bassin d'agrément.
Ugarit Royal Palace gardens 3924.jpg|Cour aux jardins.
Ugarit Royal Palace second courtyard 3934.jpg|Cour de la partie nord et tombes royales.
</gallery>
 
Au nord-est de la zone palatiale se trouve un autre grand édifice qualifié de « Palais nord », qui semble être un ancien palais royal délaissé autour de 1400{{sfn|id=RLA|Yon dans RLA|2015|p=293}}{{,}}<ref>{{Article|langue=fr|auteur=Sébastien Rey|titre= Le Palais Nord d’Ougarit |périodique= Syria |volume= 86 |année= 2009|passage=203-220|lire en ligne=http://journals.openedition.org/syria/527}}.</ref>. Le « Palais sud », situé au sud de la zone palatiale est quant à lui une vaste résidence dont l'occupant le mieux connu est Yabninou, un personnage de haut rang dans le royaume<ref>{{Article|langue=fr|auteur=Jacques-Claude Courtois|titre= Yabninu et le palais sud d'Ougarit|périodique= Syria|volume=67 |année=1990|passage= 103-142|lire en ligne= https://www.persee.fr/doc/syria_0039-7946_1990_num_67_1_7136}}.</ref>.
 
=== L'acropole et les temples ===
[[Fichier:Ugarit Baal temple 3968.jpg|thumb|Ruines du temple de Baal.]]
 
La zone dite de l'acropole se trouvait au nord-est de la ville, et surplombait le reste des quartiers d'habitations d'une vingtaine de mètres. C'est manifestement la zone sacrée de la ville, puisqu'on y trouvait les deux temples de la cité, attribués suivant des inscriptions retrouvées sur place aux divinités [[Baal]] et [[Dagon (dieu)|Dagan]] (ce dernier temple serait plutôt dédié à El selon H. Niehr). Érigés vers le début du Bronze récent, ils avaient tous deux la forme d'une tour, ce qui leur permettait d'être visibles de très loin. Ils sont détruits par le séisme qui a lieu vers 1250. Le temple de Baal est reconstruit, sans doute sur le plan antérieur. Il dispose d'un espace sacré d'environ {{unité|850|m|2}}, avec une cour d'entrée circonscrite par une enceinte au centre de laquelle se trouve un autel. Sa base mesure {{Dunité|16|22|mètres}}, divisée entre un vestibule bas conduisant au corps de bâtiment principal, comprenant une cella barlongue et un escalier permettait l'accès à la terrasse, qui devait s'élever à environ {{nobr|20 mètres}} de hauteur et devait servir de « haut lieu » pour les sacrifices. Le temple de Dagan; qui avait une organisation similaire, n'est en revanche pas reconstruit après le séisme, ce qui pourrait indiquer une certaine désaffection vis-à-vis de ce dieu. Le culte se poursuit en plein air, sur le socle de l'édifice détruit qui a été déblayé et où ont été installées des stèles{{sfn|id=RLA|Yon dans RLA|2015|p=293}}{{,}}<ref>{{Ouvrage|langue=fr|auteur= Olivier Callot|titre= Les sanctuaires de l’acropole d’Ougarit. Les temples de Baal et de Dagan|lieu= Lyon |éditeur= Maison de l'Orient et de la Méditerranée Jean Pouilloux|collection=Ras Shamra-Ougarit|numéro dans la collection= 19|année=2011|lire en ligne= https://www.persee.fr/doc/mom_1762-0503_2011_mon_19_1}}.</ref>{{,}}<ref name=niehr21>{{Chapitre|langue=de|auteur= Herbert Niehr|titre= Die Tempel des El und des Ba al als Elemente der sakralen Landschaft Ugarits|auteurs ouvrage=Jürgen Bründl, Thomas Laubach et Konstantin Lindner (dir.) |titre ouvrage=Zeichenlandschaften : Religiöse Semiotisierungen im interdisziplinären Diskurs|éditeur=University of Bamberg Press|lieu=Bamberg|année=2021|passage=309-336 }}.</ref>{{,}}<ref>{{Lien web|url= https://archeologie.culture.gouv.fr/ougarit/fr/les-lieux-devolus-aux-pratiques-religieuses|auteur=Valérie Matoïan|titre=Les lieux dévolus aux pratiques religieuses | site=Archeologie.culture.gouv.fr|date=non daté| consulté le=19 août 2023}}.</ref>. La présence de la « Maison du Grand Prêtre » entre les deux sanctuaires semble liée à leur existence : c'est un bâtiment qui a livré des objets inscrits au nom du « chef des prêtres » et un important lot de tablettes, dont des textes mythologiques{{sfn|Yon|1997|p=260}}.
 
Un autre temple, le « temple aux rhytons », a été fouillé dans une zone résidentielle (« centre de la ville ») où il est intégré à un îlot d'habitation. Il dispose d'une grande salle et a pu servir de lieu de réunion d'une confrérie{{sfn|id=RLA|Yon dans RLA|2015|p=293}}.
 
=== Les maisons ===
 
La ville d'Ougarit était occupée par des espaces résidentiels, fouillés dans plusieurs secteurs (« centre de la ville », « ville sud », « quartier résidentiel », « sud acropole », « ville-basse ») qui ont notamment permis de dégager de nombreuses maisons. L'espace est organisé de façon irrégulière et densément occupé : les maisons sont regroupées en îlots de tailles diverses, séparés par des rues et impasses souvent minces et tortueuses. Leurs murs sont construits en moellons, avec une superstructure en briques crues et pisé, parfois de la pierre de taille pour renforcer les angles. Leur taille au sol est très variable : autour de 80/{{unité|100|m|2}} en moyenne, de quelques dizaines de mètres à plus de {{unité|500|m|2}} pour celles des plus riches, jusqu'à {{unité|1000|m|2}} (« maison de Yabninou »/« Palais sud ») ; il faut y ajouter la présence d'un étage et de terrasses aménagées, accessibles par des escaliers. Il n'y avait pas de séparation de l'espace par la richesse, les habitations des plus riches côtoyant celles des plus modestes. De la même manière aucun quartier spécifiquement dédié à une activité artisanale n'a été identifié{{sfn|Yon|1997|p=260}}{{,}}{{sfn|id=RLA|Yon dans RLA|2015|p=293-294}}.
 
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Ugarit residential quarter 3955.jpg|Vue de la zone dite du « quartier résidentiel ».
Ugarit Southern Palace 3937.jpg|Ruines de la « maison de Yabninou »/« Palais sud ».
Ugarit northern residence building 3981.jpg|Ruines d'une autre maison cossue, la « résidence nord » : cour avec porche à deux colonnes.
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L'organisation interne des maisons varie beaucoup. Les traits communs étant le peu d'ouvertures vers l'extérieur, la présence de cours, ou du moins de sortes de puits de lumière suffisamment larges pour permettre diffuser la lumière et d'aérer le rez-de-chaussée. Des aménagements hydrauliques permettent l'alimentation en eau (puits, canalisations). Certaines pièces ont des fonctions utilitaires, notamment le stockage, voire des espaces d'activités comme des boutiques ou des ateliers, ainsi que dans les plus grandes maisons des pièces pour loger les animaux (ânes et chevaux). La vie privée devait plutôt se dérouler aux étages, qui semblent présents dans la plupart des maisons (au moins une, plus rarement deux) et ont dû comporter les pièces à coucher, et sur les terrasses qui ont un rôle important dans la vie quotidienne puisqu'il s'agit souvent du seul espace en plein air où peuvent se dérouler des activités. Certaines maisons ont fourni des lots d'archives privées. Des sépultures ont été construites sous plusieurs maisons. Les quartiers résidentiels comportaient également des bâtiments où on se livrait à une activité artisanale, ainsi que des petits temples{{sfn|id=RLA|Yon dans RLA|2015|p=293-294}}{{,}}<ref>{{Article|langue=fr|auteur=Olivier Callot|titre=Les maisons d'Ougarit|périodique= Dossiers d'archéologie|numéro=332|titre numéro=Maisons urbains au Proche-Orient ancien : Construire, vivre et mourir dans la maison|mois=mars-avril|année=2009|passage=24-27}}.</ref>.
 
=== Les sépultures ===
 
Plus de 200 caveaux en pierre construits sous des maisons ont été identifiés à Ougarit, ce qui en fait un corpus exceptionnel pour analyser les pratiques funéraires de la Syrie du Bronze récent. Certains datés du Bronze moyen ont également été identifiés. Ils sont constitués d'une chambre à laquelle on accède par un couloir en pente (''dromos''). Les chambres construites en moellons et recouverts de dalles plates sont de loin les plus courantes. D'autres, moins nombreux, plus grands et surtout datés des époques tardives, sont construits en pierre de taille et voûtées en encorbellement. Il s'agit de tombes collectives accueillant plusieurs générations de défunts. Étant donné qu'elles ont été pillées dès l'Antiquité, le matériel qu'elles ont livré est limité. On accède en général aux sépultures depuis l'intérieur des maisons et elles sont étroitement associées à l'habitat, intégrées dans son architecture, ce qui implique qu'elles aient été construites en même temps. Elles se trouvent en plus grand nombre dans les zones résidentielles où l'habitat est plus dense et compact (31 identifiées sur les {{unité|7000|m²}} du secteur « ville basse », au nord-est du tell), tandis qu'elles sont moins nombreuses aux abords du palais royal où les résidences sont en général plus vastes (une dizaine de tombes). Pour autant, toutes les résidences ne disposent pas d'un caveau, ce qui pourrait indiquer que les habitants de certaines maisons utilisent ceux situés sous d'autres (parce qu'il s'agit d'une même famille). Certaines tombes étaient d'ailleurs accessibles depuis l'extérieur, sans passer par une maison<ref>{{Article|langue=fr|auteur=Sophie Marchegay|titre=Un caveau à demeure pour les habitants d'Ougarit|périodique= Dossiers d'archéologie|numéro=332|titre numéro=Maisons urbains au Proche-Orient ancien : Construire, vivre et mourir dans la maison|mois=mars-avril|année=2009|passage=74-77}}.</ref>.
 
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Ugarit Southern Palace necropolis 3941.jpg|Entrée du caveau de la maison de Yabninou (ou Palais sud).
Ugarit House of Rapanu with burial vault 3959.jpg|Caveau vouté de la maison de Rapanou.
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=== La destruction de la ville ===
{{Article connexe|Effondrement de l'âge du bronze récent}}
 
Le site de Ras Shamra subit une destruction majeure autour de 1185, caractérisée par des incendies dans ses édifices majeurs et de nombreuses parties de la ville. La présence de pointes de flèches dans plusieurs endroits pourrait indiquer que cette destruction a été violente. Elle est couramment attribuée aux Peuples de la mer, mais rien ne permet de confirmer cela. Cette interprétation repose notamment sur le fait que d'autres sites du royaume d'Ougarit ([[Ras Ibn Hani]], [[Tell Toueini]] notamment) sont alors détruits et réoccupés par une population qui a une culture matérielle de type égéen ou chypriote, qui semble typique des groupes rattachés aux « [[Peuples de la mer]] »<ref name=cline/>. Il est du reste possible qu'il y ait eu plusieurs épisodes de destructions qui se sont succédé. Cela marque en tout cas la fin du royaume d'Ougarit. La ville d'Ougarit est largement dépeuplée dans les années qui suivent. Cela ne veut pas dire qu'elle soit complètement abandonnée, puisqu'il y a en plusieurs endroits des traces de réoccupation de résidences par une population pratiquant l'élevage. Les sépultures sont également pillées à cette période<ref>{{Chapitre|langue=fr|auteur= Olivier Callot|titre=Réflexions sur Ougarit après ''ca'' 1180 av. J.-C. |titre ouvrage=Actes du colloque international tenu à Lyon en novembre 2001 « Ougarit au IIe millénaire av. J.-C. État des recherches »| éditeur=MOM Éditions|lieu= Lyon|année =2008|numéro dans la collection= 47 |passage= 73-77 |lire en ligne= https://www.persee.fr/doc/mom_1955-4982_2008_act_47_1_2523}}.</ref>.
 
=== Les occupations postérieures ===
 
Après la fin de l'âge du bronze, le site de Ras Shamra est réoccupé de manière sporadique par endroits. Une occupation datée de l'époque perse, des {{-sp|V|-|IV|e}}, est connue par des restes de maisons et de sépultures<ref name=expo0437/>.
 
== L'extension géographique du royaume et les autres sites ==
[[Fichier:Ugarit sites.png|thumb|Plan simplifié de localisation des sites archéologiques liés au royaume d'Ougarit.]]
 
[[Fichier:RasIbnHani,northpalaceW.jpg|thumb|left|Le Palais nord de [[Ras Ibn Hani]].]]
 
Durant sa dernière période d'existence, donc après plusieurs pertes territoriales, le royaume d'Ougarit s'étend sur plus de {{unité|2200|km²}}{{sfn|Vita|1999|p=455}}, mesurant plus d'une soixantaine de kilomètres du nord au sud et une trentaine à une cinquantaine de kilomètres d'est en ouest selon les endroits{{sfn|Postgate|2013|p=408}} ; avant cela, il a peut-être dépassé les {{unité|5000|km²}}{{sfn|Vita|1999|p=455}}. Il s'est développé principalement sur la plaine littorale syrienne, autour de la plaine fertile de Lattaquié, où se trouvent Ougarit et le cœur du royaume, arrosée par plusieurs fleuves débouchant du plateau de Bahlouliyé, le plus important étant le Nahr el-Kébir. La côte est souvent rocheuse, avec des anses qui sont en général de taille réduite, parfois plus étendues comme celle de Minet el-Beida, le port d'Ougarit. Le royaume est limité au nord par le Djébel Aqra (le mont Saphon) et le massif du Baer-Bassit, qui le séparent du royaume de Mukish (capitale [[Alalakh]]), et à l'est par le Djébel Ansariyé, qui surplombe le plateau de Bahlouliyé qui constitue la partie orientale du royaume ; les pays situés à l'est d'Ougarit sont Niya et le [[Noukhashshe]]. Au sud, les limites du royaume se trouvaient quelque part dans la plaine du Jablé, peut-être jusqu'au niveau de Tell Soukas, voire un peu plus bas. Là se trouve le pays de Siyannou et d'Oushnatou, qui devient indépendant d'Ougarit vers la fin du {{-s|XIV|e}}, et plus au sud encore la cité insulaire d'[[Arwad]] et le royaume d'[[Amurru (royaume)|Amurru]] (capitale Sumur, à [[Tell Kazel]])<ref>{{Lien web|langue=fr|url= https://www.ras-shamra.ougarit.mom.fr/geographie.html|titre= Géographie du royaume d'Ougarit|site=Mission archéologique syro-française de Ras Shamra-Ougarit| date=décembre 2016|consulté le=24 juillet 2023}}.</ref>{{,}}<ref>{{Lien web|langue=fr|url=https://archeologie.culture.gouv.fr/ougarit/fr/geographie-royaume-levantin |auteur= Bernard Geyer, Marie-Laure Chambrade et Nicolas Jacob-Rousseau|titre= La géographie d'un royaume levantin|site=Archeologie.culture.gouv.fr - Ougarit | date=non daté|consulté le=24 juillet 2023}}.</ref>.
 
Deux autres sites d'importance notable situés au cœur de l'ancien royaume d'Ougarit ont également été fouillés : [[Minet el-Beida]] (l'antique Mahadou ?), le port d'Ougarit, situé à un kilomètre de la capitale, a été fouillé de 1929 à 1935, mais l'installation d'une base militaire y empêche de nouvelles fouilles ; [[Ras Ibn Hani]] (Rashou ?), avec son Palais Nord, une résidence palatiale (des tablettes y attestent de la présence d'une reine-mère) d'environ {{unité|2500|m²}}, située sur une presqu'île surplombant la [[mer Méditerranée]], cinq kilomètres à l'ouest de la capitale. Au nord du royaume, le site de Ras el-Bassit, situé sur un cap aux pieds du Djébel Aqra, a livré des édifices du bronze récent, dont une grande résidence de la période finale. D'autres agglomérations ont été mises au jour dans la plaine de Jablé, à la limite méridionale du royaume ou dans le pays de Siyannou : Tell Toueini, près de l'actuelle Jablé, à proximité de la mer, correspond sans doute à l'antique Gibala, une ville marchande importante ; Tell Soukas, un peu plus au sud, peut-être la ville de Souksi (au Siyannou) ; Tell Siyannou, plus à l'intérieur, correspondent vraisemblablement à la capitale du pays de Siyannou ; Tell Iris, à proximité de ce dernier{{sfn|id=EXPO04|Galliano et Calvet (dir.)|2004|p=54-64}}.
 
== Les textes d'Ougarit ==
 
=== Les lots d'archives ===
 
Les fouilles d'Ougarit ont permis la mise au jour de plusieurs centaines de tablettes cunéiformes (plus de {{formatnum:4000}} selon une estimation<ref>{{Lien web|langue=fr|url=https://archeologie.culture.gouv.fr/ougarit/fr/royaume-ougarit |auteur= Valérie Matoïan|titre= Le royaume d'Ougarit|site=Archeologie.culture.gouv.fr - Ougarit | date=non daté|consulté le=25 juillet 2023}}.</ref>). Selon un inventaire effectué en 1998 par O. Pedersén, on peut isoler 17 lots d'archives principaux, en plus de trouvailles éparses<ref>{{Ouvrage|langue=en|prénom1=Olof |nom1=Pedersén| titre=Archives and Libraries in the Ancient Near East 1500-300 BC|lieu= Bethesda|éditeur=CDL Press|année=1998 |passage=68-80}}</ref>. Il n'y a pas d'indication que les Ougaritains aient tenu des archives sur papyrus, en revanche il semble qu'ils aient également écrit sur des tablettes en bois couvertes de cire, matière qui ne se préserve pas{{sfn|Lackenbacher|2002|p=22 n.11}}.
 
[[Fichier:Ugarit Royal Palace reception hall with pool 3917.jpg|thumb|La salle au bassin du Palais royal, lieu de trouvaille d'une partie des « archives sud-ouest » et du supposé « four aux tablettes »<ref>{{Chapitre|langue=fr|auteur=Robert Hawley, Florence Malbran-Labat et Carole Roche|titre=Pour une étude sur les textes de l’« ex-four » dans l’« ex-cour V » du Palais royal d’Ougarit|titre ouvrage= Le mobilier du Palais royal d'Ougarit|auteurs ouvrage=Valérie Matoïan (dir.)| collection= Ras Shamra-Ougarit|numéro dans la collection= 17|lieu= Lyon |éditeur= Maison de l'Orient et de la Méditerranée Jean Pouilloux|année= 2008|passage= 327-344|lire en ligne= https://www.persee.fr/doc/mom_1762-0503_2008_rpm_17_1_3736}}.</ref>.]]
 
Dans le palais royal, cinq lots d'archives principaux ont été trouvés dans des parties différentes du palais, qui ont chacun au moins un sujet de prédilection, voire dans certains cas une spécialisation, même si chaque archive peut comprendre tout type de textes. Les archives ouest, est et sud-ouest sont principalement administratives, les archives centrales comprennent des actes juridiques officiels, notamment les textes sur les propriétés immobilières, les archives sud la correspondance internationale et des textes juridiques. Mais des lettres royales ont aussi été retrouvées dans les archives est et centrale. En revanche il n'y a aucune organisation par écriture et langue : les textes en alphabet ougaritique et en cunéiforme syllabique sont mélangés. Peu de textes scolaires et littéraires ont été retrouvés dans le palais{{sfn|Lackenbacher|2002|p=21-22}}{{,}}{{sfn|id=RLA|van Soldt dans RLA|2015|p=281-282}}. Chaque archive fonctionne donc comme une sorte de bureau spécialisé, en général situé dans un groupe de pièces du rez-de-chaussée, près d'une cour, donc avec une source de lumière naturelle pour permettre aux scribes de travailler dans les meilleures conditions. Par endroits (apparemment dans le cas des archives centrales), les tablettes sont stockées à l'étage{{sfn|van Soldt|1995|p=1261}}. La durée de conservation des textes dépend de leur nature et de leurs potentiels usages futurs : les textes juridiques ou les traités internationaux sont gardés longtemps, en revanche les textes administratifs ne le sont pas{{sfn|id=RLA|van Soldt dans RLA|2015|p=281-282}}. En tout cas les archives ne semblent pas remonter plus haut que le milieu du {{-s|XIV|e}}, le sort des textes plus anciens n'étant pas déterminé{{sfn|Lackenbacher|2002|p=22}}. Rien n'indique que des tablettes aient été cuites de manière intentionnelle afin de permettre de les conserver plus longtemps (l'argile cuite étant très résistante). Un groupe de tablettes mis au jour dans la cour au bassin aurait selon l'interprétation de leur découvreur été placé dans un four, de manière à les cuire, découverte qui a rencontré un certain écho. Une analyse postérieure du dossier a révélé qu'il n'y avait probablement pas eu de four à cet endroit, et que ces tablettes avaient été cuites dans un incendie antérieur à la fin du palais<ref>Jean-Claude Margueron, « Le palais royal d'Ougarit », dans {{harvsp|id=EXPO04|Galliano et Calvet (dir.)|2004|p=146}}</ref>.
 
[[Fichier:Ugarit House of Rapanu with burial vault 3960.jpg|thumb|La « Maison de Rapanou », où 343 textes ont été exhumés, principalement des listes lexicales (232), également des lettres (63), des documents économiques (28) et juridiques (14) et quelques autres tablettes dont une écrite en cypro-minoen{{sfn|Pedersén|1998|p=77}}.]]
 
Les autres lots ont été mis au jour dans des résidences de la ville, que l'on désigne couramment comme des archives « privées »{{sfn|id=RLA|van Soldt dans RLA|2015|p=282}}. Les plus importants groupes de textes scolaires, littéraires et liturgiques (surtout en akkadien associé au sumérien et en ougaritique, aussi en hourrite) ont été mis au jour dans la « maison du Grand Prêtre », la « bibliothèque de Lamashtou », la « maison aux textes littéraires », la « maison aux textes médico-magiques », etc.{{sfn|Lackenbacher|2002|p=25}}. Les maisons des plus importants dignitaires du royaume ont en général été surnommées d'après un des plus importants personnages apparaissant dans leurs archives, qui contiennent avant tout des textes économiques, administratifs, juridiques, épistolaires et aussi scolaires : la « maison de Rapanou », la « maison d'Ourtenou », la « maison de Rasapabou » et la « maison de Yabninou » (ou « Palais sud »){{sfn|Lackenbacher|2002|p=24-25}}. La nature « privée » de ces archives est discutée, car le public et le privé sont difficiles à séparer à cette période. Certes on y trouve les archives des familles qui y résident, mais pas seulement : une partie de la correspondance officielle a ainsi été mise au jour dans la résidence d'Ourtenou, ainsi que la copie d'un traité. Ces personnages ayant des fonctions dans l'administration du royaume, ils conservent la documentation liée à celles-ci dans leurs propres résidences, qui fonctionnent aussi comme leur bureau<ref name=fmb045457>Florence Malbran-Labat, « Les archives de la "Maison d'Ourtenou" sont-elles des archives privées ? », dans {{harvsp|id=DA|Dossiers d'archéologie|2004|p=54-57}}.</ref>.
 
=== Écritures et langues ===
 
Ville commerciale par excellence, Ougarit est de ce fait une place cosmopolite. Cela se retrouve dans le fait qu'on y a trouvé des documents dans cinq écritures et huit langues différentes. Le système [[cunéiforme]] traditionnel, mêlant logogrammes et syllabogrammes, sert à noter l'[[akkadien]], le [[sumérien]], le [[Hittite (langue)|hittite]] et le [[hourrite]]. La langue locale, l'[[ougaritique]], est notée dans un alphabet cunéiforme, l'[[alphabet ougaritique]] (qui est aussi parfois employé pour noter de l'akkadien et du hourrite). On trouve également quelques documents en [[Égyptien ancien|égyptien]], en [[hiéroglyphes]] (notamment des vases et des scarabées), en [[louvite]] noté en [[hiéroglyphes hittites]], et en [[cypro-minoen]], une écriture originaire de Chypre qui note une langue inconnue. Le corpus écrit se partage pour l'essentiel entre les tablettes d'argiles écrites en akkadien cunéiforme et celles écrites en alphabet ougaritique<ref>Florence Malbrat-Labat (avec Mirjo Salvini et Pierre Bordreuil), « Langues et écritures d'Ougarit », dans {{harvsp|id=EXPO04|Galliano et Calvet (dir.)|2004|p=81-83}}.</ref>.
 
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Stele Baal Saphon AO13176.jpg|Stèle fragmentaire en hiéroglyphes égyptiens, portant une dédicace à « Seth de Sapouna », donc Baal du Saphon. {{-s|XIII|e}}, [[Musée du Louvre]].
Hurrian tablet AO12016 mp3h8901.jpg|Tablette en langue hourrite, noté de façon inhabituelle en alphabet ougaritique. [[Musée du Louvre]].
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L'[[akkadien]] est la langue de la Mésopotamie, répandue au Proche-Orient sous sa forme babylonienne. Elle est écrite en [[cunéiforme]], dont la base est phonétique (syllabique), mais elle intègre des [[logogramme]]s (on parle aussi d'[[idéogrammes]]), qui renvoient à l'origine au [[sumérien]], la première langue écrite en Mésopotamie, qui se retrouve par leur biais dans les textes à Ougarit. L'akkadien est la ''[[lingua franca]]'' du Bronze récent : c'est la langue de la diplomatie, du grand commerce, du droit, aussi celle du milieu savant, et elle est employée avant tout dans ces domaines à Ougarit. La forme d'akkadien des textes d'Ougarit est une des variantes dites « périphériques », puisqu'elle repose certes sur l'akkadien cunéiforme tel qu'il est pratiqué en Mésopotamie à la même époque, mais elle intègre couramment des éléments de vocabulaire voire de morphologie et de syntaxe qui sont repris des langues ouest-sémitiques du Levant (souvent qualifiées de « cananéennes »), dont l'ougaritique<ref>Florence Malbrat-Labat, « Langues et écritures d'Ougarit », dans {{harvsp|id=EXPO04|Galliano et Calvet (dir.)|2004|p=82}}.</ref>. Il ne s'agit donc probablement pas d'une langue parlée, plutôt d'une sorte de « code » élaboré dans ces régions par des générations de scribes{{sfn|Lackenbacher|2002|p=20 n.5}}.
 
[[Fichier:Ugaritic-alphabet-chart.svg|center|thumb|Les lettres de l'[[alphabet ougaritique]].]]
 
L'[[alphabet ougaritique]] est une écriture développée à Ougarit pour transcrire la langue ougaritique. Les circonstances de son invention restent obscures. Il s'appuie manifestement sur les formes plus anciennes d'alphabets linéaires (« [[Alphabet protosinaïtique|proto-sinaïtiques]] ») puisqu'il semble leur reprendre la forme de certains signes, mais en les transposant dans une graphie cunéiforme, plus propre à être notée sur des tablettes d'argile. Il reprend également leur principe qui consiste à ne noter que les consonnes, qui sera celui des alphabets sémitiques qui leur succèdent, mais il dispose de 30 signes (il transcrit 27 phonèmes, puisque trois signes sont des variantes d'un autre), ce qui est plus que les autres alphabets sémitiques qui se contentent en général de 22 signes. Les plus anciens exemples de cette écriture remontent au milieu du {{-s|XIII|e}}, qui semble être sa période d'invention. Sa période d'existence assurée s'étend donc d'environ 1250 à 1185 av. J.-C. et son usage est essentiellement local (il n'est quasiment pas attesté en dehors de ce royaume) et s'étend à la plupart des types de textes connus à Ougarit, avec une prédilection pour les textes administratifs et ceux qui sont le plus liés au fonds culturel local comme les textes mythologiques, rituels, ainsi que des lettres. C'est en tout cas le premier système alphabétique pour lequel on dispose d'une documentation en grande quantité (autour de {{formatnum:2000}} documents). Deux autres alphabets cunéiformes sont aussi connus par des documents isolés provenant d'Ougarit<ref>Dennis Pardee, « Aux origines de l'alphabet », dans {{harvsp|id=DA|Dossiers d'archéologie|2004|p=34-39}}. Compléments dans Robert Hawley et Carole Roche, « Entre tradition mésopotamienne et fonds culturel local », dans {{harvsp|id=DA|Dossiers d'archéologie|2004|p=41-42}}.</ref>{{,}}<ref>{{Lien web|url= https://archeologie.culture.gouv.fr/ougarit/fr/les-alphabets-ougarit|auteur=Anne-Sophie Dalix|titre=Les alphabets à Ougarit | site=Archeologie.culture.gouv.fr|date=non daté| consulté le=25 juillet 2023}}.</ref>.
 
=== Nature des textes ===
 
Les textes mis au jour à Ougarit sont rangés dans quelques catégories principales, indépendamment de la langue dans laquelle ils sont écrits.
* Les textes administratifs (ou économiques, de gestion) sont comme souvent dans le monde cunéiforme la catégorie la plus représentée. Cette catégorie comprend des documents enregistrant des livraisons de biens, des listes de noms de personnes et de villages qui ont manifestement une finalité fiscale (dans les archives du palais), des documents relatifs à des affaires commerciales, à la gestion de domaines, à des prêts, ainsi que des étiquettes en argile servant à indiquer le contenu de livraisons auxquelles elles étaient attachées<ref>Pierre Bordreuil, « Les textes administratifs », dans {{harvsp|id=EXPO04|Galliano et Calvet (dir.)|2004|p=90}}.</ref>{{,}}<ref>{{en}} Maichael Heltzer, « The Economy of Ugarit », dans {{harvsp|id=HBK|Watson|Wyatt (dir.)|1999|p=423-439}}.</ref>.
* Les [[listes lexicales]] constituent une grande proportion des textes mis au jour à Ougarit, surtout dans les résidences. Il s'agit de listes de signes et de mots, organisés en colonnes, souvent des syllabaires et des vocabulaires servant à la formation des apprentis scribes ou d'aide pour des scribes professionnels. Ces textes sont issus de la tradition lettrée mésopotamienne, et Ougarit a livré des exemplaires des listes les plus courantes, comme l'« encyclopédie » bilingue sumérien-akkadien nommée ''HAR-ra = hubullu''. Les scribes d'Ougarit avaient adapté ces sortes de dictionnaires bilingues à leurs propres besoins en y ajoutant une colonne pour l'ougaritique, voire pour le hourrite<ref>Béatrice André-Salvini, « Les listes lexicales », dans {{harvsp|id=EXPO04|Galliano et Calvet (dir.)|2004|p=91}}.</ref>.
* Les textes juridiques, majoritairement rédigés en akkadien suivant des formulaires inspirés de ceux de la tradition babylonienne. Ils concernent des affaires internes, notamment des donations royales, actes authentifiés par le sceau royal. Les actes juridiques mis au jour dans les archives privées concernent également les propriétés mais également les personnes. Les actes relevant du droit international sont les traités de vassalité conclus avec le roi hittite et les décrets promulgués par le vice-roi de Karkemish{{sfn|Márquez Rowe|2003|p=719-720}}{{,}}<ref>Florence Malbrat-Labat, « Les actes juridiques », dans {{harvsp|id=EXPO04|Galliano et Calvet (dir.)|2004|p=90}}.</ref>{{,}}<ref>{{Chapitre|langue=fr|auteur= Florence Malbrat-Labat|titre= Les textes judiciaires d'Ugarit |titre ouvrage=Rendre la justice en Mésopotamie. Archives judiciaires du Proche-Orient ancien ({{IIIe}}-{{Ier}} millénaires avant J.-C.)| auteurs ouvrage= Francis Joannès (dir.)|éditeur=Presses Universitaires de Vincennes|lieu= Saint-Denis|année= 2000|passage= 163-169}} (choix de textes juridiques traduits et commentés).</ref>.
* Les textes épistolaires, qui peuvent être divisés entre la correspondance locale et la correspondance internationale. La première catégorie comprend des lettres circulant à l'intérieur du royaume, surtout rédigées en ougaritique, mais aussi en akkadien. Une partie des lettres connues relèvent de la correspondance de la famille royale, entre membres de celle-ci ou avec leurs serviteurs proches. Certaines lettres rédigées en ougaritique sont adressées par des rois étrangers, celui des Hittites et celui de Tyr : comme ces cours ne pratiquent pas cette écriture, il pourrait s'agir de copies d'originaux en akkadien<ref>Dennis Pardee, « La correspondance locale », dans {{harvsp|id=EXPO04|Galliano et Calvet (dir.)|2004|p=90}}.</ref>. La correspondance internationale est en effet rédigée en akkadien suivant des codes précis, notamment sur l'adresse (le nom de la personne la plus importante est cité en premier, qu'il s'agisse de l'expéditeur ou du récepteur). Elle concerne essentiellement les royaumes syriens et levantins, en plus du suzerain hittite, mais aussi Chypre et l’Égypte. Il y est surtout question d'affaires commerciales<ref>Florence Malbrat-Labat, « La correspondance internationale », dans {{harvsp|id=EXPO04|Galliano et Calvet (dir.)|2004|p=90-91}}.</ref>.
* Les textes religieux sont une catégorie connue dans des quantités moindres que les précédentes, mais qui a plus particulièrement attiré l'attention en raison de la présence d'une littérature propre à Ougarit. On y trouve en effet la trentaine de textes mythologiques en ougaritique, notamment le ''[[Cycle de Baal]]'', qui sont des œuvres littéraires à proprement parler employant un style poétique. Les autres textes religieux sont issus de la pratique des prêtres ougaritains, surtout des textes rituels relatifs à des sacrifices. Quelques textes d'incantations sont également connus<ref>Dennis Pardee, « Les textes religieux », dans {{harvsp|id=EXPO04|Galliano et Calvet (dir.)|2004|p=91}}.</ref>{{,}}{{sfn|id=RLA|van Soldt dans RLA|2015|p=282}}.
* Les textes de la littérature en akkadien comprennent des épopées (''[[Épopée de Gilgamesh]]'', ''[[Atrahasis]]''), des hymnes divins, des textes sapientiaux, ainsi que des textes rituels comme des recueils de présages divinatoires et d'incantations magiques. Il s'agit d'un corpus représentatif de la culture babylonienne telle qu'elle est apprise dans la partie occidentale du monde pratiquant le cunéiforme (Syrie, Hittites), servant avant tout dans le milieu scolaire pour l'apprentissage des scribes (les textes sont souvent fautifs){{sfn|id=RLA|van Soldt dans RLA|2015|p=282-283}}. Parmi les textes en langue hourrite se trouve une tablette de notation musicale<ref>Hedwige Rouillard-Bonraisin, « Tablette musicale », dans {{harvsp|id=EXPO04|Galliano et Calvet (dir.)|2004|p=289-290}}.</ref>.
 
<gallery mode=packed>
Tablette administrative Ugarit AO19967.jpg|Tablette administrative en ougaritique : texte mentionnant des personnes originaires de Chypre venant prendre des vivres à Ougarit.
List of temple officers AO19962 img 0164.jpg|Liste de noms des fonctionnaires d'un temple.
P1350693 Louvre contrat Ougarit AO27987 rwk.jpg|Don du roi Niqmaddou avec contre don, scellé avec le sceau dynastique.
Tablet-shipment of timber-AO 29507-P5280327-gradient.jpg|Lettre d'un fonctionnaire de Beyrouth s'adressant au roi d'Ougarit.
Tablet-private letter-AO 19940-P5280339-gradient.jpg|Lettre de correspondance privée.
Mythological poem Baal death AO16641 AO16642 mp3h8918.jpg|Poème mythologique du [[cycle de Ba'al]], ''Ba'al et la Mort''.
Danel epic AO17323 mp3h8906.jpg|Poème épique de Danel et de son fils Aqhat.
</gallery>
 
=== Les scribes et la culture lettrée ===
[[Fichier:Tablet with cuneiform abecedarium-AO 19992-IMG 6956.JPG|thumb|Tablette fragmentaire comprenant un abécédaire en [[alphabet ougaritique]]. [[Musée du Louvre]].]]
 
Les [[Scribe dans le Proche-Orient ancien|scribes]] ougaritains suivant le cursus le plus classique devaient au moins connaître l'akkadien, avec des rudiments de sumérien nécessaires à la compréhension de l'écriture cunéiforme (car c'est de cette langue que dérivent les logogrammes), en plus de leur langue maternelle, l'ougaritique. Il ne s'agit pas forcément d'un bilinguisme à proprement parler, mais plutôt d'un « biscriptisme », la maîtrise de l'écriture de l'akkadien cunéiforme, qui plus est sous une forme reprenant des éléments de l'idiome local, n'impliquant pas de savoir le parler au quotidien{{sfn|Vita|1999|p=472-473}}{{,}}{{sfn|Lackenbacher|2002|p=20}}.
 
Qui plus est, la présence de logogrammes qui n'ont pas de valeur phonétique et peuvent être lus dans plusieurs langues fait que les liens entre langue et écriture ne sont pas si évidents que cela. L'apprentissage du cunéiforme traditionnel se faisait par la méthode mise au point en Mésopotamie, en se reposant sur les [[listes lexicales]], donc des inventaires de signes plus ou moins élaborés, les plus simples étant des syllabaires permettant de se familiariser avec les signes phonétiques, le niveau supérieur étant représenté par des sortes de dictionnaires bilingues sumérien-akkadien, qui permettent d'apprendre des logogrammes. La rédaction de textes littéraires plus complexes issus de la tradition mésopotamienne permettait de passer à un stade plus avancé. Le cursus d'apprentissage de l'alphabet ougaritique s'inspire du modèle mésopotamien : des abécédaires permettent un apprentissage des signes, puis des listes lexicales multilingues avec une colonne en ougaritique permettent d'acquérir le vocabulaire. Des exercices de copies de mots, notamment des noms de personnes et de divinités, font également partie du cursus dans les deux écritures<ref>Robert Hawley et Carole Roche, « Entre tradition mésopotamienne et fonds culturel local », dans {{harvsp|id=DA|Dossiers d'archéologie|2004|p=40-43}}.</ref>.
 
Il n'y a pas d'écoles à proprement parler, les textes littéraires étant retrouvés dans divers lieux où se trouvent des textes écrits, ce qui indique que l'apprentissage était dispensé par des scribes expérimentés là où ils avaient l'habitude de travailler. Le métier de scribe s'exerce souvent au sein d'une même famille, par exemple celle de Nou'mi-Rashap qui sert les rois d'Ougarit pendant au moins trois générations<ref>{{Lien web|url= https://archeologie.culture.gouv.fr/ougarit/fr/les-scribes-ougarit|auteur=Carole Roche-Hawley |titre=Les scribes à Ougarit | site=Archeologie.culture.gouv.fr|date=non daté| consulté le=27 juillet 2023}}.</ref>.
 
Les scribes ougaritains maîtrisaient donc manifestement depuis plusieurs générations l'akkadien cunéiforme avec la « culture cunéiforme » qui l'accompagne, comprenant notamment ses méthodes d'enseignement et un corpus de textes tels que la fameuse ''[[Épopée de Gilgamesh]]'', des hymnes aux dieux Shamash et Marduk, des textes divinatoires, des sagesses, etc. que les apprentis scribes devaient copier pour parachever leur formation<ref>Florence Malbrat-Labat, « Les rapports avec la littérature mésopotamienne d'après les textes akkadiens », dans {{harvsp|id=EXPO04|Galliano et Calvet (dir.)|2004|p=92}}.</ref>. Sur cette base, ils ont développé l'alphabet ougaritique, son enseignement et une tradition scribale proprement ougaritaine, avec son propre corpus de textes. Ils se sont pour cela largement inspiré du modèle mésopotamien, mais ont également témoigné d'un indéniable sens de l'innovation : ils mettent au point des formulaires spécifiques pour les textes administratifs ou juridiques ; il n'y a pas de traductions parmi les textes littéraires et rituels en ougaritique, qui sont des créations locales. En fin de compte, les scribes ougaritains étaient {{citation|au croisement de deux cultures : ils étaient versés dans l'éducation scribale mésopotamienne, mais demeuraient soucieux d'affirmer leur propre identité culturelle, non seulement en notant leur langue avec leur écriture, mais aussi en ayant leur propre littérature et leur propre idée de la composition des documents de la vie quotidienne<ref>Robert Hawley, « Les rapports avec la littérature mésopotamienne d'après les textes ougaritiques », dans {{harvsp|id=EXPO04|Galliano et Calvet (dir.)|2004|p=92}}.</ref>.}}
 
== Organisation et vie politique ==
 
=== Le roi et sa famille ===
[[Fichier:Tablet-legal text-AO 27987-P5280340-gradient.jpg|thumb|Tablette enregistrant un don fait par le roi Niqmaddou, avec l'empreinte du sceau dynastique, au nom de Yaqarou. [[Musée du Louvre]].]]
 
Le premier personnage du royaume ougaritique est le roi (ougaritique ''maliku''). Il est le centre de l'autorité et du pouvoir dans le royaume. Selon la conception de l'époque, reposant sur la notion de « Maison » (aussi bien au sens propre que figuré), le royaume est conçu comme un ensemble de Maisons des pères de famille du royaume, réunis et englobés dans la Maison du roi, qui elle-même est subordonnée à celle des dieux{{sfn|Schloen|2001|p=316}}. En effet, comme dans le reste du Proche-Orient ancien, son pouvoir repose sur une légitimité divine : il est à son poste parce qu'il a été choisi par les dieux (les dieux ayant un aspect souverain étant [[El (dieu)|El]] et [[Baal]]) et agit en tant que leur représentant terrestre, conformément à leur volonté<ref name=expo04164>Pierre Bordreuil, Hedwige Rouillard-Bonraisin, Arnaud Sérandour, « L'idéologie royale à Ougarit », dans {{harvsp|id=EXPO04|Galliano et Calvet (dir.)|2004|p=164}}.</ref>{{,}}{{sfn|id=RLA|Niehr dans RLA|2015|p=288}}.
 
L'autre volet de la légitimité royale est dynastique : le roi occupe son trône parce qu'il est le descendant de la lignée dynastique qui dirige Ougarit, ce que symbolise notamment le fait que les derniers rois d'Ougarit authentifient leurs actes avec le sceau du roi Yaqarou fils de Niqmaddou (ou plutôt une copie de celui-ci), considéré comme le fondateur de leur dynastie. L'importance du culte des ancêtres royaux reflète également cet aspect de la légitimité royale. Le poème épique ''Danel et Aqhat'', débutant sur les difficultés du roi Danel à avoir un héritier, renvoie également à cette question. En pratique, durant les derniers règnes, le choix doit être avalisé par le suzerain hittite, qui constitue alors une troisième forme de légitimité, politique, nécessaire pour obtenir le trône d'Ougarit{{sfn|Vita|1999|p=467-468}}{{,}}{{sfn|van Soldt|2010|p=248}}.
 
Le roi dirige donc la politique et l'administration de son royaume. Cela se voit dans les relations diplomatiques, les accords avec les autres royaumes étant passés en son nom, il est également le chef des armées, même si cet aspect semble peu prononcé à Ougarit. Du point de vue interne, il est le garant de la justice et de l'équité, donc le juge suprême du royaume, auquel on peut en principe faire appel en dernier ressort, bien que cela ne semble pas avoir été courant puisqu'il délègue ses prérogatives judiciaires au préfet. Il s'occupe néanmoins des crimes les plus graves, notamment si elles impliquent des ressortissants étrangers. Il est en revanche très impliqué dans les affaires rituelles, ce qui est une conséquence de son statut d'élu des dieux et de lien entre les sphères humaine et divine. Il entretient les sanctuaires, gère leur personnel, et exécute personnellement les sacrifices lors des rites les plus importants. Il doit également assurer le culte des anciens rois divinisés, et il les rejoint à sa mort, prenant alors le statut d'être d'essence divine qui veille sur le royaume{{sfn|Vita|1999|p=468}}{{,}}{{sfn|Márquez Rowe|2003|p=721}}{{,}}<ref name=expo04164/>{{,}}{{sfn|van Soldt|2010|p=249}}.
 
Parmi les membres de la famille royale, seule la reine (''mlk.t'') paraît avoir une influence importante. Les rois sont polygames mais il existe une hiérarchie. Le titre de reine est porté par la femme la plus importante du palais, qui n'est pas forcément l'épouse principale du roi puisque tant que la mère du roi est vivante elle le conserve. Les mariages diplomatiques étant courants, la reine est généralement d'origine étrangère, et son mariage s'accompagne du versement d'une importante dot, qui lui assure un confort économique. Le contenu de la dot est documenté dans le cas d'Ahat-milku, une princesse d'Amurru mariée à Niqmepa, qui joue un rôle important sous le règne de son fils Ammistamrou II. Elle intervient notamment pour régler une affaire au sein de la famille royale causée par un crime de deux princes contre leur frère Ammistamrou, en assurant qu'ils soient exilés à Alashiya (Chypre) avec leur part d'héritage. La reine peut donc jouer un rôle politique important, et aussi diplomatique : elle peut remplacer le roi lorsqu'il se déplace hors du royaume (rôle aussi dévolu au préfet du Palais), et entretient des relations avec des cours étrangères. L'influence de la reine se manifeste aussi par le fait qu'elle dispose de sa propre « Maison » qu'elle gère librement avec son personnel, tient sa propre correspondance et conduit des affaires économiques, notamment l'acquisition de propriétés foncières et des opérations commerciales (elle dispose de marchands travaillant pour son compte){{sfn|Vita|1999|p=469-470}}{{,}}{{sfn|Lackenbacher|2002|p=283-286 et sq.}}{{,}}{{sfn|van Soldt|2010|p=249-250}}. Deux affaires de divorces de l'épouse principale d'un roi sont connues, qui ont eu une grande importance politique puisqu'elles concernent une princesse d'Amurru (et probable fille d'une princesse hittite) épouse d'Ammistamrou II, coupable d'une faute indéterminée (peut-être un adultère), en tout cas très grave puisqu'elle est exécutée, et une princesse hittite épouse d'Ammourapi, cas mal documenté{{sfn|Vita|1999|p=477-478}}{{,}}{{sfn|Márquez Rowe|2003|p=726-727}}.
 
=== Administration ===
 
L'administration du royaume est documentée par les tablettes administratives et juridiques mises au jour à Ougarit, qui laissent néanmoins de nombreux points dans l'obscurité. Si on l'analyse comme une organisation caractérisée par une domination de type « patrimonial », le royaume est conçu comme le patrimoine du souverain, qui le gère, pour le compte des dieux, comme un chef de maison ou père de famille, dans lequel les fonctions administratives ont des contours flous. Le plus déterminant est alors la position dans la hiérarchie et le lien personnel éventuellement entretenu avec le roi, qui place dans son entourage proche ceux en qui il a le plus confiance. Les relations d'autorité et d'obéissance reposant à tous les niveaux sur les principes qui existent au sein d'un foyer domestique, cela implique que les personnages-clés de l'administration n'ont pas de fonctions spécialisées, mais ils reprennent pour l'essentiel les attributions du roi, à des niveaux inférieurs. L'aspect « bureaucratique » du système est donc limité{{sfn|Schloen|2001|p=252-254}}{{,}}<ref>{{Chapitre|langue=en|prénom1=Wilfred H. |nom1=van Soldt|titre=The City-Administration of Ugarit|auteurs ouvrage=Leonid E. Kogan, Natalia Koslova, Sergey Loesov et Serguei Tishchenko (dir.)|titre ouvrage= City Administration in the Ancient Near East, Proceedings of the {{53e}} Rencontre Assyriologique Internationale, Vol. 2 |lieu=Winona Lake |éditeur=Eisenbrauns|année=2010|passage= 247-261}}.</ref>.
 
Le personnage principal est le « préfet » (ougaritique ''sākinu''), ou plus précisément le « préfet d'Ougarit » ou « préfet du Palais », car plusieurs personnes situées à des échelons inférieurs de l'appareil administratif portent également ce titre générique (qui signifie quelque chose comme « préposé »). Il dispose de son propre bureau, désigné suivant la conception de l'époque comme la « Maison du préfet », avec un personnel important. Son rôle est d'assister le roi, donc il peut intervenir aussi bien dans des affaires politiques, judiciaires ou commerciales, y compris en liaison avec les royaumes voisins. Il devient le dirigeant de fait du royaume lorsque le roi quitte ses frontières, ou bien lorsqu'il est trop jeune pour exercer le pouvoir{{sfn|Vita|1999|p=468-469}}{{,}}{{sfn|Márquez Rowe|2003|p=721}}{{,}}{{sfn|van Soldt|2010|p=250-255}}. La reine dispose également de préfets attachés à sa maison{{sfn|van Soldt|2010|p=252-253}}.
 
Le caractère patrimonial de l'exercice du pouvoir et l'importance des « maisons » dans l'administration du royaume se voit dans les grandes résidences de la ville d'Ougarit et leurs archives (Maisons de Yabninou, de Rasapabou, de Rapanou, d'Ourtenou). Les personnages de haut rang qui y ont leur résidence et leur bureau sont liés au roi ou à sa famille, et impliqués en particulier dans leurs affaires économiques, ce qui explique qu'on ait pu y trouver des documents de nature « publique » aux côtés d'autres qui relèvent des affaires privées de ces personnages. Ainsi la Maison d'Ourtenou a livré des tablettes enregistrant les rations des chevaux et ânes du roi et de la reine, des lettres adressées au roi et au préfet, y compris par des rois étrangers, et d'une manière générale une correspondance relative au commerce. Cela indique que les affaires du royaume peuvent être gérées en dehors du palais, et qu'il n'y a pas de coupure nette entre le public et le privé{{sfn|Vita|1999|p=471-472}}{{,}}<ref name=fmb045457/>.
 
L'administration (ainsi que l'armée) est également divisée en sections ayant un chef appelé ''rabu'' (« grand »), identifié par son domaine de compétence (« chef comptable », « chef des artisans », « chef des chariots », « chef des champs », « chef du quai », etc.){{sfn|Vita|1999|p=473-474}}. Les prêtres font également partie du système administratif du royaume, et c'est pour cette raison qu'ils sont recensés dans des listes de personnes comme les autres serviteurs du Palais{{sfn|Vita|1999|p=474-475}}.
 
Des représentants du pouvoir royal sont placés au niveau local. Les préfets de rang inférieur sont en poste dans des localités du royaume (au moins huit) où ils doivent disposer de prérogatives similaires au préfet du Palais, mais circonscrites à l'échelle locale{{sfn|Márquez Rowe|2003|p=721}}{{,}}{{sfn|van Soldt|2010|p=253}}. Des « maires » se trouvent aussi au niveau local (on en connait pour la ville d'Ougarit et celle de Shalmiya, au nord du royaume), où ils coexistent avec des conseils d'« Anciens » représentant les communautés villageoises{{sfn|Vita|1999|p=483-484}}{{,}}{{sfn|Márquez Rowe|2003|p=721}}{{,}}{{sfn|van Soldt|2010|p=255-256}}. Quand des villages entiers, ou leurs revenus, sont concédés à un serviteur du roi par des dons royaux, cela crée une autre forme de pouvoir local, un échelon intermédiaire entre les foyers villageois et le pouvoir royal{{sfn|Schloen|2001|p=254}}. L'administration royale est aussi présente dans l'espace rural par les domaines agricoles dépendant directement du palais (voir plus bas) et aux frontières par des collecteurs de taxes{{sfn|Vita|1999|p=474}}.
 
Les activités administratives, et plus généralement économiques et juridiques, se repèrent également par la trouvaille de nombreux sceaux-cylindres servant à authentifier les actes, ceux de l'administration royale se caractérisant par le fait qu'ils portent des inscriptions identifiant leur possesseur, alors que la majorité de ces objets provenant d'Ougarit ne sont pas inscrits<ref>Annie Caubet, « Des ateliers dans la ville », dans {{harvsp|id=EXPO04|Galliano et Calvet (dir.)|2004|p=179}}.</ref>.
 
=== La domination hittite ===
{{Article connexe|Hittites|Histoire des Hittites}}
[[Fichier:Tablet-AO 21091-IMG 3848-white.jpg|thumb|left|Tablette envoyée au roi d'Ougarit par le roi hittite [[Tudhaliya IV]], concernant les chevaux de messagers hittites, marquée du sceau royal hittite. [[Musée du Louvre]].]]
 
Pour la période couverte par les lots d'archives, le roi d'Ougarit est un vassal du puissant roi des Hittites ; suivant la terminologie de l'époque, renvoyant à la métaphore familiale, le premier est le « fils » du second, qui est donc le « père ». Cette situation est instaurée à l'époque des conquêtes syriennes de [[Suppiluliuma Ier|Suppiluliuma {{Ier}}]], dans la seconde moitié du {{-s|XIV|e}} Jusqu'alors vassal de l’Égypte mais au contact direct de la sphère de domination hittite, Niqmaddou finit par rejoindre cette dernière en raison de l'irrésistible expansion qu'elle connaît alors. Comme il est de mise avec les Hittites, la relation avec eux est formalisée par un traité international qui prévoit les conditions de la mise en vassalité d'Ougarit : il doit une complète loyauté à son suzerain, lui verse un tribut régulier, en échange de quoi sa sécurité est assurée. Il est aussi attendu que les rois d'Ougarit viennent rendre hommage régulièrement au roi hittite. Cela n'empêche par Ar-halba de rejoindre une insurrection de rois syriens contre le second successeur de Suppiluliuma, son fils Mursili II, qui se solde par un triomphe hittite et un changement forcé de régime à Ougarit, où Niqmepa est intronisé et conclut un nouveau traité. La domination hittite sur la Syrie s'exerce alors principalement par l'intermédiaire d'une dynastie collatérale hittite, fondée à Karkemish par un autre fils de Suppiluliuma. C'est avec ces « vices-rois » hittites que les rois d'Ougarit doivent composer en premier lieu, et ils ont des représentants permanents à Karkemish. Le renforcement de l'emprise hittite sur Ougarit se traduit par la perte pour celle-ci de la domination qu'elle exerçait sur le petit royaume de Siyannou et d'Oushnatou, qui passe sous la domination directe de Karkemish. La relation est documentée par la correspondance entre le roi et d'autres personnages importants d'Ougarit et le grand roi hittite et ses représentants (roi de Karkemish, princes hittites, autres membres de la cour hittite), ainsi que des décrets et jugements promulgués par le grand roi hittite ou le roi de Karkemish. Ils se rapportent : à des litiges frontaliers, notamment le difficile tracé de la frontière avec Siyannou et Oushnatou ; des affaires judiciaires impliquant des ressortissants d'Ougarit et ceux d'autres pays sous domination hittite, ce qui concerne surtout des marchands, ou encore les affaires de divorce des rois d'Ougarit (étant donné que leurs reines sont d'origine étrangère, une étant même hittite) ; le service militaire dû par Ougarit, dont on sait par ailleurs qu'il a participé à la fameuse bataille de Qadesh du côté hittite, qui implique aussi à la fin de la période documentée l'envoi de bateaux préparés pour la guerre ; l'accueil de membres de la cour hittite à Ougarit, où rien ne doit leur être refusé ; ou encore des « présents » que le grand roi hittite et d'autres hauts personnages de son entourage exigent. De lourdes contraintes pèsent donc sur le roi d'Ougarit qui semble disposer de peu de marges de manœuvres pour conduire sa politique internationale, mais ses rapports avec les autres royaumes de second rang indiquent qu'il conserve une certaine marge d'action<ref>Sylvie Lackenbacher, « Politique et diplomatie », dans {{harvsp|id=EXPO04|Galliano et Calvet (dir.)|2004|p=103-104}}. Description plus développée et traduction de nombreuses sources sur le sujet dans {{harvsp|Lackenbacher|2002|p=53-178}}.</ref>{{,}}<ref>{{Article|langue=en|auteur=Wilfred H. van Soldt|titre= Ugarit as a Hittite Vassal State|périodique= Altorientalische Forschungen|volume= 37 |numéro=2|année=2010|passage= 198–207}}.</ref>.
 
{{Colonnes|nombre=2|1=
{{Encadré texte|align=center|width=|texte=« Ainsi (parle) mon Soleil Mursili, le Grand Roi, roi du [Hatti], fils de Suppiluliuma, le Grand Roi, le héros. Depuis longtemps, le roi de l'Ougarit et le roi du Siyannou ne faisaient qu'un. Les années passant, Abdi-Anati roi du Siyannou, s'est écarté de Niqmepa, roi de l'Ougarit et s'est tourné vers le roi du Karkemish : il est (maintenant) sous son autorité. Mursili, le Grand Roi, a séparé Abdi-Anati, le roi du Siyannou, et ses fils, du roi de l'Ougarit et il l'a donné comme sujet au roi du Karkemish. Siyannou, avec les villes de ses environs, et Oushnatou, avec les villes de ses environs, avec leurs (zones) frontières et avec leurs montagnes, il les a attribuées par tablette scellée au roi du Karkemish. (...) »|légende=Édit du roi hittite Mursili II détachant Siyannou et Oushnatou de la domination d'Ougarit en faveur de Karkemish<ref>Adapté de {{harvsp|Lackenbacher|2002|p=136}}.</ref>.}}
 
{{Encadré texte|align=center|width=|texte=« Qu'est ce que cette affaire, d'avoir écrit à plusieurs reprises au Roi (hittite) : « à présent, je viens de te faire porter du lapis-lazuli » ? Le cœur du Roi est fort irrité et c'est à moi que le Roi s'en est pris : « Est-ce que cet homme ne se moque pas de moi? Une pierre comme cela, il l'a ramassée par terre et il me l'a fait porter en disant "à présent, je te fais porter du lapis-lazuli" ! » Était-ce bien du lapis-lazuli ce que tu as envoyé ? Mieux vaudrait ne rien envoyer plutôt que de ramasser et d'envoyer une pierre (''glose : de la fritte'') de cette sorte, afin de ne pas irriter ainsi le cœur du Roi contre toi ! Maintenant, trouve du lapis-lazuli venant de quelque part et fais-le porter au Roi : que le cœur du Roi ne s'irrite pas (davantage) contre mon seigneur ! »|légende=Lettre de Tagouhli(nu), l'envoyé du roi d'Ougarit à Karkemish, à son maître pour qu'il satisfasse les exigences du grand roi hittite{{sfn|Lackenbacher|2002|p=91}}.}}
}}
 
=== Les relations avec les autres royaumes ===
 
Malgré l'emprise hittite, les rois d'Ougarit continuent d'avoir des relations avec les autres royaumes de leur voisinage, et parfois plus loin encore. Cela concerne d'abord les autres pays soumis à la domination hittite : le voisin méridional et ancien vassal Siyannou et Oushnatou, avec lequel les interactions sont courantes ; l'[[Amurru (royaume)|Amurru]] avec lequel des liens matrimoniaux sont noués, même si le mariage d'une princesse de ce pays avec le roi Ammistamrou se termine mal comme évoqué précédemment ; des lettres attestent aussi de relations régulières avec les cours de [[Qadesh (divinité)|Qadesh]] et d'[[Alalakh]] ; [[Emar]] apparaît surtout dans le cadre des affaires commerciales de la Maison d'Ourtenou. La cour ougaritaine se tient en particulier au fait des conflits qui ont lieu en Haute Mésopotamie entre les Hittites et les [[Assyrie]]ns, qui tournent alors à l'avantage des seconds, dans lesquels elle est impliquée au même titre que les vassaux hittites. À la fin de la période documentée par les archives le royaume d'[[Alashiya]], sur Chypre, devient vassal des Hittites et des lettres montrent que la cour ougaritaine a des relations avec lui, qui ont notamment trait à la présence de maraudeurs sur les mers (des prémices des attaques des « Peuples de la mer » ?)<ref>Sylvie Lackenbacher, « Politique et diplomatie », dans {{harvsp|id=EXPO04|Galliano et Calvet (dir.)|2004|p=104}}. Aussi {{harvsp|Lackenbacher|2002|p=179-194}}.</ref>.
 
Depuis la conclusion de la paix entre [[Ramsès II]] et [[Hattusili III]] les relations sont pacifiques entre les sphères hittites et égyptiennes. Des lettres sont échangées avec le pharaon [[Mérenptah]]. Plus important, les royaumes vassaux de l’Égypte comprennent les ports de la côté levantine avec lesquels Ougarit a des rapports commerciaux réguliers : [[Byblos]], [[Beyrouth]], [[Tyr]], [[Sidon]], [[Acre (Israël)|Acre]], [[Ashdod]], [[Ashkelon]]<ref>Sylvie Lackenbacher, « Politique et diplomatie », dans {{harvsp|id=EXPO04|Galliano et Calvet (dir.)|2004|p=104-105}}.</ref>. Les lettres échangées avec ces pays ont surtout trait au commerce et à des affaires diverses liées à des ressortissants d'Ougarit implantés dans ces pays. Ainsi un groupe d'Ougaritains installés à Sidon y commet un sacrilège dans le temple de la principale divinité de la cité, le Dieu de l'Orage local, qui doit être réparé par un rite long et coûteux. Ils doivent donc offrir une compensation financière, faute de quoi ils sont passibles de la peine de mort{{sfn|Vita|1999|p=463-464}}.
 
=== L'armée ===
[[Fichier:Pointes de fleches et lances Ras Shamara Minet el Beida Louvre.jpg|thumb|upright=0.7|Pointes de flèches et de lances retrouvées à Ras Shamra et [[Minet el-Beida]]. [[Musée du Louvre]].]]
 
Le royaume d'Ougarit doit composer avec un environnement politique marqué par les rivalités entre grandes puissances, et il dispose de sa propre armée pour assurer sa sécurité et aussi sa place au sein du système politique et militaire hittite. Le roi est en principe le commandant en chef des armées. La force de frappe principale des armées du Bronze récent sont les chars de combat, tirés par une paire de chevaux et avec un équipage de deux ou trois hommes, dont un ''maryannu'', groupe qui constitue l'élite militaire. Les unités d'infanterie (armées d'arc et de lances, aussi d'épées courbes du type [[khépesh]]) constituent le gros des troupes. Une infanterie lourde existe peut-être, si on en juge par des textes administratifs enregistrant des cuirasses et des heaumes. Des garnisons sont stationnées dans les points stratégiques du royaume, les unités de chars et celles assurant la garde du roi devant être des troupes permanentes, éventuellement complétées par des mercenaires. Les localités doivent fournir des soldats lors des levées de troupes, qui accomplissent un service militaire temporaire. Il a été estimé qu'en tout le royaume pourrait mobiliser autour de {{formatnum:4000}}-{{formatnum:5000}} hommes, mais cela reste incertain. Il n'y a aucune indication qu'Ougarit ait disposé d'une flotte de guerre à proprement parler, comme on s'y attendrait pour ce royaume littoral. Aucun texte ne fournit d'indication sur la manière dont est organisée la flotte, ou quels types de bateaux elle emploie. Les navires utilisés lors des guerres sont manifestement ceux qui servent au transport de personnes et de biens en temps de paix{{sfn|Vita|1999|p=492-498}}{{,}}<ref>Juan-Pablo Vita, « L'armée », dans {{harvsp|id=EXPO04|Galliano et Calvet (dir.)|2004|p=171}}.</ref>.
 
== Société et économie ==
 
=== Démographie ===
 
Plusieurs études, notamment celles conduites par M. Heltzer puis [[Mario Liverani|M. Liverani]], se sont appuyées sur les tablettes recensant les villages du royaume d'Ougarit et leurs habitants, de manière à estimer le nombre d'habitants du royaume, en extrapolant à partir de données constatées pour d'autres corpus de textes de l'époque, en premier lieu celui du pays voisin d'Alalakh. Cela repose notamment sur l'estimation du nombre de villages du royaume, qui serait situé entre 150 et 200, puis la population moyenne de ces habitats est estimé de manière différente selon les auteurs, qui tombent quoi qu'il en soit sur un même ordre de grandeur, de 25-{{formatnum:26000}} habitants pour la population villageoise. La population de la capitale Ougarit est estimé autour de {{formatnum:6000}} à {{formatnum:8000}} habitants, ce qui donnerait une population totale d'environ 31 à {{formatnum:34000}} personnes. J. Vidal a proposé une estimation plus basse, de 17-{{formatnum:22000}} habitants. Ces estimations sont très incertaines car il n'y a pas de données complètes sur les agglomérations ougaritiques et peu de moyens d'estimer la taille moyenne d'un foyer. Au demeurant elles ne s'appuient pas sur des données archéologiques pour l'estimation de la population villageoise. La répartition du peuplement dans le royaume semble très inégalitaire et déterminée de manière assez classique par la topographie et les potentialités des terroirs : les plaines côtières les plus fertiles, autour d'Ougarit et dans la plaine de Jablé, sont les deux principaux foyers de peuplement, tandis que les régions hautes de l'intérieur sont moins peuplées{{sfn|Vita|1999|p=455}}{{,}}<ref>{{Article|langue=en|auteur=Jordi Vidal| titre=On the Demography of Ugaritian Villages: A Research Note|périodique= Journal of the Economic and Social History of the Orient|volume=57|numéro=1|année= 2014|passage=44-54 |jstor=43303580}}</ref>.
 
=== Groupes sociaux ===
[[Fichier:Deux personnages sur un char (Louvre, AM 18522) 1.jpg|thumb|Figurine en terre cuite représentant deux personnages sur un char. Ras Shamra, [[Musée du Louvre]].]]
 
La société ougaritique est dominée par la famille royale. Vient après l'élite, constituée des plus proches serviteurs du roi et de la reine, c'est-à-dire les plus hauts fonctionnaires du royaume tels que le préfet et les détenteurs des charges administratives majeures, les riches marchands travaillant pour le compte de la famille royale tels que Shipti-Baal (qui plus est gendre du roi), ou encore les personnages dont les activités sont documentées par les archives des grandes résidences (Yabninou, Ourtenou, etc.) et ceux qui se voient concéder des domaines importants par le roi{{sfn|van Soldt|2010|p=256-258}}. Les fouilles des résidences confirment du reste ces écarts de richesse : les maisons de l'élite sont plus grandes, celles des grands serviteurs sont situées à proximité directe du palais royal, le matériel archéologique qu'elles ont livré est plus riche, se rapproche de celui du palais par la présence d'objets de prestige et exotiques, et le fait qu'on y pratique l'écriture{{sfn|Matoïan|2009|p=55-56}}.
 
Les hommes et femmes libres d'Ougarit sont désignés par l'expression générale « fils/filles d'Ougarit »{{sfn|Vita|1999|p=455}}{{,}}{{sfn|Márquez Rowe|2003|p=723}}. À ce titre, les femmes, tout en étant soumises aux hommes de leur famille (père ou époux, voire un frère) suivant les principes patriarcaux, disposent de droits et bénéficient d'une protection assez large pour une société antique, puisqu'elles peuvent ester en justice, posséder des terres, semblent avoir des droits d'héritage, peuvent faire des achats et des prêts, sont redevables du service royal. Mais elles ne peuvent apparemment pas occuper un poste dans l'administration{{sfn|Vita|1999|p=481-482}}{{,}}{{sfn|Márquez Rowe|2003|p=724}}.
 
La population d'Ougarit semble majoritairement de langue ougaritaine, donc de type « ouest-sémitique », les prénoms qu'ils portent étant surtout dans cette langue. Le fait que de nombreux noms soient en hourrite et que la langue hourrite soit écrite sur place, notamment dans la forme alphabétique qui ne sert pas à noter cette langue ailleurs, pourrait indiquer qu'une partie de la population d'Ougarit est de langue hourrite. Mais cela est débattu{{sfn|Vita|1999|p=456-457}}.
 
Les gens libres d'origine étrangère et résidant à Ougarit ne sont pas inclus dans le groupe des « fils/filles d'Ougarit », mais ils disposent de droits et de devoirs larges puisqu'ils peuvent avoir des terres dans le royaume, et être redevables du service royal{{sfn|Márquez Rowe|2003|p=723}}. Parmi les étrangers résidant en permanence dans le royaume, ou présents de façon temporaire, on trouve des gens originaires du pays hittite, comme les marchands venus des ports d'Ura et de Kutupa. Les gens d'Alashiya (Chypre) sont également présents, dont certains sont des artisans travaillant pour le compte du palais. On trouve aussi des gens originaires des villes du littoral levantin situées au sud d'Ougarit (Tyr, Byblos, Sidon, Ashdod, etc.) et des Égyptiens{{sfn|Vita|1999|p=458-460}}. Ce cosmopolitisme ressort également dans les trouvailles effectuées dans les espaces résidentiels, qui ont fourni des objets provenant de divers horizons géographiques, plus que dans les sites syriens de l'intérieur pour la même période, sans que cela n'indique clairement où vivent les étrangers{{sfn|Matoïan|2009|p=57}}.
 
D'autres groupes d'origine extérieure, mais sans attache géographique précise, apparaissent aussi dans les textes d'Ougarit. Il s'agit notamment des ''[[apirou|hapiru]]'', catégorie sociale attestée à plusieurs reprises dans les pays levantins du Bronze récent, qui désigne des groupes de déracinés, se déplaçant de manière plus ou moins organisée, dont certains ont tendance à causer des troubles dans les pays où ils vont, alors que d'autres s'y intègrent, ce qui semble être le cas de ceux documentés dans les textes administratifs d'Ougarit{{sfn|Vita|1999|p=461-462}}{{,}}{{sfn|Lackenbacher|2002|p=62-63 n.138}}. D'autres groupes nomades dont l'identité est moins bien comprises apparaissent dans des textes. Il est aussi possible qu'Ougarit ait accueilli des [[Shardanes]], qui font par la suite partie du groupe des « [[Peuples de la mer]] »{{sfn|Vita|1999|p=461-462}}. Le royaume doit également composer avec le problème des fugitifs, aussi bien les siens que ceux des autres royaumes qui se sont rendus sur son territoire, et cette question est souvent abordée dans les traités internationaux. Cela pose notamment problème parce qu'un fugitif n'accomplit plus le service qu'il doit à son roi{{sfn|Vita|1999|p=467}}.
 
La société ougaritique comprend également des esclaves, qui apparaissent parmi les listes de propriété, font l'objet de ventes, de dons, de legs. Les esclaves du palais travaillent notamment dans les domaines agricoles. Cela reflète pour partie un phénomène de déclassement social, puisque l'esclavage pour dettes est pratiqué à Ougarit. Dans ces cas il est possible de racheter sa liberté. Cela est également possible quand une personne est devenue esclave en étant capturée, auquel cas elle peut être libérée par le paiement d'une rançon. Les maîtres peuvent également décider d'affranchir un esclave. Cela arrive notamment quand des femmes esclaves se marient{{sfn|Vita|1999|p=466-467}}{{,}}{{sfn|Márquez Rowe|2003|p=724-725}}.
 
=== Vie familiale ===
 
Les structures familiales d'Ougarit peuvent être approchées par les textes et les analyses des espaces résidentiels, mais il est impossible d'en tirer des conclusions assurées. Il y a ainsi eu des tentatives de déterminer combien d'habitants vivaient dans une résidence, sur la base d'une moyenne théorique d'un habitant pour {{unité|10|m|2}} d'espace habitable, une moyenne de 5-6 personnes par foyer a pu être avancée, mais cela reste très approximatif. Le fait que les résidences soient de tailles différentes incite sans doute à envisager des situations différentes : dans certains cas des [[famille nucléaire|familles nucléaires]] (un couple et ses enfants), dans d'autres des [[famille élargie|familles élargies]] (un couple de parents avec un ou deux fils et leur(s) épouse(s) et enfants) et la possibilité de la [[polygamie]] doit aussi être prise en considération, ainsi que celle d'un nombre plus ou moins important de serviteurs avec potentiellement leur propre famille{{sfn|Vita|1999|p=478-479}}{{,}}{{sfn|Schloen|2001|p=318-328}}.
 
La société ougaritique suit le système patriarcal : le maître de maison est le père de famille, propriétaire de son patrimoine, il exerce son autorité sur sa ou se(s) épouse(s), leurs enfants, sa ou ses belle(s)-fille(s) vivant sous son toit, et ses serviteurs{{sfn|Márquez Rowe|2003|p=747}}. Un texte indique qu'un père peut vendre son fils, mais on ne connaît pas les circonstances ayant conduit à cette situation{{sfn|Márquez Rowe|2003|p=747}}. Dans d'autres situations, connues par des textes d'adoption, une personne peut être chassée de sa famille : si un fils adoptif maltraite sa mère, si un adopté rejette son adoptant. La sortie de la famille s'accompagne de gestes symboliques, du départ de la maison, et de la perte des droits sur le patrimoine familial{{sfn|Lackenbacher|2002|p=265-266}}.
 
Le mariage et ses principes sont documentés par des textes divers : certes aucun contrat de mariage n'a été mis au jour, mais le texte mythologique relatant l'union des divinités lunaires Yarikh et Ninkal fournit des informations sur les rites nuptiaux, les deux cas de divorces royaux donnent en filigrane des informations sur les aspects légaux du mariage et les données des autres sites syriens de la même période (Alalakh et Emar) permettent de compléter le tableau. Le mariage est arrangé entre deux familles, et se présente en fin de compte comme un accord entre le père de la mariée et son futur gendre, auquel il donne sa fille, puisqu'en général celle-ci va vivre dans le foyer de son époux. Elle est accompagnée d'une dot, et le père reçoit un présent de la part de son gendre (le soi-disant « prix de la mariée »), qui semble être ensuite donné à l'épouse{{sfn|Vita|1999|p=481-482}}{{,}}{{sfn|Márquez Rowe|2003|p=725-726}}. La cérémonie de mariage est marquée par un geste rituel dans lequel l'époux oint son épouse avec de l'huile{{sfn|Vita|1999|p=482}}. La polygamie est pratiquée, sans doute plutôt dans les familles les plus riches et/ou quand l'union avec la première épouse n'a pas été fertile{{sfn|Vita|1999|p=478}}{{,}}{{sfn|Márquez Rowe|2003|p=728}}. L'union peut être rompue par un divorce ou une répudiation, situation surtout attestée dans le cas des divorces royaux. On y apprend que l'épouse repart avec les biens qu'elle a apportés lors du mariage (sa dot) mais qu'elle laisse ce qu'elle a acquis depuis{{sfn|Vita|1999|p=476-478}}{{,}}{{sfn|Márquez Rowe|2003|p=726-727}}.
 
{{encadré texte|align=right|width=300px|texte=À dater d'aujourd'hui, devant Niqmaddou, fils de Ammistamrou, roi d'Ougarit, Abdiya, fils de Kiryanou, a transféré sa maison, sa terre, ses bœufs, ses ânes, ses moutons tout ce qu'il a, à Ana-Teshoub, le fils de sa fille. Abdiya s'est attaché Ana-Teshoub comme fils et Abdiya a donné 12 (sicles d')or et 20 (sicles d')argent au roi. À l'avenir, personne ne pourra prendre sa maison, sa terre, tout ce qui est à lui des mains de Ana-Teshoub ou des mains de ses fils, pour toujours.|légende=Acte d'adoption devant le roi, par lequel un homme fait de son petit-fils son héritier exclusif<ref>Adapté de {{harvsp|Lackenbacher|2002|p=268-269}}</ref>.}}
 
En cas d'infertilité du couple, ou plus généralement d'absence d'héritier, l'adoption est un recours possible. Néanmoins toutes les adoptions ne sont pas faites par des couples sans enfants, ce qui indique qu'elles interviennent pour répondre à des circonstances et des objectifs patrimoniaux variés, en lien avec la succession ou pas{{sfn|Vita|1999|p=479-480}}{{,}}{{sfn|Lackenbacher|2002|p=263-264}}{{,}}{{sfn|Márquez Rowe|2003|p=727-729}}.
 
Le patrimoine familial comprend notamment des propriétés « privées », acquises par héritage, achat, mariage, adoption, ou encore don royal{{sfn|Vita|1999|p=480}}. Il comprend également les terres concédées par le palais et les obligations de service qui vont avec, qui se transmettent entre les générations de la famille{{sfn|Márquez Rowe|2003|p=729}}. Plus généralement les métiers et fonctions administratives se transmettent couramment de père en fils{{sfn|Vita|1999|p=486}}.
 
La famille est également une unité religieuse, au sein de laquelle le chef de maison organise des cultes domestiques et familiaux. Le culte des ancêtres de la famille, matérialisé par la présence de nombreuses sépultures sous les résidences, assure le lien entre les générations actuelles et celles du passé, qui continuent en quelque sorte de résider dans la maison familiale et participent à la protection du foyer. Des textes existent l'existence d'un « dieu du père », dont la nature exacte est débattue : il pourrait s'agit d'un dieu familial voire clanique, ou bien d'une référence au père ou à un ancêtre familial divinisé (un « divin père »){{sfn|Vita|1999|p=482-483}}{{,}}{{sfn|Schloen|2001|p=342-347}}.
 
Les études du mobilier des zones résidentielles donnent également des informations sur le niveau de vie matériel des familles de la société d'Ougarit et divers aspects de leur quotidien. Les objets utilitaires constituent la majorité des trouvailles : contenants destinés au stockage des denrées, à la cuisson des aliments, objets servant pour la mouture des denrées alimentaires (grains, olives), le tissage domestique (fusaïoles, pesons), l'agriculture (faucilles). Il y a en revanche peu d'objets personnels tels que les sceaux ou bijoux ou portant des inscriptions. Sans surprise le mobilier de luxe et exotique se retrouve plus dans les résidences riches : la maison d'Ourtenou, où se pratiquait le négoce international, a ainsi livré une série de grands cratères en céramique peinte de Méditerranée orientale, dont certains peints de scènes de chars, type de représentation courante chez l'élite de la période. Les objets égyptiens se retrouvent également de façon privilégiée dans les demeures cossues<ref>{{Article|langue=fr|auteur=Valérie Matoïan |titre=Des maisons et des hommes à Ougarit à l'âge du Bronze |périodique= Dossiers d'archéologie|numéro=332|titre numéro=Maisons urbains au Proche-Orient ancien : Construire, vivre et mourir dans la maison|mois=mars-avril|année=2009|passage=54-57}}.</ref>.
 
=== Agriculture et élevage ===
 
L'activité principale d'Ougarit était l'agriculture. Les textes mythologiques renvoient souvent aux réalités agricoles d'Ougarit, notamment son climat et l'organisation de son terroir<ref>{{Chapitre|langue=fr| auteur=Marguerite Yon |titre= Réalités agraires et mythologie d'Ougarit|titre ouvrage= Rites et rythmes agraires. Séminaire de recherche sous la direction de Marie-Claire Cauvin|lieu=Lyon |éditeur= Maison de l'Orient et de la Méditerranée Jean Pouilloux|année=1991|passage= 53-68|lire en ligne= https://www.persee.fr/doc/mom_0766-0510_1991_sem_20_1_1775}}.</ref>{{,}}<ref>Pierre Bordreuil, « Le cadre géographique des mythes et des légendes d'Ougarit », dans {{harvsp|id=DA|Dossiers d'archéologie|2004|p=44-49}}.</ref>.
 
Le territoire du royaume comprend dans ses vallées de très bons terroirs agricole, propice à la culture de la « trilogie méditerranéenne » : céréales, vigne et oliviers. Le climat est de type méditerranéen, c'est-à-dire qu'il est caractérisé par des températures douces sans écarts marqués durant l'année, des étés secs avec des précipitations concentrées sur l'automne et l'hiver, souvent durant des épisodes violents, avec de grandes variations entre les années qui exposent le royaume à des périodes de sécheresse qui durent parfois plusieurs années. Les montagnes qui bordent le royaume assurent une certaine protection contre les vents secs et comprennent des zones de maquis (avec des pistachiers, des lentisques) et de forêts boisées (cèdres, pins, chênes) aisément accessibles. Les cours d'eau sont pour la plupart courts et à sec une partie de l'année, ils permettent au moins une irrigation durant quelques mois, mais les précipitations sont en général suffisantes pour permettre la mise en culture des campagnes{{sfn|Yon|1991|p=56-57}}{{,}}<ref>Bernard Geyer, « Le cadre géographique », dans {{harvsp|id=EXPO04|Galliano et Calvet (dir.)|2004|p=45}}.</ref>.
 
Les textes administratifs, notamment les listes de villages et de contribuables, indiquent que les scribes ougaritains divisaient l'arrière-pays en deux grandes catégories : une zone « naturelle », non cultivée, comprenant notamment les forêts, situées en particulier dans les terres hautes, et aussi des espaces de pâtures, ainsi que des terrains de chasse et de cueillette ; une zone de culture, celle où se déroule l'activité agricole, elle-même divisée entre les « champs secs », c'est-à-dire ceux où l'apport en eau se fait naturellement, par les précipitations, et les « champs de source », c'est-à-dire ceux qui sont irrigués à partir de cours d'eau{{sfn|Liverani|1979|loc=col. 1316-1318}}. Les terres irriguées comprennent les terroirs cultivés de façon plus intensive, situés aux abords des agglomérations et dans les vallées des principaux cours d'eau (donc autour d'Ougarit et au sud du royaume), comprenant notamment les jardins et vergers, les oliveraies et les vignes. Les zones d'agriculture sèche semblent plus tournées vers les cultures céréalières. Les piémonts et zones de montagnes sont plus consacrés à l'élevage{{sfn|Yon|1991|p=57-58}}{{,}}<ref>{{Article|langue=fr|auteur=Pierre Bordreuil |titre= À propos de la topographie économique de l'Ougarit : jardins du Midi et pâturages du Nord|périodique= Syria|volume= 66 |numéro= 1-4|année= 1989|passage= 263-274|lire en ligne=https://www.persee.fr/doc/syria_0039-7946_1989_num_66_1_7110 }}.</ref>. Il est à noter que les fouilles de la ville d'Ougarit ont montré que certains de ses habitants exerçaient une activité agricole (présence de silos, de faucilles, de presses à huile, d'étables et d'abreuvoirs à bétail) : tous les paysans du royaume ne sont donc pas des ruraux{{sfn|Schloen|2001|p=232-239}}.
 
Le territoire d'Ougarit comprend aussi des salines. Le sel est une denrée importante, avant tout pour la conservation des aliments mais aussi pour des usages thérapeutiques et religieux. Les documents administratifs indiquent que le palais royal en contrôlait une grande quantité<ref>Françoise Ernst-Pradal, « Acte juridique mentionnant des salines », dans {{harvsp|id=EXPO04|Galliano et Calvet (dir.)|2004|p=48}}.</ref>.
 
[[Fichier:Weight shaped as a goat-AO 18518-P5280361-white.jpg|thumb|Poids en bronze en forme de chèvre couchée, mis au jour à Ras Shamra. [[Musée du Louvre]].]]
 
Les animaux dont les restes osseux ont été trouvés lors de fouilles sont essentiellement domestiques et abattus pour leur viande : les moutons, les chèvres et les bovins sont l'essentiel de l'alimentation carnée, tandis que les cochons sont complètement absents. La chasse complétait les besoins en produits animaux, alimentaires ou autres, notamment les sangliers et les cervidés, et d'autres restes d'animaux sauvages sont attestés (lions, ours, mangoustes, blaireaux, hippopotames). Étrangement les restes de poissons et coquillages sont peu nombreux malgré la proximité de la mer, et les textes ne documentent quasiment pas la pêche. Les chiens semblent rares. Des équidés, ânes et chevaux, sont élevés, mais moins nombreux. Ils servent pour le bât, le trait et la monte<ref>Emmanuelle Vila, « La faune », dans {{harvsp|id=EXPO04|Galliano et Calvet (dir.)|2004|p=45}}.</ref>.
 
Le cheval en particulier a fait l'objet de grandes attentions. Il est devenu au Bronze récent un animal noble très apprécié des élites (c'est la « [[Mercedes-Benz|Mercedes]] » de la période selon D. Pardee<ref>{{Article|langue=fr|auteur=Dennis Pardee|titre=Les équidés à Ougarit au Bronze Récent : la perspective des textes|périodique= Topoi. Orient-Occident Suppl.|volume= 2 |titre volume=Les animaux et les hommes dans le monde syro-mésopotamien aux époques historiques| année= 2000|passage= 223-234|lire en ligne= https://www.persee.fr/doc/topoi_1764-0733_2000_act_2_1_2805}}.</ref>), avant tout pour ses usages guerriers, aussi la chasse et l'apparat, comme l'indiquent les représentations artistiques. Le grand intérêt que porte l'élite à ces animaux se voit également par la découverte de textes thérapeutiques hippiatriques en ougaritique prodiguent des conseils sur les soins à donner aux chevaux<ref>Marguerite Yon, « Les chevaux du roi », dans {{harvsp|id=DA|Dossiers d'archéologie|2004|p=74-77}}.</ref>.
 
=== Activités artisanales ===
 
L'activité artisanale est documentée dans le cadre du palais, les artisans étant alors des spécialistes travaillant au titre du service dû au roi (''pilku''), qu'il soit permanent ou temporaire. Quoi qu'il en soit on retrouve un système attesté dans les autres royaumes de la période : les artisans reçoivent des magasins du palais les matières premières nécessaires aux tâches qui leur sont confiées, ainsi que des rations d'entretien, et dans certains cas ils bénéficient de terres de service<ref>{{en}} Maichael Heltzer, « The Economy of Ugarit », dans {{harvsp|id=HBK|Watson|Wyatt (dir.)|1999|p=449}}.</ref>. L'encadrement administratif est exercé comme pour les autres activités par des chefs des artisans, relayés par des sous-chefs encadrant les artisans en fonction de leurs spécialités. Les textes mentionnent également des apprentis et les métiers semblent souvent s'exercer de père en fils{{sfn|Vita|1999|p=486}}.
 
Les textes administratifs permettent d'avoir un aperçu de la diversité des métiers artisanaux exercés à Ougarit, sans en dire beaucoup plus sur leur fonctionnement. Les restes matériels mis au jour lors des fouilles complètent les informations pour les productions en matériaux non périssables (pierre, métal, céramique, ivoire), en revanche il est souvent difficile d'identifier clairement des ateliers. Il ne semble pas y avoir eu de quartiers spécialisés dans une production artisanale, plutôt des ateliers dispersés, situés au rez-de-chaussée de résidences. Du reste il peut être difficile de distinguer les lieux où l'artisanat est de type domestique, réalisé pour les seuls besoins de la maisonnée, et celui où il est de type professionnel, destiné à une activité économique. Les activités polluantes et nécessitant beaucoup d'eau (potiers, tanneurs, fondeurs, etc.) doivent être reléguées en périphérie du site<ref>Annie Caubet, « Des ateliers dans la ville », dans {{harvsp|id=EXPO04|Galliano et Calvet (dir.)|2004|p=177}}.</ref>. Aucune trace d'atelier n'a été identifiée dans le palais royal d'Ougarit, en revanche le palais nord de Ras Inb Hani disposait d'espaces artisanaux : travail des pierres dures, fabrication de mobilier, fonderie<ref>Jacques et Élisabeth Lagarce, « Les ateliers du palais Nord de Ras Ibn Hani », dans {{harvsp|id=EXPO04|Galliano et Calvet (dir.)|2004|p=195}}.</ref>.
 
Les textes fournissent par exemple des précisions sur les métiers textiles, qui travaillaient avant tout le lin et la laine : on y rencontre des spécialistes des différentes étapes de la production d'étoffes (filage, tissage, foulage), de la confection de vêtements pour les humains et aussi pour les chevaux (des sortes de carapaçons), des tondeurs, des mégissiers, et on sait que des étoffes étaient teintes<ref>{{en}} Maichael Heltzer, « The Economy of Ugarit », dans {{harvsp|id=HBK|Watson|Wyatt (dir.)|1999|p=452-453}}.</ref>{{,}}{{sfn|Vita|1999|p=486-487}}. Les données des textes sont complétées par des découvertes d'objets servant à la production textile (fuseaux et fusaïoles), dans un cadre domestique (c'est probablement une activité féminine), quelques empreintes de textiles sur des briques ou poteries, et aussi par des représentations artistiques de vêtements<ref>Annie Caubet, « Des ateliers dans la ville », dans {{harvsp|id=EXPO04|Galliano et Calvet (dir.)|2004|p=177-178}}.</ref>{{,}}<ref>{{lien web|langue=fr|url= https://www.mission-ougarit.fr/recherches/les-textiles-a-ougarit/|titre= Les textiles à Ougarit|site=Mission archéologique syro-française de Ras Shamra – Ougarit|date=non daté|consulté le={{1er}} août 2023}}.</ref>.
 
Les spécialistes de la taille des pierres comprennent les sculpteurs et les lapicides, qui sont notamment spécialisés dans la fabrication des sceaux, ainsi que des experts du travail des pierres semi-précieuses comme les graveurs et polisseurs, ou encore des spécialistes du travail du lapis-lazuli{{sfn|Vita|1999|p=487-488}}. Les fouilles archéologiques ont livré des objets en os et en ivoire sculptés, la période voyant en particulier l'essor de l'art des ivoiriers, qui fabriquaient pour les élites des éléments de meubles, des boites à fard et pyxides, des peignes, des fuseaux, etc. La présence de nombreuses chutes et pièces mises au rebut dans le palais nord Ras Ibn Hani indique qu'un atelier y travaillait se matériau. Le travail du bois se faisait probablement suivant des modalités similaires, mais ses productions n'ont pas été préservées<ref name=ivoire04>Jacqueline Gachet-Bizollon, « L'os et l'ivoire », dans {{harvsp|id=EXPO04|Galliano et Calvet (dir.)|2004|p=180 et sq.}}.</ref>.
 
Le travail du métal est souvent documenté, par des livraisons de matières premières (or, argent, cuivre, étain, fer) et les noms de spécialistes : on trouve des fondeurs/forgerons, des spécialistes du cuivre et des métaux précieux, des orfèvres, etc. Les fabricants de certaines armes (pointes de flèches, épées) sont également des spécialistes de métallurgie<ref>{{en}} Maichael Heltzer, « The Economy of Ugarit », dans {{harvsp|id=HBK|Watson|Wyatt (dir.)|1999|p=451-452}}.</ref>{{,}}{{sfn|Vita|1999|p=488}}. Les fouilles ont livré des moules à outils métalliques et à bijoux<ref>{{harvsp|id=EXPO04|Galliano et Calvet (dir.)|2004|p=192-193}}</ref>, et diverses autres traces de production métallurgique (tuyères, soufflets, creusets, scories, etc.), mais la seule aire de production métallurgique identifiée lors de fouilles est celle du palais nord de Ras Ibn Hani. Ce site a également livré de grandes quantités de plomb<ref>Ella Dardaillon, « Métaux et métallurgie », dans {{harvsp|id=EXPO04|Galliano et Calvet (dir.)|2004|p=187}}.</ref>. Les fouilles ont également révélé le fait que la production et l'emploi du silex reste très important au Bronze récent pour façonner des outils (notamment des faucilles), même plusieurs siècles après l'apparition des outils en métal<ref>Éric Coqueugniot et Ella Dardaillon, « Outils, silex et métal au {{IIe}} millénaire à Ougarit », dans {{harvsp|id=DA|Dossiers d'archéologie|2004|p=78-81}}.</ref>.
 
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Moule à objets en cuivre - Ras Shamra MAN.jpg|Moule à outils métalliques en calcaire. Ras Shamra, Bronze récent (?). [[Musée d'archéologie nationale]].
Objets en bronze - Ugarit BR - MAN.jpg|Divers objets en bronze provenant de Ras Shamra : pendeloques, épingles, plaquettes, pointes de flèches et de lances. [[Musée d'archéologie nationale]].
Spade-AO 14752-P5280261-white.jpg|Pelle en bronze provenant de Minet el-Beidha. Musée du Louvre.
Armour plating-AO 19095-IMG 1168.JPG|Écailles de cuirasse en bronze provenant de Ras Shamra. Musée du Louvre.
Jewel mould-AO 13135-P5280270-white.jpg|Moule à bijoux provenant de Minet el-Beidha. Musée du Louvre.
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[[Fichier:Lampe a huile - Ras Shamra MAN.jpg|thumb|upright=0.7|Lampe à huile de type « cananéen », à bec pincé, répandu au Levant durant le Bronze récent. Ras Shamra, [[Musée d'archéologie nationale]].]]
 
Les potiers sont également évoqués dans des textes. En revanche aucun atelier de poterie n'a été mis au jour, même si une grande quantité de poteries locales documente ce secteur d'activité{{sfn|Vita|1999|p=492}}. Il s'agit pour l'essentiel d'une production de masse de qualité fruste servant aux besoins quotidiens de la population (jarres de stockage, marmites de cuisson, cruches à boissons, lampes à huile), même si une production plus raffinée de céramique peinte existe aussi<ref name=da046063>Jean-Yves Monchambert, « La céramique locale peinte », dans {{harvsp|id=DA|Dossiers d'archéologie|2004|p=60-63}}.</ref>{{,}}<ref>Annie Caubet, « Des ateliers dans la ville », dans {{harvsp|id=EXPO04|Galliano et Calvet (dir.)|2004|p=178}}.</ref>.
 
=== Commerce et échanges ===
 
La documentation d'Ougarit fournit des informations importantes sur les échanges de biens à longue distance à l'âge du bronze récent. Cette période a vu un développement conséquent des réseaux diplomatiques et commerciaux, qui relient les régions du Proche-Orient et de la Méditerranée orientale et créent un monde plus connecté que par le passé, au moins pour le milieu des élites et ceux qui fabriquent et échangent pour leur compte des biens de prestige. En particulier, le développement des échanges maritimes est un phénomène majeur de la période<ref>{{Chapitre| langue=en| prénom1=Caroline|nom1= Sauvage| titre=The development of maritime exchange in the Bronze Age Eastern Mediterranean| auteurs ouvrage=Philippe de Souza et Pascal Arnaud (dir.)| titre ouvrage= The Sea in History. The Ancient World/La mer dans l'Histoire. L'Antiquité| éditeur=The Boydell Press| lieu= Woodbridge| année=2017|passage= 151-164}}.</ref>.
 
[[Fichier:Uluburun1.jpg|thumb|left|Maquette du bateau échoué à [[Épave d'Uluburun|Uluburun]], un de ceux traversant l'est du bassin méditerranéen au Bronze récent.]]
 
Dans ce contexte, le royaume d'Ougarit dispose d'une position géographique privilégiée pour les échanges maritimes, car il dispose du seul port important du littoral nord de la [[Syrie]], entre [[Byblos]] et la [[Cilicie]], donc de la Syrie hittite, qui plus est proche de [[Chypre (île)|Chypre]] qui occupe une part importante dans les échanges durant cette période. Le site portuaire est situé sur la baie à un kilomètre à peine d'Ougarit, à [[Minet el-Beida]], peut-être l'ancienne Mahadou : la capitale est donc visible depuis la mer (il a été proposé que les deux temples de l'acropole fonctionnent comme des points de repères){{sfn|Lackenbacher|2002|p=146-147}}. Les fouilles qui y ont eu lieu de 1929 à 1935 n'y ont pas dégagé des installations portuaires, en revanche des objets provenant de régions étrangères, ainsi qu'un entrepôt contenant 80 jarres documentent les activités commerciales<ref>Sophie Marchegay, « Minet el-Beida, port d'Ougarit », dans {{harvsp|id=EXPO04|Galliano et Calvet (dir.)|2004|p=54}}.</ref>. Les routes maritimes sont donc très importantes. Les textes et le matériel archéologique indiquent plusieurs des partenaires commerciaux maritimes d'Ougarit : ports de la côte cananéenne (Byblos, Tyr, Sidon, Ashdod, etc.), Chypre (Alashiya, qui fournit notamment du cuivre), Cilicie (Ura), Égypte, et plus loin le monde égéen c'est-à-dire la Crète (Keftiu dans les textes) et la Grèce continentale mycénienne, avec laquelle les relations ne sont documentées que par des trouvailles d'objets<ref>{{en}} Maichael Heltzer, « The Economy of Ugarit », dans {{harvsp|id=HBK|Watson|Wyatt (dir.)|1999|p=442-444}}.</ref>{{,}}<ref name=expo04116117>Jean-Yves Montchambert, « Commerce et échanges », dans {{harvsp|id=EXPO04|Galliano et Calvet (dir.)|2004|p=116-117}}.</ref>.
 
Il s'agit sans doute surtout d'un commerce de cabotage, reposant sur des voyages sur des distances courtes. Les bateaux de la période et leurs cargaisons sont documentés par deux épaves mises au jour le long des côtes turques, à [[Uluburun]] et au [[Cap Gelidonya]]<ref name=expo04118>Carole Sauvage, « Les routes du commerce », dans {{harvsp|id=EXPO04|Galliano et Calvet (dir.)|2004|p=118}}.</ref>. La place d'Ougarit dans les échanges est sans doute en grande partie liée à sa capacité à servir d'interface entre ces réseaux maritimes et ceux du commerce terrestre, notamment l'axe vers l'est qui remonte la vallée du Nahr el-Kebir pour rejoindre la Syrie centrale et par là la vallée de l'Euphrate, en particulier les cités d'Emar et de Karkemish, aussi Qadesh sur l'Oronte. Il s'agit d'un commerce de type caravanier, avec des ânes, puis fluvial sur l'Euphrate<ref>{{en}} Maichael Heltzer, « The Economy of Ugarit », dans {{harvsp|id=HBK|Watson|Wyatt (dir.)|1999|p=444}}.</ref>{{,}}<ref name=expo04118/>.
 
Les produits échangés sont très variés, et là encore documentés à la fois par les textes et l'archéologie. Il peut s'agir de métaux (notamment de lingots de cuivre et de plomb), du bois, de pierres dures telles que le lapis-lazuli, d'étoffes, d'épices, de vin, d'huile d'olive, d'objets en métal, en ivoire, en pierre, également des esclaves<ref>{{en}} Maichael Heltzer, « The Economy of Ugarit », dans {{harvsp|id=HBK|Watson|Wyatt (dir.)|1999|p=445-448}}.</ref>{{,}}<ref name=expo04116117/>.
 
{{encadré texte|align=right|width=300px|texte=3 talents de fromage (''env. {{unité|84.6|kg}}''), 13 talents de poissons (''env. {{unité|366.6|kg}}''), 5 vêtements/textiles de la ville d'Ashdod, {{formatnum:2000}} sicles de laine bleue (''env. {{unité|470|kg}}'') ; livré entre les mains de Shoukounou pour commercer.|légende=Exemple de texte économique sur les activités commerciales, provenant du Palais sud/Maison de Yabninou : bordereau de livraison de biens à un marchand, qui doit ensuite les vendre<ref>Adapté de {{harvsp|Lackenbacher|2002|p=342}}</ref>.}}
 
La documentation textuelle fournit des informations sur l'organisation des échanges. Elles proviennent essentiellement du palais ou de personnes qui sont au service du roi et de la reine, il en ressort l'image d'un commerce dominé par les intérêts du pouvoir royal même si celui-ci n'exerce probablement pas de monopole{{sfn|Vita|1999|p=471-472}}. Les archives de la maison d'Ourtenou documentent en particulier le commerce à longue distance avec Emar sur l'Euphrate, organisé comme une sorte de firme hiérarchisée, dominée par la figure de Shipti-Baal, fondé de pouvoir au service de la reine (et accessoirement gendre du couple royal), auquel participent également Ourtenou ainsi que d'autres partenaires et des représentants en poste dans plusieurs succursales situées sur les routes commerciales. Cette organisation est également impliquée dans le commerce maritime avec des cités de la côte (Tyr), Chypre et plus loin encore.
 
Ceux que les textes désignent comme des « marchands » (ougaritique ''mākiru'' ou ''makkāru'', akkadien ''tamkāru'') ont plus exactement le rôle d'intermédiaires ou de négociants{{sfn|Schloen|2001|p=226}}. Ils réalisent des opérations d'achats ou de vente pour le compte du palais. Celui-ci peut notamment leur confier un capital financier ou des marchandises pour qu'ils accomplissent des opérations commerciales pour son compte, en contrôlant à son retour qu'il n'y ait pas eu de malversation<ref>{{en}} Maichael Heltzer, « The Economy of Ugarit », dans {{harvsp|id=HBK|Watson|Wyatt (dir.)|1999|p=440}}.</ref>{{,}}{{sfn|Lackenbacher|2002|p=148-149}}. Le dénommé Sinaranou bénéficie ainsi des faveurs du roi Niqmepa et du prince Ammistamrou, ce qui lui permet d'obtenir d'importants domaines au sud du royaume, et de bénéficier d'exemptions de taxes pour les cargaisons de ses bateaux, sauf s'ils viennent de Crète auquel cas il doit verser une gratification au roi{{sfn|Lackenbacher|2002|p=306-311}}.
 
Ce commerce fait l'objet d'une réglementation de la part du pouvoir hittite. Il s'agit notamment d'assurer la sécurité des routes, et de prévoir une indemnisation lorsque le marchand d'un royaume est attaqué dans un autre. Un décret est également pris par le roi hittite concernant les marchands d'Ura, cité de [[Cilicie]], qui sont installés à Ougarit et y ont fait des prêts à des Ougaritains qui n'ont pas pu les rembourser<ref>{{en}} Maichael Heltzer, « The Economy of Ugarit », dans {{harvsp|id=HBK|Watson|Wyatt (dir.)|1999|p=440-441}}.</ref>{{,}}{{sfn|Lackenbacher|2002|p=144-154 et sq.}}.
 
La circulation des biens ne prend du reste pas forcément la forme d'un commerce avec un prix, car elle se réalise souvent dans un contexte politique et diplomatique : les différentes cours s'échangent des présents, qui sont souvent des produits de même nature que ceux qui se vendent sur les circuits commerciaux, et les pays vassaux doivent verser un tribut à leur suzerain. Ces biens de prestige manifestent l'appartenance à la communauté internationale de l'époque. Il est donc parfois difficile de savoir si un bien qui circule entre le palais d'Ougarit et celui d'un autre royaume le fait par des circuits commerciaux ou dans le cadre d'échanges diplomatiques<ref>{{en}} Maichael Heltzer, « The Economy of Ugarit », dans {{harvsp|id=HBK|Watson|Wyatt (dir.)|1999|p=445}}.</ref>{{,}}{{sfn|Lackenbacher|2002|p=148}}.
 
== Vie religieuse ==
 
{{Article détaillé|Religion ougaritique}}
 
=== Divinités et mythes ===
La religion d'Ougarit est surtout connue par des sources textuelles, même si les fouilles des divers temples situées dans la capitale du royaume nous renseignent sur des pratiques cultuelles, notamment les offrandes. Les textes exhumés sont pour une part des rituels, des textes d'offrandes, mais aussi des mythes, dont une partie notable est propre à Ougarit, et témoigne d'un fonds religieux souvent appelé « cananéen », qui présente plusieurs parallèles intéressants avec des passages de l'[[Ancien Testament]].
[[Fichier:Sceau Ras Shamra AO19408.jpg|thumb|left|Sceau-cylindre avec impression moderne, représentant le dieu de l'Orage Baal-Haddu, couronné et doté d'une paire d'ailes, tenant une masse d'armes et une lance dont l'extrémité se termine par un feuillage (symbole de la végétation). Ras Shamra, {{-sp|XIV|e|-|XIII|e}} [[Musée du Louvre]].]]
[[Fichier:Naked woman Hathor style-AO 13152-IMG 1098-white.jpg|thumb|Figurine-plaque en terre cuite représentant une femme nue, sans doute une déesse (Astarté ?). [[Minet el-Beida]], [[Musée du Louvre]].]]
 
Le panthéon d'Ougarit repose sur des divinités issues du fond religieux de Syrie et du Levant. Le dieu qui occupe la position de souverain divin dans les textes religieux d'Ougarit est [[El (dieu)|El]] (Ilu), dont le nom signifie littéralement « Dieu ». Il est considéré comme le père des dieux et comme un dieu créateur. L'autre dieu majeur est [[Baal]], dont le nom signifie « le Seigneur » ou « le Maître », est en fait une épithète, qualifiant ici le dieu connu dans l'aire syro-levantine par le nom Haddu/Hadad. C'est le « dieu de l'Orage », c'est-à-dire celui qui maîtrise des phénomènes atmosphériques tels que la foudre et la pluie, et par extension celui qui assure la fertilité. Il réside sur le plus haut lieu du royaume, le mont Saphon, et a plus largement les caractéristiques d'une divinité souveraine. C'est dans cette position qu'il est le protagoniste du texte mythologique surnommé « [[Cycle de Baal]] ». Il y est présenté comme le fils du dieu Dagan, un des autres dieux majeurs de la Syrie antique. Les déesses les plus importantes du panthéon sont Athirat ([[Asherah]]), la parèdre d'El, [[Anat]], la sœur de Baal, associée à l'amour et à la guerre, la déesse astrale Athtart ([[Astarté]] ; elle dispose d'une contrepartie masculine appelée Athtar). D'autres divinités majeures portent le nom de leur attribut principal : la déesse « Soleil » [[Shapash]], le dieu « Lune » Yarikh(u), la « Mer » Yam(mu), le dieu infernal « Mort », Mot(u). Parmi les autres dieux majeurs : Kotar(u)-wa-hasis(u) est le dieu des artisans, Rashap est associé à la peste et aux épidémies. Des tablettes contenant des listes de divinités font connaître des dizaines d'autres dieux recevant un culte à Ougarit, dont des hypostases locales d'un même dieu, comme cela est courant dans un système polythéiste (par exemple Baal d'Ougarit et Baal du Saphon)<ref>Marguerite Yon, « La religion. Les cultes », dans {{harvsp|id=EXPO04|Galliano et Calvet (dir.)|2004|p=259}}.</ref>{{,}}{{sfn|id=RLA|Niehr dans RLA|2015|p=288}}.
Le dieu principal d'Ougarit est [[Baal]], le dieu de l'Orage, qui dispose d'un grand temple sur l'Acropole de la ville. Son nom, signifiant « le Seigneur », est en fait une épithète, son nom originel étant Haddu/Hadad. Baal est le héros du plus grand texte mythologique ougaritain, le [[Cycle de Baal]]. [[El (dieu)|El]] est l'autre grande divinité de la mythologie ougaritique, l'ancien roi des dieux, supplanté par Baal. Les déesses les plus importantes du panthéon sont [[Anat]], la sœur de Baal, [[Athtart]], la déesse de l'amour et de la guerre (version locale d'[[Ishtar]] ou [[Astarté]]), [[Shapash]], la déesse-soleil, et [[Asherat]], la parèdre d'El.
 
La mythologie ougaritique est connue par plusieurs textes écrits dans l'alphabet local. Le plus important est le « [[Cycle de Baal]] », sur six tablettes, dont un colophon indique que son scribe (auteur ?) est Ili-milkou, officiant sous le règne d'un des rois nommés Niqmaddou. C'est un ensemble de mythes de souveraineté, dans lesquels Baal doit affronter plusieurs adversaires pour affirmer sa suprématie : d'abord Yam(mu) la Mer, affrontement qui lui permet de devenir roi, après quoi suit un récit relatant la construction de son palais, puis une nouvelle lutte pour le pouvoir qui le met cette fois-ci en rivalité avec Mot(u) la Mort, qui s'avoue à son tour vaincu. Ces textes ont peut-être un usage rituel, étant déclamés lors de fêtes, et pourraient aussi avoir un lien avec le cycle agricole. Quelques autres mythes sont connus, dans des états divers, certains étant associés à des rites. Ainsi un court mythe relatant comment El est devenu ivre lors d'un banquet est accompagné au verso de la tablette d'une incantation qui semble destinée à guérir la gueule-de-bois<ref>{{en}} John C. L. Gibson, « The Mythological Texts », dans {{harvsp|id=HBK|Watson|Wyatt (dir.)|1999|p=193-202}}.</ref>.
== Artisanat ==
 
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Les artisans d'Ougarit étaient compétents dans de nombreux domaines : [[poterie]], [[métallurgie]], [[orfèvrerie]], travail de l'[[ivoire]], [[textile]], et également celui du travail des matières vitreuses. Le royaume ougaritain produisait ainsi une quantité importante d'objets de luxe pouvant être exportés.
Hierarchic list of Gods of Ugarit-AO 29393-IMG 1171-black.jpg|Liste hiérarchique des dieux du royaume d'Ougarit, en cunéiforme akkadien. En tête : le dieu du Père ou dieu ancestral, puis El, Dagan, sept hypostases du dieu Adad (Baal-Hadad), le dieu-lune Sîn, le dieu sage Ea, la grande déesse hourrite Hebat, etc. [[Musée du Louvre]].
Birth of gods AO17189 img 0158.jpg|Tablette du mythe de la naissance des dieux gracieux et beaux, récit de naissance divine, sur les origines de la civilisation et de l'agriculture. Mise au jour dans la « Maison du Grand Prêtre » de Ras Shamra. [[Musée du Louvre]].
</gallery>
 
=== CéramiqueCulte ===
[[Fichier:Stele dedicace Dagan Ras Shamra AO19931.jpg|thumb|upright=0.7|Stèle portant une dédicace en alphabet ougaritique au dieu Dagan, mise au jour dans le « temple de Dagan », commémorant un rite sacrificiel en l'honneur des défunts de la lignée royale{{sfn|id=EXPO04|Galliano et Calvet (dir.)|2004|p=264}}. {{-s|XIII|e}}, [[Musée du Louvre]].]]
 
Les deux temples principaux d'Ougarit, situés sur l'acropole, sont attribués à Baal et à Dagan selon l'interprétation la plus courante, reposant sur des inscriptions mises au jour sur place. H. Niehr considère plutôt que le second était dédié à El, et que cette zone servait plus largement de lieu de culte aux principales divinités locales, donc Asherah, Anat et Dagan{{sfn|id=RLA|Niehr dans RLA|2015|p=289}}{{,}}<ref name=niehr21/>. Les autres lieux de culte identifiés lors des fouilles sont le « temple hourrite » dans la zone palatiale et le « temple aux rhytons » du quartier résidentiel. Les textes indiquent la présence de temples hors de la capitale{{sfn|id=RLA|Niehr dans RLA|2015|p=289}}.
[[Fichier:Pot Ras Shamra Louvre AO19250-b.jpg|thumb|Pot en terre cuite peint retrouvé à Ras Shamra]]
 
Les rituels documentés par des textes en langue ougaritique sont pour beaucoup relatifs aux rites sacrificiels du culte royal, au cours desquels le roi jouait le rôle principal en tant qu'intermédiaire entre les dieux et les hommes, et immolait un animal. Il était sans doute assisté par des prêtres, l'existence d'un clergé spécialisé étant documentée par plusieurs textes. Les rites les plus importants se déroulent sur plusieurs jours, lors de fêtes religieuses, sont accompagnés de processions, de libations, d'encens, de chants, de musique et de banquets<ref name=pardee04274>Dennis Pardee, « Les rites sacrificiels, les pratiques magiques et la divination », dans {{harvsp|id=EXPO04|Galliano et Calvet (dir.)|2004|p=274}}.</ref>{{,}}{{sfn|id=RLA|Niehr dans RLA|2015|p=289}}.
La [[céramique]] produite à Ougarit est souvent assez grossière, sans décors, ou bien peinte. Les formes attestées en grand nombre sont les jarres, chopes, cratères ou des [[urne biconique|vases biconiques]]. La poterie peinte l'est généralement avec une seule couleur, choisie parmi une nuance de rouge ou de noir. Les motifs représentés peuvent être de type géométrique, ou bien figurés, reprenant des thèmes animaliers, ou bien mythologiques. Si le répertoire s'inspire d'un fonds syro-levantin, il y a néanmoins une certaine originalité dans le travail des potiers d'Ougarit.
 
Des particuliers pouvaient se réunir dans des associations cultuelles/confréries (qui se constituent peut-être en fonction de liens professionnels), appelées ''marzihu'', sous l'égide d'une divinité, et procéder à des banquets et libations, en revanche apparemment pas de sacrifices<ref name=pardee04274/>{{,}}{{sfn|id=RLA|Niehr dans RLA|2015|p=289}}. Un culte existait également dans le cadre domestique, attesté notamment par des figurines divines et amulettes mises au jour dans des habitations{{sfn|id=RLA|Niehr dans RLA|2015|p=290}}. Les particuliers vouaient également des offrandes aux dieux dans leurs temples ; par exemple des ancres ont été mises au jour dans le temple de Baal, en lien avec la sécurité lors des voyages en mer{{sfn|id=RLA|Niehr dans RLA|2015|p=290}}. Les pratiques de divination sont également documentées par des textes de présages de naissance et d'astrologie, ainsi que des maquettes de foies en terre cuite et en ivoire servant à l'hépatoscopie. Les pratiques magiques sont attestées par des recueils d'incantations, contre le mauvais œil, l'impuissance sexuelle et les serpents et scorpions dirigés par un sorcier<ref name=pardee04274/>{{,}}{{sfn|id=RLA|Niehr|2015|p=290}}.
=== Sculpture ===
 
[[Fichier:Baal thunderbolt Louvre AO15775.jpg|thumb|left|Stèle de Baal au foudre, {{XVe}}-{{XIIIe}} siècle, [[musée du Louvre]]]]
Les découvertes de sépultures sous des maisons indiquent par ailleurs l'existence d'un culte des ancêtres dans un cadre familial, pratique courante dans le Proche-Orient antique. Les textes documentant cette activité se rapportent au culte dynastique : les rois décédés deviennent des divinités défuntes appelées ''rapi'ouma'' et reçoivent des offrandes{{sfn|id=RLA|Niehr dans RLA|2015|p=290}}.
 
== Trouvailles artistiques ==
 
L'art de la Syrie de l'âge du Bronze récent s'inscrit dans la continuité des traditions antérieures, celles du Bronze ancien et moyen, mais durant la fin de la période des tendances s'affirment et apportent diverses innovations. Ces évolutions concernent l'élite palatiale et urbaine, laissant de côté la majorité de la population. D'un côté les spécificités régionales se font plus fortes, notamment dans l'architecture, la poterie et la glyptique, et de l'autre les productions de luxe destinées à une élite réduite s'alignent sur un « style international »<ref>{{Ouvrage|langue=en|auteur=Marian H. Feldman|titre= Diplomacy by Design |sous-titre= Luxury Arts and an "International Style" in the Ancient Near East, 1400-1200 BCE|lieu= Chicago|éditeur= University of Chicago Press|année= 2006}}.</ref> qui reflète l'intensification des échanges de biens et d'idées entre les cours royales. Le développement de la technique de fabrication des matières vitreuses est mobilisé pour produire divers types d'objets. Tout cela se retrouve dans les divers types d'objets d'art mis au jour à Ougarit, qu'il s'agisse de productions locales ou d'importations, reflétant dans tous les cas les goûts et les attentes des élites locales. Les éléments égyptiens jouissent depuis longtemps d'une grande popularité au Levant, qui se confirme, mais la culture hittite fait également son intrusion en Syrie avec son emprise politique. À cela s'ajoutent les échanges croissants avec le monde égéen et la persistance de ceux avec le monde mésopotamien, qui font que les élites des centres urbains syriens tels qu'Ougarit sont marquées par une culture matérielle à la croisée de diverses traditions et influences<ref>{{Ouvrage|langue=en|auteur1=Peter M. M. G. Akkermans|auteur2=Glenn M. Schwartz|titre=The Archaeology of Syria|sous-titre=From Complex Hunter-Gatherers to Early Urban Societies (c.16,000-300 BC)|lieu=Cambridge|éditeur=[[Cambridge University Press]]|année=2003|passage=354-358}}</ref>{{,}}<ref>{{chapitre| langue=en| auteur=Marta Luciani |titre= The Northern Levant (Syria) During the Late Bronze Age: Small Kingdoms between the Supraregional Empires of the International Age |auteurs ouvrage= Ann E. Killebrew et Margreet Steiner (dir.)|titre ouvrage= The Oxford Handbook of the Archaeology of the Levant: c. 8000-332 BCE|lieu= Oxford |éditeur= Oxford University Press|année= 2013|passage= 510-523 (not. conclusions p. 519-520)}}.</ref>{{,}}<ref>{{en}} Jean-Claude Margueron, « Ugarit: Gateway to the Mediterranean », dans {{harvsp|id=MET|Aruz|Benzel|Evans (dir.)|2008|p=236-238}}.</ref>..
 
=== Céramiques locales ===
[[Fichier:Pot Ras Shamra Louvre AO19250-b.jpg|thumb|left|Pot et couvercle peints, production locale. Ras Shamra, [[Musée du Louvre]].]]
 
La [[céramique]] produite à Ougarit est majoritairement une production grossière, sans décors, servant pour des usages utilitaires. Mais il existe aussi une céramique peinte de production locale. Les formes attestées en grand nombre sont les jarres, chopes, cratères ou des [[urne biconique|vases biconiques]]. La poterie peinte l'est généralement avec une seule couleur, choisie parmi une nuance de rouge ou de noir. Les motifs représentés sont en général de type géométrique (échelles, zigzags, treillis, triangles renversés, points, etc.) et parfois figurés, avec des représentations animales et humaines, et potentiellement quelques scènes mythologiques. Si le répertoire s'inspire d'un fonds syro-levantin, il y a néanmoins une certaine originalité dans le travail des potiers d'Ougarit. Il y a aussi des tentatives d'imiter les formes et motifs mycéniens, qui semblent plus populaires, sans originalité et parfois de manière maladroite<ref name=da046063/>{{,}}<ref>{{Lien web|url= https://archeologie.culture.gouv.fr/ougarit/fr/la-ceramique-locale|auteur=Jean-Yves Monchambert |titre=La céramique locale | site=Archeologie.culture.gouv.fr|date=non daté| consulté le=24 août 2023}}.</ref>.
 
=== Céramiques chypriotes et mycéniennes ===
 
Le répertoire de céramiques mis au jour à Ras Shamra et sur les sites voisins est marqué par la présence de céramiques importées de Chypre et de la Grèce mycénienne, trouvées aussi bien dans des résidences que des tombes. Il s'agit certes d'une petite proportion de l'ensemble des céramiques, l'immense majorité étant originaire de Syrie, mais il s'agit de produits de grande qualité technique et esthétique. La céramique fine chypriote du Bronze récent est façonnée à la main, d'une très grande qualité d'exécution. Les céramiques catégorisées comme « mycéniennes » proviennent pour partie de Grèce continentale ou d'îles égéennes, mais une autre est originaire de Chypre, où des artisans Mycéniens se sont peut-être installés. Il s'agit majoritairement de vases à boire ou à libations, employés comme vaisselle d'apparat ou lors de banquets et autres rituels, mais certains mis au jour avant tout dans les tombes semblent avoir la fonction d'offrandes funéraires. Les formes sont variées mais certains sont plus représentés : les hauts cratères « amphoroïdes » à col large peints de scènes de chars, surtout attestés dans les tombes, et les cratères « en cloche » à large ouverture sans col du « style rude », chypriote, décorés surtout de taureaux et d'oiseaux ; des grandes jarres à étrier crétoises peintes d'ondulations dérivées du motif du poulpe ; des rhytons coniques et d'autres zoomorphes, peut-être employés pour le culte ; divers types de récipients utilitaires peints, notamment des coupes à boire. Les récipients à petite ouverture, donc faciles à fermer, qu'il s'agisse de vases, jarres ou flacons, ont dû être importé pour leur contenant (huile d'olive, vin, huiles parfumées, opium)<ref>Marguerite Yon, « Céramiques importées de l'Ouest », dans {{harvsp|id=DA|Dossiers d'archéologie|2004|p=64-67}}.</ref>.
 
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Cruche a decor geometrique peint - Ras Shamra MAN.jpg|Cruche à décor géométrique peint en blanc sur surface brune, fabrication chypriote (''Base ring'' II). Ras Shamra, [[Musée d'archéologie nationale]].
Hedgehog rhyton-AO 18573-IMG 3437.JPG|Rhyton mycénien en forme de hérisson. Ras Shamra, [[Musée du Louvre]].
Vase conique à décor peint - Ras Shamra MAN.jpg|Rhyton conique à décor peint, motifs serpentiformes. Ras Shamra, [[Musée d'archéologie nationale]].
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=== Glyptique ===
 
La [[glyptique]] d'Ougarit est comme dans le [[Proche-Orient ancien]] tournée vers la gravure de [[sceaux-cylindres]] dont le déroulement sur de l'argile permet de représenter des scènes horizontales complexes. Les sceaux du Bronze moyen, généralement taillés dans de l'hématite, reprennent souvent les traditions nord-syriennes, sans doute grandement influencées par Alep, tandis que d'autres sont marqués par le style babylonien de la période (paléo-babylonien). Le sceau utilisé par les rois d'Ougarit dans les derniers temps du royaume remonte à cette époque et relève de la tradition babylonienne. Les sceaux-cylindres du Bronze récent renvoient aux différentes influences que connaît Ougarit à cette période. Des sceaux en faïence bleue, verte ou jaune sont de style [[mittani]]en, d'autres sont importés de Chypre. La production locale repose sur les styles syriens antérieurs et est très marquée par des influences égyptiennes, auxquelles se mêlent des modèles égéens, chypriotes, anatoliens. Elle représente des divinités et des scènes mythologiques, et renvoie aussi à l'iconographie du pouvoir et de la royauté, en reprenant par exemple le vieux motif du « maître des animaux »{{sfn|id=Syrie|Syrie|1993|p=239-240}}{{,}}<ref>Sophie Cluzan, « La glyptique », dans {{harvsp|id=EXPO04|Galliano et Calvet (dir.)|2004|p=214-215}}.</ref>{{,}}<ref>{{Lien web|url= https://archeologie.culture.gouv.fr/ougarit/fr/les-sceaux-cylindres|auteur=Sophie Cluzan |titre=Les sceaux-cylindres | site=Archeologie.culture.gouv.fr|date=non daté| consulté le=24 août 2023}}.</ref>.
 
=== Sculpture sur pierre ===
 
Les artistes d'Ougarit ont une certaine prédilection pour les stèles sur pierre, dont un certain nombre ont été retrouvées, dont la plus célèbre est la Stèle du « [[Baal]] au foudre », aujourd'hui au [[Musée du Louvre]]. Assez peu de statues en ronde-bosse nous sont parvenues, l'exemple le plus remarquable étant la statue représentant le dieu [[El (dieu)|El]] assis sur un trône, exécutée dans un style typiquement syrien, puisqu'elle rappelle des œuvres de même type provenant de [[Qatna]]. Tous ces objets de belle facture témoignent de l'existence d'une bonne école de sculpteurs sur pierre dans le royaume ougaritain.
 
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=== Métallurgie et orfèvrerie ===
Baal thunderbolt Louvre AO15775.jpg|Stèle de Baal au foudre, {{sp-|XV|-|XIII}}, [[musée du Louvre]].
Stele god with feather AO13174 mp3h9010.jpg|Stèle du dieu à la plume, {{sp-|XVI|-|XIV}}, [[musée du Louvre]].
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=== Arts du métal ===
[[Fichier:Baal Ugarit Louvre AO17330.jpg|thumb|120px|Statuette en [[bronze]] de Baal brandissant le foudre), [[XIVe siècle av. J.-C.|{{s-|XIV}}]]-{{-s|XII|e}}, trouvée à Ras Shamra, [[musée du Louvre]]]]
 
L'artisanat du métal est assez bien attesté à Ougarit. On a retrouvé des ateliers de métallurgistes et d'orfèvres, qui ont livré des moules, destinés à fabriquer des outils (haches, ciseaux, lames), ou bien des bijoux. On utilisait surtout le [[bronze]], et également le [[fer]], ainsi que des métaux plus précieux comme l'[[or]] pour les objets de luxe.
 
Parmi la production des métallurgistes d'Ougarit, on note la présence de nombreuses petites statuettes en bronze, finement exécutées, représentant des divinités en position assise ou debout. Certains objets de vaisselle de luxe font partie des plus beaux objets d'art retrouvés dans la ville. On a ainsi retrouvé deux coupes en or finement décorées près du temple de Baal, dont la « patère de la chasse », nommée ainsi parce qu'un de ses deux registres représente une chasse royale.
 
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Fichier:Seated goddess making a peace sign-AO 1761-IMG 8826-white.jpg|Déesse assise faisant un signe de la paix, v. 1700-1500 av. J.-C. Ras Shamra, [[Musée du Louvre]].
Fichier:Baal Ugarit Louvre AO17330.jpg|Statuette en [[bronze]] de Baal brandissant le foudre, [[XIVe siècle av. J.-C.|{{s-|XIV}}]]-{{-s|XII|e}}, trouvée à Ras Shamra, [[musée du Louvre]].
Fichier:Baal brandishing a thunderbolt-AO 11598-IMG 3436.JPG|Statuette en [[bronze]] et or de Baal brandissant le foudre, [[XIVe siècle av. J.-C.|{{s-|XIV}}]]-{{-s|XII|e}}, trouvée à Ras Shamra, [[musée du Louvre]].
Fichier:Patere de la chasse AO17208 interieur.jpg|« Patère de la chasse », or, {{-sp|XIV|-|XIII|e}} [[Musée du Louvre]].
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=== Ivoire ===
 
Les artisans ivoiriers d'Ougarit travaillaient l'[[ivoire]] d'[[hippopotame]] ainsi que celui d'[[éléphant]], deux espèces qui vivaient encore en Syrie à l'âge du Bronze (même si le nombre d'éléphants est au mieux restreint), même s'il est possible qu'ils aient aussi employés des matériaux venus d’Égypte où ces animaux sont plus courant. Le goût pour le mobilier en ivoire est une des caractéristiques de l'élite et du style international de cette période, et les trouvailles d'Ougarit s'inscrivent très bien dans ce contexte. On sait par exemple que la dot que la reine Ahat-milkou amène depuis l'Amourrou comprend trois lits avec des incrustations en ivoire. L'une des œuvres les plus remarquables venant d'Ougarit est d’ailleurs un panneau de lit sculpté retrouvé dans le palais royal, représentant des scènes exaltant la figure royale : chasse, fête nuptiale avec une princesse, déesse nourrissant deux jeunes princes. La plupart des objets en ivoire proviennent d'un contexte funéraire et reflètent des usages plus domestiques, souvent féminins. Ils sont généralement de petite taille et assez finement exécutés : boîtes à fard, dont certaines en forme de canard, pyxides, peignes, fuseaux, que l'on rencontre dans d'autres sites levantins. Un des chefs-d'œuvre des ivoiriers ougaritains est la « dame aux bouquetins », sculptée en relief sur ce qui semble être le couvercle d'une [[pyxide (vase)|pyxide]]. Elle représente une déesse de la fécondité nourrissant deux bouquetins avec des rameaux. L'ivoire est aussi employé pour fabriquer des éléments de parure, d'instruments de musique, des pièces de jeu, des figurines, etc.<ref name=ivoire04/>{{,}}<ref>{{en}} Annie Caubet, « Ivory, Shell and Bone », dans {{harvsp|id=MET|Aruz|Benzel|Evans (dir.)|2008|p=406-407}}.</ref>.
Les artisans ivoiriers d'Ougarit travaillaient l'[[ivoire]] d'[[hippopotame]] ainsi que celui d'[[éléphant]]<ref name="ivoire-oliphant-ougarit-artefact-annie-caubet-732-733-738-739">{{article | langue = fr | nom1 = Caubet | prénom1 = Annie | titre = La musique à Ougarit | périodique = Comptes rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres | volume = {{131e|année}} | année = 1987 | passage = page 732, 733, 738 et 739 | DOI = 10.3406/crai.1987.14552 | consulté le = http://www.persee.fr/doc/crai_0065-0536_1987_num_131_4_14552}}.</ref>. L'une des œuvres la plus remarquable de ce type est un panneau de lit sculptée retrouvé dans le palais royal, représentant des scènes exaltant la figure royale (chasse, guerre), et la dévotion du souverain aux dieux<ref name="lit-ivoire-panneau-Ougarit-jacqueline-bizon">{{article | langue = fr | nom1 = Gachet-Bizollon | prénom1 = Jacqueline | titre = Le panneau de lit en ivoire de la Cour III du Palais Royal d'Ougarit. | périodique = Syria | volume = Tome 78 | année = 2001 | passage = pages 19-82 | DOI = 10.3406/syria.2001.7698 | consulté le = 12 septembre 2016 | lire en ligne = http://www.persee.fr/doc/syria_0039-7946_2001_num_78_1_7698}}.</ref>{{,}}<ref name="ivoire-ougaritique-jacqueleine-gachet-bizollon">{{article | langue = fr | nom1 = Gachet-Bizollon | prénom1 = Jacqueline | titre = Formes « mycéniennes » dans les ivoires d'Ougarit | sous-titre = problèmes d'ateliers | périodique = Bulletin de correspondance hellénique | volume = 127 | numéro = livraison 1 | année = 2003 | passage = 87-99 | DOI = 10.3406/bch.2003.7123 | consulté le = 12 septembre 2016 | lire en ligne = http://www.persee.fr/doc/bch_0007-4217_2003_num_127_1_7123}}.</ref>. La plupart des objets en ivoire proviennent d'un contexte funéraire. Ils sont généralement de petite taille, et assez finement exécutés<ref name="ivoire-ougaritique-jacqueleine-gachet-bizollon"/>{{,}}<ref name="mobilier-ivoire-ougaritique-funéraire-qualité-ouvrage-129-134">{{chapitre | langue = fr | nom1 = Matoïan | prénom1 = Valérie | titre chapitre = Le mobilier du Palais royal d’Ougarit | sous-titre chapitre = Un nouveau programme de recherche | auteurs ouvrage = Valérie Matoïan et al. | titre ouvrage = Ougarit au Bronze moyen et au Bronze récent | sous-titre ouvrage = Actes du colloque international tenu à Lyon en novembre 2001 « Ougarit au IIe millénaire av. J.-C. État des recherches » | éditeur = Maison de l'Orient et de la Méditerranée Jean Pouilloux | collection = Travaux de la Maison de l'Orient et de la Méditerranée | volume = 47 | lieu = Lyon | année = 2008 | passage = pages 129 à 134 | consulté le = 12 septembre 2016 | lire en ligne = http://www.persee.fr/doc/mom_1955-4982_2008_act_47_1_2524}}.</ref>. On a trouvé de nombreuses boîtes à fard, que l'on rencontre dans d'autres sites levantins. Un des chefs-d'œuvre des ivoiriers ougaritains est la « dame aux bouquetins », sculptée en relief sur ce qui semble être le couvercle d'une [[pyxide (vase)|pyxide]]. Elle représente une déesse de la fécondité nourrissant deux bouquetins avec des rameaux<ref name="ivoire-oliphant-ougarit-artefact-annie-caubet-732-733-738-739"/>.
 
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Lenticular make-up box-AO 14780-IMG 6919.JPG|Boîte à fard lenticulaire en ivoire, Ougarit, {{-s|XIII|e}} Musée du Louvre.
Pyxis lid goddess feeding goats-AO 11601-IMG 1145-white.jpg|Couvercle de pyxide décoré d'une déesse nourrissant des caprins. [[Minet el-Beida]], {{-s|XIII|e}} Musée du Louvre.
Duck container Louvre AO14779.jpg|Boîte à fard en forme de canard. [[Minet el-Beida]], {{-s|XIII|e}} Musée du Louvre.
5.14 Ugarit.jpg|Tête sculptée en ivoire. Musée de Damas.
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=== Matières vitreuses ===
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Des vases et autres objets réalisés en « faïence » (en réalité une pâte silicieuse glaçurée) se retrouvent à Ougarit comme dans tout le Levant de l'[[âge du bronze]] moyen et récent. Il s'agit souvent de [[céramique]]s d'un type assez luxueux, portant parfois des décors témoignant d'influences [[Égypte ancienne|égyptiennes]] et [[Mer Égée|égéennes]].
 
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== Les scribes d'Ougarit ==
Gobelet orné d'une tête féminine - Musée du Louvre Antiquités orientales AO 15725.jpg|Gobelet orné d'une tête féminine. Minet el Beida, Musée du Louvre.
Flower-shaped bowl-AO 17370-P5280306-white.jpg|Bol en forme de corolle florale. Ras Shamra, Musée du Louvre.
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=== Objets égyptiens et égyptisants ===
[[Fichier:Ugaritic-alphabet-chart.svg|left|thumb|L'[[alphabet ougaritique]]]]
[[Fichier:Birth of gods AO17189 mp3h8903.jpg|thumb|Tablette d'un texte mythologique ougaritique.]]
[[File:P1180250 Louvre Langue ougaritique Tablette poeme mythologique AO16641 et 16642 rwk.jpg|thumb|Exemple d'écriture ougaritique - [[Musée du Louvre|Louvre]], AO1641 et AO16642]]
 
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Ville commerciale par excellence, Ougarit est de ce fait une place très cosmopolite. Cela se retrouve dans le fait qu'on y a trouvé des documents dans huit langues et quatre écritures différentes. On est ainsi en présence de l'[[ougaritique]], noté en [[alphabet ougaritique]], cunéiforme, de l'[[akkadien]], du [[sumérien]], du [[Hittite (langue)|hittite]] et du [[hourrite]], écrits en [[cunéiforme]]s traditionnel, de l'[[Égyptien ancien|égyptien]], en [[hiéroglyphes]], du [[chypro-minoen]], écrit dans son propre syllabaire, et du [[louvite]], en [[hiéroglyphes hittites]].
Hemispheric cup with Egyptian hieroglyphs-AO 15727-P5280309-white.jpg|Coupe hémisphérique à décor de hiéroglyphes égyptiens. Production locale. Ras Shamra, Musée du Louvre.
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== Ougarit dans le Proche-Orient ancien ==
Les [[Scribe dans le Proche-Orient ancien|scribes]] ougaritains suivant le cursus le plus classique devaient au moins connaître l'akkadien, avec des rudiments de sumérien nécessaires à la compréhension de l'écriture cunéiforme, en plus de leur langue maternelle, l'ougaritique. L'apprentissage de ces langues se faisait par la méthode classique mise au point en Mésopotamie : [[listes lexicales]] présentant des mots d'une langue avec leur équivalent dans une autre, et exercices de copie. Cet apprentissage pouvait se faire à partir de l'ougaritique et de son écriture alphabétique. On mêlait donc le fonds traditionnel mésopotamien au cadre local. Certains scribes pouvaient ensuite se spécialiser dans un certain domaine, ou apprendre d'autres langues et écritures.
 
=== Ougarit et les Phéniciens ===
L'opposition entre tradition locale et mésopotamienne se retrouve dans les œuvres littéraires attestées à Ougarit. On a ainsi mis au jour des textes classiques de la littérature suméro-akkadienne, rédigés en akkadien. Les compositions propres à Ougarit étaient elles rédigées dans la langue et l'écriture locales : ce sont des grands textes mythologiques, dont le plus célèbre est le [[Cycle de Baal]], ou bien des rituels religieux. On n'a visiblement pas traduit des textes d'une langue à l'autre. Du point de vue de la pratique, les actes administratifs concernant les affaires intérieures du royaume, ainsi que la correspondance locale étaient majoritairement écrits en ougaritique, et un peu en akkadien. Les textes traitant des affaires internationales étaient rédigés exclusivement en akkadien, langue diplomatique de l'époque, aussi employé dans le domaine judiciaire.
 
La cité d'Ougarit de l'âge du bronze récent présente de nombreuses similitudes avec les [[Phéniciens|cités phéniciennes]] de l'âge du fer : c'est un petit royaume, animé par un port marchand impliqué dans les échanges à longue distance sur la Méditerranée, qui a des relations économiques et culturelles avec de nombreuses régions (Chypre, Anatolie, Mésopotamie, Levant méridional, Égypte, monde égéen). En plus de cela sa culture, en particulier sa religion, présente de nombreux traits communs avec celle de la Phénicie. Pour autant, Ougarit n'est pas considérée comme une cité phénicienne : parce qu'elle est détruite à la fin de l'âge du bronze, elle n'existe plus au moment où les cités phéniciennes commencent leur expansion. Géographiquement, Ougarit est situé un peu plus au nord que la zone d'expansion de la culture phénicienne, qui s'arrête plutôt à [[Arwad]], et remonte au moins jusqu'à la plaine de [[Jablé]] dans ses phases tardives (elle est attestée à Tell Toueini, Tell Soukas, Tell Siyannou<ref>{{Chapitre|langue=en|auteur= Michel Al-Maqdissi|titre=Tell Sianu (Lattakia)|auteurs ouvrage=Youssef Kanjou et Akira Tsuneki (dir.) | titre ouvrage= A History of Syria in One Hundred Sites|éditeur=Archeopress|lieu=Oxford| année=2016 |passage=182-183}}.</ref>). Chronologiquement, le début de la civilisation phénicienne est placé par convention au début du {{-s|XII|e}}, donc au moment où disparaît Ougarit. C'est certes un découpage par bien des aspects artificiels, puisque les cités motrices de la civilisation phénicienne, Tyr, Sidon, Byblos, Arwad et Beyrouth, sont déjà des ports dynamiques au Bronze récent et que les continuités culturelles entre les âges du bronze et du fer y sont très fortes. De ce fait Ougarit intéresse les études phéniciennes parce que ses textes fournissent des informations sur la situation des futures cités phéniciennes juste avant le début conventionnel de cette civilisation. La culture d'Ougarit est plus généralement très proche de celle de la Phénicie : l'alphabet ougaritique présente des liens avec celui de Phénicie, même si ce dernier n'en est pas un dérivé, les langues ougaritique et phénicienne présentent du reste de fortes similitudes, les cultes et les mythes ougaritiques tournent autour d'un monde divin similaire (mais pas identique) à celui des cités de Phénicie, les traditions artistiques sont également proches. Ougarit trouve donc une place dans les histoires de la Phénicie<ref>{{Chapitre|langue=fr|auteur=Paolo Xella|titre=Ugarit |auteurs ouvrage= Edward Lipiński (dir.)|titre ouvrage=Dictionnaire de la civilisation phénicienne et punique|lieu=Turnhout|éditeur=[[Brepols]]|année=1992|passage=481-484}}. {{Chapitre|langue=fr|auteur=Id.|titre=Ugarit et les Phéniciens. Identité culturelle et rapports historiques|auteurs ouvrage= Manfred Dietrich et Oswald Loretz (dir.)|titre ouvrage=Ugarit. Ein ostmediterranes Kulturzentrum im Alten Orient. Ergebnisse und Perspektiven der Forschung |éditeur= Ugarit-Verlag|lieu=Münster|année= 1995|passage= 239–266}}.</ref>.
 
=== Ougarit et la Bible ===
 
De la même manière et plus encore, la documentation d'Ougarit a attiré l'attention des spécialistes des études bibliques. La religion ougaritique offre en effet une documentation sans équivalent pour étudier une religion locale appartenant (ou du moins fortement apparentée) au substrat « [[Canaan (région)|cananéen]] » polythéiste qui préfigure celui de l'[[Israël antique|ancien Israël]], qui passe du polythéisme au monothéisme, évolution dont la [[Bible hébraïque]] témoigne. Les deux figures divines majeures d'Ougarit, El et [[Baal]], présentent de nombreuses similitudes avec le Dieu ([[Yahweh|Yhwh]]) biblique. Les divinités Baal et [[Ashéra]] sont évoquées dans la Bible, en tant qu'idoles et donc objet d'opprobre de ses rédacteurs. Du point de vue poétique, des formulations similaires se retrouvent entre les mythes ougaritiques et les textes de la Bible hébraïque, dont les langues sont apparentées<ref>Pierre Bordreuil, Hedwige Rouillard-Bonraisin et Arnaud Sérandour, « La civilisation d'Ougarit et les textes religieux du Levant au {{Ier}} millénaire avant J.-C. », dans {{harvsp|id=EXPO04|Galliano et Calvet (dir.)|2004|p=99}}.</ref>.
 
== Notes et références ==
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== Bibliographie ==
 
=== Découvertes archéologiquesIntroductions ===
 
* {{Chapitre| langue= en|prénom1=Wilfred H.| nom1=van Soldt| titre= Ugarit: A Second-Millennium Kingdom on the Mediterranean Coast | titre ouvrage= Civilizations of the Ancient Near East| auteurs ouvrage= Jack M. Sasson (dir.)| lieu = New York| éditeur=Scribner|année =1995|passage= 1255-1266}}
* {{ouvrage| nom1=Marguerite Yon| titre=La cité d'Ougarit sur le tell de Ras Shamra | éditeur= Éditions Recherches sur les civilisations | année=1997| id=YON}}
* {{chapitre|langue=en|prénom1=Marguerite| nom1=Yon|traducteur=Nancy Leiwand |titre chapitre=Ugarit |titre ouvrage=Oxford Encyclopaedia of Archaeology in the Near East|volume=5|auteurs ouvrage= [[Eric M. Meyers]] (dir.) |éditeur = [[Oxford University Press]]|lien éditeur=Oxford University Press|lieu=Oxford et New York|année=1997|passage=255-262 }}
* {{Ouvrage| langue = fr|nom1 = Geneviève Galliano| nom2= Yves Calvet (dir.)| titre = Le royaume d'Ougarit| sous-titre= aux origines de l'alphabet|lieu = Paris et Lyon| éditeur= Somogy éd. d'art et Musée des Beaux-Arts de Lyon| année =2004| id = EXPO}}
* {{Magazine|langue=fr|périodique= Le Monde de la Bible| titre numéro=Le mystère Ougarit, {{70e}} anniversaire de la découverte en Syrie| numéro=120|mois=juillet-août |année=1999|id= MDB }} <small>(traduction en anglais : {{Article| langue = en|titre=The Mysteries of Ugarit|sous-titre=History, Daily Life, Cult|périodique= Near Eastern Archaeology|volume= 63|numéro=4 |mois=décembre|année=2000 |jstor= i361134}})</small>
* {{Magazine|langue=fr|périodique=Dossiers d'archéologie, Hors série | titre numéro=Ougarit, aux origines de l'alphabet| numéro=10|mois=novembre |année=2004|id= DA }}
* {{mul|en|de|fr}} {{Chapitre|prénom1=Wilfred H.| nom1=van Soldt| prénom2=Denis|nom2=Pardee|prénom3= Herbert|nom3=Niehr|prénom4=Marguerite| nom4=Yon| titre= Ugarit |titre ouvrage= Reallexikon der Assyriologie und Vorderasiatischen Archäologie|volume= XIV |année=2015|passage=280-295 |id=RLA}}
 
=== Histoire,Catalogues société et cultured'expositions ===
 
* {{Ouvrage| langue = fr| titre = Syrie | sous-titre= Mémoire et Civilisation| lieu = Paris| éditeur= Flammarion et l'Institut du monde arabe |année =| id = Syrie|date=1993|pages totales=487|isbn=2080124250}}
* {{Ouvrage| langue = en|prénom1 = Wilfred G. E.| nom1 = Watson| prénom2 = Nicolas| nom2 = Wyatt (dir.)| titre = Handbook of Ugaritic studies| lieu = Leyde, Boston et Cologne| éditeur= Brill|collection= Handbuch der Orientalistik| année =1999| id = UGA}}
* {{Ouvrage| langue=fr| nom1=Geneviève Galliano| nom2=Yves Calvet (dir.)| titre=Le royaume d'Ougarit| sous-titre=aux origines de l'alphabet| lieu=Paris et Lyon| éditeur=Somogy éd. d'art et Musée des Beaux-Arts de Lyon| année=2004| isbn=| id=EXPO04}}
* {{Article| langue = en|titre=The Mysteries of Ugarit|sous-titre=History, Daily Life, Cult|périodique=Near Eastern Archaeology|volume= 63|numéro=4,|mois=décembre|année=2000|éditeur=American Schools of Oriental Research |lien éditeur=American Schools of Oriental Research }}
* {{Ouvrage| langue=en| prénom1=Joan| nom1=Aruz| lien auteur1=Joan Aruz| prénom2=Kim | nom2=Benzel| prénom3= Jean M.| nom3=Evans (dir.)| titre=Beyond Babylon | sous-titre= Art, Trade, and Diplomacy in the Second Millennium B.C.| éditeur=The Metropolitan Museum of New York| lieu=New York| année=2008| isbn=| id=MET}}
* {{chapitre|langue = en|prénom1 = Ignacio |nom1 = Márquez Rowe|titre = Ugarit|titre ouvrage= A History of Ancient Near Eastern Law |volume= 1|auteurs ouvrage= Raymond Westbrook (dir.)|lieu= Leyde|éditeur=Brill| collection = Handbuch der Orientalistik |année =2003|passage= 719-735|id = LAW}}
* {{ouvrageOuvrage| langue = fr| prénom1= Valérie|nom1=Matoïan Jacques|prénom2=Thomas|nom2= nom1Römer (dir.) |titre= FreuOugarit| sous-titre = Histoireentre politiqueOrient duet Occident| royaume d'Ugaritlieu=Paris| éditeur=Collège L'Harmattan|de collection=France Kubaba Mission |série=Antiquité|archéologique lieusyro-française =de Paris|Ras édition=Shamra année =2006Ougarit| id année= FRE2016}}
* {{Chapitre|langue=fr|prénom1=Gregorio |nom1=del Olmo Lete|titre=Mythologie et religion de la Syrie au {{IIe}} millénaire av. J.-C. (1500-1200)|auteurs ouvrage=Gregorio del Olmo Lete (dir.)|titre ouvrage=Mythologie et religion des Sémites occidentaux| sous-titre ouvrage =II: Émar, Ougarit, Israël, Phénicie, Aram, Arabie| lieu=Louvain| éditeur= Peeters|collection= Orientalia Lovaniensia Analecta | année=2008| passage=25-163| id=OLMO| isbn =978-90-429-1897-9}}
* [[Josette Elayi]], ''Histoire de la Phénicie'', Éditions Perrin, Paris 2013.
 
=== RecueilsÉtudes desur textesOugarit ===
 
* {{Article| langue= fr| prénom1 = Mario| nom1 = Liverani|lien auteur1=Mario Liverani| titre= Ras Shamra II. Histoire| périodique= Supplément au Dictionnaire de la Bible|volume =9| année= 1979}}, col. 1295-1348
* {{ouvrage|langue=fr|nom1= [[André Caquot]]|nom2=[[Maurice Sznycer]]|titre=Textes ougaritiques|sous-titre= t. 1 Mythes et légendes| lieu= Paris| année=1974|éditeur=Éditions du Cerf | lien éditeur=Éditions du Cerf | collection= Littératures anciennes du Proche-Orient|ISBN=|id = TXT1}}
* {{Ouvrage| nom1=Marguerite Yon| titre=La cité d'Ougarit sur le tell de Ras Shamra| éditeur=Éditions Recherches sur les civilisations| lieu=Paris|année=1997| isbn=| id=YON}} <small>(traduction en anglais avec mise à jour : {{Ouvrage| langue=en| prénom1=Marguerite|nom1= Yon| titre=The City of Ugarit at Tell Ras Shamra| éditeur=Eisenbrauns| lieu=Winona Lake|année=2006 }})</small>
* {{ouvrage|langue=fr|nom1= [[André Caquot]]|nom2=Jean-Michel de Tarragon|nom3= Jose Luis Cunchillos| titre=Textes ougaritiques|sous-titre= t. 2 Textes religieux et rituels, correspondance| lieu= Paris| année=1989|éditeur=Éditions du Cerf | lien éditeur=Éditions du Cerf | collection= Littératures anciennes du Proche-Orient|ISBN=|id = TXT2}}
* {{ouvrageOuvrage| langue =en| fr|prénom1 =Wilfred SylvieG. E.| nom1 = LackenbacherWatson|titre prénom2= Textes akkadiens d'UgaritNicolas|lieu nom2=Wyatt Paris(dir.)|année titre=2002Handbook of Ugaritic studies|éditeur lieu=ÉditionsLeyde, duBoston Cerfet Cologne| lien éditeur=Éditions du Cerf Brill| collection=Handbuch Littératuresder anciennesOrientalistik| duannée=1999| Proche-Orient|ISBNisbn=978-2204067010| id = TAUHBK}}
** {{Chapitre|langue=en|prénom1=Juan-Pablo |nom1=Vita |titre=The Society of Ugarit|auteurs ouvrage=Wilfred G. E. Watson et Nicholas Wyatt (dir.)|titre ouvrage=Handbook of Ugaritic Studies| lieu=Louvain, Boston et Cologne| éditeur= Peeters|collection= Orientalia Lovaniensia Analecta | année=1999| passage=455-498}}
*{{ouvrage| langue=fr|nom1= Denis Pardee| titre=Les textes rituels| lieu= Paris| éditeur= Éditions Recherches sur les civilisations | collection= Ras Shamra-Ougarit| année=2000| id=PAR}}
* {{Ouvrage |langue=en |prénom1= J. David|nom1= Schloen |titre=The House of the Father as Fact and Symbol |sous-titre= Patrimonialism in Ugarit and the Ancient Near East |lieu=Winona Lake |éditeur= Eisenbrauns|année=2001 }}
* Gabriel Saadé, ''Ras -Shamra, ruines d'Ugarit'', Beyrouth, 1954
* {{chapitre|langue = en|prénom1 = Ignacio |nom1 = Márquez Rowe|titre = Ugarit|titre ouvrage= A History of Ancient Near Eastern Law |volume= 1|auteurs ouvrage= Raymond Westbrook (dir.)|lieu= Leyde|éditeur=Brill| collection = Handbuch der Orientalistik |année =2003|passage= 719-735}}
* {{Ouvrage| langue=fr| prénom1=Jacques| nom1=Freu| titre=Histoire politique du royaume d'Ugarit| lieu=Paris| éditeur=[[Éditions L'Harmattan|L'Harmattan]]| collection=Kubaba| série=Antiquité| année=2006| isbn=| id=FRE}}
* {{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Gabriel|nom1=Saadé|titre= Ougarit et son royaume|sous-titre= Des origines à sa destruction |éditeur= Institut Français du Proche-Orient |lieu=Beyrouth|année=2011}}
 
=== Recueils de textes antiques ===
 
* {{Chapitre|langue=fr|nom1=[[André Caquot]]|nom2=[[Maurice Sznycer]]|titre= Les textes ougaritiques | titre ouvrage= Les religions du Proche-Orient asiatique, Textes babyloniens, ougaritiques, hittites| auteurs ouvrage = [[René Labat]], [[André Caquot]], Maurice Sznycer et Maurice Vieyra|lieu=Paris| éditeur= Fayard| année=1970| passage=353-458}}
* {{Ouvrage|langue=fr|nom1=[[André Caquot]]|nom2=[[Maurice Sznycer]]|titre=Textes ougaritiques|sous-titre=t. 1 Mythes et légendes|lieu=Paris|éditeur=[[Éditions du Cerf]]|collection=Littératures anciennes du Proche-Orient|année=1974|isbn=|id=TXT1}}
* {{Ouvrage|langue=fr|nom1=[[André Caquot]]|nom2=Jean-Michel de Tarragon|nom3=Jose Luis Cunchillos|titre=Textes ougaritiques|sous-titre=t. 2 Textes religieux et rituels, correspondance|lieu=Paris|éditeur=[[Éditions du Cerf]]|collection=Littératures anciennes du Proche-Orient|année=1989|isbn=|id=TXT2}}
* {{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Sylvie|nom1=Lackenbacher|titre=Textes akkadiens d'Ugarit|lieu=Paris|éditeur=[[Éditions du Cerf]]|collection=Littératures anciennes du Proche-Orient|année=2002 }}
* {{Ouvrage|langue=en|prénom1= Simon B.| nom1=Parker (dir.)|titre= Ugaritic Narrative Poetry|collection= Writings from the Ancient World |numéro dans la collection= 9|éditeur= Society of the Biblical Literature|lieu= Atlanta|année= 1997}}
* {{Ouvrage|langue=en|prénom1=Dennis |nom1=Pardee|titre= Ritual and Cult at Ugarit|collection= Writings from the Ancient World |numéro dans la collection= 10|éditeur= Society of the Biblical Literature|lieu= Atlanta|année= 2002}}
 
== Voir aussi ==
 
=== Liens externes ===
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}}
* {{Lien web |url=http://www.mom.fr/Collection-Ras-Shamra-Ougarit-RSO.html |site=Maison de l'Orient et de la Méditerranée (Université Lumière Lyon 2) |titre=Royaume d'Ougarit}}, site de l'équipe de chercheurs travaillant sur Ougarit.
* [http://www.ras-shamra.ougarit.mom.fr/ Mission archéologique syro-française de Ras Shamra - Ougarit] (jusqu'en 2016) et [https://www.mission-ougarit.fr/ Mission archéologique syro-française de Ras Shamra - Ougarit] (à partir de 2017)
* {{Lien web|url= https://archeologie.culture.gouv.fr/ougarit/fr|titre=Ougarit| site=Archeologie.culture.gouv.fr| consulté le=24 juillet 2023}} : site réalisé par l'équipe de chercheurs française travaillant sur Ougarit.
 
=== Articles connexes ===
* [[Ras Ibn Hani]]
* [[Minet el-Beida]]
* [[Religion ougaritique]]
* [[Ougaritique]]
* [[Alphabet ougaritique]]
* [[Cyrus Gordon]]
* [[Phéniciens]]
* [[Adnan Bounni]]
* [[Ougaritique]] (langue)
* [[Alphabet ougaritique]]
* [[Religion d'Ougarit]]
 
{{Palette|Cités phénico-puniques|Proche-Orient ancien}}
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[[Catégorie:Cité phénicienne]]
[[Catégorie:Proche-Orient ancien]]
[[Catégorie:Liste indicative du patrimoine mondial en Syrie]]
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