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==== Le problème de l'individuation ====
Duns Scot invente le concept d'[[individuation]] ou {{citation|[[eccéité]]}} : il critique les philosophies qui donnent trop d'importance au mode d'être général et qui ne peuvent expliquer l'existence d'individus singuliers. Sa cible principale, d'après [[Paolo Virno]], est l'[[hylémorphisme]]<ref name="paolovirno">Paolo Virno, [https://www.cairn.info/revue-multitudes-2004-4-page-33.htm « Les anges et le ''general intellect''. L'individuation chez Duns Scot et Gilbert Simondon »], ''Multitudes'' {{numéro|18}}, Automne 2004.</ref> : c'est-à-dire la théorie qui définit tout être comme un composé de matière et de forme, la matière assurant l'individuation de par son indétermination originelle, et la forme assurant la détermination de la matière. Cette théorie est une radicalisation de l'[[ontologie (philosophie)|ontologie]] [[aristotélisme|aristotélicienne]], et on la trouve par exemple chez [[Thomas d'Aquin]]<ref>[[Thomas d'Aquin]], ''[[Somme théologique]]'', Ia, q.3, a.2. Dans cette même ''Question'', Thomas exclut logiquement Dieu de l'[[hylémorphisme]], limitant par-là même le domaine de l'ontologie de la composition matière/forme aux créatures seulement. Cf. aussi Ia, q.14, a.11.</ref>. Scot s'y oppose, et refuse d'admettre que la matière, indéterminée, puisse individuer des êtres. Ce ne saurait non plus être le rôle de la forme, qui est toujours générale. La cause de l'individualité serait donc l'[[eccéité]], ou [[individuation]] : ce qui fait que Socrate est l'individu Socrate, c'est sa « Socratéité » elle-même. Il n'y a pas d'autre cause de l'individuation à chercher que l'individuation elle-même : aucune autre cause ne saurait expliquer l'existence d'individus singuliers. Pour démontrer sa thèse, Scot utilise le [[paradigme]] [[angélologie|angélologique]] : comment peut-il y avoir des [[ange]]s singuliers et différenciés, si l'ange n'est que pure forme, c'est-à-dire dépourvu de matière individuante, et déterminé de manière générale uniquement ? Il y a là une contradiction : la composition de matière et de forme est insuffisante pour expliquer l'individualité des anges. Il faut donc postuler un principe antérieur à la composition de forme et de matière, et ce principe est l'individuation ontologique.
 
Paolo Virno retrace une continuité philosophique entre Duns Scot et [[Gilbert Simondon]] : leur position commune serait, selon le philosophe italien, un refus de l'universel et de l'individu à la fois, au nom de l'individuation comme processus<ref name="paolovirno"/>. En effet, l'universel désigne l'effacement total de la singularité, l'indifférenciation absolue ; et l'individu désigne une entité figée, statique, au contraire de l'individuation ou devenir-individu, qui désigne la véritable singularité. Cette interprétation est proche de celle de [[Gilles Deleuze]]<ref>[[Gilles Deleuze]], ''Différence et répétition'', PUF, 1968, ch. 1, p. 52 : {{citation|Il n'y a jamais eu qu'une proposition ontologique : l'Être est univoque. Il n'y a jamais eu qu'une seule ontologie, celle de Duns Scot, qui donne à l'être une seule voix. [...] Nous n'avons pas de peine à comprendre que l'Être, s'il est absolument commun, n’est pas pour cela un genre ; il suffit de remplacer le modèle du jugement par celui de la proposition}}.</ref>, et apparente Duns Scot à la [[gauche (politique)|gauche]] philosophique : la notion d'individuation, ou encore « transindividuation », « individuation collective », selon la terminologie de [[Gilbert Simondon|Simondon]], s'oppose ici à la notion [[libéralisme|libérale]] d'individu comme source limitée et déterminée de la propriété privée et du [[droit]].
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