« Époque hellénistique » : différence entre les versions

Contenu supprimé Contenu ajouté
article déchu en AdQ
Apollonidès (discuter | contributions)
(459 versions intermédiaires par 46 utilisateurs non affichées)
Ligne 1 :
{{en travaux|Zunkir|date=16 juin 2024}}
[[Fichier:NAMA Galate.jpg|thumb|''[[Gaulois blessé de Délos]]'', thème apparu dans la statuaire grecque à la suite de la victoire d’[[Attale Ier|Attale {{Ier}}]] de [[Pergame]] sur les [[Peuples gaulois|Gaulois]] v. {{Date|-237}}, [[musée national archéologique d'Athènes]].]]
 
{{Infobox Période historique
L{{'}}'''époque hellénistique''' correspond à la période de l'[[Antiquité]] qui suit la conquête d’une partie du [[Bassin méditerranéen|bassin oriental de la Méditerranée]] et de l’[[Asie]] par [[Alexandre le Grand]] de [[323 av. J.-C.]] jusqu’à la période romaine en [[30 av. J.-C.]] Si l'on excepte les figures d’Alexandre et de [[Cléopâtre VII]], ces trois siècles et demi sont relativement méconnus et souvent considérés comme une période de transition, voire de déclin ou de décadence, entre l'[[époque classique]] grecque et l'[[Empire romain]]. Cependant l'éclat de grandes villes, telles [[Alexandrie]], [[Antioche]] ou [[Pergame]], l'importance des échanges économiques et culturels, la diffusion de la [[Grec ancien|langue grecque]] témoignent d'un grand dynamisme et modifient profondément le visage de l'Orient antique, y compris ultérieurement sous l'Empire romain qui est fortement [[Hellénisme|hellénisé]] dans sa [[Empire romain d'orient|moitié orientale]] ([[Paul Veyne]] utilise l'expression d'« Empire gréco-romain »).
| nom = '''Époque hellénistique'''
| image = Diadochi-fr.svg
| légende image = Les royaumes hellénistiques en {{Date|-301}}
| carte =
| légende carte =
| année début = [[323 av. J.-C.]]
| année fin = [[31 av. J.-C.]]
| evt1 =
| frise chronologique =
| evt1 date =
| p1 = [[Époque classique]]
| s1 = [[Grèce romaine]]
}}
 
[[Fichier:NAMA Galate.jpg|thumb|''[[Gaulois blessé de Délos]]'', thème apparu dans la [[sculpture hellénistique]] à la suite de la victoire d’[[Attale Ier|Attale {{Ier}}]] de [[Pergame]] sur les [[Peuples gaulois|Gaulois]] v. {{Date|-237}}, [[musée national archéologique d'Athènes]].]]
 
L{{'}}'''époque hellénistique''' est une [[Époque historique|période chronologique]] de l'[[histoire antique]], une phase de l'[[histoire de la Grèce antique]] mais également de celles des autres civilisations qui sont alors dominées par des dynasties d'origine gréco-macédonienne ([[Égypte antique|Égypte]], [[Phénicie]], [[Mésopotamie]], [[Empire perse|Perse]], etc.). Elle s'étend de la fin de l'[[époque classique]], soit la mort d'[[Alexandre le Grand]] en [[323 av. J.-C.]], à la défaite de [[Cléopâtre VII]] à la [[bataille d'Actium]] en [[31 av. J.-C.]] et son suicide l'année suivante, qui marque l'achèvement de mise en place de la [[Grèce romaine|domination romaine]] sur le monde grec.
 
L'éclat de grandes villes, telles [[Alexandrie]], [[Antioche]] ou [[Pergame]], l'importance des échanges économiques et culturels, la diffusion de la [[Grec ancien|langue grecque]] témoignent d'un grand dynamisme et modifient profondément le visage de l'Orient antique, y compris ultérieurement sous l'Empire romain qui est fortement [[Hellénisme|hellénisé]] dans sa [[Empire romain d'orient|moitié orientale]].
 
Le terme « hellénistique » est employé pour la première fois par l’historien allemand [[Johann Gustav Droysen]] dans son ouvrage ''Geschichte des Hellenismus'' (1836). L’époque hellénistique a été définie par les historiens du {{s-|XIX}} à partir d’un critère linguistique et culturel, à savoir l’accroissement spectaculaire des régions où l’on parle le grec ({{grec ancien|ἑλληνίζειν|hellênízein}}) et donc du phénomène d’expansion de l’hellénisme. Ce phénomène d’hellénisation des populations et de rencontre entre les anciennes civilisations orientales, égyptienne, grecque et latine, se déroule jusqu'au {{-s-|II}} en [[Asie de l'Ouest|Asie du Sud-Ouest]], mais jusqu'au {{s-|VII}} en [[Anatolie|Asie Mineure]] et en [[Égypte]]. Les limites chronologiques de la période hellénistique sont donc conventionnelles et politiques. Les travaux archéologiques et historiques récents ont conduit à porter un regard nouveau sur cette période, et en particulier sur deux de ses aspects caractéristiques : l’existence et le poids des grands royaumes dirigés par des dynasties d’origine grecque ou [[Royaume de Macédoine|macédonienne]] ([[Royaume lagide|Lagides]], [[Séleucides]], [[Antigonides]], [[Attalides]]) et le rôle déterminant des [[polis|cités grecques]] dont l’importance, contrairement à une idée longtemps répandue, est loin de décliner.
 
== Contours et définitions ==
 
=== Chronologie ===
[[Fichier:Alexander the Great, from Alexandria, Egypt, 3rd cent. BCE, Ny Carlsberg Glyptotek, Copenhagen (5) (36375553176).jpg|thumb|left|Buste d’[[Alexandre le Grand]]. {{-s-|III}} [[Ny Carlsberg Glyptotek]].]]
[[Fichier:Cleopatra VII, dalla via appia tra ariccia e genzano, 40-30 ac ca. 02.JPG|thumb|Buste de {{noble|Cléopâtre VII}}. 40-30 av. J.-C. ''[[Altes Museum]]'' (Berlin).]]
 
Le début de la période hellénistique est souvent placé à la mort d'[[Alexandre le Grand]] en 323 av. J.-C.{{sfn|Grandjean|Hoffmann|Capdetrey|Carrez-Maratray|2017|p=4}}{{,}}{{sfn|Grandjean|Bouyssou|Chandezon|Hochard|2024|p=7}}, ou du moins durant la période de ses conquêtes, entre 334 et 323 av. J.-C., qui placent sous sa domination l'[[empire perse achéménide]]{{sfn|Chaniotis|2018|p=1}}. C'est une rupture majeure dans l'histoire grecque et plus largement antique, un tournant géopolitique incontestable, aussi dans le domaine culturel puisqu'il étend considérablement l'aire géographique grecque et entraîne sa « globalisation »{{sfn|Thonemann|2018|p=6-7}}{{,}}{{sfn|Grandjean|Bouyssou|Chandezon|Hochard|2024|p=5-7}}. Ces conquêtes définissent aussi l'espace géographique concerné par les études sur la période, qui va de la [[Libye]] et de l'[[Adriatique]] à l'ouest jusqu'aux contreforts de l'[[Himalaya]] à l'est{{sfn|Thonemann|2018|p=6}}.
 
La fin de l'époque hellénistique est généralement située en 31 av. J.-C., lorsqu'[[Auguste|Octave]] bat [[Marc-Antoine]] et [[Cléopâtre VII]] à [[bataille d'Actium|Actium]], ou bien l'année suivante, en 30 av. J.-C., à la mort de Cléopâtre, qui marque la fin de la dernière grande dynastie hellénistique, qui tombe aux mains des Romains{{sfn|Grandjean|Hoffmann|Capdetrey|Carrez-Maratray|2017|p=4}}{{,}}{{sfn|Chaniotis|2018|p=3}}{{,}}{{sfn|Grandjean|Bouyssou|Chandezon|Hochard|2024|p=11-12}}. La transition entre période hellénistique et romaine se fait en fait de manière progressive selon les lieux, puisque la conquête romaine débute dans les années 220, la [[Royaume de Macédoine|Macédoine]] tombe dès 146 av. J.-C. et devient dès lors romaine{{sfn|Thonemann|2018|p=7}}{{,}}{{sfn|Grandjean|Bouyssou|Chandezon|Hochard|2024|p=12-13}}. En raison des changements induits par ces conquêtes, notamment dans la vie civique, Louis Robert a proposé de distinguer une « haute période hellénistique », le {{-s|III}} et une « basse période hellénistique », du début du {{-s|II}} jusqu'en 31/30, quand la domination romaine se met en place{{sfn|Grandjean|Bouyssou|Chandezon|Hochard|2024|p=12}}.
 
Mais la pratique s'est répandue de poursuivre l'étude du monde hellénistique plus loin dans le temps, sous le [[Haut Empire romain]] (du moins jusqu'à la mort d'Hadrien en 138 de notre ère), en raison de fortes continuités sociales, économiques, religieuses et culturelles (le « long âge hellénistique » d'Angelos Chaniotis){{sfn|Chaniotis|2018|p=1-3}}{{,}}{{sfn|Grandjean|Bouyssou|Chandezon|Hochard|2024|p=13-15}}.
 
=== « Hellénisme » et époque « hellénistique » ===
[[Fichier:AiKhanumPillar.jpg|thumb|upright=0.7|[[Pilier hermaïque]] provenant d'[[Aï Khanoum]], cité hellénistique de [[Bactriane]], dans l'actuel [[Afghanistan]]. [[Musée national afghan de Kaboul]].]]
 
La notion d'époque « hellénistique » trouve son origine dans le concept d'« [[hellénisme]] » (''Hellenismus'') forgé par l'historien allemand [[Johann Gustav Droysen]] (1808-1884), d'abord en 1833 dans un ouvrage consacré à [[Alexandre le Grand]], puis dans une ''Histoire de l'Hellénisme'' (''Geschichte des Hellenismus'', 1836-1843) inachevée{{sfn|Clancier|Coloru|Gorre|2017|p=3 (préface de Bernard Legras).}}. Cette notion est dérivée du terme antique ''hellenistai'', qui sert à désigner les disciples de [[Jésus de Nazareth|Jésus]] qui parlent grec. Droysen le reprend pour désigner une ère durant laquelle Occident et Orient s'entremêlent et fusionnent, sous la domination culturelle grecque, qui donne une nouvelle culture accouchant finalement du christianisme, quintessence de cette synthèse gréco-orientale « hellénistique »{{sfn|Thonemann|2018|p=5}}. Ces analyses sont marquées par le contexte d'expansion coloniale du {{s|XIX}}, le rôle « civilisateur » des Grecs en « Orient » étant lu sous le prisme de celui que les Européens, en particulier Britanniques, entendaient alors jouer au Proche et au Moyen-Orient{{sfn|Baslez et al.|id=BAS|2003|p=16}}. La notion d'hellénisme et l'adjectif hellénistique ont fini par s'imposer dans les études antiques, pour désigner une période historique mais aussi sa civilisation ainsi que certains de ses aspects (art/sculpture hellénistique, religion hellénistique, poésie hellénistique, etc.), mais pas tous (il est plus difficile de parler d'économie hellénistique ou de famille hellénistique){{sfn|Thonemann|2018|p=6-8}}.
 
La période hellénistique se caractérise par plusieurs aspects spécifiques. C'est une période d'élargissement considérable du monde grec, qui place de nombreux pays et peuples non grecs sous la domination de dynasties d'origine macédonienne fondées par les généraux d'Alexandre<ref>Maurice Sartre, « L'époque hellénistique », dans {{harvsp|id=DMGA|Sartre|Sartre-Fauriat|Brun|2009|p=24}}.</ref>. L'analyse des relations entre les conquérants « gréco-macédoniens » et les populations des territoires qu'ils ont conquis reste centrale, notamment l'idée d'une « hellénisation » des populations non grecques, qui adoptent la culture des vainqueurs ou du moins des éléments de celle-ci. La notion de « fusion » de cultures promue par Droysen, et plus largement l'idée d'une suprématie culturelle grecque, des rapports dominants/dominés, ou encore l'opposition Occident/Orient ont été influentes et peuvent le rester. Mais les cadres d'analyses évoluant, en particulier depuis la décolonisation, elles ont été fortement nuancées voire remplacées pour d'autres approches et concepts ([[acculturation]], [[colonisation]], hybridation, accommodation, aussi déculturation/contre-acculturation voire [[apartheid]], etc.). Les études récentes prennent plus en considération la dimension multiculturelle de la période et le fait que les peuples non grecs ne « subissent » pas seulement le phénomène, avec des possibilités de négociation, d'accommodation et des transferts culturels qui varient selon les configurations et peuvent aussi impliquer l'adoption d'éléments culturels non grecs par des Grecs{{sfn|Baslez et al.|id=BAS|2003|p=17 et 19}}{{,}}{{sfn|Clancier|Coloru|Gorre|2017|p=3-4 (préface de Bernard Legras).}}{{,}}{{sfn|Thonemann|2018|p=7}}{{,}}{{sfn|id=DAN|Dana et al.|2022|p=22-25}}. Un autre trait caractéristique de la période, dans le domaine politique, est la domination des monarchies d'origine gréco-macédonienne (mais en partie héritières de l'[[empire achéménide]]), par opposition aux cités-États (''[[poleis]]'') qui dominaient la vie politique grecque auparavant. Mais l'idée d'un déclin de la cité a été nuancé, puisque cette institution connaît une expansion dans les territoires conquis et se trouve au cœur de la culture hellénistique et de la vie des Grecs<ref>Maurice Sartre, « L'époque hellénistique », dans {{harvsp|id=DMGA|Sartre|Sartre-Fauriat|Brun|2009|p=24-25}}.</ref>{{,}}{{sfn|id=DAN|Dana et al.|2022|p=25-29}}.
 
Les études sur la période hellénistique sont principalement réalisées par des spécialistes d'histoire grecque, qui ont donc tendance à consacrer leurs travaux aux seules populations grecques, ou alors à n'étudier les autres que lorsqu'ils sont concernés par les entreprises politiques, militaires et culturelles grecques. Les travaux des spécialistes des autres civilisations que la grecque qui sont concernées par l'aire hellénistique ([[égyptologie]], [[assyriologie]], [[iranologie]], etc.) relèguent souvent cette période au second plan (quand ils ne l'ignorent pas), ou bien l'abordent sous l'angle des survivances et de la vitalité des traditions qui leur étaient propres (notamment la religion et les savoirs égyptiens et mésopotamiens). Les études ont tendance à de plus en plus intégrer les autres populations qui se trouvent dans les royaumes hellénistiques, et donc à croiser les apports de ces différentes spécialités, afin de dresser une image plus équilibrée de la période{{sfn|Clancier|Coloru|Gorre|2017|p=3-4 (préface de Bernard Legras).}}{{,}}<ref>{{Lien web|langue=fr|url= https://reainfo.hypotheses.org/22531|auteur=Pierre Briant|titre=« Le monde grec et l’Orient de 404 à 200 avant notre ère ». Remarques critiques sur la question d’histoire de l’Antiquité (Agrégation d’histoire 2022)|site=Actualités des études anciennes|date=19 octobre 2021|consulté le=20 juin 2024}}.</ref>{{,}}{{sfn|id=DAN|Dana et al.|2022|p=43-44}}.
 
== Sources ==
 
Traditionnellement, les sources littéraires sont la base pour reconstituer l'histoire de l'époque hellénistique. Il s'agit de textes d'auteurs antiques qui ont été recopiés depuis l'Antiquité, et étaient donc connus des premiers historiens qui ont construit l'idée d'une ère hellénistique. La plus importante œuvre historique de la période sont les ''[[Histoires (Polybe)|Histoires]]'' de [[Polybe]] (280-126 av. J.-C.), qui relate la mise en place de la domination romaine depuis 220 av. J.-C. C'est un témoin direct des événements qu'il décrit. Les autres sources historiques sur la période sont rédigées bien après les faits qu'elles décrivent, mais leurs auteurs ont pu avoir accès à des sources bien informées qui ont depuis disparu. L’''[[Anabase (Arrien)|Anabase]]'' d'[[Arrien]] (85-146 ap. J.-C.) est essentielle pour reconstituer les conquêtes d'Alexandre. Une autre source majeure en grec est la ''[[Bibliothèque Historique]]'' de [[Diodore de Sicile]] ({{-s|I}}), connues par fragments mais incontournable pour l'époque d'Alexandre et des Diadoques. Les ''[[Vies parallèles]]'' de [[Plutarque]] (46-126) proposent des biographies de plusieurs figures majeures de la période, grecques et romaines. Les écrits de [[Flavius Josèphe]] (37-v. 100 ap. J.-C.) sont également importants. En latin, [[Tite-Live]] (v. 60 av. J.-C.-17 ap. J.-C.) fournit des informations sur les relations gréco-romaines, compensant la perte de certains passages de Polybe{{sfn|Grandjean|Hoffmann|Capdetrey|Carrez-Maratray|2017|p=7-10}}{{,}}{{sfn|Thonemann|2018|p=8-9}}{{,}}{{sfn|id=DAN|Dana et al.|2022|p=39-42}}.
 
L'autre grand type de source écrite sont les inscriptions étudiées par l'[[épigraphie]] : il s'agit de textes antiques de longueur très variable mis au jour lors de fouilles accomplies depuis l'époque moderne, et surtout à l'époque contemporaine. Elles se présentent sous divers supports : des tablettes de bois ou d'argile, de la pierre, du métal, des tessons de céramique ([[ostraka]]). En [[alphabet grec]], cette catégorie comprend notamment des lois sacrées de sanctuaires et d'autres textes religieux, des épigrammes funéraires, des décrets civiques ou royaux, des lettres royales, des traités de paix, des ventes de terres. En [[Égyptien ancien|égyptien]] [[hiéroglyphes|hiéroglyphique]] ou en [[Égyptien démotique|démotique]], il s'agit aussi de décrets, parfois bilingues avec une version en grec, ou trilingue comme la [[Pierre de Rosette]], l'inscription la plus célèbre de la période. En [[Babylonien (langue)|babylonien]] [[cunéiforme]], des milliers de tablettes cunéiformes proviennent de quelques sites, avant tout [[Babylone]] et [[Uruk]], et documentent les activités du milieu des temples : textes rituels, littéraires, astronomiques-astrologiques (dont des éphémérides donnant des informations sur divers événements), des chroniques historiques, également des textes économiques et juridiques. D'autres inscriptions de la période sont en alphabets [[araméen]], en [[phénicien]], en [[nabatéen]]{{sfn|Grandjean|Hoffmann|Capdetrey|Carrez-Maratray|2017|p=11-13}}{{,}}{{sfn|Thonemann|2018|p=10-11}}{{,}}{{sfn|id=DAN|Dana et al.|2022|p=43-45}}{{,}}{{sfn|Clancier|Coloru|Gorre|2017|p=8-13 (sources orientales).}}.
 
La [[papyrologie]] est l'autre discipline étudiant des textes antiques découverts lors de fouilles, retrouvés sur des [[Papyrus (papier)|papyrus]] préservés en Égypte grâce au climat aride de ce pays. Ils sont écrits en grec ou en démotique et sont essentiellement des documents de la pratique concernant des activités administratives et économiques (en particulier l'archive de [[Zénon de Caunos]] provenant du [[Oasis du Fayoum|Fayoum]] et datée des années 261-229), mais aussi quelques textes littéraires et savants (en particulier les [[papyrus d'Oxyrhynque]] qui sont notamment essentiels pour connaître les œuvres de [[Ménandre]]), ainsi que des textes normatifs royaux. Ce type de source concerne quasi exclusivement l’Égypte lagide{{sfn|Grandjean|Hoffmann|Capdetrey|Carrez-Maratray|2017|p=13-14}}{{,}}{{sfn|Clancier|Coloru|Gorre|2017|p=10-12.}}{{,}}{{sfn|Thonemann|2018|p=9-10}}{{,}}{{sfn|id=DAN|Dana et al.|2022|p=45}}.
 
La [[numismatique]] étudie les monnaies, qui sont une source abondante et diverse, fournissant une multitude d'informations sur les entités politiques hellénistiques. Dans certaines régions comme la [[Bactriane]] et l'[[Indus]], il s'agit des seules sources documentant les règnes de souverains{{sfn|Grandjean|Hoffmann|Capdetrey|Carrez-Maratray|2017|p=14-15}}{{,}}{{sfn|Thonemann|2018|p=12}}{{,}}{{sfn|id=DAN|Dana et al.|2022|p=46}}.
 
Les vestiges archéologiques sont également une source de premier ordre, les fouilles mettant régulièrement au jour des bâtiments et objets de l'époque hellénistique (y compris des textes). Reflets de la dilatation de l'espace grec, les sites hellénistiques sont répartis sur un vaste espace : les sites majeurs de Grèce sont concernés ([[Athènes]], [[Delphes]], [[Délos]], [[Samothrace]], [[Pella (cité antique)|Pella]], [[Philippes]], etc.), ainsi que ceux d'Asie Mineure ([[Pergame]], [[Priène]], [[Magnésie du Méandre]], [[Héraclée du Latmos]], etc.), du Proche-Orient ([[Doura-Europos]], Séleucie-[[Zeugma (cité antique)|Zeugma]], [[Jebel Khalid]], [[Iraq al-Amir]], aussi [[Pétra]]), de Babylonie ([[Séleucie du Tigre]], [[Uruk]]), d'Iran ([[Suse (Iran)|Suse]]) et jusqu'en [[Afghanistan]] ([[Aï Khanoum]]) ; en revanche la principale métropole de la période, [[Alexandrie]] d’Égypte, n'a pu faire l'objet de fouilles importantes en raison de l'occupation moderne{{sfn|Grandjean|Hoffmann|Capdetrey|Carrez-Maratray|2017|p=15-17}}{{,}}{{sfn|id=DAN|Dana et al.|2022|p=46}}. La céramique constitue un type de source particulièrement instructif sur le quotidien et les échanges, en particulier les [[amphore]]s{{sfn|Grandjean|Hoffmann|Capdetrey|Carrez-Maratray|2017|p=17-18}}{{,}}{{sfn|Thonemann|2018|p=11-12}}{{,}}{{sfn|id=DAN|Dana et al.|2022|p=46-47}}.
 
La production artistique occupe également une place significative, car l'époque hellénistique a vu l'essor de la demande avec le développement des royaumes et cités grecs, ainsi que l'intérêt romain pour l'art grec. L'[[art hellénistique]] est d'ailleurs avant tout documenté par des trouvailles réalisées en Italie, qui sont des copies d’œuvres grecques majeures (statues, mosaïques de [[Pompéi]] et d'[[Herculanum]]) ou bien des originaux emportés en butin lors des conquêtes{{sfn|Grandjean|Hoffmann|Capdetrey|Carrez-Maratray|2017|p=18-19}}.
Le terme « hellénistique » est employé pour la première fois par l’historien allemand [[Johann Gustav Droysen]] dans son ouvrage ''Geschichte des Hellenismus'' (1836). L’époque hellénistique a été définie par les historiens du {{s-|XIX}} à partir d’un critère linguistique et culturel, à savoir l’accroissement spectaculaire des régions où l’on parle le grec ({{grec ancien|ἑλληνίζειν}} / {{Lang|grc-Latn|''hellênízein''}}) et donc du phénomène d’expansion de l’hellénisme. Ce phénomène d’hellénisation des populations et de rencontre entre les anciennes civilisations orientales, égyptienne, grecque et latine, se déroule jusqu'au {{-s-|II}} en [[Asie de l'Ouest|Asie du Sud-Ouest]], mais jusqu'au {{s-|VII}} en [[Anatolie|Asie Mineure]] et en [[Égypte]]. Les limites chronologiques de la période hellénistique sont donc conventionnelles et politiques : elles débutent avec la mort d’Alexandre le Grand et se terminent quand le suicide du dernier grand souverain hellénistique, la reine d’Égypte Cléopâtre, fait place à la domination romaine.
 
== Évolution politique du monde hellénistique ==
Les travaux archéologiques et historiques récents ont conduit à porter un regard nouveau sur cette période, et en particulier sur deux de ses aspects caractéristiques : l’existence et le poids des grands royaumes dirigés par des dynasties d’origine grecque ou macédonienne ([[Royaume lagide|Lagides]], [[Séleucides]], [[Antigonides]], [[Attalides]]) et le rôle déterminant des [[Cité grecque|cités grecques]] dont l’importance, contrairement à une idée longtemps répandue, est loin de décliner.
{{Article connexe|Chronologie de l'époque hellénistique}}
 
=== Les conquêtes d’Alexandre le Grand (334-323 av. J.-C.) ===
== L’évolution politique du monde hellénistique ==
=== Les conquêtes d’Alexandre le Grand ===
{{Article détaillé|Alexandre le Grand|Bilan du règne d'Alexandre le Grand}}
[[Fichier:MakedonischesReich.jpg|thumbvignette|uprightredresse=1.7|Le monde hellénistique à la mort d’[[Alexandre le Grand]].]]
 
Roi de [[Royaume de Macédoine|Macédoine]] à 20 ans, maître de la [[Grèce antique|Grèce]] deux ans plus tard, [[Alexandre le Grand]] entreprend lors dedurant son règne ([[336 av. J.-C.|336]]-{{Date|-323}}) la conquête la plus spectaculaire et la plus rapide de l’[[Antiquité]]. Un royaume, de taille moyenne, associé à quelques cités grecques vient à bout du plus grand empire de l’époque, l’[[Achéménides|empireEmpire perse]]. [[Darius III]] est vaincu à l'issue d'une campagne de quatre années ([[334 av. J.-C.|334]]-[[330 av. J.-C.|330]]) et de trois batailles, celles du [[bataille du Granique|Granique]], d’[[bataille d'Issos|Issos]] et de [[bataille de Gaugamèles|Gaugamèles]]<ref>{{harvsp|id=BRI|Briant|1994|p=9-16}}</ref>. Les trois années suivantes, jusqu'en [[327 av. J.-C.|327]], sont consacrées à la lente et difficile conquête des [[satrape|satrapies]] de l’[[Asie centrale]], puis jusqu'en [[325 av. J.-C.|325]] à assurer la domination macédonienne sur le nord-ouest de l’[[Inde]]. C’est là qu'Alexandre, sous la pression de ses troupes épuisées, doit renoncer à poursuivre son épopée et retourner vers ce qui est devenu le cœur de son empire, la [[Babylonie tardive|Babylonie]]<ref>{{harvsp|id=BRI|Briant|1994|p=17-18}}</ref>.
 
Afin d’assurer sur le long terme son pouvoir, il tente d’associer la classe dirigeante de l’ancien empire achéménide à l’ossature administrative de son royaume<ref>{{harvsp|id=BRI|Briant|1994|p=98-99}}</ref>. Il essaie ainsi de créer une monarchie assumant à la fois l’héritage macédonien et grec d’une part mais aussi l’héritage perse et, d’une façon plus générale, asiatique. La mort brutale du roi, probablement de maladie, à l’âge de 33 ans met fin à cette tentative originale mais vivement contestée par l’entourage macédonien du souverain<ref>{{harvsp|id=BRI|Briant|1994|p=104-112}}</ref>.
 
Au cours de sa conquête, Alexandre parsème l’Asie de garnisons et de colonies militaires ; il fonde de multiples cités sur le modèle grec. Ce sont autant de creusets dans lesquels se fondent les cultures asiatiques avec celle héritée d’[[Athènes antique|Athènes]] ou de [[Corinthe]], donnant naissance à la civilisation hellénistique.
 
=== LaLes périodeDiadoques et la formation des Diadoquesroyaumes (323-281 {{av JC}}) ===
{{Article détaillé|Guerres des Diadoques}}
[[Fichier:Diadochi-fr.svg|thumb|Les royaumes des Diadoques vers [[301 av. J.-C.]]]]
[[Fichier:Ptolemy I Soter Louvre Ma849.jpg|vignette|Buste de [[Ptolémée Ier|Ptolémée {{Ier}}]], [[musée du Louvre]].]]
 
[[Alexandre le Grand]] ne laisse pas de réels successeurs capables de régner, et surtout de s'imposer à ses principaux officiers, les [[Diadoque]]s, qui se déchirent pendant 40&nbsp;ans. Les guerres auxquelles se livrent [[Perdiccas (général)|Perdiccas]], [[Ptolémée Ier|Ptolémée]], [[Antigone le Borgne|Antigone]], [[Séleucos Ier|Séleucos]], [[Cassandre (roi)|Cassandre]] et [[Lysimaque]] jusqu'en {{Date|-281}}, font ainsi disparaître toute la parentèle d’Alexandre et éclater l’empire. Antigone, premier des Diadoques à prendre le titre royal, àa l'ambition de reconstituer l'empire à son profit ; mais il est vaincu par une coalition de ses rivaux à la [[bataille d'Ipsos]] en {{Date|-301}}<ref>{{harvsp|id=WILL|Will|2003|p=80}}.</ref>.
 
La [[Grèce antique|Grèce]], la [[royaume de Macédoine|Macédoine]], l’[[Anatolie|Asie Mineure]] sont profondément bouleversées par les campagnes militaires incessantes des Diadoques, cependant que la partie orientale de l’empire est rapidement perdue par eux du fait de l'émergence desdu [[Royaumeroyaume gréco-bactrien|royaumes grecs de Bactriane]] et de l'[[Empire Maurya]] en [[Inde]]. Peu importe à ces généraux la partie de l’empire qu'ils gouvernent, l’essentiel est de régner. Ainsi [[Démétrios Ier Poliorcète|Démétrios Poliorcète]] dirige d'abord avec son père Antigone le Borgne l’essentiel de l’[[Asie]] puis, après la défaite et la mort de ce dernier, s'empare en [[294 av. J.-C.|294]] de la Macédoine, la perd six ans plus tard avant de finir sa vie en captivité<ref>{{harvsp|id=WILL|Will|2003|p=85-95}}</ref>. De même, [[Ptolémée Kéraunos]], chassé d’[[Égypte antique|Égypte]] en [[284 av. J.-C.|284]] par son père Ptolémée {{Ier}}, se réfugie auprès de son beau-frère Lysimaque en [[Thrace]], prend le contrôle de son royaume, puis de la Macédoine après avoir assassiné Séleucos. Le [[Moyen-Orient]] est ainsi totalement dominé par les ambitions de ces généraux, qui disposent de troupes essentiellement constituées de [[mercenaire]]s grecs et macédoniens ; [[Antigone le Borgne|Antigone {{Ier}}]] est le premier d'entre eux à prendre le titre de roi (''basileus''), en [[306 av. J.-C.|306]], les autres Diadoques faisant de même peu de temps après.
 
On peut considérer Ptolémée {{Ier}}, l’un des compagnons d’enfance d’Alexandre, comme étant le souverain le plus lucide. Il s'empare rapidement de l’Égypte et s'attache à y créer un État durable, renonçant ainsi à récréer l'empire à son profit. Cela fait sans doute de lui l’un des fossoyeurs de l’idée impériale voulue par Alexandre, mais aussi l’un des fondateurs du monde hellénistique. D'après Arrien, Seleucos était celui qui fut "le plus grand roi", avec "l'esprit royal", et "le plus vaste territoire" (la majeure partie des conquêtes d'Alexandre). Pausanias le considère comme "juste et attentif envers les dieux".
 
=== La périodes des trois royaumes hellénistiques (281-220 av. J.-C.) ===
=== L’équilibre du {{s-|III}} ===
[[Fichier:Map Diadochs-frDiadokhoi250nbc.pngjpg|thumb|upright=1.7|LesLe royaumesmonde deshellénistique [[Diadoque]]svers en250 {{Date|av. J.-301}}C.]]
 
Au début du {{-s-|III}} un équilibre précaire s'installe entre trois grandes dynasties issues des [[Diadoque]]s. La [[royaume de Macédoine|Macédoine]] est gouvernée par les descendants d’[[Antigone le Borgne]], les [[Antigonides]], l’[[Égypte antique|Égypte]] par les [[Royaume lagide|Lagides]] (ou Ptolémées), et l’empire le plus vaste mais le moins homogène (une partie de l'[[Anatolie|Asie Mineure]], [[Syrie (région)|Syrie]], [[Mésopotamie]], [[PerseFars|Perside]]) par les [[Séleucides]]. Aux côtés de ces trois monarchies principales, existent des royaumes plus petits, tel celui des [[Attalides]] autour de [[Pergame]] qui émerge autour de [[270 av. J.-C.|270]], ou encore ceux du [[Royaume du Pont|Pont]] et de [[Bithynie]].
 
Il existe également des confédérations de cités qui s'opposent, parfois avec succès, aux entreprises des royaumes hellénistiques. Les deux plus importantes sont sans doute la [[ligue achéenne]] et la [[ligue étolienne]], qui jouent un rôle notable jusqu'à la conquête romaine. De même, certaines [[Polis|cités]] parviennent à préserver totalement leur indépendance et à entretenir des relations d’égal à égal avec les royaumes ; la cité de [[Rhodes]] en est probablement le meilleur exemple.
 
La règle diplomatique qui domine est la suivante : le plus proche voisin est naturellement un ennemi<ref>François Lefèvre, ''Histoire du monde grec antique'', Le livre de poche, coll. «  Références-Inédit Histoire  », 2007, {{p.|366}}.</ref>. Le {{-s-|III}} est ainsi marqué par les rivalités entre les Séleucides et les Lagides pendant les six [[guerres de Syrie]] avec pour enjeu principal la possession de la [[Cœlé-Syrie]]. Celle-ci passe finalement sous le contrôle des Séleucides à la fin du {{-s-|III}} De même les rivalités sont fortes entre Séleucides et Attalides en Asie Mineure, tout comme entre Rhodes, le royaume de Pergame et les Antigonides pour le contrôle des [[Détroits]].
 
La Macédoine dispute de la même façon le contrôle des cités grecques aux ligues achéennes et étoliennes. Celles-ci représentent les principales forces politiques et militaires de la Grèce continentale du {{-s|III|e}}, dans la mesure où la puissance militaire d'[[Athènes]] s'effondre définitivement après la guerre de Chrémonidès ([[268 av. J.-C.|268]]-[[262 av. J.-C.|262]]), la cité passant sous un contrôle antigonide direct jusqu'en [[229 av. J.-C.|229]]. Les deux ligues s'allient contre la Macédoine à la fin du {{-s-|III}} pendant la [[Démétrios II (roi de Macédoine)#Guerre démétriaque (239-235)|guerre démétriaque (239-235)]] et remportent quelques succès. Mais la ligue achéenne se rapproche de la Macédoine (vers [[229 av. J.-C.|229]]) face à la menace que représentereprésentent les réformes du roi de [[Sparte]], [[Cléomène III]]. Le roi de Macédoine, [[Antigone III Dôsôn]], reconstitue une lointaine héritière de la [[ligueLigue de Corinthe]], appelée l'« alliance hellénique »<ref>François Lefèvre, ''Histoire du monde grec antique'', Le livre de poche, coll. « Références-Inédit Histoire », 2007, {{p.|375}}, </ref>, dont il est l'''hègémôn'', et par sa victoire contre Sparte à [[Bataille de Sellasia|Sellasia]] en [[222 av. J.-C.|222]], réaffirme la domination macédonienne sur une large partie de la Grèce continentale<ref>François Lefèvre, ''Histoire du monde grec antique'', Le livre de poche, coll. « Références-Inédit Histoire », 2007, {{p.|375}}.</ref>. Cette domination est renforcée par la victoire de son successeur, [[Philippe V (roi de Macédoine)|Philippe V]] contre la ligue étolienne lors de la [[Guerre des Alliés (220-217)|guerre des alliés]] entre [[220 av. J.-C.|220]] et [[217 av. J.-C.|217]].
 
=== L’interventionIntervention romaine et lafin disparitiondes politiqueroyaumes du monde hellénistiquehellénistiques ===
{{Article détaillé|Guerres de Macédoine}}
[[Fichier:Map Macedonia 200 BC-fr.svg|vignette|redresse=2|Carte de la Grèce et du monde égéen vers {{Date-|-200}}]]
 
À la fin du {{-s-|III}}, la [[Grande-Grèce]], soit l’Italie du Sud et la [[Sicile]], tombe sous la domination [[République romaine|romaine]] après un siècle d’affrontement, que ce soit avec [[Pyrrhus Ier|Pyrrhus]] ou dans le cadre des [[guerres puniques]]. Mais il faut attendre le début du {{-s-|II}} pour que les Romains interviennent réellement en Grèce et en Orient. Dans un premier temps, elle dompte militairement les [[Antigonides]] et surtout [[Antiochos III]], la dernière grande figure politique des souverains hellénistiques avant [[Mithridate VI|Mithridate]] et [[Cléopâtre VII]]. Puis, dans un lent et complexe processus de grignotage qui s'étale sur près de deux siècles, avec la complicité de cités et du royaume de [[Pergame]], elle s'assure la domination complète de la [[mer Méditerranée|Méditerranée]] orientale. En effet, Rome préfère dans un premier temps ne pas annexer de territoires (première moitié du {{-s-|II|e}}). Toutefois, avec la conquête définitive de la Macédoine (après la défaite du [[Persée (roi)|roi Persée]] à [[bataille de Pydna|Pydna]] en [[168 av. J.-C.|168]]) et de la Grèce (saccage de [[Corinthe]]) en [[148 av. J.-C.|148]]/[[146 av. J.-C.|146]], transformées en provinces romaines, le processus impérialiste est enclenché<ref>«Marcel Le Glay, Yann Le Bohec, et Jean-Louis Voisin, ''Histoire romaine'', PUF, collection Quadrige, 1991, édition de 2005, p. 99. ».</ref>. En [[133 av. J.-C.|133]] le royaume de [[Pergame]] devient romain ; il forme la province d'Asie en [[128 av. J.-C.|128]]-[[-126|26]]. En [[102 av. J.-C.|102]], la [[Cilicie]] passe sous le contrôle de Rome puis c'est le tour de la [[Cyrénaïque antique|Cyrénaïque]] en [[96 av. J.-C.|96]] .
 
Parallèlement, l’influence politique des [[Séleucides]] s'effondre brutalement en [[Asie centrale]]orientale, en [[PerseFars|Perside]] puis en [[Mésopotamie]] après le règne d’[[Antiochos III]] ([[223 av. J.-C.|223]]-[[187 av. J.-C.|187]]). Alors que ce dernier possède encore les moyens de diriger une expédition jusqu'aux limites de l’[[Inde]], son fils [[Antiochos IV]] ''Épiphane'' ([[175 av. J.-C.|175]] à [[163 av. J.-C.|163]]) est incapable de vaincre l’[[Révolte des Maccabées|insurrection des Maccabées]] en [[Palestine (région)|Palestine]]. L’irruption des [[Parthes]] à partir du milieu du {{-s-|III}} accélère cette décomposition politique. Aux débuts du {{-s|I}} les souverains séleucides ne gouvernent ainsi plus que la [[Syrie (région)|Syrie]]. Celle-ci est conquise par [[Tigrane II d'Arménie]] qui constitue un empire de courte durée allant de la [[mer Caspienne]] à la [[mer Méditerranée]], à son tour annexé par [[Pompée]] en [[64 av. J.-C.|64]]-[[63 av. J.-C.]]
 
Cependant, cette pénétration romaine dans l’Orient hellénistique ne va pas sans résistance. Il faut [[Guerre de Mithridate|trois guerres]] aux Romains pour abattre le roi du [[royaume du Pont|Pont]], [[Mithridate VI]], qui est vaincu en 66 av. J.-C. [[Pompée]] réorganise alors l’Orient sous l’ordre romain.
Ligne 51 ⟶ 105 :
Dans la seconde moitié du {{-s-|I}}, le monde hellénistique n'est plus qu'un arc de provinces romaines bordées de petits royaumes vassaux. À la fin de la [[République romaine]], il devient le champ d’affrontement des ambitions des grands généraux ([[bataille de Pharsale]], [[bataille de Philippes]], [[Bataille d'Actium]]), jusqu’à la victoire finale d’[[Auguste|Octave]]. Le dernier acte de cette conquête est la lutte qui oppose [[Auguste|Octave]] à [[Marc Antoine]], allié de la dernière souveraine lagide d’Égypte, [[Cléopâtre VII]], qui s'achève par la défaite puis le suicide de cette dernière en {{Date|-30}}
 
== LesStructures cadreset pratiques politiques permanents : royaumes et cités ==
=== Les rois et la royauté hellénistique ===
=== La royauté hellénistique, une monarchie absolue ===
[[Fichier:Seleucid prince Massimo Inv1049.jpg|thumb|Statue en bronze d'un roi ou d'un prince hellénistique (« [[Prince hellénistique]] »). {{-sp|III|-|II}} [[Palais Massimo des Thermes]].]]
[[Image:Seleucus I Louvre.jpg|vignette|200px|[[Séleucos Ier|Séleucos {{Ier}}]], fondateur de la dynastie des [[Séleucides]], époque romaine impériale, [[musée du Louvre]].]]
 
Du point de vue politique, la principale rupture introduite par l'époque hellénistique est la domination des monarchies grecques. Les rois (''[[basileus]]'') deviennent les personnages les plus importants des événements politiques et militaires de l'époque, en lieu et place des cités. La conquête d'[[Alexandre le Grand|Alexandre]] puis la constitution des royaumes hellénistiques accouchent en revanche de l'apparition de royautés de type personnel, dans lesquelles le pouvoir royal est de type patrimonial (l’État est vu comme la propriété personnelle du roi). Peu restreint, il tend vers une forme d'[[absolutisme]], sans toutefois l'atteindre. C'est une conséquence du caractère conquérant de la figure royale qui s'instaure à la suite des conquêtes, justifiant la domination de ses sujets, qui sont un ensemble hétérogène<ref name=dmga428>Pierre Fröhlich, « Royauté », dans {{harvsp|id=DMGA|Sartre|Sartre-Fauriat|Brun|2009|p=427-428}}.</ref>{{,}}{{sfn|Étienne|Müller|Prost|2014|p=232-233}}{{,}}{{sfn|Chaniotis|2018|p=85-88}}.
La monarchie hellénistique est personnelle. Cela signifie qu'est souverain celui qui par son mérite individuel, ses actions, le plus souvent militaires, sa conduite peut aspirer au titre de ''basileus'' (« roi »). Par conséquent la victoire militaire est le plus souvent l’acte qui légitime l’accession au trône et qui permet de régner sur une province ou un État. Les [[Séleucides]] utilisent la prise de [[Babylone]] par [[Séleucos Ier|Séleucos {{Ier}}]] en [[312 av. J.-C.|312]] pour légitimer leur présence en [[Mésopotamie]], ou sa victoire de [[281 av. J.-C.|281]] sur [[Lysimaque]] pour justifier leurs revendications sur la région des détroits et sur la [[Thrace]]. Les rois de [[Bithynie]] tirent également profit de la pseudo-victoire en [[277 av. J.-C.|277]] de leur ancêtre {{Souverain2|Nicomède Ier}} (qui en réalité cède des territoires et s'allie avec eux) sur les [[Galates]] pour affirmer leurs prétentions territoriales<ref>Jean Delorme, ''Le Monde hellénistique'', SEDES, coll. « Regards sur l'Histoire », 1975. {{refinc}}</ref>.
 
[[Fichier:Tetradrachm Eukratides I obverse NMAT RN474-1 (cropped).jpg|thumb|left|Tétradrachme d'{{noble|Eucratide Ier}} de Bactriane le représentant en roi de guerre : casqué, tenant une lance. Musée national des antiquités du Tadjikistan.]]
Cette monarchie personnelle ne possède pas de règles de succession précises, d’où les querelles incessantes et les assassinats nombreux lorsqu'il y a plusieurs héritiers, ni de lois fondamentales, ni de textes réglementant les pouvoirs du souverain. Tout procède du roi et en particulier les lois. Ce caractère absolu et personnel est à la fois la force et la faiblesse de ces monarchies hellénistiques en fonction du caractère et de la personnalité du souverain. Il est par conséquent nécessaire, en dehors de la [[Royaume de Macédoine|Macédoine]] où la monarchie est une institution ancienne, de créer des idéologies justifiant la domination de dynasties d’origine macédonienne et de culture grecque sur des populations totalement étrangères à cette civilisation. Les [[Lagides]] deviennent ainsi [[pharaon]]s aux yeux des [[Égypte antique|Égyptiens]] et ont l’adresse de s'allier le clergé autochtone par de larges dons aux temples.
 
En effet, la légitimité de ces rois repose en premier lieu sur le fait qu'ils sont des chefs de guerre, et les rois hellénistiques partent régulièrement au combat, sont célébrés pour leurs victoires et leurs qualités martiales ([[Démétrios Ier Poliorcète|Démétrios {{Ier}} Poliorcète]] le « Preneur de ville » ; [[Séleucos Ier|Séleucos {{Ier}} Nicator]] le « Victorieux » ; etc.), tandis que plusieurs d'entre eux meurent sur le champ de bataille. Est donc roi celui qui parvient à s'imposer par les armes, ce qui explique que des généraux victorieux prennent régulièrement le titre de roi, leur capacité à pérenniser cela dépendant de leurs accomplissements militaires. Il en résulte que le territoire sur lequel l'autorité du roi s'étend est simplement celui où il est en mesure de s'imposer, et pas celui où famille domine de manière coutumière comme cela se fait ailleurs<ref name=dmga428/>{{,}}{{sfn|Étienne|Müller|Prost|2014|p=232-233}}{{,}}{{sfn|Chaniotis|2018|p=105-108}}.
Mais ces souverains gouvernent aussi des populations d’origine grecque et macédonienne auprès desquelles ils doivent montrer l’image d’un roi justicier, assurant la paix et qui se comporte en bienfaiteur. C’est la notion d’[[évergétisme]], qui fait du monarque hellénistique le bienfaiteur de ses sujets. La conséquence de ce fait, déjà initié par [[Alexandre le Grand]], est la [[divinisation]] de leur vivant d’un grand nombre de souverains ainsi que les honneurs cultuels qui leur sont rendus par leurs sujets<ref>Inscription de Névahend ([[Iran]]) et d'Eriza ([[Turquie]]), citée par L. Robert, ''Inscriptions séleucides de Phrygie et d'Iran'', 1949, {{p.|5-22}}.</ref>, ou par des cités autonomes ou indépendantes à qui ils ont rendu service. Cela permet de renforcer la cohésion du royaume autour de la dynastie.
 
Le roi dirige avec son entourage proche, ses « Amis » (''philoi''), sur les fidélités acquises auprès des élites gréco-macédoniennes (et dans une moindre mesure des autochtones hellénisés). La royauté macédonienne garde en revanche un caractère plus « national » (moins de distance entre élite et dominés, pas de culte dynastique). Le roi doit aussi faire preuve de qualités dans l'exercice de la justice, et de générosité envers ses sujets par ses bienfaits (l'[[évergétisme]] royal), et plus largement refléter la richesse et la prospérité, notions recouvertes par le terme ''tryphé''<ref name=dmga428/>{{,}}{{sfn|Étienne|Müller|Prost|2014|p=232-233}}.
La fragilité du pouvoir des souverains hellénistiques oblige ceux-ci à une incessante activité. Il est d’abord nécessaire de vaincre militairement ses adversaires et cette période est constituée d’une suite de conflits entre souverains ou contre des adversaires extérieurs : [[Parthes]], [[Rome antique|Romains]], etc. C’est ainsi que ces souverains sont contraints de voyager énormément afin d’installer des garnisons, de construire des cités pour quadriller leurs États. [[Antiochos III]] est sans conteste celui qui se déplace le plus à travers la [[Syrie (région)|Syrie]], l’[[Égypte antique|Égypte]], la [[Mésopotamie]], la [[Perse]], les frontières de l’[[Inde]], l’[[Anatolie]], la [[Grèce antique|Grèce]], avant de mourir près de de [[Suse (Iran)|Suse]] en {{Date|-187}} Afin d’entretenir ces armées et de financer la construction de ces cités, il est indispensable aux souverains de bâtir des administrations solides et avant tout fiscales<ref>[[Flavius Josèphe]], ''Antiquités Judaïque'', XII, 138-144.</ref>. Les royaumes hellénistiques sont ainsi tout d’abord de gigantesques structures d’exploitation fiscale et se posent donc en héritiers directs de l’empire [[Achéménides|achéménide]]. Ainsi [[Ptolémée II]] en [[269 av. J.-C.|269]]-[[268 av. J.-C.|268]] enlève-t-il la perception de l'''apomoira'' (un impôt ecclésiastique (entre 1/10{{e}} et 1/6{{e}} des récoltes) versé aux temples) au clergé au profit de l'administration royale<ref>Extrait de papyrus connu sous le nom de ''Revenue Laws''. {{Harvsp|Delorme|1975|p=381-386}}.</ref>. Certes l'apomoira bénéficie toujours au clergé mais il arrive, dans les successeurs de Ptolémée II, que confrontés à des difficultés financières ceux-ci détournent le produit de l'impôt.
 
Les rois disposent d'une cour (''aulè'') qui, comme souvent dans les monarchies antiques est constituée par l'ensemble de personnes qui sont régulièrement proches de lui, donc leur famille (reines et princes), leurs proches, leur garde rapprochée, leurs domestiques. Concrètement, la cour se trouve donc où le roi se trouve, et elle le suit dans ses déplacements, qui sont nombreux (notamment dans l'immense empire séleucide). Plusieurs palais royaux existent dans chaque royaume, souvent plusieurs par « capitale » (la [[Royaume de Macédoine|Macédoine]] et l'[[Séleucides|empire séleucide]] ont au surplus plusieurs villes royales){{sfn|Chaniotis|2018|p=94-95}}. Ils forment de véritables secteurs palatiaux, même un quartier à part entière à [[Alexandrie]], isolé du reste de la ville. Ils servent à la fois de résidence pour la famille royale et les hauts dignitaires, de lieu de réception avec de grandes salles de banquets (ces réunions jouant un rôle important pour la cohésion du groupe dirigeant), luxueusement meublés, et ils abritent aussi des secteurs administratifs et militaires, parfois également des petits lieux de culte. Lors de leurs déplacements la cour occupe des tentes qui peuvent être très luxueuses, aussi des bateaux royaux qui sont de véritables palais flottants, comme ceux de [[Ptolémée IV]] et du tyran [[Hiéron Ier|Hiéron de Syracuse]]. Les bibliothèques et collections d'objets d'art concourent aussi à l'apparat royal hellénistique{{sfn|Étienne|Müller|Prost|2014|p=260-272}}.
Ce travail du roi, épuisant, auxquelles s'ajoutent les incessantes doléances et récriminations, le roi étant aussi un roi justicier, font dire à [[Séleucos Ier|Séleucos {{Ier}}]] : {{Citation|Si les gens savaient quelle corvée ce peut être d’écrire seulement et de lire tant de lettres, on ne voudrait pas ramasser un diadème même s'il traînait par terre}}<ref>[[Plutarque]], ''Moralia'', « Si la politique est l’affaire des vieillards », 11.</ref>.
 
L'art et l'architecture servent à exalter la puissance royale, par la diffusion de l'image des monarques, et leur ancrage dans le paysage des villes. Les principaux marqueurs de la royauté sont le diadème et le manteau de couleur pourpre. Les souverains hellénistiques doivent en permanence donner de leur personne : au combat, lors de parades militaires, de négociations et rencontres diplomatiques, lors des apparitions auprès de leurs sujets. Plusieurs d'entre eux font montre d'un sens de la mise en scène et de la théâtralité très prononcé (Démétrios Poliorcète, Antiochos IV, Cléopâtre VII), de manière à marquer les esprits de leurs interlocuteurs, si besoin en les dupant, de manière à manipuler leurs émotions et à servir leurs objectifs politiques{{sfn|Chaniotis|2018|p=117-121}}.
[[Fichier:Demetrius I of Bactria.jpg|vignette|Pièce à l'effigie de [[Démétrios Ier de Bactriane|Démétrios {{Ier}}]], fondateur d’un des [[Royaume gréco-bactrien|royaumes grecs de Bactriane]].]]
 
Ce caractère personnel du pouvoir le rend instable, d'autant plus qu'aucune règle successorale n'a été précisée, au-delà d'un principe héréditaire, ce qui explique les nombreux coups d’État et conflits pour le pouvoir. Avec le temps les monarchies qui se consolident prennent néanmoins un aspect dynastique plus prononcé. Des cultes royaux dynastiques sont mis en place chez les [[Séleucides]] et les [[Royaume lagide|Lagides]], qui permet de renforcer les lignées régnantes, et sont marqués par des fêtes en l'honneur des rois, comme les ''Ptolémaia'' à [[Alexandrie]]<ref name=dmga428/>{{,}}{{sfn|Chaniotis|2018|p=108-115}}.
Autour de ces souverains gravite une cour où le rôle des favoris du monarque devient rapidement prépondérant. En règle générale ce sont des Grecs ou des Macédoniens qui souvent portent le titre d’Amis du roi (''philoi''). Le désir d’[[Alexandre le Grand]] d’associer les élites asiatiques au pouvoir est abandonné et cette domination politique gréco-macédonienne par bien des aspects s'apparente à une domination coloniale. Pour s'attacher des collaborateurs efficaces et fidèles le roi doit les enrichir par des dons, des domaines pris sur le domaine royal. Cela n’empêche pas certains favoris d’avoir une fidélité douteuse et parfois, surtout dans le cas d’une minorité royale, d’exercer réellement le pouvoir tel [[Hermias (ministre)|Hermias]], dont [[Antiochos III]] a toutes les peines à se défaire<ref>{{PolHis}}, V, 41-56.</ref>, ou Sosibios en Égypte à qui [[Polybe]] fait une réputation sinistre<ref>Polybe le traite de « vieille pratique à l’esprit retors » (XV, 25).</ref>.
 
Une des caractéristiques premières de la vie politique hellénistique est son caractère très houleux et chaotique, émaillée d'intrigues, de conspirations, de trahisons et d'assassinats. Les familles royales hellénistiques sont particulièrement dysfonctionnelles (même au regard des standards antiques), ce qui est renforcé par les alliances matrimoniales, notamment celles nouées entre Lagides et Séleucides. La période hellénistique donne une bonne place à plusieurs reines aux personnalités et aux destins hors du commun, à commencer par [[Olympias]] la mère d'[[Alexandre le Grand|Alexandre]], [[Apama (épouse de Séleucos Ier)|Apama]] l'épouse perse de [[Séleucos Ier|Séleucos]], {{noble|Arsinoé Ire}}, figure fondatrice divinisée de la [[dynastie lagide]], {{noble|Laodicé Ire}} qui donne son nom à la « guerre laodicéenne » (troisième [[Guerres de Syrie|guerre de Syrie]]), [[Bérénice II]] de [[Cyrénaïque]] devenue reine d’Égypte, et pour finir [[Cléopâtre VII]], dernière reine hellénistique et figure la plus connue de la période{{sfn|Chaniotis|2018|p=88-92}}.
Ces rois disposent donc d’un pouvoir absolu mais sont soumis à de multiples contraintes, s'attacher leur entourage, vaincre leurs ennemis, prouver leur nature royale par leurs comportements, légitimer leur fonction par une divinisation de leur personne. À l’[[époque classique]], le modèle de la monarchie, rejeté par les philosophes grecs, est asiatique ; à l’époque hellénistique, il est grec.
 
=== LaAdministration placedes territoires et des citéspopulations ===
[[Fichier:Modell Pergamonmuseum.jpg|vignette|Maquette de la cité antique de [[Pergame]], [[musée de Pergame]], [[musées d'État de Berlin]].]]
{{section à sourcer|date=mai 2020}}
 
Les deux piliers sur lesquels s'appuient les rois hellénistiques pour gouverner son les Amis et l'armée{{sfn|Chaniotis|2018|p=105}}{{,}}{{sfn|Grandjean|Bouyssou|Chandezon|Hochard|2024|p=165}}. Cela renvoie à la fois au caractère personnel et au caractère militaire de ces monarchies. Les Amis, ''philoi'', sont proches de l'armée, parmi lesquels sont choisis les cadres de l'administration centrale et provinciale (gouverneurs) et de l'armée. Pour l'essentiel, ils sont issus de grandes familles d'origine macédonienne et grecque, ou alors dans quelques cas des indigènes hellénisés. Ils assistent et conseillent le roi dans son Conseil (''symboulon'' ou ''synédrion''), se voient confier les missions les plus délicates, accompagnent le roi lors de ses chasses et des banquets. Cette position tend à se transmettre des parents aux enfants, puisque les princes sont éduqués avec les fils des Amis de leur père, ce qui conduit progressivement au développement d'une aristocratie{{sfn|Chaniotis|2018|p=94-95}}{{,}}{{sfn|Grandjean|Bouyssou|Chandezon|Hochard|2024|p=166-170}}. Cette éducation comprend notamment une formation militaire comprenant des cours d'équitation et des chasses, voire la stratégie, et d'une manière générale l'organisation et la représentation de la monarchie hellénistique renvoie à ses fondements militaires. Cette institution repose donc sur la victoire, et les revers militaires mettent en péril la stabilité et l'intégrité des royaumes, justifiant notamment à plusieurs reprises des sécessions{{sfn|Chaniotis|2018|p=105-108}}. Les Grecs forment le cœur de l'armée, qui comprend aussi de nombreux mercenaires. Des garnisons et colonies militaires quadrillent les territoires contrôlés par les rois{{sfn|Grandjean|Bouyssou|Chandezon|Hochard|2024|p=165-166}}.
De la comparaison avec la [[Époque classique|période classique]] de la [[Grèce antique]], il est fréquent de conclure au déclin de la [[Polis|cité]] (''polis'') lors de la période hellénistique. Il est sans doute plus prudent de rester nuancé. Ainsi [[Sparte]], [[Athènes antique|Athènes]] et [[Thèbes (Grèce)|Thèbes]] sont des cas assez isolés de cités impérialistes à l'époque classique, mais l’immense majorité des cités grecques aux {{-sp|V|e|- |IV|e}} doit composer avec elles et se soumettre à leur autorité ou à celle des rois [[achéménides]]. Cette situation est identique à l’époque hellénistique, si ce n’est que le pouvoir des cités impérialistes n’existe plus, comme à Athènes, ou est définitivement brisé comme à Sparte en {{Date|-222}}, date à laquelle [[Cléomène III]] est défait à la [[bataille de Sellasia]] par les [[Royaume de Macédoine|Macédoniens]] et la [[Ligue achéenne]]. Un certain nombre de cités s'organisent en puissantes fédérations, surtout en Grèce, comme la [[Ligue achéenne]] ou la [[Ligue étolienne]]. D’autres réussissent brillamment à conserver un temps leur indépendance, telles [[Rhodes]] ou [[Héraclée du Pont]] sur la [[mer Noire]]. Nombreuses sont les cités qui jouent des conflits entre les souverains pour préserver, même provisoirement, une indépendance à laquelle elles sont farouchement attachées.
 
Les institutions des régions dominées par les royaumes hellénistiques sont hétérogènes, de même que les modalités de contrôle. Il existe une organisation provinciale, qui sont souvent reprises des entités politiques antérieures (satrapies perses chez les Séleucides, nomes égyptiens chez les Lagides). Leur rôle est d'assurer la sécurité de ces régions (dont l'entretien de garnisons), les cultes, et les prélèvements de richesses{{sfn|Chaniotis|2018|p=96-98}}. L'économie royale repose sur des terres agricoles, qui fournissaient des revenus considérables d'autant plus que leurs exploitants payaient souvent de lourdes redevances. Le roi pouvait concéder des les revenus de domaines royaux à des membres de son entourage. Les mines et forêts sont également contrôlées par les rois{{sfn|Chaniotis|2018|p=99-100}}{{,}}{{sfn|Grandjean|Bouyssou|Chandezon|Hochard|2024|p=172-173}}.
En réalité, le nombre de cités a plus que probablement considérablement augmenté durant cette période. Les monarques hellénistiques fondent plusieurs dizaines de villes dans leurs royaumes, à commencer par leurs capitales : [[Alexandrie]], [[Antioche]], [[Séleucie de Piérie]] ou encore [[Pergame]]. Les Séleucides fondent des cités sur le plateau [[iran]]ien ([[Apamée]], [[Nahavand|Laodicée]]), en [[Mésopotamie]] (Néapolis, [[Séleucie du Tigre]]) ainsi que la [[tétrapole syrienne|tétrapole]] en [[Syrie (région)|Syrie]] ; les [[Royaume lagide|Lagides]] fondent des cités à [[Chypre (île)|Chypre]] (Néa-Paphos, Arsinoé) et en [[Anatolie|Asie Mineure]], mais en nombre bien moindre que les Séleucides. Il s'agit soit d’une cité grecque refondée par un monarque, ainsi [[Sicyone]] déplacée et refondée par [[Démétrios Ier Poliorcète|Démétrios Poliorcète]] en [[Démétrias]], soit d’une cité indigène transformée en cité grecque. [[Damas]] devient ''Arsinoéia'' et [[Kelainai]] devient en [[Apamée Kibotos|Apamée de Phrygie]]. En réalité, peu de cités sont réellement fondées ''ex nihilo'', mais la plupart prennent la place d’un établissement indigène antérieur ou s'installent à proximité.
 
Au niveau local, certains territoires sont placés sous le contrôle direct du pouvoir, tandis que d'autres disposent d'organismes de pouvoir servant d'interlocuteurs aux rois : des cités grecques, des royaumes et principautés restés indépendants, des communautés locales organisées notamment autour de sanctuaires ou de chefs coutumiers. Des représentants royaux sont installés auprès de ces institutions afin de les superviser et de faciliter le dialogue, voire des garnisons pour les groupes les plus récalcitrants ou ceux qui ont une position stratégique. Une place particulière est accordée aux cités grecques, qui sont souvent une instrument de contrôle des territoires privilégié, comme l'illustre le fait que les rois en fondent beaucoup en Asie lorsqu'ils souhaitent mieux contrôler certaines régions ; en revanche leur rôle est très limité en Égypte. Selon les situations et les périodes, elles sont plus ou moins autonomes, le roi pouvant accorder des libertés et les enlever. Là où des nombreuses cités et des pouvoirs locaux influents sont présents au moment de l'arrivée des Grecs, il est généralement nécessaire de composer avec ceux-ci. Les sanctuaires babyloniens et égyptiens ont ainsi été des interlocuteurs privilégiés des rois séleucides et lagides au moment de leur installation, avant de voir leur place progressivement marginalisée ou perdre en autonomie, les élites indigènes pouvant alors chercher à intégrer des communautés civiques grecques pour conserver de l'influence. Les relations entre les rois et ces différents interlocuteurs sont donc marquées aussi bien par la négociation, les concessions et les gratifications (l'[[évergétisme]] royal), que la contrainte, qui va de la pression à la violence. La communication entre le souverain et ces différentes institutions se fait par des lettres et des décrets, surtout connus pour les cités car les inscriptions étaient exposées en public. Ces groupes peuvent envoyer des ambassades auprès des rois pour formuler leurs demandes{{sfn|Chaniotis|2018|p=94-95}}{{,}}{{sfn|Grandjean|Bouyssou|Chandezon|Hochard|2024|p=166-170}}{{,}}{{sfn|Clancier|Coloru|Gorre|2017|p=158-176}}.
Pour l’essentiel, ces fondations remontent aux débuts de l’époque hellénistique entre la conquête d’Alexandre et le milieu du {{-s-|III}}, les plus grands bâtisseurs étant les [[Séleucides]]. L’objectif premier n’est pas l’hellénisation, qui est plutôt une conséquence du phénomène d’extension urbaine, mais bien un objectif militaire et stratégique : installer une garnison afin de contrôler un territoire, une route commerciale. En Grèce s'y ajoute la volonté de rassembler de petites cités afin de constituer une entité plus solide. Enfin, il y a clairement une volonté politique des souverains hellénistiques dans la fondation de leurs capitales, afin de marquer avec force leur enracinement dans les contrées qu'ils dirigent. Bien que n’étant pas prépondérantes, les visées économiques ne sont pas toujours absentes lors de la construction de ces cités. Leur fondation permet de lotir les soldats, ou des colons pauvres, et ainsi d’exploiter une région au profit d’un monarque qui en percevra des taxes élevées.
 
=== Les cités et ligues grecques ===
[[Fichier:AGMA Stoa d'Attale vue du SO.jpg|vignette|[[Stoa d'Attale]], construite à l'époque hellénistique, sur le côté est de l’[[agora d'Athènes]].]]
{{Article connexe|Polis}}
 
De la comparaison avec la [[Époque classique|période classique]] de la [[Grèce antique]], il est fréquent de conclure au déclin de la [[Polis|cité]] (''polis'') lors de la période hellénistique. Il est sans doute plus prudent de rester nuancé. Ainsi [[Sparte]], [[Athènes antique|Athènes]] et [[Thèbes (Grèce)|Thèbes]] sont des cas assez isolés de cités impérialistes à l'époque classique, mais l’immense majorité des cités grecques aux {{-sp|V|e|- |IV|e}} doit composer avec elles et se soumettre à leur autorité ou à celle des rois [[achéménides]]. Cette situation est identique à l’époque hellénistique, si ce n’est que le pouvoir des cités impérialistes n’existe plus. Un certain nombre de cités s'organisent en puissantes fédérations, surtout en Grèce, comme la [[Ligue achéenne]] ou la [[Ligue étolienne]]. D’autres réussissent à conserver un temps leur indépendance, telles [[Rhodes]]. Nombreuses sont les cités qui jouent des conflits entre les souverains pour préserver, même provisoirement, une indépendance à laquelle elles sont farouchement attachées. En réalité, le nombre de cités a considérablement augmenté durant cette période grâce aux fondations de cités initiées par les rois hellénistiques, notamment en Asie mineure et au Proche-Orient, et jusqu'en Bactriane, malgré la disparition de certaines cités. Le modèle civique grec connaît donc une expansion en bonne partie liée à l'essor des monarchies hellénistique, qui ne concourent donc pas à son déclin. Cela se voit par le fait que nombre de ces cités doivent leur nom à un roi (outre les nombreuses Alexandries, les Séleucies, [[Cassandréia]], [[Démétrias]]) ou à des reines ([[Thessalonique]], [[Apamée]], [[Bérénice (port)|Bérénice]]){{sfn|Chaniotis|2018|p=122-123}}{{,}}{{sfn|Thonemann|2018|p=50-51}}{{,}}{{sfn|Grandjean|Bouyssou|Chandezon|Hochard|2024|p=214-217}}.
Certaines cités sont de taille importante dès leur origine ([[Antioche]], [[Alexandrie]], [[Pergame]], [[Séleucie du Tigre]] ou même [[Aï Khanoum]] en [[Asie centrale]]) ; mais beaucoup ne sont à l’origine que de simples forts militaires et ne se transforment en véritables villes qu'au {{-s-|II}}, comme c'est le cas pour [[Doura Europos]] et Zeugma-Séleucie sur l’[[Euphrate]]. Quelques fondations sont d’ailleurs des échecs et les cités sont abandonnées, telle [[Apamée (Mésopotamie)|Apamée de l’Euphrate]].
 
Dans ces cités, le modèle civique connaît une vitalité toujours aussi affirmée. Les rois ne fondent pas que de simples villes mais bien des ''[[polis|poleis]]'' sur le modèle grec classique. Ce modèle va s'étendre sur les communautés qui s'hellénisent, ainsi en Asie Centrale et en [[Phénicie]]. La vie civique, connue par une documentation épigraphique plus importante que pour la période antérieure, est riche. L'idéal de vie en cité reste la norme chez les Grecs, avec un urbanisme caractéristique, notamment marqué par le plan régulier en damier (hippodamien), des monuments et lieux de sociabilités que sont l'agora, le gymnase et le théâtre, un art typiquement grec, des inscriptions publiques en grec, une religion civique faisant la part belle aux divinités grecques. Les cités disposent souvent d'une armée, servant au moins à défendre leur territoire (aussi illustrée par la présence de murailles), voire à l'étendre. Les conflits entre cités sont courants dans la Grèce égéenne et en Asie mineure. Les cités pratiquent des accords renforçant les liens avec d'autres cités, à des degrés divers. L'[[isopolitie]] voit ainsi deux cités s'accorder pour que les citoyens de l'une puissent jouir d'une droit de cité dans l'autre, tandis que la [[sympolitie]] voit deux cités s'associer pour ne faire plus qu'une, souvent au profit d'une plus puissante. Il est aussi courant qu'une cité fasse appel à des juges étrangers pour rétablir la concorde en son sein, la vie politique des cités restant potentiellement agitée, marquée par des périodes de discordes voire des conflits internes. Il semble que le [[oligarchie|régime oligarchique]] soit en perte de vitesse et que la [[démocratie]], selon les critères de l’époque, devienne la norme la plus répandue dans le monde hellénistique., Unavec consensusles globalorganes segénéralement metrepris endu place,modèle parfoisathénien rompu: parassemblée quelquesde citoyens (''[[guerreekklésia]]''), civile|guerresconseil civiles(''[[boulè]]'') fréquenteset dansmagistratures desannuelles communautésdont fragilesles etmembres instablessont recrutés parmi le corps de citoyens, afinqui comprennent également des charges militaires telles que celle de stratège. Mais le modèle démocratique hellénistique est sans doute moins radical que celui de l'Athènes classique, les notablesinstitutions conduisentvarient lasouvent politiqueselon les cités, et les rapports de laforce changent dans le temps au sein d'une même cité, maisce sousqui lerend contrôletoute souveraingénéralisation dudifficile{{sfn|Chaniotis|2018|p=133-137}}{{,}}{{sfn|Grandjean|Bouyssou|Chandezon|Hochard|2024|p=220-245}}. resteAu desniveau infra-civique, divers types d'associations existent et servent de cercles de sociabilité pour les citoyens, souvent autour du culte d'une divinité. L’attachementElles àont saune cité,forme àd'organisation sacalquée patrie,sur celle des cités et organisent des réunions accompagnées de banquets qui permettent de tisser et d'entretenir des liens sociaux. C'est toujoursnotamment aussidans fortce cadre que peuvent s'organiser les étrangers résidents qui ne sont pas citoyens (comme les [[métèques]] athéniens, et d'une manière générale les exemplesmarchands implantés dans des cités dont ils ne sont nombreuxpas originaires) et que s'implantent des cultes de citoyensdivinités prenantétrangères (par exemple les armes[[synagogues]] pour défendreles leur indépendance menacée[[Juifs]]){{sfn|Chaniotis|2018|p=322-324}}.
 
[[Fichier:Honorific decree Olonte Louvre Ma3061.jpg|thumb|Série de décrets honorifiques de la cité d'[[Olonte]] ([[Crète]]) pour des bienfaiteurs des proxènes et des évergètes, ainsi qu'un médecin de Casos resté dans la cité pour soigner les malades d'une épidémie. {{-s|III|-|II}} [[Musée du Louvre]].]]
=== Les relations complexes entre souverains et cités ===
[[Fichier:Dedication Ptolemy VI Louvre Ma4977.jpg|vignette|Dédicace à [[Ptolémée VI]] Philométor, milieu du {{-s|II}}, [[musée du Louvre]].]]
{{section à sourcer|date=mai 2020}}
 
La principale évolution dans les rapports au sein du corps citoyen sont la prise en importance des plus riches d'entre eux. Elles contribuent pour beaucoup au financement des diverses dépenses de la cité, les font profiter de leurs relations avec d'autres cités ou des rois, particulièrement utiles lors des négociations diplomatiques, également de leur prestige acquis aux concours sportifs ou au combat. En échange, elles reçoivent des honneurs publics matérialisés par des inscriptions honorifiques, des statues placées dans les lieux publics, parfois des cultes. Les historiens modernes ont désigné ce phénomène par le terme « [[évergétisme]] », du grec ''euergetos'' « bienfaiteur ». Cela a donné sans conteste plus de place aux membres des familles riches dans la prise de décision politique, donc accentué certaines tendances oligarchiques voire ploutocratiques. Une particularité de la période est d'ailleurs le fait que des femmes de familles riches ayant hérité d'une grande fortune ont pu obtenir des honneurs importants pour leurs bienfaits (par exemple [[Archippè de Kymé]]), sans pour autant avoir accès au statut de citoyen et aux magistratures{{sfn|Chaniotis|2018|p=137-140}}{{,}}{{sfn|Grandjean|Bouyssou|Chandezon|Hochard|2024|p=227-231}}. Les « hommes politiques » de la période les plus en vue mettent donc en avant leur richesse, leur renommée, leurs liens avec les rois, aussi leurs talents d'orateurs pour conforter leur position, quitte à ce que leur pouvoir personnel éloigne les cités de l'idéal démocratique. Il n'est pas inhabituel que certaines de ces situations dérivent vers des accusations des démagogie et de tyrannie, en tout cas des régimes dans lesquels un seul homme exerce l'essentiel du pouvoir (comme [[Lycurgue (orateur)|Lycurgue]] et [[Démétrios de Phalère]] à Athènes){{sfn|Chaniotis|2018|p=140-147}}.
Les relations entre les rois hellénistiques et les cités qu'ils dominent, ou cherchent à dominer, sont complexes. Dans l’absolu, les cités grecques refusent de se soumettre à l’autorité sans partage des souverains. Mais la réalité est plus fluctuante et dépend du rapport de force qui s'installe. En règle générale, un souverain qui s'empare d’une cité est en droit de la supprimer, mais le plus souvent un accord est trouvé et la cité devient ainsi une alliée (contrainte). En fait, on distingue une gamme infinie de nuances entre les cités sujettes, sur lesquelles le contrôle royal est étroit (présence de troupes royales, de fonctionnaires royaux, paiement d’un [[wikt:tribut|tribut]], etc.) et qui peuvent être parfois cédées comme simple part du domaine royal, et les cités subordonnées qui sont nominalement libres et conservent une large autonomie. Ce cas est fréquent pour les cités du [[mer Égée|monde égéen]], souvent fondées bien avant la création des royaumes hellénistiques.
 
Le degré d'indépendance des cités vis-à-vis du pouvoir royal varie selon les configurations. Celles qui sont situées à l'intérieur de territoires royaux ont une indépendance souvent plus limitées, même si là encore il existe des différences, souvent difficiles à percevoir : les historiens modernes distinguent couramment entre cités « libres » et cités « sujettes », mais les variations sont nombreuses. Les relations avec les rois sont d'une manière générale marquée par la négociation et la recherche de réciprocité, qui laisse une marge de manœuvre aux cités. Pour les contrôler, les rois y installent des représentants (epistates), des garnisons, et imposent de manière plus ou moins frontale certaines lois qui les avantagent et des changements dans le corps dirigeant et les institutions. Certaines cités qui ont une situation stratégique vont être ménagées par les souverains qui veulent préserver leur allégeance. Ils peuvent leur reconnaître officiellement leur « liberté », alléger ou supprimer le tribut qu'elles leur versent, les exempter de garnisons, et leur offrir diverses gratifications par le biais de l'évergétisme royal (financement de murailles, de monuments civiques, de troupes et de navires, de cérémonies religieuses, d'huile pour le gymnase, etc.). Les cités font souvent appel aux rois lorsqu'elles ont des litiges à régler avec d'autres cités ou d'autres problèmes. En retour les citoyens accordent des honneurs aux rois, implantent leur culte et répondent à ses demandes{{sfn|Chaniotis|2018|p=100-105}}{{,}}{{sfn|Grandjean|Bouyssou|Chandezon|Hochard|2024|p=211-213}}.
Les rapports entre ces deux entités politiques sont dominés par un modèle politique que l’on nomme l’échange évergétique : bienfaits contre honneurs. S'inspirant du modèle habituel de relations entre les cités et les citoyens bienfaiteurs, il devient la norme pour les relations entre cités et monarques. Le roi est ainsi présenté comme un souverain puissant, bienveillant envers la cité (par ses dons ou par ses exemptions d’impôts), protecteur (contre une éventuelle attaque extérieure) et garant de la prospérité. En échange, la cité proclame son dévouement (ce qui est un moyen pour le roi d’asseoir sa légitimité), lui assure les honneurs par l’érection de statues ou, le cas échéant, les [[culte héroïque grec|honneurs cultuels]]. L’[[évergétisme]] est ainsi le principal cadre idéologique des rapports politiques entre souverains et cités. Il est même fréquent que l’évergétisme se manifeste envers des cités n’appartenant pas à la zone d’influence des souverains. C’est ainsi que [[Rhodes]] est soutenue par l’ensemble des monarques hellénistiques après le terrible [[séisme]] de {{Date|-227}} Les [[Attalides]] financent de nombreux monuments d’[[Athènes antique|Athènes]]<ref>Grâce à une diplomatie habile et en utilisant leur prestige, les Athéniens ont pu embellir leur cité durant l’époque hellénistique.</ref> dont la fameuse [[stoa d'Attale]], reconstruite au {{s|XX}} par l’École archéologique américaine d’Athènes.
 
Les États fédéraux ou ligues sont une forme d'organisation politique supra-civique qui prend son essor dans le monde égéen hellénistique. Ces entités sont désignées par le terme ''koinon'', « commun », qui désigne divers types d'associations. Il ne s'agit pas d'une forme d'organisation nouvelle, puisque des organisations de cités et d'ethnè (des communautés moins urbanisées mais disposant d'institutions propres) existent en Grèce depuis l'époque archaïque. Mais certaines parviennent à jouer un rôle de premier plan à l'époque hellénistique, rivalisant avec les grands royaumes, unifiant temporairement des territoires importants, créant une forme d'identité régionale. Les plus puissantes de ces fédérations sont celles d'Étolie (ligue étolienne) et d'Achaïe (ligue achéenne), mais il en existe d'autres en Béotie, en Arcadie, en Crète, dans les Cyclades (ligue nésiotique), en Troade, en Lycie, etc. Leurs modalités d'organisation sont variées, mais présentent quelques caractéristiques communes. Elles disposent d'institutions communes, visant notamment à regrouper les forces militaires des membres et à les doter d'un commandement et d'une diplomatie unifiés. Des assemblées, réunies dans les principaux sanctuaires des régions concernées, lors de leurs fêtes majeures, y prennent les décisions les plus importantes, chaque membre ayant un nombre de voix lié à son poids dans l'organisation. Certaines créent une citoyenneté fédérale qui se surimpose aux citoyennetés des cités membres. Elles peuvent aussi frapper de la monnaie pour financer leurs besoins<ref>Pierre Fröhlich, « ''koinon'' », dans {{harvsp|id=DMGA|Sartre|Sartre-Fauriat|Brun|2009|p=281}}.</ref>{{,}}{{sfn|Chaniotis|2018|p=129-133}}{{,}}{{sfn|Grandjean|Bouyssou|Chandezon|Hochard|2024|p=709-716}}.
Dans l’ensemble, les cités ont rarement été les acteurs de premier plan de la période mais elles maintiennent dans le monde hellénistique — ce qui est un facteur supplémentaire d’unité — leurs identités, leurs traditions et leurs modes de fonctionnement face aux souverains. Cette relative unité s'explique par les interactions et les échanges internes à l’espace hellénistique.
 
=== Armées et déprédations ===
== Facteurs d’unité et de diversité de la civilisation hellénistique ==
{{Article connexe|Phalange (Antiquité)|Armée séleucide|Mercenariat grec à l'époque hellénistique}}
=== L’hellénisation : langues, coexistence des cultures ===
 
==== Vers une langue commune : la koinè ====
[[Fichier:Egypt, Greece, reign of Ptolemy I - Stater- Athena and Eagle (reverse) - 1916.994.b - Cleveland Museum of Art.tif|thumb|Statère de [[Ptolémée Ier|Ptolémée {{Ier}}]] (305-285 av. J.-C.) représentant au revers la déesse Athéna de type « Alkidemos », symbole martial couramment employé sur les monnaies hellénistiques. [[Cleveland Museum of Art]].]]
 
Les monarchies hellénistiques ont un aspect militaire très prononcé : le roi tire une bonne partie de sa légitimité de son triomphe au combat, de sa capacité à mener ses troupes au combat en personne, ses Amis forment les cadres de l'appareil militaire. Les princes reçoivent une éducation militaire et accompagnent leur père au combat pour apprendre la conduite des forces armées{{sfn|Chaniotis|2018|p=105-108}}.
 
[[Fichier:Thureophoroi CROPPED.jpg|thumb|left|Stèle peinte égyptienne du {{-s-|II}} représentant un [[thuréophore]], type de fantassin se développant durant l'époque hellénistique.]]
 
En permanence au combat ou sur le pied de guerre, les royaumes disposent d'armées permanentes, dont le cœur est constitué de Grecs. Ils recourent également au mercenariat. Les rois tentent de stabiliser et de fidéliser ce groupe par essence volatile par la création de colonies militaires dans lesquelles un soldat reçoit une terre en échange d'une obligation de service{{sfn|Grandjean|Bouyssou|Chandezon|Hochard|2024|p=165-166}}. Une grande partie des ressources du royaume et de son administration sont consacrées à l'équipement et à l'entretien des forces militaires. Les armées sont très spécialisées, comprenant les phalanges de piquiers porteurs de longues [[sarisse]]s (des lances), des troupes plus légères et mobiles équipées de petits boucliers ([[thuréophore]], [[thorakitès]]), des archers et des frondeurs, des engins de sièges sophistiqués tels que des balistes et des tours d'assaut. La cavalerie joue un rôle déterminant depuis la fin de l'époque classique, et une cavalerie plus lourde se développe ([[cataphractaire]]). Les armées hellénistiques intègrent aussi des éléphants. Les grands royaumes peuvent mobiliser plusieurs dizaines de milliers d'hommes. Néanmoins dans la seconde moitié de la période ces armées s'avèrent incapables de faire face aux légions romaines<ref>Pierre Ducrey, « Guerre (Grèce) », dans {{harvsp|Leclant|2005|p=1010|id=Leclant}}</ref>{{,}}<ref>{{en}} John F. Lazenby, « War, art of, Greek », dans {{harvsp|id=OCD|OCD|2012|p=1569}}.</ref>{{,}}{{sfn|Chaniotis|2018|p=97}}.
 
[[Fichier:Battle of Magnesia.jpg|thumb|center|upright=2.0|Copie d'une plaque en bronze de [[Pergame]] représentant une bataille, probablement celle de [[Manisa|Magnésie du Sipyle]] (190-189), avec des [[Phalange (Antiquité)|phalangites]] [[séleucides]] à gauche.]]
[[Fichier:Akropolis Lindos 11.jpg|thumb|Relief représentant un navire de guerre rhodien, acropole de [[Lindos]] ([[Rhodes]]).]]
 
Les flottes de guerre développent des navires de plus en plus grands, les rois se lançant dans une course au gigantisme et consacrant d'importants moyens dans leurs chantiers et bases navals afin d'assurer leur suprématie sur les mers. Les principales puissances maritimes hellénistiques sont la [[Royaume de Macédoine|Macédoine]], les [[Lagides]] et [[Rhodes]], mais aucune ne parvient à assurer sa domination de manière durable. À partir du {{-s|II}}, ce sont les Romains qui deviennent les maîtres de la Méditerranée grâce à la flotte qu'ils se sont constituée durant les trois [[guerres puniques]]<ref>{{en}} Philip de Souza, « Navies », dans {{harvsp|id=OCD|OCD|2012|p=1003}} ; {{en}} Simon Hornblower, « Sea power », dans {{harvsp|id=OCD|OCD|2012|p=1336-1137}}.</ref>.
 
La période hellénistique est également une période durant laquelle la piraterie sévit de façon endémique en Méditerranée orientale, et aussi dans la [[mer Noire]]. Comme souvent la limite entre les pirates et les armées régulières sont brouillées, certains coups de force s'apparentant à de la guerre de course en recevant un soutien plus ou moins assumé d'une puissance politique telle que la Macédoine ou la [[Ligue étolienne]], et dans bien des cas une attaque de pillards est justifiée par des représailles à la suite d'un autre outrage. Les pirates disposent de navires rapides, s'organisent sous la direction d'un chef qui organise des raids contre des cités, des sanctuaires, dans le but de faire du butin, y compris des esclaves et des otages contre lesquels ils espèrent recevoir une rançon. Les principales régions d'où viennent les pirates sont la [[Crète]] et la [[Cilicie]]. Ils sévissent surtout dans le monde égéen, et mobilisent les efforts successifs de différents « gendarmes des mers » tels que les Lagides, Rhodes puis Rome. Cette dernière entreprend une grande campagne de lutte contre les pirates en 67 sous la direction de [[Pompée]], avec un certain succès en Cilicie, mais la piraterie reste un problème au début de l'ère impériale<ref>{{en}} Philip de Souza, « Piracy », dans {{harvsp|id=OCD|OCD|2012|p=1149-1150}}.</ref>{{,}}{{sfn|Grandjean|Bouyssou|Chandezon|Hochard|2024|p=490}}. Sur les terres, le brigandage est également attesté, en dehors des espaces urbanisés les mieux contrôlés. Il est notamment pratiqué en Grèce centrale par les Étoliens qui en font le même usage quasi-institutionnalisé que la piraterie<ref>{{en}} Antony Spawforth, « Brigandage », dans {{harvsp|id=OCD|OCD|2012|p=250-251}}.</ref>. En Anatolie ce sont les [[Galates]] qui font peser les menaces de raids sur les pays voisins<ref name=galates/>.
 
Face aux risques d'attaques militaires ou de pillages, les cités organisent leurs défenses en entretenant des forces militaires et des ouvrages défensifs. La présence d'une armée civique ne concerne donc pas que des cités plus puissantes militairement telles que [[Rhodes]] et [[Sparte]] ou celles faisant partie d'une ligue. Diverses inscriptions relatent les déprédations subies, les enlèvements, et les actions et mesures qui sont prises pour y faire face. Certaines cités s'allient pour faire face à ces risques. D'autres sources rapportent des conflits territoriaux entre cités voisines. Les citoyens fournissent le gros des troupes, comprenant des fantassins, des cavaliers, des navires, financées par leurs propres moyens voire le concours d'un roi allié, surtout si celui-ci entend faire de l'armée de la cité une partie de son dispositif militaire. Les rois financent aussi la construction de murailles. Une véritable culture militaire s'est développée dans les cités hellénistiques, mettant en valeur les exploits militaires et divers actes de bravoure au combat{{sfn|Grandjean|Bouyssou|Chandezon|Hochard|2024|p=218-220}}.
 
Dans l'ensemble l'époque hellénistique semblerait voir une baisse des violences par rapport à l'époque classique, quoi que certains épisodes violents sont attestés et qu'un basculement s'opère dans la seconde partie de la période. Les victoires militaires, en particulier les prises de cités, s'accompagnent de pillages et de réductions en esclavage. En particulier les conquêtes romaines entraînent d'importantes destructions et de nombreux asservissements dans le monde grec<ref>{{en}} Jakob Aaal Ottesen Larsen et Simon Hornblower, « War, rules of », dans {{harvsp|id=OCD|OCD|2012|p=1570}}.</ref>{{,}}<ref>Pierre Ducrey, « Guerre (Grèce) », dans {{harvsp|Leclant|2005|p=1012-1013|id=Leclant}}</ref>
 
=== La domination romaine ===
[[Fichier:Amphiareion archaeological site - Remains of houses and of the Agora 04.jpg|thumb|Base d'une statue du sanctuaire d'[[Amphiaraos]] à [[Oropos]] ([[Béotie]]) portant une inscription honorant le général romain [[Sylla]] en tant que sauveur et bienfaiteur, après qu'il ait défait les troupes de Mithridate du Pont et fourni des moyens financiers au culte du sanctuaire.]]
 
La seconde partie de la période hellénistique, ou « basse époque hellénistique », se caractérise à partir de 220 par la mise en place progressive de la domination de la [[République romaine]] sur le monde hellénistique. Celle-ci se fait au départ par des interventions militaires visant à assurer la sécurité de Rome et de ses alliés. Puis la puissance latine est progressivement entraînée dans les conflits de [[Grèce]] et d'[[Asie mineure]] et en devient un acteur à part entière. La mise en place de provinces romaines, qui commence en 241 en [[Sicile]], puis débute surtout dans la seconde moitié du {{-s|II}} dans le monde hellénistique, implique plus directement Rome dans les affaires grecques et la fait rentrer dans des conflits dont le caractère défensif pour elle est de moins en moins évident. Les provinces sont placées sous la direction de gouverneurs romains, les domaines royaux et civiques confisqués deviennent la terre publique romaine (''ager publicus''), le système d'imposition romain est mis en place, ce qui entraîne la venue d'agents du pouvoir romain, issus de l'élite sénatoriale et équestre, notamment les publicains, et plus largement de citoyens romains et d'Italiens qui bénéficient d'exemptions fiscales, notamment des marchands. Le lourd prélèvement auquel sont soumis les provinces entraîne de considérables profits captés par Rome et l'Italie, alors que les abus des publicains, mal contrôlés, génèrent mécontentement et révoltes. Les cités qui sont considérées comme traîtres ou non loyales aux Romains subissent les confiscations et l'exploitation les plus fortes. La constitution d'une domination de type impérial dirigée depuis Rome a donc des conséquences considérables qui font progressivement basculer le monde hellénistique dans une nouvelle ère<ref>{{en}} Tim Cornell, « Rome (history) 1. From the origins to 31 BC », dans {{harvsp|id=OCD|OCD|2012|p=1287}}.</ref>{{,}}{{sfn|Étienne|Müller|Prost|2014|p=309-311}}{{,}}<ref>{{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Michel |nom1=Humm |titre=La République romaine et son empire. 509 à 31 av. J.-C.|éditeur= Armand Colin|lieu=Malakoff|année= 2018|passage= 174-187}}</ref>.
 
Pour les Grecs, plusieurs conséquences de la conquête romaine ont été mises en avant :
* Les rois doivent apprendre à négocier avec un nouvel acteur qui est rapidement en position de force, ce à quoi ils n'étaient pas habitués. Les Romains interviennent en tant qu'arbitre dans leurs litiges avec les cités et fédérations, dans les querelles dynastiques, ils s'appuient sur des royaumes amis et clients comme [[Pergame]] et bousculent les rapports de force, et laissent d'une manière générale peu de marge de manœuvre aux rois dans les négociations{{sfn|Chaniotis|2018|p=116-117}}.
* Les cités doivent aussi composer avec un pouvoir qui ne se comporte pas exactement comme les rois hellénistiques. Les Romains octroient et retirent les faveurs au gré des alliances, punissant même ceux qui ont une attitude trop tiède envers eux, ce qui entraîne divers revers de fortune pour des cités comme [[Rhodes]], [[Athènes]] et [[Délos]]{{sfn|Étienne|Müller|Prost|2014|p=310}}. Les dirigeants romains, habitués à leur propre système oligarchique, ont tendance à favoriser la mise en place de tels régimes dans les cités, ce qui renforce la tendance déjà perceptible auparavant à la montée en puissance des élites civiques disposant des plus importantes richesses{{sfn|Grandjean|Hoffmann|Capdetrey|Carrez-Maratray|2017|p=267-269}}{{,}}{{sfn|Chaniotis|2018|p=140-141}}.
* Les généraux romains (''imperatores'') reprennent dans une certaine mesure les comportements des rois, ils peuvent se poser en philhellènes et garants de la liberté des cités à l'image de [[Flaminius]] et des [[Scipions]], également consacrer d'importantes offrandes aux sanctuaires grecs. Les généraux romains utilisent également les temples comme espaces de propagande, et [[Mummius]], qui a conduit le sac de Corinthe, a été commémoré à [[Olympie]] pour les nombreuses donations qu'il y a effectuées{{sfn|Étienne|Müller|Prost|2014|p=330-332}}. Le culte dynastique royal n'est pas remplacé par un culte à ces personnages, mais par celui de la déesse Roma, personnification divine de Rome, dont le culte se diffuse dans les cités grecques dès le début du {{-s|II}}{{sfn|Chaniotis|2018|p=169}}.
* Les guerres de conquête romaine, puis les [[guerres mithridatiques]] et les guerres civiles de la fin de la République ont un coût humain et matériel considérable pour le monde grec, certaines régions et cités étant ravagées avec une part importante de leur population mise en esclavage, comme l'Épire en 167, Corinthe en 146, l'Asie mineure au {{-s|I|er}}{{sfn|Grandjean|Hoffmann|Capdetrey|Carrez-Maratray|2017|p=224-231}} Ces conquêtes s'accompagnent aussi de pillages d'œuvres d'art grecques qui sont emportées à Rome, et des artistes et érudits Grecs font le même trajet sous la contrainte{{sfn|Étienne|Müller|Prost|2014|p=330}}{{,}}{{sfn|Grandjean|Bouyssou|Chandezon|Hochard|2024|p=331}}.
 
== Expansion grecque et hellénisation ==
 
=== L'élargissement de l'horizon grec ===
 
Les Grecs des époques archaïques et classiques n'étaient pas ignorants du monde extérieur, comme le prouvent les implantations « coloniales » et commerciales archaïques autour de la Méditerranée et de la mer Noire, les mercenaires grecs vendant leurs services à des non-grecs, ou encore les écrits d'Hérodote. Mais les conquêtes d'Alexandre et la constitution des royaumes hellénistiques ouvrent une nouvelle ère d'expansion et de découverte du monde.
 
Le conquérant aurait selon [[Plutarque]] fondé plus de 70 villes nouvelles, qui sont pour l'essentiel des garnisons militaires et non pas des cités. Cela lance un grand mouvement de colonisation/diaspora grecque, non moins important que celui de l'[[époque archaïque]] ([[colonisation grecque]]), qui est pour l'essentiel une ruée vers l'est. Les nouvelles fondations sont dotées de terres à exploiter de façon à faciliter l'implantation des immigrés. Les Grecs n'envisageant pas d'autre mode de vie que civique, leurs implantations se dotent progressivement des traits des cités grecques, quand bien même elles n'ont pas de statut civique à l'origine, devenant ainsi des avant-postes de l'hellénisation. Les rois séleucides organisent des mouvements de migrations : quand il fonde Antioche de Perside (probablement près de [[Bouchehr]] sur les rives du [[golfe Persique]]), {{noble|Antiochos Ier}} sollicite [[Magnésie du Méandre]] pour qu'elle envoie un contingent de colons<ref>{{en}} Pierre Briant, « Colonisation, Hellenistic », dans {{harvsp|id=OCD|OCD|2012|p=349}}</ref>. Comme souvent pour les périodes antiques il est très difficile d'estimer le nombre de personnes impliquées dans ces migrations, et leur impact démographique sur les régions de départ et d'arrivée. Les fondations de nouvelles villes sont en fait souvent des refondations ou des regroupements à partir de populations locales, donc elles n'impliquent pas forcément des déplacements importants. Séleucos n'aurait eu besoin que de {{formatnum:5300}} Athéniens et Macédoniens lors de la fondation d'Antioche et dans l'ensemble le nombre de colons militaires installés en Orient n'aurait concerné que quelques dizaines de milliers d'hommes (peut-être un maximum de {{formatnum:20000}} colons en Bactriane et en Sogdiane){{sfn|Étienne|Müller|Prost|2014|p=236-237}}.
 
L'époque hellénistique est aussi une période d'explorations qui mettent les Grecs en contact avec des mondes inconnus. Vers 325, le massaliote [[Pythéas]] voyage vers le nord, dépassant les îles britanniques, jusqu'au pays de [[Thulé (mythologie)|Thulé]] ([[Islande]] ? [[Norvège]] ?) et dans la [[Mer Baltique|Baltique]]. Les conquêtes d'Alexandre sont déjà l'occasion de découvertes frappantes et dépaysantes, notamment lors de l'entrée en contact avec le monde indien. Alexandre confie vers 327/325 à son amiral [[Néarque]] le soin d'explorer le golfe Persique, et l'[[océan Indien]] commence à être exploré, le commerce sur cet espace se développant pour prendre son essor à l'époque romaine. Dans les dernières décennies du {{-s|II}}, [[Eudoxe de Cyzique]] voyage en Inde pour le compte de [[Ptolémée VIII]], et explore les côtes africaines dans l'espoir de parvenir à contourner ce continent et rejoindre la Méditerranée ([[circumnavigation]]). Après avoir échoué à l'est, il tente sa chance à l'ouest. On n'a plus jamais entendu parler de lui{{sfn|Thonemann|2018|p=81-83}}{{,}}{{sfn|Chaniotis|2018|p=388-391}}.
 
Cette phase historique correspond plus largement à la constitution d'un monde interconnecté, avec un accroissement des échanges humains et commerciaux de l'Atlantique à l'Inde, compensant au moins en partie sa division politique. Cela concerne d’abord les soldats qui se déplacent sur des milliers de kilomètres. Cette époque correspond aussi à un fort développement du [[Mercenariat grec à l'époque hellénistique|mercenariat]]. Ainsi les habitants de [[Sagalassos]], en [[Pisidie]], fournissent pendant longtemps des mercenaires réputés, surtout aux [[Royaume lagide|Lagides]]. Les artistes aussi se déplacent sur de longues distances, tout comme les philosophes. Les échanges entre cités, déjà réguliers lors de l'[[époque classique]], sont plus nombreux. Les enfants des familles de notables sont fréquemment envoyés dans de grandes cités ([[Athènes antique|Athènes]], [[Delphes]], etc.) pour y poursuivre un enseignement réputé en [[rhétorique]], laquelle est indispensable pour entamer une carrière politique ou diplomatique. Ainsi, le personnage de Moschiôn, citoyen de [[Priène]], représente sa cité aux concours organisés dans les villes situées à proximité puis devient ambassadeur auprès des [[Séleucides]], puis en Égypte et enfin à [[Rome antique|Rome]]. Il semble être allé jusqu'à [[Pétra]] en [[Arabie préislamique|Arabie]]. Sophytos, marchand d'Alexandrie d'Arachosie, l'actuelle [[Kandahar]] en Afghanistan, a laissé une inscription rapportant comment il s'est enrichi dans le commerce maritime, sans doute sur l'océan Indien et le golfe Persique. Ces mobilités concernent aussi les médecins, les artistes ou parfois des magistrats. En effet, certaines cités préfèrent confier leurs procès à des citoyens d’autres cités, jugés plus impartiaux et moins soumis aux pressions. Cette habitude a sans doute pu permettre un rapprochement des pratiques juridiques entre les cités. Quels que soient les motifs de la présence d'un Grec dans une cité autre que la sienne, en cas de succès la ville d'accueil honore par un décret cette présence. Ces décrets sont aussi transmis à la cité d’origine par une ambassade, ce qui resserre encore plus les liens. Souvent ces relations diplomatiques sont renforcées par une parenté [[mythologie grecque|mythique]]. Chaque cité prétendant descendre d’un [[culte héroïque grec|héros]] mythologique il est relativement facile, du fait de la complexité de la mythologie grecque et de l’extrême diversité des légendes et des traditions, de trouver des ancêtres communs. Ainsi, quand la modeste cité de Kyténion (en [[Doride (Grèce)|Doride]]) envoie une ambassade à la principale cité de [[Lycie]], [[Xanthe (ville)|Xanthe]], elle prend soin de démontrer une parenté commune ([[Apollon]] serait né à Xanthos et se trouve être l’ancêtre mythique des Kyténiens){{sfn|Fröhlich|2004|p=9-14}}{{,}}{{sfn|Chaniotis|2018|p=307-312 et 391-394}}.
 
[[Fichier:Ai Khanum, inscription.jpg|thumb|Base en pierre d'[[Aï Khanoum]] comportant l'épigramme de Cléarque. Musée national d'Afghanistan.]]
 
D'autres voyageurs assurent le dialogue entre les différentes cultures de l'époque. [[Cléarque de Soles]], originaire de Chypre, disciple d'Aristote, prête un intérêt marqué pour les sagesses orientales des Mages et des Indiens. Or une personne du même nom a laissé une inscription à Aï Khanoum en Afghanistan, une copie d'une épigramme comportant une maxime delphique. L. Robert a proposé qu'il s'agisse du même homme, qui aurait profité de l'opportunité offerte par les conquêtes d'Alexandre pour se rendre directement auprès de l'objet de ses études<ref>{{Article|langue=fr|auteur=Louis Robert|titre= De Delphes à l'Oxus, inscriptions grecques nouvelles de la Bactriane|périodique= Comptes rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres|année =1968|volume= 112|numéro=3 |passage= 416-457|lire en ligne= https://www.persee.fr/doc/crai_0065-0536_1968_num_112_3_12291 }}.</ref>{{,}}{{sfn|Thonemann|2018|p=1-3}}. [[Mégasthène]], ambassadeur de [[Séleucos Ier|Séleucos {{Ier}}]] auprès du roi [[Chandragupta Maurya|Chandragupta]] des [[Maurya]] entre 302 et 298, a rédigé une description de l'Inde (''Indica'') qui constitue une source de connaissances essentielle sur ce pays à cette période{{sfn|Singh|2008|p=324-326}}.
 
=== L'hellénisme et son adoption ===
 
L'expansion grecque de l'époque hellénistique, marquée par la constitution de royaumes dirigés par des Gréco-macédoniens et la fondation de cités grecques, le tout dans un contexte culturel non grec, se traduit par un développement de l'influence culturelle grecque sur les régions dominées. C'est un phénomène qui se résume généralement par un mot : [[hellénisation]]<ref>{{Chapitre|langue=en|auteur= Rachel Mairs|titre= Hellenization|titre ouvrage= The Encyclopedia of Ancient History|auteurs ouvrage= R.S. Bagnall, K. Brodersen, C.B. Champion, A. Erskine et S.R. Huebner (dir.)|année=2012|éditeur=Wiley`|doi=10.1002/9781444338386.wbeah22144}}</ref>. D'abord interprétée par Droysen comme une « fusion » des cultures, longtemps considérée comme coulant de source en raison de la supposée supériorité culturelle grecque (et, par extension, occidentale), les visions actuelles sont bien plus nuancées{{sfn|id=BAS|Baslez et al.|2003|p=16-17 et 19}}{{,}}{{sfn|Étienne|Müller|Prost|2014|p=294-295}}. L'hellénisme peut être vu comme la culture « mondiale » de l'époque, la culture de référence sur un espace allant du Maroc à l'Afghanistan, adoptée suivant des degrés et modalités divers par les populations se trouvant sur cet espace, jusqu'aux Romains<ref>{{Ouvrage|auteur1=Paul Veyne|titre=L'empire gréco-romain|lieu=Paris|éditeur=[[Éditions du Seuil|Le Seuil]]|collection=Points - Histoire|année=2005|passage=9-10|isbn=}}.</ref>. L'« hellénisation » constituerait alors une forme antique de « globalisation » culturelle, comprenant des références et une esthétique communes, adoptées par des nombreuses populations sans forcément renier leurs origines et qu'ils se considèrent comme Grecs{{sfn|Grandjean|Bouyssou|Chandezon|Hochard|2024|p=332}}. Le monde hellénistique est plus envisagé dans sa dimension multi-culturelle et ses mixités. Les spécificités régionales et locales non grecques se sont souvent maintenues et n'ont pas forcément perdu de leur vitalité malgré la domination politique et culturelle grecque et les motivations des différents acteurs du phénomène sont envisagées sous des jours plus complexes, parfois en refusant le terme d'« hellénisation » qui manquerait de nuances. Les modalités et les subtilités des ces phénomènes peuvent être abordées sous l'angle de concepts tels que l'acculturation ou l'hybridation, les métissages, la créolisation, la négociation, ou encore celui de transfert culturel, et plus récemment le « ''middle ground'' »{{sfn|Clancier|Coloru|Gorre|2017|p=4 (préface de Bernard Legras).}}{{,}}{{sfn|id=DAN|Dana et al.|2022|p=22-25}}.
 
Cela pose aussi la question de savoir qu'est-ce qu'« être grec » à cette période. [[Isocrate]] a donné à la fin de la période classique une définition de l'hellénité qui se veut ouverte : {{citation|[On emploie] le nom de Grec non plus comme celui de la race mais comme celui de la culture, et on appelle Grecs plutôt les gens qui participent à notre éducation que ceux qui ont la même origine de nous.}} C'est donc plus une affaire de culture (la ''[[paideia]]''), de vivre « à la grecque », que de généalogie et de naissance<ref>{{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Maurice|nom1=Sartre|lien auteur1=Maurice Sartre|titre=Le Haut-Empire romain|sous-titre=Les provinces de Méditerranée orientale d'Auguste aux Sévères|lieu=Paris|éditeur=[[Éditions du Seuil|Le Seuil]]|collection=Points Histoires|année=1997|année première édition=1991|passage=248}}</ref>.
 
Maurice Sartre résume ainsi les caractéristiques de l'hellénité à cette période et sa variabilité :
 
{{citation bloc|Par culture grecque, il faut entendre au premier rang la langue, car on ne peut se prétendre Grec sans parler le grec. Mais, à partir de là, les individus adoptent une part plus ou moins grande de ce qui constitue l'identité grecque : parfois (rarement) les dieux, les modes alimentaires (vin et huile d'olive), le vêtement, la nudité sportive, les noms propres, le goût pour les loisirs grecs (théâtre, concours), les modes de pensée, les institutions politiques, etc. Dans ces conditions, l'hellénisation des populations varie à l'infini, en fonction des choix des individus et des communautés. Car un barbare n'est pas considéré comme Grec à titre individuel : pour les Grecs, on devient Grec parce que l'on est citoyen d'une communauté reconnue comme grecque<ref>Maurice Sartre, « L'époque hellénistique », dans {{harvsp|id=DMGA|Sartre|Sartre-Fauriat|Brun|2009|p=26-27}}.</ref>.}}
 
Le processus d'hellénisation est donc fondamentalement culturel, plus que politique et juridique (à la différence de la « [[romanisation (histoire)|romanisation]] »). Il ne s'agit pas d'une volonté politique, les rois hellénistiques ne cherchant pas à imposer la culture grecque à leurs sujets, même s'ils l'ont favorisée et ont fortement contribué à en faire la culture de référence de leur temps{{sfn|Grandjean|Bouyssou|Chandezon|Hochard|2024|p=328}}. En particulier, la création de cités grecques joue un rôle important dans l'expansion de l'hellénisme, puisqu'elles en sont le cadre de vie par excellence. Dans les pays où la composante non grecque est majoritaire elles jouent le rôle d'avant-poste de l'hellénisation et même de « vitrine » de la culture grecque{{sfn|Baslez et al.|2003|p=175-176}}.
 
Les spécialistes s'appuient souvent sur le fait qu'une personne ait un nom en grec et s'exprime en grec dans un contexte public (connu par des inscriptions) pour dire qu'elle est grecque. Mais le processus d'hellénisation a brouillé les situations dans bien des cas puisqu'en plusieurs endroits des personnes non grecques ont pris des noms grecs (et dans certains cas un second nom grec en plus de leur nom indigène), appris le grec et commandité des inscriptions en grec (parfois bilingues) et des objets d'art de style grec. À tout le moins ces éléments permettent de déterminer l'identité culturelle affichée des personnes, à défaut de pouvoir déterminer leur véritable profil culturel{{sfn|Rougemont|2012|p=17-24}}{{,}}{{sfn|id=DAN|Dana et al.|2022|p=473-482}}.
 
L'hellénisation est un processus qui concerne avant tout les élites sociales, et peut être pour elles motivé par l'attractivité de la culture grecque comme par la volonté de se mettre du côté des vainqueurs, mais elle ne suppose pas l'abandon des éléments culturels indigènes<ref name=sartre27>Maurice Sartre, « L'époque hellénistique », dans {{harvsp|id=DMGA|Sartre|Sartre-Fauriat|Brun|2009|p=27}}.</ref>. Les cultures locales soumises à l'influence grecque ne sont pas passives, loin de là, disposent souvent de leur propre vitalité, ce qui explique que l'hellénisation prenne des aspects bien différents selon les régions. Les récepteurs sélectionnent les éléments de la culture grecque qu'ils adoptent et les remodèlent souvent, en fonction de leurs propres finalités. Au surplus, les transferts culturels se font dans les deux sens, potentiellement suivant une logique de compréhension et d'accommodation mutuelles. Les mentalités grecques sont déjà habituées depuis les époques antérieures à intégrer des éléments venus des autres cultures et des personnes d'origine gréco-macédonienne peuvent adopter des éléments de la culture de leur pays d'implantation. Il résulte de tout cela que l'opposition entre « Grec » et « Indigène » qui sert souvent de grille de lecture pour la période masque la diversité et la complexité des situations, même au niveau local, bien qu'elle soit toujours employée par commodité{{sfn|Clancier|Coloru|Gorre|2017|p=6-7}}. Rien n'oblige à être exclusivement grec : on peut être grec et babylonien, grec et phénicien, etc.<ref name=sartre27/>
 
Du reste, dans certains cas l'hellénisme semble susciter des résistances, sous différentes formes (contre-acculturation, révoltes), dont les illustrations seraient des résistances non violentes dans les milieux sacerdotaux égyptiens et la [[révolte des Maccabées]] de Judée{{sfn|Grandjean|Hoffmann|Capdetrey|Carrez-Maratray|2017|p=328-333}}. D'autres études ont souligné les limites de l'analyse de ces phénomènes par le prisme de logiques tranchées (telles que le choix entre l'assimilation ou la résistance), qui insisterait trop sur l'idée d'un rapport dominant/dominé, et que l'hellénisme ne semble pas avoir suscité de rejet marqué{{sfn|Grandjean|Bouyssou|Chandezon|Hochard|2024|p=328-332}}.
 
Il est donc difficile de généraliser sur la réalité et la profondeur de l'« hellénisation » et des échanges culturels. Les situations sont variées selon les royaumes, les provinces et même selon les individus. Très souvent, de fortes poches hellénisées (surtout des villes) côtoient des zones où le phénomène reste superficiel. La grande diversité dans les sources disponibles, et leur hétérogénéité, oblige à beaucoup de prudence lorsqu'on parle d'hellénisation. Il n'en demeure pas moins que la culture dominante est la culture grecque et que cet aspect va durer bien au-delà de la conquête romaine.
 
=== Le rayonnement de l'hellénisme au-delà du monde hellénistique ===
 
Aux franges du monde hellénistique et au-delà, plusieurs régions reçoivent une influence hellénistique, signe du pouvoir d'attraction considérable qu'a pris la culture grecque. Néanmoins l'emploi de la notion d'« hellénisation » pour ces cas est discuté.
 
[[Fichier:6018 - Eschine - Napoli.jpg|thumb|left|Statue de l'[[orateurs attiques|orateur athénien]] [[Eschine]] mise au jour dans la [[villa des Papyrus]] d'[[Herculanum]].
[[Musée archéologique national de Naples]].]]
 
L'influence hellénistique sur [[Rome]] est un phénomène d'une importance capitale dans le domaine culturel. La cité du [[Latium]] est ouverte aux influences grecques depuis plusieurs siècles par le biais des cités grecques d'[[Italie]] et de [[Sicile]], ainsi que des [[Étrusques]] qui ont accueilli des éléments culturels grecs, mais la conquête du monde grec à partir du début du {{-s|II}} accélère et amplifie le phénomène. Les objets d'arts ainsi que les livres pris en butin, le contact direct entre des généraux amateurs de cultures grecque et les foyers culturels grecs ouvrent une partie de l'élite romaine à l'hellénisme. Plus largement la mise en place de la domination politique et militaire de Rome sur le monde méditerranéen où la culture dominante est grecque entraîne l'adoption de nombreux éléments cultures grecs. Ces transferts culturels sont sélectifs et motivés politiquement. Ils servent en particulier à légitimer l'emprise romaine sur cet espace, comme l'illustrent les travaux historiques de [[Polybe]] servant à présenter l'inéluctabilité de la suprématie romaine. Comme ce dernier, des érudits et des artistes grecs viennent de gré ou de force à Rome, la religion et l'art romains prennent des accents grecs de plus en plus prononcés, les jeunes aristocrates sont nombreux à recevoir une éducation grecque, qui implique des voyages d'apprentissage dans des centres intellectuels tels qu'[[Athènes]] et [[Rhodes]]. Les cités de [[Pompéi]] et d'[[Herculanum]] témoignent de l'hellénisme romain de la fin de la République et du début de l'Empire, notamment la [[villa des Papyrus]] qui comprenait de nombreuses sculptures grecques et des manuscrits philosophiques et littéraires grecs. Cela ne va pas sans résistances, notamment celle de Caton qui voit dans l'hellénisme un facteur de déclin moral et d’amollissement des mœurs romaines. Mais l'hellénisme est une partie constitutive de la culture romaine à l'époque impériale, contribuant à ce que certains désignent comme une culture « gréco-romaine », même si le caractère latin de la culture romaine persiste. En tout cas la pérennité de l'hellénisme se fait en grande partie par le biais de sa réception dans l'élite romaine<ref>Annie Sartre-Fauriat, « Hellénisme à Rome », dans {{harvsp|id=DMGA|Sartre|Sartre-Fauriat|Brulé|2009|p=251-252}}.</ref>{{,}}{{sfn|Humm|2018|p=199-210}}{{,}}{{sfn|Thonemann|2018|p=87-92}}{{,}}{{sfn|Grandjean|Bouyssou|Chandezon|Hochard|2024|p=332-333}}.
 
L'hellénisme romain s'inscrit du reste dans un contexte culturel qui voit la Méditerranée occidentale s'ouvrir à des degrés divers aux influences grecques, déjà perceptibles durant les périodes antérieures. Carthage notamment adopte des éléments grecs, même si l'emploi du concept d'hellénisation pour ce cas est discuté<ref>{{Ouvrage|langue=fr|auteurs ouvrage= Paul François, Pierre Moret et Sandra Péré-Noguès (dir.)|titre=L'hellénisation en Méditerranée occidentale au temps des guerres puniques (260-180 av. J.-C.) : actes du Colloque international de Toulouse, 31 mars-2 avril 2005| sous-titre= Pallas, Revue d'études antiques|volume=70|éditeur=Presses Universitaires du Midi |lieu=Toulouse| année=2007|jstor=i40148313 }}.</ref>{{,}}<ref>{{Ouvrage|langue=fr|auteur=Khaled Melliti |titre= Carthage|sous-titre= Histoire d’une métropole méditerranéenne|éditeur= Perrin|lieu=Paris|année= 2016|titre chapitre= La sensibilité punique à la culture grecque|passage= 185-201|lire en ligne=https://www.cairn.info/carthage--9782262066727-page-185.htm }}</ref>.
 
[[Fichier:MithridatesIParthiaCoinHistoryofIran.jpg|thumb|Tétradrachme du roi [[parthe]] [[Mithridate Ier de Parthie|Mithridate {{Ier}}]] (171-135) le représentant à l'avers avec le diadème hellénistique, et au revers le dieu guerrier iranien [[Verethragna]] représenté sous l'aspect d'[[Héraclès]], avec une inscription en grec.]]
 
Dans la partie orientale du monde hellénistique, l'influence grecque est en particulier visible chez les [[Parthes]], qui dominent l'Iran et la Mésopotamie après en avoir chassé les [[Séleucides]]. Plutôt que de tourner le dos à la culture de leurs prédécesseurs, les rois parthes en adoptent certains traits. Plusieurs d'entre eux se présentent comme des « Philhellènes » sur leurs monnaies, emploient des artistes grecs, car on trouve encore des cités de culture grecque dans leur empire, au moins dans la première moitié de son existence. Les dieux iraniens sont souvent représentés à la manière grecque, par exemple [[Mithra]] représenté sous l'apparence d'[[Apollon]]. Avec le temps néanmoins cet hellénisme s'estompe et les traits culturels iraniens sont de plus en plus prononcés<ref name=helliranica/>.
 
[[Fichier:BuddhaHead.JPG|thumb|left|Représentation d'un [[Bouddha]], exemple de l'[[art gréco-bouddhique]] du [[Gandhara]], {{-s mini-|II}}-{{-s-|I}}, [[Musée national des arts asiatiques - Guimet|musée Guimet]].]]
 
Plus loin encore vers l'est, la culture grecque reste vivante dans certaines parties des anciens domaines gréco-bactrien et indo-grec jusqu'aux débuts de notre ère. Lorsque ces régions passent sous la domination des [[Kouchans]] au premier siècle de notre ère, ceux-ci patronnent un art d'inspiration grecque. Leur principal roi, [[Kanishka]], passé à la postérité comme un grand roi bouddhiste, a un monnayage éclectique faisant aussi figurer des divinités grecques [[Hélios]] et [[Séléné]], ainsi que des divinités iraniennes telles que [[Mithra]]. Ce contexte donne naissance à un art « gréco-bouddhiste » dont le foyer principal est le [[Gandhara]] (sites de [[Begram]], [[Hadda]], [[vallée de Swat]]), qui représente des thèmes bouddhistes et indiens, notamment Bouddha, les grands épisodes de sa vie et d'autres figures du bouddhisme et du folklore indiens, suivant les canons de l'art grec{{sfn|Singh|2008|p=376-377 et 461-463}}{{,}}{{sfn|Grandjean|Bouyssou|Chandezon|Hochard|2024|p=646-651}}.
 
== La culture hellénistique ==
 
=== Langues et écritures ===
{{Article détaillé|Koinè (grec)}}
[[Fichier:Cleopatra Isis Louvre E27113.jpg|thumb|[[Cléopâtre VII]] représentée vêtue en [[pharaon]] sur une stèle portant une inscription en [[Grec ancien|grec]] et dédiée par un Grec, adepte du culte d’[[Isis]], {{Date|-51}}, [[musée du Louvre]].]]
 
La période hellénistique voit la diffusion d'une forme de langue grecque surnommée ''koinè'', langage « commun » ou « partagé », reposant sur les dialectes attiques (celui des Athéniens) et ioniens (d'Asie mineure), qui sont apparentés. Elle s'est formée durant la fin de l'époque classique et avec l'expansion hellénistique elle se diffuse dans le monde méditerranéen et au Moyen-Orient, jusque dans la partie occidentale du monde indien. Elle devient également la langue littéraire du monde hellénistique<ref>{{Chapitre|langue=en|auteur=V. Bubenik|titre=The Rise of the ''koinè''|auteurs ouvrage=Anastassios-Fivos Christidis (dir.)|titre ouvrage= A History of Ancient Greek: From the Beginnings to Late Antiquity|éditeur=Cambridge University Press|lieu=Cambridge|année=2007|p=342-345}}.</ref>. Les communautés où la langue grecque est native, dans le monde égéen et les implantations coloniales de la Méditerranée et de la mer Noire, parlent des dialectes propres (comme les dialectes doriens) et n'adoptent que lentement la ''koinè'' comme langue écrite, ce qui reflète des particularismes culturels. Les Macédoniens parlent eux une langue dont le statut est débattu, certains y voyant un dialecte grec, d'autres une langue apparentée au grec. Dans les régions d'expansion grecque de l'Anatolie, de la partie orientale de la Méditerranée et du Moyen-Orient, la ''koinè'' est la langue écrite de l'administration des royaumes gréco-macédoniens et hellénisés, des cités grecques, et aussi des élites indigènes qui s'hellénisent ou du moins souhaitent communiquer avec les nouveaux détenteurs du pouvoir<ref>{{Chapitre|langue=en|auteur=A. Missiou|titre=The Hellenistic period|auteurs ouvrage=Anastassios-Fivos Christidis (dir.)|titre ouvrage= A History of Ancient Greek: From the Beginnings to Late Antiquity|éditeur=Cambridge University Press|lieu=Cambridge|année=2007|p=325-341}}.</ref>.
La question des rapports entre les [[Grèce antique|Gréco]]-[[Royaume de Macédoine|Macédoniens]] d’un côté et peuples non grecs ne se pose pas en Grèce ou dans le royaume de Macédoine, alors dominé par les [[Antigonides]]. Mais en Asie, dans les territoires [[séleucides]] et en [[Royaume lagide|Égypte lagide]], la grande masse des habitants est constituée de paysans indigènes. Ces paysans dans l’ensemble sont libres mais sous la coupe des administrations royales, en particulier fiscales. En cela, les royaumes hellénistiques ne diffèrent guère des empires qui les ont précédés dans le [[Proche-Orient]] ancien, sauf sur un point : les dynasties régnantes sont désormais allogènes par leur origine, leur mode de vie et surtout leur langue.
 
Dans les régions conquises par les grecs, le bilinguisme est de mise, voire un plurilinguisme dans les lieux les plus multiculturels. La diffusion du grec ne supplante pas les différentes langues parlées auparavant, même si par endroit il devient clairement prépondérant dans la documentation écrite. Le Moyen-Orient est dominé par les langues araméennes, d'autant plus que cette langue, sous sa variante dite d'« empire », était la langue administrative des Achéménides. Les Phéniciens ont leur propre alphabet, utilisé conjointement au grec, même s'il tend à perdre du terrain. La documentation babylonienne est trompeuse : si les textes cunéiformes sont les plus répandus, c'est parce qu'ils sont écrits sur des tablettes d'argiles qui survivent bien aux injures du temps, alors qu'en réalité la pratique de cette écriture est confinée au milieu clérical et très peu diffusée dans la population, qui écrit en alphabet araméen, mais sur des supports périssables (peaux et papyrus) qui ont disparu. En Égypte le bilinguisme grec-égyptien est de mise, la spécificité étant le fait que la langue locale s'écrit sous plusieurs formes : le hiéroglyphe et le hiératique employés pour les inscriptions par les clercs, l'usage du second se raréfiant, et le démotique employé pour les textes quotidiens sur papyrus, donc plus courant. En Anatolie la situation est plus complexe, car cette région est une mosaïque linguistique, où les langues non grecques (carien, phrygien, lycien, etc.) sont peu écrites donc mal documentées. Étant donné que plusieurs d'entre elles sont attestées à l'époque romaine, il faut supposer qu'elles sont restées vivaces durant l'époque hellénistique, malgré l'essor incontestable du grec parlé et surtout écrit{{sfn|Clancier|Coloru|Gorre|2017|p=192-205}}{{,}}{{sfn|id=DAN|Dana et al.|2022|p=473-475}}.
Ainsi les dirigeants grecs se refusent à apprendre les langues locales et imposent la [[Grec ancien|langue grecque]] comme outil de communication dans les domaines fiscaux, administratifs, militaires et politiques. [[Cléopâtre VII]], qui parle de nombreuses langues, est semble-t-il une exception chez les [[Dynastie lagide|Lagides]]. Plus révélateur du processus d’hellénisation est l’usage précoce chez les élites égyptiennes, d’[[Anatolie]] et [[Juif|juives]] du grec : la ''[[koinè(grec)|koinè]]'', la langue grecque commune. Ce phénomène avait d’ailleurs débuté dès le {{-s-|IV}} en Anatolie avant même la conquête d’[[Alexandre le Grand]]. Dans les royaumes périphériques au monde hellénistique ([[Cappadoce]], [[royaume du Pont|Pont]], [[Commagène]], [[Parthie]]), les souverains cherchent fréquemment à prouver leur philhellénisme et communiquent, au moins avec leurs sujets hellénisés, en grec. Certaines langues anatoliennes disparaissent, du moins dans les documents écrits. Ainsi le grec devient progressivement la langue de communication politique, administrative, diplomatique et culturelle, mais en concurrence avec l'[[araméen]]<ref>Paul Petit, ''La Civilisation hellénistique'', PUF, collection Que sais-je?, 1981, {{p.|21}}.</ref>.
 
<gallery mode="packed">
[[Fichier:BuddhaHead.JPG|vignette|Représentation d'un [[Bouddha]], exemple de l'[[art gréco-bouddhique]] du [[Gandhara]], {{-s mini-|II}}-{{-s-|I}}, [[Musée national des arts asiatiques - Guimet|musée Guimet]].]]
Adad-nadin-ahhe brique AO29762.jpg|Brique estampée au nom d'Adad-nadin-ahhe, potentat régnant sur une partie de la Babylonie au {{-s|II}}, inscrit en alphabet araméen et en grec. [[Girsu|Tello]] ([[Irak]]), [[Musée du Louvre]].
Altar Atrosokes MNAT M7010 n03.jpg|Inscription de la base de la statue offerte à l'Oxus par Atrosokès. [[Takht-I-Sangin]] ([[Tadjikistan]]), {{-s|II}} Musée national du Tadjikistan.
</gallery>
 
=== L'éducation grecque ===
Il arrive même à se maintenir pendant un certain temps là où la domination politique du monde hellénistique n’est plus qu'un souvenir. Ainsi en est-il du nord-ouest de l’[[Inde]] ou de l’[[Asie centrale]]. Sur le site d’[[Aï Khanoum]] sur l’''Oxus'' ([[Amou Daria]]) en [[Bactriane]], on a retrouvé les restes d’une trésorerie royale, d’archives rédigées en grec. Autre exemple révélateur à [[Alexandrie d’Arachosie]] où vit une population fortement cosmopolite et qui tombe à la fin du {{-s|IV|e}} sous la domination de la dynastie des [[Empire Maurya|Mauryas]], premiers unificateurs de l’Inde. Le plus célèbre des souverains de cette dynastie, [[Açoka]], fait graver ses édits dans l’ensemble de son empire. Plusieurs de ceux-ci sont retrouvés à Alexandrie d’Arachosie en [[araméen]] mais surtout en grec, dont l’un où l’empereur expose ses principes [[Bouddhisme|bouddhiques]]<ref>M. Clair, ''Comptes rendus des séances de l’Académie des inscriptions et Belles Lettres'', 1964, {{p.|140-141}}.</ref>.
{{Article détaillé|Éducation dans l'Antiquité}}
 
Sur les bases de l'[[époque classique]] (surtout athéniennes), le système scolaire se développe dans les cités hellénistiques. Diverses inscriptions sur le financement d'institutions éducatives ainsi que des traités d'éducation et des papyrus contenant des exercices scolaires documentent ces activités. L'éducation concerne surtout le garçons des familles de citoyens, amenés à devenir citoyens à leur tour, et beaucoup moins les filles. La formation de base dispensée aux enfants et adolescents, ''[[paideia]]'', combine exercices physiques, enseignements artistiques (musique), mathématiques, astronomiques et littéraires, reposant sur les ouvrages les plus renommés. La base est l'apprentissage de la lecture et de l'écriture du grec, reposant sur un corpus de textes vus comme des classiques (notamment [[Homère]]), avec l'emploi d'anthologies compilant les passages d’œuvres jugées essentielles. Cela contribue à forger et diffuser une culture grecque de référence, elle aussi nommée ''paideia'', vue comme indispensable pour qui prétend à l'hellénité. Une partie de l'enseignement se fait dans un cadre privé, avec un financement familial, mais des écoles publiques se développent aussi grâce à des dons d'évergètes. Le gymnase, qui sert pour l'éducation physique, est en particulier une institution qui prend de l'importance, parce qu'elle est vue comme un élément caractéristique de l'hellénité (voir ci-dessous). Il n'est plus seulement cantonné aux activités physiques, mais tend à concentrer d'autres activités éducatives. L'éphébie, institution d'origine athénienne servant principalement à l'entraînement physique et militaire des jeunes adultes (18-20 ans, souvent moins), se répand dans d'autres cités, et se dote aussi d'une formation intellectuelle par endroits, afin de former à la rhétorique, la poésie ou la philosophie. Les magistrats chargés de superviser l'éducation des futurs citoyens (pédonomes et gymnasiarques) sélectionnent les enseignants : [[grammatiste]]s pour le niveau élémentaire, [[grammaticus|grammairiens]] pour le niveau secondaire, [[rhéteur]]s et [[sophistes]] pour le niveau suivant. Les professeurs les plus réputés bénéficient d'honneurs publics. Une forme d'éducation supérieure est également développée pour les élites, autour de centres intellectuels spécialisés tels qu'Athènes et Rhodes pour la philosophie, Cos pour la médecine, Alexandrie pour un peu tout<ref>{{en}} F. A. G. Beck et R. Thomas, « Education », dans {{harvsp|id=OCD|OCD|2012|p=488-489}}.</ref>{{,}}{{sfn|Chaniotis|2018|p=329-333}}. Le niveau d'éducation de la population masculine a donc pu être relativement élevé au regard des standards antiques, au moins dans certaines cités disposant d'un réseau éducatifs dense et bien financé comme Rhodes. Selon les estimations hautes, un maximum de 20 à 30 % de la population de certaines des cités hellénistiques pourrait avoir été alphabétisée<ref>{{en}} R. Thomas, « Literacy », dans {{harvsp|id=OCD|OCD|2012|p=843-844}}.</ref>.
Si l’adaptation des [[édits d'Ashoka]] s'adresse aux Grecs qui vivent dans son royaume, d’autres textes traduits en grec sont destinés à des non-Grecs. Ainsi en est-il de la [[Torah]], connue aussi sous le vocable de « [[Septante|Bible des Septante]] » car attribuée à 70 traducteurs, qui est traduite de l’[[hébreu]] en grec vers le {{-s-|III|e}}, initiative attribuée à [[Ptolémée II]]<ref>[[Maurice Sartre]], ''D’Alexandre à Zénobie. Histoire du Levant antique'', Fayard, 2001. {{refnec}}.</ref>, qui souhaitait que les tribunaux possèdent un code en grec pour rendre la justice aux [[Juifs]] de ses États selon leur Loi. Le fait que la Torah soit lue en grec dans les [[synagogue]]s est un excellent indice de la pénétration de cette langue chez les Juifs de la [[diaspora]].
 
=== Arts ===
À l’[[époque classique]], la langue grecque était divisée en de nombreux dialectes souvent constitutifs de l’identité d’une région ([[Béotien (dialecte)|béotien]], [[ionien (dialecte)|ionien]], [[Dialectes du grec ancien|arcadien]], etc.) mais lors de la période hellénistique, celle qui s'est imposée de la Méditerranée à l’[[Indus]] est la ''koinè'' issue de l’[[ionien-attique]]. Les anciens dialectes perdurent cependant en Grèce, y compris sur les documents officiels mais partout ailleurs s'impose la ''koinè''. C’est dans cette langue que sont rédigées les œuvres des auteurs, d’origine grecque ou non, de la période hellénistique. Le grec dit « classique » est en fait une création de l’époque hellénistique fondée sur l’héritage [[Athènes antique|athénien]] de l’époque classique.
{{Article détaillé|Art hellénistique|Sculpture hellénistique|Peinture de la Grèce antique#La peinture hellénistique. IVe – Ier siècle}}
 
L'art de la période hellénistique reflète plusieurs des tendances de la période. Il s'ancre d'abord dans l'art de l'époque classique ([[Phidias]], [[Praxitèle]], [[Scopas]], etc.), qui est érigé en modèle. La mise en place des monarchies s'accompagne de l'essor de l'art royal, dès le règne d'Alexandre le Grand qui emploie des artistes tels que [[Lysippe]] et [[Apelle]] qui réalisent ses portraits. Les rois et reines hellénistiques font diffuser leur image sur des statues, des monnaies, aussi des vases peints en Égypte. La recherche de réalisme et d'individualisme est poussée plus en avant, avec l'idéal de la ''[[mimesis]]'' qui cherche à imiter au mieux ce qui est représenté. Cette personnalisation de l'art se retrouve dans la réalisation de portraits de personnages mémorables tels que des poètes, des philosophes ou des orateurs du passé (par exemple Homère), et aussi d'archétypes tels que la vieille femme ou le vieux pêcheur. À la différence des époques antérieures, cet art n'est plus réservé aux sanctuaires ou aux espaces publics mais il se diffuse aussi dans les espaces privés. Les rois et les riches personnages décorent leurs résidences avec des statues, des mosaïques, des peintures murales. On distingue également différentes tendances dans l'art, qu'il s'agisse du « baroque » représenté par la sculpture de Pergame, mettant notamment en avant la représentation de la douleur, du ''pathos'' et plus généralement des émotions et le tragique, tandis que d'autres se tournent vers le passé en s'inspirant soit des modèles archaïques (style « archaïsant ») ou athéniens classiques (style « néo-attique »). Les conquêtes romaines sont marquées par le fort intérêt des conquérants pour l'art grec : ils emportent en butin de nombreuses œuvres, parmi lesquelles se trouvent plusieurs pièces majeures de l'art classique, ou bien en font réaliser des copies, et emmènent des artistes grecs en Italie pour les mettre à leur service<ref>Philippe Jockey, « Art hellénistique », dans {{harvsp|id=Leclant|Leclant|2005|p=238-240}}.</ref>{{,}}{{sfn|Grandjean|Bouyssou|Chandezon|Hochard|2024|p=338-348}}.
==== La mixité des cultures ====
[[Fichier:Serapis Pio-Clementino Inv689 n2.jpg|vignette|[[Sarapis]] coiffé du ''modius''. Copie du buste de [[Bryaxis (sculpteur)|Bryaxis]] pour le Sérapéion d’[[Alexandrie]]. [[Musée Pio-Clementino]].]]
{{section à sourcer|date=mai 2020}}
 
La [[sculpture hellénistique]] repose en bonne partie sur la [[Sculpture grecque classique#Second classicisme (370-338)|tradition classique finissante]]. Les sculpteurs sont employés par les royaumes et les cités, et peuvent exercer leurs talents dans une grande diversité de situations, comme l'illustrent les œuvres les plus connues de la période. À [[Alexandrie]] les portraits royaux dégagent une impression de sérénité supra-humaine, alors que les stèles funéraires sont de type attique ; à [[Pergame]] se développe un art réaliste, autour d'[[Épigonos de Pergame|Épigone]] qui réalise des œuvres célébrant les exploits guerriers du royaume. La [[Victoire de Samothrace]] (v. 190 av. J.-C.) a un style baroque et témoigne d'une volonté de mise en scène dramatique. Le [[Faune Barberini]] (v. 230-200) témoigne du développement d'une statuaire plus fantaisiste, prisée par les élites dans un cadre privé. La [[Vénus de Milo]] (v. 100 av. J.-C.) est de style néoclassique, renvoyant aux modèles de [[Praxitèle]]. Durant la basse époque hellénistique est aussi réalisé le [[grand autel de Pergame]], dont les frises aux accents baroques représentent une [[gigantomachie]] et la fondation mythique de la cité. La sculpture privée est attestée dans les riches demeures de [[Délos]]<ref>{{en}} A. Stewart, « Sculpture, Greek », dans {{harvsp|id=OCD|OCD|2012|p=1333-1334}}.</ref>{{,}}{{sfn|Morris|Powell|2014|p=506-510}}.
Si la [[Koinè (grec)|langue grecque]] en Asie et en Égypte s'impose, les Grecs ont été perméables à certains aspects des cultures souvent multiséculaires des pays qu'ils ont gouverné{{Sfn|Fröhlich|2004|p=9-14}}.
 
<gallery widths="180" heights="180" mode="nolines">
Les influences orientales n’ont été profondes que dans le domaine religieux{{sfn|Édouard Will, Mossé et Goukowsky 1975|p=568|id=WILL}}. Nous en avons une preuve relative à l’[[Égypte antique|Égypte]], dont la civilisation est prestigieuse même aux yeux des Grecs. Les cultes égyptiens se répandent autour du bassin méditerranéen lors de cette période. Le culte d’[[Isis]] au {{-s|I|er}} est attesté en [[Phénicie]], en [[Anatolie|Asie Mineure]], en [[Grèce antique|Grèce]], en [[Cyrénaïque antique|Cyrénaïque]] et en [[Sicile]] ainsi qu'à [[Rome antique|Rome]]. En [[70|70 ap. J.-C.]], il atteint la [[Gaule]] et la [[Bétique]]<ref>[[Laurent Bricault]], ''Atlas de la diffusion des cultes isiaques. Mémoires de l’Académie des Belles Lettres'', De Boccard, 2001.</ref>. Cette diffusion de [[culte oriental|cultes orientaux]], du moins le plus souvent d’adaptations grecques de divinités orientales ([[Sarapis]] par exemple qui est le dieu [[Osiris|Oser]]-[[Apis|Api]] des Égyptiens), s'effectue par des Grecs originaires d’Égypte ou des Égyptiens installés autour du bassin méditerranéen.
Ptolemaic Egyptian queen head, possibly Arsinoe III - Altes Museum - Berlin - Germany 2017.jpg|Statue d'une reine lagide ({{noble|Arsinoé III}} ?). [[Altes Museum]] de Berlin.
Портрет Менандра А 850.jpg|Buste du poète comique [[Ménandre]]. Copie romaine d'un original grec du {{-s|IV}} [[Musée de l'Ermitage]].
Barberini Faun, Glyptothek Munich.jpg|[[Faune Barberini]]. Copie d'après un original vers 200. [[Glyptothèque de Munich]].
Victoire de Samothrace - Musee du Louvre - 20190812.jpg|[[Victoire de Samothrace]]. Vers 200 / 175 ? [[Musée du Louvre]].
Venus de Milo, 25 November 2011 02.jpg|[[Vénus de Milo]]. Fin du {{s-|II}}. [[Musée du Louvre]].
NAMA Jockey Artémision.jpg| Statue de bronze d'un cheval et de son jeune jockey, épave du [[Cap Artémision]], v. 150 av. J.-C. [[Musée national archéologique d'Athènes]].
Laocoon and His Sons.jpg|[[Groupe du Laocoon]]. Atelier rhodien à Rome, vers 40 AEC. [[Musée Pio-Clementino]].
Pergamonmuseum - Antikensammlung - Pergamonaltar 13.jpg|Haut-relief du [[grand autel de Pergame]] : [[Athéna]] et [[Nikè]] contre [[Alcyon (mythologie)|Alcyon]]. [[Pergamon Museum]].
HeraklesStatuette.jpg|Statuette d'[[Héraclès]] en bronze, provenant du temple principal d'[[Aï Khanoum]] (Afghanistan), {{-s|II|e}}
Baebia, romaine de Magnésie du Méandre. Musée Archéologie. Istanbul.jpg|Statue honorifique d'une femme du {{-s|II}}, remployée pour une femme romaine nommée Baebia au siècle suivant. [[Magnésie du Méandre]]. [[Musée archéologique d'Istanbul]].
</gallery>
 
Les arts hellénistiques sont également marqués par des réalisations de petits objets décoratifs et de bijoux en or, notamment des diadèmes et des ornements pour cheveux, également des bracelets allant par paire comme cela se faisait en Perse. Il est courant que les artistes réalisent des pièces assorties. Leurs réalisations sont parfois agrémentées d'incrustations en pierre dures. Bien que certains de ces objets aient été retrouvés dans des tombes, il semble que l'habitude ait plutôt été de les transmettre à la génération suivante, faisant des plus beaux bijoux des éléments du patrimoine familial<ref>{{Lien web|langue=en|url=https://www.metmuseum.org/toah/hd/hjew/hd_hjew.htm|auteur= Colette Hemingway et Seán Hemingway|titre=Hellenistic Jewelry|site=The Metropolitan Museum of Art, Heilbrunn Timeline of Art History|année=2007|consulté le=19 juillet 2024}}.</ref>.
Il ne semble pas, par contre, que les Égyptiens aient été sensibles à l’attrait du mode de vie des Hellènes. Certes, les élites égyptiennes, principalement sacerdotales, outre l’apprentissage de la langue, prennent le plus souvent un nom grec et s'imprègnent des pratiques grecques de gouvernement. Elles participent parfois aux cultes grecs, à celui des souverains tout du moins. Mais la masse de la population reste hermétique à la [[Religion hellénistique|religion]] et à la culture hellénique. Les [[Lagides]] respectent les privilèges des temples et les cultes autochtones et deviennent ainsi, aux yeux de leurs sujets, des souverains ayant adopté le modèle [[pharaon]]ique de la monarchie. En fait, il semble que nombre de Grecs vivant en Égypte adoptent certains cultes égyptiens, certaines pratiques funéraires. Les mariages mixtes ne sont pas un phénomène exceptionnel (sauf dans la dynastie royale) et nombre de personnes portent un double nom, égyptien et grec. Citons par exemple, un officier d’[[Edfou]], au {{-s|II|e}}, connu sous le nom d’''Apollonios'' dans les textes grecs et sous celui de ''Pashou'' sur les stèles [[Écriture hiéroglyphique égyptienne|hiéroglyphiques]]{{Sfn|Fröhlich|2004|p=9-14}}. Dans un pays où l’identité ethnique est complexe à établir, et se trouve souvent déterminée par la langue, la double culture est assez répandue, en tout cas à l’intérieur des classes dirigeantes. Les tribunaux de droit égyptien et de droit grec cohabitent, l’appel à l’un ou l’autre ne se faisant qu'en fonction de la langue du contrat litigieux (commercial, matrimonial, etc.). De façon globale, l’identité résulte surtout de la façon dont un individu se comporte, de ses pratiques religieuses, politiques, culturelles et de la manière dont il est perçu : est Grec celui qui est considéré ainsi par les Grecs. Les [[Juifs]] d’Égypte, qui parlent le grec, sont assimilés aux Hellènes.
 
<gallery widths="180" heights="180" mode="nolines">
En ce qui concerne la [[Phénicie]], la [[Syrie (région)|Syrie]], la [[Mésopotamie]] et l’[[Asie centrale]], nos connaissances sont plus sommaires. Si un certain nombre de langues indigènes disparaissent, en tout cas des textes écrits, l’[[araméen]] reste très vivace. De plus, les [[Séleucides]] dans l’ensemble respectent les religions locales (si l’on excepte l’épisode entre [[Antiochos IV]] et les Juifs de [[Judée]] qui aboutit à la [[révolte des Maccabées]]) et les concepts politiques autochtones (de la monarchie en Mésopotamie par exemple). Il est probable, comme le montre l’exemple d’[[Aï Khanoum]] en [[Bactriane]], que les villes témoignent d’une culture mixte et que coexistent des éléments grecs et orientaux, notamment dans les domaines religieux et architecturaux. En [[Judée]], nous savons les tensions que provoquent l’hellénisation d’une partie de la population et la réaction engendrée au {{-s-|II}} sous les [[Hasmonéens]].
Ptolemaic diadem - Getty Museum (92.AM.8.2).jpg|Diadème en or. Égypte ptolémaïque, {{-sp|III|-|II}} [[Getty Museum]].
Hellenistic Gold Hairnet, 3rd-2nd Cent. BC (28193137510).jpg|Filet à cheveux en or avec un buste d'[[Artémis]]. {{-s|III}} [[Musée national archéologique d'Athènes]].
Hellenistic Gold Bracelets, 3rd-2nd Cent. BC (28476331485).jpg|Paire de bracelets en or avec extrémités en forme de dragon des mers. {{-sp|III|-|II}} [[Musée national archéologique d'Athènes]].
Gold, garnet, and agate necklace and earrings MET DT9148.jpg|Collier et boucles d'oreilles assorties, en or et cabochons de grenat. {{-s|I|er}} [[Metropolitan Museum]].
</gallery>
 
Une des formes d'art qui se développe durant la période est celle de la gravure de [[camée]]s sur des pierres dures (notamment de l'onyx) jouant sur le contraste entre celles-ci. Ces objets proviennent en particulier de l’Égypte ptolémaïque, où ils servent notamment à diffuser l'imagerie royale. D'autres représentent des divinités et servent à la dévotion personnelle. Ce type d'objet d'art connaît une grande popularité dans le monde romain de l'époque impériale<ref>{{en}} Michael Vickers, « Cameos », dans {{harvsp|id=OCD|OCD|2012|p=272}}.</ref>.
[[Fichier:Harpocratic Eros Louvre Myr805.jpg|vignette|[[Éros]] représenté à la façon d’[[Harpocrate]], [[figurines en terre cuite grecques|figurine en terre cuite]] de [[Myrina (Mysie)|Myrina]], début du {{-s-|I}}, [[musée du Louvre]].]]
 
<gallery widths="180" heights="180" mode="nolines">
C’est en Syrie et en Phénicie que l’hellénisation est la plus forte ainsi qu'en [[Anatolie|Asie Mineure]]. Le mode de vie à la grecque se répand de façon très large avec le développement des cités. La vieille rivalité commerciale entre Grecs et Phéniciens n’a pas disparu mais l’hégémonisme politique et culturel hellène est tel que certains Phéniciens envoient leurs enfants comme [[éphèbe]]s à [[Athènes antique|Athènes]], participent à des concours en Grèce même. Cela signifie qu'ils sont donc considérés comme Grecs. De nombreux Phéniciens de culture grecque, ou Grecs installés à Sidon, n’hésitent pas à rappeler les parentés mythiques entre [[Sidon]], [[Argos (ville)|Argos]] et [[Thèbes (Grèce)|Thèbes]]. En Syrie, la construction de la grande métropole des [[Séleucides]], [[Antioche]], renforce considérablement l’hellénisation de cette région, laquelle reste le dernier bastion de la dynastie aux débuts {{-s-|I|er}}
Cammeo gonzaga con doppio ritratto di tolomeo II e arsinoe II, III sec. ac. (alessandria), da hermitage.jpg|[[Camée des Gonzague]], en onyx, représentant [[Ptolémée II Philadelphe]] et [[Arsinoé II]]. {{-s|III}} [[Musée de l'Ermitage]].
Tazza Farnese.jpg|[[Tasse Farnèse]], camée en onyx de l’Égypte lagide. {{-s|II}} [[Musée archéologique national de Naples]].
CdM, tolomeo II come Alessandro magno, 310-320 a.c circa.JPG|Camée représentant Ptolémée II en Alexandre le Grand. {{-s|III}}, monture ajoutée au {{s|XVII}}. [[Cabinet des médailles]].
</gallery>
 
Les arts de la [[Peinture de la Grèce antique#La peinture hellénistique. ive – ier siècle|peinture et de la mosaïque hellénistique]] connaissent aussi un important développement, surtout connu par des copies d'époque romaine, notamment à [[Pompéi]] et [[Herculanum]], y compris sur mosaïque puisqu'il est estimé que la fameuse « [[mosaïque d'Alexandre]] » de Pompéi est une copie d'une peinture hellénistique renommée. Au début de la période, l'école de [[Sicyone]] s'illustre dans les portraits individuels et l'expression des sentiments (la peinture devant rapporter les traits physiques et moraux du sujet), notamment avec [[Apelle]] de Cos qui travaille pour Alexandre. Les peintures de [[Vergina]], réalisées vers la même époque, représentent des thèmes mythologiques ([[rapt de Perséphone]] par [[Hadès]]) et de chasse. Par la suite la peinture murale est employée dans un cadre privé, représentant des thèmes floraux et naturalistes (bucoliques), des scènes de genre, des représentations architecturales, parfois des thèmes grotesques ou érotiques. Les jeux d'ombre et de lumière font l'objet de nombreuses recherches, et d'une manière générale les compositions sont de plus en plus complexes<ref>Maurice Sartre, « Peinture grecque », dans {{harvsp|id=DMGA|Sartre|Sartre-Fauriat|Brun|2009|p=370-372}}.</ref>{{,}}<ref>{{en}} Karim Arafat, « Painting, Greek », dans {{harvsp|id=OCD|OCD|2012|p=1062-1063}}.</ref>. Les Romains font venir des peintres grecs en Italie, comme [[Métrodore d'Athènes]] ou encore [[Iaia]] de [[Cyzique]], une des rares femmes peintres dont le nom soit connu) pour satisfaire leur demande<ref>{{en}} Roger Ling, « Painting, Roman », dans {{harvsp|id=OCD|OCD|2012|p=1063}}.</ref>.{{sfn|Morris|Powell|2014|p=511-514}}.
En [[Anatolie]], le développement du nombre de cités, né en [[Carie (Antiquité)|Carie]] et en [[Lycie]] au {{-s-|IV|e}}, touche toute la partie occidentale et méridionale sans réellement atteindre l’intérieur de la péninsule [[Anatolie]]nne. Des populations non-grecques demandent, souvent spontanément, à des souverains l’autorisation de vivre en cité. Cela suppose, avec la maîtrise de la langue, une habitude des mœurs politiques et de l’éducation grecque (d’où l’édification de nombreux [[gymnase (Grèce antique)|gymnases]]). Cependant, si les cités d’Anatolie se couvrent de [[Temple grec|temples]], d’[[agora]]s et de théâtres, il ne faut pas croire à la disparition des traditions et cultes indigènes. C’est d’ailleurs la même chose en Phénicie. Ainsi nous connaissons le cas d’un habitant de Sidon, appelé Diotimos (fils de Dionysos), vainqueur en Grèce des concours d’Argos, et portant le titre de « juge », c’est-à-dire ''sophet'' dans la [[phénicien|langue phénicienne]]{{Sfn|Fröhlich|2004|p=9-14}}. Derrière le vernis grec subsistent des fonctions, des usages locaux.
 
L'art de la mosaïque connaît un essor important. Les mosaïques des sols des maisons riches de [[Pella (cité antique)|Pella]], dans la seconde moitié du {{-s|IV|e}}, témoignent du développement de cet art, avec une extension du répertoire chromatique et iconographique, aboutissant à la réalisation de scènes de grande qualité, s'inspirant sans doute des peintures. La période est marquée par le développement des mosaïques en tesselles, petites pièces de marbre ou autre pierre, peut-être originaire de Sicile, où elle est attestée en premier. Cela conduit à un perfectionnement de l'art de la mosaïque, qui rivalise avec la peinture par l'inventivité de ses compositions, constituées d'un panneau central encadré par des motifs végétaux ou géométriques. Il s'en trouve sur les sols des maisons riches, et également des bâtiments publics, notamment à [[Alexandrie]], [[Pergame]], [[Rhodes]] et [[Délos]]<ref>Adeline Grand-Clément, « Mosaïque », dans {{harvsp|id=DMGA|Sartre|Sartre-Fauriat|Brun|2009|p=333-335}}.</ref>{{,}}<ref>{{en}} Katherine M. D. Dunbabin, « Mosaics », dans {{harvsp|id=OCD|OCD|2012|p=969}}.</ref>.
Il est en fait difficile de généraliser sur la réalité et la profondeur de l’hellénisation et des échanges culturels. Les situations sont variées selon les royaumes, les provinces et même selon les individus. Très souvent, de fortes poches hellénisées (surtout des villes) côtoient des zones où le phénomène reste superficiel. La grande diversité dans les sources disponibles, et leur hétérogénéité, oblige à beaucoup de prudence lorsqu'on parle d’hellénisation mais aussi d’[[acculturation]] des peuples dominés par la civilisation gréco-macédonienne. Il n’en demeure pas moins que la culture dominante est la culture grecque et que cet aspect va durer bien au-delà de la conquête romaine.
 
<gallery widths="180" heights="180" mode="nolines">
=== Circulation des idées et des hommes ===
Deer hunt mosaic from Pella.jpg|Mosaïque représentant une chasse au daim, [[Pella (cité antique)|Pella]], fin du {{-s|IV|e}}
{{section à sourcer|date=mai 2020}}
Mosaic of Medusa from Kos, installed in the Palace of the Grand Master of the Knights of Rhodes.jpg|Mosaïque représentant la Méduse, [[Palais des grands maîtres]] de [[Rhodes]], {{-s|II|e}}
Mosaic depicting a sitting dog, Ptolemaic Period, 2nd century BC, Bibliotheca Alexandrina Antiquities Museum - Flickr - Following Hadrian.jpg|Mosaïque du chien assis, Égypte lagide, {{-s|II|e}} [[Bibliotheca Alexandrina]].
Delos Museum Mosaik Haus der Masken 01.jpg|Mosaïque d'une panthère, [[Délos]], v. 100 av. J.-C. Musée archéologique de Délos.
</gallery>
 
[[Image:The Alexander Mosaic depicting the Battle of Issus between Alexander the Great & Darius III of Persia, from the House of the Faun in Pompeii, Naples Archaeological Museum (15045481312).jpg|vignette|center|600px|<center>[[Mosaïque d'Alexandre]], [[Pompéi]]. Copie d'une peinture hellénistique.<br />[[Musée archéologique national de Naples]].</center>]]
La période hellénistique correspond à un accroissement des échanges humains et commerciaux sur une échelle sans doute inégalée dans cette région du monde. Cela concerne d’abord les soldats qui se déplacent sur des milliers de kilomètres. Cette époque correspond aussi à un fort développement du [[Mercenaire|mercenariat]]. Ainsi les habitants de [[Sagalassos]], en [[Pisidie]], fournissent pendant longtemps des mercenaires réputés, surtout aux [[Royaume lagide|Lagides]]. Les artistes aussi se déplacent sur de longues distances, tout comme les philosophes (par exemple [[Cléarque de Soles]], un élève d’[[Aristote]]), dont la présence est attestée à [[Aï Khanoum]], voire peut-être jusqu'en [[Inde]]. Les échanges entre cités, déjà réguliers lors de l’[[époque classique]], sont plus nombreux. Les enfants des familles de notables sont fréquemment envoyés dans de grandes cités ([[Athènes antique|Athènes]], [[Delphes]], etc.) pour y poursuivre un enseignement réputé en [[rhétorique]], laquelle est indispensable pour entamer une carrière politique ou diplomatique. Ainsi, le personnage de Moschiôn, citoyen de [[Priène]], représente sa cité aux concours organisés dans les villes situées à proximité puis devient ambassadeur auprès des [[Séleucides]], puis en Égypte et enfin à [[Rome]]. Il semble être allé jusqu'à [[Pétra]] en [[Arabie préislamique|Arabie]]<{{Sfn|Fröhlich|2004|p=9-14}}. Des carrières identiques à celle-ci sont nombreuses et n’ont rien d’exceptionnel. Ces ambassades sont motivées par des considérations politiques bien sûr, mais aussi économiques (obtenir par exemple des exemptions ou des allègements de taxes), religieuses et culturelles (concours).
 
La céramique peinte hellénistique renouvelle son répertoire et parfois avec des couleurs très vives mais fragiles. La [[coroplathie]], la production de figurines moulées en terre cuite, représente un versant plus populaire de la sculpture Le principal centre de production connu est [[Tanagra (cité antique)|Tanagra]] en [[Béotie]], et on désigne souvent ces figurines comme des « [[Tanagra (statuette)|tanagras]] », mais il n'était pas le seul, loin de là, puisque des centres de production importants ont été identifiés en Asie Mineure ([[Myrina (Éolide)|Myrina]], [[Smyrne]], [[Tarse (ville)|Tarse]]). Ces figurines ont avant tout pour but d'être offertes à des divinités ou des défunts, mais elles peuvent avoir une fonction décorative. Elles représentent souvent des jeunes filles, des éphèbes, des enfants, des divinités (Éros, Aphrodite, la Victoire), s'inspirant couramment du style de sculpteurs renommés<ref>Laurence Cavalier, « Terres cuites », dans {{harvsp|id=DMGA|Sartre|Sartre-Fauriat|Brun|2009|p=473-475}}.</ref>.
Ces échanges concernent aussi les médecins, les artistes ou parfois des magistrats. En effet, certaines cités préfèrent confier leurs procès à des citoyens d’autres cités, jugés plus impartiaux et moins soumis aux pressions. Cette habitude a sans doute pu permettre un rapprochement des pratiques juridiques entre les cités. Quels que soient les motifs de la présence d’un Grec dans une cité autre que la sienne, en cas de succès la ville d’accueil honore par un décret cette présence. Ces décrets sont aussi transmis à la cité d’origine par une ambassade, ce qui resserre encore plus les liens. Souvent ces relations diplomatiques sont renforcées par une parenté [[mythologie grecque|mythique]]. Chaque cité prétendant descendre d’un [[culte héroïque grec|héros]] mythologique il est relativement facile, du fait de la complexité de la mythologie grecque et de l’extrême diversité des légendes et des traditions, de trouver des ancêtres communs. Ainsi, quand la modeste cité de Kyténion (en [[Doride (région)|Doride]]) envoie une ambassade à la principale cité de [[Lycie]], [[Xanthe (ville)|Xanthe]], elle prend soin de démontrer une parenté commune ([[Apollon]] serait né à Xanthos et se trouve être l’ancêtre mythique des Kyténiens){{Sfn|Fröhlich|2004|p=9-14}}. Ces pratiques courantes sont prises très au sérieux à une époque où le mythe ne se dégage guère de l’Histoire et où il est primordial de montrer que l’on descend de héros [[Homère|homériques]]. Le geste d’[[Alexandre le Grand]] qui, à peine en [[Asie]], rend hommage à [[Achille]] et [[Patrocle]], est révélateur de cet état d’esprit. Cela démontre l’existence d’une communauté de pratiques et de valeurs. Les divisions politiques du monde hellénistique sont ainsi partiellement contrebalancées par cette circulation des hommes et des pratiques culturelles et sociales.
 
<gallery widths="180" heights="180" mode="nolines">
=== Les échanges économiques ===
Centuripe tomb vase. Met.jpg|Mariée et servantes. Vase funéraire<ref group="Note"> Vase funéraire : notice du Metropolitan Museum [http://www.metmuseum.org/art/collection/search/254778?sortBy=Relevance&ft=Centuripe&offset=0&rpp=20&pos=3].</ref>. [[Centuripe]] {{sp-|III|e|-|II|e}}. H. 39 cm. Décor polychrome peint après cuisson. [[Metropolitan Museum of Art|Met]]
[[Fichier:Octodrachme d’or avec une corne d'abondance.jpg|vignette|[[Drachme antique grecque|Octodrachme]] d'or à l'effigie d'{{monarque|Arsinoé|II}} ''Philadelphe'', sœur et épouse de {{monarque|Ptolémée|II}}.]]
Woman pillar Louvre Myr219.jpg|Jeune femme drapée appuyée contre un pilier, production de [[Tanagra (cité antique)|Tanagra]], fin {{-s|III}} ou début {{-s|II}} [[Musée du Louvre]].
Aphrodite Heyl (2).jpg|[[Aphrodite]], production de [[Myrina (Éolide)|Myrina]] (?), {{-s|II|e}} [[Altes Museum]] de [[Berlin]].
Figurine female and Nike playing ephedrismos - Myrina NAMA.jpg|Personnage féminin et [[Nikè]] jouant de l'[[ephedrismos]]. [[Myrina (Éolide)|Myrina]], {{-s|II|e}} [[Musée national archéologique d'Athènes]].
</gallery>
 
[[Fichier:Statuette Goddess Louvre AO20127.jpg|thumb|upright=0.5|Statuette en [[albâtre]] d'une déesse nue ([[Ishtar]] ?), avec des ornements en bronze doré et rubis, provenant d'un tombeau de [[Babylone]]. {{-sp|III|-|II}} [[Musée du Louvre]].]]
Dans le domaine économique, la période hellénistique se distingue par une forte extension de l’utilisation de la [[monnaie]], essentiellement de la monnaie d’[[Argent (métal)|argent]] pour les échanges importants<ref name="WILL549">{{harvsp|id=WILL|Will, Mossé, Goukowski|1975|p=549}}.</ref> et de [[bronze]] pour les achats quotidiens de faible valeur à l'échelle locale<ref>[[Pierre Cabanes]], ''Le Monde hellénistique'', Seuil, 1995, p.89.</ref>. La plupart des [[diadoque]]s, en effet, reprennent la monnaie d’argent mise en place par [[Alexandre le Grand|Alexandre]] (une monnaie d’argent reprenant le poids des monnaies athéniennes) et en font l’étalon monétaire du monde hellénistique. Ainsi, chaque souverain frappe sa monnaie mais elles possèdent toutes un poids identique et circulent assez aisément d’un territoire à l’autre sans qu'il y ait la contrainte d’un change. Cette ouverture facilite les échanges économiques entre les États. Cependant, cet indéniable développement de l'étalon attique et le processus d'unification monétaire qu'il permet doit être relativisé. Ainsi, la puissante cité commerciale qu'est [[Rhodes]] conserve son propre étalon (étalon « chiote »)<ref name="WILL549" />. Les [[Lagides]] et les [[Attalides]] au {{-s|II|e}} exigent pour leur part sur leur territoire l’usage exclusif de leur monnaie. Le change leur permet de faire d’importants bénéfices car leur monnaie est échangée à égalité (une pièce d’argent contre une pièce d’argent) alors qu'elle est d’un poids inférieur à l’étalon international de l’époque<ref>{{harvsp|id=WILL|Will, Mossé, Goukowski|1975|p=550}}.</ref>.
 
Les rencontres entre l'art grec et ceux des pays non grecs soumis aux royaumes hellénistiques amènent à divers changements. La situation est d'autant plus complexe que les périodes antérieures ont déjà vu des phénomènes semblables, notamment l'« orientalisme » artistique grec du {{-s|VII}} et des débuts d'influence de l'art grec en Anatolie, en Phénicie et en Perse. Cela fait que ces différentes régions partagent déjà des traits artistiques communs. L'art grec devient en tout cas la référence de la période dans l'espace méditerranéen et en Orient. Les terres cuites grecques servent ainsi de modèle à une production retrouvée en grande quantité en Égypte, diffusant une imagerie grecque dans ce pays, notamment les représentations de divinités grecques ou de divinités égyptiennes sous un aspect hellénisé, comme le dieu [[Harpocrate]] (Horus enfant), dont les représentations se diffusent dans le monde méditerranéen. La sphère culturelle phénicienne, déjà très ouverte aux traditions artistiques extérieures (en particulier celle de l’Égypte), intègre des éléments grecs à son répertoire artistique dès le {{-s|IV}}, quand elle transparaît dans l'art funéraire avec la réalisation de sarcophages à la manière grecque, probablement en partie par des artistes grecs. Mais pour autant l'art grec ne submerge pas les arts locaux, dont des éléments sont conservés, donnant des arts hybrides qui permettent manifestement à leurs commanditaires de continuer à affirmer une identité singulière qui n'est pas grecque{{sfn|id=DAN|Dana et al.|2022|p=479-482}}. La rencontre de l'art grec avec celui de la Babylonie donne de son côté naissance à un art « gréco-babylonien », qui se prolonge durant l'époque parthe. Il est notamment caractérisé par des figurines de femmes nues en albâtre et en marbre avec des incrustations, debout avec des bras mobiles ou allongées, qui suivent le modelé grec mais l'emploient pour représenter un idéal religieux mésopotamien<ref>{{Ouvrage| langue=en| prénom1=Zainab | nom1=Bahrani | titre=Mesopotamia | sous-titre=Ancient Art and Architecture | lieu=Londres| éditeur=Thames & Hudson | année=2017|passage=327-330 }}</ref>.
Le commerce international connaît quelques évolutions importantes. Ainsi, si les produits échangés n’évoluent guère ([[Esclavage en Grèce antique|esclaves]], [[blé]], [[vin]], [[huile]])<ref>{{harvsp|id=WILL|Will, Mossé, Goukowski|1975|p=537}}.</ref>, les distances augmentent considérablement avec la nécessité d’approvisionner les communautés grecques, ou hellénisées, dispersées jusqu'aux portes de l’[[Inde]]. L’[[Égypte antique|Égypte]] ainsi importe du vin de [[Gaza (antique)|Gaza]], [[Chios]], [[Thasos (île)|Thasos]] ou [[Cnide]] avant d’ailleurs de développer sa propre [[viticulture]]. Il faut transporter de l’[[huile d’olive]] jusqu'en [[Asie centrale]], qui n’en produit pas, car elle est indispensable pour le gymnase.
 
=== Urbanisme et architecture ===
Les centres principaux du commerce hellénistique se modifient considérablement<ref>{{harvsp|id=WILL|Will, Mossé, Goukowski|1975|p=538}}.</ref>. [[Alexandrie]] est ainsi un énorme entrepôt pour les productions et l’artisanat égyptien, mais aussi la porte d’entrée pour les autres états du marché égyptien. Elle sert ainsi d’interface entre l’Égypte et le monde méditerranéen. Jusqu'en {{Date|-168}}, [[Rhodes]] est le principal port du commerce [[mer Égée|égéen]] et un important centre de redistribution du blé. Totalement indépendante politiquement, Rhodes n’hésite pas à défendre par les armes la liberté de commerce et de circulation maritime. Elle lutte ainsi contre la [[piraterie]] et, en {{Date|-220}}, déclenche même un conflit avec [[Byzance]]<ref>{{harvsp|id=WILL|Will, Mossé, Goukowski|1975|p=540-542}}.</ref>. C’est pour punir Rhodes de sa neutralité dans son conflit contre la [[Royaume de Macédoine|Macédoine]] que [[Rome antique|Rome]] fait de [[Délos]] un port franc. Délos devient ainsi le principal centre de redistribution du commerce égéen et le principal marché aux esclaves de la région jusqu'à sa destruction par [[Mithridate VI|Mithridate]] en {{Date|-88}} La Grèce continentale, après une brève renaissance dans les années qui suivent la conquête d’Alexandre, connaît une grave crise économique à l’exception du monde égéen. Les divers royaumes hellénistiques fabriquent eux-mêmes leurs produits nécessaires. La Grèce conserve d’importants besoins en céréales, dont les prix ne cessent de grimper après une baisse au début du {{s-|III|e}}, et n’exporte guère que du [[vin]] et de l’[[huile]], dont les prix restent stables, et des produits de luxe qui assurent le maintien de l’artisanat en particulier à Athènes et [[Corinthe]]. Il s'ensuit une paupérisation croissante de la population (les salaires diminuent en Grèce tout au long de la période) accentuée par l’essor de l’esclavage du fait des guerres incessantes. Pour beaucoup d’hommes libres, il est difficile de trouver du travail. La seule solution est alors le [[mercenariat]]<ref>[[Pierre Lévêque (helléniste)|Pierre Lévêque]], ''Le Monde hellénistique'', Armand Colin, coll. « U2 », 1969, p.&nbsp;21-22.</ref>.
 
L'urbanisme des cités grecques hellénistiques repose sur un ensemble de traits mis en place durant les époques archaïque et classique, développés et adaptés pour les nouvelles fondations de la période ou les modifications des centres urbains anciens. Le plan de ces cités a une base orthonormée, le « plan hippodamien » et s'articule autour de divers lieux importants, en premier lieu l'agora et l'acropole. Les cités royales et celles bénéficiant de l'évergétisme royal ont de moyens plus importants qui se traduisent par une monumentalité plus prononcée qu'ailleurs ainsi que des aménagements plus grandioses et ambitieux qu'auparavant{{sfn|Étienne|Müller|Prost|2014|p=251-253}}. Les planificateurs intègrent une réflexion paysagère, et mobilisent différentes techniques, jouant des reliefs et de la verticalité, notamment en érigeant des terrasses comme à Pergame, aussi en employant les arches et les dômes, ainsi que les façades sculptées, les colonnades, les jardins, les fontaines, les places, afin de créer une scénographie qui peut être complexe par endroits<ref>{{Article|langue=en|auteur=Iliopoulou Filio|titre= The “construction” of the Greek landscape in the Hellenistic era|périodique= Projets de paysage|volume= 8 |année= 2012|lire en ligne= http://journals.openedition.org/paysage/15694}}.</ref>.
La réalité de ce commerce international nous échappe, faute de documents, en ce qui concerne le [[golfe Persique]], la [[mer Rouge]] ou l’Asie centrale. De même, il est impossible d’en mesurer l’ampleur réelle et les volumes. Les historiens contemporains ont tendance à minorer le grand commerce international et à insister sur la fragmentation des [[marché (économie)|marchés]] (Délos commerce ainsi essentiellement avec le reste de la mer Égée et relativement peu avec l’Orient méditerranéen) et sur l’importance du commerce régional. En résumé, il est difficile d’appréhender la réalité de ces échanges. Il est plausible d’affirmer qu'ils ont progressé mais que la majeure partie reste cantonnée à une échelle locale. Par contre, les pratiques commerciales identiques (utilisation de la monnaie d’argent, types de contrats commerciaux, etc.) renforcent dans ce monde hellénistique une identité commune<ref>Paul Petit, ''opus cité'', p.21.</ref>.
 
Les cités hellénistiques ont tendance à se doter de murailles puissantes, y compris les plus petites, avec des aménagements complexes répondant au fait que les engins de siège sont plus élaborés, aussi à une volonté d'ostentation, qui se marque en particulier au niveau des portes monumentales. Une autre habitude de la période veut que les espaces publics (agoras, sanctuaires) ont tendance à être fermés avec des portiques. D'une manière générale les dispositifs architecturaux se complexifient. Les matériaux employés sont la brique d'argile, le bois d’œuvre, et la pierre est plus employée que par le passé, alors qu'elle était surtout employée pour les temples. Du point de vue des ordres architecturaux l'éclectisme se développe, le dorique surtout et le ionien restent courants, le chapiteau de type corinthien se répand (il est en particulier prisé dans le domaine séleucide) et des formes nouvelles apparaissent comme le chapiteau à palmes employé à Pergame. Les architectes mettent au point des plans-types pour les édifices majeurs de la vie civique, qui se diffusent dans l'espace hellénistique. Les gymnases sont construits en dur, dotés d'installations sportives en plein air et de bâtiments, pouvant atteindre de très grandes tailles. Les bâtiments qui accueillent du public, les théâtres et stades, ont une structure semblable à celle de l'époque antérieure, disposent de structures en dur, de passages voûtés, en revanche il semble que les hippodromes restent des constructions rudimentaires. Concernant les édifices politiques, la période hellénistique voit la mise au point des bouleuteria (lieux de réunion des conseils des cités) en gradin, comme à Prière et Milet. Dans le domaine sacré, les temples gardent des plans similaires aux phases antérieures, notamment lors qu'ils prennent la suite d'un édifice plus ancien, mais leurs dimensions sont bien plus importantes. Il y a des tentatives originales comme le sanctuaire oraculaire de Claros avec ses des cryptes ou celui de Didymes qui est à ciel ouvert. Ce sont surtout les autels qui font l'objet d'innovations en mêlant architecture et sculpture, l'exemple le plus renommé étant le Grand autel de Pergame. Le gigantisme se retrouve aussi dans les « merveilles du monde » disparues que sont le [[phare d'Alexandrie]] et le [[colosse de Rhodes]]<ref>{{en}} Richard Allan Tomlinson, « Architecture, Greek », dans {{harvsp|id=OCD|OCD|2012|p=142-143}}.</ref>{{,}}{{sfn|Orrieux|Schmitt-Pantel|2013|p=433-434}}{{,}}{{sfn|Étienne|Müller|Prost|2014|p=253-259}}.
=== L’art à l’époque hellénistique ===
{{section à sourcer|date=mai 2020}}
{{Article détaillé|Art hellénistique}}
[[Image:Nike of Samothrake Louvre Ma2369 n4.jpg|vignette|La [[Victoire de Samothrace]], vers 200-185 av. J.-C., [[musée du Louvre]].]]
 
<gallery mode="packed">
Souvent dédaigné par rapport à l’[[époque classique]], l’[[art hellénistique]] est pourtant d’une richesse de mieux en mieux appréhendée de nos jours. La multiplication des royaumes hellénistiques, et du mécénat afférent, permet la diffusion de pratiques et de techniques artistiques dans les domaines de l’architecture, avec souvent des proportions tirant vers le gigantisme, de la [[sculpture grecque antique|sculpture]] ou encore de la peinture murale.
Pergamon Upper Agora west terrace walls from W (1991).jpg|Vestiges des murailles de la terrasse de l'agora de l'acropole de [[Pergame]].
Priene Bouleuterion 2009 04 28.jpg|Le [[bouleutérion]] à gradins de [[Priène]].
Messene 02.jpg|[[Ekklesiasterion]] (lieu de réunion) de [[Messène]].
Agora of the Competaliasts 01.jpg|L'[[agora des Compétaliastes]] de [[Délos]].
Kos-Western Archaeological Site-Gymnasium-11ASD.jpg|[[Gymnase (Grèce antique)|Gymnase]] de [[Kos (Dodécanèse)|Cos]].
Theatre of Cassope 2022.jpg|[[Théâtre]] de [[Cassope]].
View of one of the two arched subterranean sacred rooms, Claros, Ionia, Turkey.jpg|Vue des vestiges d'une des deux cryptes voutées du temple d'[[Apollon]] de [[Claros]].
Didim RB13.jpg|Le grand escalier de la cour du temple d'[[Apollon]] de [[Didymes]].
</gallery>
 
L'émergence de la royauté conduit au développement d'une architecture palatiale grecque, où l'influence orientale n'est pas franchement visible contrairement à ce à quoi on pourrait d'attendre. Elle se développe à partir de la Macédoine, comme le documentent les palais d'Aigai-Vergina et de Pella qui ont fait l'objet de fouilles. Il s'agit de complexes organisés autour de grandes cours à portiques avec des colonnes sur tous leurs côtés ([[péristyle]]s), avec des espaces de réception, de résidence, aussi d'autres aménagements tels que des bains et des palestres. Le palais de Pella du {{-s|III}} pourrait s'être étendu sur {{formatnum:60000}} m². Le palais des rois de Pergame est moins impressionnant, consistant en plusieurs unités ressemblant à des résidences à cour accolées les unes aux autres. Il a livré des restes de peinture et de mosaïques de grande qualité. Celui de la famille des Tobiades à Iraq al-Amir en Jordanie, de dimension également modestes, comprenait un étage servant pour la réception, et avait des façades richement décorées{{sfn|Étienne|Müller|Prost|2014|p=260-267}}. Le palais d'Aï Khanoum du {{-s|II}}, mêlant éléments grecs et orientaux, couvre environ {{unité|87000|m²}}, avec un grande cour à portiques comprenant un porche monumental ouvrant sur l'intérieur de l'édifice, divisé en plusieurs unités comprenant des espaces de réception, d'administration et de résidence, comprenant notamment des salles de bains décorées avec des mosaïques, une bibliothèque et des magasins{{sfn|Étienne|Müller|Prost|2014|p=300}}.
L’innovation artistique n’est désormais plus le fait de la Grèce continentale : c’est ainsi à [[Pergame]] que naît le « baroque hellénistique », caractérisé par la violence des expressions et des mouvements représentés, dont les groupes de Gaulois ou encore le [[Grand Autel de Pergame|Grand Autel]] sont les meilleures illustrations. Des découvertes archéologiques récentes ont mis au jour des chefs-d'œuvre de peinture murale ou de toreutique à Vergina (ancienne [[Aigéai]]) en [[royaume de Macédoine|Macédoine]], ou encore à Panagyurichté, en [[Bulgarie]].
 
<gallery mode=packed>
La période est également marquée par la disparition de la peinture sur vase et par l’essor des arts dits « mineurs » : [[Métallurgie|travail des métaux]], de l’[[ivoire]] ou encore du [[verre]], [[mosaïque (art)|mosaïque]], etc. La [[figurines en terre cuite grecques|figurine en terre cuite]] s'émancipe du cadre [[Religion grecque antique|religieux]] pour prendre son autonomie : elle représente un témoignage majeur sur la vie quotidienne de l’époque mais aussi, avec les « grotesques » de [[Smyrne]] ou d’[[Alexandrie]], une remise en cause de la « beauté grecque » classique.
Aerial photograph of the Palace complex, Archaeological Museum, Pella (7076075823).jpg|Photographie aérienne du complexe palatial de [[Pella (cité antique)|Pella]].
Jebel khalid palace.jpg|Plan du « Palais du gouverneur » de [[Jebel Khalid]] (Syrie séleucide), organisé autour d'une cour péristyle centrale.
Qasr Al-Abd, Hellenistic palace dating from approximately 200 BC, Jordan (39281217671).jpg|Façade principale du palais d'Iraq al-Amir.
</gallery>
 
Les maisons de l'élite sont caractérisées par leur grande taille et la qualité de leur décors, ainsi que l'illustrent les grandes demeures de Pella comme celle dite de Dionysos mesurant {{unité|3160|m²}}, organisée autour de deux cours à péristyle, avec des salles de réception comportant de remarquables mosaïques{{sfn|Étienne|Müller|Prost|2014|p=272-273}}. Les [[Maison délienne|maisons de Délos]] à l'époque romaine sont de type grec malgré la présence de nombreux Italiens sur place, avec elles aussi des cours à péristyle, des décors élaborés de mosaïques et de sculptures quand leur occupant est riche{{sfn|Étienne|Müller|Prost|2014|p=352-353}}. Bien que les riches familles hellénistiques semblent privilégier les maisons à cour à colonnes, il n'y a pas vraiment de modèle dominant à cette période. Au contraire le plan des résidences mises au jour pour cette période est bien moins homogène que durant l'époque classique, et cela est plus prononcé chez les familles modestes, dont les résidences de petite taille ont des plans très variés. Cela reflète sans doute au moins en partie un accroissement des inégalités et une plus grande différenciation sociale qu'à l'époque classique<ref>{{Ouvrage|langue=en|auteur= Lise C. Nevett |titre chapitre= Greek Housing into the Hellenistic Period: The Transformation of an Ideal? |titre= Ancient Greek Housing|éditeur= Cambridge University Press|lieu=Cambridge|année= 2023|passage=217-256|lire en ligne= }}.</ref>.
== La fin du monde hellénistique ==
{{section à sourcer|date=mai 2020}}
{{Article détaillé|Royaume gréco-bactrien|Parthes}}
La disparition du [[royaume lagide]] d’[[Égypte antique|Égypte]] en {{Date|-30}}, avec le suicide de sa dernière souveraine [[Cléopâtre VII|Cléopâtre]], marque l’achèvement de la conquête par [[Rome antique|Rome]] du monde [[Mer Méditerranée|méditerranéen]] et clôt la période hellénistique. Les Romains ont l’habileté de récupérer et d’utiliser à leur profit l’héritage hellénistique. Ainsi, le modèle de la cité continue son évolution, même si l’indépendance politique n’est plus possible, tandis que la [[Grec ancien|langue grecque]] reste la langue dominante dans la partie orientale de l’Empire et cela jusqu'à l'émergence du monde musulman et de l'[[langue arabe|arabe]]. La culture grecque quant à elle imprègne les élites romaines à tel point qu'une culture commune, issue du monde hellénistique avec des apports romains, s'impose dans l’[[Empire romain|Empire]]. Il n’en est pas de même au-delà des limites orientales de l’Empire romain. En effet, la conquête par les [[Parthes]] de la [[Mésopotamie]] au {{-s|I}}, l’effondrement des [[Royaume gréco-bactrien|royaumes grecs de Bactriane]] mettent fin à la domination politique, culturelle et économique du monde grec. Si l’héritage hellénistique perdure dans l’[[Art hellénistique|art]], il ne s'agit plus que d’un aspect composite dans une culture où les éléments [[Asie|asiatiques]] et [[Inde|indiens]] redeviennent prépondérants.
 
<gallery mode=packed>
== Royaumes et dynasties appartenant à la civilisation hellénistique ==
Pella House atrium.jpg|« Maison de Dionysos » à [[Pella (cité antique)|Pella]], avec mosaïque à décor géométrique.
* [[Royaume de Macédoine]] ([[Argéades]], [[Antipatrides]] et [[Antigonides]])
Maison Delos.jpg|Plan schématique d'une maison de Délos.
* [[Royaume lagide]]
Délos - mosaique.jpg|Cour à mosaïque de la « Maison des Dauphins » de [[Délos]].
* [[Liste des rois de Cyrène|Royaume de Cyrène]]
</gallery>
* [[Royaume séleucide]]
 
* Royaume de [[Thrace]] ([[Lysimaque]])
=== Le gymnase et le théâtre ===
* Royaume de [[Pergame]] ([[Attalides]])
{{Voir aussi|Théâtre grec antique|Gymnase (Grèce antique)}}
* [[Royaume gréco-bactrien]]
 
* [[Royaumes indo-grecs]]
Deux lieux des cités hellénistiques sont essentiels pour la formation des citoyens, le gymnase et le théâtre, au point qu'ils ont pu être désignés comme des « bastions de l'hellénisme »{{sfn|id=DAN|Dana et al.|2022|p=485}}. Les archéologues en ont identifié dans toutes les régions de l'espace hellénistique, jusqu'à Aï Khanoum en Bactriane.
* Royaume de [[Bithynie]]
 
* [[Royaume du Pont]]
[[Fichier:Palestre à Olympie.jpg|thumb|left|Colonnade de la [[palestre d'Olympie]] ({{-s|II}}), espace d'entraînement athlétique du gymnase.]]
* [[Commagène]]
 
* Royaume de [[Cappadoce]]
Le gymnase (le lieu où on s'entraîne nu, ''gymnos'') devient un marqueur des cités hellénistiques, de plus en plus de cités s'en dotant sur la période afin d'affirmer leur appartenance à la culture hellénique. Durant les époques antérieures ces édifices sont généralement faits dans des matériaux légers, puis ils sont construits de manière pérenne à partir du début de l'époque hellénistique. Ils sont organisés autour d'une grande cour servant pour les exercices athlétiques, bordées par des portiques et différentes pièces, qui peuvent comprendre des bains, des pistes couvertes, des lieux de culte (ils sont placés sous le patronage d'Hermès et d'Hercule), de réunion et d'enseignement. En effet, même si leur rôle principal reste l'instruction physique et militaire, ils servent plus généralement de lieu de sociabilité pour la jeunesse civique, avec des fonctions éducatives, en faisant des lieux majeurs de la vie civique, y compris dans le domaine politique (L. Robert y voyait une « seconde agora »). De ce fait, s'ils sont souvent privés et semi-privés au début de la période, progressivement les cités en prennent le contrôle. Le magistrat en charge de cet édifice, le gymnasiarque, occupe une place importante dans la cité, et les évergètes lui procurent de l'huile pour le corps, une dépense conséquente<ref>Pierre Fröhlich, « Gymnase », dans {{harvsp|id=DMGA|Sartre|Sartre-Fauriat|Brun|2009|p=246-248}}.</ref>{{,}}{{sfn|id=DAN|Dana et al.|2022|p=485-486}}{{,}}{{sfn|Grandjean|Bouyssou|Chandezon|Hochard|2024|p=235-239}}.
* [[Royaume du Bosphore]]
 
[[File:The great theater of Epidaurus, designed by Polykleitos the Younger in the 4th century BC, Sanctuary of Asklepeios at Epidaurus, Greece (14038572644).jpg|thumb|Le [[Sanctuaire d'Asclépios et théâtre d'Épidaure|théâtre d'Épidaure]], construit dans les dernières décennies du {{-s|IV}}]]
 
Le théâtre (le lieu où l'on regarde) est fondamentalement un lieu destiné à accueillir du public pour assister à un spectacle. Également construit principalement en matériaux précaires avant l'époque hellénistique, depuis la fin de l'époque classique ils sont de plus en plus construits en dur (pierre ou brique d'argile) et deviennent des monuments symbolisant la culture hellénique dont se dote toute cité grecque digne de ce nom. Certains comprennent plusieurs milliers de places, jusqu'à la dizaine de milliers et même {{formatnum:17000}} à Athènes, et servent aussi à des assemblées politiques. Les pièces comiques et tragiques du répertoire classique athénien font partie de la culture commune grecque de l'époque, mais de nouvelles créations sont aussi jouées. Les grandes fêtes consacrées à Dionysos, patron des arts de la scène, donnent lieu à des concours dramatiques courus. Ils fonctionnent comme des « lieux de formation permanente des citoyens » selon B. Le Guen, diffusant les valeurs grecques aux citoyens et aussi à des non-Grecs qui peuvent être attirés par leur aspect visuel, qui en font de véritables spectacles de masse antiques. Le financement de leur construction, de leur entretien et des spectacles est une lourde charge financière pour les communautés, à laquelle les évergètes mettent un point d'honneur à contribuer afin de se faire bien voir. Ils servent aussi de lieux à la propagande royale. L'époque hellénistique voit la mise en place de compagnies théâtrales, les technites dionysiaques, organisées dans leur cadre propre, hors de la cité, qui leur garantit en principe une inviolabilité<ref>Béatrice Le Guen, « Théâtre », dans {{harvsp|id=DMGA|Sartre|Sartre-Fauriat|Brun|2009|p=478-482}}.</ref>{{,}}{{sfn|id=DAN|Dana et al.|2022|p=486-487}}{{,}}{{sfn|Grandjean|Bouyssou|Chandezon|Hochard|2024|p=239-341}}.
 
 
<gallery mode="packed">
Greek - Actor - Walters 541067.jpg|Figurine en bronze d'un acteur tenant un masque, {{v.}}{{date-|150 av. J.-C.|avJC=non}}-{{date-|100 av. J.-C.}} [[Walters Art Museum]].
Dionysos mask Louvre Myr347.jpg|Figurine en terre cuite d'un masque de théâtre représentant [[Dionysos]]. [[Myrina (Éolide)|Myrina]], {{-sp|II|-|I}} [[Musée du Louvre]].
</gallery>
 
=== Religion ===
 
{{Article détaillé|Religion hellénistique|Religion grecque antique#Époques hellénistique et romaine {{!}}Religion grecque antique}}
Concernant la religion, les institutions civiques jouent toujours un rôle moteur autour des cultes publics. Le développement d'un culte royal, l'apparition de divinités syncrétiques telles que [[Sarapis]] (amalgame d'[[Osiris]] et d'[[Apis]] vénéré par les Grecs d’Égypte puis ceux des régions voisines) et l'introduction de divinités orientales ([[Isis]]) ou leur assimilation aux divinités grecques renvoient aux caractéristiques principales de la période. Des divinités issues du fonds grecs voient aussi leur culte se développer, notamment [[Tyché]], la Fortune. Les cultes à mystères et les associations religieuses connaissent également une grande vogue, ce qui est souvent tenu pour refléter une évolution vers des mentalités plus « individualistes », mais c'est loin d'être assuré{{sfn|Orrieux|Schmitt-Pantel|2013|p=438-439}}{{,}}<ref>{{Chapitre| langue = en | auteurs= Lynn E. Roller | titre = Religions of Greece and Asia Minor | titre ouvrage = The Cambridge History of Religions in the Ancient World, volume {{III}}: From the Hellenistic Age to Late Antiquity | auteurs ouvrage= Michele Renee Salzman et Marvin A. Sweeney (dir.) | lieu = Cambridge | éditeur= {{lang|en|Cambridge University Press}} | année = 2013 |passage= 295-320}}.</ref>.
 
== Les mondes hellénistiques ==
 
=== Royaumes et cités du nord ===
 
==== Royaume de Macédoine ====
[[Fichier:Map Macedonia 200 BC-fr.svg|thumb|Le royaume de Macédoine et la Grèce égéenne sous {{noble|Philippe V de Macédoine|-}}, vers [[200 av. J.-C.]]]]
 
Au début de la période, le [[royaume de Macédoine]] d'où est originaire [[Alexandre le Grand]] est dominé par plusieurs prétendants, avant que la dynastie des [[Antigonides]] (descendants d'[[Antigone le Borgne]] qui en pratique n'a jamais régné sur la Macédoine) ne s'y imposent sous [[Démétrios Poliorcète]] et surtout son fils [[Antigone II Gonatas]] (277-239). C'est une entité territoriale relativement cohérente, un ancien État fédéral qui a connu une centralisation, organisé autour de la Macédoine où se trouvent ses capitales [[Aigai]]/Vergina et [[Pella (cité antique)|Pella]], ainsi que le grand sanctuaire de [[Dion (cité)|Dion]], situé au pied du mont Olympe. Le roi et ses proches dominent l'organisation politique, mais ils doivent composer avec une assemblée des Macédoniens qui a des compétences judiciaires, et des cités qui ont une certaine autonomie tout en se voyant dicter leur politique générale par le roi et ses agents. Le domaine royal comprend des terres ainsi que les mines d'or et d'argent de Thrace, peut-être aussi des forêts. Le royaume tire aussi profit de sa situation sur des routes commerciales importantes. Une armée nationale bien encadrée et recevant une formation poussée assure la puissance du royaume. Vis-à-vis des deux autres grandes puissances hellénistiques, les Séleucides et les Lagides, les relations sont peu conflictuelles. Les rois macédoniens ont à composer avec diverses entités politiques en Grèce continentale sur lesquels ils exercent une hégémonie qui est souvent mise à mal. Ces relations génèrent des conflits à répétitions : contre une coalition menée par les cités d'[[Athènes]] et de [[Sparte]], contre ses voisins directs, l'[[Épire]], les ligues d'[[Étolie]] et d'[[Achaïe]], et les [[Illyriens]]. La domination macédonienne s'appuie sur plusieurs places fortes telles que [[Démétrias]] au sud de la Thessalie, [[Chalcis]] en [[Eubée]], [[Le Pirée]] en [[Attique]] et la forteresse d'[[Acrocorinthe]] qui domine l'[[isthme de Corinthe]]. Dans les cités, les rois macédoniens installent des garnisons, des agents royaux et soutiennent des dirigeants politiques amis. Les conflits, plus aigus à partir du règne de [[Philippe V (roi de Macédoine)|Philippe V]] (221-179) qui a une politique extérieure plus ambitieuse que ses prédécesseurs (notamment dans le sud de l’Égée), attirent finalement les Romains en Grèce continentale, qui soumettent la Macédoine après plusieurs « [[guerres macédoniennes]] » et la réduisent en provinces en 167{{sfn|Martinez-Sève|2017|p=70-73}}{{,}}{{sfn|Grandjean|Hoffmann|Capdetrey|Carrez-Maratray|2017|p=154-191}}{{,}}{{sfn|Grandjean|Bouyssou|Chandezon|Hochard|2024|p=198-207}}.
 
==== Épire et Illyrie ====
[[Fichier:Map of ancient Epirus and environs (Français).svg|thumb|L’Épire et les régions voisines dans l'Antiquité.]]
[[Fichier:Dodona theater.jpg|thumb|left|Le théâtre de [[Dodone]], dans le principal sanctuaire des Épirotes.]]
 
Plus à l'ouest, l'[[Épire]] est un autre royaume de structure fédérale et à base ethnique, dirigé par des rois (dynastie des Eacides) à l'autorité limitée par les institutions fédérales. Il connaît une période faste dans le domaine militaire au début de l'ère hellénistique, sous la direction du roi [[Pyrrhus Ier|Pyrrhus]] (297-272), qui agrandit le territoire épirote et contrôle même un temps la Macédoine. Le principal sanctuaire de la région, situé à [[Dodone]] et dédié à Zeus, est embelli. Il entreprend des expéditions en Italie et en Sicile, où il est sollicité par des cités grecques et des peuples italiques pour faire face aux Romains, puis aux Carthaginois. Il est finalement vaincu par les Romains, puis par [[Antigone Gonatas]], et trouve la mort à Argos en 272. Son fils Alexandre II cherche à poursuivre sur la voie tracée par son père, mais les Macédoniens puis les [[Étoliens]] lui infligent des défaites. La monarchie épirote est renversée en 232 et après cela les entités qui composent la fédération sont moins soudées que par le passé. Cela n'empêche pas la région de connaître un certain développement initié par quelques cités ([[Apollonia d'Illyrie|Apollonia]], [[Épidamne]]), qui se manifeste aussi sur sa frange nord, le territoire dominé par les [[Illyriens]], peuple non grec mais de plus en plus hellénisé. Dans la seconde moitié du {{-s|III}}, les rois illyriens se font plus menaçants pour leurs voisins, notamment dans l'Adriatique, ce qui suscite l'intervention des Romains en 229. Rome étend son autorité sur la région à partir de cette date. L'Illyrie est soumise dans les années qui suivent, puis l’Épire est entraînée dans les guerres macédoniennes et dévastée par les légions romaines en 167, qui détruisent 70 établissements et réduisent en esclavage {{formatnum:150000}} personnes{{sfn|Martinez-Sève|2017|p=84-87}}.
 
==== Nord de l’Égée et mer Noire ====
[[Fichier:Pontos Euxeinos.gif|thumb|Carte des principales cités grecques autour du [[Mer Noire|Pont Euxin (mer Noire)]].]]
 
Des cités grecques sont implantées depuis l'[[époque archaïque]] sur les rives nord de la [[mer Égée]], en [[Thrace]], et sur les rives non anatoliennes de la mer Noire (le [[Pont-Euxin]] des Grecs). Elles ont prospéré durant l'[[époque classique]], notamment grâce à leurs riches terroirs agricoles. Il s'agit de zones de contacts avec les Thraces et les [[Scythes]], qui peuvent aussi bien être pacifiques que conflictuels.
 
Dans la partie balkanique de cet ensemble, la Macédoine avait étendu son influence sous [[Philippe II de Macédoine|Philippe II]] et [[Alexandre le Grand|Alexandre]], avant que les guerres des Diadoques ne rabattent les cartes. Cette période est aussi marquée par la constitution de cités qui contribuent à l'hellénisation de ces régions. On ne sait pas si les populations locales sont réduites au statut de dépendant des cités, ou bien si elles restent libres, la documentation manquant. [[Lysimaque]] s'y impose au début, puis les [[Lagides]] deviennent un temps les maîtres de la [[Thrace]] dans la seconde moitié du {{-s|III}}, et la région devient ensuite un protectorat de la Macédoine. Elle est annexée par Rome en même temps que cette dernière, à partir de 168, les cités côtières restant indépendantes jusqu'en 129. Les Romains se retrouvent vite confrontés aux Thraces, qui menacent leurs nouvelles possessions à plusieurs reprises et interviennent même dans leurs guerres civiles<ref>{{Chapitre|langue=fr|auteur=Alexande Baralis|titre=Les diasporas grecques du nord de l’Égée, de Propontide et de mer Noire|auteurs ouvrage=Sophie Bouffier (dir.) et al.|titre ouvrage=Les diasporas grecques : Du détroit de Gibraltar à l'Indus|éditeur=SEDES|lieu=Paris|année=2012|passage=228-230}}</ref>{{,}}<ref>{{en}} John Wilkes, « Thrace », dans {{harvsp|id=OCD|OCD|2012|p=1471}}</ref>.
 
Au nord de la mer Noire, les implantations les plus importantes sont [[Olbia du Pont]], qui s'est constituée un vaste territoire avec des colonies dans la région de l'embouchure du [[Boug occidental|Boug]] et du [[Dniepr]], et les cités du [[Bosphore cimmérien]], autour du [[détroit de Kertch]], dominées par la dynastie des [[Spartocides]] (royaume du Bosphore, capitale [[Panticapée]]). Ils connaissent une période très prospère au {{-s|IV}}, grâce à leur blé et aussi au poisson, peaux et esclaves exportés jusqu'à Athènes, et leurs exports de produits de luxe vers le monde scythe. Un art gréco-scythe se développe, et des textes antiques parlent d'une population mixte, les ''mixellenes'', « à moitié grecs », dans l'arrière-pays d'Olbia. Le {{-s|III}} voit cette conjoncture se retourner, surtout après 250, une des causes étant la pression accrue exercée par les tribus scythes (elles-mêmes attaquées par des Galates), auxquels des tributs sont versés sans pour autant faire baisser l'insécurité. En conséquence les cités se fortifient, mais doivent aussi abandonner des établissements, voient leur production agricole diminuer au point de devoir importer du blé. Ce contexte semble aussi favoriser la concentration des richesses et du pouvoir entre les mains de quelques-uns. Mithridate VI du Pont intervient à la fin du {{-s|II}} pour appuyer les Grecs face aux Scythes et devient roi du Bosphore cimmérien. Il finit sa vie à Panticapée après avoir fui les Romains. Les [[Gètes]] deviennent ensuite la nouvelle menace et Rome la puissance tutélaire<ref>Christel Müller, « Olbia pontique », dans {{harvsp|id=Leclant|Leclant|2005|p=1537}}.</ref>{{,}}<ref>Véronique Schiltz, « Bosphore (royaume du) », dans {{harvsp|id=Leclant|Leclant|2005|p=354}}.</ref>{{,}}{{sfn|Baralis|2012|p=230-232}}{{,}}{{sfn|Thonemann|2018|p=84-87}}.
 
=== Grèce égéenne ===
[[Fichier:Grece antique general.svg|vignette|Localisation des principales régions et cités de la [[Grèce antique]].]]
 
La Grèce égéenne est par excellence la région des cités, établies dans le sud de la Grèce continentale, les îles égéennes et la frange littorale occidentale de l'Asie mineure. Ces entités politiques sont certes subordonnées aux grands royaumes contre lesquels elles ne peuvent durablement s'opposer, mais elles n'en préservent pas moins une certaine marge d'autonomie, une vie civique dynamique et des velléités d'indépendance qui s'expriment à plusieurs reprises. Certaines s'organisent en fédérations et acquièrent ainsi une puissance qui leur fait jouer un rôle militaire important.
 
==== Tendances générales ====
 
Les cités de Grèce ont été mises au pas par la Macédoine sous le règne de [[Philippe II (roi de Macédoine)|Philippe II]], leur défaite la plus significative étant celle de [[Bataille de Chéronée (338 av. J.-C.)|Chéronée]] (338), qui marque la fin de la prépondérance politique et militaire des grandes cités de l'époque classique ([[Athènes]], [[Sparte]], [[Thèbes (Grèce)|Thèbes]]), qui voient leur liberté et leur autonomie leur échapper, si on excepte Rhodes qui parvient à tenir tête aux grandes puissances grâce à sa flotte. Des tentatives de remise en cause de cette situation ont lieu au début de l'époque hellénistique, lors de la [[guerre lamiaque]] (323-322) et de la [[guerre chrémonidéenne]] (268-261), regroupant des coalitions de cités (avec l'appui des Lagides lors de la seconde) contre la domination macédonienne, sans succès. La lutte contre l'invasion celte de 279-277 oblige aussi les cités et fédérations à s'allier face à cette menace, et offrent à [[Antigone Gonatas]] l'occasion de monter sur le trône macédonien et de se poser en sauveur des Grecs. Néanmoins la montée en puissance des ligues achéenne et étolienne permet de dégager de nombreuses cités de la domination macédonienne, mais le roi de Macédoine [[Antigone Doson]] intervient de manière décisive pour aider les fédérations et cités à battre Cléomène de Sparte en 222, redevenant hégémon. La guerre sociale qui se déroule de 220 à 217 et oppose les [[Étoliens]] à une coalition conduite par Philippe V de Macédoine confirme le rôle prépondérant de ce dernier sans rétablir sa domination sur cette partie du monde grec qui reste divisée entre fédérations et cités autonome. C'est le dernier conflit avant l'irruption romaine dans les affaires grecques{{sfn|Chaniotis|2018|p=56-73}}.
 
La constitution de royaumes grecs en Asie et en Égypte a diverses conséquences sur ce qui devient la « vieille Grèce ». Des richesses affluent à la suite des conquêtes, notamment avec le retour de soldats avec leur part de butin. Des individus partent s'installer dans les nouvelles régions dominées par des Grecs, ou alors y voyagent pour développer des contacts avec les Grecs qui y sont implantés. Les cités sollicitent régulièrement l'appui des dynastes hellénistiques, notamment les Lagides d’Égypte puis les Attalides de Pergame. Les plus prestigieuses disposent d'une sorte de « [[soft power]] » qui fait que les puissances de l'époque cherchent à capter leur prestige : les concours panhelléniques, notamment ceux d'Olympie, l'oracle de Delphes, et Athènes bénéficient ainsi de leurs attentions{{sfn|id=DAN|Dana et al.|2022|p=530-535}}.
 
La mise en place de la domination romaine sur la Grèce se fait lors des guerres macédoniennes qui lui permettent de devenir la principale puissance du monde égéen. Les élites romaines sont souvent attirées par la culture grecque et le prestige de certaines des cités et des grands sanctuaires grecs, comme l'illustre en 196 [[Titus Quinctius Flamininus]] qui, après avoir mis fin à l'hégémonie macédonienne pour lui substituer celle de Rome, reprend à son compte le vieux slogan de la liberté des cités grecques, la proclamant au moment de la grande fête et des concours panhelléniques d'[[Isthmia]]. Après la provincialisation de la Macédoine en 167, les Romains sont directement au contact des cités et fédérations de Grèce. La guerre d'Achaïe qui a lieu en 146 est déclenchée lorsque Sparte rompt avec la ligue achéenne avec l'appui romain. La coalition qui se forme autour des Achéens est rapidement vaincue, la répression romaine culminant avec la destruction de Corinthe. Les régions vaincues sont annexées, les ligues dissoutes, les cités restées se voient imposer des régimes oligarchiques contrôlés par Rome, certaines régions sont soumises à des prélèvements plus forts{{sfn|Martinez-Sève|2017|p=78-79}}. Le ressentiment accumulé contre les Romains incite de nombreuses cités à se rallier à Mithridate VI du Pont en 88, ce qui entraîne de nouvelles dévastations, comme celle de [[Délos]] ou en Béotie, le pillage d'Athènes et la mise à contribution d'autres cités. Les cités rebelles sont privées de leur liberté{{sfn|Grandjean|Bouyssou|Chandezon|Hochard|2024|p=421-424}}. L'impact de Rome sur la « vieille Grèce » est discuté. Il est souvent estimé qu'elle rentre dans une phase de déclin démographique, un « manque d'hommes » ([[oliganthropie]]), à la suite des conflits et des destructions et déportations, ce qui semble confirmé par les observations archéologiques en plusieurs endroits ([[Béotie]], [[Épire]] et Ouest), surtout dans les campagnes, mais d'autres cités et régions sont au contraire dynamiques ([[Achaïe]], Athènes, [[Messénie]], [[Thessalie]]). [[Corinthe]], détruite en 146, est refondée en 44, peuplée de vétérans de César, et devient dès lors une cité très dynamique. La cité portuaire de [[Patras]] est une autre cité prenant en importance sous domination romaine{{sfn|Grandjean|Hoffmann|Capdetrey|Carrez-Maratray|2017|p=271-272}}{{,}}{{sfn|Grandjean|Bouyssou|Chandezon|Hochard|2024|p=497-499}}{{,}}{{sfn|Étienne|Müller|Prost|2014|p=318-326}}.
 
En fin de compte, le « déclin des cités » qui a par le passé été une grille de lecture de cette période est à relativiser. Certes les cités du monde égéen sont pour la plupart dans la dépendance directe ou indirecte d'un grand royaume {{incise|la plupart des cités de l'[[époque classique]] ayant déjà été dans la dépendance d'une cité plus puissante}}, ou alors ont concédé leur autorité à une ligue, avant de passer progressivement sous domination romaine{{sfn|Chaniotis|2018|p=125-126}}. Mais une vie civique dynamique existe encore, reposant sur des institutions démocratiques, les cités ont encore à leur disposition des forces armées, de riches citoyens financent les activités de leur cité et en retirent un prestige. Les coalitions plus ou moins permanentes, notamment les ligues/fédérations, offrent des moyens d'agir, et de nouvelles puissances émergent (Rhodes, Étolie, Achaïe) alors que les plus anciennes ont plus ou moins décliné (Athènes, Sparte, Thèbes, Corinthe). Diverses crises sociales traversent néanmoins ces cités, générant parfois des guerres civiles qui offrent l'opportunité à des puissances extérieures d'essayer d'étendre leur emprise{{sfn|Martinez-Sève|2017|p=76-77}}.
 
==== Athènes ====
[[Fichier:AGMA Stoa d'Attale vue du SO.jpg|thumb|[[Stoa d'Attale]], construite à l'époque hellénistique, sur le côté est de l’[[agora d'Athènes]].]]
 
Parmi les puissances majeures de l'époque antérieure, [[Athènes]] a perdu son autonomie au début de la période, étant placée sous l'autorité macédonienne en dehors de certains intermèdes. Parmi les personnalités importantes du début de la période se trouvent [[Démétrios de Phalère]], qui dirige la cité pour le compte des Macédoniens de 317 à 308, et [[Callias de Sphettos]] qui la libère de cette emprise en 287 avec l'appui lagide. La vie civique est donc étroitement surveillée si ce n'est contrôlée par les rois, qui se font aussi évergète en apportant un concours financier à la cité pour des rituels religieux et des constructions (par exemple la [[stoa d'Attale]] de Pergame). Athènes préserve une force armée au moins pour protéger son territoire, avec notamment une flotte. La cité se rallie à Rome après 229. Sa fidélité durant les guerres macédoniennes lui permet d'obtenir la domination sur Délos en 167. Cette période voit comme ailleurs la montée en puissance des familles les plus riches de la cité. La perte de puissance militaire de la ville est compensé par son prestige culturel, reposant sur son glorieux passé, ses monuments, ses fêtes religieuses, ses écoles de philosophie (Académie platonicienne, Lycée aristotélicien, Jardin épicurien, Portique stoïcien), ses représentations théâtrales et ses écoles d'arts. Elle se revendique comme le lieu majeur de l'hellénisme. Elle connaît néanmoins un déclin après 88, quand elle trahit Rome pour se rallier à [[Mithridate VI]] du Pont. En représailles, elle est pillée par les troupes de Sylla et Délos lui est enlevée{{sfn|Grandjean|Hoffmann|Capdetrey|Carrez-Maratray|2017|p=250-258}}.
 
==== Sparte ====
 
Son ancienne rivale, Sparte, préserve son indépendance mais elle est affaiblie par son déclin militaire et ses difficultés internes, notamment démographiques. Plusieurs de ses rois tentent de lui redonner une place au premier plan. [[Areus Ier|Aréos]] (309-365) abolit la double monarchie pour prendre le pouvoir seul, sur le modèle de la monarchie hellénistique. Il repousse Pyrrhus d'Épire et participe à la [[guerre chrémonidéenne]] (268-261) aux côtés d'Athènes et des Lagides. [[Agis IV]] (244-241) entreprend d'importantes réformes, notamment pour augmenter le nombre de citoyens, mais il est renversé. [[Cléomène III]] (235-222) reprend son programme en octroyant la citoyenneté aux populations traditionnellement dominées ([[Périèques]] et [[Hilotes]]) et en réformant l'appareil militaire. Mais l'alliance des autres puissances grecques entraînent sa défaite en 222. Les Achéens, dominant désormais le Péloponnèse, sont les principaux obstacles à Sparte. Par la suite la cité bascule dans la tyrannie, sous [[Machanidas]] et [[Nabis (Sparte)|Nabis]]. Après l'échec de ce dernier, les Achéens intègrent Sparte dans leur ligue et abolissent ses institutions ancestrales, notamment la royauté, pour les remplacer par des institutions civiques normales. Elle reprend certes son autonomie par la suite mais perd son influence politique{{sfn|Grandjean|Hoffmann|Capdetrey|Carrez-Maratray|2017|p=245-250}}.
 
==== Les fédérations : Béotie, Étolie, Achaïe ====
[[Fichier:Hemidrachme de la ligue achéenne à l'effigie de Zeus.jpg|thumb|Hémidrachme de la [[ligue achéenne]] à l'effigie de [[Zeus]].]]
 
Les fédérations ou ligues (''koinon'') ne sont pas une innovation de la période hellénistique, mais elles prennent une place plus importante dans la vie politique. Il s'agit d'organisations regroupant plusieurs cités, afin notamment de regrouper leurs forces militaires sous un commandement unifié. La plus importante de l'époque classique, la [[confédération béotienne]], joue un rôle effacé depuis la destruction de Thèbes par Alexandre en 335. Elle reprend du dynamisme au début du {{-s|II}}, avant d'être dissoute par Rome en 172/1. La [[ligue étolienne]], dans l'ouest de la Grèce centrale, est centrée sur le sanctuaire fédéral d'Apollon de Thermos et souvent dénigrée par ses voisins parce que ses membres pratiquent la piraterie et le brigandage. Elle prend en importance durant la [[guerre lamiaque]] (323-322) et dans la lutte contre les Galates en 279-278. Elle reste importante jusqu'à sa déroute face à Rome en 189. L'Étolie se range aux côtés de [[Marc-Antoine]] et de [[Cléopâtre VII|Cléopâtre]] face à [[Auguste|Octave]], et subit une répression avec la déportation d'une partie de sa population et la constitution de nouvelles cités tenues par le pouvoir romain. La [[ligue achéenne]] (du nom de l'[[Achaïe]], région du nord du Péloponnèse) gagne en importance au milieu du {{-s|III}} lorsqu'elle est rejointe par [[Aratos de Sicyone]], qui devient son stratège et parvient à libérer le Péloponnèse de l'emprise macédonienne. Il doit néanmoins se rallier à son ennemi face à la menace spartiate en 224-222. Au début du {{-s|II}} le stratège [[Philopœmen|Philopoimen de Mégalopolis]] s'allie à Rome et étend l'autorité de la ligue sur tout le Péloponnèse, Sparte incluse. Mais il ne soutient pas les Romains lors de la troisième guerre de Macédoine, ce qui lui fait perdre les faveurs romaines ; il est forcé d'envoyer des otages à Rome, dont l'historien Polybe. La guerre d'Achaïe de 146 s'achève par sa défaite et sa dissolution. Elle est rétablie par les Romains au début du {{-s|I|er}}{{sfn|Grandjean|Bouyssou|Chandezon|Hochard|2024|p=710-711}}.
 
==== Rhodes ====
 
Parmi les cités, seule [[Rhodes]] parvient à conserver son indépendance et une certaine puissance militaire, illustrée par sa résistance à Démétrios Poliorcète en 303, qu'elle célèbre en érigeant vers 300 son fameux [[colosse de Rhodes|colosse]], une des merveilles du monde antique. Elle est issue de la fusion des cités de l'île de Rhodes, dotée d'institutions démocratiques et réputée pour la qualité de son gouvernement. À son apogée, elle domine plusieurs îles voisines ainsi qu'une portion de l'Asie Mineure, la [[Pérée rhodienne|Pérée]], ainsi qu'une partie de la Carie et de la Lycie et la ligue des Nésiotes dans la première moitié du {{-s|II}}. Sa puissance militaire repose sur sa flotte, qui lui permet notamment d'être un fer de lance de la lutte contre les pirates (elle intervient en Crète). Elle bénéficie de son alliance avec Rome, mais son choix de ne pas l'appuyer lors de la dernière guerre macédonienne en 168-167 entraînent des représailles qui lui font perdre son influence. Rhodes reste néanmoins très prospère, grâce au commerce maritime, animé par ses armateurs et marchands, qui en font un centre majeur du commerce méditerranéen. Sa capitale bénéficie d'une grande renommée, illustrée par son colosse (certes effondré dès 228), ses écoles de philosophie et de sculpture, plus largement sa vie culturelle et ses érudits (Apollonios de Rhodes, Posidonios) qui en font un des centres hellénistiques les plus dynamiques dans ce domaine avec Athènes et Alexandrie{{sfn|Grandjean|Hoffmann|Capdetrey|Carrez-Maratray|2017|p=188-190}}{{,}}{{sfn|Grandjean|Hoffmann|Capdetrey|Carrez-Maratray|2017|p=258-266 et 472-477}}.
 
==== Délos ====
 
[[Délos]] est une autre cité insulaire prenant une grande importance, sans pour autant développer de force militaire. Située sur une île de petite taille et très peu peuplée, elle comprend le principal sanctuaire des Cyclades, dédié à Apollon, qui sert généralement de lieu de réunion de la ligue des Nésiotes (voir plus bas) et dispose de richesses considérables gérées par les élites de l'île. Elle a pris son indépendance d'Athènes en 314 et sa puissance financière lui permet de devenir un port important au moins au niveau régional, où résident des marchands locaux et étrangers, les taxes générées consolidant sa richesse. En 167 l'île est concédée à Athènes par les Romains et transformée en port franc, ses habitants étant chassés de l'île (ils se réfugient chez les Achéens) et remplacés par des Athéniens. Délos devient alors un port et un entrepôt commercial de premier plan, où les marchands d'Italie et d'autres pays viennent faire des affaires. Certains s'y installent, s'organisent en associations, implantent les cultes de leur pays d'origine, ce qui donne un aspect cosmopolite à la société de Délos. L'île prospère notamment grâce au commerce des denrées alimentaires, et aussi des esclaves. Dévastée par les armées de Mithridate en 88, puis par des pirates alliés de ce dernier en 69, elle perd en importance alors que d'autres ports prennent sa place{{sfn|Grandjean|Hoffmann|Capdetrey|Carrez-Maratray|2017|p=477-479 et 487-491}}.
 
<gallery mode="packed">
Delos Luftbild 01.jpg|Vue aérienne du site de [[Délos]].
Vue sur le sanctuaire de Délos depuis le quartier du théâtre.JPG|Vue du sanctuaire d'[[Apollon]].
Theatre Quarter, Delos 04.jpg|Quartier du théâtre.
Temple of Isis, Delos 01.jpg|Ruines du temple d'[[Isis]].
</gallery>
 
==== Reste du monde insulaire ====
 
La ligue des Nésiotes (« Insulaires ») est créée à la fin du {{-s|IV}} par [[Antigone le Borgne]] pour unifier ses alliés de la [[mer Égée]]. Elle est centrée sur le grand sanctuaire de Délos (et parfois le temple de Téos). Au siècle suivant elle passe sous le contrôle des [[Lagides]], puis par la suite sous celle de Rhodes{{sfn|Chaniotis|2018|p=132}}.
 
La Crète est quant à elle divisée entre cités entretenant souvent des relations conflictuelles (par exemple la [[guerre de Lyttos]] en 220), pratiquant la piraterie et fournissant de nombreux mercenaires aux armées hellénistiques. Elle connaît une première forme de ligue dans ses régions hautes, la ligue des montagnards (''Oreion'') à la fin du {{-s|IV}} Au siècle suivant se forme la ligue crétoise, reposant sur l'alliance entre [[Cnossos]] et [[Gortyne]], les deux plus puissante cités (après qu'elles se soient débarrassées de [[Lyttos]]). Il s'agit essentiellement d'une instance de discussion sur des affaires de politique extérieure, sans armée commune, minée par les dissensions entre ses membres, même si elle parvient tant bien que mal à résoudre des conflits. Rome intervient de plus en plus dans les affaires crétoises pour résoudre les conflits et combattre la piraterie. Elle est brutalement conquise entre 69 et 67 et intégrée au système provincial dans une province de Crète-Cyrénaïque, qui a pour capitale Gortyne, que son statut d'alliée des Romains avait préservé, alors que sa rivale Cnossos devient une colonie romaine{{sfn|Chaniotis|2018|p=132 et 84}}{{,}}<ref>Alain Duplouy, « Crète », dans {{harvsp|id=DMGA|Sartre|Sartre-Fauriat|Brulé|2009|p=150}}.</ref>.
 
=== Anatolie ===
 
==== Tendances générales ====
 
[[Fichier:Asia Minor in the Greco-Roman period - general map - regions and main settlements.jpg|thumb|Localisation des principales cités et régions de l'Anatolie hellénistique.]]
[[Fichier:Royaume de Pergame à partir de 188 av. J.-C. (Paix d'apamée).jpg|thumb|L'[[Anatolie]] après la [[paix d'Apamée]] ([[188 av. J.-C.]]).]]
L'[[Anatolie]] (ou Asie mineure) est le principal terrain d'affrontement entre les [[Diadoques]]. Aucun royaume majeur ne s'y forme, mais la région est âprement disputée. C'est un ensemble de pays très fragmenté, comprenant d'anciennes cités grecques sur la côte orientale, des régions côtières plus ou moins hellénisées ([[Carie (Antiquité)|Carie]], [[Lycie]], [[Cilicie]]), d'autres situés au nord et à l'intérieur qui préservent plus leurs traditions ([[Lydie]], [[Phrygie]], [[Paphlagonie]], [[Bithynie]], [[Cappadoce]], etc.). Au début du {{-s|III}} la région est partagée entre un domaine lagide situé sur les côtes, et un domaine séleucide s'étendant à l'intérieur, au sud et à l'est de la péninsule. Mais la situation conflictuelle a été une opportunité pour plusieurs potentats locaux d'origine perse ou grecque qui ont constitué leurs royaumes ([[Bithynie]], [[Pergame]], [[Cappadoce]]), aussi pour les [[Galates]] qui ont attaqué plusieurs régions anatoliennes avant d'être cantonnés dans le centre de la péninsule, d'où ils causent régulièrement des troubles{{sfn|Martinez-Sève|2017|p=40-41}}.
 
Cette période donne aussi lieu à de grands remaniements dans le paysage civique anatolien. De nouvelles cités sont fondées par les rois, tantôt ex nihilo, ou refondées après déplacement depuis leur site initial ([[Éphèse]]), ou encore après regroupement de communautés rurales sur un nouveau site urbain ([[synœcisme]]), et plusieurs se voient donner un nom royal. Ce mouvement de poliadisation se diffuse vers l'intérieur des terres, où il contribue à l'hellénisation des contrées. Ces nouvelles cités sont moins autonomes vis-à-vis du pouvoir royal que les anciennes cités grecques de la côte. L'Anatolie intérieure comprend également des domaines de sanctuaires qui ont une grande importance dans certaines parties de l'intérieur (on a pu parler, sans doute excessivement, d’« États sacerdotaux », notamment pour le temple de [[Cybèle]] à [[Pessinonte]]). Avec le temps les dynasties royales anatoliennes prennent plus d'autonomie et se comportent à leur échelle comme les grands royaumes, faisant passer sous leur autorité des cités et sanctuaires{{sfn|id=DAN|Dana et al.|2022|p=508-516}}.
 
<gallery mode="packed">
Herakleia tower of the city walls 5097.jpg|[[Héraclée du Latmos]], entre Ionie et Carie, avec les vestiges de sa muraille hellénistique.
Seleukia axb04.jpg|Agora de [[Séleucie de Pamphylie]], fondation séleucide sur la côte sud de l'Anatolie.
</gallery>
 
Rome prend pied en Anatolie avec le legs d'Attale de Pergame qui aboutit à la constitution de la province d'Asie en 129, située dans la partie orientale de la péninsule. Les excès de la domination romaine, notamment fiscaux, sont en bonne partie la cause du ralliement de la région à Mithridate VI du Pont lorsqu'il entre en conflit avec Rome en 88. Cette période entraîne de nombreuses dévastations, d'abord par le massacre des Romains résidant dans la région, puis la répression de la révolte par les troupes romaines qui ravagent plusieurs régions telles que la Cappadoce et la Bithynie. La majeure partie de l'Asie mineure est exsangue{{sfn|Grandjean|Hoffmann|Capdetrey|Carrez-Maratray|2017|p=224-231}}{{,}}{{sfn|Grandjean|Bouyssou|Chandezon|Hochard|2024|p=419-424}}. La domination romaine s'étend encore dans les années suivantes par la constitution de nouvelles provinces. Lorsque Pompée redessine la carte de l'Orient en 63, l'Anatolie dispose de trois provinces, l'Asie, la Bithynie (avec le Pont) et la [[Cilicie]] (avec la [[Pamphylie]]), alors que d'autres royaumes sont alliés/clients de Rome ([[Cappadoce]], [[Paphlagonie]], [[Galatie]], [[Commagène]], [[Arménie]]){{sfn|Grandjean|Bouyssou|Chandezon|Hochard|2024|p=429-433}}.
 
==== Cités et fédérations : exemples ====
 
[[Priène]] située en [[Ionie]] dans la vallée du [[Méandre]] est un exemple de cité grecque d'[[Asie mineure]] qui reste relativement autonome mais doit composer avec le nouvel ordre politique. La ville est refondée au milieu du {{-s|IV}} sur un nouveau site, qui est occupé jusqu'à la fin de l'époque hellénistique quand un incendie le ravage, après quoi elle est peu occupée. Elle est donc un cadre avantageux pour connaître une cité hellénistique. La ville nouvelle est située au pied d'une acropole, le mont Téloneia, et son plan est organisé autour de blocs rectangulaires de taille similaire. Elle comprend un temple dédié à Athéna et un théâtre. Les nombreuses inscriptions documentent sa vie politique. Elle bénéficie d'un financement d'Alexandre pour ériger son principal sanctuaire, avant d'être impliquée dans les rivalités entre les Diadoques, passant notamment un temps sous l'autorité séleucide. Elle subit une attaque des Galates repoussée avec difficulté. Dans l'ensemble la cité reste autonome face aux rois, et développe même une politique extérieure qui lui permet de recevoir un appui des rois de Cappadoce puis de Rome. Priène dispose d'institutions démocratiques caractéristiques de la période, de charges de prêtrises qui sont mises en vente comme cela se fait en Ionie, ses besoins courants sont financés par des contributions de ses plus riches citoyens, les liturgies. L'évergétisme des riches citoyens (et parfois de leurs femmes et filles) s'affirme dans la seconde moitié de la période hellénistique et à la fin de la période leurs familles accaparent les charges civiques majeures. Les futurs citoyens sont entraînés dans le cadre de l'éphébie, et la cité dispose d'une armée, sa garnison principale étant sur son acropole. Dans les campagnes alentours la population servile est constituée des ''Pedies'', d'origine carienne, qui se rebellent de temps en temps{{sfn|Thonemann|2018|p=93-111}}.
 
<gallery mode="packed">
Plan of Priene, in Griechische Stadeanlagen Wellcome M0009550.jpg|Plan de [[Priène]] ([[Ionie]], actuelle Turquie).
Temple of Athena & Acropolis, Priene.jpg|Temple d'Athéna et acropole de Priène.
Priene 2013-03-24zn.jpg|Théâtre hellénistique de Priène.
</gallery>
 
Des organisations fédérales existent en Asie mineure, la mieux connue étant celle de [[Lycie]]. Elle est peut-être créée à l'instigation des Lagides à la fin du {{-s|III}}, mais elle apparaît dans nos sources durant la période de domination rhodienne sur cette région (188-167), pour s'opposer à celle-ci. Après sa libération elle devient un État fédéral regroupent trente-trois cités, dont le représentant porte le titre de lykiarque. Elle gère leur politique extérieure, signant notamment un traité avec César en 46{{sfn|Chaniotis|2018|p=133}}.
 
==== Pergame ====
 
Le [[royaume de Pergame]], dirigé par la dynastie des Attalides, est le royaume anatolien qui a rencontré le plus de succès et obtenu la plus grande renommée. Ses premiers rois profitent des affrontements entre Séleucides et Lagides pour gagner en autonomie, et la victoire d'[[Attale Ier|Attale {{Ier}}]] (241-197) face aux [[Galates]] lui confère un grand prestige aux yeux des Grecs, lui fournissant l'occasion de se proclamer roi. Allié de Rome, son successeur [[Eumène II]] (197-158) reçoit une partie des possessions séleucides lors de la [[paix d'Apamée]] (188) et devient le roi grec le plus puissant dans la sphère égéenne-anatolienne, dominant les cités voisines. Le royaume était organisé sur le modèle de celui des Séleucides. La capitale Pergame connaît alors de grands travaux qui en font une des principales métropoles du monde hellénistique et une école d'art et d'architecture de premier plan. Son acropole comprend plusieurs sanctuaires, le Grand Autel au riche décor qui en fait un chef-d’œuvre de l'art hellénistique, un grand théâtre bâti sur les pentes abruptes du site, aussi une grande bibliothèque qui lui donne un rayonnement intellectuel. Le royaume de Pergame s'achève en 133 à la mort d'[[Attale III]], qui le lègue à Rome. Signe du prestige de la ville, c'est dans son théâtre que [[Mithridate VI]] se fait couronner en 88{{sfn|Baslez et al.|id=BAS|2003|p=328-329}}{{,}}{{sfn|Martinez-Sève|2017|p=48-49}}.
 
<gallery mode="packed">
Modell Pergamonmuseum.jpg|Maquette de [[Pergame]]. Dans la ville haute : agora, palais, arsenal, bibliothèque, théâtre, temples, Grand Autel. [[Pergamon Museum]].
Pergamonmuseum Pergamonaltar.jpg|Le [[Grand Autel de Pergame]], reconstitué au [[Pergamon Museum]] de [[Berlin]].
Acropolis theatre of Pergamon.jpg|Vestiges du théâtre de Pergame.
</gallery>
 
==== Les autres royaumes anatoliens ====
[[Fichier:Arsameia_Mithridates_I_R0013704.jpg|thumb|[[Mithridate Ier de Commagène|Mithridate {{Ier}} de Commagène]] (v. 100-70) et [[Héraclès]]. Arsaméia.]]
 
Parmi les autres royaumes anatoliens, la [[Bithynie]], située dans la zone stratégique du [[Bosphore]], est au début de la période hellénistique aux mains d'une dynastie autonome. Son dirigeant Zipoitès survit à la période des Diadoques en dépit de pertes territoriales, et prend le titre royal. Malgré de nombreux troubles dynastiques, le royaume se maintient en changeant ses alliances. La [[Mysie]] est l'objet de ses convoitises, contrecarrées par l'expansion de Pergame, soutenue par Rome qui intervient de plus en plus dans les troubles successoraux bithyniens. Une fois le royaume de Pergame annexé par Rome, le Pont devient son principal rival, ce qui entraîne sa dévastation lors de la première guerre mithridatique. Son dernier roi lègue la Bithynie à Rome en 74, et elle devient une province romaine l'année suivante{{sfn|Baslez et al.|id=BAS|2003|p=303-305}}. Le [[Royaume du Pont|Pont]] était quant à lui devenu indépendant au début du {{-s|III|e}} sous la direction d'une dynastie de rois d'origine perse hellénisés, et étend également son influence sur les cités grecques et régions voisines, atteignant son apogée sous [[Mithridate VI]], dernier rival de Rome en Anatolie{{sfn|Grandjean|Hoffmann|Capdetrey|Carrez-Maratray|2017|p=220-221}}. À l'intérieur, la [[Galatie]] est dominée par des groupes celtes qui s'y installent à partir des années 270, peu structurées politiquement, qui se manifestent par leur propension à piller les régions voisines. Les [[Galates]] subissent deux défaites majeures face à [[Attale Ier|Attale {{Ier}}]] de Pergame en 230 et les légions romaines de [[Cnaeus Manlius Vulso]] en 189. Ils sont dès lors des alliés fidèles de Rome, y compris pendant les guerres mithridatiques<ref name=galates>{{en}} William Moir Calder et Stephen Mitchell, « Galatia », dans {{harvsp|id=OCD|OCD|2012|p=599-600}}.</ref>. Plus à l'est, la [[Cappadoce]] est une région montagneuse difficile d'accès, qui est au début de la période convoitée par [[Eumène de Cardia]], un des compagnons d'Alexandre, mais qui reste entre les mains d'une dynastie d'origine iranienne, les descendants d'Ariarathe, qui prend le titre royal après avoir repoussé les Séleucides. Son histoire est mal connue et marquée par de nombreuses vicissitudes caractéristiques de la vie politique et militaire de l'Anatolie hellénistiques. Vers la fin du {{-s|II}} Rome y installe une nouvelle dynastie, dont le premier roi est Ariobazane, pour faire face à Mithridate du Pont. Le royaume devient dès lors un client des Romains{{sfn|Baslez et al.|id=BAS|2003|p=303-305}}. Plus à l'est les [[Orontides]] de [[Commagène]] sont également des Perses hellénisés, profitant de la fragilisation des [[Séleucides]] pour se rendre indépendants, dont la fidélité à Rome assure une longévité inhabituelle puisqu'ils survivent jusqu'en 72 de notre ère{{sfn|Grandjean|Hoffmann|Capdetrey|Carrez-Maratray|2017|p=222-224}}. Cette dynastie hellénisée réalise une synthèse culturelle mêlant éléments grecs et iraniens, visible en particulier sur le site de [[Nemrut Dağı]] créant une identité mixte propre, servant le pouvoir royal{{sfn|Étienne|Müller|Prost|2014|p=301-304}}.
 
[[Fichier:Maps of the Armenian_Empire of Tigranes-fr.svg|thumb|left|L'Arménie sous {{noble-|Tigrane II}}.]]
 
Encore plus à l'est, au sud du Caucase, se développe le royaume d'[[royaume d'Arménie|Arménie]], dont l'histoire reste obscure jusqu'au règne de [[Tigrane II]] (96-55 av. J.-C., qui profite de la période de disparition des Séleucides et de mise en place de la rivalité romano-parthe pour tenter de s'imposer. Il rencontre un temps des succès, constituant un royaume qui s'étend en Cappadoce, en [[Cilicie]], en [[Atropatène]], en Haute-Mésopotamie, et en Syrie jusqu'à Antioche. Son alliance à Mithridate VI du Pont lui attire l'hostilité des Romains, Pompée le réduisant au statut de vassal. Tigrane est un roi hellénisé qui entretient des artistes grecs à sa cour. Mais il dispose d'un nom iranien, prend le titre perse de « Roi des rois », et son administration écrit en araméen d'empire comme les Achéménides avant lui. La religion associe divinités mazdéennes et grecques. Le fils et successeur de Tigrane, [[Artavazde II]], est déporté en Égypte et exécuté sur ordre de Marc-Antoine en 34, mais la dynastie semble avoir survécu quelque temps encore<ref>Nina Garsoïan, « Arménie », dans {{harvsp|id=Leclant|Leclant|2005|p=230-231}}.</ref>.
 
==== Aspects culturels ====
[[Fichier:Head and left hand from a bronze cult statue of Anahita, a local goddess shown here in the guide of Aphrodite, 200-100 BC, British Museum (8167370318).jpg|thumb|« [[Statue d'Anahit|Aphrodite de Satala]] », couramment interprétée comme une représentation de la déesse iranienne [[Anahita]] sous un aspect grec. Sadak (Turquie orientale), {{-sp|II|-|I}} [[British Museum]].]]
 
L'Anatolie hellénistique est donc une mosaïque culturelle qui en a fait un domaine d'étude privilégié pour les questionnements liés à l'hellénisation. On y trouve des populations hellénophones, quelques iranophones, aussi des Thraces, et beaucoup d'autres parlant des langues indo-européennes et implantées dans la région bien avant la période ([[louvite]], [[lycien]], [[lydien]], etc.), ainsi que des communautés juives s'implantent dans des cités. La documentation épigraphique est essentiellement grecque, ce qui crée donc un biais, et certaines régions très isolées et peu hellénisées ([[Cilicie]] trachée, [[Galatie]], [[Lycaonie]]) sont très peu connues. Les cités et les fondations de cités sont des éléments essentiels de la diffusion de la culture grecque, dont l'influence se retrouve jusque dans des endroits reculés, et dans les royaumes qui ne sont pas dirigés par des dynasties d'origine grecque comme la [[Bithynie]], le [[Pont]] ou la [[Cappadoce]]. Mais les traditions locales sont également tenaces, ce qui est surtout attesté par l'importance des divinités anatoliennes dont certaines conservent leur nom ([[Cybèle]], [[Kakasbos]], Ma), tandis que d'autres reçoivent un nom grec tout en préservant leur identité propre ([[Zeus]] de [[Labranda]]). Quant à l'influence iranienne, illustrée notamment par la présence de lieux de culte à [[Anahita]], elle semble disparaître à l'ouest après la fin de la domination achéménide, mais se maintenir au moins partiellement plus à l'est{{sfn|Clancier|Coloru|Gorre|2017|p=241-246}}.
 
=== Égypte ===
{{Article détaillé|Royaume lagide}}
 
==== Formation et organisation du royaume lagide ====
 
[[Fichier:Ptolemaic Kingdom III-II century BC - en.svg|thumb|Le royaume lagide aux {{-sp|III|-|II}}]]
[[Fichier:Ptolemy I Soter Louvre Ma849.jpg|thumb|left|Buste de {{monarque|Ptolémée|Ier}}, [[Musée du Louvre]].]]
 
L'[[Égypte]] est conquise par Alexandre à la fin de l'année 332, et il repart dès le printemps suivant. [[Ptolémée Ier|Ptolémée {{Ier}}]] devient satrape d’Égypte après la mort du conquérant. Il devient ensuite roi, fondateur de la dynastie des [[Lagides]] (du nom de son père Lagos). Ses successeurs portent tous le même nom (on parle aussi de « dynastie des Ptolémées »). À la tête d'un pays prospère, cohérent et bien défendu, durant les guerres des Diadoques Ptolémée Ier utilise ses moyens pour s'étendre en Cyrénaïque, au Levant, en Asie mineure et à Chypre. Grâce à leur puissance maritime (reposant en grande partie sur la possession de Chypre et de la Phénicie), ses successeurs peuvent jouer un rôle dans la vie politique de l’Égée durant le {{-s|III}}, dominant les [[Cyclades]] et plusieurs cités côtières en Asie mineure et jusqu'en Thrace{{sfn|Martinez-Sève|2017|p=58-59}}.
 
Comme les autres monarchies hellénistiques c'est un royaume centralisé autour de la figure royale, avec ses proches. Les rois ont pour particularité de pratiquer l'inceste royal. L'histoire du royaume est émaillée de nombreuses rivalités, assassinats et conflits entre rois, reines, princes et princesses (qui sont souvent mari et femme). La puissance des Lagides repose avant tout sur la domination de la vallée du Nil, qui donne une cohérence territoriale à leur royaume que n'ont pas les autres grandes puissances hellénistiques. Les structures administratives égyptiennes traditionnelles, les [[nome]]s, sont reprises, la base étant constituée de villages et de villes, tandis que les sanctuaires égyptiens constituent un important pôle d'autorité avec lequel les rois doivent compter. Il n'y a guère que trois cités grecques, [[Alexandrie]], [[Naucratis]] et [[Ptolémaïs (Égypte)|Ptolémaïs]], dont les institutions civiques ont sans doute peu de latitude en raison du contrôle royal. L'exercice du pouvoir est en effet très hiérarchisé et centralisé. Des garnisons, constituées en grande partie de mercenaires et de colons militaires (clérouques), assurent la sécurité et le contrôle du territoire. Le grec devient progressivement la langue de l'administration, qui est donc contrôlée par des personnes d'origine grecque ou des égyptiens hellénisés<ref name=ocd492>{{en}} D. J. Thompson, « Egypt, Ptolemaic », dans {{harvsp|id=OCD|OCD|2012|p=492}}.</ref>{{,}}{{sfn|Étienne|Müller|Prost|2014|p=241-246}}{{,}}{{sfn|Martinez-Sève|2017|p=60-61}}.
 
[[Fichier:Papiro con capo distretto Maimachos che informa zenone sull'assegnazione dei terreni da pascolo, PSI IV 361, philadelphia (grecia), 7 dic. 251 ac..JPG|thumb|Papyrus des archives de Zénon de Caunos, v. 251 av. J.-C. [[Bibliothèque Laurentienne]].]]
 
L'économie lagide bénéficie des riches terres agricoles de la vallée du Nil, qui en font un grenier à blé du monde méditerranéen, exportant notamment vers les cités égéennes et jusque dans le [[Bosphore cimmérien]]. Le [[Oasis du Fayoum|Fayoum]], vaste oasis située à l'ouest du Nil, est aménagée et devient une autre zone de culture importante, dont l'activité est documentée par les archives de [[Zénon de Caunos]] qui en font la région la mieux connue de l’Égypte lagide. Sa mise en valeur s'accompagne de la fondation de nouveaux villages qui comprennent des Grecs, mais aussi des Thraces, des Juifs, des Syriens, se mêlant à la population égyptienne déjà présente, qui en font une région de rencontre de différentes cultures{{sfn|id=DAN|Dana et al.|2022|p=546-548}}. Les domaines royaux fournissent des revenus considérables, qui sont complétés par la fiscalité, reposant sur une bureaucratie effectuant des travaux de recensement et de cadastrage, des banques royales et l'affermage de certains prélèvements. Alexandrie sert de point de collecte de ses différentes richesses, qui peuvent ensuite être redistribuées et commercialisées hors du royaume<ref name=ocd492/>{{,}}{{sfn|Martinez-Sève|2017|p=62-63}}.
 
==== Alexandrie ====
 
{{Article détaillé|Histoire d'Alexandrie à l'époque hellénistique}}
 
[[Alexandrie]] bénéficie largement du développement de la monarchie lagide, qui y concentre une part substantielle des richesses qu'elle prélève sur le royaume afin d'assurer son train de vie et d'embellir la cité, qui devient un instrument du prestige royal. Un grand palais y est érigé, le culte royal y occupe une place centrale, avec la grande fête des Ptolémaia. Les fouilles apportent néanmoins peu d'informations sur l'organisation de la cité, en raison de l'occupation moderne, et sa physionomie est reconstituée par les textes : elle dispose d'un puissant rempart, de divers monuments politiques et religieux (dont le temple de [[Sérapis]], [[Sérapéum d'Alexandrie|Sérapéum]]), et du Phare d'Alexandrie, passé à la postérité comme une merveille du monde. C'est un pôle commercial de premier plan, disposant d'un port très actif, de marchés, de banques, et du seul atelier monétaire du royaume. C'est une ville cosmopolite, dominée par une élite grecque et hellénisée, ainsi que des Égyptiens et des étrangers, dont une importante communauté juive, atteignant peut-être le demi-million d'habitants. C'est enfin une capitale culturelle du monde hellénistique, attirant des artistes et des savants de renom. La Bibliothèque d'Alexandrie est un lieu d'études sans équivalent pour l'époque{{sfn|Baslez et al.|id=BAS|2003|p=287-301}}{{,}}{{sfn|Martinez-Sève|2017|p=66-67}}.
 
<gallery mode="packed">
Plan Alexandrie (Ptolémées).svg|Plan d'[[Alexandrie]] à l'époque hellénistique.
PHAROS2013-3000x2250.jpg|Proposition de reconstitution du [[phare d'Alexandrie]].
The Serapeum of Alexandria (X).jpg|Vestiges du [[Sérapéum d'Alexandrie]].
</gallery>
 
==== Grecs et Égyptiens ====
 
[[Fichier:Rosetta Stone - front face - corrected image.jpg|thumb|La [[pierre de Rosette]], inscription trilingue grec-démotique-hiéroglyphes comprenant un décret de [[Ptolémée V]]. 196 av. J.-C. [[British Museum]].]]
[[Fichier:Edfu Tempel 42 Entzerrversuch.jpg|thumb|left|{{noble|Ptolémée VIII}} en tenue de [[pharaon]], entre les déesses [[Ouadjet]] et [[Nekhbet]], symbolisant respectivement la Basse- et la Haute-Égypte. [[temple d'Horus (Edfou)|Temple d'Horus]] à [[Edfou]].]]
 
Les rois lagides se présentent à leurs sujets égyptiens comme les successeurs des pharaons se faisant représenter à leur manière dans des temples, même si personne n'est dupe sur leur origine étrangère et le fait qu'ils se considèrent fondamentalement comme gréco-macédoniens. Leur royaume préserve une partie de l'héritage pharaonique, en particulier l'importance des temples, qui sont fondamentaux pour la continuité des traditions autochtones. Dans les premiers temps de la domination lagide les sanctuaires et leur élite cléricale sont largement livrés à eux-mêmes, constituant une administration parallèle à celle du pouvoir royal. Mais ce dernier va les intégrer progressivement. [[Ptolémée II]] décide dans les années 260 de regrouper les clergés égyptiens en un seul corps politique géré par des synodes qui prennent des décrets avalisées par le roi. Les Lagides veillent à ceux que les temples aient les moyens de bien fonctionner, tout en les contrôlant par le biais de ses agents. Dans la partie nord du royaume les sanctuaires semblent perdre en influence, alors que ceux du sud se maintiennent, appuyés par un pouvoir économique encore conséquent. Sous le règne de [[Ptolémée V]] (204-181) une révolte embrase la région de Thèbes, cherchant à y rétablir un pouvoir pharaonique, mais pas forcément une lutte ethnique/culturelle entre Égyptiens et Grecs puisqu'elle est condamnée par le synode sacerdotal égyptien. Après sa répression, l'administration royale consolide son emprise sur les temples de cette région, par le biais de garnisons et l'appui d'une nouvelle élite comprenant des Égyptiens fidèles au pouvoir lagide et plus hellénisés que les autres, l'écriture du grec progressant face au démotique (alors que la population est majoritairement non hellénophone). Les sanctuaires se voient cantonnés à leurs fonctions religieuses et les charges principales y sont monopolisées par les agents royaux<ref>{{Ouvrage | langue=fr | prénom1=Damien | nom1=Agut | prénom2=Juan Carlos | nom2=Moreno-Garcia | titre=L'Égypte des pharaons | sous-titre=De Narmer à Dioclétien | lieu=Paris | éditeur=[[Belin éditeur|Belin]] | collection=Mondes anciens | année=2016 | passage=679-725}}.</ref>.
 
[[Fichier:Seraphis couronne.png|thumb|left|Couronne surplombée de Sérapis. Musée d'Alexandrie.]]
 
L’Égypte lagide occupe une position centrale dans les questionnements sur la nature de la domination grecque, les relations Grecs/Indigènes et l'hellénisation. Les rapports entre les deux groupes sont difficiles à cerner, même la part de la population « grecque » dans l'ensemble est impossible à évaluer avec précision : les estimations varient entre 10 et 20 %, surtout dans le Delta autour d'[[Alexandrie]] et du [[Oasis du Fayoum|Fayoum]], peu nombreuse ailleurs en dehors des centres administratifs, notamment en Haute Égypte ; en sachant qu'il y a aussi autour de 3 % d'individus juifs, surtout à Alexandrie. Cette société a pu être qualifiée de coloniale comme de multiculturelle. Il y a eu des mariages mixtes (attestés par les papyrus du Fayoum), des transferts culturels au moins au niveau des populations humbles, et comme ailleurs au fil du temps les limites entre Grec et Égyptien ont dû perdre en pertinence. Dans le domaine des innovations religieuses, la plus notable est la création de [[Sérapis]], dieu gréco-égyptien créé à partir de la figure d'[[Osiris]]-[[Apis]] mais avec une apparence et un culte marqué par les traditions grecques. Se remarque aussi un attrait de certains Grecs pour les coutumes funéraires égyptiennes. Les temples égyptiens restent des conservatoires de la culture locale mais leur élite est de plus en plus hellénisée. Le prêtre [[Manéthon]] rédige ses ''[[Ægyptiaca]]'' au début du {{-s|III}} afin de présenter l'histoire ancienne du pays à ses nouveaux maîtres. De leur côté les élites grecques semblent avoir porté peu d'intérêt aux traditions locales, jusqu'aux rois qui n'ont probablement jamais parlé la langue égyptienne, à la possible exception de [[Cléopâtre VII]]<ref>Jean-Yves Carrez-Maratray, « Grecs en Égypte », dans {{harvsp|id=Leclant|Leclant|2005|p=1005-1006}}.</ref>{{,}}{{sfn|Clancier|Coloru|Gorre|2017|p=252-258}}.
 
==== Le judaïsme alexandrin ====
{{Article détaillé|Histoire des Juifs de l'Égypte hellénistique et romaine}}
 
==== Cyrénaïque ====
 
La [[Cyrénaïque]], région colonisée par les Grecs dès la fin du {{-s|VII}} et devenue une contrée prospère grâce à ses richesses agricoles, connaît une période trouble marquée par des coups de force et tentatives d'autonomisation au début de l'époque hellénistique. Elle se relève sous la direction de Magas, beau-fils de Ptolémée, au début du {{-s|III}}, puis retourne définitivement sous domination lagide par le mariage de la fille de ce dernier, [[Bérénice II]], avec [[Ptolémée III]]. La principale cité de la région, [[Cyrène]], redevient prospère, qui donne notamment naissance à [[Callimaque]] et [[Ératosthène]], qui font carrière à Alexandrie. Les autres cités grecques de la région bénéficient également des générosités royales, étant refondées et renommées du nom de membres de la famille lagide : [[Benghazi|Euhespérides]] devient Berenice, [[Tocra|Taucheira]] devient Arsinoé, [[Barqa (Libye)|Barca]] devient Ptolémaïs. Les relations entre cette région et l’Égypte sont marquées par des mouvements de personnes dans les deux sens, notamment des colons venus d’Égypte<ref>André Laronde, « Cyrénaïque », dans {{harvsp|id=Leclant|Leclant|2005|p=610-611}}.</ref>{{,}}<ref>{{en}} Joyce Reynolds, « Cyrene », dans {{harvsp|id=OCD|OCD|2012|p=405-406}}</ref>{{,}}{{sfn|id=DAN|Dana et al.|2022|p=546}}.
 
==== Le déclin du royaume lagide ====
 
Après les années 220 la puissance lagide perd de son importance à l'extérieur : les Séleucides les chassent du Levant durant les dernières guerres syriennes, ainsi que d'Asie mineure, puis ils perdent progressivement toute influence dans le monde égéen dans la première moitié du {{-s|II}} En Égypte même, des révoltes secouent le royaume, notamment dans la région de Thèbes qui résiste plus à l'autorité lagide{{sfn|Martinez-Sève|2017|p=64}}. Des conflits au sein de la famille royale affaiblissent son autorité. Un cas extrême est la vie très mouvementée de [[Cléopâtre II]] (v. 185-102), qui épouse son frère [[Ptolémée VI]] (v. 186-145), lui donne quatre enfants, avant d'épouser à la mort de son premier mari-frère son autre frère [[Ptolémée VIII]] (v. 182-116) qui lui donne un autre fils, [[Ptolémée Memphites]], puis fait assassiner son fils aîné (et héritier présomptif) [[Ptolémée VII]] tout en prenant pour seconde épouse sa fille [[Cléopâtre III]] (V. 160-101) ; après quelques années elle entre en conflit avec son frère, qui fait assassiner leur fils, et après plusieurs années de guerre ils se réconcilient{{sfn|Chaniotis|2018|p=204-205}}.
 
Le royaume lagide s'affaiblit progressivement et devient un protectorat romain au début du {{-s|II}} Ptolémée XII parvient à préserver l'intégrité du royaume en corrompant les dirigeants romains, mais perd Chypre et la Cyrénaïque. Sa fille Cléopatre VII tente de tirer parti des guerres civiles romaines mais ne parvient pas à sauver le royaume. Son suicide en 30 marque la fin de sa dynastie{{sfn|Martinez-Sève|2017|p=65}}.
 
=== L'Orient hellénistique ===
 
==== Royaume séleucide ====
{{Article détaillé|Séleucides}}
 
[[Fichier:Seleucid_Empire_alternative_map.jpg|thumb|Le royaume séleucide à son extension maximale vers 281 av. J.-C.]]
 
Le Levant, une partie de l'Anatolie, la Mésopotamie et l'Iran sont le domaine des [[Séleucides]], dynastie fondée par {{monarque|Séleucos|Ier}}, qui est la plus marquée par l'héritage institutionnel et politique [[Achéménides|achéménide]], repose en bonne partie sur les richesses de la Babylonie, aussi sur la Syrie du nord où se trouve le cœur du royaume. Les Séleucides emploient à leur tour une politique active de colonisation et de fondation de garnisons et de cités grecques. Les successeurs de Séleucos sont néanmoins rapidement confrontés au défi du maintien de l'intégrité d'un royaume extrêmement étendu et cerné de puissances rivales. Leur domination sur le Levant est menacée par les [[Royaume lagide|Lagides]] jusqu'à la fin du {{-s|III|e}} ([[guerres de Syrie]]). L'autonomie large acquise par certains gouverneurs éloignés du pouvoir central fragilisent encore plus l'édifice séleucide. Le royaume se morcelle sur ses extrémités dès la fin du {{-s|IV|e}} avec la perte de l'Indus au profit des rois indiens de l'[[empire Maurya]]. Après le milieu du {{-s|III|e}} c'est la [[Bactriane]] et la Parthie qui sont perdues, ainsi que l'Asie Mineure où la place est laissée à des dynasties locales{{sfn|Martinez-Sève|2017|p=39-40}}.
 
Comme les autres grandes monarchies hellénistiques, le royaume séleucide repose sur la personne du roi, entouré de ses fidèles, un schéma qui reprend aussi le fonctionnement de la cour achéménide. L'élite est majoritairement d'origine gréco-macédonienne, souvent des cités d'Asie Mineure. Sa richesse repose sur des domaines hérités de l'empire achéménide ou acquis par droit de conquête. Le royaume reprend des Achéménides la structuration en vastes provinces, les satrapies, confiées à un satrape/stratège qui est chargé de prélever des ressources, organiser les garnisons, surveiller les communautés locales. La présence de garnisons est essentielle pour assurer l'intégrité du royaume. Les circonscriptions locales sont de nature variée : cités grecques plus ou moins autonomes, districts agricoles et/ou militaires contrôlés par l'administration royale, communautés indigènes, et il faut aussi compter sur le rôle des sanctuaires. Les relations entre les rois et les pouvoirs locaux sont marquées par la négociation, l'autorité royale cherchant à masquer ses aspects les plus contraignants tout en tenant à être incontestée{{sfn|Martinez-Sève|2017|p=46-47}}. En particulier, la Syrie du Nord est remodelée par le pouvoir séleucide qui entend en faire son centre, autour de la « [[Tétrapole syrienne|Tétrapole]] », quatre cités fondées par Séleucos pour servir de centres de pouvoir ([[Zeugma (cité antique)|Séleucie de l'Euphrate]], [[Apamée (Mésopotamie)|Apamée de l'Euphrate]], [[Antioche]], [[Lattaquié|Laodicée-sur-Mer]]), et d'anciennes métropoles syriennes (Alep, Karkemish) qui font l'objet de refondations. Cette politique permet notamment de fixer la population gréco-macédonienne et récompenser les soldats en les dotant de terres. L'autre pôle du royaume, la Babylonie, fait l'objet de différentes fondations et refondations servant également à marquer l'emprise séleucide sur des territoires où l'élément gréco-macédonien reste minoritaire, la plus importante étant la création de [[Séleucie du Tigre]] qui est une autre résidence royale. Entre les deux, le Moyen-Euphrate a vu l'érection de villes de garnison, comme [[Jebel Khalid]] et [[Doura Europos]]{{sfn|Clancier|Coloru|Gorre|2017|p=162-166}}.
[[Fichier:Antiochos IV Epiphanes.jpg|thumb|left|Monnaie à l'effigie d'[[Antiochos IV]].]]
[[Fichier:Syria_in_124_BC.png|thumb|Le royaume séleucide vers 125.]]
 
[[Antiochos III]] (222-187) est constamment en campagne pour reprendre les territoires perdus et étendre le royaume dans toutes les directions. Malgré d'indéniables succès durant l'« [[Anabase d'Antiochos III|Anabase]] » en Haute Asie, il ne parvient pas à pérenniser ses acquis, et son règne s'achève peu après sa [[Guerre antiochique|défaite face à Rome]] et la [[paix d'Apamée]] de 188 qui marque son renoncement à dominer l'Asie Mineure{{sfn|Martinez-Sève|2017|p=45}}. Après la paix d'Apamée la décomposition du royaume séleucide s'accélère. [[Antiochos IV]] (175-164) ne parvient pas à inverser la tendance en raison de l'influence croissante de Rome à l'ouest, qui lui empêche de s'emparer de l’Égypte. Après sa mort des troubles dynastiques accélèrent l'affaiblissement du royaume. En Judée, la [[révolte des Maccabées]] se solde par la perte du Levant méridional dans les années 140-130. Sur la frontière orientale, les [[Empire parthe|Parthes]], enlèvent progressivement aux Séleucides les territoires iraniens, déjà marqués par de fortes tendances sécessionnistes, puis la [[Babylonie tardive|Babylonie]] en 141 {{av JC}}, initiant une série de conflits qui se concluent par la perte définitive de cette riche région au début du {{-s|I|er}} Alors que les Séleucides ne règnent plus que sur la Syrie, [[Tigrane II]] d'[[Arménie]] parvient à faire passer cette région sous son contrôle. Les Romains le défont et rétablissent les Séleucides, mais il ne s'agit que d'un sursis de courte durée puisque le royaume se rétrécit peu à peu et finit annexé par Rome en 63 à la suite d'une décision de [[Pompée]]{{sfn|Martinez-Sève|2017|p=50-51}}.
 
==== Chypre ====
[[Fichier:Jug greek cyprosyllabic Kafizin BM.jpg|thumb|Jarre avec une inscription bilingue [[alphabet grec]]-[[syllabaire chypriote]], dédicacée aux [[Nymphe]]s par un dénommé Onésagoras. Kafizin (Chypre), v. 225-175 av. J.-C. [[British Museum]].]]
 
Chypre est au début de la période hellénistique une île divisée en plusieurs royaumes dirigés par des dynasties grecques/hellénisées et phéniciennes. Il s'agit en effet depuis l'âge du bronze d'une terre de contacts et de métissages entre Levant, Anatolie et monde égéen, avec aussi une composante autochtone (parlant l'[[étéochypriote]]). Nicocréon le roi de Salamine se met au service d'Alexandre et joue un rôle à l'époque des [[Diadoques]], jusqu'à sa mort en 310. Chypre est ensuite disputée entre [[Ptolémée]] et [[Démétrios Poliorcète]]. Le premier s'impose définitivement en 294, et l'île devient dès lors une possession lagide. Elle occupe une place importante dans ce royaume en raison de sa situation stratégique. Il est courant que des princes héritiers soient placés à la tête de Chypre pour apprendre à gouverner, autrement elle est sous la direction d'un stratège qui a un pouvoir politique, militaire et religieux, dont le centre du pouvoir est à [[Parc archéologique de Paphos|Néa Paphos]]. Durant les luttes dynastiques l'île sert à plusieurs reprises de refuge pour des prétendants contraints à l'exil{{sfn|Baslez et al.|id=BAS|2003|p=305-305}}{{,}}{{sfn|id=DAN|Dana et al.|2022|p=545}}.
 
Chypre est aussi d'un grand intérêt stratégique pour les Lagides puisqu'elle dispose d'importantes mines de cuivre, sans doute placées sous un monopole royal, ainsi qu'une tradition dans la construction de bateaux et la navigation. La domination de l'île s'appuie sur une administration grecque qui s'efforce à effacer les divisions territoriales antérieures pour mettre en place un régime « colonial », qui s'accompagne aussi du développement d'institutions civiques démocratiques, avec leurs bâtiments caractéristiques de type grec, auxquelles une certaine marge d'autonomie interne est laissée. Le gouverneur local contrôle les bases navales et une flotte puissante, des mercenaires reçoivent des terres. L'introduction de divinités gréco-égyptiennes ainsi que du culte royal viennent apporter des changements au fonds religieux bigarré de l'île, qui mêle traditions levantines et grecques. Tout cela favorise l'hellénisation et l'uniformisation culturelle de Chypre, sans besoin d'une politique volontariste. L'alphabet phénicien et le syllabaire étéocypriote disparaissent, Chypre devenant manifestement une terre exclusivement de langue grecque, certes avec des variantes dialectales<ref>{{en}} Maria Iacovou, « Greeks on the Island of Cyprus: “At home” on the Frontiers », dans {{harvsp|id=ABR|De Angelis (dir.)|2022|p=262-265}}.</ref>.
 
==== Phénicie ====
 
La [[Phénicie]] est soumise par les troupes d'[[Alexandre le Grand]] en 333-332, [[Tyr]] étant la cité qui résiste le plus, ne se rendant qu'après un siège de sept mois qui implique la construction d'une jetée qui relie le continent où se trouvent les assaillants à l'île sur laquelle est érigée la ville. Elle se relève vite de cette défaite et redevient une cité marchande dynamique. La région est ensuite disputée entre [[Séleucides]] et [[Lagides]] lors des guerres de Syrie, en raison de son emplacement stratégique et de son importance dans les échanges commerciaux, notamment maritimes.
 
Il semble indéniable que les cités phéniciennes ont été très perméables à la culture hellénistique, mais l'ampleur de l'impact de celle-ci en Phénicie est assez difficile à déterminer. Les habitants de cette région, habitués à commercer et à s'implanter au loin, sont depuis très longtemps accoutumés à s'approprier et à repenser des éléments issus de cultures voisines (notamment l’Égypte). Leurs interactions avec les Grecs ont déjà plusieurs siècles derrière elles au moment de la conquête de la Phénicie par Alexandre, donc une connaissance de la culture grecque si ce n'est des emprunts à celle-ci existent déjà. Les sources sur le sujet sont lacunaires, en particulier la littérature phénicienne qui a totalement disparu et laisse la place à la seule littérature grecque, ce qui tend à conforter l'idée d'une hellénisation profonde de la région. On connaît comme ailleurs des exemples de personnes de l'élite des cités phéniciennes adoptant des noms grecs, parlant grec, allant au gymnase, certains participant même à des concours panhelléniques, ce qui contribue manifestement à leur prestige et leur succès dans un monde dominé par des Grecs qui les associent à la gestion du pouvoir. La langue grecque supplante progressivement le phénicien dans les villes (mais sans doute moins dans les campagnes). La religion illustre la complexité du processus et la créativité à l’œuvre, qui ne voit pas la culture phénicienne se faire submerger par la culture hellénistique mais plutôt des pratiques de négociation/accommodation/métissage : les cultes de quelques divinités grecques sont implantés en Phénicie, sans pour autant supplanter les divinités locales (pour cette période, le site d'[[Oum el-Amed]] montre un lieu de culte où l'influence grecque est limitée), les Grecs « interprètent » ces dernières en leur donnant le nom de la divinité grecque qu'ils estiment la plus similaire, des éléments de l'iconographie grecque peuvent être adoptés<ref>{{Chapitre|langue=fr | prénom1= Marie-Françoise | nom1= Baslez|lien auteur1=Marie-Françoise Baslez | prénom2= Françoise| nom2 = Briquel-Chatonnet|lien auteur2=Françoise Briquel-Chatonnet | titre = Les Phéniciens dans les royaumes hellénistiques d'Orient (323-55)| titre ouvrage = L'Orient méditerranéen de la mort d'Alexandre au {{s-|I}} avant notre ère. Anatolie, Chypre, Égypte, Syrie | auteurs ouvrage= Marie-Thérèse Le Dinahet (dir.) | lieu= Nantes |éditeur= Éditions du Temps |année= 2003|passage= 197-212}}.</ref>{{,}}<ref>{{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Corinne|nom1= Bonnet|prénom2= Élodie|nom2 = Guillon| prénom3= Fabio|nom3= Porzia|titre= Les Phéniciens|sous-titre= Une civilisation méditerranéenne|éditeur= Taillandier| collection=Texto| lieu= Paris|année= 2021|passage=90-94}}.</ref>{{,}}<ref>{{Chapitre| langue=en|auteur=Corinne Bonnet|titre=The Hellenistic Period and Hellenization in Phoenicia|auteurs ouvrage=Brian R. Doak et Carolina López-Ruiz (dir.) |titre ouvrage=The Oxford Handbook of the Phoenician and Punic Mediterranean|lieu=Oxford|éditeur=Oxford University Press|année=2019|passage=98-110}}.</ref>.
 
La Phénicie tombe sous la coupe des Romains en 64, lors de la création de la province de Syrie dans laquelle elle est intégrée, sans grande conséquence sur sa culture et sa prospérité.
 
==== Judée et Levant méridional ====
{{Article connexe|Période du Second Temple|Judaïsme hellénistique}}
 
[[Fichier:Qasr Al-Abd, Hellenistic palace dating from approximately 200 BC, Jordan (25414131268).jpg|thumb|left|Vue des vestiges du palais d'[[Iraq al-Amir]].]]
 
La [[Judée]] est soumise par Alexandre en 332 en même temps que le reste du Levant méridional, alors qu'il se rend en Égypte. Lors des conflits entre les Diadoques, elle tombe sous la coupe de Ptolémée, qui prend Jérusalem en 312 et déporte une partie de sa population ({{formatnum:100000}} personnes selon la [[Lettre d'Aristée]], chiffre probablement excessif) en Égypte et intègre des Judéens dans son armée. Ce pays est dominé par deux grandes entités : le temple de Jérusalem avec son grand prêtre et la riche et puissante famille hellénisée des [[Tobiades]], un temps associée aux Lagides et dont l'influence s'étend aussi en Transjordanie (un de leurs palais, mêlant influences grecques et perses, a été fouillé à [[Iraq al-Amir]] en Jordanie). Il est aussi marqué par ses relations plus ou moins houleuses avec le pays de [[Samarie]] au nord, très proche de lui culturellement, mais qui dispose au [[mont Gerizim]] d'un temple rival de celui de Jérusalem. La Palestine fait l'objet de nombreuses fondations de cités grecques, souvent dans des villes déjà existantes ([[Beït Shéan]] renommée Scythopolis){{sfn|Collins|2023|p=108-111}}.
 
[[Fichier:Hasmonean_kingdom.jpg|thumb|Carte du [[royaume hasmonéen]].]]
 
La région est disputée entre les Lagides et les Séleucides durant le {{-s|III}}, puis passe sous le contrôle des seconds en 198. En 175 [[Antiochos IV]] fait de Joshua, qui porte le nom grec de Jason, le nouveau grand prêtre, notamment en échange de la promesse de constituer une cité grecque à proximité de Jérusalem. Il entre ensuite en rivalité contre Ménélas, qui prend sa place de grand prêtre, ce qui provoque un conflit local qui motive l'intervention séleucide (par crainte d'une révolte dans un contexte de guerre contre l'Égypte) qui se solde par le sac et le pillage du grand temple, acte sacrilège aux yeux des Juifs. S'ensuit selon le ''[[Livre des Maccabées]]'' une répression et une politique de d'hellénisation forcée des Juifs (interdiction de la circoncision, suppression du sabbat et des fêtes traditionnelles juives, transformation du temple en lieu de culte pour Zeus). Cela provoque une révolte conduite par [[Judas Maccabée]] ([[révolte des Maccabées]]), issu d'une famille sacerdotale, puis ses fils, souvent présentée comme une réponse à une persécution religieuse et une politique d'acculturation forcée. Néanmoins il est peu probable qu'Antiochos (comme les autres rois hellénistiques) ait eu de telles intentions mais que les mesures prises s'inscrivent dans un processus de poliadisation classique, qui se heurte ici au fait qu'elles sont vues comme une menace pour l'identité locale avant tout en s'attaquant à sa religion. Ce n'est pas pour autant une révolte contre l'hellénisme, puisque les Maccabées ne sont pas fermés à cette culture. La révolte se prolonge pendant plusieurs décennies, l'affaiblissement des Séleucides offrant aux Maccabées l'occasion de triompher, de prendre le titre de grand prêtre, de rendre la Judée indépendante et fonder une nouvelle dynastie royale, les [[Hasmonéens]]{{sfn|Clancier|Coloru|Gorre|2017|p=66-68}}{{,}}<ref name=goff/>{{,}}<ref name=collins/>. La région de Samarie prend une direction opposée puisque le grand temple du mont Gerizim, détruit par les Lagides, semble bénéficier des faveurs des Séleucides qui s'en servent de relais local pour leur autorité. En tout cas il prospère sous leur règne et s'hellénise plus que celui de Jérusalem (son dieu est assimilé à [[Zeus]]), comme l'indiquent les nombreuses inscriptions en grec qui y ont été mises au jour{{sfn|id=DAN|Dana et al.|2022|p=373-374}}.
 
Les Hasmonéens prennent de nombreux aspects des monarchies hellénistiques, avec une hellénisation (le roi [[Aristobule Ier|Aristobule]] se surnomme « Philhellène »), jusqu'aux conflits familiaux pour le pouvoir, tout en conservant la charge de grand prêtre et suivant les traditions religieuses juives. Ils mènent une politique militaire expansionniste, qui s'accompagne de conversions forcées au [[Judaïsme]], avec la conquête du pays des Ituréens, de la [[Galilée (région)|Galilée]], et des villes de la côte. Du point de vue religieux, le Judaïsme de la période est marqué par une littérature de style apocalyptique (''[[Livre d'Hénoch]]'', ''[[Livre de Daniel]]'') et l'émergence de groupes religieux divergents évoqués par [[Flavius Josèphe]], les [[Pharisiens]], les [[Esséniens]] et les [[Sadducéens]]. Les [[Manuscrits de la mer Morte]] (probablement copiés et réunis par des Esséniens) s'inscrivent dans ce contexte intellectuel<ref name=goff>{{chapitre|langue=en |auteur= Matthew J. Goff| titre= The Hellenistic Period |auteurs ouvrage=Susan Niditch (dir.)|titre ouvrage = The Wiley Blackwell Companion to Ancient Israel| lieu = Malden, Oxford et Chichester| éditeur =Wiley Blackwell | année =2016|passage= 241-256}}</ref>{{,}}<ref name=collins>{{Chapitre|langue=en|prénom1=John J.|nom1=Collins|titre= The Hellenistic and Roman Era| auteurs ouvrage=Robert G. Hoyland et H. G. M Williamson (dir.)|titre ouvrage= The Oxford History of the Holy Land|éditeur=Oxford University Press|lieu=Oxford |année= 2023|passage=34-61| lire en ligne= https://academic.oup.com/book/45676/chapter-abstract/398059063}}.</ref>.
 
Les troubles dynastiques au sein de la famille hasmonéenne entraînent l'intervention de Pompée lorsqu'il soumet le Levant à l'autorité romaine en 66. Après un conflit sanglant, l'Hasmonéen Hyrcan II est laissé grand prêtre et dirigeant de la Judée placée sous protectorat romain, mais on lui joint l'Ituréen judaïsé Antipater, qui devient son rival pour le pouvoir. Le fils de ce dernier, Hérode, parvient à devenir roi{{sfn|Collins|2023|p=124-125}}.
 
Plus à l'intérieur se développe le royaume des [[Nabatéens]], des Arabes qui prospèrent grâce au commerce caravanier. Ils sont restés indépendants malgré une campagne d'[[Antiochos IV]] visant à les soumettre en 312, ainsi que des rapports changeants avec le royaume judéen, marqués par plusieurs conflits. Au {{-s|I|er}} leur royaume connaît un essor important, illustré par le développement de leur capitale, [[Pétra]] (''Reqem'' en nabatéen), dont le développement architectural est postérieur à l'époque hellénistique mais reprend divers éléments de l'architecture grecque. Les [[Nabatéens]] écrivent en araméen et vénèrent des divinités issues du fonds arabique, notamment [[Dusarès]]<ref>{{en}} J. F. Healey, « Nabataeans », dans {{harvsp|id=OCD|OCD|2012|p=994}}</ref>{{,}}<ref>Leila Nehmé, « Nabatéens », dans {{harvsp|id=Leclant|Leclant|2005|p=}}.</ref>.
 
==== Mésopotamie ====
{{Article détaillé|Babylonie tardive}}
[[Fichier:Basse Mesopotamie 1mil.png|thumb|Les principales villes de la Babylonie hellénistique et parthe.]]
 
La Mésopotamie est conquise par Alexandre après sa victoire contre les Perses à [[Gaugamèles]] en 331 et rentre triomphalement dans [[Babylone]], où il semble bien avoir été accueilli par les élites locales, liées au grand temple de la ville, dédié au dieu Bel-Marduk. Le conquérant meurt en 323 à Babylone, et la Babylonie échoit à Séleucos, qui ne parvient à contrôler la région que dans les années 311-309. Plutôt que de faire de Babylone une de ses capitales, il en fonde une plus au nord, à [[Séleucie du Tigre]], près la confluence du Tigre et de la Diyala, qui lui offre un accès plus aisé au plateau iranien. C'est une ville de [[plan hippodamien]] typiquement grec, même si sa culture matérielle présente aussi des éléments babyloniens, la ville étant apparemment peuplée en partie avec des autochtones qui y ont été déplacés. Elle devient vite une métropole et le principal lieu du pouvoir séleucide en Babylonie, alors que Babylone et son élite religieuse connaissent une forme de marginalisation{{sfn|Clancier|Coloru|Gorre|2017|p=18-19, 27-28 et 163-164}}<ref>{{Ouvrage | langue=en | prénom1=Paul-Alain | nom1=Beaulieu | titre=A History of Babylon, 2200 BC - AD 75 | lieu=Hoboken et Oxford | éditeur=[[Wiley-Blackwell]] | année=2018 | passage=259-261}}</ref>.
 
La [[Babylonie (sud de la Mésopotamie antique)|Babylonie]] n'en reste pas moins une possession primordiale pour les Séleucides, car c'est une contrée agricole riche et très urbanisée. D'une manière générale les villes babyloniennes gardent leurs propres institutions, encadrées par leurs sanctuaires (chaque ville ayant un temple majeur, dédié à sa divinité tutélaire) et leur clergé organisé en conseils locaux, sous la supervision des agents royaux. Mais il ne semble pas exister de ségrégation entre Grecs et Babyloniens comme cela a pu être proposé. La population de la Babylonie, aux origines diverses en raison des nombreux déplacements de populations qui ont eu lieu dans cette région depuis plusieurs siècles, parle alors majoritairement l'araméen et l'écrit sur des matériaux périssables (papyrus, peaux). L'administration séleucide emploie plus le grec. Le milieu des temples continue quant à lui à utiliser l'antique écriture cunéiforme, notant la langue babylonienne, principalement pour des textes savants. En plus de recopier d'anciens textes, les prêtres en font des nouveaux, notamment des chroniques historiques, des textes rituels et des textes historico-littéraires. Le clergé de Babylone produit en particulier de nouveaux textes qui visent à concilier la théologie de la ville et de son dieu [[Marduk]] (identifié à [[Zeus]] par les Grecs) avec la nouvelle domination gréco-macédonienne. Des inscriptions royales sont rédigées à la manière antique de Babylone pour le compte des rois séleucides, quand ils restaurent des temples locaux, ce qui est notamment documenté par le cylindre d'Antiochos qui commémore des travaux dans le temple de [[Borsippa]] dédié à [[Nabû]] (identifié à [[Apollon]]). En plus de Babylone, la documentation cunéiforme provient du site d'[[Uruk]], une des plus vénérables cités du sud de la région. Le sanctuaire local, dédié au dieu céleste Anu, connaît d'importants remaniements, dans la plus pure tradition babylonienne (avec la construction d'une [[ziggurat]], édifice à degrés supportant un temple). Une partie de l'élite locale s'hellénise : dans la famille qui semble dominer la vie politico-religieuse d'Uruk et superviser la reconstruction du sanctuaire, les descendants d'Ahutu, se développe en particulier l'habitude d'ajouter au nom babylonien un nom grec, Anu-uballit recevant le nom de Nikarchos, qui lui aurait été donné par le roi [[Antiochos II]], et son fils également nommé Anu-uballit porte celui de Kephalon, marié à une femme portant le seul nom grec Antiochis, ce qui pourrait être une union mixte au sein de l'élite. Mais au-delà des adoptions de noms grecs, sans doute motivés en bonne part par des visées politiques, et de tablettes gréco-babyloniennes transcrivant du babylonien en grec (et témoignant donc d'une pratique du grec par des Babyloniens), les sources cunéiformes semblent perméables à l'influence grecque et la culture matérielle témoigne peu d'influences grecques. Quelques érudits babyloniens s'hellénisent plus activement et écrivent en grec, à l'image du prêtre [[Bérose]] (dont les ''Babyloniaka'' synthétisent l'histoire babylonienne à l'intention d'un lectorat grec) et de l'astronome [[Séleucos de Séleucie]], mais dans l'ensemble se groupe poursuit ses propres traditions, en particulier l'[[astronomie mésopotamienne|astronomie-astrologie]] dans laquelle les prêtres babyloniens exercent une grande influence, qui se retrouve chez les savants grecs. Les Séleucides fondent après 188 quelques cités dans des villes plus anciennes, en premier lieu Babylone (où est construit un complexe avec un théâtre et un gymnase ou une agora) et peut-être aussi Uruk. Cela semble entraîner un affaissement de l'influence des temples{{sfn|Beaulieu|2018|p=261-266}}{{,}}{{sfn|Clancier|Coloru|Gorre|2017|p=171-176 et 229-241}}.
 
<gallery mode=packed>
Babylonian astronomical diary recording the death of Alexander the Great (British Museum).jpg|Rapport d'observation astronomique régulière daté de 323-322 av. J.-C., mentionnant la mort d'[[Alexandre le Grand]]. [[British Museum]].
Hellenistic King List BM 35603.jpg|Liste des rois [[séleucides]]. {{-s|II}}, [[Babylone]]. [[British Museum]].
Antiochus Cylinder.jpg|Cylindre d'[[Antiochos Ier|Antiochos {{Ier}}]] trouvé dans le temple de [[Nabû]] à [[Borsippa]]. [[British Museum]].
Griechischen Theater Babylon.png|Plan du théâtre hellénistique de [[Babylone]] et du bâtiment public attenant.
Bilingual tablet, Graeco-Babyloniaca, c. 50 BC to 50 AC - Harvard Semitic Museum - Cambridge, MA - DSC06159.jpg|Tablette « gréco-babylonienne » avec une face en [[grec ancien]], [[Semitic museum]] d'[[Université Harvard|Harvard]].
</gallery>
 
La situation de la [[Haute Mésopotamie|Djézireh]] et de l'ancienne [[Assyrie]] à cette époque est encore très mal connue, ces régions étant majoritairement rurales et peu peuplées. Le contrôle séleucide repose sur certaines villes devenues des cités grecques comme [[Nisibe]], refondée sous le nom d'Antioche de Mygdonie et [[Édesse (Osroène)|Édesse]] devenue Antioche de Callirhoé {{sfn|Clancier|Coloru|Gorre|2017|p=96}}.
 
La domination séleucide sur la Mésopotamie s'effrite progressivement après la mort d'[[Antiochos IV]] en 164, la région étant concernée par des révoltes qui secouent cet empire au milieu du {{-s|II}} Cela profite au roi parthe Mithridate Ier qui envahit la région en 141. S'ensuit une période de luttes entre Séleucides et Parthes, qui plongent la région dans le chaos. Profitant de l'opportunité, un gouverneur séleucide du nom d'Hyspaosinès fait sécession dans le sud de la Babylonie, établissant sa capitale à [[Charax]]. Il fonde le royaume de [[Characène]], mais échoue à dominer durablement Babylone (ses successeurs s'étendent dans la région du Golfe). Celle-ci subit également des assauts des Élyméens et de tribus arabes, et ce n'est qu'autour de 100 que la domination parthe se stabilise en Babylonie, les Séleucides ayant été évincés. La documentation cunéiforme se tarit à partir de cette période et disparaît au début de notre ère{{sfn|Beaulieu|2018|p=266-267}}{{,}}{{sfn|Clancier|Coloru|Gorre|2017|p=57-58}}. La Haute Mésopotamie devient au {{-s|I|er}} le lieu d'affrontement entre les tombeurs des Séleucides, les Romains et les Parthes. [[Édesse (Osroène)|Édesse]] est à partir de 132 la capitale d'un royaume indépendant, l'[[Osroène]], qui joue à partir de [[Pompée]] le rôle d'État-tampon entre les deux. C'est à proximité, à [[bataille de Carrhes|Carrhes]] ([[Harran]]), que les troupes parthes conduites par [[Suréna (général parthe)|Suréna]] infligent en 53 une cinglante défaite aux légions romaines de [[Crassus]].
 
==== Iran et golfe Persique ====
 
L'Iran est un domaine largement inconnu pour les Grecs, ce qui motive Séleucos à missionner des subordonnés afin d'acquérir des connaissances sur ces territoires pour mieux les administrer. Le principe de la division en satrapies et des routes royales reliant leurs principaux points de peuplement est repris de l'empire achéménide. La mise en place du contrôle séleucide s'appuie sur la fondation de nouvelles cités (Laodicée en Médie/[[Nehavend]], Antioche de Margiane près de [[Merv]], Antioche de Perside près de [[Bouchehr]], [[Aï Khanoum]] dont le nom antique est perdu), parfois des refondations à partir d'anciens centres du pouvoir achéménide ([[Suse (Iran)|Suse]], [[Ecbatane]], [[Bactres]]) et un ensemble de forteresses avec des garnisons. L'implantation de colons commence dès la conquête d'Alexandre et se poursuit durant le {{-s|III}} voire dans la première partie du suivant. Ces territoires sont peu urbanisés, notamment parce qu'ils sont situés en région montagneuse ou désertique, surtout constitués de villages, avec une forte composante nomade par endroits. Certains de ces peuples, notamment les [[Mèdes]], les [[Perses]] et les [[Élyméens]], fournissent des combattants appréciés des rois séleucides, notamment des cavaliers, des archers et des frondeurs. Le contrôle de ces vastes territoires impose une délégation forte des pouvoirs. Un général des « Hautes Satrapies » (celles situées à l'est de l'Euphrate) est institué en 294 pour mieux contrôler ces territoires, et confié à des princes ou à des proches du roi, deux d'entre eux, Molon et Timarque, tentant de faire sécession. De fait les forces centrifuges sont rapidement à l’œuvre dans les territoires iraniens, en raison de l'éloignement, mais aussi parce que certaines régions montagnardes isolées sont difficiles à contrôler, dans de nombreuses parties du [[Zagros]] comme l'Élymaïde (sans doute une résurgence de l'ancienne civilisation [[élam]]ite). Les rois séleucides sont donc contraints à de longues campagnes pour tenter de raffermir leur autorité sur les Hautes Satrapies<ref name=kosmin>{{chapitre|langue=en|prénom1=Paul J.|nom1= Kosmin|titre= Alexander the Great and the Seleucids in Iran| auteurs ouvrage=Daniel T. Potts (dir.)|titre ouvrage= The Oxford Handbook of Ancient Iran| lieu=Oxford| éditeur=Oxford University Press|année=2013|passage=678-686}}.</ref>{{,}}{{sfn|Clancier|Coloru|Gorre|2017|p=41-45}}.
 
Le contrôle de ces territoires repose sur un réseau de garnisons militaires dotées en terres agricoles, et parfois transformées en cités si leur implantation est un succès. Elle sont dominées par une élite grecque (ou du moins des personnes de nom grec) et les cités sont dotées des institutions civiques caractéristiques de la période. L'hellénisation est surtout visible en Médie (autour d'[[Ecbatane]]) et en [[Susiane]]. [[Suse (Iran)|Suse]], ancienne capitale perse devenue une cité grecque sous le nom de Séleucie de l'Eulaios, a ainsi livré diverses inscriptions documentant une présence grecque notable et vie civique active, ainsi que la présence de représentants du pouvoir royal, d'une garnison et de domaines royaux. Mais la ville comprend aussi des gens de nom iranien voire babylonien, brouillant comme ailleurs les limites ethniques. Des divinités grecques sont introduites dans ces régions, notamment [[Héraclès]] qui connaît un succès notable. Les cultes iraniens continuent de rester actifs et certains reçoivent un soutien royal à l'image du sanctuaire d'[[Anahita]] d'Ecbatane<ref name=kosmin/>{{,}}{{sfn|Clancier|Coloru|Gorre|2017|p=248}}{{,}}<ref name=rougemont/>{{,}}<ref name=helliranica>{{Lien web| langue=en|auteur= Laurianne Martinez-Sève| titre=Hellenism| url= https://www.iranicaonline.org/articles/hellenism|site =Encyclopaedia Iranica Online| date=2003|consulté le=29 juin 2024}}.</ref>.
 
[[Fichier:KINGS of PERSIS. Baydād (Bagadat). Early 3rd century BC.jpg|thumb|left|Monnaie de Bagadatès, premier roi des Frataraka, {{-s|III}}]]
 
En plus de la [[Bactriane]] (voir plus bas), les Séleucides perdent peu après le milieu du {{-s|III}} la satrapie de [[Parthie]], située à l'est de la [[Caspienne]], qui passe sous la domination d'un groupe nomade iranien, les Parnes/Aparnes, dirigés par Arsace le fondateur de la dynastie des [[Arsacides]], qui prennent dès lors le nom de « [[Parthes]] »{{sfn|Clancier|Coloru|Gorre|2017|p=41-45}}. Avec l'affaiblissement du royaume séleucide après 188, l'Iran est de moins en moins bien contrôlé et marqué par diverses poches sécessionnistes. L'Élymaïde se rend indépendante sous les Kamnaskirides, la Perse sous les Frataraka, tandis que les Parthes progressent inexorablement depuis leur base située à l'est de la Caspienne. Les campagnes entreprises par les rois séleucides sont de moins en moins efficaces, notamment lors de leurs guerres parthiques qui ne sont marquées que par des succès sans lendemain. Après le suicide d'[[Antiochos VII]] en Médie en 129, les [[Parthes]] sont la puissance hégémonique de l'Iran{{sfn|Kosmin|2013|p=686-687}}.
 
Dans le [[golfe Persique]], les traces d'une présence grecque à l'époque hellénistique ont longtemps été limitées, mais des découvertes ont permis de confirmer que cette région avait également été sous influence séleucide et compris des communautés grecques, sans doute attirées par les routes maritimes parcourant cet espace et permettant de rejoindre l'Inde. Les Grecs découvrent ces régions au début de la période lors de l'expédition de [[Néarque]]. [[Polybe]] évoque aussi un voyage d'[[Antiochos III]] dans la cité de [[Gerrha]], sur la côte d'Arabie, où il reçoit un tribut, ainsi qu'à [[Tylos]], l'actuelle île de [[Bahrain]]. Cette dernière a livré des inscriptions en grec, dont une, commémorant la construction d'un temple aux [[Dioscures]], qui mentionne la présence d'un stratège servant le roi de [[Characène]] dans les années 120 et dont l'autorité s'étend sur d'autres îles du Golfe. Il est possible que cette île ait été dominée par les Séleucides avant de lui échapper comme d'autres régions périphériques. La présence du pouvoir séleucide est mieux attestée plus au nord, sur l'île de [[Failaka]] (dans l'actuel [[Koweït]]), que les Grecs appellent Ikaros, où une forteresse abritant une garnison grecque ainsi qu'un temple d'[[Artémis]] ont été fouillés<ref>{{Article|langue=en|auteur= Paul Kosmin|titre= Rethinking the Hellenistic Gulf: The new Greek inscription from Bahrain|périodique=The Journal of Hellenic Studies|volume= 133 |année=2013|passage= 61-79|jstor= 43285480}}</ref>{{,}}<ref>{{Chapitre|langue=en|auteur= Miguel Pachón Barragán|titre= Seleucid Rule over the Gulf|auteurs ouvrage= Costanza Coppini, Georg Cyrus et Hamaseh Golestaneh (dir.)|titre ouvrage= Bridging the Gap: Disciplines, Times, and Spaces in Dialogue – Volume 3: Sessions 4 and 6 from the Conference Broadening Horizons 6 Held at the Freie Universität Berlin, 24–28 June 2019|éditeur= Archeopress|année=2022|passage= 18-24|jstor= jj.15135960.6}}.</ref>.
 
==== Bactriane et Indus ====
{{Article détaillé|Royaume gréco-bactrien|Royaumes indo-grecs}}
[[Fichier:Bactriane.svg|thumb|Les sites urbains de [[Bactriane]] à l'époque hellénistique.]]
[[Fichier:AsokaKandahar.jpg|thumb|left|[[Inscription bilingue de Kandahar|Édit bilingue]] [[grec]]-[[araméen]] du roi indien [[Ashoka]], provenant de la région de Kandahar.]]
 
Lorsque Alexandre s'aventure en [[Asie centrale]], il fonde plusieurs cités et laisse des garnisons qui y implantent un peuplement grec qui fait souche au milieu de populations essentiellement iranophones. Puis il soumet la vallée de l'Indus, qui est son point oriental maximal. Les Séleucides perdent cette dernière région face aux rois [[Maurya]] dès la fin du {{-s|IV}} Le principal roi de cette dynastie indienne, [[Ashoka]] (v. 273-232), fait rédiger en grec un de ses [[édits d'Ashoka|édits]], retrouvé à [[Kandahar]], manifestement pour s'adresser à ses sujets de langue grecque, qui sont donc reconnus comme une composante importante de la population locale. Les Séleucides gardent le contrôle de la Bactriane jusqu'au milieu du {{-s|III}}, quand des généraux grecs, Diodote I puis son fils Diodote II, se proclament rois. Euthydème (v. 225-190) parvient à repousser la réplique séleucide et à conforter l'indépendance de la région. Son fils et successeur Démétrios (v. 190-180) étend le royaume vers le sud et le sud-est, vers l'Indus (où l'éclatement de l'empire Maurya a laissé la place à divers royaumes). Mais leur dynastie est renversée par Eucratide (v. 170-145). Cette expansion militaire s'accompagne en effet d'une fragmentation politique, plusieurs généraux se proclamant rois, sans doute à la suite de succès au combat. Leur existence n'est généralement connue que par des émissions monétaires, les événements et leurs implantations territoriales nous échappent donc. On distingue en fonction de leur implantation des rois « gréco-bactriens »<ref>{{Lien web| langue=en| auteur= Pierre Leriche et Frantz Grenet| titre=Bactria|site= Encyclopaedia Iranica Online| url=//www.iranicaonline.org/articles/bactria| année=1988|consulté le= 20 janvier 2021}}.</ref>, dans l'actuel Afghanisan, et des rois « [[Royaumes indo-grecs|indo-grecs]] »<ref>{{Lien web| langue=en|auteur= Osmund Bopearachchi| titre=Indo-Greek Dynasty| url= https://iranicaonline.org/articles/indo-greek-dynasty|site =Encyclopaedia Iranica Online| date=2004|consulté le=9 janvier 2021}}.</ref> (ou ''Yawana-raja'' en sanskrit, langue dans laquelle on désignait les Grecs par le terme « Ionien », comme au Moyen-Orient) dans la vallée de l'[[Indus]], autour de [[Taxila]] au [[Pendjab]] (l'antique [[Gandhara]]). L'un d'entre eux, {{monarque|Ménandre|Ier}} (v. 165-135/0 av. J.-C.)<ref>{{en}} Frank Holt, « Menander », dans {{harvsp|id=OCD|OCD|2012|p=930-931}}.</ref>, s'est taillé un territoire important, puisqu'il a conduit ses troupes jusqu'à [[Pataliputra]] (Patna) sur le [[Gange]]. Il est devenu le sujet d'un traité [[bouddhiste]], le ''[[Milindapañha]]'' (ce qui signifie « ''Les questions de Ménandre'' » en [[sanskrit]]), relatant sa discussion avec le sage [[Nagasena]] qui conduit à sa conversion à cette religion (ce qu'il est impossible de confirmer). Il est en tout cas avéré que des Indo-grecs adoptent les religions indiennes : une dédicace en langue indienne mise au jour à [[Besnagar]] est faite par un personnage au nom grec, Héliodore, originaire de Taxila, ambassadeur d'un roi indo-grec, qui se rattache au courant religieux [[vishnouisme|vishnouiste]] des Bhagavata ([[pilier d'Héliodoros]]). Les derniers rois grecs de Bactriane disparaissent avant la fin du {{-s|II|e}} face aux [[Parthes]] et aux [[Yuezhi]]/[[Kouchans]], et ceux d'Inde au tout début de notre ère face aux Indo-scythes{{sfn|Martinez-Sève|2017|p=42-43 et 52-53}}{{,}}<ref>{{Chapitre|langue=en|prénom1=Rachel|nom1=Mairs|titre= Bactrian or Graeco-Bactrian Kingdom|titre ouvrage= The Encyclopedia of Empire |auteurs ouvrage= N. Dalziel et J.M. MacKenzie (dir.)|année=2016|passage=1-3|doi=10.1002/9781118455074.wbeoe089}}.</ref>{{,}}<ref>{{Ouvrage| langue=en| prénom1=Upinder| nom1=Singh| titre=A History of Ancient and Early Medieval India| sous-titre=From the Stone Age to the 12th century| lieu=New Dehli et Upper Saddle River| éditeur=Pearson Education| année=2008| passage=371-376}}</ref>.
 
La Bactriane est une région riche, disposant de vallées irriguées et traversée par des routes commerciales actives. Une partie de la population est constituée de nomades et semi-nomades parcourant les steppes{{sfn|Martinez-Sève|2017|p=43}}. La documentation sur la Bactriane grecque provient majoritairement du site archéologique d'[[Aï Khanoum]] (nom antique inconnu) situé dans le nord de l'Afghanistan près de l'[[Amou-Daria]] (l'ancien Oxus). Fondé autour de 300 av. J.-C., il a dû servir de siège à un gouverneur séleucide puis de lieu de résidence des rois gréco-bactriens puisqu'on y trouve un palais et un atelier monétaire. Il a livré quelques inscriptions en grec, des bâtiments caractéristiques de l'architecture des cités grecques hellénistiques, comme un théâtre et un gymnase, mais en revanche rien n'indique l'existence d'une vie politique civique. Les bâtiments palatiaux et sacrés ont un plan oriental (iranien et mésopotamien) mais leurs techniques de constructions et leur décor intègre de nombreux éléments grecs, témoignant de la rencontre de ces différentes cultures{{sfn|Étienne|Müller|Prost|2014|p=299-301}}{{,}}{{sfn|Thonemann|2018|p=75-81}}. Cet hellénisme du bout du monde hellénistique et ce mélange des traditions ressort aussi d'un autre site, [[Takht-I-Sangin]], déjà employé à l'époque achéménide, mêlant traditions locales et grecques. C'est un lieu de culte du dieu de l'Oxus, très populaire dans cette région. Il y a sans doute une proportion importante d'hellénophones, le grec est manifestement la langue de l'élite et du pouvoir gréco-bactrien, qui frappe des monnaies dans un style grec, alors que les rois indo-grecs frappent des monnaies bilingues mêlant iconographie grecque et indienne, annonçant la synthèse artistique « gréco-bouddhiste » qui se produit durant les premiers siècles de notre ère au [[Gandhara]]{{sfn|Mairs|2016|p=3-4}}{{,}}{{sfn|Clancier|Coloru|Gorre|2017|p=196-199 et 247-249}}{{,}}<ref name=rougemont>{{Article|langue=fr|auteur= Georges Rougemont|titre= Les inscriptions grecques d’Iran et d’Asie centrale. Bilinguismes, interférences culturelles, colonisation|périodique=Journal des Savants |année =2012 |numéro=1 |passage= 3-27 |lire en ligne=https://www.persee.fr/doc/jds_0021-8103_2012_num_1_1_6292 }}.</ref>.
 
<gallery mode="packed">
Plan AI Khanoum-fr.svg|Plan du site d'[[Aï Khanoum]], cité grecque dans l'actuel [[Afghanistan]].
Ai Khanoum landscape.jpg|Vue du site d'[[Aï Khanoum]].
AiKhanoumPlateSharp.jpg|Plaque de [[Cybèle]], Aï Khanoum, sanctuaire du temple à niches indentées, {{-s-|III}}, argent doré, d : {{unité|25|cm}}, musée national d'Afghanistan.
Altar Atrosokes MNAT M7010.jpg|Autel dédié à l'Oxus par Atrosokès, avec [[Marsyas]] jouant de l'[[Aulos (instrument)|aulos]], {{-s|II}} Musée national des antiquités du Tadjikistan.
</gallery>
 
<gallery mode="packed">
Monnaie de Bactriane, Eucratide I, 2 faces.jpg|Monnaie d'or de 20 statères d'[[Eucratide Ier|Eucratide {{Ier}}]] (v. 171-139), [[Cabinet des médailles (BNF)|Cabinet des médailles]].
Drachme bilingue du royaume de Bactriane à l'effigie de Ménandre Ier.jpg|Drachme bilingue grec/[[Alphabet kharoshthi|kharosthi]] à l'effigie de Ménandre {{Ier}}, v. 160-155 av. J.-C.
</gallery>
 
=== Italie et Méditerranée Occidentale ===
 
Plusieurs cités grecques sont implantées en Italie du Sud, en Sicile et sur les côtes de [[Gaule]] et de la [[péninsule ibérique]]. Elles sont à l'écart des tendances politiques hellénistiques, la géopolitique de la partie occidentale de la Méditerranée étant alors dominée par la confrontation entre Rome et Carthage.
 
La conquête romaine de la partie méridionale de la botte italienne (la « [[Grande Grèce]] ») est marquée par des confrontations contre les peuples italiques ([[Lucaniens]], [[Bruttiens]], [[Samnites]], etc.) et les cités grecques sont prises dans ces affrontements sans grande capacité de réaction. La plus importante, [[Tarente]], fait appel à des soutiens extérieurs, Sparte et l’[[Épire]] (notamment [[Pyrrhus Ier|Pyrrhus]] en 280-275), sans succès. Elle est prise par les Romains en 272. Les dernières cités grecques d'Italie restées indépendantes passent sous domination romaine dans les années suivantes{{sfn|Martinez-Sève|2017|p=83}}.
 
En [[Sicile]], [[Syracuse]], la principale cité grecque occidentale, domine la partie orientale de l'île, alors que la partie occidentale est sous l'autorité des Carthaginois. [[Agathocle de Syracuse|Agathocle]] (304-289) constitue un régime tyrannique puis une royauté. Il étend sont influence dans le sud de l'Italie et tente des expéditions sur le territoire même de [[Carthage]], sans succès. Son successeur [[Hicétas]] subit une défaite contre ses derniers, puis [[Hiéron II]] (269-215) devient vassal de [[République romaine|Rome]] lors de la [[première guerre punique]], qui se déroule de 264 à 241. Ce conflit se déroule en grande partie en Sicile et s'accompagne de nombreuses destructions et de massacres. Rome finit par triompher et transforme la Sicile en province, exception faite de Syracuse{{sfn|Martinez-Sève|2017|p=82-83}}. La paix qui s'ensuit permet à Syracuse de prospérer sous le règne de Hiéron. Mais son fils et successeur [[Hiéronyme de Syracuse|Hiéronyme]] opère un changement d'alliance durant la [[deuxième guerre punique]] (218-201), délaissant Rome pour Carthage et son général Hannibal. Cela devait être fatal à l'indépendance de Syracuse, qui est prise en 212{{sfn|Martinez-Sève|2017|p=87}}.
 
En Gaule et en Espagne, la principale cité est [[Marseille antique|Massalia]] ([[Marseille]]), qui a fondé plusieurs colonies le long de la côte (Nikaia/[[Nice]], Amphipolis/[[Antibes]], Agathè/[[Agde]], Emporion/[[Empúries]], Rhode/[[Roses]]), constituant ainsi un réseau commercial important, profitant de sa situation au débouché des routes transportant l'étain et l'ambre depuis le nord de l'Europe. Au contact des populations indigènes celtes/gauloises et ibères, elle diffuse la culture grecque dans les régions intérieures. Ces Grecs commercent avec les Carthaginois, mais Massalia et Emporion sont des alliées fidèles de Rome. Des provinces romaines sont constituées en Espagne en 197 et dans le sud de la Gaule en 120, mais Massalia reste autonome et bénéficie même des faveurs de Pompée et de César qui lui donnent autorité sur des groupes gaulois voisins. Son refus de choisir entre César et Pompée lors des guerres civiles se solde par la perte de la plupart de ses territoires, exceptée Nikaia{{sfn|Martinez-Sève|2017|p=88-89}}{{,}}{{sfn|Grandjean|Bouyssou|Chandezon|Hochard|2024|p=634-635}}.
 
== Savoirs et sciences hellénistiques ==
 
=== Lieux de savoir et érudits ===
 
La vie intellectuelle du {{-s|IV}} grec est dominée par [[Athènes]], avec notamment ses écoles philosophiques fondées par Platon, Aristote, Épicure et Zénon, dont les centres d'intérêt sont très larges et touchent largement aux disciplines scientifiques, et ses poètes tragiques et comiques. La formation des royaumes hellénistiques aboutit à l'émergence de nouveaux centres intellectuels soutenus par les rois : [[Pella]] en [[Macédoine]], [[Alexandrie]] en [[Égypte]], plus tard [[Pergame]] en [[Asie mineure]]. Lorsque la domination politique passe à Rome, celle-ci devient progressivement un centre intellectuel, avec des savants grecs. Il faut y ajouter des cités qui sont particulièrement actives dans certaines activités, en plus d'Athènes et ses écoles de philosophie, notamment [[Syracuse]] la patrie d'[[Archimède]] et [[Rhodes]] où a notamment été actif [[Posidonios]]{{sfn|Thonemann|2018|p=70-71}}. Ces principaux foyers intellectuels disposent de vastes bibliothèques, possédées par des personnes privées mais surtout par les rois, qui organisent les collections les plus importantes. Elles sont manifestement calquées sur le modèle de celle de l'Académie d'Aristote (de possibles influences égyptienne et babylonienne ont été proposées, sans éléments probants) et connaissent leur expression la plus éloquente avec la fameuse « [[Bibliothèque d'Alexandrie]] », même si d'importantes collections sont constituées à Pella et à Pergame, et plus tard dans le monde romain, grâce au pillage, à l'achat ou à la copie d’œuvres grecques (comme la [[villa des Papyrus]] mise au jour à [[Herculanum]]). On trouve de plus petites bibliothèques dans bien d'autres cités hellénistiques, souvent dans leur gymnase<ref>{{en}} P. J. Parsons, « Libraries », dans {{harvsp|id=OCD|OCD|2012|p=830}}.</ref>.
 
Parmi tous ces lieux de savoir, c'est Alexandrie qui occupe la place la plus importante. L'installation du pouvoir ptolémaïque à la fin du {{-s|IV}} s'accompagne d'une politique active dans le domaine savant, qui doit être largement au service du pouvoir, les érudits étant appelés à célébrer la gloire de la famille royale, faire des inventions qui lui seraient utiles, et plus généralement contribuer à son prestige en faisant de la cité le phare de l'hellénité. [[Ptolémée Ier|Ptolémée {{Ier}}]] fait venir [[Démétrios de Phalère]], disciple d'Aristote et oligarque chassé d'Athènes, pour lui faire créer une vaste bibliothèque sur le modèle aristotélicien. La [[Bibliothèque d'Alexandrie]] aurait compris jusqu'à {{formatnum:500000}} rouleaux de papyrus à son apogée, chiffre sans doute exagéré, mais il fait peu de doute qu'elle est rapidement devenue la plus grande collection de textes du monde méditerranéen, et de loin. Pour soutenir les activités savantes, le pouvoir royal entretient des érudits, qui sont rattachés au [[Mouséion]] (le « Musée »), le temple des [[Muses]], déesses des disciplines savantes. Il n'est pas étonnant qu'Alexandrie ait rapidement attiré les plus grands esprits du monde grec dès le règne de [[Ptolémée II]], attirés par sa bibliothèque et des conditions de travail sans pareilles, et soit devenue le principal lieu de création intellectuel, donnant naissance à sa propre tradition savante dans la poésie, les techniques, les mathématiques, la médecine, la géographie, etc. La liste des érudits de premier plan qui ont fait au moins une partie de leur carrière à Alexandrie est longue : les poètes [[Callimaque de Cyrène]], [[Théocrite]], [[Apollonios de Rhodes]], [[Lycophron]], les critiques et grammairiens [[Aristophane de Byzance]] et [[Aristarque de Samothrace]], les ingénieurs [[Ctésibios]] et [[Philon de Byzance]], les médecins [[Hérophile]] et [[Érasistrate]], le mathématicien [[Euclide]], le mathématicien-astronome [[Apollonios de Perga]], des savants polyvalents comme [[Ératosthène]], et sans doute d'autres grands esprits dont le passage à Alexandrie n'est pas certain. Cela s'accompagne aussi d'un vaste travail de critique littéraire et de classification des œuvres en fonction de leur genre ([[canon alexandrin]]), contexte auquel on doit aussi les habitudes de groupes ce qui est plus remarquable par sept, comme les « Pléiades » d'auteurs ou les [[Sept merveilles du monde]]. Cela s'accompagne aussi d'éditions critiques de textes, à commencer par celles des épopées homériques, réalisées à partir des différentes versions en circulation{{sfn|Hall|2015|p=212-214 et sq.}}{{,}}{{sfn|Thonemann|2018|p=57-59}}{{,}}{{sfn|Grandjean|Bouyssou|Chandezon|Hochard|2024|p=351-360}}.
 
[[Fichier:Eratosthenes Hermes.jpg|thumb|Fragment d'un court récit épique d'[[Ératosthène]] sur la naissance et la jeunesse du dieu [[Hermès]], connu par un [[papyrus d'Oxyrhynque]].]]
 
Les savants de l'époque hellénistique ne se limitent en général pas à un seul domaine, les qualifications modernes telles que « mathématicien », « physicien » ou « ingénieur » étant souvent réductrices au regard de la diversité de leurs œuvres. Les gens de l'époque employaient le terme de « philologue », un amoureux de la connaissance, pour désigner un érudit polyvalent. Un cas particulièrement prononcé est [[Ératosthène]] (v. 285-194), originaire de [[Cyrène]] et devenu directeur de la Bibliothèque d'Alexandrie, surtout connu pour son travail de géographe mathématicien lui ayant permis de calculer avec une approximation remarquable la circonférence de la Terre. Mais il a aussi rédigé un ouvrage fondateur de la géographie et de cartographie, mis au point la première chronologie « rationnelle » (sans référence à des événements mythiques) reposant sur les [[Liste des vainqueurs du stadion aux Jeux olympiques antiques|vainqueurs des courses d'un stade aux concours d'Olympie]] qui devait servir de modèle, divers travaux de mathématiques, des ouvrages de philosophie, des poèmes épiques, un ouvrage de critique littéraire concernant la comédie. Comme souvent pour les érudits hellénistiques, l'essentiel de son œuvre est perdue et n'est connue que par des fragments et des mentions faites par d'autres. Mais son importance dans ces divers champs peut être mesurée par son surnom, « Bêta », la seconde lettre de l'alphabet grec, qui signifie qu'à défaut d'avoir été le meilleur dans un des nombreux domaines où il s'est aventuré, il avait les qualités être pour le second dans plusieurs d'entre eux si ce n'est tous<ref>{{en}} Peter Marshall Fraser, « Eratosthenes », dans {{harvsp|id=OCD|OCD|2012|p=533}}.</ref>{{,}}{{sfn|Thonemann|2018|p=59-62}}.
 
=== Poésie et belles-lettres ===
{{Article détaillé|Littérature grecque hellénistique}}
 
Le début de la période hellénistique voit Alexandrie devenir le principal foyer littéraire du monde grec, qu'il s'agisse des études ou de la création. L'effort de collecte, de compilation, de classification et de critique littéraires portant sur les textes grecs des époques archaïque et classique donne de nouveaux outils aux poètes alexandrins, qui vont créer un style marqué par le raffinement et l'érudition, truffé d'allusions aux œuvres antérieures, puisant dans celles-ci pour y trouver une langue, des expressions, des métriques, des thèmes qui vont être réassemblés pour produire des œuvres novatrices, qui se veule subtiles voire espiègles. Ils emploient différentes formes de poésie, notamment l'[[épigramme]] ou l'[[idylle]], qui sont en général de courtes œuvres, de même que l'[[épyllion]], récit mythologique bref. Leurs travaux sont souvent seulement connus par des fragments, et de nombreux auteurs ne sont que des noms sans œuvres qu'on puisse leur rattacher, bien que la découverte de papyrus littéraires fasse encore progresser la connaissance de cette littérature (comme les épigrammes de [[Posidippe]] de Pella mis au jour en 2001). Malgré ces lacunes il est évident que cet « [[alexandrinisme]] » littéraire, qui rejoint souvent les travaux scientifiques réalisés dans le même milieu, exerce une influence considérable dans l'histoire de la littérature grecque, et également pour la formation de la littérature latine classique. La littérature hellénistique ne peut néanmoins pas être cantonnée à Alexandrie : Athènes produit encore des auteurs de talent (Ménandre), les cours de Macédoine et de Pergame sont des foyers actifs, et les concours poétiques qui florissent dans le monde hellénistique diffusent la création poétique et sa représentations dans de nouvelles régions. Cela ressort aussi du fait que les hommes de lettres de la période soient originaires de lieux dispersés (dont Cyrène, Syracuse, Rhodes, Cos, l’Égypte, l'Asie mineure, etc.), quand bien même ils font l'essentiel de leur carrière à Alexandrie ou y passent à un moment<ref>{{Ouvrage| langue=en| auteur1=Edith Hall| titre=The Ancient Greeks| sous-titre=Ten Ways They Shaped The Modern World| lieu=Londres| éditeur=Vintage| année=2015| passage=205-227}}.</ref>.
 
Un des plus illustres représentants de la poésie alexandrine du {{-s|III}} est [[Callimaque]], originaire de Cyrène, venu à Alexandrie pour se mettre au service de Ptolémée II. Il pratique la critique littéraire en écrivant notamment le premier catalogue raisonné monumental (120 livres) des auteurs grecs, les ''Pinakes'', qui fait référence à l'époque hellénistique. Il emploie sa connaissance profonde de la poésie ancienne pour créer de nombreux poèmes, notamment des épigrammes et élégies dans lesquelles il excelle, des hymnes aux divinités, des louanges à la famille royale, aussi un récit mythologique plus long comme l'Hécalé{{sfn|Hall|2015|p=213-217}}. L'autre grande figure poétique de son temps est [[Théocrite]], originaire de Syracuse, surtout célébré pour ses idylles, des poèmes bucoliques qui inspirent fortement les générations postérieures. [[Apollonios de Rhodes]] est quant a lieu connu et célébré dans l'Antiquité pour un long poème épique, les ''[[Argonautiques]]'', qui relate les aventures des Argonautes dirigés par Jason et leur quête mouvementée pour obtenir la Toison d'or. S'inspirant évidemment des épopées homériques, il renouvelle le genre épique pour réaliser la première grande épopée littéraire depuis Homère et Hésiode. D'autres grands poètes de l'époque sont connus, faisant partie avec les précédents de la « [[Pléiade poétique]] », groupe de sept poètes dont la composition peut varier, notamment [[Aratos de Soles]] (qui a surtout exercé à la cour macédonienne), [[Lycophron]], [[Nicandre de Colophon]] ou encore [[Philétas]]<ref name=trédé>Monique Trédé, « Poésie hellénistique », dans {{harvsp|Leclant|2005|p=1734-1735|id=Leclant}}</ref>.
 
Les liens entre poésie et sciences ressortent dans quelques œuvres qui mettent en poèmes les connaissances scientifiques de leur temps : Aratos a composé les ''Phénomènes'', long poème évoquant les connaissances astronomiques de l'époque ; le ''[[Problème des bœufs d'Hélios]]'' d’[[Archimède]] prend la forme d'une élégie ; Ératosthène a composé un épigramme pour conclure un de ses traités mathématiques. Cela prouve à tout le moins qu'il n'y a pas de coupure radicale entre sciences et poésie, et pourrait aussi indiquer que la forme poétique est une manière de diffuser les connaissances scientifiques de manière récréative à une plus large audience{{sfn|Thonemann|2018|p=67-69}}{{,}}{{sfn|Taub|2018|p=269-270}}.
 
[[Fichier:P.Oxy. II 211.jpg|thumb|[[Papyrus d'Oxyrhynque]] comprenant la copie d'une comédie de [[Ménandre]].]]
 
Dans le domaine du théâtre, le milieu littéraire alexandrin du {{-s|III}} connaît également une « [[Pléiade tragique]] » avec notamment [[Lycophron]], [[Sosithée]], [[Philiscos de Corcyre]], etc. Les concours tragiques participent de la popularité du genre, incitant à de nouvelles créations. La comédie est dominée par la figure de [[Ménandre]], poète athénien actif au tout début de la période, figure majeure de ce qui a été surnommé la « Nouvelle Comédie », développant des personnages comiques archétypaux. Vainqueur de nombreux concours, ses œuvres sont souvent jouées dans le monde hellénistique puis gréco-romain. Malgré cette popularité il n'était connu que par des fragments jusqu'au début du {{s|XX}} quand des papyrus de ses comédies ont été mis au jour. Après lui la Nouvelle Comédie se poursuit avec des auteurs tels que Posidippe de Cassandréia qui acquiert une grande renommée. Les représentations plus courtes (une dizaine de minutes), les [[mime]]s sont également en vogue à la période, avec notamment les œuvres d'[[Hérondas]], également connues par papyrus, qui ont pour cadre la vie des petites gens, un brin vulgaires à l'occasion tout en recourant à des formes poétiques recherchées<ref name=trédé/>{{,}}{{sfn|Hall|2015|p=225-227 et 216-217}}{{,}}{{sfn|Grandjean|Bouyssou|Chandezon|Hochard|2024|p=360-364}}.
 
Parmi les œuvres connues seulement par fragments mais apparemment appréciées et influentes dans l'Antiquité, les ''Contes milésiens'' d'[[Aristide de Milet]], est un recueil d'histoires courtes, avec des passages érotiques, qui aurait inspiré (après traduction) les poètes latins [[Apulée]], [[Ovide]] et [[Pétrone]] ainsi que le poète grec [[Lucien de Samosate]]<ref>{{en}} Ewen Bowie, « Aristides (2) », dans {{harvsp|id=OCD|OCD|2012|p=154}}.</ref>.
 
Autre genre pour l'essentiel perdu, la littérature historique hellénistique s'inscrit dans la continuité de celle de l'époque classique, notamment [[Hérodote]]. Certains des personnages historiques de premier plan ont écrit leurs mémoires, en premier lieu Ptolémée Ier. Selon ce qu'en disent des textes antiques, les historiens hellénistiques auraient surtout mis l'emphase sur les grands hommes et les récits aux accents tragiques, usant de ''pathos'' pour faire des personnages historiques des figures théâtrales, privilégiant l'émotion et la morale sur les faits. Principal critique de cette approche, [[Polybe]] ({{-s|II}}) se démarque en privilégiant une approche rationnelle de l'histoire dans ses ''[[Histoires]]'', en grande partie perdues mais essentielles pour connaître l'histoire de la conquête romaine de la Grèce. [[Diodore de Sicile]] ({{-s|I|er}}) puise dans tout ce corpus aujourd'hui largement disparu pour sa monumentale ''[[Bibliothèque historique]]'', dont la majeure partie est également perdue, exemple d'[[histoire universelle]] qui semble en vogue à l'époque{{sfn|Grandjean|Bouyssou|Chandezon|Hochard|2024|p=358-359}}.
 
=== Écoles philosophiques ===
[[Fichier:Busto di epicuro, copia romana da orig. greco del III secolo ac, da carsoli.jpg|thumb|left|Buste d’[[Épicure]], copie romaine d'un original grec du {{-s|III}} [[Musée Barracco]].]]
 
La [[philosophie hellénistique]] est dominée par quatre courants, tous partis d'Athènes qui garde la primauté dans ce domaine<ref name=ocdphilo>{{en}} Brad Inwood, « Hellenistic philosophy », dans {{harvsp|id=OCD|OCD|2012|p=657-658}}.</ref>. Le {{-s|IV}} (donc en bonne partie la fin de l'[[époque classique]]) voit la constitution de grandes « écoles » philosophiques qui s'inscrivent dans la continuité d'un fondateur : [[Platon]], [[Aristote]], [[Épicure]], [[Zénon de Kition|Zénon]]. Elles disposent d'un centre d'enseignement attitré, situé à Athènes, qui leur donne leur nom : le [[Lycée (école philosophique)|Lycée]] pour les Platoniciens, l'Académie pour les Aristotéliciens, le Jardin pour les [[Épicurisme|Épicuriens]], le Portique (''Stoa'') pour les [[Stoïcisme|Stoïciens]]. La nature exacte de ces écoles est débattue. Leur fonctionnement a pu être rapproché de celui d'associations religieuses. Elles enseignent et diffusent la pensée de leur fondateur, célèbrent sa mémoire (Platon reçoit un culte), forment des continuateurs dont les meilleurs prennent la tête de l'école ([[scholarque]]s) afin de les perpétuer. Elles sont censées proposer des interprétations de la pensée de leur fondateur, poursuivre son œuvre, plutôt que la critiquer et en diverger, mais la fidélité à leur fondateur est fluctuante. Il existe par ailleurs des divergences entre les écoles sur ce qu'il convient d'étudier, donc ce qui est central dans la connaissance : elles s'accordent toutes pour considérer que la physique, l'étude la nature, est importante, mais elles divergent sur l'intérêt accordé à d'autres disciplines (mathématiques, rhétorique, éthique, théologie, etc.). La plupart de ces écoles forment un cercle fermé réservé à des initiés, sauf le Jardin épicurien qui est ouvert au plus grand nombre{{sfn|Taub|2018|p=252-253}}{{,}}{{sfn|Grandjean|Bouyssou|Chandezon|Hochard|2024|p=366}}.
 
Le courant platonicien conserve un prestige important, d'autant plus que c'est sur son modèle que se sont formées les autres écoles. Son histoire durant l'époque hellénistique reste mal connue. Il est généralement considéré que le sixième scholarque de l'école, [[Arcésilas de Pitane]] (actif à partir des années 260), donne un tournant plus sceptique à la pensée platonicienne ([[Nouvelle Académie]]). Cette tendance prend fin sous Antichos d'Ascalon (actif au début du {{-s|I|er}}) qui adopte une posture plus éclectique, reprenant des éléments des pensées aristotélicienne et stoïcienne. L'Académie est un lieu d'enseignement important, où se forme notamment [[Cicéron]]{{sfn|Taub|2018|p=261-262}}.
 
Le courant aristotélicien (on parle aussi de « [[École péripatéticienne|Péripatéticiens]] » en raison de la propension de ses membres à philosopher en déambulant) est dominé au début de la période hellénistique par la figure de Théophraste, disciple et successeur d'Aristote, qui poursuit son travail encyclopédique marqué par la collecte d'informations et d'opinions, vue comme une préparation nécessaire aux spéculations, et produit d'importants travaux de sciences naturelles{{sfn|Taub|2018|p=253-256}}. Après lui l'influence aristotélicienne semble décliner, notamment parce que son successeur Straton abandonne l'encyclopédisme pour se concentrer sur la physique seule, et c'est Alexandrie qui devient le principal centre de cette école{{sfn|Grandjean|Bouyssou|Chandezon|Hochard|2024|p=366-367}}. Mais c'est sans doute un peu réducteur car cette école a encore une influence importante, notamment avec les travaux de [[Critolaos]] ({{-s|II}}) dans le domaine de l'éthique<ref name=ocdphilo/>.
 
L'[[épicurisme]], qui doit son nom à [[Épicure]] (341-270), enseignant dans le « [[Jardin d'Épicure|Jardin]] », qui recherche le bonheur par la satisfaction des seuls désirs basiques, la recherche de l'[[ataraxie]], l'« absence de troubles », qui permet de se libérer des anxiétés. Son enseignement est ouvert à tous ceux qui souhaitent le recevoir, y compris les femmes, et est marqué par une forme de prosélytisme qui lui assure un certain succès. Les doctrines de l'épicurisme restent stables dans le temps comparées aux autres courants. Elles reposent sur l'atomisme, une approche empirique du savoir, et un hédonisme ascétique<ref name=ocdphilo/>{{,}}{{sfn|Taub|2018|p=256-258}}. L'implication politique est en principe rejetée par le fondateur, mais ses successeurs se font souvent conseillers des rois et grands personnages politiques{{sfn|Grandjean|Bouyssou|Chandezon|Hochard|2024|p=369-370}}.
 
Le [[stoïcisme]], développé par [[Zénon de Kition]] (336-262), généralement considéré comme l'opposé du précédent bien qu'il ait également pour but l'ataraxie, professe la compréhension et l'acceptation du monde naturel sans laisser ses sentiments l'emporter. Influencé par le socratisme et le cynisme, il rejette les appartenances politiques et sociales. Après la mort de son fondateur, il est marqué par le développement d'une croyance en la Providence, d'intenses débats internes et des penseurs majeurs, en particulier le troisième scholarque [[Chrysippe de Soles]] ({{-s|III}}). Au {{-s|II}} [[Posidonios]] implante un important centre stoïcien à [[Rhodes]]. Ce courant gagne ensuite une grande influence et acquiert une forme de respectabilité. Plusieurs Stoïciens servent les grands de leur monde, notamment les élites romaines qui prennent goût à cette école philosophique<ref name=ocdphilo/>{{,}}{{sfn|Taub|2018|p=259-261}}{{,}}{{sfn|Grandjean|Bouyssou|Chandezon|Hochard|2024|p=371-373}}.
 
D'autres courants philosophiques sont actifs et influents durant la période. Le [[cynisme]], avec notamment [[Diogène de Sinope]], refuse radicalement les conventions sociales pour vivre une vie très modeste, s'imposer des douleurs physiques, plaisantant sur les sujets sérieux, avec une volonté provocatrice{{sfn|Grandjean|Bouyssou|Chandezon|Hochard|2024|p=368-369}}. Le [[Scepticisme (philosophie)|scepticisme]], constitué par [[Pyrrhon]], met l'emphase sur le doute, le savoir et la vertu, incitant au développement d'une vie intérieure pour atteindre l'ataraxie. Il ne débouche par sur la création d'une école philosophique, mais influence à des degrés divers les grandes écoles de la période{{sfn|Grandjean|Bouyssou|Chandezon|Hochard|2024|p=367}}.
 
=== Sciences ===
 
L'époque hellénistique commence au moment où meurt le philosophe [[Aristote]], dont l’œuvre est marquante pour l'histoire des sciences. Tel que mis en avant par L. Taub, une des tendances de la période est en effet l'imbrication entre considérations philosophiques et scientifiques, les philosophes s'intéressant à la nature du monde et donc à des préoccupations qui sont scientifiques du point de vue moderne. Parmi les principaux courants, les [[École péripatéticienne|Péripatéticiens]] continuent l’œuvre d'Aristote en amassant une grande quantité de données afin de procéder à des comparaisons et des réflexions, à l'image de ce que fait son successeur [[Théophraste]], tandis que les Platoniciens, souvent inspirés également par le [[Pythagorisme]], sont intéressés par les mathématiques qui sont vus comme une manière de comprendre l'Univers et ses principes. Les savants de la période sont souvent marqués, certes à des degrés divers, par un des courants philosophiques et cela peut imprégner leurs recherches. Un autre aspect des sciences hellénistiques sont la volonté de rendre publics les résultats des recherches, par des publications qui permettent de diffuser les découvertes, voire des sortes de travaux de vulgarisation, parmi lesquels se trouvent les poèmes scientifiques déjà évoqués. Lorsqu'un auteur tel qu'Archimède choisit de faire connaître ses travaux, c'est aussi bien pour les rendre utiles pour d'autres que pour assurer sa renommée. Les sciences et techniques de la période sont du reste en bonne partie connues par des ouvrages d'auteurs latins qui les compilent et les diffusent pour un lectorat non grec, comme [[Pline l'Ancien]] et [[Vitruve]]. La mise au point et la diffusion de dispositifs techniques et d'instruments tels que les cadrans solaires contribue également à rendre publiques les avancées scientifiques du temps. Un autre élément marquant des sciences hellénistiques est l'intérêt marqué pour les grands nombres, et les considérations numériques, qui se voient dans de nombreux travaux visant à calculer les distances et la taille de montagnes, de la Terre, des astres, etc.<ref>{{Chapitre| langue=en|prénom1=Liba| nom1=Taub |titre= Science after Aristotle: Hellenistic and Roman Science|auteurs ouvrage= Alexander Jones et Liba Taub (dir.)| titre ouvrage=The Cambridge History of Science Volume 1: Ancient Science |éditeur= Cambridge University Press|lieu=Cambridge|année=2018|passage=248-277 }}</ref>
 
[[Fichier:Oxyrhynchus papyrus with Euclid's Elements.jpg|left|thumb|Un des rares fragments des ''[[Éléments (Euclide)|Éléments]]'' d'[[Euclide]] datant de l'Antiquité qui nous soit parvenu, sur une papyrus découvert à [[Oxyrhynque]], qui daterait d'entre 75 et 125 de notre ère.]]
 
Les [[mathématiques grecques]] semblent avoir été peu développées avant le début de l'époque hellénistique. Elles sont surtout attestées dans des travaux de philosophes comme Platon ou des Pythagoriciens, et également Aristote. Après lui s'opère une séparation entre les deux qui se traduit par l'apparition de traités qui ont pour objet de résoudre des problèmes par des démonstrations les plus convaincantes possible et d'en dégager des principes généraux, théorèmes et axiomes<ref>{{en}} Reviel Netz, « Mathematics », dans {{harvsp|id=OCD|OCD|2012|p=909-912}}.</ref>. [[Euclide]] (v. 325-250) est la figure majeure du début de la période. Il a surtout laissé une œuvre maîtresse, les ''[[Éléments (Euclide)|Éléments]]'', reposant sans doute en partie sur des travaux antérieurs qui sont perdus, qui sert de socle à l'enseignement de la géométrie jusqu'à l'époque moderne ([[géométrie euclidienne]])<ref>{{en}} G. J. Toomer et Reviel Netz, « Euclid », dans {{harvsp|id=OCD|OCD|2012|p=544}}.</ref>. [[Archimède]] (v. 287-212/1) est l'autre mathématicien de premier plan de l'époque hellénistique. Il a passé l'essentiel de sa vie à Syracuse, sous la protection du roi Hiéron, correspondant avec les principaux savants de son temps, dont Ératosthène. Il a laissé un ensemble de traités plutôt courts consacrés chacun à un problème, faisant l'objet d'une résolution avec une démonstration robuste. Il pose les bases d'une utilisation des mathématiques pour la physique, dans des travaux comme son ''Traité des corps flottants'' qui expose la « [[poussée d’Archimède]] »<ref>{{en}} Reviel Netz, « Archimedes », dans {{harvsp|id=OCD|OCD|2012|p=141}}.</ref>.
 
En ce qui concerne l'[[astronomie]], le principal foyer d'études au début de l'époque hellénistique se trouve en Babylonie, où des prêtres ont développé une longue tradition d'observations astronomiques précises, compilées sur plusieurs siècles, et élaboré des modèles prédictifs efficaces, dont certains ont une base arithmétique. Ces pratiques se mêlent à d'autres qui relèvent de l'astrologie, notamment les horoscopes. L'[[astronomie mésopotamienne|astronomie-astrologie babylonienne]] influence fortement [[astronomie grecque|celle des Grecs]], qui en ont au moins une vague connaissance dès l'époque classique, comme cela se voit dans les travaux de [[Méton]] d'Athènes qui reprend aux Babyloniens le cycle portant son nom, qui a pour but de faire concorder les années lunaires et solaires. Les astronomes grecs se différencient néanmoins parce qu'ils s'appuient sur des modèles explicatifs de base géométrique pour reproduire les mouvements des corps célestes, à l'image d'[[Eudoxe de Cnide]] et de [[Callippe de Cyzique]], les deux principaux astronomes grecs du {{-s|IV}} Leurs finalités restent pratiques, notamment améliorer le calendrier et les divisions du temps, étudier le lever et le coucher des astres. Euclide s'intéresse également à l’astronomie, par une approche géométrique. [[Aristarque de Samos]] (actif v. 280 av. J.-C.) propose le premier système géocentrique connu. D'autres grands scientifiques du {{-s|III}} tels qu'[[Archimède]] s'intéressent à l'astronomie, mais pour l'essentiel cette discipline s'en tient à l'observation et à la description des phénomènes astraux. Les recherches sont souvent numériques : sur la distance entre des astres (la Terre et la Lune, la Terre et le Soleil), leur volume, le nombre d'étoiles dans le ciel, ou encore le nombre de grains de sables qui permettraient de remplir l'Univers dans ''[[L'Arénaire]]'' d'Archimède. [[Hipparque (astronome)|Hipparque]] (v. 185-125 av. J.-C.) bouleverse l'astronomie grecque en introduisant le principe des modèles astronomiques prédictifs, repris des travaux des astronomes babyloniens dont il avait manifestement une connaissance approfondie, mais en conservant la préférence grecque pour la géométrie (notamment la [[trigonométrie]]) plutôt que l'arithmétique. Cela lui permet de développer des modèles concernant les mouvements astraux et notamment l'orbite lunaire, de découvrir le principe de [[précession des équinoxes]], et d'élaborer un catalogue d'étoiles très détaillé. Les travaux des astronomes du reste de la période hellénistique sont très mal connus, mais ils poursuivent manifestement la voie ouverte par Hipparque<ref>{{en}} G. J. Toomer et Alexander Jones, « Astronomy », dans {{harvsp|id=OCD|OCD|2012|p=189-190}}.</ref>. Le développement de l'astronomie hellénistique se voit également dans les instruments employés pour cette discipline. Le gnomon et la cadran solaire sont d'un usage plus courant, et se retrouvent dans les espaces publics. Un autre outil visible au public est le parapegme, almanach gravé sur pierre dont un exemplaire hellénistique est connu à [[Milet]], comprenant des trous renvoyant à des dates du calendrier, dans lesquels on peut insérer des jalons mobiles et ainsi faire correspondre approximativement à ces dates des phénomènes célestes et météorologiques. D'autres outils sont développés comme le dispositif d'Archimède élaboré pour mesurer le diamètre du Soleil, et le « [[mécanisme d'Anticythère]] », le plus complexe instrument mécanique hellénistique connu, qui sert probablement à reproduire les mouvements des astres<ref>{{en}} G. J. Toomer et Alexander Jones, « Astronomical devices », dans {{harvsp|id=OCD|OCD|2012|p=188}}.</ref>{{,}}{{sfn|Taub|2018|p=265-266}}. Les connaissances astronomiques sont aussi mobilisées pour l'astrologie, en particulier celle des horoscopes qui connaît un important développement à l'époque hellénistique, sur le modèle babylonien<ref>{{en}} Roger Beck, « Astrology », dans {{harvsp|id=OCD|OCD|2012|p=187-188}}.</ref>.
 
[[Fichier:146 of 'Le Monde vu par les artistes. Géographie artistique. ... Ouvrage orné d'environ 600 gravures et cartes' (11081678964).jpg|thumb|Représentation moderne du monde selon les travaux d’[[Ératosthène]].]]
 
La géographie hellénistique se développe grâce à une meilleure connaissance du monde permise par l'expansion du monde grec et des explorations plus lointaines. En tant que discipline, elle vient souvent en tandem avec l'astronomie, recours aux mathématiques, comme cela ressort des travaux d’[[Ératosthène]] et d'[[Hipparque]], et sert à réaliser des travaux cartographiques. Le premier en particulier a contribué à forger une discipline géographique autonome, avec son traité ''Géographie''. Il débarrasse les descriptions du monde des éléments fantaisistes qui se trouvaient dans des travaux antérieurs, et y inclut des travaux mathématiques d'un nouveau type, avec l'emploie de coordonnées. Son accomplissement le plus célèbre est sa mesure de la circonférence de la Terre, remarquablement précise au regard des moyens dont il disposait. Ces travaux géographiques plus précis dans la localisation et la mesure des distances sont des instruments appréciés des administrations royales hellénistiques. D'autres savants de l'époque ont produit des travaux géographiques disparus, comme [[Posidonios de Rhodes]] et [[Polybe]]. Au début de l'époque romaine impériale, [[Strabon]] s'appuie sur les travaux des géographes hellénistiques pour rédiger sa monumentale ''[[Géographie (Strabon)|Géographie]]''<ref>{{en}} Nicholas Purcell, « Geography », dans {{harvsp|id=OCD|OCD|2012|p=611-612}}.</ref>{{,}}<ref>Stéphane Lebreton, « Géographie », dans {{harvsp|id=DMGA|Sartre|Sartre-Fauriat|Brun|2009|p=241-242}}.</ref>.
 
La [[Médecine en Grèce antique|médecine grecque]] avait connu un essor à l'époque classique avec l'élaboration du [[corpus hippocratique]], attribué à la figure quasi-mythologique d'[[Hippocrate]], qui fait l'objet de commentaires à l'époque hellénistique, qui sont pour l'essentiel perdus, comme la majeure partie de la littérature médicale de la période. Elle développe la [[théorie des humeurs]], qui est fondamentale pour la médecine antique et la recherche d'une origine naturelle aux maladies, en concevant le corps comme un tout. Les sanctuaires du dieu guérisseur [[Asclépios]] servent de lieux de cure et d'exercice de la médecine, mêlant pratiques qui relèveraient selon les conceptions modernes à la fois de la magie/superstition et de la médecine « scientifique ». Les médecins hellénistiques, ou du moins une partie d'entre eux, appartiennent à des « écoles », comme les dogmatiques/rationalistes qui partent de la théorie et les spéculations, et leurs adversaires empiristes qui se reposent sur l'observation et l'expérience. [[Aristote]], lui-même fils de médecin, avait rédigé un traité de médecine perdu et mis en avant la nécessité de procéder à des études anatomiques pour faire progresser l'art médical. À [[Alexandrie]], [[Érasistrate]] et [[Hérophile]], dogmatistes, mettent cette pratique en œuvre et font progresser la connaissance du corps humain, même si leurs interprétations restent marquées par des conceptions erronées telles que celle qui veut que les artères transportent la ''pneuma'', de l'air/du fluide qui a un rôle vital. Les autres principaux centres d'études médicales sont [[Cos]] et [[Cnide]], où se trouvent d'importants sanctuaires d'Asclépios<ref>{{en}} Edward Togo Salmon et T. W. Potter, « Medicine », dans {{harvsp|id=OCD|OCD|2012|p=921-922}}.</ref>{{,}}{{sfn|Grandjean|Bouyssou|Chandezon|Hochard|2024|p=300}}.
 
Parmi les autres domaines scientifiques qui se développent durant l'époque hellénistique, peuvent être mentionnés la botanique, marquée en particulier par l’œuvre de [[Théophraste]] (v. 370-285 av. J.-C.), continuateur d'Aristote dans l'accumulation de données qui lui permet de dégager des classifications entre les plantes (ce qui lui permet par exemple de distinguer entre [[monocotylédones]] et [[dicotylédones]])<ref>{{en}} John Scarborough, « Botany », dans {{harvsp|id=OCD|OCD|2012|p=245-246}}.</ref>, ou l'[[optique]] qui progresse notamment grâce à des travaux d'[[Euclide]]<ref>{{en}} W. R. Knorr et Alexander Jones, « Optics », dans {{harvsp|id=OCD|OCD|2012|p=1042}}.</ref>.
 
Parmi les disciplines savantes qui relèvent selon les critères modernes de l'irrationnel, l'[[alchimie]], une science des matériaux, de leurs propriétés et de leur transformation, connaît un développement par des auteurs se revendiquant des continuateurs de [[Démocrite d'Abdère]], notamment un « [[Pseudo-Démocrite]] » derrière lequel on voit couramment [[Bolos de Mendès]] (v. 150-100). On y retrouve des éléments des sciences et techniques hellénistiques tels que l'explication par des spéculations philosophiques (comme la « sympathie universelle » du [[stoïcisme]]), le développement d'un savoir-faire (''technè'') recherchant l'imitation (''mimesis'') de la nature la plus parfaite possible (en particulier les substances précieuses telles que l'argent, la pourpre et les gemmes), l'étude des éléments et la recherche de leurs propriétés, pour aboutir à des transformations des matières travaillées qui rapprochent cet art de ceux de la métallurgie, de l'orfèvrerie, de la verrerie et de la teinture<ref>{{en}} R. Halleux, « Alchemy », dans {{harvsp|id=OCD|OCD|2012|p=51-52}}.</ref>{{,}}<ref>{{Chapitre| langue=en|prénom1=Paul T.| nom1=Keyser |titre= The Longue Durée of Alchemy|auteurs ouvrage= Alexander Jones et Liba Taub (dir.)| titre ouvrage=The Cambridge History of Science Volume 1: Ancient Science |éditeur= Cambridge University Press|lieu=Cambridge|année=2018|passage=409-430}}</ref>.
 
=== Innovations techniques ===
 
Du point de vue de l'histoire des techniques, la période hellénistique s'inscrit plus largement dans une longue phases d'innovations qui couvre de nombreux domaines et s'appuie sur les acquis des civilisations égyptienne et mésopotamienne pour les diffuser et les améliorer. Elle se caractérise par rapport aux périodes antérieures par l'apparition de textes techniques décrivant les inventions de l'époque, aussi bien d'un point de vue théorique que pratique. [[Aristote]] est le premier à développer des considérations théoriques dans sa ''Physique'', et à sa suite des membres de l'école péripatéticienne font de même, en particulier [[Straton de Lampsaque]]. [[Archimède]] est l'inventeur le plus célébré de cette période. C'est avant tout un mathématicien comme vu plus haut, mais il les comportement des corps physiques avec des mathématiques (ce qui rejoint aussi se travaux sur les corps astraux et leurs masses), par exemple la notion de centre de gravité. Cela l'aide à mettre au point des machines, notamment des engins de siège. Mais c'est surtout Alexandrie qui est le foyer d'inventions. Les inventeurs ont laissé peu de textes, mais leurs noms ont été transmis ainsi que les machines qu'on leur attribue. [[Ctésibios]] est reconnu comme le premier grand inventeur alexandrin, qui développe la mécanique et aussi la pneumatique, qui repose sur l'étude et la compréhension de la circulation des fluides, air et eau (ce qui rejoint les théories physiologiques des médecins alexandrins). Ses écrits ne sont pas connus, mais certains d'un autre ingénieur d'Alexandrie, [[Philon de Byzance]], nous sont parvenus, documentant la première phase d'inventions du {{-s|III}} Les autres sources majeures se situent après la fin de l'époque hellénistique : le latin [[Vitruve]] qui écrit au tournant de notre ère, et l'alexandrin [[Héron d'Alexandrie]] qui écrit au {{s|I|er}}. Parmi les machines mentionnées par ce dernier, seules un quart sont attestées dans les écrits de Philon : cela laisse supposer que les autres ont été inventées durant la période d'environ trois siècles qui les sépare, et donne une idée de l'aspect innovateur de cette époque, qui se poursuit du reste durant l'époque impériale. L'archéologie fournit d'autres informations majeures, notamment pour les applications des inventions et les emplois des machines au quotidien, pour des besoins plus pratiques que ceux évoqués par les traités des ingénieurs (hydraulique, agriculture, transport, médecine, verrerie, etc.). Elle permet aussi de connaître des mécanismes non attestés par des textes, comme la [[machine d'Anticythère]]<ref>{{Ouvrage| langue=fr| prénom1=Marie-Claire| nom1=Amouretti| prénom2=Georges| nom2=Comet| titre=Hommes et techniques de l'Antiquité à la Renaissance| lieu=Paris| éditeur=[[Armand Colin]]| collection=Cursus - Histoire ancienne| année=1993| passage=51-74}}.</ref>{{,}}<ref>{{Chapitre| langue=en|prénom1=Tracey| nom1=Rihll|titre= Mechanics and Pneumatics in the Classical World|auteurs ouvrage= Paul T. Keyser et John Scarborough (dir.)| titre ouvrage=The Oxford Handbook of Science and Medicine in the Classical World |éditeur= Oxford University Press|lieu=Oxford|année=2018|passage=337-358 }}</ref>.
 
Les différentes machines mécaniques<ref>{{en}} Wilbur R. Knorr et Serafina Cuomo, « Mechanics », dans {{harvsp|id=OCD|OCD|2012|p=917-918}}.</ref> et pneumatiques<ref>{{en}} J. T. Vallance, « Pneumatics », dans {{harvsp|id=OCD|OCD|2012|p=1166-1167}}.</ref> évoquées dans les traités antiques ont souvent une finalité ludique ou du moins non pratique. Elles n'en révèlent pas moins le niveau d'ingéniosité atteint par les inventeurs de l'époque, et plus largement leur capacité à appliquer les connaissances physiques sur les masses, les mouvements, l'air et l'eau pour élaborer des dispositifs complexes. [[Ctésibios]] met ainsi au point une variante plus élaborée de la clepsydre, outil permettant de mesurer le passage du temps avec l'écoulement de l'eau, des pompes à piston, un orgue hydraulique ainsi que des automates{{sfn|Amouretti|Comet|1993|p=67-68}}. La vapeur peut aussi être employée pour des sons. La recherche sur la fabrication de sons artificiels a pour but l'imitation de la nature, comme dans différentes formes d'art de l'époque. Ces dispositifs sonores sont notamment employés dans les sanctuaires<ref>{{Article|langue=fr|auteur=Marylène Lebrère|titre= L’artialisation des sons de la nature dans les sanctuaires à automates d’Alexandrie, du {{IIIe}} s. av. J.-C. au {{Ier}} s. apr. J.-C. |périodique= Pallas|volume= 98 |année= 2015|passage= 31-53 |lire en ligne=https://journals.openedition.org/pallas/2641}}.</ref>. Philon met au point différentes machines, comme la servante automatique, automate de forme humaine qui verse de manière automatisée de l'eau. Héron et Vitruve évoquent aussi des fontaines automatiques, des théâtres d'automates, des horloges automatiques sonores<ref>{{Article|langue=fr|auteur= Hélène Fragaki|titre= Automates et statues merveilleuses dans l’Alexandrie antique|périodique=Journal des Savants |année =2012 |numéro=1 |passage= 29-67|lire en ligne= https://www.persee.fr/doc/jds_0021-8103_2012_num_1_1_6293}}.</ref>. L'emploi de mécanismes à engrenages pour ce type d'objet est documentée de manière remarquable par la [[machine d'Anticythère]], mise au jour dans une épave du {{-s|I|er}} Il s'agit d'un dispositif très complexe utilisant plusieurs roues à dents triangulaires pour rendre les mouvements d'astres, y compris des anomalies, au moyen d'une échelle divisée de manière non uniforme et d'engrenages différentiels, combinant donc les connaissances scientifiques et techniques. Ce mécanisme n'est manifestement pas le produit d'une seule tentative, mais le résultat d'une évolution impliquant la réalisation d'autres machines de même type. Du reste il est significativement plus compliqué que tout ce qui est décrit dans les textes de mécanique survivants, ce qui laisse supposer l'existence d'autres machines sophistiquées non documentées{{sfn|Rihll|2018|p=343}}.
 
<gallery mode="packed" heights="180px">
Clepsydre fr.png|Principe de la [[clepsydre]] de [[Ctésibios]].
Automatic servant of Philon, Museum of ancient Greek technology.jpg|Reconstruction de la « servante automatique » de [[Philon de Byzance]]. [[Musée des Technologies des Grecs de l'Antiquité|Musée de la technologie grecque antique]], [[Héraklion]].
Frammenti del meccanismo di antikythera, usato come calcolatore e calendatio astronomico, 150-100 ac ca. 08.jpg|Un des ragments de la [[machine d'Anticythère]]. [[Musée national archéologique d'Athènes]].
</gallery>
 
Un domaine privilégié d'application des innovations techniques est la [[poliorcétique]], l'art d'assiéger les villes<ref>{{en}} John F. Lazenby, « Siegecraft, Greek », dans {{harvsp|id=OCD|OCD|2012|p=1365}}.</ref>. Les rois qui emploient des ingénieurs sont en effet très demandeurs d'engins permettant de mener des assauts ou bien d'y résister. L'assiégeur par excellence, [[Démétrios Poliorcète]], fait ainsi fabriquer de nouvelles machines de siège, notamment l'[[hélépole]], une tour d'assaut haute de neuf étages. Philon de Byzance consacre un traité à la poliorcétique, et les ingénieurs alexandrins s'y illustrent, de même qu’Archimède lorsque sa cité de Syracuse est assiégée par les Romains. Les engins à projectiles, [[catapulte]]s et [[balistes]], font partie des machines améliorées durant cette période{{sfn|Amouretti|Comet|1993|p=56-57}}{{,}}{{sfn|Grandjean|Bouyssou|Chandezon|Hochard|2024|p=335-337}}. Ctésiobos aurait même utilisé ses découvertes en pneumatique pour fabriquer des engins tirant des projectiles avec de l'air comprimé, manifestement sans succès{{sfn|Rihll|2018|p=349}}.
 
D'autres machines qui se diffusent à cette période, voire y apparaissent, sont les meules verticales, pressoirs à treuil puis à vis servant pour fabriquer du vin et de l'huile. Le moulin à eau à roue verticale est attesté à partir du milieu du {{-s|I|er}}{{sfn|Amouretti|Comet|1993|p=59}} Dans l'hydraulique, en plus des inventions évoquées précédemment concernant la pneumatique, la vis d'Archimède (ainsi nommée parce que son invention lui est attribuée par Vitruve) permet d'améliorer l'élévation de l'eau. L'art des aqueducs progressent également : celui de Pergame dispose d'une conduite forcée par siphon inversé. Ces progrès sont ensuite utilisés à Rome{{sfn|Amouretti|Comet|1993|p=54-55}}.
 
== Notes et références ==
=== Notes ===
{{Références}}
<references group="Note"/>
=== Références ===
{{Références }}
 
== AnnexesBibliographie ==
{{Autres projets
| commons = Category:Hellenistic art
| commons titre = l'époque hellénistique
}}
 
=== BibliographieDictionnaires ===
* {{Ouvrage ouvrage| auteur1langue=fr|auteur=[[PierreJean BriantLeclant]] | directeur1=oui|titre =Dictionnaire Alexandre le Grandde l'Antiquité| collection= Quadrige|éditeur=Presses Queuniversitaires sais-je ?de France|pages éditeur totales= PUF 2464| année première édition isbn= 1974 2-13-055018-5| année = 1994 2005| id=PUF1994Leclant}} .
* {{ouvrage|langue=fr| prénom1=Maurice| nom1= Sartre| prénom2= Anne |nom2= Sartre-Fauriat |prénom3= Patrice |nom3= Brun| directeur3=oui| titre= Dictionnaire du monde grec antique|éditeur= Larousse| collection= In extenso| lieu= Paris|année=2009| isbn= 978-2-03-584834-5 |id=DMGA}}
* {{Ouvrage|langue=en| prénom1=Simon |nom1= Hornblower| prénom2= Antony |nom2=Spawforth |prénom3= Esther |nom3= Eidinow (dir.)|titre= The Oxford Classical Dictionary| éditeur= Oxford University Press| lieu= Oxford|année=2012|numéro édition=4| id=OCD}}
 
=== Histoire de la Grèce antique ===
 
* {{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Roland |nom1= Étienne|prénom2= Christel |nom2= Müller |prénom3= Francis |nom3= Prost| titre= Archéologie historique de la Grèce antique|éditeur=Ellipses|lieu= Paris|année=2014| numéro édition =3}}
* {{ouvrage|langue=fr|prénom1=Claude|nom1= Orrieux| prénom2=Pauline |nom2= Schmitt-Pantel |titre= Histoire grecque| lieu= Paris| éditeur=Presses universitaires de France |collection=Quadrige| année= 2013}}.
* {{ouvrage| langue=en|prénom1=Ian |nom1=Morris|prénom2 =Barry B. |nom2= Powell|titre= The Greeks|sous-titre= History, Culture, and Society|éditeur=Pearson| lieu=Harlow|année= 2014|numéro édition=2}}
* {{ Ouvrage|langue=en|prénom1= Franco |nom1= De Angelis |directeur1=oui| titre = A Companion to Greeks Across the Ancient World| éditeur=Wiley-Blackwell| lieu= Hoboken|année= 2020|id=ABR}}.
 
=== Époque hellénistique ===
 
* {{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Marie-Françoise| nom1=Baslez|directeur1= oui|et al.= oui|titre=L'Orient hellénistique, 323-55 av. J.-C.|éditeur=Atlande|lieu=Neuilly|année= 2004|id=BAS}}
* {{Ouvrage|langue=en|prénom1=Glenn R.|nom1=Bugh|directeur1=oui|titre=The Cambridge Companion to the Hellenistic World|lieu=Cambridge|éditeur=[[Cambridge University Press]]|année=2006|isbn=}}.
* {{CabHell}}.
* {{Ouvrage| auteur1 =[[François Chamoux]] | titre =La Civilisation Hellénistique | éditeur =[[Arthaud (maison d'édition)|Arthaud]]| collection = « Les Grandes Civilisations » | année = 1993| |pages totales = 446| isbn = 9782700305449978-2-7003-0544-9}}.
* {{Ouvrage|langue=en|prénom1=Angelos|nom1= auteur1 Chaniotis|titre= JeanAge Delormeof Conquests| sous-titre = LeThe MondeGreek hellénistiqueWorld |from éditeurAlexander to Hadrian|lieu= SEDESCambridge | collectionéditeur =Harvard Regards sur l'HistoireUniversity Press| année = 1975 2018}} ;
* {{Ouvrage| directeur1 langue=fr|prénom1=Philippe|nom1=Clancier|prénom2=Omar|nom2=Coloru|prénom3=Gilles|nom3=Gorre|titre=Les Andrewmondes Erskinehellénistiques| sous-titre =du LeNil Monde hellénistiqueà l'Indus|lieu=Paris| éditeur =Hachette Presses universitaires de Rennes, Supérieur| collection = DidactCarré Histoire | année=2017|pages totales= 2004 304|isbn = 2868478751978-2-01-700986-3}}.
* {{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Madalina| nom1=Dana|directeur1= oui|et al.= oui|titre=Le monde grec et l'Orient, 404 - 200 avant notre ère|éditeur=Atlande|lieu=Neuilly|année= 2022|id=DAN}}
* {{Article |langue= |auteur1=Pierre Fröhlich |titre= Les Grecs en Orient|périodique=Documentation photographique |volume= |numéro=8040 |date= 2004}}.
* {{Ouvrage|langue=fr|prénom1= Peter|nom1= Derow|prénom2= Roger S. |nom2= Bagnall|titre= The Hellenistic Period |sous-titre= Historical Sources in Translation |lieu= Malden et Oxford|éditeur= John Wiley & Sons|année= 2004}}
* {{Ouvrage| auteur1 = Catherine Grandjean | et al. = oui | titre = Le Monde hellénistique | éditeur = Armand Colin | collection = U | série= Histoire | année = 2008 | isbn = 978-2-200-35516-6}}.
* {{Ouvrage|langue=en|prénom1=Andrew|nom1=Erskine|directeur1=oui|titre=A Companion to the Hellenistic World|lieu=Malden et Oxford|éditeur=[[Wiley-Blackwell]]|année=2004|année première édition=2003|pages totales=595|isbn=978-0-631-22537-9}}
* {{Ouvrage| auteur1 = [[Pierre Lévêque (helléniste)|Pierre Lévêque]]| titre = Le Monde hellénistique | éditeur = Pocket| collection = Agora| année = 2003 | isbn =2266101404}}.
* {{Ouvrage| langue=fr|prénom1 = Claire Andrew|nom1 = Préaux Erskine| lien auteur1 directeur1= Claire Préaux oui| titre = Le Monde hellénistique | sous-titre lieu= la Grèce et l'Orient (323-146 av. J.-C.) Rennes| éditeur = Presses universitaires de France Rennes| collection =Didact Nouvelle Clio Histoire| année =2004| 1978pages totales=726| isbn = 2-1386847-035263875-41}}. (traduction du précédent)
* {{Article |auteur1=Pierre Fröhlich |titre= Les Grecs en Orient|périodique=Documentation photographique |numéro=8040 |date= 2004}}.
* {{Ouvrage| auteur1 =[[Francis Prost]] | titre =L’Orient méditerranéen de la mort d’Alexandre aux campagnes de Pompée. Cités et royaumes à l’époque hellénistique| éditeur =Presses Universitaire de Rennes collection =Pallas | année = 2003 |isbn = 2868478409}}.
* {{Ouvrage| prénom1 = Michel Catherine|nom1= Grandjean|prénom2=Geneviève|nom2= RostovtzeffHoffmann |prénom3= lien auteur1Laurent|nom3=Capdetrey|prénom4= Jean-Yves|nom4= Michel RostovtzeffCarrez-Maratray | titre = HistoireLe économique et sociale du mondeMonde hellénistique | éditeur =Armand Robert Laffont Colin| collection = Bouquins U| année série= 1989 Histoire| année première édition= 19412017| isbn = 978-2-221200-0501535516-06|pages totales=350}}.
* {{Ouvrage|langue=fr|prénom1= Catherine |nom1=Grandjean|directeur1=oui| prénom2= Gerbert-Sylvestre |nom2= Bouyssou|prénom3= Christophe|nom3= Chandezon|prénom4= Pierre-Olivier |nom4=Hochard |titre= La Grèce hellénistique et romaine |sous-titre= D'Alexandre à Hadrien, 336 avant notre ère-138 de notre ère| éditeur=Belin|collection=Mondes Anciens| lieu= Paris|année= 2024}}
* {{Ouvrage| auteur1 =[[Maurice Sartre]] | titre =D'Alexandre à Zénobie |sous-titre= Histoire du Levant antique, {{-s-|IV|e}}-{{-s-|III|e}} | éditeur = Fayard | année = 2001 }}.
* {{Ouvrage| langue=fr| auteur1=[[Pierre Lévêque (helléniste)|Pierre Lévêque]]| titre=Le Monde hellénistique| lieu=Paris| éditeur=[[Pocket]]| collection=Agora| année=2003| pages totales=317| isbn=2-266-10140-4}}.
* {{Ouvrage| auteur1 =Maurice Sartre | titre =L'Anatolie hellénistique de l'Égée au Caucase (334-31 {{av JC}})| éditeur = Armand Colin| année = 2004 }}.
* {{Ouvrage| langue=fr| prénom1=Laurianne| nom1=Martinez-Sève| titre=Atlas du monde hellénistique (336-31 av. J.-C.)| sous-titre=pouvoir et territoires après Alexandre le Grand| lieu=Paris| éditeur=[[Autrement]]| collection=Atlas-mémoires| année=2017| numéro édition=3|pages totales=96| isbn=978-2-7467-3616-0}}.
* {{Ouvrage| langue=fr| prénom1=Claire| nom1=Préaux| lien auteur1=Claire Préaux| titre=Le Monde hellénistique| sous-titre=la Grèce et l'Orient (323-146 av. J.-C.)| lieu=Paris| éditeur=[[Presses universitaires de France]]| collection=Nouvelle Clio| année=1978| pages totales=402| isbn=2-13-035263-4}}.
* {{Ouvrage| langue=fr| auteur1=[[Francis Prost]]| titre=L’Orient méditerranéen de la mort d’Alexandre aux campagnes de Pompée. Cités et royaumes à l’époque hellénistique| lieu=Rennes/Toulouse| éditeur=Presses universitaires de Rennes | collection =Pallas| année=2003| pages totales=414| isbn=2-86847-840-9}}.
* {{Ouvrage| auteur1=[[Maurice Sartre]]| titre=D'Alexandre à Zénobie| sous-titre=Histoire du Levant antique, {{-s-|IV|e}}-{{-s-|III|e}}| éditeur=[[Librairie Arthème Fayard|Fayard]]| année=2001| isbn=}}.
* {{Ouvrage| auteur1=Maurice Sartre| titre=L'Anatolie hellénistique de l'Égée au Caucase (334-31 {{av JC}})| éditeur=[[Armand Colin]]| année=2004| isbn=}}.
* {{Ouvrage|langue=en|prénom1=Peter |nom1=Thonemann| titre=The Hellenistic Age|sous-titre= A Very Short Introduction |éditeur=Oxford University Press|lieu=Oxford |année=2018}}
* {{HPMH}}.
* {{Ouvrage|idlangue=fr|auteur1=[[Édouard WILLWill]], [[Claude Mossé (historienne)|Claude Mossé]], [[Paul Goukowsky]]|titre= Le monde grec et l'orient|sous-titre= tome II : le {{s-|IV}} et l'époque hellénistique|éditeurlieu= PUFParis|auteuréditeur=[[ÉdouardPresses Will]],universitaires [[Claudede Mossé (historienne)France|Claude MosséPUF]], [[Paul Goukowsky]]|langue=fr|année=1975|lieu=Paris|pages totales=680|isbn=|id=WILL}}.
 
* {{Ouvrage|prénom1=Philippe|nom1=Clancier|prénom2=Omar|nom2=Coloru|prénom3=Gilles|nom3=Gorre|titre=Les mondes hellénistiques|sous-titre = du Nil à l'Indus | éditeur = Hachette Supérieur | collection = Carré Histoire | lieu = Paris | année = 2017 | pages totales = 304 | isbn = 978-2-01-700986-3}}.
== Voir aussi ==
* {{Ouvrage| prénom1 = Laurianne | nom1 = Martinez-Sève | titre = Atlas du monde hellénistique (336-31 av. J.-C.) | sous-titre = pouvoir et territoires après Alexandre le Grand | éditeur = Autrement | collection = Atlas-mémoires | lieu = Paris | année = 2014 | pages totales = 96 | isbn = 978-2-7467-3616-0}}.
* {{ouvrage|langue=en| prénom1=Andrew |nom1=Erskine|titre=A Companion to the Hellenistic World | éditeur=Wiley-Blackwell| lieu= Malden et Oxford|année=2005|année première édition=2003| isbn= 9780631225379}}.
* {{ouvrage|langue=en| prénom1= Glenn R. |nom1=Bugh | titre=The Cambridge Companion to the Hellenistic World|éditeur=Cambridge University Press|lieu= Cambridge|année=2006}}.
 
=== Articles connexes ===
{{colonnes|nombre=2|taille=18|
* [[Alexandre le Grand]]
* [[Antigonides]]
* [[Art hellénistique]]
* [[Attalides]]
* [[Chronologie de la Grèce antique]]
* [[Histoire de la Grèce antique]]
* [[Chronologie de la période hellénistique]]
* [[DiadoqueAlexandre le Grand]]
* [[Guerres des Diadoques]]
* [[Antigonides]]
* [[Histoire d'Alexandrie à l'époque hellénistique]]
* [[Histoire de la Grèce antique]]
* [[Koinè(grec)|Koinè]] (langue commune)
* [[Liste des cités grecques]]
* [[Judaïsme hellénistique]]
* [[Royaume lagide]]
* [[Séleucides]]
* [[Art hellénistique]]
* [[Religion hellénistique]]
}}
 
=== Liens externes ===
* [https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/carbone-14-le-magazine-de-l-archeologie/la-grece-hellenistique-et-la-conquete-du-monde-5320845 « La Grèce hellénistique et la conquête du monde »], ''Carbone 14, le magazine de l'archéologie'', France Culture, 13 avril 2024.
{{Autres projets
| commons = Category:Hellenistic art
| commons titre = l'époque hellénistique
}}
* [http://www.insecula.com/salle/EP0052.html L’art hellénistique] dans les grands musées occidentaux, sur Insecula.com.
* [http://www.yrub.com/histoire/athenes.htm Athènes hellénistique] sur Atrium.
* {{en}} [http://www.fordham.edu/halsall/ancient/asbook08.html Liste de liens] sur la civilisation hellénistique.
 
=== Bases de données et dictionnaires ===
{{liens}}
 
{{Palette|Histoire de la Grèce|Civilisations antiques|Histoire des royaumes hellénistiques}}
{{Portail|Grèce antique|Monde hellénistique}}
 
[[Catégorie:Époque hellénistique| ]]
[[Catégorie:Chrononyme]]
[[Catégorie:Monde hellénistique]]