« Race humaine » : différence entre les versions
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{{Voir homonymes|Race (homonymie)}}
{{à scinder|date=30 novembre 2019}}
La [[notion]] de '''« race » humaine''', par analogie avec les [[race]]s d'animaux d'[[élevage]], fut employée pour établir des classifications internes à l'[[Homo sapiens|espèce humaine]] selon des critères morphologiques ou culturels<ref name=Larousse>[http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/race/65899 Race], ''Dictionnaire Larousse''.</ref>{{,}}<ref name="Académie française">''Dictionnaire de l'Académie française'' : « Chacun des grands groupes entre lesquels on répartit superficiellement l'espèce humaine d'après les caractères physiques distinctifs qui se sont maintenus ou sont apparus chez les uns et les autres, du fait de leur isolement géographique pendant des périodes prolongées. »</ref>{{,}}<ref name=Peters>{{Ouvrage|langue=fr |prénom1=Georges|nom1=Peters|lien auteur1= |titre=Racismes et races : histoire, science, pseudo-science et politique |éditeur=Éditions d'en bas|lien éditeur=Éditions d'en bas |année=1986 |pages totales=135 |passage=« L'espèce humaine est habituellement sous-divisée en races d'après des critères purement physiques, qui sont surtout en rapport avec des dimensions du squelette. » |isbn= |lire en ligne=https://books.google.ch/books?id=7lo3RkDGZEQC&pg=PA23&dq=race+humaine&hl=fr&ei=Tq3qTMLgIc6L4Qb04uT4Ag&sa=X&oi=book_result&ct=result&resnum=8&ved=0CFEQ6AEwBw#v=onepage&q=race%20humaine&f=false |consulté le=22 novembre 2010}}</ref>. Des études scientifiques,
La notion de race a été utilisée à partir du {{s|XVIII|e}} pour distinguer des groupes humains possédant des critères physiques transmissibles, dans le prolongement des [[Généalogie dans la Genèse|généalogies bibliques]] puis des grandes [[taxonomie]]s de [[Carl von Linné|Linné]]. Au {{s|XX}}, elle a notamment été utilisée pour justifier la perpétration de la [[Shoah]] par les [[Nazisme|nazis]], l'[[apartheid]] en [[Afrique du Sud]] et la [[Ségrégation raciale aux États-Unis|ségrégation]] aux [[États-Unis]]. Elle n'est plus employée aujourd'hui dans la description du monde vivant que pour désigner les espèces et sous-espèces du monde animal en général.
== Étymologie et signification ==
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La notion de race, entendue en termes biologiques, est tardive et se rattache à une période précoce de la science moderne tentant une classification en [[espèce]]s et en sous-espèces, qui ne concernait d’abord que les végétaux et les autres animaux ([[Carl von Linné|Linné]], {{XVIIe siècle}}). Au {{s-|XIX|e}}, on commence à parler de « races » au sein de l’espèce humaine avec le même sens que les races animales classiques<ref>''Nouvelle Division de la Terre par les différentes Espèces ou races d’homme qui l’habitent, envoyé par un fameux Voyageur à M. l’abbé de la *** à peu près en ces termes'' de [[François Bernier (philosophe)|François Bernier]], paru sans nom d’auteur dans le ''Journal des sçavans'' du 24 avril 1684 est cependant considéré comme la première tentative théorique de diviser l’humanité en races distinguées selon leurs origines géographiques, leurs caractères somatiques et leurs mœurs {{lire en ligne|lien=https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k56535g/f135.item}}.</ref>.
[[Arthur de Gobineau]] popularise au milieu du {{s-|XIX|e}} une nouvelle acception, dans son essai [[racisme|raciste]], ''[[Essai sur l'inégalité des races humaines]]'' (1853-1855), dans lequel il prenait parti en faveur de la thèse [[polygénisme|polygéniste]] selon laquelle l'espèce humaine serait divisée en plusieurs races distinctes, que l'on pourrait selon lui hiérarchiser. Le [[racialisme]] (ou racisme {{Citation|scientifique}}) deviendra alors l'idéologie prédominante dans les milieux savants et dans l'[[anthropologie physique]], couplé à l'[[Évolutionnisme (anthropologie)|évolutionnisme]], au [[darwinisme social]] et aux théories [[eugénisme|eugéniques]] développées par [[Francis Galton]].
Afin d'éviter l'usage impropre du terme « race », l'[[Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture|Unesco]] recommanda, au milieu des [[années 1950]] d'instaurer la notion d'[[ethnie]], laquelle insiste fortement sur les dimensions culturelles au sein d'une [[population]] humaine (langue, religion, us et coutumes, etc.). Pour autant, quelques tentatives racialistes perdurent, comme l'a montré la publication de ''[[The Bell Curve]]'' ([[1994]]), par [[Richard Herrnstein]] et [[Charles Murray (politologue)|Charles Murray]], estimant que le [[quotient intellectuel]] inférieur des [[Afro-Américains|Noirs américains]] était d'origine génétique et ne pouvait pas être corrigé par des mesures sociales. Le même reproche est fait à certaines lectures de la [[sociobiologie]], qui cherchent l'éventuelle origine [[génétique]] des comportements sociaux y compris altruistes<ref>cf. [[Richard Dawkins]], ''[[Le Gène égoïste]]''.</ref>.
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Selon l{{'}}''[[Encyclopædia Universalis]]'' (2006) : {{citation bloc|Utilisé pour signifier la différence entre les groupes humains, le mot « race » s'attache à des caractères apparents, le plus souvent immédiatement visibles. Les plus frappantes de ces différences sont chez l'homme la couleur de la peau, la forme générale du visage avec ses traits distinctifs, le type de chevelure [cf. ANTHROPOLOGIE PHYSIQUE]. Ces variations sensibles, sitôt reconnues, sont interprétées par le système de valeurs propre à chaque culture. Un tout jeune enfant blanc qui rencontre pour la première fois un enfant noir, et s'il n'a pas encore reçu de ses parents le schéma culturel raciste, se demandera pourquoi l'autre s'est mis de la couleur et, en lui serrant la main, il regardera la sienne pour voir si cette couleur déteint. Ce comportement marque la découverte d'une différence qu'il demandera à l'adulte d'expliquer ; ici commence le discours sur les « variétés dans l'espèce humaine ».}}
Dans ''Le Racisme expliqué à ma fille'', [[Tahar Ben Jelloun]] écrit : {{Citation bloc|Le mot « race » ne doit pas être utilisé pour dire qu'il y a une diversité humaine. Le mot « race » n'a pas de base scientifique. Il a été utilisé pour exagérer les effets de différences apparentes, c'est-à-dire physiques. On n'a pas le droit de se baser sur les différences physiques {{incise|la couleur de la peau, la taille, les traits du visage}} pour diviser l'humanité de manière hiérarchique c'est-à-dire en considérant qu'il existe des hommes supérieurs par rapport à d'autres hommes qu'on mettrait dans une classe inférieure. Je te propose de ne plus utiliser le mot « race »<ref>[[Tahar Ben Jelloun]], ''Le Racisme expliqué à ma fille''.</ref>.}}
Cela rejoignait la proposition faite par l'[[Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture|Unesco]] au lendemain de la [[Seconde Guerre mondiale]] de substituer l'expression « [[Ethnie|groupe ethnique]] », plus scientifique et incluant les composantes culturelles, au terme vague et confus de « race », lequel n'a pas de signification rigoureuse<ref>[http://unesdoc.unesco.org/images/0012/001282/128291eo.pdf '''La Question des races''], [[Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture|Unesco]], 1950.</ref>. ▼
▲Cela rejoignait la proposition faite par l'[[Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture|Unesco]] au lendemain de la [[Seconde Guerre mondiale]] de substituer l'expression « [[Ethnie|groupe ethnique]] », plus scientifique et incluant les composantes culturelles, au terme vague et confus de « race », lequel n'a pas de signification rigoureuse<ref>[http://unesdoc.unesco.org/images/0012/001282/128291eo.pdf '''La Question des races''], [[Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture|Unesco]], 1950.</ref>.
Toutefois, la notion de groupe ethnique ne reflète pas de composante biologique comme le fait la notion de race et constitue ainsi un substitut imparfait pour cette notion. Ainsi, dans une approche différenciée que l'on retrouve au sein de la vaste majorité de la communauté internationale dans le cadre de la ''Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale''<ref name="autogenerated1">[http://www.admin.ch/ch/f/rs/0_104/index.html RS 0.104 Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale].</ref>, la notion de race humaine est parfaitement admise comme une réalité non seulement linguistique mais relevant également du fait social et distincte de l'ethnie. Par exemple, le législateur suisse, dans le contexte du phénomène raciste, fournit explicitement l'explication suivante sur les notions de race et ethnie contenues dans cette convention :
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Les partisans du classement de l’espèce humaine en races cherchèrent un instrument de mesure susceptible de donner des critères de différenciation. Ils recensèrent ainsi des [[phénotype|caractères phénotypiques]] visibles, soit le premier moyen de catégoriser l’espèce humaine en différentes races. La méthode consiste à cette époque à étudier ces caractères physiques de manière systématique : c’est la naissance de l'[[anthropométrie]] comme moyen de quantifier les différences au sein de l’espèce humaine.
Grâce à cet outil furent définies des « races humaines » en fonction de leurs caractéristiques physiques : [[pigment]]ation, forme du visage et du crâne ([[craniométrie]]), etc. Cette définition implique d’une certaine façon l’existence d’une « [[pureté raciale]] », illustrée par des individus « type ». La discipline passionna ceux qui s’intéressaient à la classification des « races » et qui étaient persuadés de leur existence.
Certains auteurs distinguent plusieurs dizaines voire des centaines de « races » mais tous accordent dans leurs descriptions une place particulière à de grands ensembles en nombre limité, le plus souvent basés sur la pigmentation de la peau.
L'anthropométrie a largement nourri les discours et politiques [[racisme|racistes]]. La période du [[nazisme]] vit ainsi se multiplier des expositions détaillants des caractères physiques, pour « apprendre » à reconnaître les races humaines.
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Aux États-Unis, les principales classifications, pour des usages scientifiques, furent établies par [[William Ripley]] et [[Carleton Coon]]. Le débat à l'intérieur de la communauté savante concernant le découpage des différentes races est toutefois à distinguer de l'usage évolutif et varié de [[Race (recensement des États-Unis)|catégories raciales dans les différents recensements]]<ref name=GibsonJung>Campbell Gibson et Kay Jung, [https://www.census.gov\/population/www/documentation/twps0056/twps0056.html Historical Census Statistics on Population Totals By Race, 1790 to 1990, and By Hispanic Origin, 1970 to 1990, For The United States, Regions, Divisions, and States] {{Lien archive|url=https://www.census.gov\/population/www/documentation/twps0056/twps0056.html |horodatage archive=20080725044857 |titre=Copie archivée }}, Population Division, US Census Bureau, septembre 2000, Working Paper Series No. 5.</ref>. On observe, des variations très significatives dans les instructions données aux agents chargés de ces « découpages »<ref name="ReferenceA"/>. Dans ces recensements, opérés à partir de 1790, la race désigne tantôt une [[Couleur de la peau humaine|couleur de peau]] (ainsi « Blanc » et « Noir », seules catégories utilisées de 1790 à 1850<ref name=GibsonJung/>), tantôt une appartenance ethnique (ainsi « [[Esquimaux|Eskimo]] » et « [[Aléoute]] », catégories qui apparaissent dans les années 1960 et sont généralisées, au niveau national, en 1980<ref name=GibsonJung/>), tantôt une religion (ainsi la catégorie « [[hindouisme|Hindou]] », introduite en 1910<ref name=GibsonJung/>), tantôt une [[nationalité]] ou une origine nationale (ainsi les catégories « [[Chinois (nation)|Chinois]] » ou « [[Japonais (peuple)|Japonais]] », introduites respectivement en 1860 et 1870). À côté du champ scientifique et du champ du recensement, la catégorie de race fait l'objet d'une {{Lien|Construction juridique du concept de race aux États-Unis|trad=Judicial aspects of race in the United States|texte=construction juridique spécifique}}.
== Précision,
La grande variabilité des traits physiques empêche de les attribuer uniquement à une race. En effet, la grande majorité des caractères physiques sont quantitatifs. Une même couleur de peau peut être retrouvée dans des groupes très éloignés et inversement on constate des différences importantes à l'intérieur de groupes donnés (de là la discussion, en Amérique latine et aux États-Unis, à propos des différents teints de noirs, ou la classification élaborée, dès la [[colonisation européenne des Amériques]], afin de hiérarchiser les individus issus du [[métis]]sage de groupes ethniques distincts en fonction de la couleur de leur peau). Tout ce panel possible de variété découle du métissage. Ce métissage, s'il est suffisant pour créer des formes intermédiaires, n'invalide pas véritablement l'existence de races humaines en tant que telles
L'usage criminel de la notion de « race » au cours de la [[Seconde Guerre mondiale]] par le régime nazi et l'absence de catégorisations fiables liées à cette notion font que les anthropologues n'utilisent plus ce type de classification.
L'usage criminel de la notion de race au cours de la [[Seconde Guerre mondiale]] par le régime nazi a fortement déconsidéré ce type de classification, et accentué l'[[antiracisme]]. Dans son édition de juillet-août [[1950]], sous le titre « Les Savants du monde entier dénoncent un mythe absurde… le racisme », le ''Courrier de l’[[Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture|Unesco]]'' publie la « déclaration sur la race ». Il s’agit d’un document rédigé en décembre [[1949]] par un groupe international de chercheurs qui précisent la notion de race<ref name="unesco" /> et affirment l’unité fondamentale de l’humanité<ref>« 1. Les savants s'accordent en général à reconnaître que l'Humanité est une et que tous les hommes appartiennent à la même espèce, ''Homo Sapiens''. », [http://unesdoc.unesco.org/images/0012/001269/126969FB.pdf ''Déclaration d'experts sur les notions de race''], [[Paris]], le {{date|20|juillet|1950}}.</ref>.▼
Les approches des [[Sciences humaines et sociales|sciences humaines]] anthropologiques, études comparatives des civilisations, ethnologiques, politiques et sociologiques, ont eu à abandonner cette notion difficilement exploitable dans leur matière.
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[[Claude Lévi-Strauss]] analyse les mécanismes de la constitution de l’idéologie raciste, en termes de différenciations de races : {{citation bloc|Le péché originel de l’anthropologie consiste dans la confusion entre la notion purement biologique de race (à supposer que […] cette notion puisse prétendre à l’objectivité), et les productions sociologiques et psychologiques des cultures humaines<ref>Claude Lévi-Strauss, ''Race et histoire'', 1952, éd. Folio, coll. « Essais », 1989 {{ISBN|2-07-032413-3}}, p. 10.</ref>.}}
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En [[2008]], la revue ''Science'' a publié l'étude génomique la plus complète jamais effectuée qui compare {{formatnum:650000}} [[nucléotide]]s chez 1064 individus appartenant à 51 populations déclarées. Le travail réalisé par les 11 auteurs a permis d'établir un arbre de parenté probable de 938 individus, cet arbre de probabilités prédit avec une bonne précision l'origine géographique des individus. L'étude confirme les résultats des travaux antérieurs, basés sur les [[Microsatellite (biologie)|microsatellites]] (non-codants) concernant l'origine par continents des individus. Par ailleurs elle confirme l'hypothèse selon laquelle l'espèce ''homo sapiens'' a une origine africaine et que la majorité de la variation génétique dans l'espèce se retrouve entre individus dans les branches d'apparentements plutôt qu'entre elles ; il n'y a donc pas de populations isolées génétiquement au sein de l'espèce humaine<ref>{{Article|langue=en|auteur1=Li, Jun|et al.=oui|titre=Worldwide Human Relationships Inferred from Genome-Wide Patterns of Variation|périodique=Science (319)|date=Février 2008|issn=|doi=10.1126/science.1152586|lire en ligne=http://science.sciencemag.org/content/319/5866/1100.long|pages=1100-1104}}</ref>{{,}}<ref>{{Article|langue=fr|auteur1=Corbara B|titre=Populations, races, espèces : y a-t-il des limites objectives ?|périodique=Espèce (16)|date=Juin-Août 2015|issn=|lire en ligne=|pages=}}</ref>.
Plusieurs études génétiques récentes
Distances génétiques (Fst) autosomales calculées par [https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC2730349/table/t1-09_94_tian/ Chao Tian {{et al.}} 2009]:
* Grec-Druze : 0.0052, Grec-Bédouin : 0.0064, Grec-Palestinien : 0.0057, Grec-Russe : 0.0108, Grec-Suédois : 0.0084,
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* Italiens du Sud - Lettoniens : 0.0150, Italiens du Sud - Finlandais (Helsinki) : 0.0160
* Espagnols - Lettoniens : 0.0100, Espagnols - Finlandais (Helsinki) : 0.0110
* Européens – Chinois 0.1100, Européens – Africains (Yoruba) 0.1530.</ref> mais une telle distance avec les Finlandais n'est pas représentative des distances entre les Européens ; elle s'explique parce que les Finlandais sont
=== Génotype et phénotype ===
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Les analyses ADN montrent ainsi que l’espèce humaine possède déjà un peu plus de 98,6 % de son [[génome]] en commun avec les ''chimpanzés'', et qu'elle partage le même patrimoine génétique à 99,8 %. Les différences entre hommes et singes sont dues à seulement quelques dizaines de gènes. Les apparentes différences anatomiques et physiologiques à l’intérieur de l’espèce humaine sont dues à un nombre encore plus restreint de gènes. Difficile, dès lors, d’arriver à isoler des gènes « types », différenciant diverses populations.
La compatibilité des tissus pour les dons d'organe (cœur, rein…) ou de sang ne dépend pas du groupe ethnique du donneur et du receveur ; et, à l’extrême, le donneur doit être un membre proche de la famille du receveur (comme pour les dons de moelle), le nombre de donneurs compatibles se comptant sur les doigts d’une main parmi les milliards d’individus, ce qui ne correspond pas non plus à la notion de « race » communément admise. On peut donc en déduire que les différences externes, qui ont servi à définir initialement les races, ne sont d’aucune utilité dans ce domaine, et sont très éloignées des considérations biochimiques.
=== Variabilité génétique : un outil de classification ===
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[[Fichier:ADMIXTURE analysis of Horn of Africa populations in a broad context.png|vignette|300x300px|Analyse des ADMIXTURE pour 81 populations à partir de 16 420 SNPs. (Hodgson JA, Mulligan CJ, Al-Meeri A, Raaum RL., 2014).]]
[[Fichier:9 Cluster Tree.png|thumb|[[Arbre phylogénétique]] pour 9 groupes de populations (Cavalli-Sforza, L.L., Menozzi, P. & Piazza, A., 1994)<ref>Cavalli-Sforza, L.L., Menozzi, P. & Piazza, A., ''The History and Geography of Human Genes'', 1994.</ref>.]]
{{Référence nécessaire|De nos jours, la définition de la notion de race a disparu du champ de la biologie d’où elle a été rejetée. Seuls quelques chercheurs isolés persistent à recourir à cette notion controversée, utilisée de manière très générale, se détachant de la biométrie ou de la génétique moderne. Ainsi, si [[Luigi Luca Cavalli-Sforza]], dans son ouvrage « Gènes, Peuples, et Langues », pose la définition suivante en évoquant l’usage de certains dictionnaires, dans le cadre d’un chapitre portant sur la question de la pertinence du terme : {{Citation bloc|"Une race est un groupe d’individus qu'on peut reconnaître comme biologiquement différents des autres."}}Il ne s’y réfère que pour rappeler ce qui fut reçu aux époques précédentes, mais maintenant abandonné.
Avec l'étude de la variabilité génétique apparaît une nouvelle définition : [[Theodosius Dobjansky]] proposera ainsi sa définition du concept de [[race]] (au sens large) :
{{Citation bloc|Une [[population]] d’espèces qui diffèrent selon la fréquence de variants génétiques, d’[[allèle]]s ou de structures chromosomiques.}}
Cependant, comme l’indique Marcus Feldman (du département de biologie de l’université Stanford) et ses collègues : « comme deux populations différentes présentent toujours de tels variants, cette définition est en réalité synonyme de population ».
Au sein de cette approche apparaît une nouvelle donnée : la variabilité moyenne ''au sein'' des populations humaines est plus grande que celle existant ''entre'' les populations<ref>Selon une étude récente de Rosenberg, parue en 2002 et portant sur des [[microsatellite (biologie)|microsatellites]] : 86 à 95 % de la variabilité génétique se trouve à l’'''intérieur''' des populations locales, 2 à 6 % entre populations d’une même grande région géographique, et 3 à 10 % entre grandes régions.</ref>. Cette constatation amène à l’époque un grand nombre de biologistes à considérer que la notion de race n’est pas biologiquement pertinente.
Ainsi, dans ''Éloge de la différence'' (1981), [[Albert Jacquard]] affirme que pour la génétique moderne la notion de race des anciennes classifications ne convient pas à l’espèce humaine. [[André Langaney]] va plus loin en indiquant que « la notion de race est dépourvue de fondements et de réalité scientifique », puisqu’on ne peut, d’après lui, distinguer les populations des différentes parties du globe en se fondant sur des différences génétiques.
Les scientifiques, qu’ils soient [[génétique|généticiens]], [[anthropologie|anthropologues]] ou [[ethnologie|ethnologues]] s’accordent donc, avec des arguments différents, sur ''l’arbitraire'' de la définition de races au sein de l’espèce humaine. Ainsi, la pertinence biologique de cette notion est notamment remise en question. Luigi Luca Cavalli-Sforza précisera son point de vue ainsi :
{{Citation bloc|Toute tentative de classification en races humaines est soit impossible, soit totalement arbitraire.}}
Et, dans l'ouvrage ''Qui sommes-nous ?'' :
{{Citation bloc|En réalité, dans l’espèce humaine, l’idée de « race » ne sert à rien.}}|date=17 août 2019}}
=== Une définition génétique ===
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Depuis 2003, le [[Projet génome humain|projet de séquençage du génome humain]] est achevé<ref>{{Lien web|langue=fr|titre=Le génome humain, clé de la médecine du futur, est intégralement séquencé.|url=https://www.futura-sciences.com/sante/actualites/genetique-genome-humain-cle-medecine-futur-integralement-sequence-1967/|site=futura-science.com/sante|périodique=Futura science|date=17 avril 2003|consulté le=}}</ref>. L’analyse statistique des variations du génome au sein de l’espèce humaine est facilitée, et les généticiens disposent d'un nouvel outil pour étudier les variations génétiques.
Entre 2001 et 2003, des études (notamment celles de Rosenberg, Stephens et Bamshad) ont permis de démontrer qu’il était possible de déterminer la région d’origine des ancêtres d’un individu en étudiant des « marqueurs génétiques ». Ces travaux ont provoqué un regain d’attention pour le concept de race ( de la part des partisans des théories racistes) : on peut ainsi compter pas moins de onze commentaires, dans des revues scientifiques ou des journaux, posant la question de la catégorisation en races.
Certains commentaires tendent à remettre en cause l’idée selon laquelle la plus grande part de variabilité serait présente au sein même des populations. Or, c’est cette observation qui avait conduit à la perte d’intérêt pour le classement en races des êtres humains. Cependant, pour Feldman, Lewontin et King, cette constatation n’a pas à être remise en cause, mais doit être mise en perspective avec d’autres découvertes.
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=== Le problème de la pertinence ===
{{section à sourcer|date=mars 2013}}
Ainsi, les scientifiques ont-ils pu démontrer qu’il était possible de définir de façon scientifique des groupes au sein de l’espèce humaine. Ces groupes (correspondant à des populations différentes) diffèrent, non pas sur la base de génotypes différents, mais sur un ensemble de petites différences entre fréquences alléliques d’un grand nombre de marqueurs génétiques. Il est également possible de connaître (avec une certaine probabilité, cependant) le continent d'origine d'un individu, ''mais'' le fait de connaître cette origine n’améliore quasiment pas la capacité à prédire son génotype (il n’existe aucun gène pour lequel un allèle donné ne se retrouve qu’au sein d'un grand groupe géographique) et ne revient pas à une catégorisation en races pour autant.
Cet état de fait permet d’une certaine manière de définir des « races » au sein de l’espèce humaine, en se fondant sur la notion de population et les découvertes récentes en génétique. Les scientifiques préfèrent cependant user du terme de « groupe géographique », étendant la notion de population, le terme de race restant fortement connoté et pouvant prêter à confusion selon la définition utilisée. Il reste également à définir à partir de quel niveau de telles « races » sont définies, puisqu’il est possible, avec la même méthode mais une précision décroissante, de catégoriser à l’échelle de la Terre, de grande régions ou des populations locales.
Cependant, le fait de pouvoir définir plus ou moins arbitrairement des races au sein de l’espèce humaine ne renseigne pas sur la réalité biologique que de tels concepts recouvrent. Il se pose ainsi le problème de la pertinence d’une telle classification raciale. Certains ont ainsi pu soulever l’idée selon laquelle un classement racial pourrait être avantageusement intégré aux pratiques médicales. Mais cette dernière idée est contrecarrée par deux constatations :
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{{Citation bloc|Contrairement à l'idée défendue depuis le milieu du {{s-|XX|e}}, on peut définir scientifiquement des races dans l’espèce humaine. La connaissance du génome humain permet en effet de regrouper les personnes selon les zones géographiques d’où elles sont issues. En revanche, les usages que l’on prétend faire en médecine d’une classification raciale sont sujets à caution.}}
Il est ainsi beaucoup plus pertinent, du point de vue biologique, de connaître l’ascendance d’un individu, ''via'' une étude de son génotype, que de le classer dans une race. Feldman et ses collègues font ainsi remarquer qu’une classification raciale dans un but médical est « au mieux sans grande valeur, au pire dangereuse », et qu’elle « masque l’information biologique nécessaire à des décisions diagnostiques et thérapeutiques intelligentes », il ne faut donc pas « confondre race et ascendance ». Dit autrement : « Si l’on veut utiliser efficacement le génotype pour des décisions diagnostiques et thérapeutiques, ce n’est pas la race qui importe, mais les informations sur l’ascendant du patient ».
En résumé : il est possible de classer les êtres humains en races définies arbitrairement, selon des catégories peu pertinentes sur le plan biologique. Cependant, la notion de « race » utilisée ici diffère sensiblement de celle utilisant les simples traits physiques.
=== Médecine de précision ===
Le développement de la [[Médecine personnalisée|médecine de précision]], c'est-à-dire une médecine individualisée basée sur l'étude génomique des patients<ref>{{Lien web|langue=fr|titre=Médecine de précision - Valorisation des données et des échantillons biologiques - CHUV|url=http://www.chuv.ch/vde/vde_home/vde-medecine-precision.htm|site=www.chuv.ch|consulté le=2017-08-29}}</ref> a fait apparaître l’utilité de prendre en compte l'existence de groupes continentaux notamment vis-à-vis de la réponse aux traitements médicamenteux<ref>{{Lien web|langue=fr|titre=Population genetic structure of variable drug response - ProQuest|url=https://search.proquest.com/openview/41abb73f934d7fc2ae7828d266a47a2d/1?pq-origsite=gscholar&cbl=33429|site=search.proquest.com|consulté le=2017-08-29}}</ref>. Pour certains chercheurs l'identification des différences génétiques entre les races et les
Dans le monde médical, la race est parfois prise en compte dans le diagnostic et le traitement des pathologies. Certaines affections sont plus fréquentes chez certains groupes raciaux ou ethniques que dans d'autres, sans que les causes de ces différences soient toujours clairement établies. L'intérêt récent de la médecine et de la pharmacogénomique pour les différences raciales trouve son origine dans la prolifération des données génétiques humaines qui ont suivi le décodage du génome humain au cours de la première décennie du XXIe siècle. Un débat actif parmi les chercheurs a toujours court sur la signification et l'importance à donner aux races dans leurs recherches. Les partisans de l'utilisation des catégories raciales en biomédecine font valoir que l'utilisation des catégorisations raciales dans la recherche biomédicale et la pratique clinique rend possible l'application de nouveaux résultats génétiques<ref name=":1" />{{,}}<ref name=":2">{{Article|langue=en|prénom1=Celeste|nom1=Condit|prénom2=Alan|nom2=Templeton|prénom3=Benjamin R.|nom3=Bates|prénom4=Jennifer L.|nom4=Bevan|titre=Attitudinal barriers to delivery of race-targeted pharmacogenomics among informed lay persons|périodique=Genetics in Medicine|volume=5|numéro=5|date=September 2003|issn=1098-3600|doi=10.1097/01.GIM.0000087990.30961.72|lire en ligne=https://www.nature.com/gim/journal/v5/n5/abs/gim2003361a.html|consulté le=2017-08-29|pages=385–392}}</ref>. Leurs arguments se basent en particulier sur le potentiel des médecines personnalisées basées sur le génome<ref>{{Article|langue=|auteur1=|prénom1=Catherine|nom1=Lee|titre=“Race” and “ethnicity” in biomedical research: How do scientists construct and explain differences in health?|périodique=Social Science & Medicine|volume=68|numéro=6|date=mars 2009|issn=|doi=10.1016/j.socscimed.2008.12.036|lire en ligne=https://doi.org/10.1016/j.socscimed.2008.12.036|consulté le=2017-08-29|pages=1183–1190}}</ref>.
D'autres chercheurs soulignent que trouver une différence dans la prévalence de la maladie entre deux groupes socialement définis n'implique pas nécessairement une causalité génétique de la différence<ref>{{Article|langue=en|auteur1=Graves, Joseph L.|titre=Evolutionary versus racial medicine: why it matters|périodique=Race and the genetic revolution: Science, myth and culture|date=2011|issn=|lire en ligne=|pages=142-170}}</ref>{{,}}<ref>{{Article|langue=en|auteur1=Fullwiley, D.|titre=Can DNA witness race? Forensic uses of an imperfect ancestry testing technology|périodique=Race and the genetic revolution: Science, myth and culture|date=2011|issn=|lire en ligne=|pages=}}</ref>. Ils suggèrent que les pratiques médicales devraient se concentrer sur l'individu plutôt que sur l'appartenance d'un individu à n'importe quel groupe. Ils font valoir que la mise en avant excessive des contributions génétiques au détriment des disparités en matière de santé comporte différents risques tels que le renforcement des stéréotypes, la promotion du racisme ou l'absence de prise en compte de la contribution des facteurs non génétiques aux disparités en matière de santé. Des études plus récentes notent notamment que ces marqueurs génétiques ne sont pas les facteurs les plus importants à prendre en compte<ref>{{Article|prénom1=Koffi N.|nom1=Maglo|prénom2=Tesfaye B.|nom2=Mersha|prénom3=Lisa J.|nom3=Martin|titre=Population Genomics and the Statistical Values of Race: An Interdisciplinary Perspective on the Biological Classification of Human Populations and Implications for Clinical Genetic Epidemiological Research|périodique=Frontiers in Genetics|volume=7|date=2016-02-17|issn=1664-8021|pmid=26925096|pmcid=PMC4756148|doi=10.3389/fgene.2016.00022|lire en ligne=https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4756148/|consulté le=2017-08-29}}</ref>. Les données épidémiologiques internationales montrent que les conditions de vie plutôt que la race constituent la plus grande différence dans les résultats de santé même pour les maladies qui ont des traitements spécifiques à la race<ref>{{Article|langue=En|prénom1=Richard S.|nom1=Cooper|prénom2=Katharina|nom2=Wolf-Maier|prénom3=Amy|nom3=Luke|prénom4=Adebowale|nom4=Adeyemo|titre=An international comparative study of blood pressure in populations of European vs. African descent|périodique=BMC Medicine|volume=3|numéro=1|date=2005-01-05|issn=1741-7015|doi=10.1186/1741-7015-3-2|lire en ligne=https://bmcmedicine.biomedcentral.com/articles/10.1186/1741-7015-3-2|consulté le=2017-08-29|pages=2}}</ref>. Certaines études ont révélé que les patients sont réticents à accepter la catégorisation raciale dans la pratique médicale<ref name=":2" />.
== La notion de race comme construction sociale ==
Dans les années 1950, l'Unesco recommandait de remplacer « race » par « [[Ethnie|groupe ethnique]] », mais ce terme est également déconstruit{{pas clair}} et contesté depuis les années 1970<ref>{{ouvrage |prénom1=Philippe |nom1=Poutignat |prénom2=Jocelyne |nom2=Streiff‑Fenart |titre=Théories de l'ethnicité |préface=[[Jean-William Lapierre]] |collection=Georges Balandier |éditeur=[[Presses universitaires de France]] |lieu=Paris |année première édition=1995 |réimpression=1999 et 2005 |isbn=9782130466277 |pages totales=270 |titre chapitre=suivi de, ''Les groupes ethniques et leurs frontières'', de [[Fredrik Barth]]}}.</ref>. Cependant, les ''Race studies'' analysent la construction sociale et idéologique de la race, la production d'effets réels d'auto-identification et de reconnaissance en termes d'appartenance à telle ou telle race. Aux États-Unis, la race est un paramètre facultatif du [[Race (recensement des États-Unis)|recensement]]. La [[Cour suprême des États-Unis]] a eu maintes fois l'occasion de statuer sur la race - ''[[Bhagat Singh Thind|United States v. Bhagat Singh Thind]]'' en 1923, lois sur la [[Ségrégation scolaire#Moyens de résolutions|déségrégation scolaire]], lois sur l'''[[Discrimination positive aux États-Unis|affirmative action]]''{{etc.}})
En Suisse, le [[Tribunal fédéral (Suisse)|Tribunal fédéral]] a affirmé dans une décision de 1998 relative à la confiscation de matériel à contenu raciste : {{Citation bloc|La race, au sens de l'art. 261bis CP [Code pénal], se caractérise notamment par la couleur de la peau […] ; il n'est donc pas douteux que les noirs constituent une race au sens de cette disposition<ref>[http://relevancy.bger.ch/cgi-bin/JumpCGI?id=BGE-124-IV-121&lang=fr 124 IV 121 Arrêt de la Cour de cassation pénale du 30 avril 1998 dans la cause P. contre Ministère public du canton de Neuchâtel, ATF 124 IV 121, 124].</ref>).}}
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