« Jean Racine » : différence entre les versions

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{{voir homonymes|Racine}}
{{Infobox Biographie2
| charte = écrivain
| nom = Jean Racine
| image = Portrait de Jean Racine d'après Jean-Baptiste Santerre.jpg
| légende = Portrait de Racine, d'après [[Jean-Baptiste Santerre]]<br> (Versailles, {{s-|XVII|e}}).
| nom de naissance =
| surnom =
| activités = [[Dramaturge]], [[historiographe]], [[Poète]]
| date de naissance = {{Date|22|décembre|1639}}
| lieu de naissance = [[La Ferté-Milon]], [[Picardie]], <br>{{France monarchie}}
| date de décès = {{Date|21|avril|1699}} (à 59 ans)
| lieu de décès = [[Paris]], {{France monarchie}}
| langue sépulture = [[françaisÉglise Saint-Étienne-du-Mont]]
| mouvementlangue = [[classicismefrançais]]
| genre mouvement = [[tragédie]] essentiellement, [[comédieClassicisme]]
| formation = [[Lycée Saint-Louis]]<br>[[Collège de Beauvais]]
| adjectifs dérivés = « [[wikt:racinien|Racinien]] »
| maître = [[Antoine Le Maistre]], [[Claude Lancelot]], [[Pierre Nicole]], [[Jean Hamon (médecin)|Jean Hamon]]
| œuvres principales =
| enfant = [[Jean-Baptiste Racine]]<br>[[Louis Racine]]
* ''[[Andromaque (Racine)|Andromaque]]'', 1667
| genre = [[tragédie]] essentiellement, [[comédie]]
| adjectifs dérivés = « [[wikt:racinien|Racinien]] »
| date de baptême = {{date|22|décembre|1639}}
| membre de = [[Académie française]] {{Petit|(1672-1699)}}<br>[[Académie des inscriptions et belles-lettres]] {{Petit|(1683-1699)}}
| œuvres principales = * ''[[Andromaque (Racine)|Andromaque]]'', 1667
* ''[[Britannicus (Racine)|Britannicus]]'', 1669
* ''[[Bérénice (Racine)|Bérénice]]'', 1670
* ''[[Iphigénie (Racine)|Iphigénie]]'', 1674
* ''[[Phèdre (Racine)|Phèdre]]'', 1677
| complément =
| signature = Racine signature 29933.jpg
}}
 
'''Jean Racine''', ([[La Ferté-Milon]],le {{date de naissance|22 décembre 1639}} à [[ParisLa Ferté-Milon]],<ref>{{Lien web |titre=Jean Racine |url=https://www.larousse.fr/encyclopedie/personnage/Jean_Racine/140142 |site=Larousse}}</ref> et mort le {{date de décès|21 avril 1699}}) à [[Paris]], est un [[dramaturge]] et [[poète]] [[France|français]].
 
Issu d'une famille de petits notables de [[la Ferté-Milon]] et tôt orphelin, Racine reçoit auprès des [[Solitaires (Port-Royal)|« Solitaires » de Port-Royal]] une éducation littéraire et religieuse rare. Se détournant d'une carrière ecclésiastique, il entreprend, jeune, de faire une carrière des [[Littérature|lettres]]<ref>L’histoire sociale de la littérature a souvent vu en Racine un premier archétype de celui qui fait carrière et métier des lettres, par lesquelles ce modeste Picard trouve richesse, renommée, et une ascension sociale certaine. L’écriture devenant un « métier », tout du moins un champ autonome, s’éloigne de la gratuité que lui attribuait ''l’otium'' humaniste. Voir [[Raymond Picard]], ''La Carrière de Jean Racine'', Paris, Gallimard, 1961 ; [[Alain Viala]], ''Naissance de l'écrivain. Sociologie de la littérature à l'âge classique'', Paris : Ed. de Minuit, 1985 ; ''Racine, la stratégie du caméleon'', Paris, Seghers, 1990.</ref>, en privilégiant la poésie et le théâtre tragique. Le succès d’''[[Alexandre le Grand (Racine)|Alexandre le Grand]]'', en 1665, lui confère une solide réputation et lui apporte le soutien du jeune roi [[{{souverain2|Louis XIV]]}}. ''[[Andromaque (Racine)|Andromaque]]''[[Andromaque (Racine)|,]] en 1667, ouvre une décennie de grandes créations qui voit, à côté d'une unique [[comédie]] (''[[Les Plaideurs]]'', 1668), représentées les sept [[tragédie]]s consacrées par l’historiographie comme ses plus remarquables : ''[[Britannicus (Racine)|Britannicus]]'' (1669), ''[[Bérénice (Racine)|Bérénice]]'' (1670), ''[[Bajazet]]'' (1672), ''[[Mithridate (Racine)|Mithridate]]'' (1673), ''[[Iphigénie (Racine)|Iphigénie]]'' (1674) et ''[[Phèdre (Racine)|Phèdre]]'' (1677). La « tristesse majestueuse<ref>Préface de ''Bérénice''. Racine'', Théâtre I'', Paris, Garnier-Flammarion, 1964, {{p.|377}}.</ref> » de ces pièces épurées rompant avec l’[[héroïsme]] [[Théâtre baroque|baroque]] fait la renommée du dramaturge et divise profondément le public français, dont une partie défend la tragédie [[Pierre Corneille|cornélienne]]. Le succès populaire, les querelles critiques, l'appui du roi et les faveurs à la cour de [[Madame de Montespan|{{Mme}} de Montespan]] entraînent une ascension sociale et économique fulgurante de l'auteur : élu à l'[[Académie française]] en 1672, anobli en 1674, Racine abandonne en 1677 le « métier de poésie » pour briguer le « glorieux emploi<ref>Les deux formules sont de [[Étienne Boileau|Boileau]], promu en même temps que Racine à l'emploi d'historiographe (Boileau, ''Œuvres complètes'', Paris, Gallimard, 1966, ''[[Bibliothèque de la Pléiade]]'', {{t.|1}}, {{p.|857}})</ref> » d'[[Historiographe de France|historiographe du roi]]. Devenu l'un des [[courtisan]]s proches du [[Louis XIV|Roi-Soleil]], il ne délaisse son travail d'historien que pour donner, à la demande de [[Madame de Maintenon|{{Mme}} de Maintenon]], deux tragédies [[Bible|bibliques]] aux jeunes filles de [[Maison royale de Saint-Louis|Saint-Cyr]] : ''[[Esther (Racine)|Esther]]'' (1689) et ''[[Athalie (Racine)|Athalie]]'' (1691), et pour écrire en secret un ''[[Abrégé de l'histoire de Port-Royal]]'', retrouvé et publié après sa mort. Le vaste travail historique auquel il consacre la majeure partie de ses vingt dernières années, l'histoire de {{souverain-|Louis XIV}}, disparaît entièrement dans l'incendie de la maison de son successeur, [[Jean-Baptiste-Henri de Valincour|Valincour]].
 
L'œuvre de Racine passe pour avoir amené la [[Théâtre classique|tragédie classique]] à son «  accomplissement  » et son «  harmonie<ref>[[Paul Bénichou]], « RACINE (J.) ». In Universalis éducation [en ligne]. ''[[Encyclopædia Universalis]]'', consulté le {{date-|1er}} août 2017}}</ref> ». L'économie du propos, la rigueur de la construction (situation de crise menée à son [[acmé]]), la maîtrise de l'[[alexandrin]] et la profondeur de l'analyse psychologique ont élevé le ''corpus'' racinien au rang de modèle classique. Par son respect strict des [[Règles du théâtre classique|unités de temps, de lieu et d'action]], Racine refuse la primauté, la densité et l'héroïsme de l'action propres aux tragédies de [[Pierre Corneille]], auquel il est souvent opposé. Il lui préfère un épurement de l'intrigue (parfois extrême, en particulier dans ''[[Bérénice (Racine)|Bérénice]]'') et l'intensité psychologique. Abandonnant le ton [[Discours épidictique|glorieux]] et moral du théâtre du début du {{s|XVII}}, Racine soumet la vertu politique et la [[raison d'État]], chères à Corneille, sous les contingences passionnelles. La passion soumet et détruit ses personnages tout-puissants (rois, empereurs, princesses) qui tentent en vain de lutter contre elle, perdant le sens du devoir jusqu'à la déraison ou la mort. Les passions, parmi lesquelles l'amour prime, sont le fondement du tragique racinien en ce qu'ils sont les instruments du [[Fatalisme|destin]]. L'amour racinien suit en ordre général la structure du [[triangle amoureux]], inexorable et cruel pour chacun des partis. Le fondement de ce tragique relève à ce titre de la confrontation de la démesure et de la déraison des passions avec l'humilité de la [[finitude]] des mortels. Les tragédies de Racine se fondent sur la conjonction de la crainte et de la pitié (les deux émotions fondamentales du [[Tragédie antique|théâtre antique]]<ref>Aristote, ''[[Poétique (Aristote)|Poétique]]'', Paris, [[Les Belles Lettres]], 2002, 1449, {{p.|24-28}}.</ref>) ; la critique a souvent estimé que le dramaturge a ainsi cherché à associer la [[prédestination]] [[Jansénisme|janséniste]] et le [[Fatum (philosophie)|fatum]] [[Théâtre grec antique|antique]]. Consacré par la [[Critique littéraire|critique]] comme l'un des plus grands auteurs français de [[tragédie]]s, il est l'un des trois dramaturges majeurs, avec [[Pierre Corneille|Corneille]] et [[Molière]], de la période [[Classicisme|classique]] en [[Royaume de France|France]]. Aujourd'hui, il compte parmi les auteurs les plus joués à la [[Comédie-Française]] et dans le pays, et figure parmi les grandes références de la littérature universelle<ref>{{fr}} [http://www.comedie-francaise.fr/histoire-et-patrimoine?id=525 Auteurs et répertoires]&nbsp;– Official site of the Comédie Française.</ref>{{,}}<ref>{{Article |auteur1=Nathalie Simon |titre=Les auteurs les plus joués au théâtre |périodique=[[Le Figaro]] |date=27-11-2008 |lire en ligne=http://www.lefigaro.fr/theatre/2008/11/27/03003-20081127ARTFIG00484-les-auteurs-les-plus-joues-au-theatre-.php |accès url=libre |consulté le=15-09-2020}}.</ref>.
 
== Biographie ==
La vie, la carrière et la trajectoire sociale de Jean Racine ont fait l'objet d'interprétations contrastées et de querelles vives dans l'[[historiographie]] de la littérature. Les biographies du dramaturge ont longtemps relevé de l'[[hagiographie]]<ref>Une littérature hagiographique sur Racine apparaît dès la fin du {{s-|XVII}} et au {{s-|XVIII}}. Le fils cadet du dramaturge, [[Louis Racine]], a figé avec beaucoup d'influence une image idéalisée de son père dans ses ''Mémoires contenant quelques particularités sur la vie et les ouvrages de Jean Racine'' ({{harvsp|Racine|1747}}).</ref> le montrant en modèle du provincial miséreux que le [[Génie (personne)|génie]] littéraire élève à la gloire, la richesse, et, fait inédit, la noblesse. Une telle vision procède d'une déduction de la vie de Racine à partir de son œuvre<ref>Ce schéma téléologique est soulevé par {{harvsp|Forestier|2006|p=13-14}}</ref>. Les historiens [[Romantisme|romantiques]]<ref>Voir notamment {{harvsp|Sainte-Beuve|1840-1859}}</ref> ont cherché dans sa vie les passions si présentes dans ses tragédies, en déduisant de leur vivacité des éléments biographiques et psychologiques. Les [[Critique littéraire|critiques littéraires]] ont limité l'ensemble de sa vie à sa production littéraire, négligeant une vision sociale de son parcours ; l'homme Racine étant avant tout un auteur, déterminé par le génie de sa production littéraire et le « mythe »<ref>{{harvsp|Viala|1990|p=11}}</ref> qui entoure celle-ci<ref>Cette vision purement littéraire, qui n'aborde la vie de Racine que par le prisme de ses pièces ''a priori'' pensées comme l'émanation d'un génie éternel et absolu a longtemps été influente au {{s-|XX}} ({{harvsp|Mauriac|1928}}</ref>{{,}}<ref>{{harvsp|Maulnier|1934}}</ref>{{,}}<ref>{{harvsp|Jasinski|1958}}), jusqu'à [[Raymond Picard]] ({{harvsp|Picard|1961}}).</ref>.
 
Ces deux visions ont depuis été critiquées{{sfn|Forestier|2006|p=9-17}}. D'une part, le fait de chercher chez l'auteur les traits psychologiques de ses personnages relève d'une détermination ''a priori'' et d'une [[téléologie]], ce d'autant plus que l'expression des sentiments intimes de l'auteur correspond mal aux critères du théâtre du {{s-|XVII}}<ref>Georges Forestier relève que de nombreux critiques se sont "trompé d'époques" en appliquant à l'œuvre de Racine une conception du rapport entre l'auteur et ses personnages héritée du {{s-|XIX}} et condensé dans un mot célèbre de [[Gustave Flaubert|Flaubert]] : "la [[Madame Bovary|Bovary]], c'est moi". Pour lui, l'expression des passions mises à vif est bien davantage un héritage des lectures acquises lors de l'éducation antiquisante de Racine (en particulier d'Ovide et Virgile) que l'expression de ses propres passions. {{harvsp|Forestier|2006|p=284-285}}.</ref>. La critique cherche aujourd'hui davantage à chercher sous le mythe littéraire la réalité sociale et politique de sa carrière{{sfn|Forestier|2006}}{{,}}{{sfn|Sayer|2006}}. D'autre part, Racine n'est pas seulement remarquable comme écrivain : « il a accompli l'une des trajectoires sociales les plus extraordinaires de l'époque moderne »{{sfn|Forestier|2006|p=13}}. Son ascension sociale fulgurante, unique dans la société rigide de l'[[Société d'Ancien Régime|Ancien régime]], a suscité l'intérêt de la [[socio-histoire]]. [[Alain Viala]] a ainsi donné sur Racine un ouvrage fondateur de la sociologie de la littérature{{sfn|Alain Viala|1990}}, voyant dans sa carrière l'exemple typique de la constitution d'un « métier des lettres » comme [[Pierre Bourdieu#Théorie des champs|champ]] permettant de faire carrière, et de la naissance du statut social d'« écrivain »<ref>Voir aussi à ce sujet {{harvsp|Viala|1985}}.</ref>. Influencé par la sociologie [[Pierre Bourdieu|bourdieusienne]], Viala a utilisé la métaphore du [[Chamaeleonidae|caméléon]] pour rendre compte de la trajectoire sociale de Racine, définissant « l'ethos caméléonesque » du poète comme une « disposition à prendre l'aspect du milieu auquel on veut (on désire ou on a besoin de) s'intégrer pour y trouver de quoi subsister et se développer{{sfn|Viala|1990|p=24}} ». Si la perspective de Viala a également suscité des réserves<ref>En particulier celles de {{harvsp|Forestier|2006}}.</ref>, la biographie du dramaturge est désormais largement considérée sous un angle social, comme une trajectoire opportuniste qui, loin d'être le seul déploiement d'un génie le portant irrémédiablement à la gloire, influence le contenu et la nature de sa production littéraire.
La vie, la carrière et la trajectoire sociale de Jean Racine ont fait l'objet d'interprétations contrastées et de querelles vives dans l'[[historiographie]] de la littérature. Les biographies du dramaturge ont longtemps relevé de l'[[hagiographie]]<ref>Une littérature hagiographique sur Racine apparaît dès la fin du {{s-|XVII|e}} et au {{s-|XVIII|e}}. Le fils cadet du dramaturge, [[Louis Racine]], a figé avec beaucoup d'influence une image idéalisée de son père dans ses ''Mémoires contenant quelques particularités sur la vie et les ouvrages de Jean Racine'' ({{Référence Harvard sans parenthèses|Louis Racine|1747|p=}}).</ref> le montrant en modèle du provincial miséreux que le [[Génie (personne)|génie]] littéraire élève à la gloire, la richesse, et, fait inédit, la noblesse. Une telle vision procède d'une déduction de la vie de Racine à partir de son œuvre<ref>Ce schéma téléologique est soulevé par {{Référence Harvard sans parenthèses|Georges Forestier|2006|p=13-14}}</ref>. Les historiens [[Romantisme|romantiques]]<ref>Voir notamment {{Référence Harvard sans parenthèses|Charles-Augustin Sainte-Beuve|1840-1849|p=}}</ref> ont cherché dans sa vie les passions si présentes dans ses tragédies, en déduisant de leur vivacité des éléments biographiques et psychologiques. Les [[Critique littéraire|critiques littéraires]] ont limité l'ensemble de sa vie à sa production littéraire, négligeant une vision sociale de son parcours ; l'homme Racine étant avant tout un auteur, déterminé par le génie de sa production littéraire et le « mythe »<ref>{{Référence Harvard sans parenthèses|Alain Viala|1990|p=11}}</ref> qui entoure celle-ci<ref>Cette vision purement littéraire, qui n'aborde la vie de Racine que par le prisme de ses pièces ''a priori'' pensées comme l'émanation d'un génie éternel et absolu a longtemps été influente au {{s-|XX|e}} ({{Référence Harvard sans parenthèses|François Mauriac|1928|p=}}</ref>{{,}}<ref>{{Référence Harvard sans parenthèses|Thierry Maulnier|1934|p=}}</ref>{{,}}<ref>{{Référence Harvard sans parenthèses|René Jasinski|1958|p=}}), jusqu'à [[Raymond Picard]] ({{Référence Harvard sans parenthèses|Raymond Picard|1961|p=}}).</ref>.
 
Ces deux visions ont depuis été critiquées<ref>{{Référence Harvard sans parenthèses|Georges Forestier|2006|p=9-17}}</ref>. D'une part, le fait de chercher chez l'auteur les traits psychologiques de ses personnages relève d'une détermination ''a priori'' et d'une [[téléologie]], ce d'autant plus que l'expression des sentiments intimes de l'auteur correspond mal aux critères du théâtre du {{s-|XVII|e}}<ref>Georges Forestier relève que de nombreux critiques se sont "trompé d'époques" en appliquant à l'œuvre de Racine une conception du rapport entre l'auteur et ses personnages héritée du {{s-|XIX|e}} et condensé dans un mot célèbre de [[Gustave Flaubert|Flaubert]] : "la [[Madame Bovary|Bovary]], c'est moi". Pour lui, l'expression des passions mises à vif est bien davantage un héritage des lectures acquises lors de l'éducation antiquisante de Racine (en particulier d'Ovide et Virgile) que l'expression de ses propres passions. Georges Forestier 2006, {{p.|284-285}}.</ref>. La critique cherche aujourd'hui davantage à chercher sous le mythe littéraire la réalité sociale et politique de sa carrière<ref>{{Référence Harvard sans parenthèses|Georges Forestier|2006|p=}}</ref>{{,}}<ref>{{Référence Harvard sans parenthèses|John Sayer|2006|p=}}</ref>. D'autre part, Racine n'est pas seulement remarquable comme écrivain : « il a accompli l'une des trajectoires sociales les plus extraordinaires de l'époque moderne »<ref>{{Référence Harvard sans parenthèses|Georges Forestier|2006|p=13}}</ref>. Son ascension sociale fulgurante, unique dans la société rigide de l'[[Société d'Ancien Régime|Ancien régime]], a suscité l'intérêt de la [[socio-histoire]]. [[Alain Viala]] a ainsi donné sur Racine un ouvrage fondateur de la sociologie de la littérature<ref>{{Référence Harvard sans parenthèses|Alain Viala|1990|p=}}</ref>, voyant dans sa carrière l'exemple typique de la constitution d'un « métier des lettres » comme [[Pierre Bourdieu#Théorie des champs|champ]] permettant de faire carrière, et de la naissance du statut social d'« écrivain »<ref>Voir aussi à ce sujet {{Référence Harvard sans parenthèses|Alain Viala|1985|p=}}.</ref>. Influencé par la sociologie [[Pierre Bourdieu|bourdieusienne]], Viala a utilisé la métaphore du [[Chamaeleonidae|caméléon]] pour rendre compte de la trajectoire sociale de Racine, définissant « l'ethos caméléonesque » du poète comme une « disposition à prendre l'aspect du milieu auquel on veut (on désire ou on a besoin de) s'intégrer pour y trouver de quoi subsister et se développer<ref>{{Référence Harvard sans parenthèses|Alain Viala|1990|p=24}}</ref> ». Si la perspective de Viala a également suscité des réserves<ref>En particulier celles de {{Référence Harvard sans parenthèses|Georges Forestier|2006|p=}}.</ref>, la biographie du dramaturge est désormais largement considérée sous un angle social, comme une trajectoire opportuniste qui, loin d'être le seul déploiement d'un génie le portant irrémédiablement à la gloire, influence le contenu et la nature de sa production littéraire.
 
=== L'enfant de Port-Royal (1639-1659) ===
==== L'orphelin de La Ferté-Milon ====
Le [[Société d'Ancien Régime|rang social]] de la famille Racine a fait l'objet de débats vigoureux, rendus d'autant plus sibyllins que le poète a lui-même alimenté les légendes sur ses origines{{sfn|Georges Forestier|2006|p=24-28}}. L'idée que la [[noblesse]] familiale est ancienne et fondée sur le service militaire a été formulée par Racine à la fin de sa vie. Dans un témoignage de moralité de 1696, le poète a laissé entendre que son père et son grand-père ont porté les armes avant de se voir accorder des charges. Cette information douteuse<ref>{{harvsp|Forestier|2006|p=27}} ; Louis Vaunois 1964, {{p.|33}}</ref>, jamais apparue avant ce témoignage tardif et . qui n'est vérifiée par aucune source, a parfois été reprise par les biographes<ref>. En particulier, avec beaucoup d'influence, par [[Louis Moréri]], ''Grand Dictionnaire historique, ou Le mélange curieux de l'histoire sacrée et profane'', notice "Racine".</ref>. À l'inverse, la modestie de l'[[origine sociale]] du poète a parfois été exagérée, ou bien pour l'attaquer, ou bien pour souligner le caractère exceptionnel de son parcours<ref>. Une telle vision misérabiliste de l'origine sociale de Racine est encore celle d'Alain Viala, qui a été critiqué (notamment par Georges Forestier), pour avoir exagéré la pauvreté du jeune homme. Il décrit par exemple ainsi la famille proche de Jean : "Ces bourgeois rêvaient, comme tous leurs semblables, de pouvoir s'élever jusqu'à graviter dans la sphère des nobles. Mais bourgeois ils étaient, et petits, à l'échelle de leur bourg. Et en était un tout petit, ce jeune homme tout pauvre". (Alain Viala 1990, {{p.|32}}). Une telle vision lui permet de mettre en valeur la fulgurance de la trajectoire sociale du poète qui, de ce bas de l'échelle sociale, arrive par mimétisme de l'''[[Habitus (sociologie)|habitus]]'' des classes dominantes, à se faire une place dans celles-ci.</ref> (une phrase de [[Nicolas Boileau|Boileau]] fait de Racine le « fils d'une espèce de fermier »{{sfn|Picard|1956|p=358}}{{,}}{{sfn|Georges Forestier|2006|p=28}}{{Référence à confirmer}}).
 
La famille de Racine est ancrée dans les emplois bourgeois de [[la Ferté-Milon]], alors bourgade sans grande envergure<ref>Alain Viala 1990, {{p.|25-26}}.</ref>. Elle est en particulier liée au [[grenier à sel]], unité économique centrale qui assure le recouvrement de la [[Gabelle du sel|gabelle]] et la répartition d'une denrée précieuse. La famille maternelle, les Sconin, forment une [[dynastie]] d'officiers [[gabelous]], la famille paternelle, une autre de greffiers<ref name=":1">Alain Viala 1990, {{p.|11}}. Sur l'ascendance de Jean Racine, voir les quatre premiers chapitres de {{harvsp|Vaunois|1964|p=13-35}} qui synthétisent les documents disponibles sur le sujet</ref>. Si leur noblesse réelle est incertaine, voire imaginaire{{sfn|Forestier|2006|p=25}}, les Racine adoptent au début du {{s|XVII}} un signe extérieur de noblesse, en prenant des [[Héraldique|armoiries]] choisies sous le principe du [[rébus]] [[Patronyme|patronymique]] (les armes parlantes montrent un ''rat'' et un ''cygne''){{sfn|Forestier|2006|p=25-26}}{{,}}. Ces armoiries sont peintes sur les vitres de la maison que Jean Racine grand-père fait édifier en 1622{{sfn|Forestier|2006|p=25}}{{,}}<ref>Alain Viala 1990, {{p.|32}}.</ref>. Il apparaît également que ses membres ont cherché à simuler un ''ethos'' nobiliaire{{sfn|Forestier|2006|p=26}} ; le poète en particulier, s'adresse d'abord à sa sœur célibataire sous le nom de « Madame Marie Racine » mais, une fois que celle-ci a dérogé en épousant un roturier, M. Rivière, ne la nomme plus que « Mademoiselle Rivière ». Le [[milieu social]] d'origine de Jean Racine peut être décrit comme celui d'une « bourgeoisie de village »{{sfn|Viala|1990|p=32}}, qui exerce un pouvoir social et économique certain, mais relatif à l'échelle d'une petite bourgade ; si la famille nucléaire de Racine semble en outre plus modeste, elle est soutenue par des familles élargies aisées et localement puissantes<ref>{{harv|Forestier|2006|p=29, 37}}.</ref>.[[Fichier:Musee jean racine.jpg|vignette|La maison des Racine à [[la Ferté-Milon]], où Jean vit de 1643 à 1649 (aujourd'hui Musée Jean Racine).]]
==== L'orphelin de La Ferté-Milon ====
Le [[Société d'Ancien Régime|rang social]] de la famille Racine a fait l'objet de débats vigoureux, rendus d'autant plus sibyllins que le poète a lui-même alimenté les légendes sur ses origines<ref>{{Référence Harvard sans parenthèses|Georges Forestier|2006|p=24-28}}</ref>. L'idée que la [[noblesse]] familiale est ancienne et fondée sur le service militaire a été formulée par Racine à la fin de sa vie. Dans un témoignage de moralité de 1696, le poète a laissé entendre que son père et son grand-père ont porté les armes avant de se voir accorder des charges. Cette information n'est vérifiée par aucune source, n'est jamais apparue avant ce témoignage tardif et est douteuse<ref>Georges Forestier 2006, {{p.|27}} ; Louis Vaunois 1964, {{p.|33}}</ref>, mais a parfois été reprise par les biographes<ref>En particulier, avec beaucoup d'influence, par [[Louis Moréri]], ''Grand Dictionnaire historique, ou Le mélange curieux de l'histoire sacrée et profane'', notice "Racine".</ref>. À l'inverse, la modestie de l'[[origine sociale]] du poète a parfois été exagérée, ou bien pour l'attaquer, ou bien pour souligner le caractère exceptionnel de son parcours<ref>Une telle vision misérabiliste de l'origine sociale de Racine est encore celle d'Alain Viala, qui a été critiqué (notamment par Georges Forestier), pour avoir exagéré la pauvreté du jeune homme. Il décrit par exemple ainsi la famille proche de Jean : "Ces bourgeois rêvaient, comme tous leurs semblables, de pouvoir s'élever jusque') graviter dans la sphère des nobles. Mais bourgeois ils étaient, et petits, à l'échelle de leur bourg. Et en était un tout petit, ce jeune homme tout pauvre". (Alain Viala 1990, {{p.|32}}). Une telle vision lui permet de mettre en valeur la fulgurante de la trajectoire sociale du poète qui, de ce bas de l'échelle sociale, arrive par mimétisme de l'''[[Habitus (sociologie)|habitus]]'' des classes dominantes, à se faire une place dans celles-ci.</ref> (une phrase de [[Nicolas Boileau|Boileau]] fait de Racine le « fils d'une espèce de fermier »<ref>{{Référence Harvard sans parenthèses|Raymond Picard|1956|p=358}}</ref>{{,}}<ref>{{Référence Harvard sans parenthèses |Georges Forestier|2006|p=28}}.</ref>{{Référence à confirmer}}).
 
La famille de Racine est ancrée dans les emplois bourgeois de [[la Ferté-Milon]], alors bourgade sans grande envergure<ref>Alain Viala 1990, {{p.|25-26}}.</ref>. Elle est en particulier liée au [[grenier à sel]], unité économique centrale qui assure le recouvrement de la [[Gabelle du sel|gabelle]] et la répartition d'une denrée précieuse. La famille maternelle, les Sconin, forment une [[dynastie]] d'officiers [[gabelous]], la famille paternelle, une autre de greffiers<ref name=":1">Alain Viala 1990, {{p.|11}}. Sur l'ascendance de Jean Racine, voir les quatre premiers chapitres de {{Référence Harvard sans parenthèses|Louis Vaunois|1964|p=13-35}} qui synthétisent les documents disponibles sur le sujet</ref>. Si leur noblesse réelle est incertaine, voire imaginaire<ref>Georges Forestier 2006, {{p.|25}}.</ref>, les Racine adoptent au début du {{s|XVII|e}} un signe extérieur de noblesse, en prenant des [[Héraldique|armoiries]] choisies sous le principe du [[rébus]] [[Patronyme|patronymique]] (les armes parlantes montrent un ''rat'' et un ''cygne'')<ref>{{Référence Harvard sans parenthèses|Georges Forestier|2006|p=25-26}}</ref>{{,}}<ref name="Viala p32">{{Référence Harvard sans parenthèses|Alain Viala|1990|p=32}}</ref>. Ces armoiries sont peintes sur les vitres de la maison que Jean Racine grand-père fait édifier en 1622<ref>Georges Forestier 2006, {{p.|25}}</ref>{{,}}<ref>Alain Viala 1990, {{p.|32}}.</ref>. Il apparaît également que ses membres ont cherché à simuler un ''ethos'' nobiliaire<ref>Georges Forestier 2006, {{p.|26}}.</ref> ; le poète en particulier, s'adresse d'abord à sa sœur célibataire sous le nom de « Madame Marie Racine » mais, une fois que celle-ci a dérogé en épousant un roturier, M. Rivière, ne la nomme plus que « Mademoiselle Rivière ». Le [[milieu social]] d'origine de Jean Racine peut être décrit comme celui d'une « bourgeoisie de village »<ref name="Viala p32" />, qui exerce un pouvoir social et économique certain, mais relatif à l'échelle d'une petite bourgade ; si la famille nucléaire de Racine semble en outre plus modeste, elle est soutenue par des familles élargies aisées et localement puissantes<ref>Georges Forestier 2006, {{p.|29, 37}}.</ref>.[[Fichier:Musee jean racine.jpg|vignette|La maison des Racine à [[la Ferté-Milon]], où Jean vit de 1643 à 1649 (aujourd'hui Musée Jean Racine).]]Jean Racine naitnaît le {{date-|22 décembre 1639}}<ref name=":2">Un doute existe quant à la date exacte de la naissance de Racine. De nombreux biographes placent sa naissance au {{date- |21 décembre 1639}} ({{Référence Harvard sans parenthèsesharvsp|Alain Viala|1990|p=32}}), d'autres au {{date-|22 décembre}} ({{Référence Harvard sans parenthèsesharvsp|Louis Racine|1747|p=}}, {{Référence Harvard sans parenthèsesharvsp|Louis Vaunois|1964|p=37-38}}) fondant en cela les dates de naissance et de baptême. Il y a même désaccord entre deux des fils de Racine, l'un (Louis Racine), donnant dans la première édition des ''Mémoires'', la date du {{date-|21 décembre}}, puis se ravisant dans la deuxième pour celle du {{date-|22 décembre}} ; l'autre (Jean-Baptiste Racine, qui a guidé [[Louis Moréri]] dans la rédaction de la notice "Racine" de son dictionnaire) est certain d'une naissance le {{date-|21 décembre}}. En réalité, n'a été conservé pour Racine que l'acte de baptême, daté du {{date-|22 décembre}} (cité dans {{Référence Harvard sans parenthèsesharvsp|Raymond Picard|1956|p=1}} ; acte original conservé au Musée Jean Racine de la Ferté-Milon et copié aux [[Archives départementales de l'Aisne]] (AD Aisne), 1 Mi 709). La date du {{date-|21 décembre}} est toutefois entrée dans la culture collective : la [[Comédie-Française|Comédie française]] fête l'anniversaire de Racine le {{date-|21 décembre}}.</ref> à La Ferté-Milon<ref>. On ignore toutefois l'emplacement de sa maison natale ; seulement sait-on que l'enfant est baptisé à l'[[Église Saint-Vaast de La Ferté-Milon|église Saint-Vaast]], et ainsi que la première maison des Racine devait se situer dans le faubourg Saint-Vaast, en dehors des murs de la ville ({{Référence Harvard sans parenthèsesharvsp|Georges Forestier|2006|p=30}}). Les recherches les plus érudites, quoiqu'aporétiques, sur le lieu de naissance de Racine sont données par Louis Vaunois 1964, {{p.|39-49}}.</ref> premier enfant de Jean Racine et de Jeanne Sconin, mariés le {{date-|13 septembre 1638}}. Son père est procureur tiers référendaire<ref>Un procureur tiers référendaire est un officier de justice appelé en tiers pour régler entre les parties les conflits concernant la taxe des frais de justice. Louis Vaunois 1964, {{p.|58}}.</ref> au bailliage et greffier du grenier à sel<ref>{{Référence Harvard sans parenthèsessfn|Georges Forestier|2006|p=28}}</ref>{{,}}<ref name{{sfn|Viala|1990|p="Viala p32" />32}}{{,}}<ref>{{Référence Harvard sans parenthèsessfn|Louis Vaunois|1964|p=33}}</ref>, postes modestes, mais certainement provisoires dans l'attente de la charge de son propre père<ref>{{Référence Harvard sans parenthèsessfn|Georges Forestier|2006|p=28-29}}</ref>. Sa mère est la fille de Pierre Sconin, plus important personnage de la ville, dans le même temps procureur du roi à la maîtrise des eaux et forêts du [[duché de Valois]], président du grenier à sel, et durant quelques années échevin-gouverneur de la ville<ref>{{Référence Harvard sans parenthèsessfn|Georges Forestier|2006|p=29}}</ref>. L'enfant Jean Racine est rapidement placé en nourrice, selon l'usage. Le deuxième enfant du couple, Marie, naitnaît le {{date-|21 janvier 1641}} ; Jeanne Sconin meurt des suites des couches le {{date-|29 janvier}}<ref>{{Référence Harvard sans parenthèsessfn|Alain Viala|1990|p=33}}</ref>{{,}}<ref>{{Référence Harvard sans parenthèsesharvsp|Raymond Picard|1956|p=2}} ; Louis Vaunois 1964, {{p.|51-52}}. Acte d'inhumation conservé aux AD Aisne, 5Mi1209, fol. 95.</ref>. Le père, Jean, se remarie le {{date-|4 novembre 1642}} avec Madeleine Vol<ref>AD Aisne, 5Mi1209, fol. 125. Par coïncidence, Madeleine Vol a dans sa parenté Marie Héricart, épouse d'un autre littérateur, [[Jean de La Fontaine|Jean de la Fontaine]] (Louis Vaunois 1964, {{p.|54}}).</ref>, mais meurt peu de temps après, le {{date-|6 février 1643}}, à vingt-huit ans<ref>AD Aisne, 5Mi1209, fol. 157.</ref>. Jean et Marie Racine se trouvent tôt orphelins. Ils sont dès lors élevés séparément : la seconde est recueillie par les grandgrands-parents Sconin, le premier par les Racine (les maisons des deux familles étant toutefois presque voisines). La précarité de la jeunesse de Racine est moins liée à son origine sociale qu'à son orphelinage, qui arrête soudainement la trajectoire sociale de la famille<ref>. Il est en revanche moins probable, au minimum moins visible, que la disparition précoce de ses parents ait eu des conséquences psychologiques véritables : l'enfant Jean Racine n'a qu'«  à peine entrevusentrevu ({{Référence Harvard sans parenthèsesharvsp|Georges Forestier|2006|p=28}})  » ses parents, n'a guère connu durant cet âge tendre que sa nourrice et n'a jamais vécu chez la famille Racine. En outre, la correspondance du poète à la fin du {{s-|XVII|e}} suggère que Racine ne connaissait pas, à quarante-huit ans, la date de mort de ses parents, et n'a commencé à montrer quelque intérêtsintérêt pour ces derniers que très tardivement ({{Référence Harvard sans parenthèsesharvsp|Georges Forestier|2006|p=30-31}}).</ref>.
 
Jean vit chez son grand-père paternel (lui encore nommé Jean Racine) de 1643 à 1649. Durant cette période, il grandit avec ses quatre tantes et oncles, encore jeunes. Il n'existe aucune source sur cette période de l'enfance, qui est interprétée par [[Alain Viala]]<ref>{{Référence Harvard sans parenthèsessfn|Alain Viala|1990|p=33-35}}</ref> comme une expérience du vide après la perte des parents, et l'apprentissage d'un ordre social strict rappelant à l'enfant la précarité de sa situation nouvelle d'« obligé » permanent, son « peu d'existence »<ref>{{Référence Harvard sans parenthèsessfn|Alain Viala|1990|p=34}}</ref>. Outre sa nourrice Marguerite<ref>RacineIl garde un attachement à sa nourrice Marguerite. Il semble qu'il lui avoirait versé sa vie durant une petite rente chaque mois, ce qu'il mentionne dans une lettre de 1697. Elle figure encore au premier rang des recommandations de son testament de 1685. <ref>Voir à ce sujet Georges Forestier 2006, {{p.|30-31}} et Louis Vaunois 1964, {{p.|50-51}}.</ref>,. Jean est élevé par sa tante Agnès Racine (qui semble lui avoir fourni une éducation religieuse), et sa grand-mère Maris Des Moulins-Racine, qui l'incorpore tout à fait dans l'éducation de ses propres enfants<ref> : Jean n'a que huit ans de différence avec la plus jeune de ses tantes, Anne ({{Référence Harvard sans parenthèsesharvsp|Georges Forestier|2006|p=31}}).</ref>, et que Jean appelle «  ma mère  »<ref>Louis Vaunois 1964, {{p.|70-71}}.</ref>. En {{date-|septembre 1649}}, le grand-père Jean Racine meurt à son tour<ref>Acte d'inhumation du 22 septembre 1649, AD Aisne, 5Mi1209, fol. 202.</ref>. L'enfant devient alors légalement pupille de son autre grand-père, Pierre Sconin, tutelle parfois négligée par l'[[historiographie]]<ref>. Alain Viala néglige tout à fait cet acte, et est en cela férocement critiqué par Georges Forestier ({{Référence Harvard sans parenthèsesharvsp|Georges Forestier|2006|p=35}}), qui pose comme caduque et psychologiste la thèse «  caméléonesque  » de la carrière de Racine à la lumière de cette tutelle, qui semble mettre à l'abri l'enfant de la dépendance entière au monastère de Port-Royal, élément fondamental de l'argumentation de Viala. Voir aussi Louis Vaunois 1964, {{p.|95}}.</ref>. Il semble toutefois bien que ce dernier grand-père, quoiqu'assez distant, joue un rôle important dans l'éducation de l'enfant : Jean n'est jamais un orphelin tout à fait abandonné<ref>{{Référence Harvard sans parenthèsessfn|Georges Forestier|2006|p=35-37}}</ref>.
 
==== L'attrait de Port-Royal ====
Si Racine est un enfant de [[la Ferté-Milon]], il n'a pas conservé d'attachement fort à sa ville natale<ref>{{Référence Harvard sans parenthèsessfn|Georges Forestier|2006|p=37-38}}</ref>, {{quoi|ni celle-ci, pendant longtemps, elle a la mémoire du poète}}<ref>.La commune de la Ferté-Milon ne conserva aucune trace patrimoniale de son illustre enfant avant [[c:File:Statue_racine_jean.jpg|la statue de David d'Angers]] au {{s-|XIX|e}}. (Georges Forestier 2006, {{p.|23}})</ref>. La raison de cette distance tient dans la place qu'occupe [[Port-Royal des Champs|Port-Royal-des-Champs]] dans sa jeunesse. Dans sa propre mémoire<ref>Racine ne se séparera jamais de ses cahiers d'écoliers ni des ouvrages étudiés à Port-Royal, toujours conservés à la BnF (Manuscrits français 12886-12891).</ref> comme dans l'imaginaire collectif, la vie de Racine est fortement liée à l'abbaye, où il reçoit l'essentiel de son éducation et dont l'empreinte culturelle et spirituelle est visible jusqu'à sa mort.
 
Si le passage de Racine aux [[Petites écoles de Port-Royal|Petites écoles]] a souvent passé pour l'effet d'une chance unique qui élève l'enfant bien au-dessus de son milieu social, il trouve une explication simple dans l'histoire familiale. La famille Racine-Des Moulins est socialement très liée à [[Port-Royal des Champs|Port-Royal]]. En 1625, Suzanne Des Moulins, grandegrand-tante maternelle de Jean, se fait religieuse et rejoint le [[Abbaye de Port-Royal de Paris|couvent parisien de Port-Royal]], alors régi par [[Angélique Arnauld (religieuse)|Angélique Arnauld]]<ref>Alain Viala 1990, {{p.|27}} ; Louis Vaunois 1964, {{p.|76-77}}.</ref>. Les Arnauld possèdent des terres à [[Pomponne (Seine-et-Marne)|Pomponne]], près de la Ferté-Milon, et sont à ce titre proches des notables de la région. C'est par ce lien social, non doctrinal, qu'il vient logiquement à l'idée de Suzanne Des Moulins, se destinant à la religion, de s'en remettre à une connaissance, en la personne d'Angélique, pour l'éducation de son petit-neveu. Il se trouve concomitant que cette abbaye suit un vaste mouvement de réforme, influencé en doctrine par le rigorisme de [[Jean Duvergier de Hauranne|Saint-Cyran]]. Ce mouvement alors naissant, auquel on donnera plus tard une unité sous le nom de « [[jansénisme]] », ne peut pas alors être pensé comme hétérodoxe, rebelle, voire hérétique, comme il peut être qualifié plus tard<ref>Georges {{sfn|Forestier |2006, {{|p.|=46-47}}.</ref>. Il s'agit alors en pratique d'appliquer avec rigueur les normes de la vie régulière (en particulier la [[Clôture religieuse|clôture]]), en doctrine (qui ne concerne guère que les théologiens) de chercher un élan vers Dieu (la [[Grâce efficace]]) par l'austérité des fidèles, dans une conception anthropologique pessimiste héritée de [[Augustin d'Hippone|Saint- Augustin]]<ref>Georges {{harvsp|Forestier |2006, {{|p.|=46-49}}. Voir également les pages [[Jansénisme]] et [[Augustinisme]].</ref>. Mais Port-Royal est alors avant tout une institution parmi d'autres<ref>Georges {{sfn|Forestier |2006, {{|p.|=49}}.</ref>, avec pour seule particularité de proposer une éducation plus réputée.
 
Suzanne Des Moulins reste jusqu'à sa mort l'intendante de toute l'abbaye de Paris<ref>Georges {{sfn|Forestier |2006, {{|p.|=49-50}}.</ref>. Par son biais, Port-Royal exerce un attrait sur toute la famille. Dans les années 1620, Anne Passart, belle-sœur de Suzanne, s'y retire également<ref>Louis Vaunois 1964, {{p.|76}}.</ref>. En 1637, Saint-Cyran demande à son successeur, [[Antoine Singlin]], de choisir les trois premiers élèves des [[Petites écoles de Port-Royal|Petites écoles]] : parmi ceux-ci se trouve Nicolas Vitart, cousin de Racine<ref>Louis Vaunois 1964, {{p.|76-77}}.</ref>. En 1646, la tante de ce dernier, Agnès Racine, entre au couvent de Port-Royal, où elle a peut-être aussi reçu plus tôt son éducation<ref>Georges Forestier 2006, {{p.|36}} ; Louis Vaunois 1964, {{p.|61-62, 79}}.</ref>. Agnès entre sans apporter de dot, probablement en raison de l'engagement de sa famille à l'abbaye<ref>Georges {{sfn|Forestier |2006, {{|p.|=51}}.</ref>. Marie Des Moulins, grand-mère de Jean, s'installe encore à Port-Royal-des-Champs, comme aide à l'entretien du monastère, probablement en 1651<ref>. Celui-ci accueillait, par charité, des laïcs souhaitant se retirer du monde séculier, contre une aide matérielle à l'entretien et au ménage du lieu. Marie Des Moulins, qui n'est pas religieuse, bénéficie du logement, de la pitance, d'une place aux prières à l'abbaye contre ses services. Pour Alain Viala, qui souligne l'aspect contingent de l'arrivée de Racine à l'abbaye, il s'agit d'un "échange" et d'un "arrangement" ({{Référence Harvard sans parenthèsesharvsp|Alain Viala|1990|p=35-36}}) rare, voire unique, ce qui lui permet d'appuyer la thèse de l'exceptionnalité du parcours de Racine, pauvre orphelin qui trouve par hasard une place dans la meilleure institution d'éducation de France, qui lui donnera le capital culturel, sa seule richesse, lui permettant de faire fortune des lettres. Cette vision est aujourd'hui critiquée, pour la simple raison que ce type d'échange de services entre un laïc et l'abbaye s'avère très courant, et est même l'une des raisons de l'attrait de Port-Royal à son apogée. Le parcours de Marie Des Moulins, et au-delà de Racine, est en cela beaucoup moins étonnant que la critique l'a parfois souligné, et s'inscrit dans des procédés d'échanges conventionnels (voir {{Référence Harvard sans parenthèsesharvsp|Georges Forestier|2006|p=30-33 et 41}}). L'historiographie a en outre souvent décrit en Marie Des Moulins une femme faible, apeurée, effacée, se réfugiant au monastère après la mort de son mari en 1649 (cette vision est encore celle d'Alain Vial 1990, {{p.|35-36}}). Les biographes les plus récents ont toutefois relevé que cette vision, qui se fonde sur un billet rédigé par Angélique Arnaud demandant à [[Antoine Le Maistre|Antoine le Maistre]] de traiter avec douceur la vieille femmedame pour ne pas l'effrayer davantage, est fausse et généralise au personnage un trait conjoncturel (ce billet concerne l'arrivée à l'abbaye de Marie, probablement très intimidée par la stature de Le Maistre). Il n'y a aucune autre occurrence d'une quelconque faiblesse du service de Marie Des Moulins durant les onze années qu'elle passe à l'abbaye, et celle-ci a probablement un rôle fondamental et durable dans l'entrée et les études de son petit-fils à Port-Royal. En outre, il semble que Marie ne soit arrivée qu'à la fin de l'année 1651 (plusieurs années après la mort de son mari), et ne soit pas accueillie par charité (elle paie, comme les autres laïques, une pension).</ref>. Ces éléments permettent de mettre en cause une vision misérabiliste de l'arrivée de Racine à Port-Royal : la famille n'est pas réduite à la dernière nécessité, et ne cherche pas à Port-Royal la seule charité<ref>Georges Forestier 2006, {{p.|55}}. Il est difficile de suivre Alain Viala, pour qui Racine entre à Port-Royal par un heureux concours de circonstance quand "{{citation|sa famille éclate"}} (1990, {{p.|35}}), et par la charité de l'abbaye, qui donne au jeune homme la conscience d'être "{{citation|en trop"}}, et le besoin de s'adapter aux normes pour prouver sa valeur et légitimer sa seule existence.</ref>. En tout état de cause, avant l'entrée de Racine aux PetitePetites écoles, sa famille est pénétrée de l'influence pieuse de Port-Royal, et il semble logique pour elle de s'en remettre pour l'éducation de Jean à une abbaye si proche, en même temps que si réputée.
 
Un élément conjoncturel rapproche encore la ville de la Ferté-Milon de Port-Royal après 1638. La tension entre Saint-Cyran et le [[Armand Jean du Plessis de Richelieu|cardinal de Richelieu]], inquiet de l'attrait que suscite le premier, est d'abord d'ordre politique, et aboutit en {{date-|mai 1638}} à l'emprisonnement du théologien. Parce que Saint-Cyran est lié à Port-Royal et que la famille Arnauld s'intéresse à ses projets réformateurs, l'abbaye est tôt associée comme la pensée [[Augustinisme|augustinisteaugustinienne]], et est mise sous surveillance en 1638. Pour s'éloigner de ces tensions, les [[Solitaires (Port-Royal)|Solitaires]] partent de Paris. Trois d'entre eux, [[Antoine Le Maistre|Antoine le Maistre]], [[Louis-Isaac Lemaistre de Sacy|Isaac Le Maistre de Sacy]] et [[Claude Lancelot]], arrivent à La Ferté-Milon, hébergés par la famille Vitart, cousins des Racine<ref>Louis Vaunois 1964, {{p.|77-78}}.</ref>. Tous trois sont liés à la famille Arnauld, qui se trouve ainsi dans une relation de clientèle avec les Vitart. À la réouverture des Petites écoles à la fin de l'année 1639, les Vitart s'installent aussi à Paris, protégés par la famille Arnauld et le couvent. Les trois Solitaires laissent une empreinte et une influence durable à la Ferté-Milon, dont les notables nourrissent un attrait durable pour Port-Royal<ref>Louis Vaunois 1964, {{p.|78}}.</ref>.
 
==== L'élève des [[Petites écoles de Port-Royal|Petites écoles]] (1646-1655) ====
La date d'entrée de Racine aux [[Petites écoles de Port-Royal]] est incertaine. Les biographes sont partagés entre deux hypothèses : ou bien l'enfant a commencé son enseignement vers 1646, à six ou sept ans, au moment où sa tante Agnès fait à Port-Royal son [[noviciat]] ; ou bien il est arrivé à l'abbaye après la mort de son grand-père, en 1650 ou 1651. La seconde a longtemps eu les faveurs de l'[[historiographie]]<ref>Alain Viala place encore l'arrivée de Racine en 1649 (Alain Viala 1990, {{p.|39}}).</ref>, mais il est aujourd'hui plus assuré que Racine commence à fréquenter Port-Royal à un âge tendre<ref>Cette hypothèse est défendue avec force par {{Référence Harvard sans parenthèsesharvsp|Georges Forestier|2006|p=51-54}}, qui se fonde sur trois arguments. D'abord la proximité de Racine et d'Antoine leLe Maistre (et l'adoption spirituelle du premier par le second) exprime une relation de longue durée et entamée précocement (cet argument est aussi celui de Louis Vaunois 1964, {{p.|97-98}}). D'autre part, la proximité de Pierre Sconin, le tuteur de l'enfant après 1649, avec d'autres monastères l'aurait certainement poussé à envoyer Jean ailleurs qu'à Port-Royal si l'enfant n'y était pas déjà élève en 1649 ou 1650. Enfin la formule "{{citation|élevé à Port-Royal"}} que l'on trouve dans de nombreux textes du {{s-|XVII|e}} concernant Racine, est alors usuellement réservée à une éducation très précoce.</ref>. Il reste probablement un ou deux ans à Port-Royal-des-Champs avant de rejoindre les Petites écoles, installées à Paris depuis 1646<ref>Georges {{sfn|Forestier |2006, {{|p.|=60}}.</ref>. Si la tradition misérabiliste a souvent affirmé que Racine bénéficie gratuitement de l'enseignement de l'abbaye<ref>Alain Viala souligne par exemple que "{{citation|Racine y fut admis à titre gracieux"}} (1990, {{p.|36-37}}).</ref>, le fait que la famille ait ou non payé une pension reste en fait inconnu<ref>Georges {{sfn|Forestier |2006, {{|p.|=39}}.</ref>. Aux Champs, il reçoit l'enseignement des [[Solitaires (Port-Royal)|Solitaires]], et, parmi ceux-ci, est pris en affection par [[Antoine Le Maistre|Antoine le Maistre]]<ref>Georges Forestier 2006, {{p.|58}} ; Alain Viala 1990, {{p.|40}}.</ref>.
[[Fichier:Cloitre de Port-Royal Paris, Cochin.JPG|vignette|L'[[Abbaye de Port-Royal de Paris|abbaye Port-Royal de Paris]], où sont situées les [[Petites écoles de Port-Royal|Petites écoles]] quand Racine y entre.]]
L'enseignement des Petites écoles est alors radicalement différent de celui des [[Collège (Moyen Âge)|collèges]] réguliers, et marque profondément Racine. Astreints à un régime quotidien sévère, les élèves sont réunis par groupes de six sous l'égide d'un maître (au nombre de quatre en 1646) qui ne quitte jamais, ni le jour ni la nuit, ses pensionnaires<ref>Georges Forestier 2006, {{p.|61-63}} ; Alain Viala 1990, {{p.|37}}.</ref>. Le maître a pour vocation la surveillance et l'éducation du groupe, mais aussi sa conduite spirituelle et une bienveillance paternelle (les châtiments corporels, au centre du système éducatif jésuite, sont extrêmement rares à Port-Royal). Il exerce ainsi une forte et durable influence sur les jeunes gens<ref>Georges {{sfn|Forestier |2006, {{|p.|=62, 78}}.</ref>. [[Pierre Nicole]] a peut-être été le maître de Racine, quoiqu'il n'y ait, par manque de sources, aucune assurance sur ce point<ref>Georges Forestier 2006, {{p.|62}}. Louis Racine affirme positivement que Nicole est le maître de son père à Port-Royal, mais l'affirmation n'est pas autrement vérifiée.</ref>. Il bénéficie des enseignements de Nicole, [[Claude Lancelot]], [[Antoine Le Maistre]], [[Jean Hamon (médecin)|Jean Hamon]]<ref>Alain Viala 1990, {{p.|38}}.</ref>.
 
La pédagogie de Port-Royal rompt également en contenu avec celle des collèges, innovant en particulier dans deux domaines : l'enseignement des langues et le rapport aux textes anciens. Le français est, en premier lieu, la langue unique d'éducation. Les élèves apprennent à lire, écrire, composer, formuler leurs pensées directement en français plutôt que par la médiation du latin ; l'enseignement du [[latin]] même se fait en et à partir du français<ref>[[Claude Lancelot]] publie en 1644 une ''Nouvelle méthode latine'' profitant de ces nouvelles méthodes. {{Référence Harvard sans parenthèsesharvsp|Georges Forestier|2006|p=65}}</ref>. Il est possible que ce rapport révolutionnaire à la langue, en particulier à la langue française, soit l'un des fondements de la modernité de la langue racinienne, immédiatement pensée et versifiée dans la syntaxe française, par opposition à la langue « latinisante » de [[Pierre Corneille|Corneille]]<ref>Gilles Declercq. « La formation rhétorique de Jean Racine », ''Jean Racine, 1699-1999. Actes du colloque Île-de-France, La Ferté Milon, 25-{{date-|30 mai 1999}}. ''Presses Universitaires de France, 2004, pp{{p. |257-29}} ; Alain Viala 1990, {{p.|38}}.</ref>. Une autre particularité de l'enseignement linguistique de Port-Royal est l'apprentissage du [[Grec ancien|grec]], alors extrêmement rare<ref>L'enseignement du grec suit les mêmes méthodes que celui du latin ; Claude Lancelot adaptant même son ouvrage didactique au grec sous le titre ''Nouvelle méthode pour apprendre facilement la langue grecque'' (1955). {{Référence Harvard sans parenthèsesharvsp|Georges Forestier|2006|p=65-66}}</ref>. Racine est ainsi l'un des seuls élèves de son temps à connaître avec érudition le grec, capacité épistémique qu'il mettra à profit comme dramaturge, privilégiant les sujets et les historiens grecs, jusqu'alors méconnus du théâtre français. Il profite également d'enseignements en [[Langue vernaculaire|langues vernaculaires]], maîtrisant l'[[italien]] et l'[[espagnol]]<ref>. Lancelot publie également des méthodes pour ces deux langues en 1660. {{Référence Harvard sans parenthèsesharvsp|Georges Forestier|2006|p=66}}.</ref>. À la faveur de son éducation, Racine possède le savoir, alors singulier et remarquable, de cinq langues : Port-Royal offre au garçon un capital intellectuel unique.
 
Le rapport au texte ancien n'est pas non plus sans influence sur l'élève. Quand les ouvrages antiques servent dans l'enseignement jésuite à développer à partir d'eux des leçons morales par amplifications ou à collectionner des [[Topos (littérature)|topoï]] rhétoriques, ils sont à Port-Royal le support d'une explication visant à dérouler la pensée de l'auteur et la structure logique. Les élèves doivent chercher à comprendre plutôt qu'à simplement copier, à former leur jugement plutôt que leur seul style<ref>Georges Forestier 2006, {{p.|67}} ; Alain Viala 1990, {{p.|38}}.</ref>. En cela, non seulement Racine lit les auteurs grecs dans le texte quand ses contemporains se contentent de traductions, mais il cherche encore à en saisir les substructions logiques, quand d'autres dramaturges ne les abordent que par mimétisme stylistique. La primauté donnée au français permet aux élèves de réunir dans une seule langue les outils cognitifs autrement partagés entre plusieurs chez les [[Compagnie de Jésus|Jésuites]]<ref>{{Référence Harvard sans parenthèsessfn|Georges Forestier|2006|p=69}}</ref>.
 
L'éducation de l'abbaye vise encore à donner à l'élève une forme de politesse. Le but ultime de l'éducation des écoles est d'amener l'élève à la « civilité chrétienne », ''ethos'' de l'amour d'autrui, opposée à la civilité mondaine qui vise la séduction des autres pour le seul amour de soi<ref>Georges {{sfn|Forestier |2006, {{|p.|=63}}</ref>. Cette civilité est atteinte à la fois par un savoir hors-norme, acquis par une austère étude, et l'humilité de l'élève. Certains biographes ont mis en lumière le rôle de cet ''ethos'' port-royalien dans la réussite sociale de Racine, qui sait, au long de sa vie, plaire, séduire par sa circonspection et se fondre dans les milieux mondains<ref>{{Référence Harvard sans parenthèsessfn|Georges Forestier|2006|p=70-71}}</ref>. Racine, toutefois, ne suit qu'en partie cet idéal de civilité chrétienne ; quand les lettres sont pour les maîtres de l'abbaye un moyen d'arriver à une vertu chrétienne et jamais une fin<ref>. Ils sont en particulier opposés à la lecture du théâtre, de la poésie, des ouvrages de fiction, en ce que ceux-ci visent le plaisir plutôt que l'utilité. Ces lectures sont toutefois nécessaires pour l'apprentissage de la langue et de la civilité, plaçant certains maîtres dans une contradiction âprement débattus à l'abbaye. {{Référence Harvard sans parenthèsesharvsp|Georges Forestier|2006|p=69-72}}</ref>, elles semblent avoir été lues et retenues avec plaisir par le futur poète, en cela «  heureuse victime  »<ref>{{Référence Harvard sans parenthèsesharvsp|Georges Forestier|2006|p=72}} ; l'idée est aussi émise par Alain Viala 1990, {{p.|40}}.</ref> des contradictions de la formation.
 
Racine vit à Port-Royal-de-Paris durant [[Fronde (histoire)|la Fronde]]. Les troubles touchent particulièrement la communauté : l'abbaye des Champs est abandonnée entre {{date-|avril 1652}} et {{date-|mars 1653}}, les religieuses rejoignant celle de Paris, les [[Solitaires (Port-Royal)|Solitaires]] le [[château de Vaumurier]]. Les affrontements entre loyalistes (dont font partie les gens de Port-Royal) et frondeurs agitent le quartier, les élèves y prenant part. Durant l'un d'entre eux, Jean est blessé au front par la pierre d'une [[Fronde (arme)|fronde]], blessure dont il gardera cicatrice sa vie durant. Il est alors présenté comme modèle de bravoure loyaliste par le supérieur des Petites écoles<ref>{{Référence Harvard sans parenthèsessfn|Georges Forestier|2006|p=73-75}}</ref>.
 
À la rentrée 1653, le garçon est envoyé au collège Pastour de [[Beauvais]]<ref>Alain Viala 1990, {{p.|39}}.</ref>. Ce départ est d'abord circonstanciel : l'établissement parisien de Port-Royal ferme cette même année, et les Petites écoles rejoignent le monastère des Champs. Les élèves sont alors répartis, durant l'été, dans plusieurs propriétés des alentours de l'abbaye : seul Jean est envoyé dans une autre institution. Ce transfert singulier semble être lié à Pierre Sconin, grand-père et tuteur de l'enfant, sur lequel le choix de l'établissement repose ''in fine''. Son fils Antoine Sconin, durant une décennie prieur claustral à l'abbaye de Saint-Quentin de Beauvais, lui a vraisemblablement suggéré le choix du collège de Beauvais<ref>{{Référence Harvard sans parenthèsessfn|Georges Forestier|2006|p=76-78}}</ref>. Jean fait là sa classe d'humanités (seconde) et de rhétorique (première). Ce séjour n'a laissé que peu de traces archivistiques, mais est sans doute mal vécu par l'enfant de Port-Royal qu'est Jean, le système pédagogique des collèges étant autrementbien moins protecteur que celui des Petites écoles<ref>{{Référence Harvard sans parenthèsessfn|Georges Forestier|2006|p=79}}</ref>.
 
==== À Port-Royal-des-Champs et au [[collège d'Harcourt]] (1655-1659) ====
[[Fichier:MCC-20813 Gezicht op het klooster Port-Royal-des-Champs (1).jpg|vignette|L'abbaye de Port-Royal-des-Champs dans le troisième quart du {{s-|XVII|e}}]]
Le {{date-|1 octobre 1655}}, Racine quitte Beauvais pour réintégrer les Petites écoles, désormais situées à [[Port-Royal des Champs|Port-Royal-des-Champs]]<ref>Alain Viala 1990, {{p.|39-40}}.</ref>. Les raisons de ce nouveau déplacement ne sont pas claires : selon toute vraisemblance, l'écolier aurait dû finir ses classes à Beauvais. La présence de Nicolas Vitart, cousin de Jean et proche de la famille Sconin, au [[château de Vaumurier]] auprès des [[Solitaires (Port-Royal)|Solitaires]], et, au monastère, d'[[Antoine Le Maistre|Antoine le Maistre]], que Pierre Sconin avait fréquenté lors de l'exil de l'avocat à la Ferté-Milon en 1638 et 1639, ont probablement poussé le grand-père et tuteur de l'enfant à accepter ce retour à Port-Royal<ref>{{Référence Harvard sans parenthèsessfn|Georges Forestier|2006|p=80-82}}</ref>. Jean reste deux ans aux Champs, avant d'être envoyé, pour sa dernière année (classe de philosophie) au [[collège d'Harcourt]] à Paris, dont le directeur était proche des jansénistes, pour accomplir ses deux classes de philosophie (logique et morale la première année, physique et métaphysique la seconde). La durée anormale de son séjour aux Champs (deux années complètes pour la seule classe de rhétorique supérieure) trouve explication dans des circonstances exceptionnelles affectant le monastère durant l'année 1656. Celle-ci correspond à l'acmé des tensions entre Port-Royal et la [[Sorbonne]] ; par la publication des différentes ''Lettres'' d'[[Antoine Arnauld (1612-1694)|Antoine Arnauld]], par celle des ''[[Les Provinciales|Provinciales]]'' de [[Blaise Pascal|Pascal]] entre {{date-|janvier 1656}} et {{date-|mars 1657}}, enfin par l'exclusion d'Arnaud de la Sorbonne. Antoine leLe Maistre, qui dirige les études de Jean, se cache à Paris à partir de {{date-|janvier 1656}}. Les élèves, les maîtres, les Solitaires sont dispersés en mars de la même année. Pour ces raisons, Racine voit retarder d'un an sa classe de rhétorique supérieure.
 
De fait, arrivant aux Champs en 1655, à seize ans, Jean se trouve au cœur des vifs [[Jansénisme#Les polémiques entre jansénistes et molinistes|affrontements entre jansénistes et molinistes]], jusqu'alors discrets ou ne concernant que les seuls théologiens<ref>{{Référence Harvard sans parenthèsessfn|Georges Forestier|2006|p=82-88}}</ref>. L'enseignement théologique s'intensifie, ce que montrent les annotations que l'élève laisse endans les margemarges de son édition des ''[[Vies parallèles des hommes illustres|Vies parallèles]]'' de [[Plutarque]]<ref>Jean Racine commente les passagepassages de Plutarque en termes de "« Grâce" », "Grâce suffisante", etc. Cette édition est conservée à la [[Bibliothèque nationale de France]] (BnF ; cote RES-J-88). {{Référence Harvard sans parenthèsesharvsp|Georges Forestier|2006|p=84}}.</ref>. Il réside aux Champs quand y sont rédigées et préparées par Pascal et Arnauld les ''[[Les Provinciales|Lettres écrites à un provincial]]'', publiées par l'aide de son cousin Nicolas Vitart<ref>{{Référence Harvard sans parenthèsessfn|Georges Forestier|2006|p=89}}.</ref>. Le frère de ce dernier, Antoine, avec lequel Jean entame une longue correspondance versifiée<ref>{{Référence Harvard sans parenthèsessfn|Georges Forestier|2006|p=90-91}}</ref>, offre un exemplaire des ''Provinciales'' au jeune élève. Jean semble avoir été très marqué par l'ouvrage, dont il mimera le style dans plusieurs de ses écrits de jeunesse<ref>Il rédigera dans le style des ''Provinciales'' ses premières lettres, les écrits dits de "{{citation|la querelle des Imaginaires"}} en 1666 et 1667, ainsi que les préfaces polémiques de certaines de ses tragédies. {{Référence Harvard sans parenthèsesharvsp|Georges Forestier|2006|p=90}}</ref>. À la suite de la publication des ''Provinciales'', la controverse théologique devient un conflit politique. Le [[Pierre Séguier|chancelier Séguier]] obtient de [[Jules Mazarin|Mazarin]] la dispersion des écoliers et des Solitaires de Port-Royal-des-Champs. Cette fermeture est achevée le {{date-|30 mars 1656}}. Jean Racine, en tant qu'élève avancé<ref>La présence d'un garçon si âgé aux écoles risquait d'être perçu comme une tentative de faire concurrence aux collèges de l'Université.</ref>, est caché par ses maîtres et logé dans les appartements de l'intendant du [[duc de Luynes]] au [[château de Vaumurier]]<ref>{{Référence Harvard sans parenthèsesharvsp|Georges Forestier|2006|p=91-93}}. Il a parfois été avancé que la scène de l'arrestation de Junie dans ''[[Britannicus (Racine)|Britannicus]]'' (acte II, scène II) est inspiré par cette fermeture de mars 1656, ce que certains biographes, dont Forestier ({{p.|94}}), refusent toutefois.</ref>. À l'occasion de ce déménagement forcé, Antoine leLe Maistre, caché à Paris, lui envoie un billet demeuré célèbre<ref>Il s'agit de l'un des seuls documents conservés nous renseignant sur la proximité de la longue relation de Racine et Antoine leLe Maistre. BnF, manuscrits français 12886, fol.273 ; Raymond Picard 1956, {{p.|2}} ; Georges Forestier 2006, {{p.|93}} ; Louis Vaunois 1964, {{p.|158-159}}. [https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b9060956f/f408.item Le billet original est numérisé et visible sur Gallica.]</ref> :{{Boîte déroulante|titre=Lettre d'Antoine leLe Maistre à Jean Racine, 21 mars 1656 (BnF (Mss.), Français 12886, fol. 273)|contenu=« Pour le petit Racine à Port-Royal ; ce 21 de mars. Mon fils, je vous prie de m'envoyer au plus tôt l'Apologie des saints Pères, qui est à moi, et qui est de la première impression. Elle est reliée en veau marbré in-4°. J'ai reçu les cinq volumes de mes Conciles que vous aviez fort bien empaquetés. Je vous en remercie. Mandez-moi si tous mes livres sont au château, bien arrangés sur des tablettes, et si tous mes onze volumes de saint Chrysostome y sont, et voyez-les de temps en temps pour les nettoyer. il faudrait mettre de l'eau dans des écuelles de terre, où ils sont, afin que les souris ne les rongent pas. Faites mes recommandations à Mme Racine et à votre bonne tante, et suivez leurs conseils en tout. La jeunesse doit toujours se laisser conduire, et tâcher de ne point s'émanciper. Peut-être que Dieu nous fera revenir où vous êtes. Cependant il faut tâcher de profiter de cette persécution, et de faire qu'elle nous serve à nous détacher du monde, qui nous paraît si ennemi de la piété. Bonjour, mon cher fils. Aimez toujours votre papa comme il vous aime. Écrivez-moi de temps en temps. Envoyez-moi aussi mon Tacite in-folio. »|alignB=center|largeur=70105%}}
 
[[Fichier:Antoine le Maître (Jacques Lubin).jpg|vignette|[[Antoine Le Maistre|Antoine le Maistre]], maître de Racine à Port-Royal.]]
 
La lettre montre la proximité des liens entre leLe Maistre et Racine. Elle a fait déduire, par les biographes, que l'élève avait durant son éducation été spirituellement « adopté » par leLe Maistre<ref>Il s'agit aux Petites écoles d'un procédé courant liant le maître à l'élève, mais qui semble dans ce cas autrementbien plus profond qu'à l'usage. Voir sur cette relation Louis Vaunois 1964, {{p.|97-100}}.</ref>, que Racine appelle «  papa  ». Au moment du départ de leLe Maistre à Paris au {{date-|1 février 1656}}, leur relation est encore assez profonde pour que l'avocat nomme «  son fils  » conservateur de sa bibliothèque transférée au château de Vaumurier et lui demande l'envoi d'ouvrages utiles. Racine sert ainsi de relai pour les jansénistes cachés à Paris, préparant leur défense contre les attaques jésuites<ref>{{Référence Harvard sans parenthèsesharvsp|Georges Forestier|2006|p=93}}, Alain Viala 1990, {{p.|43}}.</ref>. Selon [[Georges Forestier (professeur de littérature)|Georges Forestier]], les conseils moraux donnés à l'élève dans ce billet trahissent peut-être la crainte de leLe Maistre, par la suite justifiée, que le «  petit Racine  » soit, à dix-sept ans, tenté par les plaisirs du monde plutôt qu'adonné à la seule piété<ref>Georges {{sfn|Forestier |2006, {{|p.|=93-94}}.</ref>.
 
Après la guérison miraculeuse de [[Marguerite Périer]], la nièce de Pascal, les Solitaires sont autorisés à regagner les Champs au milieu de l'année 1656. Antoine le Maistre y revient également en août. Les Petites écoles, toutefois, restent définitivement fermées. Racine a dès lors un statut très particulier aux Champs : l'un des deux seuls élèves demeurant (le second étant [[Louis-Sébastien Le Nain de Tillemont|Le Nain de Tillemont]]), il profite d'un régime de plus grande liberté, de la proximité et de la confiance des Messieurs. Il se lie, durant ces années, au jeune [[Charles-Honoré d'Albert de Luynes|marquis d'Albert]], éduqué au château de Vaumurier par Claude Lancelot, son précepteur.
 
Ces périodes troublées sont pour Jean un temps d'études très fécond. Des années 1655 et 1656 sont en effet conservées plusieurs livres annotés de sa plume, et de nombreux cahiers d'extraits<ref>Sont conservés à la [[Bibliothèque nationale de France|BnF]] les ''Vies Parallèles'' (RES-J-88) et les ''Moralia'' (RES-J-105  ; [https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k9905377 l'exemplaire est numérisé et disponible en ligne sur Gallica]) de Plutarque, les ''Œuvres complètes'' de SénèquesSénèque (RES-R-2003), un Virgile, un Quintilien, un Pline. De nombreux autres volumes appartenant à Racine (ultérieurs à cette période) sont également conservés à la BnF. Les cahiers sont réunis en six volumes manuscrits dans la même institution ([http://archivesetmanuscrits.bnf.fr/ark:/12148/cc439076 Français 12886-12891, "Papiers de Jean Racine"]).</ref>. L'élève lit totalement ces ouvrages (pratique spécifique à Port-Royal, les collèges privilégiant la lecture d'extrait), et les annote très précisément. Les cahiers consistent en des recueils d'extraits, de citations, relevés soigneusement par Racine lui-même comme maximes<ref>Georges Forestier 2006, {{p.|99}} ; Alain Viala 1990, {{p.|40}}.</ref>. Se plongeant intensivement dans les auteurs grecs (probablement sous l'influence de Claude Lancelot, qui s'occupe du garçon en l'absence d'Antoine le Maistre, et qui est dans le même temps rédige et publie coup sur coup la ''Nouvelle méthode de langue grecque'' en 1655 et le ''Jardin des racines grecques'' en 1657), il lit Homère<ref>Un exemplaire de l'''[[Iliade]]'', annoté par Racine, est conservé à la BnF (RES-YB-522).</ref>, Sophocle<ref>Une édition des pièces de Sophocle annotée par Racine est conservée à la BnF (RES-YB-782).</ref>, Euripide<ref>Deux volumes des pièces d'Euripide annotés par Racine sont conservés à la BnF (RES-YB-805 et RES-YB-806).</ref>. D'après plusieurs biographes, Racine, charmé par ces lectures, se retire les jours durant dans les bois entourant l'étang de Port-Royal, et apprend par cœur ces ouvrages<ref>L'anecdote est d'abord rapportée par Du Pin, qui d'après Georges Forestier la tient de Racine lui-même (Georges Forestier, 2006, {{p.|104}}), dans l'entrée "Racine" du ''Grand Dictionnaire historique''. Elle est confirmée par Valincou (Abbé d'Olivet, ''Histoire de l'Académie française'' (ed. 1743), {{p.|348}}). Voir aussi Alain Viala 1990, {{p.|42}}.</ref>. Une autre anecdote sur sa lecture des ''[[Éthiopiques (Héliodore)|Éthiopiques]]'' d'[[Héliodore d'Émèse|Héliodore]], probablement fondée<ref>Georges Forestier la juge vraisemblable (Georges Forestier 2006, {{p.|104}}). Elle est également reprise par Alain Viala, quoique celui-ci pense que le maître est alors Jean Hamon (Alain Viala 1990, {{p.|42}})</ref>, est relatée par [[Jean-Baptiste-Henri de Valincour|Valincour]] : « Il trouva moyen d'avoir le Roman de ''[[Les Éthiopiques (Héliodore)|Théagène et Chariclée]]'' en grec : le Sacristain [Claude Lancelot] lui prit ce livre, et le jeta au feu. Huit jours après, Racine en eut un autre, qui éprouva le même traitement. Il en acheta un troisième, et l'apprit par cœur, après quoi il l'offrit au Sacristain, pour le brûler comme les deux autres »<ref>Abbé d'Olivet, ''Histoire de l'Académie française'', 1743, {{p.|380}}.</ref>. Le trait montre encore que le jeune Racine ne suit pas la perspective morale de ses maîtres. Loin de ne lire les œuvres de fictions que pour en souligner la vanité et s'en détacher, il semble prendre un plaisir réel à leurs lectures, sans hésiter à braver les interdits. Il a également été remarqué que la versification des tragédies raciniennes s'inspire de celle des ouvrages lus en 1655 et 1656, au point que certains des vers des premières évoquent des extraits des seconds, en particulier de l'''[[Institution oratoire]]'' de [[Quintilien]]<ref>Gilles Declercq remarque que des passages d'''[[Andromaque (Racine)|Andromaque]]'' ou de ''[[Phèdre (Racine)|Phèdre]]'' reprend des structures logiques expliquées dans Quintilien. Gilles Declercq. «  La formation rhétorique de Jean Racine  », ''Jean Racine, 1699-1999. Actes du colloque Île-de-France, La Ferté Milon, 25-30 mai 1999. ''Presses Universitaires de France, 2004, {{p.|257-290}} ; «  À l’école de Quintilien  : l’hypotypose dans les tragédies de Racine  », ''op. cit.'', Publications de l’Université de Pau, {{date-|5  novembre 1995}}, {{p.|73-88}}.</ref>. L'inclination du garçon pour la versification s'exprime encore par l'écriture de six [[ode]]s sur l'abbaye, parfois appelées les ''Promenades de Port-Royal<ref>Alain Viala 1990, {{p.|42}}.</ref> '', et d'une élégie latine, quoique l'exercice soit vraisemblablement imposé, et très inspiré par ses récentes lectures de Virgile et d'Horace<ref>Georges Forestier, 2006, {{p.|106-107}} ; Alain Viala 1990, {{p.|42-43}}.</ref>. Il rend encore une traduction de plusieurs hymnes du ''Bréviaire romain'', qui sera plus tard reprise dans l'édition du ''Bréviaire'' par [[Nicolas Letourneux]] en 1687<ref>Georges Forestier, 2006, {{p.|109-110}}.</ref>.
 
Ces lectures et ces notes ne sont pas désintéressées et trahissent un souci professionnel : Jean montre une préoccupation indéniable pour la pratique judiciaire, et semble vouloir, ou être poussé à, devenir avocat<ref>Gilles Declercq 2004, {{p.|277}} ; Georges Forestier, 2006, {{p.|100-101}} ; Alain Viala 1990, {{p.|44}}.</ref>. Antoine Le Maistre, en particulier, semble destiner le jeune homme à une carrière judiciaire<ref>[[Jean-Baptiste Racine]] dans une annotation (éditée dans ''Œuvres de Jean Racine'', éd. Mesnard, {{t.|VI}}, {{p.|380}}) de la lettre de le Maistre à son père, affirme savoir, par "{{citation|ouï dire à [s]on père"}}, qu'Antoine leLe Maistre "{{citation|mourait d'envie de le mettre dans sa profession et d'en faire un avocat"}}.</ref>. Probablement pour permettre cette orientation, Racine est envoyé, pour sa classe de philosophie, en collège régulier ; à la fin de l'été 1657, il quitte Port-Royal pour rejoindre le [[collège d'Harcourt]] à Paris. Plusieurs des Messieurs de Port-Royal sont issus de ce collège, qui a encore pour proviseur un proche de l'abbaye, Thomas Fortin. À Paris, Jean loge d'abord chez Claude Des Moulins-Vitart, sœur de sa grand-mère Marie Des Moulins. À une date inconnue, vraisemblablement en 1658, il est accueilli par son cousin Nicolas Vitart dans ses appartements à l'hôtel de Luynes, à l'angle du [[quai des Grands-Augustins]] et de la rue [[Rue Gît-le-Cœur|Gît-le-Cœur]], où Nicolas est intendant. Jean jouit d'une liberté nouvelle, et fait expérience des spectacles urbains qui accompagnent les actions du jeune et nouveau roi, [[{{souverain2|Louis XIV]]}}. Au début de l'année 1658, Racine envoie une lettre à [[Robert Arnauld d'Andilly|Arnauld d'Andilly]], narrant et moquant un catéchisme jésuite anti-janséniste à Saint-Louis. La lettre, écrite dans le style des ''[[Les Provinciales|Provinciales]]'', a parfois été considérée comme la première tentative littéraire de Racine<ref>Alain Viala 1990, {{p.|47-48}}.</ref>, ou son accession à la « majorité intellectuelle »<ref>Raymond Picard, 1961</ref>, mais il s'agit bien plutôt d'un billet circonstanciel visant à plaire aux anciens maîtres du collégien<ref>Georges Forestier, 2006, {{p.|112-114}}.</ref>. S'il a parfois été déduit que Jean n'a que peu de goût pour ces études de philosophie<ref>Georges Forestier, 2006, {{p.|114-115}}.</ref>, les préoccupations du jeune homme durant les deux années qu'il passe à Paris sont largement inconnues, faute de sources. La correspondance de ces années est perdue. Le passage de Racine du monde austère de Port-Royal à la vie mondaine parisienne, est aussi largement mystérieux<ref>Georges Forestier, 2006, {{p.|116}}.</ref>.
 
=== La carrière des lettres (1659-1666) ===
Jean Racine apparaît dès son jeune âge comme un jeune homme cherchant à faire carrière dans les lettres, contredisant en cela une tradition humaniste réservant à l'écriture la gratuité et le désintérêt de l'''[[otium]]''<ref>La carrière de Racine a souvent été perçu par la critique comme un tournant de l'histoire sociale des écrivains. Dès ses débuts, le dramaturge trouve en la littérature un champ dans lequel exercer une ambition sociale et économique. L'écriture devient dès lors un moyen de faire carrière, de trouver une ascension sociale, parfois la fortune. Cette vision sociale de Racine est exprimée avec le plus de force par l'approche socio-historique, bourdieusienne, d'[[Alain Viala]] ({{Référence Harvard sans parenthèsesharvsp|Alain Viala|1990|p=}}).</ref>.
 
==== Premières ambitions littéraires ====
[[Fichier:Hostel duc de Luynes Zeiller 13755.jpg|vignette|L'hôtel de Luynes, [[quai des Grands-Augustins]], où habite Racine à partir de 1658 ou 1659.]]
À sa sortie du collège d'Harcourt en 1659, le futur de Jean Racine est incertain. Le jeune homme, qui perd en {{date-|novembre 1658}} son protecteur [[Antoine leLe Maistre]], ne semble pas vouloir poursuivre les études de droit que celui-ci lui destinait, ni retourner à la Ferté-Milon<ref>Georges Forestier 2006, {{p.|119}} ; Alain Viala 1990, {{p.|45}}.</ref>. Les deux carrières auraitauraient supposé de s'éloigner de Paris<ref>Seules les universités de Poitiers et d'Orléans sont alors autorisées à enseigner le droit public.</ref>, et Jean paraît avoir pour seul projet de s'établir dans la capitale<ref>Alain Viala 1990, {{p.|44-46}}</ref>. Recueilli là par son cousin Nicolas Vitart, il devient son [[commis]] à l'hôtel de Luynes, emploi usuel des jeunes bourgeois arrivant en ville<ref>Alain Viala 1990, {{p.|47}}.</ref>. La maison des Vitart étant modeste, le temps du jeune homme doit être relativement libre<ref>Georges Forestier 2006, {{p.|121}}. </ref>. S'il aide le duc de Luynes à s'installer dans un [[hôtel particulier]] de la [[rue du Bac]] en 1661, il admet être désœuvré et commence alors à écrire des vers<ref>Il écrit à son ami et correspondant François le Vasseur : "je lis des vers, et je tâche d'en faire". Lettre de Racine à Le Vasseur, {{date-|26 janvier 1661}}, Pléiade, II, {{p.|386-388}}.</ref>.
 
Libre, Racine entre également dans la vie mondaine. Il fréquente à partir de 1659 le petit salon que réunit le couple Vitart, mimant modestement ceux de l'[[hôtel de Rambouillet]] et de [[Madeleine de Scudéry]]. Il apprend là les normes de la conversation galante, dans laquelle il acquiert vite une belle réputation<ref>Georges Forestier 2006, {{p.|127}} ; Alain Viala 1990, {{p.|51-53}}.</ref>. Il compose pour ces réunions mondaines de nombreuses chansons, madrigaux, épigrammes, selon la mode de l'époque influencée par la poésie de [[Vincent Voiture]]. Ces vers servent moins à faire œuvre de poète que de se fondre dans les codes de la sociabilité des salons et à passer pour un esprit fin<ref>Georges Forestier 2006, {{p.sfn|Forestier|2006|p=128-129}}.</ref>. Ils suscitent vite l'admiration de son cousin Nicolas Vitart, de l'abbé Le Vasseur, enfin de tout le cercle Vitart. Aidé de cet appui, Racine doit se sentir légitime à s'essayer plus sérieusement à la poésie et à se frayer une place dans les lettres parisiennes.
[[Fichier:La Nymphe de la Seine (...)Racine Jean btv1b8612046f.jpg|vignette|Frontispice de la ''Nymphe de la Reine à la Seyne'', première publication de Racine en 1660.]]
À la fin de l'année 1659 et au cours de l'année 1660, le jeune homme semble prendre pour projet sérieux de consacrer son temps à l'écriture et donne coup sur coup, entre d'autres vers galants, un sonnet politique, une pièce de théâtre, une [[ode]] sur le mariage du roi. En {{date|novembre [[1659]]}}, à vingt ans, Jean Racine cherche à attirer les faveurs de [[Jules Mazarin|Mazarin]], en écrivant un sonnet, aujourd'hui perdu, célébrant la [[Traité des Pyrénées|paix des Pyrénées]]<ref>L'existence de ce premier poème, qui n'est jamais parvenu jusqu'à Mazarin est connue par une lettre de Racine à son ami l'abbé Le Vasseur, le {{date-|19 novembre 1659}}. ({{Référence Harvard sans parenthèsesharvsp|Alain Viala|1990|p=11-14}}). Selon [[Georges Forestier (professeur de littérature)|Georges Forestier]] toutefois, ce sonnet daterait de l'été 1660 et aurait un autre sujet que la paix des Pyrénées, contredisant dès lors les ambitions clientélistes de Racine ({{Référence Harvard sans parenthèsesharvsp|Georges Forestier|2006|p=123 et 136}}). La plupart des critiques garde toutefois pour plus crédible la date de 1659 et le sujet politique.</ref>. S'introduisant dans la vie mondaine littéraire, il s'agit pour le jeune Jean de se montrer et de se faire reconnaître comme « poète » en s'essayant au genre de la poésie d'éloge le plus noble, l'ode<ref>Georges {{sfn|Forestier |2006, {{|p.|=137}}.</ref>. Au cours de l'année [[1660]], il compose une pièce de théâtre, ''Amasie'', et la présente, en vain, à l'une des trois troupes professionnelles de Paris, le [[théâtre du Marais]]<ref>. Cette pièce en cinq actes est également perdue ({{Référence Harvard sans parenthèsesharvsp|Alain Viala|1990|p=15-16}}</ref>{{,}}<ref>{{Référence Harvard sans parenthèsessfn|Georges Forestier|2006|p=133-136}}).</ref>. En {{date-|mai 1660}}, il compose un sonnet célébrant la naissance du premier enfant du couple Vitart<ref>Pléiade, II, {{p.|36}}.</ref>. Ces premiers essais d'écriture mondaine provoquent la colère de sa famille et de ses anciens maîtres de Port-Royal<ref>. Dans une lettre à Le Vasseur ({{date-|13 septembre 1660}}, Pléiade II, {{p.|384}}), Racine se plaint de recevoir de Port-Royal "tous les jours lettres sur lettres, ou, pour mieux dire, excommunications sur excommunications, à cause de mon triste sonnet". Georges Forestier 2006, {{p.|138}} ; Alain Viala 1990, {{p.|60-61}}.</ref>.
 
En {{date-|septembre 1660}}, il soumet à [[Jean Chapelain]], par l'intermédiaire de son cousin et hôte Nicolas Vitart, un long [[Éloge|poème encomiastique]] à l'occasion du mariage de [[{{souverain2|Louis XIV]]}} et de [[Marie-Thérèse d'Autriche (1638-1683)|Marie-Thérèse d'Autriche]]<ref>Lettre de Racine à Levasseur, {{date-|5 septembre 1660}} ; Lettre de Racine à Levasseur, {{date-|13 septembre 1660}} (citées par {{Référence Harvard sans parenthèsesharvsp|Alain Viala|1990|p=15-20}}). Voir aussi Jean Dubu, «  La Nymphe de la Seine à la Reyne  », ''Revue d'histoire littéraire de la France'', {{61e|année}} année, {{n°|3}}, ({{date-|juillet-septembre 1961}}), {{p.|411-419}}.</ref>. Chapelain, figure majeure de l'[[Académie française]] et pivot de la vie littéraire française<ref>Chapelain est aussi explicitement un ennemi du cénacle littéraire réuni autour de [[Nicolas Fouquet]] et du protégé de celui-ci, [[Paul Pellisson]]. Pour Racine, se tourner en priorité vers Chapelain est également un moyen de prendre parti socialement et politiquement, contre la richesse ostentatoire et le jésuitisme défendu par le financier. Voir Georges Forestier 2006, {{p.|129-133}}.</ref>, fournit à Racine le premier succès de sa jeune carrière et l'introduit véritablement dans la vie des lettres, en corrigeant et soutenant l'ode. Vitart présente encore le texte à [[Charles Perrault]], autre figure influente de la vie littéraire de Paris, qui apporte également ses corrections<ref>Alain Viala 1990, {{p.|17}}.</ref>. Racine se montre d'une grande docilité, en même temps que d'une grande maîtrise des normes poétiques, à l'égard des corrections suggérées par Chapelain et Perrault<ref>Georges Forestier 2006, {{p.|138-139}}.</ref>. L'ode, ''la Nymphe de la Seine à la Reyne'', devient la première publication de Racine<ref>Jean Racine, ''La Nymphe de la Seine à la Reyne, ode'', Paris, chez Augustin Courbé, 1660. [https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8612046f Édition originale disponible sur Gallica.]</ref>, qui finance lui-même son impression, en épuisant sa maigre fortune et en empruntant à Nicolas Vitart. Le poème de deux cent cinquante vers constitue un éloge conventionnel sur l'actualité, prenant pour objet l'entrée de la reine à Paris, décrite par le biais de [[Topos (littérature)|topiques]] mythologiques<ref>{{Référence Harvard sans parenthèsessfn|Alain Viala|1990|p=17-19}}</ref>. Il est avant tout un exercice convenu du genre encomiastique : Racine se place alors, jeune auteur, dans la plus grande conformité aux normes littéraires du temps<ref>Le conformisme opportuniste (ici à la fois stylistique et politique) est souligné comme un trait caractéristique du jeune poète par Alain Viala (1990, "{{citation|Je vous envoie mon sonnet"}}). Celui-ci exprime l'attitude de Racine, ambitieux cherchant à conquérir en se fondant et mimant ce qui se fait déjà, par l'image de caméléon, qui a "{{citation|la faculté de se fondre dans des milieux pour y quérir patûre"}} (1990, {{p.|24}}).</ref>, reprenant la structure et le ton d'un modèle du lyrisme officiel, ''À la Reine sur sa bienvenue en France'' de [[François de Malherbe|Malherbe]]<ref>Georges Forestier 2006, {{p.|139}}.</ref>. La seule originalité de Racine est dans cette ode d'avoir substitué aux traditionnels [[dizain]]s d'[[octosyllabe]]s des [[quatrain]]s d'[[alexandrin]]s au rythme plus souple, inspirés par la poésie galante. Si le poème ne trouve pas de succès politique, il lui permet de s'affirmer en société comme « poète » et d'entrer dans la norme de la vie littéraire de Paris<ref>Alain Viala 1990, {{p.|21-22}} ; Georges Forestier 2006, {{p.|140-141}}.</ref>.
 
Après ce premier succès, Jean Racine projette en 1661 l'écriture d'une deuxième pièce de théâtre, ayant pour héros [[Ovide]]<ref>Ce projet, manifestement très développé, est évoqué par le poète dans une lettre à l'abbé le Vasseur ({{date-|juin 1661}}, Pléiade II, {{p.|397-398}}).</ref>. Si la pièce n'est jamais achevée, son projet permet de voir l'organisation du travail du dramaturge, qu'il conservera par la suite pour cesses autres pièces. Racine commence par établir un plan très précis du déroulement de l'intrigue<ref>Georges Forestier voit dans ce projet la preuve de la réalité d'une méthode de travail racinienne rendue célèbre par une anecdote rapportée par Louis Racine : "{{citation|Quand il avait ainsi lié toutes les scènes entre elles, il disait "Ma tragédie est faite", comptant le reste pour rien"}}. Georges Forestier 2006, {{p.|142-143}}.</ref>, puis demande l'avis de comédiens. On ignore ce qu'il advient de cette pièce, manifestement abandonnée par son auteur. Seulement sait-on que la troupe de l'[[Hôtel de Bourgogne (Paris)|hôtel de Bourgogne]], pour laquelle elle était écrite, fait finalement appel à [[Gabriel Gilbert]], qui rédige ''Les Amours d'Ovide'', pièce créée en {{date-|juin 1663}}<ref>Georges {{sfn|Forestier |2006, {{|p.|=144-145}}.</ref>. Il entame également en 1661 une vaste composition poétique, ''Les Bains de Vénus'', qu'il ne peut achever, victime d'une épidémie de fièvre<ref>L'œuvre est aujourd'hui perdue. Georges Forestier 2006, {{p.|145-146}}.</ref>.
 
Ces compositions galantes montrent que Racine s'est déjà éloigné de la morale de [[Port-Royal des Champs|Port-Royal]]. Alors même que l'abbaye vit au cours de l'année 1661 les débuts des « [[Jansénisme#L.27opposition politique au jansénisme|grandes persécutions »]] visant à forcer les religieux à signer [[Formulaire d'Alexandre VII|le Formulaire]], l'ancien élève semble indifférent, voire ironique, à l'égard des malheurs de son ancienne institution<ref>Dans une lettre à Le Vasseur, Racine se moque de la fuite d'Antoine Singlin et de la dispersion des novices (Pléiade II, {{p.|398}}). Georges Forestier souligne toutefois que ces marques d'indifférence ne sont probablement pas totalement sincères, mais marquent le souci rhétorique de s'adapter à son interlocuteur, en l'occurrence Le Vasseur, abbé léger et libertin (Georges Forestier 2006, {{p.|149-150}}).</ref>. Jean Racine est alors porté vers les plaisirs du monde desquels son maître Antoine le Maistre avait tenté de le détourner. En 1660 et 1661, il fréquente quotidiennement [[Jean de La Fontaine|Jean de la Fontaine]], autre [[La Ferté-Milon|milonais]], qu'il accompagne dans les cabarets parisiens<ref>Georges Forestier 2006, {{p.|147}} ; Alain Viala 1990, {{p.|51}}.</ref>.
 
==== L'échec d'une carrière ecclésiastique ====
En cherchant une carrière littéraire et mondaine en l'absence de soutiens familiaux, Racine se ruine et se couvre de dettes<ref>{{Référence Harvard sans parenthèsesharvsp|Georges Forestier|2006|p=152-153}} ; Alain Viala 1990, {{p.|65-71}}.</ref>. Il est poussé à trouver un revenu stable, et, ayant abandonné les études de droitsdroit, cherche un [[bénéfice ecclésiastique]], par nécessité et avec réticence, craignant de se voir obligerobligé à accepter la [[Prêtre|prêtrise]]<ref>Georges Forestier 2006, {{p.|153}} ; Alain Viala 1990, {{p.|76-77}}.</ref>. Son oncle Antoine Sconin, propriétaire de deux bénéfices (l'un en [[Anjou]], l'autre en [[Languedoc]]), se dispose à résigner dans le futur l'un d'eux au profit de son neveu<ref>La raison de ce transfert n'est pas pleinement connue. Georges Forestier 2006, {{p.|154-155}} ; Alain Viala 1990, {{p.|71-72}}.</ref>. Ou bien par souci de guérir sa maladie par un changement d'air, ou bien par besoin financier immédiat<ref>Les raisons réelles de ce déplacement à Uzès sont inconnues. Selon Georges Forestier, il est vraisemblable que la famille Sconin s'inquiète des dettes contractées par le jeune homme, et décide de lui trouver un emploi, jugeant que la famille Des Moulins avait échoué en son éducation. Georges Forestier 2006, {{p.|156-157}}.</ref>, Racine quitte Paris, et arrive à [[Uzès]] le {{date-|8 novembre 1661}}, après quinze jours de voyage<ref>Une lettre du jeune homme à Jean de la Fontaine décrit longuement ce voyage ({{date-|11 novembre 1661}}, Pléiade II, {{p.|400-403}}). Georges Forestier 2006, {{p.|158}} ; Alain Viala 1990, {{p.|72-73}}.</ref>. Il s'installe au château de [[Saint-Maximin (Gard)|Saint-Maximin]], rénové en somptueuse demeure par le Père Sconin. Là, « exilé »<ref>Georges {{sfn|Forestier |2006, {{|p.|=162}}.</ref> des cénacles parisiens, il maintient un lien avec la vie littéraire en entamant une vive correspondance avec le salon Vitart, l'abbé le Vasseur, et surtout [[Jean de La Fontaine|Jean de la Fontaine]]. Dans ses lettres, marquées d'un signe de croix en-tête, à la manière des gens d'Église, Racine s'essaie à la versification galante, gardant ainsi un nom et une existence de poète, à distance, dans les petits cercles parisiens<ref>Georges Forestier 2006, {{p.|162-166}} ; Alain Viala 1990, {{p.|73-74}}.</ref>.
 
L'octroi d'un bénéfice ecclésiastique s'avère vite difficile. Dès l'arrivée du jeune homme, Antoine Sconin lui promet un bénéfice, très rémunérateur, dépendant du [[Chapitre de chanoines|chapitre]] de la [[Cathédrale Saint-Théodorit d'Uzès|cathédrale d'Uzès]], dès qu'un bénéfice viendrait à vaquer. Pour cet octroi qui nécessite la prêtrise, Racine commence à étudier la [[théologie]]. Mais il tarde à recevoir le « démissoire »<ref>Il s'agit d'une lettre autorisant au diocésain d'un certain évêché (en l'occurrence, celui de Soissons pour la Ferté-Milon) à prendre les ordres dans un autre évêché.</ref> nécessaire à l'ordination, et, entretemps, le Père Sconin perd le pouvoir de nomination qu'il exerçait jusqu'alors au chapitre<ref>Georges Forestier 2006, {{p.sfn|Forestier|2006|p=166-171}}.</ref>. Sans autre soutien, le jeune homme perd tout espoir de profiter dans l'[[Liste des évêques d'Uzès|évêché]] d'un bénéfice conséquent. Il tente d'obtenir, par l'intermédiaire de l'abbé le Vasseur, un bénéfice à [[Oulchy-le-Château|Oulchy]], dans le [[diocèse de Soissons]], également en vain. Il prétend enfin au deuxième bénéfice de son oncle Sconin, en Anjou ; l'espoir de sa possession s'enlise dans une longue procédure judiciaire<ref>Georges Forestier 2006, {{p.|170}}; Alain Viala 1990, {{p.|78-79}}.</ref>. Si le Père Sconin tente de le faire prêtre pour accepter le bénéfice d'une petite chapelle, Racine refuse, ne souhaitant pas rester en Languedoc à si faible prix.
 
Devant l'impasse de la situation, le jeune homme se consacre à l'étude. Il étudie la théologie auprès de son oncle qui, strictement opposé au jansénisme, lui fait lire [[Thomas d'Aquin]] et doit certainement le pousser à s'éloigner des interprétations port-royalienne<ref>Georges {{sfn|Forestier |2006, {{|p.|=174}}.</ref>. Racine profite de ce repos forcé pour se plonger dans la lecture. De cette solitude studieuse, deux cahiers ont été conservés<ref>BnF, Manuscrits français 12890 et 12891?</ref>, qui montrent l'application du poète à annoter avec admiration les vers des ''[[Olympiques (Pindare)|Olympiques]]'' de [[Pindare]] et de l'''[[Odyssée]]'' d'[[Homère]], selon la méthode juridique acquise à Port-Royal<ref>Georges {{sfn|Forestier |2006, {{|p.|=175-176}}.</ref>. Le jeune homme se lamente toutefois dans ses lettres de l'échec de ses affaires et de sa solitude<ref>Georges Forestier 2006, {{p.|177-179}} ; Alain Viala 1990, {{p.|79}}.</ref>.
 
==== Retour à Paris : devenir écrivain ====
Déçu de l'échec de ses affaires en Languedoc, Racine revient à Paris au printemps 1663. Il s'installe de nouveau chez Nicolas Vitart, dans le nouvel hôtel de Luynes, [[Rue Saint-Guillaume (Paris)|rue de la Butte]]. Il fréquente à cette période, probablement en quête de quelque emploi, les réunions de l'hôtel de [[Roger du Plessis-Liancourt|Liancourt]], [[rue de Seine]], qui réunissent des jansénistes modérés<ref>{{Référence Harvard sans parenthèsesharvsp|Georges Forestier|2006|p=181}} ; Alain Viala 1990, {{p.|81}}</ref>. Là, il côtoie [[Amable de Bourzeis]] et [[Jean Chapelain]], alors responsables de la nouvelle politique de [[mécénat]] [[Royaume de France|royal]] initiée par [[Jean-Baptiste Colbert|Colbert]]<ref>La première des listes des hommes de lettres bénéficiaires de généreuses gratifications paraît en {{date-|juin 1663}} ; elle ne comprend pas Racine.</ref>. Selon toute vraisemblance, Racine cherche par ce biais à se faire inscrire sur la liste des bénéficiaires des gratifications royales<ref>Georges {{sfn|Forestier |2006, {{|p.|=182-183}}.</ref>.
 
L'actualité donne au poète les moyens de se faire remarquer de Chapelain ; en {{date-|mai 1663}}, {{souverain-|Louis XIV}} contracte une [[rougeole]] suscitant l'inquiétude populaire, avant de guérir au début du mois de juin. Pour célébrer cette convalescence, Racine écrit en moins de quinze jours une ode encomiastique de plus de cent vers<ref>Alain Viala 1990, {{p.|82}}.</ref>. Comme ''la Nymphe de la Seine à la Reine'', l'''Ode sur la convalescence du roi'' est fortement inspirée des odes de [[François de Malherbe|Malherbe]], canons de la poésie officielle. Elle montre encore une vive capacité et une grande rapidité d'adaptation des codes poétiques à un contexte et un but précis. Ce dernier est absolument atteint : publiée en juin<ref>''Ode sur la convalescence du roi'', Paris, chez [[Pierre Le Petit|Pierre le Petit]], 1663.</ref>, l'ode comble Chapelain qui l'ajoute en juillet à la liste des premiers bénéficiaires. Racine reçoit de la monarchie une confortable pension annuelle de 600 [[Livre (monnaie)|livres]]<ref>La pension de Racine sera inscrite dans la liste de 1664. [[Bibliothèque nationale de France|BnF]], Mélanges de Colbert 311, fol.280-281.</ref>.
 
Le jeune poète, désormais reconnu par le pouvoir, compose en remerciement de sa pension un long poème louant le mécénat royal, ''La Renommée aux Muses''<ref>Alain Viala 1990, {{p.|84-85}}.</ref>. Publiée en {{date-|octobre 1663}}, l'œuvre reçoit les louanges du [[François Honorat de Beauvilliers|duc de Saint-Aignan]], [[Pairie de France (Ancien Régime)|pair de France]], proche du roi, amateur de poésie, qui devient son protecteur<ref>Alain Viala 1990, {{p.|86-87}}.</ref>. Racine fait ainsi son entrée à la [[Cour de France|Cour]], assistant pour la première fois à la fin de l'année 1663 au [[Us et coutumes à la cour de Versailles|lever du roi]], durant lequel il rencontre [[Molière]]<ref>Georges Forestier 2006, {{p.|188-189}} ; Alain Viala 1990, {{p.|89}}.</ref>.
 
Grâce aux gratifications, Racine trouve dans l'écriture un moyen de faire carrière, tout du moins d'augmenter un peu sa richesse, plutôt que de chercher un autre emploi<ref>Georges Forestier 2006, {{p.|189}} ; Alain Viala 1990, {{p.|83-84}}, {{p.|100-101}}.</ref>. Pour assurer sa place dans la vie littéraire, il entreprend à la fin de l'année 1663 la création d'une nouvelle pièce de théâtre, composée probablement quelque temps auparavant<ref>Georges Forestier 2006, {{p.|189-191}} ; Alain Viala 1990, {{p.|90-91}}.</ref>. Le théâtre est alors pour un jeune écrivain, le genre le plus séduisant, un succès y permettant de belles et rapides carrières<ref>Georges Forestier 2006, {{p.|135-136}}.</ref>. Les biographes ont longtemps suggéré que le poète avait bénéficié de l'aide de [[Molière]] dans la rédaction de cette pièce<ref>L'information, visant à majorer le rôle et le talent de Molière aux dépens de Racine, a été construite au {{s-|XVIII|e}} par un biographe du premier, [[Jean-Léonor Le Gallois de Grimarest|Grimarest]] (''Vie de M. de Moliere'', Paris, Jacques Le Febvre, 1705).</ref>, mais il n'existe aucune trace d'une quelconque implication du second ; Racine compose et rédige sa tragédie bien avant de côtoyer Molière<ref>Georges {{sfn|Forestier |2006, {{|p.|=189-191}}.</ref>. En outre, il est très probable que le jeune poète ne souhaite pas initialement confier sa tragédie à la [[Théâtre du Palais-Royal (1641–1781)|troupe de Molière]], dont la réputation est alors essentiellement fondée sur les représentations [[Comédie|comiques]], mais à la troupe tragique par excellence à Paris, celle de l'[[Hôtel de Bourgogne (Paris)|hôtel de Bourgogne]]<ref>Georges Forestier 2006, {{p.|192-196}}.</ref>. La pièce de Racine est même explicitement annoncée au programme de l'hôtel de Bourgogne<ref>Georges Forestier 2006, {{p.|195-197}}.</ref>. Un événement change brutalement cette organisation : en {{date-|mai 1664}}, le ''[[Le Tartuffe ou l'Imposteur|Tartuffe]]'' de Molière, créée le {{date-|12 mai 1664}} pour les [[Fêtes à Versailles#Les Plaisirs de l.27.C3.8Ele enchantée .28Mai 1664.29|Plaisirs de l'île enchantée]] (auxquels Racine a probablement participé<ref>Georges Forestier 2006, {{p.|210}}.</ref>), est le même jour [[Le Tartuffe ou l'Imposteur#Début d.27une .C2.AB.C2.A0Affaire Tartuffe.C2.A0.C2.BB|interdite de représentation par le roi]]. Le [[Théâtre du Palais-Royal (1641–1781)|théâtre du Palais-Royal]], perdant ainsi une création très attendue, cherche en urgence une pièce nouvelle pour ces représentations, prévues depuis de nombreux mois et rendues nécessaires par les obligations qu'il avait prises auprès des acteurs. Molière pense à se tourner vers le jeune Racine, rencontré quelques mois plus tôt et dont la pièce attend création à l'hôtel de Bourgogne<ref>Georges Forestier 2006, {{p.|197-200}}.</ref>. Dans ces circonstances imprévues, les deux hommes passent un accord accordant à Molière la représentation pour le mois suivant. Racine commence ainsi une carrière dramatique.
[[Fichier:La Thébaïde, frontispice édition 1664.jpg|vignette|Frontispice de l'édition originale de ''la Thébaïde'', publiée le {{date-|30 octobre 1664}}.]]
La pièce, ''[[La Thébaïde (Racine)|la Thébaïde]]'', est créée au [[Théâtre du Palais-Royal (1641–1781)|Palais-Royal]], par la troupe de [[Molière]], le {{date-|20 juin 1664}}<ref>Georges Forestier 2006, {{p.|212}} ; Alain Viala 1990, {{p.|93}}.</ref>. Son sujet s'inscrit dans une tradition tragique dense ; inspiré de l'[[Antigone (Sophocle)|''Antigone'']] de [[Sophocle]], des [[Les Phéniciennes|''Phéniciennes'']] d'[[Euripide]], de la [[Thébaïde (Stace)|''Thébaïde'']] de [[Stace]] traduite par [[Michel de Marolles|Michel de Marolle]] en 1658, et surtout de l'[[Antigone (Rotrou)|''Antigone'']] de [[Rotrou]], il évoque la lutte et la mort des deux fils d'[[Œdipe]], [[Étéocle]] et [[Polynice]], ainsi que la mort de leur sœur [[Antigone fille d'Œdipe|Antigone]]<ref>Georges Forestier 2006, {{p.|201-202}} ; Alain Viala 1990, {{p.|95-97}}.</ref>. [[Pierre Corneille|Corneille]] avait en outre, cinq ans plus tôt, recueilli un grand succès en créant sa pièce ''[[Œdipe (Corneille)|Œdipe]]'', inspirée de la plus [[Œdipe roi|célèbre tragédie de]] [[Sophocle]]''.'' Choisir le combat fratricide des deux fils d'Œdipe, sujet [[Euripide|euripidien]] dont les événements succèdent en chronologie à ceux de la pièce de Corneille, a ainsi l'avantage pour Racine d'attirer l'attention du public<ref>Georges Forestier 2006, {{p.|203}}.</ref>. Si l'organisation de la pièce semble être tôt posée, sa versification dure toute la seconde moitié de l'année 1663, et profite, acte par acte, des avis et corrections des comédiens de l'[[Hôtel de Bourgogne (Paris)|hôtel de Bourgogne]]<ref>Georges Forestier 2006, {{p.|203-205}}.</ref>. L'originalité de Racine relève dans le fait d'abandonner la profusion d'action (qui caractérise encore la pièce de [[Jean de Rotrou|Rotrou]]) pour concentrer sa tragédie en un enjeu unique, et de ne se fonder que sur [[Euripide]], quand de nombreux dramaturges préfèrent alors mêler plusieurs sources antiques. L'enjeu de la pièce est essentiellement politique, ne montrant pour amour que celui d'[[Antigone fille d'Œdipe|Antigone]] et de [[Hémon fils de Créon|Hémon]] : ce trait a parfois poussé les critiques aà distinguer par [[téléologie]] la ''Thébaïde'' du reste de l'œuvre racinienne.
 
La pièce n'obtient qu'un succès médiocre. Molière ne parvient à maintenir la pièce au programme qu'en joignant à sa représentation celle de farces à succès la deuxième semaine, puis celle de ''[[Sganarelle ou le Cocu imaginaire|Sganarelle]]'' ; il parvient toutefois à la faire représenter au roi et à la cour à [[Château de Fontainebleau|Fontainebleau]] en {{date-|juillet 1664}}, et en août à [[Philippe d'Orléans (1640-1701)|Monsieur]]<ref>Georges Forestier 2006, {{p.|214}}.</ref>''.'' Le sujet déplait à un public habitué à des tragédies moins violentes, ce d'autant plus que la pièce remplace malaisément une comédie très attendue, durant la saison estivale usuellement consacrée aux pièces comiques<ref>Georges Forestier 2006, {{p.|213}}.</ref>. La représentation a au moins l'effet d'introduire au monde dramatique le nom de Racine, et de fournir à celui-ci quelques revenus. La ''Thébaïde'' est publiée le {{date-|30 octobre 1664}} chez le libraire [[Claude Barbin (libraire)|Claude Barbin]]<ref>L'édition originale est [https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8610808w disponible en ligne sur Gallica].</ref>, accompagnée d'une dédicace au [[François Honorat de Beauvilliers|duc de Saint-Aignan]], protecteur du jeune dramaturge. Racine a probablement vendu son manuscrit pour une centaine de livres à Barbin, et a reçu 348 livres de parts des représentations au Palais-Royal<ref>Georges Forestier 2006, {{p.|215}} ; Alain Viala 1990, {{p.|94}}.</ref> ; il reçoit en outre sa pension royale de 600 livres le {{date-|22 août 1664}}. Sans atteindre la richesse, le dramaturge trouve enfin là le moyen de rembourser quelques dettes et de vivre confortablement.
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Molière rejoue ''la Thébaïde'' au cours de l'année 1665, sans doute pour faire connaître le nom de Racine, quand celui-ci s'apprête à créer une deuxième pièce<ref>Georges Forestier 2006, {{p.|216}}.</ref>. À cette période, Racine compose également quelques épigrammes qui paraissent dans un pamphlet janséniste de [[Jean Barbier d'Aucour]]<ref>''Lettre d'un avocat à un de ses amis sur la signature du fait contenu dans le formulaire'', Paris 1664.</ref> : il n'a donc pas, en 1664, tout à fait rompu avec Port-Royal, s'intéresse de près aux violentes persécutions dont est alors victime le monastère et prend même position contre la signature du [[Formulaire d'Alexandre VII|formulaire]]<ref>Georges Forestier 2006, {{p.|217-220}}.</ref>.
 
==== La carrière du théâtre  : ''Alexandre le Grand'' (1665) ====
Si les sources manquent pour décrire les préoccupations de Racine en 1664 et 1665, il semble que le poète ait durant cette période décidé d'être dramaturge plutôt que [[Polygraphe (auteur)|polygraphe]]<ref>{{Référence Harvard sans parenthèsessfn|Georges Forestier|2006|p=221}}</ref>{{,}}<ref>{{Référence Harvard sans parenthèsessfn|Alain Viala|1990|p=104-105}}.</ref>. Au début de l'année, il entreprend la rédaction d'une nouvelle pièce, qu'il lit dans le salon le plus prestigieux de la capitale, celui de l'[[Hôtel de Nevers (rive gauche)|hôtel de Nevers]]<ref>{{Référence Harvard sans parenthèsessfn|Georges Forestier|2006|p=222}}</ref>{{,}}<ref>{{Référence Harvard sans parenthèsessfn|Alain Viala|1990|p=109}}.</ref>. Une anecdote vraisemblable<ref>Posée par Valincour dans une lettre à l'abbé d'Olivet et reprise par Louis Racine, elle est considérée vraisemblable par les biographes les plus récents, y compris Georges Forestier 2006, {{p.|233-234}}.</ref> assure que Racine va également soumettre sa pièce à [[Pierre Corneille|Corneille]], qui loue ses qualités poétiques, mais critique sa composition tragique. Ces lectures permettent au jeune homme d'éviter l'urgence et l'incongruité de la préparation de ''la Thébaïde''. La pièce est minutieusement élaborée, corrigée à la faveur des avis, pour plaire au public et séduire le pouvoir. Par la gratification d'une pension, Racine est encouragé par la monarchie à participer à l'effort d'écriture de la légende royale, et l'échec de ''la Thébaïde'' lui a du reste exposé la difficulté des sujets purement tragiques. Il choisit donc de consacrer sa pièce à la vie d'[[Alexandre le Grand]], sujet rendu populaire par plusieurs pièces, dont ''Porus ou la générosité d'Alexandre'' de [[Claude Boyer]], et permettant un parallèle clair avec l'actualité du pouvoir royal. Alexandre, prince vertueux, est souvent présenté comme un exemple de largesse ; la reprise de ce ''[[Topos (littérature)|topos]]'' permet de faire référence au [[traité des Pyrénées]], comme un acte de bienveillance d'un monarque généreux envers les vaincus. Faisant cela, Racine s'inscrit dans la célébration officielle du pouvoir, présentant depuis plusieurs années [[{{souverain2|Louis XIV]]}} comme un nouvel Alexandre<ref>L'assimilation de {{souverain-|Louis XIV}} à Alexandre commence dès la naissance du premier en 1638. Elle trouve une vigueur nouvelle après la signature du traité des Pyrénées. [[Charles Le Brun|Charles le Brun]] entame notamment en 1660 un "« cycle d'Alexandre" » de tableaux monumentaux. Cf {{Référence Harvard sans parenthèsesharvsp|Georges Forestier|2006|p=225}}</ref>{{,}}<ref>{{Référence Harvard sans parenthèsessfn|Alain Viala|1990|p=105}}.</ref>, et en fondant l'intrigue sur la rencontre d'un roi vaincu ([[Poros (roi)|Poros]]) et du roi macédonien, il fait probablement référence à un tableau de Charles le Brun ayant connu une large diffusion comme représentation royale, ''[[c:File:Charles_Le_Brun_-_Les_reines_de_Perse_aux_pieds_d'Alexandre_dit_aussi_la_tente_de_Darius_-_Google_Art_Project.jpg|les Reines de Perse aux pieds d'Alexandre]]''.
 
Utilisant pour principale source [[Quinte-Curce]], Racine organise sa pièce sur le modèle des tragédies [[Pierre Corneille|cornéliennes]], en plaçant son sujet principal, la clémence d'Alexandre envers Porus, en dénouement inattendu de l'intrigue dans le dernier acte<ref>Georges Forestier 2006, {{p.|226-227}}.</ref>. L'originalité de Racine à l'égard de ce sujet traditionnel est de construire en amont du dénouement une tension entre les deux rois, en exagérant les événements narrés par Quinte-Curce ou en inventant d'autres. Il introduit notamment une intrigue amoureuse et une reine, Axiane, totalement étrangères au récit historique<ref>{{Référence Harvard sans parenthèsessfn|Georges Forestier|2006|p=228}}</ref>{{,}}<ref>{{Référence Harvard sans parenthèsessfn|Alain Viala|1990|p=106-107}}.</ref>. En cela, il mêle l'héroïsme épique du théâtre politique avec la galanterie des poèmes de salons, et laisse dans l'indétermination l'enjeu de la pièce, en ce que l'expression de la largesse politique d'Alexandre, posé explicitement comme sujet principal, tend à s'effacer derrière les discours amoureux<ref>Georges Forestier 2006, {{p.|229-233}}.</ref>.
 
Achevée au printemps, la pièce ''[[Alexandre le Grand (Racine)|Alexandre le Grand]]'' est créée au [[Théâtre du Palais-Royal (1641–1781)|théâtre du Palais-Royal]] le {{date-|4 décembre 1665}}<ref>{{Référence Harvard sans parenthèsessfn|Alain Viala|1990|p=110}}.</ref>. Racine et Molière attendent le cœur de l'hiver, saison de représentation des tragédies, malgré l'interdiction officieuse de ''[[Dom Juan ou le Festin de Pierre|Dom Juan]]'' en avril, qui aurait pu être remplacée par ''Alexandre'' : ils cherchent ainsi à éviter l'échec de ''la Thébaïde'', un an plus tôt. Le {{date-|4 décembre}}, [[La Grange (acteur)|La Grange]] joue Alexandre, [[Armande Béjart]] Cléofile, [[La Thorillière|La Thorilliere]] Poros, [[Du Parc (acteur)|{{Mlle}}]] [[Du Parc (acteur)|Du Parc]] Axiane, [[Du Croisy]] [[Héphestion|Ephestion]] et [[André Hubert]] [[Taxilès|Taxile]]<ref>Georges Forestier 2006, {{p.|237}}.</ref> ; dans la salle sont présents [[Philippe d'Orléans (1640-1701)|Philippe d'Orléans]], [[Henriette d'Angleterre]], le [[Louis II de Bourbon-Condé|Grand Condé]], [[Henri-Jules de Bourbon-Condé|le fils de celui-ci]], la [[Anne de Bavière (1648-1723)|Princesse Palatine]], et de nombreux seigneurs de la Cour. La pièce remporte un vif succès : elle rapporte à la première représentation 1294 livres, soit trois fois plus que ''la Thébaïde'', et fait salle comble pour les quatre représentations de la première semaine<ref>{{Référence Harvard sans parenthèsessfn|Georges Forestier|2006|p=237}}</ref>{{,}}<ref>{{Référence Harvard sans parenthèsessfn|Alain Viala|1990|p=110-111}}.</ref>.
 
''Alexandre le Grand'' fait vite l'objet d'une vive controverse parmi les théâtres parisiens. Au vu du succès des quatre premières représentations, les comédiens de l'[[Hôtel de Bourgogne (Paris)|hôtel de Bourgogne]] choisissent de représenter la pièce devant le roi et toute la Cour le {{date-|14 décembre}}, avec [[Floridor]] dans le rôle principal et [[Montfleury]] dans celui de Poros. Dès le {{date-|18 décembre}}, la pièce est jouée au public, comme une création, à l'hôtel de Bourgogne, suscitant la colère de [[Molière]] et de la [[Théâtre du Palais-Royal (1641–1781)|troupe du Palais-Royal]]<ref>{{Référence Harvard sans parenthèsessfn|Georges Forestier|2006|p=237-239}}</ref>{{,}}<ref>{{Référence Harvard sans parenthèsessfn|Alain Viala|1990|p=111-112}}.</ref>. Le fait est inédit : le système théâtral parisien donne d'ordinaire à une seule troupe, contre rétribution à l'auteur d'une part du bénéfice des représentations, l'exclusivité d'une pièce avant son impression. Dans le cas d'''Alexandre'', la même pièce se voit jouée au même moment, avant son impression, par deux troupes rivales, le public se pressant à l'hôtel de Bourgogne, réputée pour ses pièces tragiques, aux dépens du Palais-Royal, qui voit ses revenus s'effondrer. Les comédiens de Molière parlent vite d' un «  complot<ref> Le mot est lancé dès le 18 décembre par [[La Grange (acteur)|La Grange]], dans son ''Registre''.</ref>  » de Racine, d'autant plus gravement accusé que le Palais-Royal s'enlise à cause de cette affaire dans une situation financière inquiétante, et que Molière tombe gravement malade. Si le Palais-Royal confisque en représailles la part des bénéfices prévue pour Racine, celui-ci gagne environ 2000 [[Livre (monnaie)|livres]] du revenu des quinze représentation d{{'}}''Alexandre le Grand'' à l'hôtel de Bourgogne<ref>Georges Forestier 2006, {{p.|240}}.</ref>.
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Fichier:Registre de la Grange - création d'Alexandre le Grand de Racine.jpg|Mention de la création d{{'}}''Alexandre le Grand'', des revenus des représentations, puis du "« complot" » de Racine dans le registre de [[La Grange (acteur)|La Grange]]
Fichier:Registre de la Grange - création d'Alexandre le Grand de Racine 2.jpg|
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[[Fichier:Frontispice Alexandre le Grand, première édition 1666.jpg|vignette|Frontispice de la première édition d'''[[Alexandre le Grand (Racine)|Alexandre le Grand]]'', premier succès tragique de Racine.]]
L'"« affaire" » d{{'}}''Alexandre'' a souvent été comprise par les biographes, suivant en cela la remarque de [[La Grange (acteur)|La Grange]] (d'autant plus froissé qu'il touchait dans le personnage d'Alexandre le plus grand rôle de sa carrière<ref>Georges Forestier 2006, {{p.|245}}.</ref>), comme une trahison de Racine, qui aurait joué de duplicité pour augmenter sa fortune et accroître sa notoriété<ref>Cette vision, forgée polémiquement par les biographes de [[Molière]] auaux {{s minis2-|XVIII|e}} et {{s mini-|XIX|e}} siècles, a été souvent reprise par ceux de Racine (notamment [[Raymond Picard]]), et est encore celle d'[[Alain Viala]] (1990, {{p.|111}}).</ref>. Il est toutefois très invraisemblable que le poète soit lui-même à l'origine de l'affaire. Il aurait été très dangereux et imprudent, pour un jeune auteur, d'offenser si ouvertement et si violemment [[Molière]], l'homme de théâtre le plus reconnu du royaume. D'autre part, si Racine avait lui-même fourni sa pièce à l'[[Hôtel de Bourgogne (Paris)|hôtel de Bourgogne]], Molière, dont la troupe avait été quelques mois plus tôt placée sous la protection du roi, aurait certainement recouru à la [[Justice du Royaume de France|justice royale]] et réclamé à l'auteur de très lourdes réparations, comme il le fit effectivement dans plusieurs autres querelles. Or Molière ne formule aucune plainte dans le cas d'''Alexandre'', restant parfaitement silencieux, ainsi que ses proches, comme [[Nicolas Boileau|Boileau]]<ref>Georges Forestier 2006, {{p.|241}}.</ref>. L'hypothèse la plus vraisemblable pour expliquer cette situation inédite, est que, considérant le succès de la pièce au [[Théâtre du Palais-Royal (1641–1781)|Palais-Royal]] la semaine de sa création, le [[Louis XIV|roi]] ait ordonné d'en donner représentation durant la fête qu'il donne le {{date-|14 décembre}}<ref>Cette hypothèse est formulée par Georges Forestier 2006, {{p.|242-243}}.</ref>. Dans le même temps la mauvaise réputation de la troupe du Palais-Royal en matière de déclamation tragique, dont les pièces de Racine passent pour de grandes victimes<ref>Une anecdote rapportée par [[Gédéon Tallemant des Réaux|Tallemant des Réaux]] en 1666 fait de Racine une métonymie utilisée dans la vie littéraire parisienne pour désigner un dramaturge dont les pièces sont fort desservies par leurs comédiens. Tallemant des Reaux, ''Le Manuscrit 673'', F° 116; ed. Vincenette Maigne, Paris, Klincksieck, 1994, {{p.|380}} ; Raymond Picard (éd.), ''Nouveau Corpus Racinianum'', {{p.|35-36}}.</ref>, a probablement poussé le roi à inviter la troupe de l'hôtel de Bourgogne, contre l'usage. Ni Molière, ni ses comédiens, ni ses proches, n'ont pu publiquement contester une décision émanant du roi.
 
La querelle d'''Alexandre le Grand'' aboutit à la brouille définitive de Molière et de Racine. Elle se place plus largement au centre de l'évolution de la diction théâtrale, la troupe de Molière se rendant célèbre par l'abandon de la déclamation traditionnelle au profit du sens, tandis que les représentations tragiques privilégient la musicalité poétique de l'alexandrin par sa déclamation normée et régulière<ref>Georges Forestier 2006, {{p.|245-252}}.</ref>. Elle participe ainsi de la séparation progressive de la représentation [[Tragédie|tragique]] et de la représentation [[Comédie|comique]].
 
Le succès des représentations dans les deux théâtres, ainsi que la querelle qu'elles suscitent, donne à la pièce une immédiate renommée. Publiée le {{date-|13 janvier 1666}} augmentée d'une dédicace au roi marquant la satisfaction de celui-ci, ''Alexandre le Grand'' est un succès non seulement en France, mais dans toute la [[république des Lettres]] : elle suscite l'intérêt du [[Jean-François Paul de Gondi|cardinal de Retz]] à [[Rome]], de [[Christine de Suède]], de [[Charles de Saint-Évremond|Saint-Évremond]] à [[la Haye]]<ref>Georges Forestier 2006, {{p.|252}}.</ref>. Son succès est tel que certains libraires rééditent une tragédie de [[Claude Boyer]] sur le même sujet en modifiant son titre pour la faire passer pour celle de Racine et duper les acheteurs<ref>Georges Forestier 2006, {{p.|253}}.</ref>. La pièce suscite toutefois des réserves critiques : Racine publie très rapidement sa pièce, et l'augmente d'un épître et d'une préface violentes contre ses détracteurs, dans lesquelles il met en pratique les techniques rhétoriques et polémiques apprises à [[Port-Royal des Champs|Port-Royal]]<ref>{{Référence Harvard sans parenthèsessfn|Gilles Declercq|2003|p=283}}.</ref>.
 
==== La querelle des ''Imaginaires'' (1666) ====
En 1666, Racine est impliqué dans une vive querelle contre ses anciens maîtres de [[Port-Royal des Champs|Port-Royal]]. La situation du monastère est alors fragile. Les religieuses refusant de signer le [[Formulaire d'Alexandre VII|formulaire]] sont retirées au monastère [[Port-Royal des Champs|des Champs]], les [[Solitaires (Port-Royal)|Solitaires]] exilés ou cachés. À partir de 1664, [[Pierre Nicole]], ancien maître de Racine aux [[Petites écoles de Port-Royal|Petites écoles]], commence à rédiger des ''Lettres sur l'Hérésie imaginaire'', défendant le jansénisme contre les accusations d'hérésie. Les huit dernières de ces ''Lettres'', publiées en {{date-|décembre 1665}}, prennent pour cible le dramaturge et pamphlétaire anti-janséniste [[Jean Desmarets de Saint-Sorlin]]. Nicole réactive, pour disqualifier Desmarets, un ''topos'' de la pensée janséniste ; la corruption de la fiction et en particulier du théâtre, qui, même s'il paraît honnête, « empoisonne » toujours l'âme<ref>Le mot est de Nicole. {{Référence Harvard sans parenthèsesharvsp|Georges Forestier|2006|p=263-264}}</ref>{{,}}<ref>{{Référence Harvard sans parenthèsessfn|Alain Viala|1990|p=113-114}}.</ref>. Qu'il prenne ces accusations personnellement, ou qu'il entende simplement défendre le genre auquel il se consacre désormais, Racine choisit de répondre violemment à son ancien maître en {{date-|janvier 1666}} dans une ''Lettre a l'auteur des Hérésies imaginaires et des deux Visionnaires''. Le fait de répondre à ces attaques contre le théâtre, pourtant fréquentes au [[XVIIe siècle|{{s-|XVII|e}}]]<ref>Georges Forestier 2006, {{p.|259-262}}.</ref>, et le ton inhabituellement brutal du texte rompent avec les usages de la vie littéraire. Non seulement le jeune poète attaque le corps de doctrine port-royaliste, mais attaque aussi ''[[Argumentum ad hominem|ad hominem]]'' les deux figures vénérées au monastère depuis leurs morts, [[Angélique Arnauld (religieuse)|Angélique Arnauld]] et [[Antoine Le Maistre|Antoine le Maistre]], qui fut encore son père spirituel. Par cette publication, Racine, désormais auteur mondain, semble vouloir rompre à la fois avec le jansénisme rigoriste et le milieu social de Port-Royal, dont les membres expriment depuis plusieurs années leur réprobation de la carrière littéraire de l'ancien élève, tout en utilisant les outils rhétoriques appris au monastère<ref>Georges Forestier 2006, {{p.|265-268}} ; {{Référence Harvard sans parenthèsesharvsp|Georges Forestier|2006|p=265-268}}</ref>{{,}}<ref>{{Référence Harvard sans parenthèsessfn|Alain Viala|1990|p=114-117.}}.</ref>.
 
En 1666, Nicole réplique en éditant ses lettres et un ''Traité sur la comédie'', en un recueil, ''les Imaginaires''. Dans la préface, il cible directement celui qu'il réduit au rang de « jeune poète ». Racine rédige en réponse, la même année, deux autres lettres sur le même ton virulent. Son cousin Nicolas Vitart menace Port-Royal, par une lettre à [[Claude Lancelot]], de leur publication imminente. Lancelot menace en retour Racine de faire une révélation publique, minant ainsi la carrière mondaine de Racine. Celui-ci, probablement depuis le début de l'année 1666<ref>Le premier acte notarié faisant référence au bénéfice date du {{date-|3 mai 1666}}. Cet acte, aujourd'hui perdu, a été consulté par Paul Mesnard, ''Notice biographique sur Jean Racine'', {{p.|49}}.</ref> possède le [[bénéfice ecclésiastique]] de Sainte-Madeleine de l'Épinay en Anjou, qui appartenait auparavant à son oncle Antoine Sconin, et que celui-ci avait cherché à lui attribuer lorsqu'il avait accueilli à Uzès. Le fait de profiter d'un revenu ecclésiastique dans le même temps qu'il triomphe au théâtre fragilise sa position dans cette querelle, et peut paraître amoral à une partie de la bonne société parisienne, qui pourrait l'accuser de servir à la fois "Dieu et le diable"<ref>Georges Forestier 2006, {{p.|270-271}}.</ref>. Devant la menace, Racine renonce à sa publication.
 
La querelle, et particulièrement les violents écrits de Racine, aont pour effet de réintroduire dans la vie littéraire la question de la moralité du théâtre et ranime de vifs débats. À sa suite, l'[[François Hédelin|abbé d'Aubignac]] publie une ''Dissertation sur la condamnation des théâtres'', et le [[Armand de Bourbon-Conti|prince de Conti]] un ''Traité de la Comédie et des Spectacles.'' Corneille, entraîné dans la controverse, doit justifier la moralité de son théâtre dans la préface d'''[[Attila (Corneille)|Attila]]''<ref>Georges Forestier 2006, {{p.|272}}.</ref>. Racine gagne indirectement en notoriété : non seulement il est reconnu comme l'origine du vaste mouvement critique qui agite le monde théâtral, mais sa plume polémique, mordante, ironique, est remarquée. La querelle est d'autant plus ambiguë que Racine utilise comme arme les outils rhétoriques mêmes qu'il a appris à Port-Royal à la suite des ''[[Les Provinciales|Provinciales]]'', qu'il retourne contre le monastère et ses anciens maîtres. En répondant si durement à ces derniers, Racine brise leur domination en l'art de la polémique, et se pose, avec dureté, comme l'une des plumes acerbes de la vie littéraire. L'épisode rompt tout à fait les contacts que le dramaturge nourrissait encore avec le monastère, y compris avec sa famille<ref>{{Référence Harvard sans parenthèsessfn|Georges Forestier|2006|p=274-277}}</ref>{{,}}<ref>{{Référence Harvard sans parenthèsessfn|Alain Viala|1990|p=116-117}}.</ref>. Il a pu également parfois donner de Racine une réputation d'homme excessif et violent : [[Gédéon Tallemant des Réaux|Tallemant des Réaux]] écrit que l'« on peut tout croire de lui après avoir écrit comme il l'a fait contre Mrs de Port-Royal qui l'ont instruit ''gratis'' et qui donnaient à sa mère de quoi vivre »<ref>''Le Manuscrit 673'', ed. cit., {{p.|511}} ; Raymond Picard, ''Nouveau Corpus Racinianum'', {{p.|104}}. </ref>.
 
=== L'homme de cour (1666-1677) ===
Durant la décennie qui suit le succès d'''[[Alexandre le Grand (Racine)|Alexandre le Grand]]'', Racine acquiert une renommée rare, et devient par le seul travail de sa plume un homme de [[Cour de France|cour]], s'immisçant au plus proche de [[{{souverain2|Louis XIV]]}}. La correspondance du poète pour la période 1665-1677, qui voit créées ses pièces les plus renommées, est entièrement perdue. N'est connu pour ce temps que ce qui touche à ses pièces, sa trajectoire biographique ne pouvant qu'être très partiellement déduite<ref>{{Référence Harvard sans parenthèsessfn|Georges Forestier|2006|p=281-282.}}</ref>.
 
==== Une carrière stable : fortune et notoriété ====
[[Fichier:Marquise-Thérèse de Gorla.png|vignette|[[Mademoiselle Du Parc|Mademoiselle du Parc]], amante de Racine à partir du milieu des années 1660.]]
Racine acquiert après ''[[Alexandre le Grand (Racine)|Alexandre le Grand]]'' une aisance confortable. Gratifié par la monarchie d'une pension de 800 [[Livre (monnaie)|livres]] en 1666<ref>Les aléas des finances royales, affaiblies par les transformations du [[Musée du Louvre|Louvre]] et le chantier de [[Château de Versailles|Versailles]], retarde toutefois cette gratification, versée seulement le {{date-|21 mai 1667}}. BnF, Mélanges de Colbert 313 ; cité dans Raymond Picard, ''Nouveau Corpus Racinianum'', {{p.|40}}</ref>, il en reçoit {{nombre|2000}} des représentations d'''Alexandre'', environ 200 pour la vente de la pièce au libraire, probablement {{nombre|1000}} du roi pour la dédicace ajoutée à l'impression<ref>Georges Forestier 2006, {{p.|282}}.</ref>. Le poète gagne ainsi une fortune ample et, surtout, stable : outre les gratifications royales, il recueille du bénéfice d'Anjou, hérité d'Antoine Sconin, entre 300 et 500 livres annuelles, soit en tout {{nombre|1300}} livres fixes<ref>Georges Forestier, 2006, {{p.|283}}.</ref>. Il hérite également de quelques terres à la mort de son grand-père Pierre Sconin en 1667. Dès 1666, la richesse permet à Racine de se consacrer entièrement et librement à l'écriture.
 
Le jeune dramaturge se lie, au milieu des années 1660, à [[Mademoiselle Du Parc|Mademoiselle du Parc]]<ref>{{Référence Harvard sans parenthèsessfn|Alain Viala|1990|p=90, 123-125, 162, 213}}</ref>. Comédienne de la troupe de [[Molière]] au [[Théâtre du Palais-Royal (1641–1781)|Palais-Royal]], elle avait épousé [[Du Parc (acteur)|René Berthelot, dit du Parc]], lui aussi comédien, en 1653. Plus célèbre pour sa beauté que pour ses talents dramatiques, elle recueille les vers galants de toute la société littéraire parisienne. Veuve en 1664, elle commence à fréquenter Racine, dont elle devient la maîtresse, en 1665 à la faveur de la création d'''[[Alexandre le Grand (Racine)|Alexandre le Grand]]''<ref>L'actrice joue alors Axiane.</ref>. Probablement par une action de Racine, {{Mlle}} du Parc quitte en 1667 la troupe de Molière, dans laquelle elle restait souvent limitée aux seconds rôles, pour celle de l'[[Hôtel de Bourgogne (Paris)|hôtel de Bourgogne]]<ref>Georges Forestier 2006, {{p.|283}}.</ref>.
 
Une longue période d'inactivité suit ''[[Alexandre le Grand (Racine)|Alexandre le Grand]]'' : presque deux années entières séparent sa création en {{date-|décembre 1665}} de celle d'''[[Andromaque (Racine)|Andromaque]]'' en {{date-|novembre 1667}}. L'inactivité d'un auteur au succès encore jeune, susceptible d'être oublié, est d'autant plus étonnante qu'il s'abstient tout à fait de célébrer par la plume, comme la majorité des poètes de la [[Cour de France|cour]] en 1667, les campagnes de la [[guerre de Dévolution]]. Si [[Nicolas Boileau|Boileau]] affirme que Racine "fit le rôle d'[[Andromaque]]" pour {{Mlle}} du Parc<ref>Citation rapportée par Mathieu Marais, ''Recueil des Mémoires touchant la vie de Boileau-Despréaux''</ref>, le délai est probablement moins dû à l'amour qu'à la diffusion en 1666 de la ''Dissertation sur le Grand Alexandre'' de [[Charles de Saint-Évremond|Saint-Évremond]]. Cette lettre, diffusée dans les salons dès la publication d{{'}}''[[Alexandre le Grand (Racine)|Alexandre]]''',''''' est particulièrement critique de la pièce de Racine, accusé de trahir et méconnaître l'[[Antiquité]]. L'ancien élève de [[Port-Royal des Champs|Port-Royal]], notablement savant en grec et latin, souhaite certainement répondre à l'attaque en choisissant, composant et rédigeant avec minutie sa prochaine pièce pour satisfaire la société littéraire la plus exigeante<ref>Georges Forestier 2006, {{p.|290}}.</ref>. Le sujet d'[[Andromaque]] et du meurtre de [[Pyrrhus Ier|Pyrrhus]] par [[Oreste]], tiré de [[Iliade|l{{'}}''Iliade'']] d'[[Homère]], des [[Les Troyennes|''Troyennes'']] d'[[Euripide]] et de [[Énéide|l{{'}}''Énéide'']] de [[Virgile]], lui donne l'occasion de montrer sa maîtrise de la langue, des textes et de l'histoire grecs tout en préservant le genre [[Galanterie|galant]] qui avait fait le succès d{{'}}''[[Alexandre le Grand (Racine)|Alexandre le Grand]].'' Le succès de la pièce est aussi préparé par de nombreuses lectures publiques dans les [[Salon littéraire|salons]]. Racine soumet notamment son texte à [[Henriette d'Angleterre]], qui "honore de quelques larmes" sa lecture<ref>La formule est donnée par Racine dans la dédicace qu'il porte à la princesse dans la première édition d'''Andromaque'' (1668).</ref>, émet à l'auteur quelque suggestion, et assure la création de la pièce à la [[Cour de France|cour]] plutôt qu'au théâtre, distinction rare. Ces lectures, l'approbation de Madame, la création curiale font naître une attente qui précipite le succès de la pièce<ref>Georges Forestier 2006, {{p.|292-295}}.</ref>.
 
==== « La révolution<ref>La formule est de {{Référence Harvard sans parenthèsesharvsp|Georges Forestier|2006|p=297}}.</ref>» ''[[Andromaque (Racine)|Andromaque]]'' (1667) ====
La création d'''[[Andromaque (Racine)|Andromaque]]'' en {{date-|novembre 1667}} marque un bouleversement dans la carrière et l'œuvre de Racine, et a été décrite comme une rupture dans l'histoire du [[théâtre classique]]{{sfn|Meyer|2005|p=210}}{{,}}{{sfn|Viala|2009|p=211}}{{,}}{{sfn|Viala|2017|p=59}}. Dans ses deux premières pièces créées, ''[[La Thébaïde (Racine)|La Thébaïde]]'' et ''[[Alexandre le Grand (Racine)|Alexandre le Grand]]'' Racine emprunte une conception de la tragédie héritée de [[Pierre Corneille|Corneille]]. Celui-ci, dans son ''Discours de l'utilité et des parties du poème dramatique'', en 1660, avait théorisé le rapport de la politique et de l'amour (la "[[galanterie]]") dans les tragédies, la seconde n'étant autorisée que si elle occupe un rôle second à l'[[héroïsme]] politique et est soumise à celui-ci. Pour Corneille, la primauté de l'amour relève du registre de la [[comédie]] plutôt que de la tragédie. ''[[La Thébaïde (Racine)|La Thébaïde]]'' et ''[[Alexandre le Grand (Racine)|Alexandre le Grand]]'' jouent de ce dualisme, cherchant à faire cohabiter également galanterie et enjeu politique{{sfn|Forestier|2006|p=297-298}}.
 
La nouveauté d{{'}}''Andromaque'' est de s'extraire du dualisme [[Pierre Corneille|cornélien]]. Après le succès d{{'}}''[[Alexandre le Grand (Racine)|Alexandre le Grand]]'', fondé sur son intrigue amoureuse, Racine ne peut pas négliger l'amour. ll en fait le seul moteur d{{'}}''Andromaque'', mais évite la simple comédie galante en allant chercher dans l'amour les passions fondamentales du théâtre tragique, que Corneille pensait réservées à l'héroïsme politique. L'enchaînement des passions amoureuses contradictoires de [[Néoptolème|Pyrrhus]], [[Andromaque]], [[Oreste]] et [[Hermione (mythologie)|Hermione]]<ref>Alain Viala note toutefois que ce schéma de chaine d'amours malheureux n'est pas une nouveauté d'''Andromaque'' : ''Alexandre le Grand'' porte une même structure galante. {{harvsp|Viala|1990|p=119}}.</ref> pousse le désastre final, le meurtre de Pyrrhus par Oreste sous l'injonction d'Hermione, qui n'a pas d'autre motif que la tension des passions amoureuses. Cette "révolution" a souvent fait dire aux critiques "qu'''Andromaque'' est la première tragédie véritablement racinienne : après une première tragédie où l'amour était dissocié du tragique et rejeté au second plan, après ''Alexandre'' où l'amour passait au premier plan et exténuait le tragique, ''Andromaque'' développe une action dans laquelle le tragique réside dans les conséquences destructrices de la passion amoureuse{{sfn|Forestier|2006|p=298}}".
La création d'''[[Andromaque (Racine)|Andromaque]]'' en {{date-|novembre 1667}} marque un bouleversement dans la carrière et l'œuvre de Racine, et a été décrite comme une rupture dans l'histoire du [[théâtre classique]]<ref>{{Référence Harvard sans parenthèses|Michel Meyer|2005|p=210}}</ref>{{,}}<ref>{{Référence Harvard sans parenthèses|Alain Viala|2009|p=211}}</ref>{{,}}<ref>{{Référence Harvard sans parenthèses|Alain Viala|2017|p=59}}</ref>. Dans ses deux premières pièces créées, ''[[La Thébaïde (Racine)|La Thébaïde]]'' et ''[[Alexandre le Grand (Racine)|Alexandre le Grand]]'' Racine emprunte une conception de la tragédie héritée de [[Pierre Corneille|Corneille]]. Celui-ci, dans son ''Discours de l'utilité et des parties du poème dramatique'', en 1660, avait théorisé le rapport de la politique et de l'amour (la "[[galanterie]]") dans les tragédies, la seconde n'étant autorisée que si elle occupe un rôle second à l'[[héroïsme]] politique et est soumise à celui-ci. Pour Corneille, la primauté de l'amour relève du registre de la [[comédie]] plutôt que de la tragédie. ''[[La Thébaïde (Racine)|La Thébaïde]]'' et ''[[Alexandre le Grand (Racine)|Alexandre le Grand]]'' jouent de ce dualisme, cherchant à faire cohabiter également galanterie et enjeu politique<ref>{{Référence Harvard sans parenthèses|Georges Forestier|2006|p=297-298}}.</ref>.
 
La nouveauté d{{'}}''Andromaque'' est de s'extraire du dualisme [[Pierre Corneille|cornélien]]. Après le succès d{{'}}''[[Alexandre le Grand (Racine)|Alexandre le Grand]]'', fondé sur son intrigue amoureuse, Racine ne peut pas négliger l'amour. ll en fait le seul moteur d{{'}}''Andromaque'', mais éviter la simple comédie galante en allant chercher dans l'amour les passions fondamentales du théâtre tragique, que Corneille pensait réservées à l'héroïsme politique. L'enchaînement des passions amoureuses contradictoires de [[Néoptolème|Pyrrhus]], [[Andromaque]], [[Oreste]] et [[Hermione (mythologie)|Hermione]]<ref>Alain Viala note toutefois que ce schéma de chaine d'amours malheureux n'est pas une nouveauté d'''Andromaque'' : ''Alexandre le Grand'' porte une même structure galante. {{Référence Harvard sans parenthèses|Alain Viala|1990|p=119}}.</ref> pousse le désastre final, le meurtre de Pyrrhus par Oreste sous l'injonction d'Hermione, qui n'a pas d'autre motif que la tension des passions amoureuses. Cette "révolution" a souvent fait dire aux critiques "qu'''Andromaque'' est la première tragédie véritablement racinienne : après une première tragédie où l'amour était dissociée du tragique et rejeté au second plan, après ''Alexandre'' où l'amour passait au premier plan et exténuait le tragique, ''Andromaque'' développe une action dans laquelle le tragique réside dans les conséquences destructrices de la passion amoureuse<ref>{{Référence Harvard sans parenthèses|Georges Forestier|2006|p=298}}</ref>".
 
[[Fichier:Andromaque 1668 title page.JPG|vignette|Frontispice de la première édition d'''Andromaque'' (1668)]]
 
Racine se fonde sur l{{'}}''[[Énéide]]'' de [[Virgile]] et [[Andromaque (Euripide)|''Andromaque'']] d'[[Euripide]], et assure être strictement fidèle à ceux-ci, citant pour preuve l'''Énéide'' en épitaphe de la pièce publiée<ref>Racine, ''[[Andromaque (Racine)|Andromaque]]'', Paris, chez Théodore Girard, 1668, Préface.</ref>. Il renverse pourtant l'histoire des amours de [[Pyrrhus Ier|Pyrrhus]], d'[[Andromaque]] et d'[[Hermione (mythologie)|Hermione]]. Dans les sources antiques, Pyrrhus est d'abord lié à Andromaque, qu'il répudie pour épouser Hermione ; [[Oreste]] le fait tuer pour enlever Hermione dont il est épris. Pour adapter l'histoire aux canons de la [[Théâtre classique|tragédie classique]], Racine en renverse la logique pour former une chaîne amoureuse à sens unique : Oreste aime Hermione, fiancée à Pyrrhus, qui aime Andromaque, qui ne veut que protéger son fils [[Astyanax]]. L’arrivée d’Oreste à la cour marque le déclenchement d’une réaction qui, de maille en maille, va faire exploser la chaîne en la disloquant : le meurtre de Pyrrhus n'est en cela plus un simple acte de jalousie, mais un acte de délégation amoureuse d'Hermione à Oreste, trompé par son amour. Si Racine semble ainsi trahir ses modèles antiques, il adapte son sujet au goût galant de son public pour assurer sa notoriété encore jeune, en plaçant au centre du dénouement les contradictions passionnelles<ref>{{Référence Harvard sans parenthèsessfn|Georges Forestier|2006|p=299-302}}.</ref>.
 
Mais si Racine s’éloigne pour l’intrigue de ses sources antiques, il calque les types de personnages sur la poésie [[Élégie|élégiaque]] latine qu'il a étudiée à [[Port-Royal des Champs|Port-Royal]]. Il s’inspire en particulier des ''[[Héroïdes|Lettres des héroïnes]]'' d’[[Ovide]], dont la huitième évoque les amours d’[[Hermione (mythologie)|Hermione]] et d’[[Oreste]]. Le personnage d’[[Andromaque (Racine)|Andromaque]] suit le type de l’ "héroïde" ovidienne, dont il peut être considéré une réécriture ou un exercice d’[[éthopée]]<ref>{{Référence Harvard sans parenthèsessfn|Georges Forestier|2006|p=303-304}}</ref>{{,}}<ref>{{Référence Harvard sans parenthèsessfn|Jean Rohou|1992|p=184-186}}.</ref>. Celui d’[[Hermione (mythologie)|Hermione]], pareillement ovidien, s’éloigne en cela du type [[Pierre Corneille|cornélien]] de la princesse tragique soumise à son devoir politique et à sa gloire. Cette conception des personnages a souvent passé pour une innovation et a pu faire dire aux [[Critique littéraire|critiques]] que Racine avait introduit dans la littérature française le [[Naturalisme (littérature)|naturalisme psychologique]], comme représentation réaliste des passions et de l’intériorité. S’il introduit effectivement une rhétorique de "la nature toute nue<ref>{{Référence Harvard sans parenthèsessfn|Georges Forestier|2006|p=305}}.</ref>" qui pose les personnages comme naturels plutôt qu’idéaux, il ne la tire pas de ses propres passions, comme ont pu le suggérer les historiens [[Romantisme|romantiques]], mais des modèles littéraires qu’il cherche à égaler<ref>{{Référence Harvard sans parenthèsessfn|Georges Forestier|2006|p=305-306}}.</ref>.
 
''Andromaque'' rencontre immédiatement un succès considérable. La pièce est représentée à la [[Cour de France|cour]] le {{date-|18 novembre 1667}}, puis est donnée à [[Paris]] le lendemain. Elle reste au programme de l’[[Hôtel de Bourgogne (Paris)|hôtel de Bourgogne]] près de trois mois, soit une trentaine de représentations, durée et nombre rares. [[Mademoiselle Du Parc|{{Mlle}} Du Parc]] joue Andromaque, [[Floridor]] Pyrrhus, [[Claude de Vin des Œillets|{{Mlle}} Des Œillets]] Hermione et [[Montfleury]] Oreste<ref>{{Référence Harvard sans parenthèsessfn|Georges Forestier|2006|p=306-307}}</ref>{{,}}<ref>{{Référence Harvard sans parenthèsessfn|Jean Rohou|1992|p=235}}.</ref>. Montfleury meurt en {{date-|décembre 1667}} à l'issue d'une représentation d'''Andromaque'', la rumeur prêtant la cause du décès à la dernière tirade d'Oreste, qu'il aurait déclamée de manière particulièrement vive<ref>L'idée court dès l'annonce de sa mort, et acquiert un large écho par son évocation dans ''Le Parnasse réfomé'' de [[Gabriel Guéret]] (1668), qui soutient que Montfleury est mort "point […]de la [[fièvre]], de l’[[hydropisie]] ou de la [[Goutte (maladie)|goutte]], mais […] d'''Andromaque''". Voir [[Georges Mongrédien]], ''La Vie quotidienne des comédiens au temps de Molière'', Paris, Librairie Hachette, 1966, {{p.|77-78}}.</ref>.
 
Racine demande vite un [[Privilège (livre)|privilège d'impression]] de cinq ans, qu'il obtient le {{date-|28 décembre 1667}}, et l'apporte au libraire Théodore Girard, qui avait déjà imprimé ''Alexandre le Grand''. Girard, probablement d'intelligence avec l'auteur, obtient l'aide de [[Claude Barbin (libraire)|Claude Barbin]] et Thomas Jolly; ils semblent ainsi chercher à publier la pièce le plus rapidement possible, en utilisant les presses de trois librairies et en commençant l'impression avant même que le privilège ne soit reçu<ref>{{Référence Harvard sans parenthèsessfn|Georges Forestier|2006|p=310}}.</ref>. Cette pratique tranche avec l'usage des dramaturges, qui laissent parfois passer plusieurs mois entre la fin des représentations d'une pièce et son impression. L'ouvrage paraît vraisemblablement au milieu du mois de {{date-|janvier 1668}}.
 
Cette précipitation trahit une stratégie commerciale, mais est aussi motivée par le désir de Racine de répondre à ses contradicteurs. ''AlexandreAndromaque'' fait l'objet de vives critiques, notamment de la part de grandgrands seigneurseigneurs de la Cour, dont le [[Charles III de Créquy|duc de Créqui]], le comte de Colonne ou le [[Louis II de Bourbon-Condé|prince de Condé]], qui critiquent en la figure de [[Pyrrhus Ier|Pyrrhus]] la faiblesse amoureuse et la violence excessive<ref>{{Référence Harvard sans parenthèsessfn|Georges Forestier|2006|p=310-311}}.</ref>. Une version non confirmée prétend que [[Nicolas Boileau|Boileau]] attaqueaurait également critiqué le personnage de Pyrrhus<ref>Il aurait qualifié le personnage de "héros à la [[Madeleine de Scudéry|Scudéry]]" (''Ana, ou Collection de bons mots'', Amsterdam et Paris, Belin, an VIII, {{t.|X}}, {{p.|385}})</ref>. Racine répond d'abord par deux [[épigramme]]s qui circulent anonymement à Paris les semaines qui suivent la création d'''Andromaque'', insultant ''[[Argumentum ad hominem|ad hominem]]'' d'Olonne et Créqui.
{{Boîte déroulante|titre=Épigrammes de Racine sur les critiques d'''Andromaque'' (1667)|contenu=''Premier épigramme''
 
Ligne 198 ⟶ 202 :
N’en déplaise a Créqui je suis son serviteur
 
S’il le fait mieux que lui je l’irai dire a Rome<ref>Racine fait ici référence à l'ambassade du duc de Créqui à Rome en 1662, durant laquelle un [[incident diplomatique]] avait obligé le duc à quitter la ville, attaqué par les [[Garde suisse|gardes suisses du Pape]].</ref>.|alignB=center|largeur=70%}}Le dramaturge adresse publiquement ses critiques dans la dédicace et la préface de la première édition de la pièce. Il y joue des hiérarchies sociales de la [[Cour de France|cour]], en rappelant que le roi et la reine, arbitre du goût, apprécient tous deux ses pièces : le premier en soutenant ''Alexandre le Grand'', la seconde en adoubant par des larmes le manuscrit d{{'<nowiki/>}}''Andromaque''. Il affirme avoir été fidèle à ses modèles antiques, et s'appuie sur Aristote pour justifier la faiblesse de ces personnages : contre une conception [[héroïque]] de la [[tragédie]], il soutient que le tragique ne peut naître que de la faute de héros imparfaits, "ni tout à fait bons, ni tout à faits méchants<ref>Pléiade, I, {{p.|197}}</ref>". Racine commence ainsi à répudier la [[Pierre Corneille|tragédie cornélienne]].
 
La polémique d{{'}}''Andromaque'' est vive. Une pièce, représentée en 1668, achève de l'aviver. ''La Folle querelle ou la critique d'Andromaque'', composée par [[Adrien-Thomas Perdou de Subligny]] et créée par [[Molière]] au [[Théâtre du Palais-Royal (1641–1781)|Palais-Royal]] en {{date-|mai 1668}}, prend précisément pour sujet la pièce ''Andromaque'' et la querelle qu'elle suscite, en ramassant l'ensemble des critiques. Il a parfois été avancé que Subligny écrit sous commande de Molière, voire que celui-ci a lui-même écrit la pièce<ref>Suligny suggère et rappelle lui-même cette attribution dans la préface de la pièce.</ref>. Auteur ou non, Molière trouve une forme de revanche sur Racine en créant la pièce avec sa troupe<ref>{{Référence Harvard sans parenthèsessfn|Georges Forestier|2006|p=315}}</ref> et quoique les recettes soient maigres, il prolonge les représentations jusqu'au mois de juillet. ''La Folle querelle'' reprend la forme des petites comédies satiriques apparues pour la querelle de [[l'École des femmes|l{{'}}''École des femmes'']] en 1663, qui avaient pris pour principe de placer la louange de la pièce en question dans la bouche de personnages ridicules, et la critique dans celle de personnages nobles. Les attaques portent sur la composition et la versification d'''Andromaque'', sur l'attitude morale des personnages<ref>La critique de la versification est concentrée dans les trois actes de la pièce, celle de la morale dans la préface. {{Référence Harvard sans parenthèsesharvsp|Georges Forestier|2006|p=316-317}}.</ref>, et visent à abaisser la plume de Racine en imaginant ce que [[Pierre Corneille|Corneille]] aurait composé sur le même sujet. La pièce de Subligny manque toutefois largement son objectif polémique en ne rencontrant qu'un succès médiocre.
 
Au contraire, le fait d'opposer Racine à [[Pierre Corneille|Corneille]] souligne un jugement alors ubiquiste : dès sa troisième tragédie, le très jeune auteur réussit à approcher les pièces de celui consacré par le public, la critique et le roi comme le meilleur dramaturge français. La référence à Corneille est fréquente dès les premières représentations d'''Andromaque'' : le public, et dans celui-ci les critiques comme [[Charles de Saint-Évremond|Saint-Évremond]], voit en Racine un successeur, plutôt qu'un concurrent, à l'auteur vieillissant<ref>{{Référence Harvard sans parenthèsessfn|Georges Forestier|2006|p=319}}.</ref>.
 
Le succès d'''[[Andromaque (Racine)|Andromaque]]'' apporte à Racine une fortune considérable. En 1668, dans le même temps qu'il hérite de terres de son grand-père Sconin, il reçoit de la troupe de l'[[Hôtel de Bourgogne (Paris)|hôtel de Bourgogne]] environ {{nombre|4500 [[Livre (monnaie)|livres]]}}<ref>{{Référence Harvard sans parenthèsesharvsp|Georges Forestier|2006|p=321-322}}. Des biographes antérieurs ont estimé cette somme à environ {{nombre|2000 |livres}}, en confondant selon Forestier les avances sur recettes et les recettes véritables.</ref>. En conséquence, le dramaturge fait en {{date-|mars 1668}} un premier placement, en remboursant la somme de {{nombre|2800 |livres}} due par l'un de ses proches à son cousin Nicolas Vitart et à la sœur de celui, {{Mme}} de Sacy, contre une rente annuelle de 390 livres<ref>{{Référence Harvard sans parenthèsessfn|Raymond Picard|1976|p=44}}</ref>. Pour autant, il ne dilapide pas sa jeune fortune ; son premier souci est de garantir sa sécurité financière future pour assurer sa carrière d'écrivain<ref>Des critiques ont voulu voir dans plusieurs achats pour la fille de {{Mlle}} du Parc (la pension de sa nourrice et des cordes de [[luth]] ; actes citées dans {{Référence Harvard sans parenthèsesharvsp|Louis Vaunois|1964|p=199-200}}) des dépenses somptuaires liés à un nouveau train de vie crypto-aristocratique. Selon Georges Forestier, l'image de l'actrice entretenue par son riche amant relève d'une téléologie du théâtre du {{s-|XIX|e}}, ces achats étant probablement de simples cadeaux à l'enfant ({{Référence Harvard sans parenthèsesharvsp|Georges Forestier|2006|p=323}}).</ref>. Racine possède alors des revenus fixes de {{nombre|1700 |livres}} par an<ref>{{Référence Harvard sans parenthèsessfn|Georges Forestier|2006|p=323-324}}</ref>.
 
==== Asseoir une carrière : ''[[Les Plaideurs]]'', essai comique ====
[[Fichier:Les Plaideurs, Racine, frontispice 1669.jpg|vignette|Frontispice de l'édition princeps des ''[[Les Plaideurs|Plaideurs]]'', 1669.]][[Fichier:Racine - Les Plaideurs, Barbin, 1669.djvu.jpg|vignette|Dernier paragraphe de la préface de la première édition des ''[[Les Plaideurs|Plaideurs]]'', accusant les comédies de [[Molière]] de grivoiserie.]]Cette fortune permet à Racine de consacrer du temps à l'écriture d'une nouvelle pièce. L'enjeu de l'écriture est aussi grand que la querelle d'''Andromaque'' a été vive : le public attend avec impatience une nouvelle pièce de celui qui passe pour un nouveau [[Pierre Corneille|Corneille]]<ref name="Viala p125">{{Référence Harvard sans parenthèsesharvsp|Alain Viala|1990|p=125}}</ref>{{,}}<ref name="Forestier p324">{{Référence Harvard sans parenthèsesharvsp|Georges Forestier|2006|p=324}}</ref>. Racine travaille dès le printemps 1668 à une tragédie, ''[[Britannicus (Racine)|Britannicus]]''. Avant de l'achever, il joue toutefois une autre pièce, qui a souvent passé, dans l'[[historiographie]], pour un "accident<ref name="Viala p125" />{{,}}<ref name="Forestier p324" />". ''[[Les Plaideurs]]'' constituent l'unique comédie de Racine. Son processus de composition est entièrement inconnu. Elle est créée à l'[[Hôtel de Bourgogne (Paris)|hôtel de Bourgogne]], probablement la deuxième semaine de {{date-|novembre 1668}} ; le [[Privilège (livre)|privilège]] est accordé le {{date-|5 décembre}}. Les représentations de cette comédie n'ont laissé que très peu de témoignages : seulement sait-on qu'elle a été jouée à [[Château de Versailles|Versailles]] à la fin de l'année. Cette lacune a nourri des légendes vives sur cette pièce, décrite comme un franc échec par les biographes des [[XVIIIe siècle|{{XVIIIe}}]] et [[XIXe siècles2|{{XIXeXVIII|XIX}} siècles]]<ref>Valincour, successeur de Racine comme historiographe du roi, a notamment forgé l'idée de l'échec des ''Plaideurs'', à partir d'une allusion cryptique du dramaturge. Histoire ''de I’Académie française depuis 1652 jusqu’en 1700'' de I’[[Pierre-Joseph Thoulier d'Olivet|abbé d’Olivet]] (éd. in-8°, 1743, {{p.|368-369}}).</ref> : il a été avancé que Racine compose ''les Plaideurs'' au cabaret avec [[Nicolas Boileau|Boileau]] et [[Antoine Furetière|Furetière]], ou encore que l'idée d'une comédie judiciaire lui viennent du procès dans lequel il a été engagé au sujet de son bénéfice ecclésiastique, comme une forme de sublimation par écrit d'un échec en cour de justice<ref>{{Référence Harvard sans parenthèsesharvsp|Georges Forestier|2006|p=326-328}}. Cette anecdote est reprise de Valincour, sans critique, par Louis Racine.</ref>.
 
Il est plus probable que la pièce soit une forme de commande de l'[[Hôtel de Bourgogne (Paris)|hôtel de Bourgogne]] à Racine. La troupe essaie alors de capter une partie du succès des comédies de la troupe de [[Molière]], concurrente, en commandant des [[comédie]]s aux auteurs, usuellement portés vers la [[tragédie]]<ref>Un passage de ''La Promenade de Saint-Cloud'' de [[Gabriel Guéret]], en 1669, éclaire ces essais comiques de l'hôtel de Bourgogne. Voir {{Référence Harvard sans parenthèsesharvsp|Raymond Picard|1976|p=51-52}}.</ref>. ''[[Les Plaideurs]]'' fait probablement partie de ces tentatives comiques. Il est aussi possible que Racine trouve dans la [[Traité d'Aix-la-Chapelle (1668)|paix d'Aix-la-Chapelle]] un contexte favorable à la comédie, comme une forme de célébration pacifique opposée à la tragédie guerrière<ref>{{Référence Harvard sans parenthèsessfn|Georges Forestier|2006|p=330-333}}.</ref>. La réponse positive de Racine à l'invitation de l'hôtel constitue encore une attaque contre Molière. L'affront est double : il se place sur le terrain privilégié par le comique, et il vise à montrer que Racine peut exceller dans les deux genres comiques et tragiques, Molière étant réputé incapable de composer pour le second. La préface de la première édition, en 1669, reprend contre Molière, sans le nommer expressément, une attaque fréquente depuis la querelle de l'[[L'École des femmes|'''École des femmes'']] en 1663, l'accusant d'avoir réintroduit dans le théâtre des thèmes grivois hérités de la farce de rue, que la génération précédente d'auteurs s'était échinée à supprimer.
 
''[[Les Plaideurs]]'' sont une comédie judiciaire. La moquerie de la justice est en 1668 un sujet en vogue. En mai, une pièce italienne, ''Le Régal des dames'', qui se termine par une parodie de procès, triomphe à Paris. Racine prétend dans la préface avoir voulu longtemps avant ''Le Régal des dames'', transposer ''[[Les Guêpes]]'' d'Aristophane, qui évoque les dérives des juges, pour le plus célèbre des [[Théâtre italien de Paris|comédiens italiens de Paris]], [[Tiberio Fiorilli, dit Scaramouche|Scaramouche]], avant que le départ de celui-ci en {{date-|avril 1668}} ne l'oblige à adapter la pièce pour l'hôtel de Bourgogne. Il semble avoir inventé cette prétention pour donner légitimité à sa pièce, supposément composée avant cette mode<ref>{{Référence Harvard sans parenthèsessfn|Georges Forestier|2006|p=333-336}}</ref>. En outre, le thème judiciaire est omniprésent dans la société parisienne depuis plusieurs années. La critique de la "chicane" [[Parlement de Paris|parlementaire]] est un lieu commun littéraire, récemment exprimé dans le ''Roman bourgeois'' de [[Antoine Furetière|Furetière]] en 1666, dont ''Les Plaideurs'' s'inspire aussi<ref name="Viala p126">{{Référence Harvard sans parenthèsesharvsp|Alain Viala|1990|p=126}}</ref>. Dès 1665, [[{{souverain2|Louis XIV]]}} ébauche de profondes réformes judiciaires, qui aboutissent en 1667 à [[Ordonnance de Saint-Germain-en-Laye|l'ordonnance de Saint-Germain-en-Laye]], premier acte du [[Code Louis]]. Le thème judiciaire est aussi un moyen, aux dépens des [[Parlement de Paris|parlementaires]], de cultiver les faveurs royales<ref>{{Référence Harvard sans parenthèsessfn|Alain Viala|1990|p=125-127}}</ref>.
 
Autant de raisons pour Racine de tenter une pièce comique, sur un sujet en vogue, qui trouverait facilement un public. Comme pour ses précédents écrits, il masque cette préoccupation récente sous une référence à l'[[Antiquité]]. ''[[Les Plaideurs]]'' sont présentées comme la première traduction des ''[[Les Guêpes|Guêpes]]'' d'[[Aristophane]]. La mode judiciaire a pu rappeler à l'ancien élève de [[Port-Royal des Champs|Port-Royal]], nourri de littérature antique, cette pièce représentant un juge fou, lui-même enfermé, jugeant le procès d'un chien voleur. Aristophane est une référence en même temps qu'un argument : Racine montre qu'il maîtrise profondément les textes antiques, garants des [[Canon#Règle au sens large|canons]], et en épurant la pièce de ses grivoiseries, qu'il est aussi le seul à pouvoir comprendre l'essence du comique antique et à l'adapter à la [[Règles du théâtre classique|bienséance]] du public parisien de son époque<ref>{{Référence Harvard sans parenthèsessfn|Georges Forestier|2006|p=336}}</ref>. Avec cette distance antique, Racine peut ainsi à la fois asseoir sa place dans la société littéraire, et faire la cour au roi réformateur. Faisant cela, il moque aussi ses anciens maîtres de [[Port-Royal des Champs|Port-Royal]], issus des milieux [[Parlement de Paris|parlementaires]], souvent avocats eux-mêmes, qui avaient poussé le jeune homme vers une carrière judiciaire ; les parodies de plaidoiries à la fin de la pièce moquent celles d'[[Antoine Le Maistre|Antoine le Maistre]]<ref name="Viala p126" />.
 
''[[Les Plaideurs]]'' sont pourtant une adaptation très libre des ''[[Les Guêpes|Guêpes]]''. La grivoiserie et la complexité de la pièce d'[[Aristophane]] pousse Racine à simplifier à l'extrême la trame narrative, ne conservant en trois actes que la situation initiale (un juge fou, Dandin) et une action unique (le procès d'un chien). Il ajoute également une intrigue amoureuse entre le fils du juge, Léandre et une jeune fille, Isabelle, jalousement gardée par un père, Chicanneau, accordant la pièce aux canons de la comédie d'intrigue italienne. La pièce relève de la [[Farce (théâtre)|farce]], qui repose essentiellement sur le comique verbal plutôt<ref>{{Référence Harvard sans parenthèsessfn|Georges Forestier|2006|p=336-339}}</ref>. Une anecdote des ''[[Gilles Ménage (grammairien)|Menagiana]]'' rapporte que Corneille aurait été irrité par la parodie d'un des vers du ''[[Le Cid (Corneille)|Cid]]'' dans la pièce, déclarant : "Quoi ?, […] ne tient-il qu’à un jeune homme, de venir tourner en ridicule les plus beaux vers des gens ?"<ref>''Menagiana, ou Les bons mots et remarques critiques, historiques, morales et d'érudition de M. Ménage. Tome 3'', Paris, chez Florentin Delaulne, 1715, p,.306-307. [https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6221738d/f323.image Voir sur Gallica]</ref>. Ce mot est probablement [[Apocryphe (littérature et art)|apocryphe]] ou [[Hyperbole (rhétorique)|exagéré]], la parodie du ''Cid'' étant depuis longtemps un lieu commun de la comédie ; il a pu servir à appuyer l'idée d'un conflit et d'une concurrence, fantasmés, entre Corneille et Racine<ref>{{Référence Harvard sans parenthèsessfn|Georges Forestier|2006|p=339-340}}</ref>. ''Les Plaideurs'', pièce [[burlesque]], "comédie à sketches<ref name="Viala p126" />" rencontre un succès vif au moment de sa création, et, jusqu'au [[XIXe siècle|{{s-|XIX|e}}]], reste la pièce de Racine la plus jouée, avant d'être négligée comme "accident" dans son œuvre tragique.
 
Après ''Les Plaideurs'', Racine voit sa fortune encore augmentée. Les pensions royales de 1667 et 1668, accordées par [[Jean-Baptiste Colbert|Colbert]] , sont payées à dix jours d'intervalle à la fin de l'année 1668. Si la première pension, de 800 [[Livre (monnaie)|livres]], est toujours accordée en vertu des [[ode]]s royales écrites au début des années 1660, la seconde augmente considérablement pour atteindre {{nombre|1200 |livres}} et, pour la première fois, est accordée "en considération (…) des Pièces de Théâtre qu'il donne au public<ref>{{Référence Harvard sans parenthèsessfn|Raymond Picard|1976|p=50}}</ref>". Racine est ainsi reconnu et soutenu par la monarchie, son mécène, comme homme de théâtre<ref>{{Référence Harvard sans parenthèsessfn|Georges Forestier|2006|p=344-345}}</ref>.
 
Le {{date-|11 décembre 1668}}, [[Mademoiselle Du Parc|{{Mlle}} Du Parc]] meurt brutalement, des suites d'une [[fausse couche]] ou d'un [[avortement]]<ref>{{Référence Harvard sans parenthèsessfn|Georges Forestier|2006|p=341-342}}</ref>. De nombreuses légendes ont pris pour objet, longtemps après ce décès, ou bien le désespoir de Racine, ou bien sa responsabilité. Plus d'une décennie plus tard, pendant [[Affaire des poisons|l'affaire des poisons]], [[la Voisin]] a en effet prétendu que Racine avait fait [[Empoisonnement|empoisonner]] sa maîtresse par jalousie. D'une part, si de nombreux hommes de la bonne société parisienne prétendent à la main de la Marquise, ces prétentions sont toujours unilatérales. D'autre part, les accusations sont vite réfutés par les enquêteurs, la Voisin jouant de l'[[homonymie]] de l'actrice avec une réelle victime de l'affaire des poisons. Si l'empoisonneuse a effectivement fréquenté l'actrice, ce qui n'est pas assuré, il est fortement probable que ce soit comme avorteuse, rôle premier de la Voisin<ref>{{Référence Harvard sans parenthèsessfn|Georges Forestier|2006|p=342}}</ref>.

Il a aussi été suggéré que {{Mlle}} du Parc et Racine ont enfanté une fille, Jeanne-Thérèse née en 1667{{date-|mai 1668}}, morte à huit ans, dont la parenté a été gardée secrète<ref>{{Référence Harvard sans parenthèsessfn|Alain Viala|1990|p=124-125}}</ref>, et dont Racine n'est apparu officiellement (acte de baptême du {{date-|12 mai 1668}}) que comme le parrain, tandis que l'une des filles de Marquise, représentant sa mère, était la marraine (l'enfant portant les prénoms de Racine et de Marquise-Thérèse Du Parc). Cette insinuationsuggestion est fondée sur le témoignage, rapporté, d'un des fils du poète, [[Jean-Baptiste Racine]]<ref>{{Référence Harvard sans parenthèsessfn|Louis Vaunois|1964|p=199-200}}</ref>, et le secret est renduerendu plausible par la situation du couple : {{Mlle}} du Parc, veuve, ne peut reconnaître sans scandale une fille naturelle, et Racine, bénéficiaire ecclésiastique, protégé de la famille royale, en conflit avec Port-Royal, ne peut le faire sans perdre sa carrière si ambitieusement menée<ref name="Viala p125" />{{,}}<ref>{{Référence Harvard sans parenthèsessfn|Georges Forestier|2006|p=343-344}}</ref>. Georges Forestier, dans son ''Jean Racine'' ({{p.|343-344}}) s'est employé longuement à démontrer la plausibilité de cette affirmation. Elle permet de comprendre en outre la mort de Marquise, de fausse-couche ou de tentative d'avortement, sept mois seulement après la naissance de Jeanne-Thérèse.
 
==== ''[[Britannicus (Racine)|Britannicus]]'' : contre [[Pierre Corneille|Corneille]] (1669) ====
Au tournant des années 1668 et 1669, Racine travaille à l'écriture d'une nouvelle tragédie, ''[[Britannicus (Racine)|Britannicus]]'', que l'essai comique des ''[[Les Plaideurs|Plaideurs]]'' avait ralenti. L'attente du public est grande, à la suite du triomphe d'''[[Andromaque (Racine)|Andromaque]]''. Après avoir investi le terrain de prédilection de [[Molière]], la comédie, Racine attaque celui de [[Pierre Corneille|Corneille]], la tragédie romaine. Il cherche ainsi à asseoir sa place sociale et politique au sein des hommes de lettres, en abordant le genre roi du théâtre en France depuis le [[XVIe siècle|{{s-|XVI|e}}]], et répondant à ceux qui avaient critiqué ses premières tragédies de sujet grecs, au nom du modèle cornélien de sujet romain.
 
''[[Britannicus (Racine)|Britannicus]]'' est composée et annoncée dans un contexte particulièrement hostile à Racine. Après ''La Folle Querelle'' de [[Adrien-Thomas Perdou de Subligny|Subligny]] et la ''Dissertation sur le Grand Alexandre'' de [[Charles de Saint-Évremond|Saint-Évremond]], le poète est accusé d'insoumission envers les doctes du monde théâtral, et de mépris envers les autres auteurs, qu'il prétend démoder. Certains critiques, comme Charles Robinet, se lancent dans des campagnes de dénigrement contre Racine, célébrant en réaction [[Claude Boyer|Boyer]], [[Philippe Quinault|Quinault]], et [[Thomas Corneille]], dont les pièces, inscrite dans une traditionnelle conception baroque, partagent l'affiche avec celles de Racine à l'[[Hôtel de Bourgogne (Paris)|hôtel de Bourgogne]]. En {{date-|janvier 1669}}, deux pièces de [[Claude Boyer|Boyer]] sont jouées en même temps, ''Le Jeune Marius'' à l'hôtel de Bourgogne et ''La Fête de Vénus'' au théâtre du Marais, qui rencontrent toutes deux un fort succès. La première s'inspire d'''[[Andromaque (Racine)|Andromaque]] ;'' Racine prend en ombrage, qui jusqu'à la fin de sa vie méprisera Boyer. La place du dramaturge est en cela attaquée. La création de ''Britannicus'' est préparée dans ce climat pesant, le poète cherchant à multiplier les soutiens et à susciter une attente pour éviter un échec de la première représentation. Le [[Charles-Honoré d'Albert de Luynes|duc de Chevreuse]], qu'il a fréquenté à Port-Royal, marié à la fille de [[Jean-Baptiste Colbert|Colbert]], apporte son soutien en conviant le ministre à une lecture publique de la pièce. Les semaines précédant la création, le bruit court de ces lectures que la pièce devait surpasser celles des rivales de Racine, mais aussi les précédentes du poète<ref>{{Référence Harvard sans parenthèsessfn|Georges Forestier|2006|p=357-360}}</ref>.
 
''[[Britannicus (Racine)|Britannicus]]'' est créée le {{date-|13 décembre 1669}} à l'[[Hôtel de Bourgogne (Paris)|hôtel de Bourgogne]]<ref>{{Référence Harvard sans parenthèsessfn|Georges Forestier|2006|p=361}}; {{Référence Harvard sans parenthèses,}}{{sfn|Alain Viala|1990|p=133}}</ref>. [[Floridor]] joue [[Néron]], [[Brécourt]] [[Britannicus (Racine)|Britannicus]], [[Noël Lebreton de Hauteroche|Hauteroche]] [[Narcisse (affranchi)|Narcisse]], {{qui|[[Lafleur]]}} [[Sextus Afranius Burrus|Burrhus]]<ref>{{Référence Harvard sans parenthèsessfn|Georges Forestier|2006|p=363}}</ref>. La première représentation n'obtient pas un vrai succès. Contrairement à ''[[Andromaque (Racine)|Andromaque]]'', elle n'est pas précédée d'une avant-première à la [[Cour de France |cour]], ce qui fragilise sa réputation Les anecdotiers ironisent sur la concurrence que lui fait, le même jour et à la même heure, une exécution par décapitation en [[Place de l'Hôtel-de-Ville - Esplanade de la Libération|place de Grève]]. Le public n'est pas si nombreux qu'à l'usage, et est en partie composé d'auteurs rivaux cherchant à faire sombrer la pièce. [[Pierre Corneille|Corneille]] se serait offert une loge entière pour assister à ce qu'il prédisait être un fiasco, et aurait participé à la [[cabale]]<ref name="Viala p133">{{Référence Harvard sans parenthèsessfn|Alain Viala|1990|p=133}}</ref>{{,}}<ref>{{Référence Harvard sans parenthèsesharvsp|Georges Forestier|2006|p=372}}. Ces anecdotes sont fournies par [[Edme Boursault]] (voir {{Référence Harvard sans parenthèsesharvsp|Jean RacineForestier|1999|p=439-441}})</ref>. La pièce est donnée pour le roi et applaudie le {{date-|5 janvier 1670}} à [[Château de Saint-Germain-en-Laye|Saint-Germain-en-Laye]], ce qui a parfois été interprété comme un sauvetage de la monarchie pour son protégé<ref name="Viala p134">{{Référence Harvard sans parenthèsesharvsp|Alain Viala|1990|p=134}}</ref>. Une anecdote, donnée par [[Nicolas Boileau|Boileau]], transmise par [[Louis Racine]], probablement infondée toutefois, soutient que [[{{ souverain2 |Louis XIV]]}}, jusqu'alors danseur enthousiaste, aurait abandonné cette passion après avoir vu le tyran [[Néron]] s'y adonner durant cette représentation<ref>Le roi a effectivement annulé la danse prévue après la représentation de la pièce, mais pour cause de maladie. Âgé de 31 ans, il ne pratique du reste plus qu'exceptionnellement la danse, d'abord réservée aux jeunes adultes. {{Référence Harvard sans parenthèsesharvsp|Georges Forestier|2006|p=374-375}}.</ref>. Sans que la pièce soit un vrai échec populaire, les cabaleurs réussissent à donner une mauvaise réputation à ''Britannicus''. Elle est toutefois vite parodiée, montrant que le public ne l'a pas mésestimée : dès 1670, Antoine de Montfleury tourne en dérision la tirade d'[[Agrippine l'Aînée|Agrippine]] dans sa pièce ''Le Gentilhomme de Beaune''<ref>{{Référence Harvard sans parenthèsessfn|Georges Forestier|2006|p=381-382}}</ref>. Racine, amer, rend compte de la cabale des critiques dans la préface de la première édition, férocement dirigée contre le théâtre cornélien :{{Boîte déroulante|titre=Britannicus, Préface|contenu=De tous les ouvrages que j'ai donnés au public, il n'y en a point qui m'ait attiré plus d'applaudissements ni plus de censeurs que celui-ci. Quelque soin que j'aie pris pour travailler cette tragédie, il semble qu'autant que je me suis efforcé de la rendre bonne, autant de certaines gens se sont efforcés de la décrier. Il n'y a point de cabale qu'ils n'aient faite, point de critique dont ils ne se soient avisés. Il y en a qui ont pris même le parti de Néron contre moi.|alignB=center|largeur=70%}}La pièce s'adresse de fait à un public différent des précédentes. Quand ''[[Alexandre le Grand (Racine)|Alexandre le Grand]]'' visait la cour, ''[[Andromaque (Racine)|Andromaque]]'' et ''[[Les Plaideurs]]'' la société mondaine, ''[[Britannicus (Racine)|Britannicus]]'' cherche le succès critique. Ayant acquis la fortune par le roi et la réputation par le public parisien, Racine cherche désormais à asseoir sa place dans la société littéraire la plus sérieuse, celle des [[Critique littéraire|critiques]] et des théoriciens du [[théâtre classique]], qui font la plus haute renommée et la postérité<ref>{{Référence Harvard sans parenthèsessfn|Alain Viala|1990|p=135}}</ref>.
 
Le passage d'un sujet grec à un sujet romain a été interprété comme une attaque contre Corneille, ''[[Britannicus (Racine)|Britannicus]]'' devenant un "anti-''[[Cinna (Corneille)|Cinna]]''<ref>{{Référence Harvard sans parenthèsesharvsp|Alain Viala|1990|p=131}}. D'autres, comme Georges Forestier, refusent toutefois l'idée que Racine ait voulu attaquer Corneille, soulignant l'aspect commun de la tragédie romaine ({{Référence Harvard sans parenthèsesharvsp|Georges Forestier|2006|p=349}}).</ref>". ''Cinna'', qui a rencontré un très vif succès à sa création en 1641, passe depuis pour le canon de la tragédie la plus noble, d'inspiration romaine, de thème politique et de visée morale. Elle montre la progression d'[[Auguste]] de la violence politique, nécessaire à son arrivée au pouvoir, à la vertu exprimée dans sa [[magnanimité]] et la primauté du sens de l'[[Bien commun|État]] sur les passions de l'individu. Corneille reflètentreflète les préoccupations des conflits politiques entre la [[Noblesse française|noblesse]] et [[Armand Jean du Plessis de Richelieu|Richelieu]], par un regard politique moralisé hérité de la tradition [[Nicolas Machiavel|machiavélienne]]. Racine, dans ''Britannicus'', semble aller entièrement à rebours de ce schéma, en montrant la métamorphose d'un empereur pacifique, consensuel, acclamé, [[Néron]], en un tyran sanguinaire, sous l'effet de passions irrépressibles. Cette trajectoire, décrite comme antinomique à celle d'Auguste dès la première scène de la pièce<ref>"Il commence, il est vrai, par où finit Auguste/Mais crains que l'avenir détruisant le passé/Il ne finisse ainsi qu'Auguste a commencé". ''Britannicus'', acte I, scène 1 (''Théâtre complet, I'', Paris, Garnier-Flammarion, 1964, {{p.|310}}.)</ref>, joue avec les conceptions machiavéliennes en ce qu'elle montre un prince incapable de se rendre vertueux, qui asservit l'État à ses propres pulsions<ref>{{Référence Harvard sans parenthèsessfn|Alain Viala|1990|p=130-132}}.</ref>. Inversant l'intrigue et les fondements politiques de ''Cinna'', Racine se fond dans l'orthodoxie politique de la cour de [[{{souverain2|Louis XIV]]}}, très différente de celle du temps de Richelieu. Dans le même temps, ce conformisme lui sert à affermir son rang dans la société littéraire<ref>{{Référence Harvard sans parenthèsessfn|Alain Viala|1990|p=132}}</ref>.[[Fichier:Racine - Britannicus, Barbin, 1670.djvu-, 2.jpg|vignette|Frontispice de la première édition de ''[[Britannicus (Racine)|Britannicus]]'', 1670]]L'assassinat de [[Britannicus]] par la volonté de son frère, [[Néron]] offre un sujet idéal dans cette perspective politique. Le fratricide avait déjà fait la matière de [[La Thébaïde (Racine)|''la'' ''Thébaïde'']], et permet à Racine d'introduire le sujet de la stabilité [[Dynastie|dynastique]] [[Primogéniture|par le droit du sang]]. Néron fait du lien familial un élément d'instabilité politique, en devenant roi à la place de son frère par adoption et rival, la fraternité n'étant qu'un masque à l'usurpation tyrannique. La tension tragique de la rivalité fraternelle rencontre ainsi un enjeu politique<ref>{{Référence Harvard sans parenthèsessfn|Georges Forestier|2006|p=351-353}}</ref>. Depuis le [[XVIe siècle|{{s-|XVI|e}}]], les réflexions sur l'usurpation et sur la place politique du [[Monsieur (Ancien Régime)|frère du roi]] abondent, encore avivées par [[Fronde (histoire)|la Fronde]]. La représentation négative de l'arrivée au pouvoir de Néron, usurpateur du fils légitime de [[Claude (empereur romain)|Claude]], a un enjeu moral fort pendant le règne personnel de [[{{souverain2|Louis XIV]]}}, et dans le [[royaume de France]], strictement régi en succession par la primogéniture masculine.
Élaborant sa pièce, Racine prend en considération sur les critiques formulées par [[Charles de Saint-Évremond|Saint-Évremond]] dans sa ''Dissertation sur le Grand Alexandre'' en 1666, qui avait exposé la nécessité de décrire le caractère particulier de l'époque, du pays et du héros concernés dans la tragédie historique. Corneille passe alors pour le maître de cet art du particularisme. Racine, qui a démontré sa maîtrise générale de l'Antiquité avec ''[[Alexandre le Grand (Racine)|Alexandre le Grand]]'' et ''[[Andromaque (Racine)|Andromaque]]'', est ainsi invité à faire montre de celle de l'[[idiosyncrasie]] de l'histoire, et à donner une tragédie réellement politique, historique, plutôt que galante<ref>{{Référence Harvard sans parenthèsesharvsp|Georges Forestier|2006|p=349-351}} ; "Dissertation sur le Grand Alexandre", ''Œuvres mêlées de Mr de Saint-Évremond, tome premier'', Amsterdam, Chez Henry Desbordes, 1691, {{p.|202-216}}</ref>. Il cherche ainsi à construire sa tragédie autour de personnages situés le plus précisément dans l'histoire, plutôt que sur des personnages-types abstraits et atemporels.
 
Pour atteindre cette spécificité, le dramaturge se fonde sur [[Tacite]], dont il a étudié et annoté longuement les ouvrages à [[Port-Royal des Champs|Port-Royal]]<ref>Un volume d'extraits de Tacite est conservé parmi les papiers de Jean Racine. "Papiers de Jean Racine", BnF, manuscrits, Français 12888, « Taciti sententiæ illustriores ; excerptæ anno 1656. R[acine].» [https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b9057262n Le volume est numérisé et accessible sur Gallica].</ref>. Tacite est parmi les historiens les plus lus, les plus commentés et les mieux considérés à l'[[époque moderne]], en particulier depuis le [[XVIe siècle|{{s-|XVI|e}}]]<ref>Sur la réception de Tacite à l'époque moderne, et le courant qui en a découlé, le tacitisme, voir Alexandra Merle et Alicia Oïffer-Bomsel (dir.), ''Tacite et le tactisme à l'époque moderne'', Paris, Honoré Champion, 2017 et Rosanna Gorris, "La France estoit affamée de la lecture d'un tel historien": Lectures de Tacite entre France et Italie" ''in Écritures de l'histoire ({{s minisp-|XIV|e}} - {{s mini-|XVI|e}} siècle)'', Genève, Droz, 2005</ref>. Dans la pédagogie [[Humanisme|humaniste]], sa lecture est liée à l'apprentissage des mécanismes secrets de la pratique du pouvoir, les ''arcana imperii'', qu'il a finement décrit dans les ''[[Annales (Tacite)|Annales]]'' et les ''[[Histoires (Tacite)|Histoires]].'' Ces préoccupations trouvent écho chez les historiens suivant la tradition [[Nicolas Machiavel|machiavélienne]]<ref>Sur la lecture machiavélienne de Tacite, et sont influence sur l'écriture de l'histoire à l'époque moderne, voir Béatrice Guion, ''Du bon usage de l'histoire'', Paris, Honoré Champion, 2008, {{p.|111-122}}.</ref>, mais n'ont alors que rarement trouvé d'utilité pour le théâtre. Racine traite en ''Britannicus'' d'un sujet célèbre parmi les historiens, mais dont personne n'a jusqu'alors cherché à faire une tragédie<ref name{{sfn|Viala|1990|p="Viala p133" />133}}. En mobilisant le capital culturel que lui a apporté l'éducation des [[Jansénisme|Jansénistes]], Racine se distingue en mêlant la tragédie galante qui a fait le succès d'''[[Andromaque (Racine)|Andromaque]]'' à une vision politique sombre opposée à celle, moralisée, des pièces héroïques usuellement fondées sur [[Plutarque]] ou [[Suétone]].
 
Racine compose ''[[Britannicus (Racine)|Britannicus]]'' longuement et minutieusement. Il tire des ''[[Annales (Tacite)|Annales]]'' la matière historique principale de la pièce, l'empoisonnement de [[Britannicus]] par son frère d'adoption, [[Néron]]. Il se fonde sur une note de [[Tacite]], mentionnant la résistance de [[Néron]] à sa mère [[Agrippine l'Aînée|Agrippine]] en raison de son amour pour une affranchie, Acté<ref>''[[Annales (Tacite)|Annales]]'', XIII, 12</ref>, pour introduire une intrigue amoureuse, qu'il déplace vers le personnage de Junie, largement inventé, que les deux frères convoitent. En doublant la rivalité politique d'une rivalité amoureuse, Racine dévie la visée politique du sujet. Les procédés narratifs utilisés par [[Tacite]] pour exprimer le secret des arcanes du pouvoir sont infléchis pour montrer celui des passions. La vision d'un empereur caché, secret, est repris dans ''Britannicus'' pour évoquer la jalousie amoureuse<ref>{{Référence Harvard sans parenthèsesharvsp|Georges Forestier|2006|p=353-355}}. Racine s'est aussi probablement inspiré d'une scène de ''Bélisaire'' de [[Jean de Rotrou|Jean Rotrou]], similaire.</ref>. La deuxième scène de l'acte deux, demeurée célèbre reprend la rhétorique de l'obscurité politique pour éclairer la noirceur des passions ; durant la scène six, [[Néron]] épie sous un voile les entrevues de Junie et [[Britannicus]], comme il surveille les réunions du [[Sénat romain|Sénat]] chez Tacite<ref>''[[Annales (Tacite)|Annales]]'', I, 1, v. 95 sq.</ref>.{{Boîte déroulante|titre=Britannicus, acte II, scène III|contenu=Néron :
 
Caché près de ces lieux, je vous verrai, Madame
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D'un geste ou d'un soupir échappé pour lui plaire.|alignB=center|largeur=70%}}
[[Fichier:Racine - Britannicus, Barbin, 1670.djvu.jpg|vignette|Extrait de la préface de ''[[Britannicus (Racine)|Britannicus]]'' (première édition, 1670), dans lequel Racine pose une nouvelle vision de la tragédie, demeurée célèbre, opposée à l'héroïsme [[Pierre Corneille|cornélien]] : "Une action simple, chargée de peu de matière, telle que doit être une action qui se passe en un seul jour, et qui, s'avançant par degrés vers sa fin, n'est soutenue que par les intérêts, les sentiments et les passions des personnages".]]
Dans le même temps, en mêlant l'intrigue amoureuse, en principe secondaire, à la rivalité politique des deux frères, Racine tend à mettre en valeur la première, qui n'existe pas dans les récits historiques. Par ses aspects galants, la pièce semble subjuguer la politique sous les passions, donnant à la première un statut instrumental. La progression déclinante de la pièce, qui voit un empereur pacifique évoluer en tyran fratricide, introduit une conception anthropologique négative qui fait dépendre le dénouement tragique de l'inexorabilité de passions incontrôlables.
 
Dans la préface de la première édition, le poète cherche à poser une nouvelle définition de la [[tragédie]], opposée à l'action [[Héroïsme|héroïque]] [[Pierre Corneille|cornélienne]] : "Une action simple, chargée de peu de matière, telle que doit être une action qui se passe en un seul jour, et qui, s'avançant par degrés vers sa fin, n'est soutenue que par les intérêts, les sentiments et les passions des personnages". Alors que ''[[La Thébaïde (Racine)|La Thébaïde]], [[Alexandre le Grand (Racine)|Alexandre le Grand]]'', dans une moindre mesure ''[[Andromaque (Racine)|Andromaque]]'', se fondaient sur la profusion de l'action, d'événements, de rebondissements, artificiellement comprimés en une seule journée, Racine adopte avec et à partir de ''[[Britannicus (Racine)|Britannicus]]'', une approche contraire de l'[[Règles du théâtre classique|unité de temps]], qu'il confond avec l'unité d'action<ref name="Viala p134" />. Plutôt que de chercher à faire rentrer un ensemble politique complexe dans une journée et dans cinq actes, il s'agit d'épurer au possible l'intrigue autour d'une action unique et ''in fine'' peu importante. La pièce n'est ainsi plus basée sur le récit d'actions, dont les contradictions formeraient un tragique essentiellement politique, mais sur le développement psychologique des personnages, qui contiennent en eux-mêmes, dans leurs passions irrépressibles, les sources d'une irrésolution anthropologique. Cette conception s'oppose fortement à celle de Corneille, qui place l'action "complexe" (dont le dénouement est provoqué par l'arrivée d'un élément exogène à l'intrigue) au-dessus de l'action simple (dont le développement complet est cohérent et continu), et utilise abondamment le dénouement par rebondissement final. Affirmer que seule une action simple "chargéchargée de peu de matière" peut former une tragédie cohérente contenue en une journée est réduire les pièces de Corneille non seulement à l'invraisemblance factuelle, mais aussi à la fausseté anthropologique<ref>{{Référence Harvard sans parenthèsessfn|Georges Forestier|2006|p=372-373}}</ref>. Cette nouvelle conception tragique irritent les critiques cornéliens, que Racine cherche pourtant à séduire : Robinet condamne l'économie de la pièce, [[Charles de Saint-Évremond|Saint-Évremond]] sa noirceur et son manque d'héroïsme. L'aveuglement de [[Britannicus]], la monstruosité de [[Néron]], l'imperfection des personnages est reprochée, qui ne sont contrepesés par aucune vertu d'un héros extraordinaire, comme l'est la noirceur des tyrans chez Corneille<ref>{{Référence Harvard sans parenthèsessfn|Georges Forestier|2006|p=364-370}}</ref>.
 
''Britannicus'' marque la consécration économique du dramaturge dans le métier des lettres. Racine fait dès lors partie de la population riche de Paris. Les revenus des représentations et de la publication de la pièce sont certainement supérieurs à ceux d'''Andromaque'', puisqu'en {{date-|mai 1670}}, le poète achète 275 [[Livre (monnaie)|livres]] de [[rente]] pour {{nombre|5637 |livres<ref>}}{{Référence Harvard sans parenthèsessfn|Raymond Picard|1976|p=56}}</ref>, soit plus du double de ses revenus usuels à l'année. Il perçoit ainsi au moins {{nombre|2500 |livres}} fixes annuelles, dont 1200 de pensions qu'il reçoit encore de la monarchie en {{date-|décembre 1669}}<ref>[[Archives nationales (France)|AN]], O/1/2130</ref>. Il faut probablement ajouter à ce chiffre les revenus d'un nouveau bénéfice ecclésiastique ou bien en supplément, ou bien en échange de son précédent bénéfice en [[Anjou]] : Racine est mentionné, dans le titre de rente de 1670, comme "prieur de Saint-Jacques de [[La Ferté-Milon|la Ferté]]"<ref>{{Référence Harvard sans parenthèsessfn|Georges Forestier|2006|p=375-376}}</ref>.
 
Il donne successivement après ''[[Britannicus (Racine)|Britannicus]]'' (1669), ''[[Bérénice (Racine)|Bérénice]]'' (1670), qui est l'occasion d'une joute théâtrale avec Corneille dont la propre pièce, ''[[Tite et Bérénice]]'', est sous-titrée « comédie héroïque », ''[[Bajazet]]'' (début de 1672), ''[[Mithridate (Racine)|Mithridate]] '' (fin de 1672), ''[[Iphigénie (Racine)|Iphigénie]]'' (1674) et ''[[Phèdre (Racine)|Phèdre]]'' (1677). Toutes ces pièces sont créées par la troupe de l'hôtel de Bourgogne.
 
Sur le plan matériel, sa petite rente de prieur de l'Épinay et les très importants revenus du théâtre (vente de chaque pièce aux comédiens, puis vente de chaque pièce aux libraires-éditeurs<ref>Il n'existait pas de droit d'auteur à cette époque.</ref>), aussitôt convertis en rentes à 5 %, grâce aux conseils de l'habile financier qu'était Nicolas Vitart, assurent une aisance toujours plus grande à Racine. En 1674, la faveur royale lui permet d'obtenir la charge de [[Trésorier général de France]] à Moulins (purement lucrative en ce qui le concerne, et anoblissante), ce qui le conduit à renoncer à son bénéfice ecclésiastique.
 
=== L'historiographe ===
[[Fichier:Blasons Jean Racine et Catherine de Romanet (cropped).jpg|vignette|Blasons de Jean Racine (à gauche) et de son épouse Catherine de Romanet dans l'[[Armorial général de France]] de 1696]]
Après le grand succès de ''[[Phèdre (Racine)|Phèdre]]'', qui triomphe rapidement d'une ''Phèdre et Hippolyte'' concurrente due à [[Jacques Pradon|Pradon]] et jouée sur le théâtre de l'hôtel Guénégaud, Racine se tourne vers une autre activité : comme [[Nicolas Boileau|Boileau]], il devient historiographe du roi, grâce à l'appui de [[Madame de Montespan|{{Mme}} de Montespan]], maîtresse du roi, et de sa sœur, {{Mme}} de Thianges. Pour préparer son entrée dans l'entourage du roi, il quitte sa maîtresse, épouse une héritière issue comme lui de la bourgeoisie de robe anoblie<ref>Elle. étaitCatherine de Romanet, avec qui il aura sept enfants, est fille et sœur de Trésoriers de France, charge anoblissante dont Racine était lui-même titulaire depuis 1674.</ref>, Catherine de Romanet, avec qui il aura sept enfants<ref>. Le contrat de mariage passé entre les futurs époux est conservé aux [[Minutier central des notaires|Archives nationales]] à Paris sous la cote MC/ET/LXXVI/62 et est [https://www.siv.archives-nationales.culture.gouv.fr/siv/rechercheconsultation/consultation/ir/consultationIR.action?udId=c1p721a6pbm3-17ew04r6x33af&irId=FRAN_IR_042678 consultable sur microfilm (cote MC/MI/RS/447)].</ref>. La correspondance révèle que le mariage d'intérêt, préparé par Nicolas Vitart, s'est mué en union amoureuse.
 
Longtemps après sa mort, les historiens découvrirent dans les archives de la [[Bastille (Paris)|La Bastille]] que Racine avait été suspecté dans l'[[affaire des Poisons]] qui a éclaté entre 1679 et 1681. [[La Voisin]] avait accusé Racine d'avoir fait assassiner, dix ans auparavant, son ancienne maîtresse « Du Parc ». En réalité, l'actrice connue de Racine, nommée « Du Parc », est morte des complications d'un [[avortement]] provoqué. Elle avait été confondue avec une autre ''Du Parc'' qui était une avorteuse et victime dans l'affaire des poisons. Racine a donc été disculpé en interne par la police, sans jamais être informé des poursuites dont il aurait pu faire l'objet<ref>''2000 ans d'histoire'', [[France Inter]], {{date-|2 mai 2007}}</ref>. En réalité, précise l'historien [[Raymond Picard]], la lettre d'arrestation de Racine signée par Louvois était prête, mais le magistrat Bazin de Bezon ne donna pas suite.
 
Racine fait savoir qu'il n'écrira plus pour le théâtre afin de se consacrer entièrement à « écrire l'histoire du Roi »{{Note|texte=|nom=incendie}}.
Au cours des quinze années qui suivent, il ne dévie de cette entreprise — qui l'amène à suivre régulièrement {{souverain-|Louis XIV}} dans ses campagnes militaires, prenant des notes et rédigeant ensuite des morceaux dont il discute sans cesse avec Boileau — qu'à quatre reprises :
* Une première fois en 1685 en composant les paroles de ''l’Idylle sur la Paix'' (mise en musique par [[Jean-Baptiste Lully|Lully]], à la demande du marquis de Seignelay, fils et successeur de Colbert).
* Puis en 1689, en écrivant à la demande de [[Madame de Maintenon]]<ref>{{Article|auteur1=Anne Piéjus|titre=Les tragédies à intermèdes entre stratégies de cour et expérience d’écriture|périodique=Europe|volume=1092|pages=143-153|date=2020}}</ref> une tragédie"espèce de poème moral" biblique pour les élèvespensionnaires de la Maison Royale de Saint-Louis, un pensionnat pour jeunes filles, à Saint-Cyr (actuelle commune de [[Saint-Cyr-l'École]]) : Ce fut ''[[Esther (Racine)|Esther]]'', courte tragédie en trois actes jouéedont etles chantéeintermèdes (musiquemusicaux deont été composés par [[Jean-Baptiste Moreau]]) et qui fut jouée à plusieurs reprises par les Demoiselles, soutenues par des chanteuses de la Chambre du roi, en représentations privées devant le roi et unla grandfamille nombreroyale deainsi courtisansqu'à triésSaint-Cyr surdurant le voletcarnaval parde {{Mme}}1689, deen Maintenonprésence durantd'un legrand carnavalnombre de 1689courtisans triés sur le volet.
* Le succès de l'expérience incitaa incité {{Mme}} de Maintenon à demandercommander très rapidement à Racine deune tenternouvelle depièce, laalors renouvelermême etque illes écrivitautorités unereligieuses tragédiecompétentes (l'évêque de Chartres en particulier) avaient formulé les plus ambitieuse,grandes réserves sur l'exercice. La commande d'''[[Athalie (Racine)|Athalie]]'' ,était destinée elle aussi à être accompagnée de musique et decependant chantslancée. Elle ne fut pas prête pour le carnaval de 1690 et les jeunes demoiselles de Saint-Cyr recommencèrent à jouer ''Esther'', mais les désordres que cela provoqua dans la communauté incitèrent {{Mme}} de Maintenon à interrompre les représentations avant leur terme. ''Athalie'' ne fit donc pas l'objet d'une création ensemi-publique, mais donna lieu à des représentations confidentielles au parloir de la maison royale, sans décors grandeni pompecostumes, et le roi ne vit la tragédie qu'à l'occasion d'une répétition ouverte à la famille royale. Racine, devenuqui progressivementaffichait dévotprudemment ausa coursdistance desvis-à-vis années 1680, en même temps que le roi (influencé par {{Mme}} de Maintenon), {{citation nécessaire|était désormais résolument hostile audu théâtre ditet «qui mercenaire »}}(mêmen'avait sjusqu'ilalors seécrit refusaitdes àvers renierpour sonle œuvre passée,chant qu'ilavec polissaitréticences, d'éditionavait enaccepté édition).cette Maiscommande lespédagogique tragédiessur écritesun poursujet Saint-Cyrpieux furentet, duen pointprincipe, deétrangère vueau monde de la commanditairecour<ref>{{Ouvrage|auteur1=Anne commePiéjus|titre=Le du sien,Théâtre des œuvresDemoiselles. pédagogiquesTragédie et moralesmusique (auxquellesà leSaint-Cyr talentà dela Racinefin nedu pouvaitGrand queSiècle|lieu=Paris|éditeur=Société conférerfrançaise unede valeurmusicologie|année=2000|pages poétique supérieure)totales=847|isbn=9782853570107}}</ref>.
* Quatrième et dernière entorse à l'écriture exclusive de l'histoire du roi : à la fin de l’été 1694, Racine composa — toujours à la demande de {{Mme}} de Maintenon —, quatre ''Cantiques spirituels'', dont trois furent mis en musique par [[Jean-Baptiste Moreau]] et un par [[Michel-Richard de Lalande]] (n°II°)<ref>Denise Launay, ''La Musique religieuse en France du Concile de Trente à 1804'', Société française de musicologie, Paris, 1993, {{p.|457}}.</ref>, puis par [[Pascal Collasse|Pascal Colasse]] et [http://data.bnf.fr/14036918/jean-noel_marchand/ Jean-Noël Marchand]<ref>{{Lien web|langue=fr|nom1=FAVIER|prénom1=Thierry|titre=La Licorne - les cantiques spirituels de Racine mis en musique : aspects esthétiques d'un succès programmé|url=http://testjc.edel.univ-poitiers.fr/document.php?id=4372|site=testjc.edel.univ-poitiers.fr|date=2009-05-15|consulté le=2017-11-25}}</ref>.
 
Récompensé par une charge de Gentilhomme ordinaire de la Maison du Roi (1691), Racine se rapprochait toujours plus du roi, qu'il suivit régulièrement dans son petit château de [[Marly-le-Roi|Marly]] avec les courtisans les plus proches du couple royal, et à qui il arriva qu'il fît la lecture durant des nuits d'insomnie consécutives à une maladie, à la place des lecteurs en titre. Il obtint ensuite la survivance de cette charge pour son fils aîné [[Jean-Baptiste Racine]], puis se sentit obligé d'acheter en 1696 une charge de Conseiller-Secrétaire du Roi qui ne lui apportait rien de plus en termes de reconnaissance et qui lui coûta une forte somme.
 
Depuis 1666, Racine s'était brouillé avec les jansénistes, mais il semble s'être rapproché d'eux au plus tard au lendemain de son mariage. Malgré les persécutions dont ils recommencèrent à être victimes à partir de 1679, Racine se réconcilie avec eux. Il les soutient notamment dans leurs démêlés avec le pouvoir ({{souverain-|Louis XIV}} leur étant hostile). Sa présence aux funérailles d'[[Antoine Arnauld (1612-1694)|Arnauld]] en 1694 confirme la réconciliation de Racine avec ses anciens maîtres. Il écrit secrètement un ''[[Abrégé de l’histoire de Port-Royal]]'' qui parut après sa mort. Surtout, neveu chéri d'une religieuse qui gravit tous les échelons de la hiérarchie du monastère de Port-Royal des Champs pour en devenir abbesse en 1689, il œuvra auprès des archevêques de Paris successifs afin de permettre au monastère de retrouver une vraie vie (depuis 1679 il lui était interdit de recevoir de nouvelles religieuses et son extinction était ainsi programmée).
 
[[Fichier:Rue Visconti, plaque Racing 2.jpg|vignette|Plaque au {{numéro}}24 [[rue Visconti]] (Paris), où il mourut.]]
[[Fichier:P1310097 Paris V église St-Etienne plaque Racine rwk.jpg|thumb|Plaque indiquant le transfert des restes de Jean Racine de l'[[abbaye de Port-Royal]] à l'[[église Saint-Étienne-du-Mont]], le {{date-|2 décembre}} [[1711]].]]
 
Racine meurt [[Rue Visconti|rue des Marais-Saint-Germain]] à [[Paris]] ([[Église Saint-Sulpice de Paris|paroisse Saint-Sulpice]]) le {{date|21|avril|1699}}<ref>« Le vingt-unième jour d'{{date-|avril 1699}} a été fait le convoi à l'église de Port-Royal des Champs de Messire Jean-Baptiste Racine, conseiller secrétaire du Roi et gentilhomme ordinaire de sa chambre, âgé de cinquante-neuf ans, décédé le jour même entre trois et quatre du matin en sa maison, rue des Marets ; et ont assisté au convoi et transport maître Claude-Pierre Colin de Morambert, seigneur de Riberpré, avocat en Parlement, gendre dudit sieur défunt, et maître Germain Willard, bourgeois de Paris, ami dudit défunt, qui ont signé ». Extrait du [[registre paroissial]] de l'[[Église Saint-Sulpice de Paris|église Saint-Sulpice]] à [[Paris]], [[Registres paroissiaux et d'état civil à Paris|détruit par l'incendie de 1871]] mais cité par Paul Mesnard dans ''Œuvres de Jean Racine'', [[Hachette Livre|Hachette]], Paris, 1865, {{p.|193}}.</ref>, à l'âge de cinquante-neuf ans, des suites d'un abcès ou d'une tumeur au foie. {{souverain-|Louis XIV}} accède à la demande qu'il a formulée d'être inhumé à [[Port-Royal des Champs|Port-Royal]], auprès de la tombe de son ancien maître [[Jean Hamon (médecin)|Jean Hamon]]<ref name="societePR">''[http://www.amisdeportroyal.org/societe/?Racine-Jean-1639-1699.html Jean Racine, « enfant de Port-Royal » (1639-1699)]'', Société des amis de Port-Royal, {{date-|novembre 2006}}.</ref>. Après la destruction de Port-Royal par {{souverain-|Louis XIV}} en 1710 {{ref nec|(les deux cadavres auraient été, sur ordre royal, arrachés aux tombes et jetés aux chiens)}}, ses cendres sontont été déplacées à l'[[église Saint-Étienne-du-Mont]] de Paris).
 
== Œuvres ==
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=== Autres ===
;Travaux historiques
* ''Vie de {{souverain-|Louis XIV}}'' (perdue){{Note|texte=Le manuscrit fut détruit dans l'incendie de la bibliothèque de Valincour ; voir [http://www.academie-francaise.fr/les-immortels/jean-baptiste-henri-de-valincour cette notice de l'Académie Françaisefrançaise]|nom=incendie}}
* ''[[Abrégé de l’histoire de Port-Royal]]'', 1767, Paris, 358 pages<ref>[https://books.google.fr/books?id=l7qRFdo5E1wC&pg=PA9 Lire en ligne]</ref>.
 
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== Analyse de l’œuvre ==
=== Le théâtre racinien ===
Le théâtre de Racine peint la passion comme une force fatale qui détruit celui qui en est possédé. On retrouve ici les théories [[jansénisme|jansénistes]] : soit l'homme a reçu la [[Grâce (christianisme)|grâce divine]], soit il en est dépourvu, rien ne peut changer son destin, il est condamné dès sa naissance. Réalisant l'idéal de la tragédie classique, le théâtre racinien présente une action simple, claire, dont les péripéties naissent de la passion même des personnages.
 
Les tragédies profanes (c'est-à-dire ''[[Esther (Racine)|Esther]]'' et ''[[Athalie (Racine)|Athalie]]'' exclues) présentent un couple de jeunes gens innocents, à la fois unis et séparés par un amour impossible parce que la femme est dominée par leun roi (''[[Andromaque (Racine)|Andromaque]]'', ''[[Britannicus (Racine)|Britannicus]]'', ''[[Bajazet]]'', ''[[Mithridate (Racine)|Mithridate]]'') ou parce qu'elle appartient à un clan rival (Aricie dans ''[[Phèdre (Racine)|Phèdre]]''). Cette rivalité se double souvent d'une rivalité politique, sur laquelle Racine n'insiste guère.
 
Dans ce cadre aristocratique qui, à partir de ''[[Bajazet]]'', devient un lieu commun prétexte à la naissance d'une crise, les personnages apprennent que le roi est mort ou vaincu : ils se sentent alors libres de déchaîner leurs passions. Or, l'information est rapidement démentie. Le retour du roi met les personnages devant leurs fautes et les pousse, selon leur nature intérieure, à se repentir ou à aller jusqu'au bout de leur rébellion.
 
=== Un écrivain des passions ===
Depuis l'époque romantique, les biographes de Racine et les critiques de son théâtre se sont étonnés qu'un homme ait pu traduire si bien la violence des passions, en particulier féminines, et ils en ont déduit qu'il devait être animé, si ce n'est par une âme féminine, du moins par un très fort penchant pour les femmes. Certains biographes ont parlé d'infidélité constante et ont mis au compte de cette légèreté sa prétendue disgrâce auprès du roi et de {{Mme}} de Maintenon à la fin de sa vie. En fait, outre que la disgrâce est une légende<ref>Georges Forestier, ''Jean Racine'', [[Bibliothèque de la Pléiade]], 2006, {{p.|820}}.</ref>, on ne lui connaît que deux maîtresses avant son mariage : [[Mademoiselle Du Parc|{{Mlle}} Du Parc]], puis [[Mademoiselle de Champmeslé|{{Mlle}} de Champmeslé]], toutes deux comédiennes. Aucun document du {{s-|XVII}} ne permet de penser qu'il aurait été ensuite infidèle à Catherine Romanet, qu'il épousa en 1677 après avoir quitté la Champmeslé.
 
Depuis l'époque romantique, les biographes de Racine et les critiques de son théâtre se sont étonnés qu'un homme ait pu traduire si bien la violence des passions, en particulier féminines, et ils en ont déduit qu'il devait être animé, si ce n'est par une âme féminine, du moins par un très fort penchant pour les femmes. Certains biographes ont parlé d'infidélité constante et ont mis au compte de cette légèreté sa prétendue disgrâce auprès du roi et de {{Mme}} de Maintenon à la fin de sa vie. En fait, outre que la disgrâce est une légende<ref>Georges Forestier, ''Jean Racine'', [[Bibliothèque de la Pléiade]], 2006, {{p.|820}}.</ref>, on ne lui connaît que deux maîtresses avant son mariage : [[Mademoiselle Du Parc|{{Mlle}} Du Parc]], puis [[Mademoiselle de Champmeslé|{{Mlle}} de Champmeslé]], toutes deux comédiennes. Aucun document du {{s-|XVII|e}} ne permet de penser qu'il aurait été ensuite infidèle à Catherine Romanet, qu'il épousa en 1677 après avoir quitté la Champmeslé.
 
=== Les sources d'inspiration gréco-latines ===
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Le professeur J. Scherer mentionne, dans son étude sur ''Bérénice''<ref>Éditions du Sedes, 1974, {{p.|14}}.</ref> que Racine, afin de fixer le personnage, cite Suétone, notamment le chapitre VII de sa ''Vie de Titus''. Il établit également qu'il existe un parallèle entre Virgile et Racine, fondé sur des notions assez conventionnelles.
 
Jean-Pol Caput, dans sa présentation de ''Britannicus''<ref>Classiques Larousse, Paris, 1963.</ref>, note que Racine a puisé dans les ''Annales'' de Tacite (livres XI à XV) non seulement l'essentiel des faits qui forment la trame de la tragédie, mais encore l'esprit dans lequel l'historien latin les traite. Racine aurait aussi lu le traité de Sénèque ''Sur la clémence'' et la tragédie du même auteur ''Octavie'' qui ont inspiré certains détails au poète.
 
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== Œuvres musicales et littéraires inspirées par Racine ==
* ''Athalie, Intermèdes musicaux'' de [[Jean-Baptiste Moreau]] ;
* ''[[Esther (Racine)|Esther]]'', ''Intermèdes musicaux'' de Jean-Baptiste Moreau ;
* ''Cantiques'' de Racine (I, III et IV), Jean-Baptiste Moeau et [[Michel-Richard de Lalande]] (II) (1694) ;
* ''[[Hippolyte et Aricie (Rameau)|Hippolyte et Aricie]], tragédie lyrique (inspirée en partie de Phèdre) de'' [[Jean-Philippe Rameau]] (1733);
* ''[[Mitridate, re di Ponto]], opéra de'' [[Wolfgang Amadeus Mozart]] (1770) ;
* ''[[Iphigénie en Aulide (Gluck)|Iphigénie en Aulide]]'', tragédie-opéra en 3 actes sur un livret de [[François-Louis Gand Le Bland Du Roullet|François-Louis Grand le Bland du Roullet]] (adapté de ''[[Iphigénie (Racine)|Iphigénie]]''), musique de [[Christoph Willibald Gluck|Christoph Willibals Gluck]] (1774) ;
* ''[[Andromaque (tragédie lyrique)|Andromaque]]'', tragédie lyrique en 3 actes sur un livret de [[Louis-Guillaume Pitra]], musique de [[André Grétry|André-Ernest Modest Grétry]] (1780) ;
* ''[[Phèdre (Racine)|Phèdre]]'', tragédie lyrique, sur un livret de [[François-Benoît Hoffmann|François Benoit Hoffmann]], musique de [[Jean-Baptiste Moyne]] (1786) ;
* ''[[Ermione]]'', opéra tragique, livret italien d'[[Andrea Leone Tottola]] basé sur ''[[Andromaque (Racine)|Andromaque]]'', musique de [[Gioacchino Rossini]] (1819) ;
* ''Andromaque'', musique de scène de [[Camille Saint-Saëns]] (1903) ;
[[Fichier:Petits Chanteurs de Passy - Cantique de Racine de Gabriel Faure.ogg|thumb|Les Petits Chanteurs de Passy chantent le ''Cantique de Jean Racine'']]
[[Gabriel Fauré]] a mis en musique un de ses poèmes dans le* ''[[Cantique de Jean Racine]] de''. [[Gabriel Fauré]] (1865) ;
* ''Cantique de Jean Racine'', opus 144 posthume de [[Mel Bonis]] (1934) ;
* ''[[Britannicus (Racine)|Britannicus]]'', musique de scène de [[André Jolivet]] (1946) ;
* ''[[Phaedra (Britten)|Phaedra]], cantate de'' [[Benjamin Britten]] (1975) ;
* ''Esther, opéra de'' [[Boris Yoffe]] (2006).
 
== Iconographie et hommages ==
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=== Sculptures ===
[[Fichier:Paris - Palais du Louvre - PA00085992 - 437Jean Racine.jpg|vignette|Statue de Racine sur la [[Hommes illustres (Louvre)|façade du Louvre]]]]
* 1833 : [[Statue de Racine (La Ferté-Milon)|Statue de Jean Racine]] par [[Pierre-Jean David d'Angers|David d'Angers]] à [[La Ferté-Milon]]
* 1834 : Sculpture de Jean Racine par [[Henri Lemaire]] au [[Palais de l'Institut]]
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=== Citations ===
* [[André Gide]] écrit : «  J'ai aimé les vers de Racine par-dessus toutes productions littéraires. J'admire [[William Shakespeare|Shakespeare]] énormément ; mais j'éprouve devant Racine une émotion que ne me donne jamais Shakespeare : celle de la perfection<ref>Théâtre complet, Vol{{vol. |{{I}}}}, J. Racine. GF Flammarion, 1964.</ref>.  »
 
=== Astronomie ===
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=== Éditions de référence ===
* {{Ouvrage | langue = fr|auteur1=| prénom1 = Paul| nom1 = Mesnard (éd.) | titre = Œuvres de Jean Racine |passage=| lieu = Paris | éditeur = [[Hachette Livre|Hachette]]| année = 1865-1873 (Les Grands Écrivains de la France, 9 volumes)|pages totales=|isbn=|lire en ligne=}} [<small>[[s:Livre:Racine - Œuvres, t1, éd. Mesnard, 1865.djvu|consulter cette édition sur Wikisource]]</small>]
* {{Ouvrage|langue=|auteur1=Georges Forestier (|responsabilité1=éd.)|titre=Racine : |sous-titre=Œuvres complètes|tome=I|passage=|lieu=Paris|éditeur=[[Éditions Gallimard|Gallimard]]|collection=Bibliothèque de la Pléiade|dateannée=1999|pages totales=|isbn=|lire en ligne=}}
*Jean Rohou (éd.), ''Racine, Théâtre complet'', Paris, Hachette, La Pochothèque, 1998
* {{Ouvrage | langue = fr|auteur1=| prénom1 = Raymond| nom1 = Picard (éd.) | titre = Racine | sous-titre = Œuvres complètes |passage=| lieu = Paris | éditeur = Gallimard | lien éditeur = Bibliothèque de la Pléiade | année = 1952|pages totales=|isbn=|lire en ligne=| lien auteur = Raymond Picard|date=|tome=II|collection=Bibliothèque de la Pléiade}}
* {{Ouvrage | langue=fr |auteur1 prénom1=SylvaineRaymond Guyot| nom1=|auteur2=Alain VialaPicard (éd.) | lien auteur2auteur1=AlainRaymond Picard Viala| titre=Jean Racine. Théâtre| sous-titre=Œuvres complètes complet|passage tome=I & II | lieu=Paris | éditeur=Classiques[[Bibliothèque Garnierde la Pléiade|année=2017Gallimard]] |pages totalescollection=Bibliothèque de la Pléiade |isbn année=|lire1931 en& 1952 ligne=}}
* {{Ouvrage|langueauteur1=Sylvaine Guyot|auteur1auteur2=Jean[[Alain LesaulnierViala|responsabilité1=Alain Viala (éd.)]]|titre=Jean Racine. Correspondance|passage=Théâtre complet|lieu=Paris|éditeur=HonoréClassiques ChampionGarnier|dateannée=2017|pages totales=|isbn=|lire en ligne=}}
* {{Ouvrage|auteur1=Jean Lesaulnier|responsabilité1=éd.|titre=Jean Racine. Correspondance|lieu=Paris|éditeur=Honoré Champion|année=2017|isbn=}}
 
=== Généralités ===
* {{Ouvrage|langue=|auteur1=[[Paul Bénichou]]|titre=Morales du Grand siècle|passage=|lieu=Paris|éditeur=[[Éditions Gallimard|dateGallimard]]|année=1948|pages totales=|isbn=|lire en ligne=}}
* {{Ouvrage|langue=|auteur1=Paul Bénichou|titre=Le sacre de l'écrivain|passage=|lieu=Paris|éditeur=Corti|dateannée=1973|pages totales=|isbn=|lire en ligne=}}
* {{Ouvrage|langue=|auteur1=[[Michel Meyer (philosophe)|Michel Meyer]]|titre=Le comique et le tragique. Penser le théâtre et son histoire|passage=|lieu=Paris|éditeur=Presses Universitairesuniversitaires de France|dateannée=2005|pages totales=|isbn=|lire en ligne=}}
*Jean Rohou, ''La Tragédie classique'', Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2009
* {{Ouvrage|langue=|auteur1=[[Alain Viala]]|titre=Naissance de l'écrivain. Sociologie de la littérature à l'âge classique|passage=|lieu=Paris|éditeur=Éditions de minuit|date=1985|pages totales=|isbn=|lire en ligne=}}
* {{Ouvrage|langue=|auteur1=[[Alain Viala|responsabilité1=dir.]]|titre=LeNaissance théâtrede enl'écrivain. France|passage=Sociologie de la littérature à l'âge classique|lieu=Paris|éditeur=Presses UniversitairesÉditions de Franceminuit|date=2009|pages totalesannée=1985|isbn=|lire en ligne=}}
* {{Ouvrage|langue=|auteur1=Alain Viala|responsabilité1=dir.|titre=HistoireLe duthéâtre théâtre|passage=en France|lieu=Paris|éditeur=Presses Universitairesuniversitaires de France|collection=Que sais-je?|date=2017|pages totalesannée=2009|isbn=|lire en ligne=}}
* {{Ouvrage|auteur1=Alain Viala|titre=Histoire du théâtre|lieu=Paris|éditeur=Presses universitaires de France|collection=Que sais-je?|année=2017|isbn=}}
 
=== Biographies ===
* {{Ouvrage|langue=|auteur1=Georges Forestier|titre=Jean Racine|passage=|lieu=Paris|éditeur=[[Éditions Gallimard|dateGallimard]]|année=2006|pages totales=|isbn=|lire en ligne=}}
* {{Ouvrage|langue=|auteur1=RenéAndré JasinskiLe Gall|titre=Vers le vrai Racine|passage=|lieu=Paris|éditeur=Armand[[Groupe ColinFlammarion|date=1958Flammarion]]|pages totalesannée=2004|isbn=|lire en ligne=}}
* {{Ouvrage|langue=|auteur1=ThierryRené MaulnierJasinski|titre=Vers le vrai Racine|passage=|lieu=Paris|éditeur=Gallimard|date=1934|pages[[Armand totales=Colin]]|isbn=|lire en ligneannée=1958}}
* {{Ouvrage|langue=|auteur1=FrançoisThierry MauriacMaulnier|titre=La vie de Jean Racine|passage=|lieu=Paris|éditeur=Plon|date=1928|pages[[Éditions totales=Gallimard|isbn=Gallimard]]|lire en ligneannée=1934}}
* {{Ouvrage|langue=|auteur1=RaymondFrançois PicardMauriac|titre=La Carrièrevie de Jean Racine|passage=|lieu=Paris|éditeur=Gallimard[[Plon]]|date=1961|pages totales=|isbn=|lire en ligneannée=1928}}
* {{Ouvrage|langue=|auteur1=LouisRaymond RacinePicard|titre=MémoiresLa contenant quelques particularités sur la vie et les ouvragesCarrière de Jean Racine|passage=|lieu=Lausanne et GenèveParis|éditeur=Marc-Michel[[Éditions Bousquet & CompagnieGallimard|date=1747Gallimard]]|pages totales=|isbn=|lire en ligneannée=1961}}
* {{Ouvrage|langue=|auteur1=JeanLouis RohouRacine|titre=JeanMémoires Racine :contenant entrequelques saparticularités carrière,sur sonla œuvrevie et sonles Dieu|passage=ouvrages de Jean Racine|lieu=ParisLausanne et Genève|éditeur=Fayard|date=1992|pagesMarc-Michel totales=|isbn=|lireBousquet en& ligneCompagnie|année=1747}}
* {{Ouvrage|langue=|auteur1=JohnJean SayerRohou|titre=Jean Racine : entre sa carrière, Lifeson andœuvre Legend|passage=et son Dieu|lieu=BerneParis|éditeur=Peter[[Librairie LangArthème Fayard|date=2006Fayard]]|pages totalesannée=1992|isbn=|lire en ligne=}}
* {{Ouvrage|langue=|auteur1=AlainJohn VialaSayer|titre=Jean Racine, laLife stratégieand du caméléon|passage=Legend|lieu=ParisBerne|éditeur=Seghers[[Peter Lang (maison d'édition)|date=1990Peter Lang]]|pages totalesannée=2006|isbn=|lire en ligne=}}
* {{Ouvrage|auteur1=Alain Viala|titre=Racine, la stratégie du caméléon|lieu=Paris|éditeur=Seghers|année=1990|isbn=}}
* {{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Rose Vincent|titre=L'Enfant de Port-Royal|sous-titre=le roman de Jean Racine|lieu=Paris|éditeur=[[Éditions du Seuil|Le Seuil]]|année=1992|pages totales=366|isbn=2-02-013545-0}}. Un roman sur les débuts de Jean Racine et ses relations avec [[Port-Royal des Champs|Port-Royal]]
 
=== Études ===
* {{Ouvrage|langue=|auteur1=Tristan Alonge|titre=Racine et Euripide. La révolution trahie|passage=|lieu=Genève|éditeur=[[Librairie Droz|Droz]]|dateannée=2017|pages totales=|isbn=|lire en ligne=}}
* [[Roland Barthes]], ''Sur Racine'', Paris, Seuil, 1963 (ce livre, emblème de la « nouvelle critique », a été sévèrement critiqué par [[Raymond Picard]] dans ''Nouvelle critique ou nouvelle imposture'' et par [[René Pommier]] dans ''Le « Sur Racine » de Roland Barthes'').
* Charles Bernet, ''Le Vocabulaire des tragédies de Jean Racine. Étude statistique'', Genève-Paris, Slatkine-Champion, 1983
* Christian Biet, ''Racine'', in collection ''Portraits Littéraires'', Paris, Hachette Éducation, 1996
* Marie-Florine Bruneau, ''Racine. Le jansénisme et La [[modernité]]'', Paris, José Corti, 1986
* {{Ouvrage|langue=|auteur1=Marie-Claude Canova, Alain Viala|responsabilité1=éds.|auteur2=Alain Viala|titre=Racine et l'Histoire|passage=|lieu=Tübingen|éditeur=Gunter Narr Verlag|dateannée=2004|pages totales=|isbn=|lire en ligne=}}
* [[Arnaud Chaffanjon]], ''Jean Racine et sa descendance'', préface de Thierry Maulnier, Paris, Les Seize Éditions du Palais Royal, 1964
* {{Chapitre|langue=|auteur1=Gilles Declercq|auteurs ouvrage=|titre ouvrage=Jean Racine 1699-1999. Actes du colloque du tricentenaire|lieu=Paris|éditeur=PUF|année=2003|pages totales=|isbn=|lire en ligne=|titre chapitre=La formation rhétorique de Racine|passage=257-290}}
* Maurice Delcroix, ''Le sacré dans les tragédies profanes de Racine'', Paris, Nizet, 1970
* Maurice Descotes, ''Les grands rôles du théâtre de Racine'', Paris, PUF, 1957
Ligne 391 ⟶ 416 :
* [[Lucien Goldmann]], ''Le Dieu caché. Étude sur la vision tragique dans les Pensées de Pascal et dans le théâtre de Racine'', Paris, Gallimard, 1955
* [[Lucien Goldmann]], ''Situation de la critique racinienne'', Paris, L'Arche, 1971 (réed. 1997)
* {{Ouvrage|langue=|auteur1=Michael Hawcroft|titre=Word As Action : Racine, Rhetoric, and Theatrical Language|passage=|lieu=Oxford|éditeur=[[Oxford University Press|Clarendon Press]]|dateannée=1992|pages totales=|isbn=|lire en ligne=}}
* Roy Clement Knight, ''Racine et la Grèce'', Paris, Boivin, 1950
* [[Gustave Larroumet]], ''Racine'', Paris, Hachette, coll. ''Les grands écrivains français'', 1887
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* [[Jacques de Lacretelle]] et Pierre de Lacretelle, ''Introduction au théâtre de Racine'' suivie de ''La vie privée de Racine'', Paris, Librairie académique Perrin, 1949
* Jacques de Lacretelle et Pierre de Lacretelle, ''Racine'', Paris, Librairie académique Perrin, 1970
* {{Ouvrage|langue=|auteur1=Alain Niderst|titre=Racine et la tragédie classique|passage=|lieu=Paris|éditeur=[[Presses universitaires de France]]|dateannée=1978|pages totales=|isbn=|lire en ligne=}}
* Anne Piéjus, ''Le Théâtre des Demoiselles. Tragédie et musique à Saint-Cyr à la fin du Grand Siècle'', Paris Société française de musicologie, 2000.
* Gérard Pélissier, '' Etude sur la Tragédie racinienne '', Paris, Ellipses, 1995, coll. "Résonances"
* Gérard Pélissier, ''Étude sur la Tragédie racinienne '', Paris, Ellipses, 1995, coll. "Résonances"
* {{Ouvrage|langue=|auteur1=Catherine Ramond|titre=La Voix racinienne dans les romans du dix-huitième siècle|passage=|lieu=Paris|éditeur=Honoré Champion|date=2014|pages totales=|isbn=|lire en ligne=}}
* [[Jean RohouPommier (essayiste)|Jean Pommier]], ''Aspects de Racine. L'Évolutionhistoire dulittéraire tragiqued'un raciniencouple tragique'', Paris, SedesNizet, 19911954
* {{Ouvrage|auteur1=Catherine Ramond|titre=La Voix racinienne dans les romans du dix-huitième siècle|lieu=Paris|éditeur=Honoré Champion|année=2014|isbn=}}
* {{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Bernard|nom1=Bastide|directeur1=oui|prénom2=Jean|nom2=Rohou|lien auteur2=Jean Rohou|et al.=oui|préface=[[Christian Giudicelli]]|titre chapitre=Racine à Uzès, espoir et déception|titre=Balade dans le Gard|sous-titre=sur les pas des écrivains|collection=Les écrivains vagabondent|éditeur=Alexandrines|lieu=Paris|année première édition=2008|réimpression=2014|page=74-80|pages totales=255|ISBN=978-2-370890-01-6|présentation en ligne=http://www.alexandrines.fr/uzes-racine/}}
* [[Jean Rohou]], ''Jean Racine : bilan critique'', Paris, Armand Colin, {{2e|édition}}, 1998
* Jean Rohou, ''Avez-vous "lu" Racine ? Mise au point polémique'', Paris, L'Harmattan, 2000
* Jean Rohou, ''Jean Racine, "Andromaque"'', Paris, Presses universitaires de France, 2000
* Jean Rohou, ''Jean Racine, "Athalie"'', Paris Presses universitaires de France, 2003
* Jean Rohou, ''Racine en 12 questions'', Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2020
* Jean-Jacques Roubine, ''Lectures de Racine'', Paris, Armand Colin, 1971
* {{Ouvrage|langue=|auteur1=Charles-Augustin Sainte-Beuve|titre=Port-Royal|passage=|lieu=Paris|éditeur=Renduel|date=1840-1859|pages totales=|isbn=|lire en ligne=}}
* [[Leo Spitzer]], ''L'effet de sourdine dans le style classique : Racine'' (traduction d'Alain Coulon) in ''Études de style'', précédé de ''Leo Spitzer et la lecture stylistique'' par [[Jean Starobinski]], traduit de l'anglais et de l'allemand par Éliane Kaufholz, Alain Coulon et [[Michel Foucault]], Paris, [[Gallimard]], [[1970]] {{p.|208-335}}
* [[Eugène Vinaver]], ''Racine et la poésie tragique'', Paris, Nizet, 1951
 
== Sources<ref>Cette section inventorie les sources archivistique connues disponibles sur Jean Racine, classées par lieux de conservation.</ref> ==
== Sources ==
Cette section inventorie les sources archivistique connues disponibles sur Jean Racine, classées par lieux de conservation.
 
=== Recueils ===
* {{Ouvrage|langue=|auteur1=Raymond Picard|titre=Corpus Racinianum|passage=|lieu=Paris|éditeur=[[Les Belles Lettres]]|dateannée=1956|pages totales=|isbn=|lire en ligne=}}
* {{Ouvrage|langue=|auteur1=Raymond Picard|titre=Nouveau Corpus Racinianum|passage=|lieu=Paris|éditeur=Éditions du C.N.R.S.|dateannée=1976|pages totales=|isbn=|lire en ligne=}} (édition augmentée du précédent)
* {{Ouvrage|langue=|auteur1=Louis Vaunois|titre=L'Enfance et la jeunesse de Racine. Documents sur la vie de Racine|passage=|lieu=Paris|éditeur=Del Duca|dateannée=1964|pages totales=|isbn=|lire en ligne=}}
 
=== Sources manuscrites ===
 
==== [[Archives départementales de l'Aisne]] ====
* 1/Mi709 (acte de baptême)
* 5/Mi1209 :
** <small>[http://archives.aisne.fr/ark:/63271/vtaacdbd4a9d73405f6/daogrp/0/layout:table/idsearch:RECH_5412c7e913a778991123dba3c75bdc9e#id:765125066?gallery=true&brightness=100.00&contrast=100.00&center=4710.925854045505,-4283.751708091008&zoom=2 fol.95 : acte d'inhumation de Jeanne Sconin, mère de Racine, {{date-|29 janvier 1641}}]</small>
** <small>[http://archives.aisne.fr/ark:/63271/vtaacdbd4a9d73405f6/daogrp/0/layout:table/idsearch:RECH_5412c7e913a778991123dba3c75bdc9e#id:819612805?gallery=true&brightness=100.00&contrast=100.00&center=3636.864,-3015.936&zoom=4 fol.125 : acte de mariage de Jean Racine père avec Madeleine Vol, {{date-|4 novembre 1642}}]</small>
** <small>[http://archives.aisne.fr/ark:/63271/vtaacdbd4a9d73405f6/daogrp/0/layout:table/idsearch:RECH_5412c7e913a778991123dba3c75bdc9e#id:850088998?gallery=true&brightness=100.00&contrast=100.00&center=3857.232,-3325.2&zoom=3 fol.157 : acte d'inhumation de Jean Racine père, {{date-|6 février 1643}}]</small>
** [http://archives.aisne.fr/ark:/63271/vtaacdbd4a9d73405f6/daogrp/0/layout:table/idsearch:RECH_5412c7e913a778991123dba3c75bdc9e#id:1510406513?gallery=true&brightness=100.00&contrast=100.00&center=3554.5300336640003,-2697.8182758400003&zoom=9 <small>fol.202 : acte d'inhumation de Jean Racine grand-père, {{date-|septembre 1649}}</small>]
 
==== "Papiers de Jean Racine", [[Bibliothèque nationale de France|BnF]], manuscrits, Français 12886-12891, 6 volumes ====
Chacun de ces volumes, excepté les {{IV}} et {{V}}, est numérisé et accessible sur Gallica. Les liens sont ici intégrés sur leurs cotes.
 
==== "Papiers de Jean Racine", [[Bibliothèque nationale de France|BnF]], manuscrits, Français 12886-12891, 6 volumes<ref>Chacun de ses volumes, exceptés les IV et V, est numérisé et accessible sur Gallica. Les liens sont ici intégrés sur leurs cotes</ref> ====
* [https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b9060956f I, Français 12886]<ref>Notice bibliographique : http://archivesetmanuscrits.bnf.fr/ark:/12148/cc439076/cd0e62</ref>. Divers :
** <small>« Livres notez par Jean Racine ; » liste de la main de Louis Racine, son fils, publiée dans le Bulletin de la Société de l'histoire de Paris (1884), {{t.|XI}}, {{p. |52-555}}</small>
** <small>Lettres de Racine à l'abbé Le Vasseur, à M. et Mlle Vitart (1660-1662), correspondance de Boileau et Racine (1687-1697), lettres de Racine à son fils (1692-1698), lettres au prince Henri de Bourbon-Condé, à la M. Ste Thècle Racine, à M. de Bonrepaux (1693), à Madame de Maintenon (1698).</small>
** <small>Testaments de Racine ({{date-|10 octobre 1698}} et {{date-|29 octobre 1685}}).</small>
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** <small>Lettres de Louis Racine à Cl. Sallier, et deux quittances signées de « Jean Racine, prieur du prieuré de Ste Pétronille de l'Espinay » (1670 et 1668).</small>
* [https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b9057322g II, Français 12887]<ref>Notice bibliographique : http://archivesetmanuscrits.bnf.fr/ark:/12148/cc439076/cd0e128</ref>. Divers :
** <small>«  La Vie de Diogène le Cynique.  »</small>
** <small>« Extrait du traitté de Lucien, Comment il faut écrire l'histoire ».</small>
** <small>« Des Esséniens ; — (fol. 61) Vie de S. Polycarpe ; — (fol. 62) Extrait d'une lettre de S. Irénée ; — (fol. 63) Épitre de S. Polycarpe ; — (fol. 69) De S. Denys, archevêque d'Alexandrie ».</small>
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** <small>« Quinte-Curce de Vaugelas ».</small>
** <small>Remarques sur Athalie.</small>
** <small>« Projet du {{Ier|acte}} acte d'une Iphigénie en Tauride.</small>
** <small>Discours à l'Académie française ({{date-|30 octobre 1678}}).</small>
** <small>« Cantique spirituel à la louange de la charité, tiré de S. Paul ».</small>
Ligne 447 ⟶ 480 :
* V, Français 12890<ref>Notice bibliographique : [http://archivesetmanuscrits.bnf.fr/ark:/12148/cc439076/cd0e300 http://archivesetmanuscrits.bnf.fr/ark:/12148/cc439076/cd0e30]</ref> :
** <small>Extraits de Virgile. Horace, Pline l'Ancien et Cicéron.</small>
** <small>«  Remarques sur les Olympiques de Pindare.  »</small>
* VI, [https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b9061269z Français 12891]<ref>Notice bibliographique : http://archivesetmanuscrits.bnf.fr/ark:/12148/cc439076/cd0e336</ref>. «  Remarques sur l'''Odyssée'' d'Homère  », livres I-X.
 
=== Sources imprimées ===
Ligne 457 ⟶ 490 :
* [[Sénèque]], ''L. Annaei Senecae philosophi opera omnia'' [''Œuvres complètes''], [éd.inconnu]. Exemplaire conservé à la [[Bibliothèque nationale de France|BnF]] ([http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32197923h RES-R-2003]), annoté par Racine pendant ses études à Port-Royal.
 
== NotesVoir et référencesaussi ==
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* [http://adlitteram.free.fr/cms_litterature/index.php?option=com_content&task=view&id=163&Itemid=31/ Biographie détaillée de Jean Racine]
* [http://www.culture.gouv.fr/culture/actualites/racine2.htm Biographie - site Ministère de la Culture] - biographie écrite par [[Marc Fumaroli|Marc Fumaroli - Académie Françaisefrançaise]]
* [https://www.poesies.net/racine.html Théâtre Complet De Jean Racine à télécharger. (Poesies.net)]
* [http://www.theatre-classique.fr Théâtre complet de Jean Racine avec notes et variantes à consulter ou à télécharger au format PDF.]
* [http://education.francetv.fr/matiere/litterature/troisieme/dossier/vie-et-oeuvre-de-jean-racine Vie et œuvre de Jean Racine], le dossier illustré de francetv éducation
* [https://www.franceculture.fr/theatre/6-tragedies-de-jean-racine-a-ecouter 6 tragédies de Jean Racine à écouter] (Audio : Andromaque ({{heure|1|55}}) ; Britanicus ({{heure|1|58}}) ; Bérénice ({{heure|1|47}}) ; Bajazet ({{heure|1|58}}) ; Iphigénie ({{heure|1|57}}) et Phèdre ({{heure|2}})) par [[France Culture]] avec la [[Comédie-Française|Comédie Française]] (2015 ; 2016 ; 2017 ; 2020)
 
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== Pages connexes ==
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=== Pages connexes ===
* [[Littérature française du XVIIe siècle]]
* [[Racine passera comme le café]]
 
== Notes et références ==
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