« Données archéologiques sur l'Exode et Moïse » : différence entre les versions
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Cet article présente les '''données archéologiques''' en rapport avec le sujet de « '''l'[[Exode hors d'Égypte|Exode]] et [[Moïse]]''' » tel que rapporté par le récit biblique.
En l'état actuel des choses, aucune trace assurée de l'Exode n'a été mise au jour lors de fouilles archéologiques, en dépit de nombreuses recherches. Cela revient à dire que l'archéologie ne peut démontrer que cet épisode biblique se soit réellement produit, pas plus qu'elle ne peut l'infirmer.
L'état actuel de la recherche est partagé entre des chercheurs qui suggèrent que le noyau du récit est fondamentalement authentique et est le reflet d'un événement important pour l'histoire ancienne d'Israël et d'autres qui infirment toute historicité arguant une époque tardive quant à la composition du récit qui ne serait que le reflet de son époque de rédaction. Entre les deux, certains acceptent l'historicité de certains détails et l'existence d'un petit noyau historique.
== Données archéologiques sur les personnages de l'Exode ==
À ce jour aucune trace archéologique de [[Moïse]] ni d'allusion à son existence antérieurement au récit biblique n'a été retrouvée, ni en [[Égypte]], ni en [[Palestine (région)|Palestine]], alors que l'on connaît les principaux notables de l'entourage des pharaons du [[Nouvel Empire égyptien|Nouvel Empire]]. En dehors de la Bible, la connaissance historique des personnages de l'[[Exode hors d'Égypte|Exode]] est donc très faible et se réduit à quelques remarques concernant les noms et les ressemblances.
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Selon l'[[archéologue]] [[Christiane Desroches Noblecourt]]<ref>Christiane Desroches Noblecourt, ''Ramsès {{II}}'', éditions Pygmalion {{p.}}250, 1996.</ref>, spécialiste en [[Égyptologie]], « Le nom de Moïse, issu de Mosé (mès = enfant, mésy = mettre au monde, etc.), constitue également la déviation du nom très égyptien dont la première partie est constituée d’un nom divin : ''Thot''mès, ''Ra''mès etc. » (voir hiéroglyphe ci-contre ; voir aussi [[Noms et prénoms égyptiens dans l'Antiquité|Ramsès et Djehoutymès-Thoutmôsis]]).
Selon une légende mésopotamienne rapportée par des textes du {{-s|VII
Le second personnage du livre de l'[[Exode hors d'Égypte|Exode]], le pharaon, n'est pas nommé. Les [[Hyksôs]], chez qui on peut trouver des points de ressemblance avec les [[Hébreux]] du récit biblique, régnèrent sur la [[Basse-Égypte
==
L'historien et archéologue [[:de:Nadav_Na’aman|Nadav Na’aman]] explique l'état de la question au sein de la recherche dans la première partie du {{S-|XXI}} en décrivant l'éventail des opinions qui peut se synthétiser en trois positions : un complet rejet de l'historicité de l'épisode, point de vue selon lequel l'histoire de l'Exode est essentiellement un mythe formulé à une époque tardive qui ne reflète pas la réalité de l'histoire ancienne d'Israël mais reflète principalement l'époque de sa composition; à l'opposé, l'opinion suivant laquelle le noyau de l'histoire est fondamentalement authentique et que l'épisode reflète un événement important dans les débuts de l'histoire d'Israël ; une position intermédiaire qui accepte l'historicité de quelques détails du récit et suggère que celui-ci comprend un noyau — bien que petit — d'événements historiques qui se sont déroulés sur le sol égyptien<ref>Nadav Na’aman cité par {{Chapitre|langue=en|auteur1=Brad C. Sparks|titre chapitre=Egyptian Texts relating to the Exodus|sous-titre chapitre=Discussions of Exodus Parallels in the Egyptology Literature|auteurs ouvrage=Thomas E. Levy, Thomas Schneider, William H.C. Propp (éds.)|titre ouvrage=Israel’s Exodus in Transdisciplinary Perspective|sous-titre ouvrage=Text, Archaeology, Culture, and Geoscience|éditeur=Springer|année=2015|isbn=978-3-319-04767-6|passage=274}}</ref>.
Dans une synthèse sur l'état de la recherche historique et archéologique parue en 2016, l'historien [[:en:Lester_L._Grabbe|Lester L. Grabbe]] explique que « malgré les efforts de certains arguments fondamentalistes, il n'est pas possible de sauver le texte biblique en tant que description d'un événement historique », arguant plus précisément à propos de l'épisode de l'Exode, qu'« une grande population d'Israélites, vivant dans leur propre partie du pays, n'a pas quitté une Égypte dévastée par divers fléaux et dépouillée de ses richesses et passé quarante ans dans le désert avant de conquérir les Cananéens »<ref>{{Chapitre|langue=en|auteur=Lester L. Grabbe|titre=Late Bronze Age Palestine: If we had only the Bible …|auteurs ouvrage=Lester L. Grabbe|titre ouvrage=The Land of Canaan in the Late Bronze Age|lieu=Londres et New York|éditeur=Bloomsbury T&T Clark|année=2016|passage=38}} : {{citation étrangère|Despite the efforts of some fundamentalist arguments, there is no way to salvage the biblical text as a description of a historical event. A large population of Israelites, living in their own section of the country, did not march out of an Egypt devastated by various plagues and despoiled of its wealth and spend forty years in the wilderness before conquering the Canaanites.|langue=en}}.</ref>.
== Question de la date de l'Exode ==
De très nombreuses hypothèses ont été proposées pour une date à laquelle l'[[Exode hors d'Égypte|Exode]] aurait pu avoir lieu. Ces hypothèses ont chaque fois été confrontées au savoir tiré des données archéologiques du terrain, en cherchant les points communs entre le contexte vers lequel le récit pointe (données bibliques) et le contexte historique tel qu'il ressort de l'archéologie (données archéologiques). Une [[Méthode hypothético-déductive|hypothèse]], en soi, n'est pas porteuse d'un savoir scientifique aussi longtemps qu'elle n'a pas été validée. Or, aucune de ces hypothèses n'a été validée dans ces confrontations. La multitude des [[hypothèse]]s de dates et leur rejet final les unes après les autres ne peut que jeter le doute sur la possibilité qu'un [[Exode hors d'Égypte|Exode]] tel que celui décrit dans le récit biblique ait pu avoir lieu, sans prouver toutefois qu'il n'a pas eu lieu (il s'agit de preuves négatives).
Selon l'archéologue [[Amihai Mazar]] : {{Citation|On ne peut tirer de l'archéologie aucune preuve du séjour des Israélites en Égypte et de l'Exode}}<ref>[[Israel Finkelstein]] and [[Amihai Mazar]], edited by Brian B. Schmidt, ''The Quest for the Historical Israel. Debating Archaeology and the History of Early Israel'', {{nobr|232 pages}}, Society of Biblical Literature, n°17, Atlanta (October 24, 2007). {{ISBN|1589832779|9781589832770}}</ref>
{{
=== Hypothèse de datation à l'époque des Hyksôs ===
L'[[égyptologue]] belge [[Claude Vandersleyen]]<ref>{{harvsp|Vandersleyen|1995|p=232-237}}</ref>, premier traducteur de la [[Stèle de la tempête]], penche pour l'hypothèse d'une datation haute de l'Exode. Il souligne que le [[Pentateuque]], le [[livre de Josué]] et le [[livre des Juges]] fournissent une chronologie qui, suivant les interprétations, place l'[[Exode hors d'Égypte|Exode]] au {{sav|XVI
L'archéologue [[Donald Bruce Redford|Donald Redford]] souligne, lui, les ressemblances fortes qui existent entre les [[Hébreux]] de la [[Bible]] et les [[Hyksôs]] des données archéologiques<ref>[[#DR-ECI|Donald Redford (bibliographie)]], ''Egypt, Canaan, and Israël in Ancient Times'', {{p.}}98-122.</ref> : les Égyptiens les nomment « ceux qui parlent la langue ouest-sémitique », ils viennent de [[Palestine (région)|Palestine]] ou du [[Liban]] (probablement des hautes terres car ils révèrent un dieu de la montagne), ils s'installent dans le delta du Nil, ils seront chassés d'Égypte.
L'archéologue [[Alain-Pierre Zivie|Alain Zivie]] remarque pour sa part : {{Citation|bien des traditions concernant la défaite des Hyksôs et les débuts de la {{XVIIIe dynastie égyptienne}} évoquent également l’Exode, mais cette fois sous forme d’expulsion}}<ref>[[Alain-Pierre Zivie|Alain Zivie]], {{p.}}141, op. cit.</ref>.
=== Hypothèse de datation à l'époque de Ramsès {{II}} ===
Le récit biblique ne donne pas de date, mais il donne des indications permettant d'estimer à quel moment l'évènement se serait produit. Le calcul conduit, selon l'archéologue [[Pierre de Miroschedji]], autour de 1450 {{av JC}}<ref>Pierre de Miroschedji, revue ''La Recherche'' {{numéro|391}} du 01-11-2005, dossier “Les archéologues réécrivent la [[Bible]]”, {{p.}}38.</ref>. À cette date, comme aux dates antérieures, la [[Palestine (région)|Palestine]] est sous contrôle militaire égyptien (garnisons) : il est difficile d'échapper au contrôle militaire en Égypte en se réfugiant en Palestine, puisque le contrôle militaire y est très présent. Comme ce contrôle ne disparait que vers 1300 {{av JC}} (effondrement systémique marquant le passage de l'Âge du bronze à l'Âge du fer), il est impossible que les Hébreux aient pu conquérir Canaan, à la fin du bronze récent, avant cette date. Les [[lettres d'Amarna]] le montrent aussi : le petit roi [[Abdi-Heba]], mis en place par le pouvoir égyptien, n'est pas un Hébreu. Il écrit : {{Citation|Parole au roi, mon seigneur : Message d'[[Abdi-Heba]], votre serviteur. […] Vu que, en ce qui me concerne, ce n'est ni mon père ni ma mère qui m'ont placé dans cet endroit, mais que c'est le bras puissant du roi qui m'a amené dans la maison de mes pères, pourquoi moi, de toutes les personnes, aurais-je commis un crime contre le roi, mon seigneur ?}}<ref>''The Amarna Letters'', EA 286 {{p.}}326-327, edited and translated by William L. Moran, {{nobr|448 pages}}, The Johns Hopkins University Press, (1992, october 31 2000, september 08 2010). {{ISBN|0801867150|9780801867156}} (édition intégrale des {{Unité|350|lettres}} et inventaires)</ref>. Le fait que les Hébreux ne sont pas en Canaan vers 1350 {{av JC}} est ainsi attesté dans les lettres d'Amarna.
La [[stèle de Mérenptah]], conservée au [[musée égyptien du Caire]], atteste que, postérieurement à -1200, les [[Juifs|Israélites]] sont une population du [[pays de Canaan]].
Il ne resterait donc, comme période à laquelle l'[[Exode hors d'Égypte|Exode]] aurait pu avoir lieu, que l'intervalle entre 1300 et 1200 {{av JC}} C'est l'hypothèse qui semble la plus plausible parmi les archéologues
Cependant, une objection importante rend difficile de placer l'[[Exode hors d'Égypte|Exode]] sous Ramsès {{II}} : cette époque est bien connue et ne livre aucune trace d'un événement de l'ampleur de l'Exode tel que décrit dans la [[Bible]]. [[Claude Vandersleyen]]<ref>{{harvsp|Vandersleyen|1995|p=234}}</ref> l'avait déjà fait remarquer. [[Alain-Pierre Zivie|Alain Zivie]] le souligne : {{Citation|Mais très vite alors apparaît une forte contradiction. L’affrontement entre Ramsès et Moïse a certes quelque chose de grandiose [
Pour sa part, [[Israël Finkelstein]] constate que la tentative de localiser les événements de l'[[Exode hors d'Égypte|Exode]] à l'époque de [[Ramsès II|Ramsès {{II}}]] se heurte à des difficultés insurmontables, pas la moindre mention d'un tel épisode n'apparaissant dans aucune source égyptienne sur le Nouvel Empire et pas la moindre trace n'existant d'anciens Hébreux en Égypte<ref>''The Quest for the Historical Israël. Debating Archaeology and the History of Early Israël'', [[Israël Finkelstein]] and [[Amihai Mazar]], {{p.}}51, edited by Society of Biblical Literature (2007).</ref>. [[Donald Bruce Redford|Donald Redford]] le souligne également et il ajoute que, symétriquement, le récit biblique est muet sur toute l'Égypte historique<ref>[[#DR-ECI|Donald Redford (bibliographie)]], {{p.}}257-258.</ref> : il ne contient pas un mot sur la dynastie des [[Amenhotep|Aménophis]], sur celle des {{page h'|Thoutmôsis}}, sur celle des {{page h'|Ramsès}}, il est muet sur l'Empire égyptien et ses expéditions militaires en Palestine comme sur ses petits rois vassaux en Canaan, il ignore le conflit avec les [[Hittites]], les invasions des [[Peuples de la mer]] (les Philistins de la Bible sont déjà présents dans le récit à l'époque d'[[Abraham]]).
=== Hypothèse de datation à la fin des ramessides ===
[[Alain-Pierre Zivie|Alain Zivie]] propose cette hypothèse, qu'il estime plus plausible que l'époque de [[Ramsès II|Ramsès {{II}}]] : {{Citation|Du reste, le texte d’Exode 1,10 évoque la crainte égyptienne de voir les Hébreux s’allier à des ennemis de l’extérieur. […] Mais ce thème-là, on le retrouve aussi à l’extrême fin de la {{XIXe dynastie égyptienne}}, avec peut-être une base historique réelle. […] Même si en effet on fait la part des choses et du discours habituel de reprise en main après une période agitée, des faits troublants sont mentionnés dans ces textes, qui ne correspondent pas élément par élément avec le récit biblique (cela ne sera jamais, il faut s’en convaincre), mais qui nous jettent dans une atmosphère semblable, en un moment de crise, intérieure, en liaison avec des Asiatiques, et dans un contexte égyptien de grande faiblesse politique (vers 1190 avant notre ère)}}<ref>[[Alain-Pierre Zivie]], {{p.}}140-141, op. cit.</ref>.
=== D'autres hypothèses de datation de l'Exode ===
[[Emmanuel Anati]] propose une datation très haute de l'exode (dernier quart du {{IIIe}} millénaire av J.C.) qui, si elle a reçu un certain écho médiatique et les encouragements du Vatican, a aussi reçu des réactions très négatives dans les milieux scientifiques où la quasi-totalité des archéologues s'opposent à ses thèses<ref>Alain Michel, « Quand le professeur Anati déménage le Mont Sinaï », in ''Histoire du christianisme magazine'', {{numéro|51}}, juillet 2010, {{p.}}21</ref>.
Une lecture quelque peu rapide a fait d'[[Akhénaton]] un inventeur du monothéïsme (en fait, les différents cultes des dieux égyptiens se sont poursuivis dans les temples égyptiens à l'époque d'Akhénaton, ils n'ont nullement été supprimés). [[Alain-Pierre Zivie|Alain Zivie]] conclut ainsi : {{Citation|Et tant qu’on n’aura pas apporté des arguments véritables et nouveaux en faveur d’une datation de ces événements si insaisissables sous le règne de Ramsès {{II}}, cessons donc de mettre face à face le plus célèbre des pharaons et le chef hébreu. Tant qu’à faire, si l’on tient à voir deux grandes figures s’affronter, on préférera encore la confrontation entre Akhénaton et Joseph évoquée dans la série romanesque de [[Thomas Mann]], ''Joseph et ses frères''. Celle-ci n’est pas plus fondée historiquement, tant s’en faut, que celle opposant Ramsès {{II}} et Moïse, mais du moins a-t-on affaire là à une fiction littéraire digne de ce nom}}<ref>[[Alain-Pierre
== Contexte archéologique d'un éventuel Exode ==
=== Scarabées commémoratifs, correspondance diplomatique, écrits des scribes égyptiens ===
En plus des abondantes inscriptions officielles sur les murs des temples et les stèles, trois types d'objets, principalement, contiennent des textes : ce sont les [[Scarabée commémoratif|scarabées commémoratifs]], la correspondance diplomatique officielle sur tablettes d'argile et la correspondance privée des scribes égyptiens principalement sur papyrus. Le contexte d'un éventuel [[Exode hors d'Égypte|Exode]] a été activement recherché dans les données archéologiques que ces textes contiennent.
[[Thoutmôsis III|Thoutmôsis {{III}}]] installe, vers 1450 {{av JC}}, la domination militaire égyptienne sur le Proche Orient, plaçant ses conseillers un peu partout. Dans ses écrits, il parle des différents peuples qu'il rencontre<ref>[[Claire Lalouette]], ''Thèbes ou la naissance d'un empire'', éditions Flammarion, 1995, {{p.|273-376}}.</ref>, mais, s'il parle des [[Apirou]] (voir ci-après), il est muet sur les [[Hébreux]].
[[Fichier:LettreDAmarna.jpg|vignette|[[Lettre d'Amarna]], Musée du Louvre (lettre de Biridiya, écrite à [[Megiddo]], en [[cunéiforme]], adressée au pharaon).]]
Sous [[Akhénaton]], les [[lettres d'Amarna]] sur tablettes d'argile, tirées des fouilles, décrivent [[Pays de Canaan|Canaan]] vers 1350 {{av JC}} : le bas-pays est contrôlé par des cités-États dans lesquelles se trouvent les garnisons égyptiennes. Les hautes terres sont partagées en territoires peu peuplés, dimorphes, une partie de la population étant sédentaire et une partie nomade. Le roi de [[Jérusalem]], [[Abdi-Heba]] se plaint des méfaits, sur son territoire (quelques hameaux s'étendant de Béthel à Beersheba) de l'ethnie [[Shasou]] et des [[Apirou]] (voir ci-après). Il réclame de l'aide à l'[[Égypte]]. Des conflits de territoires l'opposent à Shuwardata, souverain de Gat, la cité-État de la plaine côtière. À [[Sichem]] (hautes terres du nord) règne Labayu, qui lance une attaque sur la cité-État de [[Megiddo]] : c'est un échec qu'il paie de sa vie. Ces textes<ref>[[Israël Finkelstein]] et [[Neil Asher Silberman]], ''Les rois sacrés de la Bible. À la recherche de David et Salomon'', Éditions Bayard, 2006, {{p.}}50-54.</ref> donnent une connaissance détaillée des cultures qui existent vers 1350 {{av JC}} en [[Pays de Canaan|Canaan]] : aucune mention n'est faite de la culture des [[Hébreux]], ce qui montre que les Hébreux ne sont pas en Canaan à l'époque des [[lettres d'Amarna]].
[[Fichier:ScarabéesAménotepIII.jpg|vignette|[[Scarabée commémoratif|Scarabées commémoratifs]] d'Amenotep III, Musée du Louvre ({{n°|8}} chasse aux lions, {{n°|9}} au nom d'Amenotep III et de Tiyi).]]
D'[[Amenhotep III|Amenhotep {{III}}]] à [[Ramsès II|Ramsès {{II}}]] en passant par [[Akhénaton]], l'[[Égypte]] entretient avec toute la Méditerranée orientale une correspondance soutenue. Il s'agit tout d'abord des [[Scarabée commémoratif|scarabées commémoratifs]] : depuis l'époque des [[Hyksôs]], certains souverains Égyptiens ont pris l'habitude d'envoyer aux autres souverains qu'ils connaissent, à l'occasion de chaque évènement marquant, un bijou en forme de scarabée comportant sur le ventre un petit texte qui commémore cet évènement. Datant d'[[Amenhotep III|Amenhotep {{III}}]], de nombreux exemplaires de ces [[Scarabée commémoratif|scarabées commémoratifs]] ont été tirés de fouilles sur une très large étendue géographique, ce qui trace la zone d'influence de ce souverain. La correspondance diplomatique d'[[Amenhotep III|Amenhotep {{III}}]] nous est également connue par les [[lettres d'Amarna]] sur tablettes d'argile, retrouvées dans les fouilles de ce site. Dans ces tablettes apparaissent les noms des souverains d'une certaine importance et les problèmes de leur royaume<ref>{{harvsp|Vandersleyen|1995|p=163, 370 et 377}}</ref>. La fonction de courrier est institutionnalisée sous les ramessides, un corps militaire spécial en est chargé<ref>[[#DR-ECI|Donald Redford (bibliographie)]], {{p.|202-203}}.</ref>. Par exemple, sous Ramsès {{II}}, Aménémopé écrit : {{Citation|[Sa majesté] m'a fait conducteur de char et superviseur de l'écurie. Mon seigneur m'a loué pour ma compétence, et m'a désigné commandant de bataillon de son armée… et il m'a envoyé comme messager du roi dans toutes les terres étrangères, et je lui ai rendu compte des terres étrangères dans tous les détails}}<ref>''Ramesside Inscriptions'', 7 volumes, edited by K.A. Kitchen (London, 1969), volume {{III}}, {{p.|274-275}}.</ref>. Il est question de Canaan (où l'on retrouve de nombreux [[Scarabée commémoratif|scarabées commémoratifs hyksôs]] tirés des fouilles, des villes de [[Palestine (région)|Palestine]] ([[Jérusalem]], [[Sichem]]), des [[Araméens (Antiquité)|Araméens]], mais il n'est nulle part fait mention d'[[Hébreux]] ni d'[[Données archéologiques sur les premiers Israélites|Israélites]]<ref>{{harvsp|Vandersleyen|1995}}</ref>, jusqu'à la [[stèle de Mérenptah]] (1207 {{av JC}}), sur laquelle ils sont mentionnés à la fin d'une liste, ligne 27, l'avant-dernière de la stèle, parmi les populations de Canaan vaincues<ref>[[Jean-Pierre Corteggiani]], [[Institut français d'archéologie orientale]], Le Caire, film ''La Bible dévoilée. Les révélations de l'Archéologie'', chapitre 5 de l'épisode 2.</ref>. En résumé, parmi toutes les populations du Proche Orient, ils semblent avoir, pour les Égyptiens, une importance secondaire vers 1207 {{av JC}}
L'existence vers 1210 {{av JC}} d'un groupe d'hommes et de femmes appelé « Israël » quelque part sur les hautes terres de Cisjordanie, semi-nomade et n'habitant pas dans une ville (voir stèle de [[Mérenptah]]), est une donnée archéologique.
De nombreux scribes égyptiens sont rattachés à l'armée<ref>[[#DR-ECI|Donald Redford (bibliographie)]], {{pp.|217-218}}</ref>. À leur tête se trouve le « superviseur des scribes de l'armée ». [[Amenhotep fils de Hapou]], qui remplit cette fonction sous [[Amenhotep III|Amenhotep {{III}}]], précise<ref>''Urk'', ''Urkunden des ägyptischen Altertums'', edited by G. Steindorff (Leipzig and Berlin, 1906-1958), volume {{IV}}, {{p.|1820-1821}}.</ref> : {{Citation|J'ai levé les impôts de mon seigneur, mon calame a compté les nombres parmi les
=== Sémites, Shasou, Apirou et autres Asiatiques en Égypte ===
C'est dans les populations d'''Asiatiques'' tels qu'elles apparaissent dans les données archéologiques qu'on peut chercher l'existence de la population des [[Hébreux]] décrits dans le récit biblique de l'Exode et Moïse.
Le terme ''Asiatiques'' désigne l'ensemble des populations qui vivent à l'est de l'[[Égypte]]. Depuis [[Thoutmosis III|Thoutmosis {{III}}]], une colonie syrienne installée à Karnak est attestée. Un quartier syrien existe à Louxor. Un certain nombre d'[[Hyksôs]] travaillent à Memphis<ref>Contrairement à ce qu'on a cru jusque tout récemment encore, la langue des [[Hyksôs]] n'appartient pas à la famille sémitique ([[Dominique Valbelle]], {{p.}}1106, ''Dictionnaire de l'Antiquité'' sous la direction de Jean Leclant, éditions PUF, 2005</ref>. Les données archéologiques attestent que des colonies d'Asiatiques, venus de tous les pays de l'Empire et groupés par ethnies, se développent de façon importante sous les Ramessides, notamment dans la région du [[Gouvernorat du Fayoum|Fayoum]]. Il s'agit exclusivement de travailleurs libres. Les prisonniers de guerre ou les condamnés de droit commun, s'ils ne sont plus en prison, sont répartis chez des particuliers (voir ci-dessous la question de l'esclavage).
Les ''Sémites'' sont présents en [[Égypte]], régulièrement représentés dans l'iconographie, de façon conventionnelle avec une barbiche en pointe caractéristique. Le célèbre dessin relevé par [[Jean-François Champollion|Champollion]] dans la tombe du vizir [[Rekhmirê]] montre<ref>dessin reproduit par [[Christiane Desroches Noblecourt]], ''Le fabuleux héritage de l'Égypte'', {{p.}}190, éditions Télémaque, 2004.</ref> un groupe d'ouvriers sémites, en parfaite égalité avec les ouvriers égyptiens, fabriquant des briques et construisant un mur<ref>Ces sémites sont probablement des prisonniers de guerre, certains des {{Unité|1588|Syriens}} que Thoutmosis {{III}} a attribué au domaine d'[[Amon]] (voir Dominique Valbelle, ''Les neuf arcs. L'Égyptien et les étrangers de la préhistoire à la conquête d'Alexandre'', éditions Armand Colin, 1990, {{p.}}190 {{ISBN | 2-200-37214-0}}.) Dans le domaine d'[[Amon]], que [[Rekhmirê]] administre, seules les constructions ordinaires sont en brique, les monuments sont tous en pierre taillée.</ref>.
Des ''[[Shasou]]'', dont des groupes travaillent en Égypte, les données archéologiques attestent que ce sont des semi-nomades de Palestine et de Syrie appartenant à l'ethnie des Bédouins. Après le règne de [[Ramsès III|Ramsès {{III}}]], le terme Shasou devient synonyme de Bédouin<ref>[[Dominique Valbelle]], {{p.}}2015, Dictionnaire de l'Antiquité sous la direction de Jean Leclant, éditions PUF 2005</ref>. Il existe quelques points de correspondance entre ces ''[[Shasou]]'', attestés, et le récit biblique. Le « pays des Shasou », attesté dans les données archéologiques, est un toponyme désignant la région montagneuse de Se'ir (Edom) située à l'est de l'[[Arabah]]. Il apparaît plusieurs fois dans les documents égyptiens : il figure notamment sur une liste dans le [[Temple d'Amon (Soleb)|temple de Soleb]] construit par [[Amenhotep III|Amenhotep {{III}}]] (1391/1390-1353/1352 {{av JC}}), pour six toponymes situés « au pays des Shasou »<ref>[[#DR-ECI|Donald Redford (bibliographie)]], {{p.}}272-273.</ref>. L'un de ces toponymes est «
Le terme ''Hapirou'' ou ''Habirou'', dont il est attesté que des groupes travaillent en Égypte, apparaît dans des textes depuis le Dynastique archaïque jusqu'à la fin de l'Âge du Bronze, on le rencontre dans les données archéologiques sur une très large étendue géographique, de la [[Mésopotamie]] à l'[[Anatolie]] et à l'[[Égypte antique|Égypte]]. Il désigne principalement des marginaux, mercenaires plus ou moins brigands. Il est maintenant attesté que les [[Apirou]] portent des noms d'origines ethniques variées : ils constituent donc un groupe socio-économique et non pas une ethnie. Selon Olivier Rouault, {{Citation
Il est attesté, par les données archéologiques, que la main-d’œuvre étrangère d'''Asiatiques'' dispose des mêmes droits que la main-d’œuvre égyptienne. Selon une vieille tradition, les enfants les plus doués, égyptiens ou étrangers, sont repérés très tôt et recrutés comme ''[[Enfant du Kep|Enfants du Kep]]'', l’école d’élite de Pharaon<ref>[[Christiane Desroches Noblecourt]], ''La Femme au temps des pharaons'', éditions Stock, 1988. {{p.}}84.</ref>. Dans cette école, beaucoup d’enfants sont issus des grandes familles, mais il y en a également
=== Question du nombre d'Hébreux concernés ===
Selon le récit biblique, la fuite concerne {{Unité|600000|hommes}}, sans compter les enfants<ref>in {{BFR|Ex|12|37}}</ref>. Tous les commentateurs donnent à ce chiffre un sens symbolique. D'ailleurs, pour [[Donald Bruce Redford|Donald B. Redford]], responsable des fouilles de [[Mendès]] dans le delta, le chiffre est extravagant<ref>[[Donald Bruce Redford|Donald B. Redford]], film “La [[Bible]] dévoilée. Les révélations de l'Archéologie”, chapitre 5 de l'épisode 2.</ref> car, à l'époque, selon les données archéologiques, la population de l'[[Égypte]] est estimée à {{Unité|2800000|personnes}} : pareille fuite aurait laissé une saignée impossible à masquer dans le pays. D'autant plus que ce ne sont pas {{Unité|600000|individus}} qui auraient quitté le pays mais {{Unité|600000|familles}}, ce qui représente un nombre beaucoup plus important de personnes. {{ref nec|date=5 juillet 2022|On peut, approximativement, calculer ce nombre en utilisant le récit biblique.
''Calcul du nombre d'Hébreux s'enfuyant d'Égypte''.
Le séjour des Hébreux en Égypte dura {{unité|430|ans}} (Exode 12.40, 12.41) après l'arrivée de Jacob-Israël, accompagné de sa descendance et des familles de celle-ci. Les versets de la Genèse, 46.8 à 46.27, en font le dénombrement : une fille, onze fils et cinquante-quatre petits enfants. Il s'établit dans la contrée de Ramsès (Gen 47.11).
En prenant {{unité|30|ans}} pour durée d'une génération, comme c'est la règle en généalogie, l'Exode aura donc lieu au cours de la {{15e}} génération. Pour passer de {{nobr|54 couples}} à {{Unité|600000|couples}} en 15 générations, il faut plus de quatre enfants par couple. C'est donc environ {{nombre|3600000|Hébreux}} qui partent d'Égypte. C'est impossible puisque ce nombre est plus important que celui de la population estimée à l'époque. D'autre part on ne peut pas éliminer le chiffre de {{formatnum:600000}} car celui-ci est confirmé dans le livre des Nombres (1:46) : ''tous ceux dont on fit le dénombrement furent six cent trois mille cinq cent cinquante.''}}
L'[[épigraphiste]] [[André Lemaire]] écrit : {{Citation|On présente généralement l'exode<ref>Le « e » minuscule figure ici dans le texte. [[André Lemaire]], ''Les Hébreux en Égypte'', in ''Le monde de la Bible'', {{p.}}441, op. cit.</ref> comme la migration massive de tous les ancêtres d'Israël. Cependant un examen détaillé des traditions anciennes révèle qu'il ne s'agissait primitivement que des ancêtres d'Éphrahim et d'une partie de Manassé, les « Benê-Israël », installés autour du sanctuaire de [[Silo (Canaan)|Silo]]. Les fouilles de cette région révèlent qu'elle était très peu peuplée vers 1200 {{av JC}} (environ {{Unité|3800|habitants}} ?). C'est dire que le groupe hébreu sorti d'Égypte ne devait pas être nombreux : de quelques centaines à un millier environ.}}
=== Question de l'itinéraire ===
Sur l'itinéraire qu'auraient emprunté les Hébreux, le récit biblique de l'Exode est flou (comme sur la date). Ce flou n'est pas dû à une mauvaise technologie : l'[[Égypte antique|Égypte]] maîtrise, depuis très longtemps, la localisation des lieux géographiques avec une grande précision, y compris dans le désert, les puits décrits ont été retrouvés et les itinéraires égyptiens sont très bien identifiés. Le désert a la propriété de conserver intacts les débris de poterie qui lui sont confiés. Après avoir fouillé la région au moyen de la technique de prospection de surface, les archéologues ont trouvé des traces de vie à différentes époques, antérieures ou postérieures à l'époque de [[Ramsès II|Ramsès {{II}}]], mais rien à l'époque de son règne (la même technique a pourtant permis d'identifier et de compter {{Unité|45000|personnes}} disséminées sur les hauts plateaux de Canaan, voir ci-après). Les fouilles de l'oasis de [[Kadesh Barnéa]] (celle de la [[Bible]]) ont démontré qu'il n'y a pas eu de séjour de population entre 1300 et 1200 {{av JC}}<ref>film ''La Bible dévoilée. Les révélations de l'Archéologie'', chapitre 5 de l'épisode 2.</ref>
Aucune des villes de Pithôm et de Ramsès n'existe dans les données archéologiques et, si l'on veut chercher une correspondance, il faut recourir aux analogies. Le problème, c'est que ces analogies vont conduire à deux villes certes localisées dans le delta oriental, près de la branche pélusiaque du Nil, mais appartenant à deux époques complètement différentes : elles n'ont jamais existé ensemble. En effet, la fondation de la capitale Pi-Ramsès au début du règne de Ramsès {{II}} (1290-1224 {{av JC}}) et son abandon vers 1100 {{av JC}} sont attestés. Pourtant si, dans les données archéologiques, Pi-Ramsès est clairement rattachée à l'époque de Ramsès {{II}}, Pithom du récit biblique conduit à une analogie dans l'époque de [[Nékao II]]. Les données archéologiques montrent qu'entre l'automne 609 et le printemps 606 {{av JC}}, [[Nékao II]] travaille au projet ambitieux de relier par une voie navigable la Mer Rouge à la Méditerranée. Il creuse le cours du Wady Tumillat, probablement du lac Karoum à l'extrémité nord du golfe de Suez. Sur la rive nord, à vingt kilomètres environ du golfe, il fonde une forteresse de frontière et un entrepôt appelé dans les données archéologiques « La Maison d'Atoum », un dieu qui est intimement associé à cette région orientale ; la forme égyptienne du nom est ''Pr-itm'', qui se rapproche, selon [[Donald Bruce Redford|Donald Redford]], du toponyme hébreu ''Pithom'' du récit biblique<ref>[[#DR-ECI|Donald Redford (bibliographie)]], {{p.}}451.</ref>. Le rédacteur de la Bible, selon [[Donald Bruce Redford|Donald Redford]], décrit un delta oriental et un Sinaï avec des toponymes qui dénotent le renouveau d'intérêt qu'ont créés ces travaux de construction du fort et du canal, de Bubastis aux lacs Amers. Un demi-millénaire sépare donc deux villes, Ramsès et Pithom, présentées dans le récit biblique comme toutes deux de l'époque de l'Exode. [[Donald Bruce Redford|Donald Redford]] écrit<ref>[[#DR-ECI|Donald Redford (bibliographie)]], {{p.}}381. Voir, de même, Redford dans le film ''La Bible dévoilée. Les révélations de l'Archéologie'', chapitre 5 de l'épisode 2.</ref> : {{Citation|Bref, en ce qui concerne la géographie de l'Exode, le compilateur post-exilique de la version biblique actuelle n'a eu accès à aucun détail véritablement ancien
== Non-historicité de l'esclavage ''stricto sensu'' et du retour d'Exode ==
Trois données positives sur la non-historicité du récit biblique ont été apportées par l'archéologie. Tout d'abord, depuis longtemps, il est établi que l'esclavage ''stricto sensu'' tel qu'il est décrit dans la Bible n'existait pas en Égypte : cet aspect du récit biblique est donc, d'emblée, non historique. À cela sont venues s'ajouter, depuis les années 1990, deux données positives sur la non-historicité du récit biblique. Il s'agit de la non-existence de la conquête militaire de Canaan, prouvée par l'examen et la datation des ruines, et de l'existence des traces des premiers Israélites sur les hautes terres de Cisjordanie, petite population d'origine locale incompatible avec le retour massif en Canaan d'une population d'Hébreux. Ces deux dernières données archéologiques sont décisives<ref>Il faut noter qu'aucune de ces deux données archéologiques décisives ne relève de l'égyptologie.</ref> et permettent aux archéologues de conclure (voir ci-après le paragraphe "Compléments d'information").
=== La question de l'esclavage en Égypte ===
{{Article détaillé |Servitude dans l'Égypte antique}}
L'existence d'un esclavage en Égypte antique fait l'objet d'un débat
Les grands travaux étaient
Les prisonniers de guerre, quand ils ne sont pas en prison ou recrutés comme hommes libres dans les temples, l'armée ou l'administration, sont placés comme domestiques chez des particuliers<ref>A. El et M. Bakir, ''Slavery in pharaonic Egypt'', Cairo, 1952, {{p.|113}}.</ref> : contrairement aux soldats, ils ne sont jamais regroupés par ethnies
Enfin, des hommes non libres (désignés sous le nom d'esclaves dans certaines traductions) relèvent administrativement des structures institutionnelles ou de propriétaires privés, mais restent dotés de leurs pleines capacités juridiques. Ainsi, le terme ''jssw''
{{Citation bloc|Ils disposaient<ref>[[Bernadette Menu]], article ''Esclavage (Égypte)'', {{p.|839}} du ''Dictionnaire de l’Antiquité'', sous la direction de Jean Leclant, PUF 2005.</ref> en effet d'un état civil, de droits familiaux et patrimoniaux ; ils pouvaient contracter, ester et tester en justice<ref>Ester : se présenter devant un tribunal comme demandeur ou comme défendeur. Tester :
Cette condition d'homme non libre est bien illustrée dans l'exemple qui suit (où le mot esclave a été utilisé dans la traduction au lieu de homme non libre). Si-Bastet, barbier de [[Thoutmôsis III|Toutmôsis {{III}}]], écrit<ref>[[#DR-ECI|Donald Redford (bibliographie)]], {{p.|230}}.</ref> : {{Citation|J'ai un esclave qui m'a été affecté et qui s'appelle luwy-Amun. Je l'ai capturé moi-même quand je suivais le Chef [en campagne]… On ne doit pas le battre et aucune porte du palais ne doit lui être interdite. Je lui ai donné la fille de ma sœur Nebetto, dont le nom est Takament, comme épouse. Elle aura une part dans (ma) succession de la même façon que mon épouse et ma sœur}}<ref>''Urk'', ''Urkunden des ägyptischen Altertums'', edited by G. Steindorff (Leipzig and Berlin, 1906-1958), volume {{IV}}, {{p.|1369}}.</ref>.
À [[Deir el-Medineh]], se retrouve un système de « femmes-esclaves » au service des maisons particulières. Les journées de travail pouvaient être cédées, vendues ou léguées<ref>''Les artistes de Pharaon'', Catalogue d'exposition, Louvre, {{p.|54}}.</ref>. Le système de servitude en Égypte semble donc concerner davantage la force de travail que la personne<ref>S. Lippert, ''Einführung in die altägyptischeRechtsgeschichte'', Berlin, 2008, {{p.|55}}.</ref>.
=== Données positives sur la non historicité d'une conquête militaire de Canaan ===
Les villes de la conquête de [[Pays de Canaan|Canaan]] telles que [[Jéricho]] et [[Aï (Bible)|Aï]] sont identifiées depuis longtemps, leurs sites en révèlent les vestiges et on sait désormais dater les constructions et les destructions de façon précise (notamment grâce aux récents progrès de la [[datation au carbone 14]]). On sait donc établir scientifiquement si, oui ou non, il y a eu dévastation d'une région par une conquête militaire. Or, les archéologues sont désormais d'accord : il n'y a pas eu de conquête militaire de Canaan<ref>[[Pierre de Miroschedji]], revue ''La Recherche'' {{numéro|391}} du 01-11-2005, dossier ''Les archéologues réécrivent la [[Bible]]'', <br>film ''La [[Bible]] dévoilée. Les révélations de l'Archéologie''. Même Emmanuel Anati, qui pense avoir trouvé en Har Karkom le Mont Sinaï de la Bible, reconnait que [[Har Karkom#Théorie selon laquelle Har Karkom serait le Mont Sinaï|les datations de Jéricho et d'Aï rendent impossible une telle conquête au bronze récent]].</ref>. Les destructions de cités s'échelonnent dans la durée sur plus d'un siècle et demi (et non pas dans le temps court du récit biblique) et, de plus, le phénomène est général dans tout le bassin oriental de la Méditerranée, touchant des régions qui n'ont clairement rien à voir avec les [[Hébreux]]. Ce phénomène de grande ampleur, lié au passage de l'[[Âge du bronze]] à l'[[Âge du fer]], s'appelle un [[Risques d'effondrements environnementaux et sociétaux|effondrement systémique]].
Ces données positives prouvent la non historicité du récit du retour des exilés tel qu'il est raconté dans la Bible (il est prouvé qu'il n'y a pas eu de conquête militaire de grande ampleur).
=== Données sur les premiers Israélites : non
À la suite des prospections de surface entreprises en 1990, il est maintenant établi par l'archéologie que les premiers [[Juifs|Israélites]] sont apparus (voir [[Données archéologiques sur les premiers Israélites]]) à partir de 1200 {{av JC}} sur les hautes terres. Cette sédentarisation d'un groupe de population est conforme à l'inscription sur la [[stèle de Mérenptah]]. Cette population, en continuité avec la culture cananéenne de l'époque précédente, est évaluée selon Finkelstein à {{Unité|45000|personnes}} vers 1000 {{av JC}} au moyen des méthodes habituelles de l'archéologie<ref>film ''La [[Bible]] dévoilée. Les révélations de l'Archéologie'', chapitre 4 de l'épisode 4</ref>. [[Amihai Mazar]] mentionne, sur ce sujet, les travaux de différents chercheurs (notamment ceux d'[[Israël Finkelstein]]), rassemblés dans ''From Nomadism to Monarchy: Archaeological and Historical Aspects of Early Israël''<ref>''From Nomadism to Monarchy: Archaeological and Historical Aspects of Early Israël'', Jerusalem: Yad Izhaq Ben-Zvi, 1994.</ref>. On estime la population en multipliant le nombre d'hectares de chaque site par un coefficient, {{Unité|250|personnes}} par hectare pour les estimations de Finkelstein, ce qui conduit à {{Unité|60000|personnes}} pour la population des hautes terres à l'Âge du Fer I. [[Amihai Mazar]] note que ce chiffrage suppose que tous les sites sont occupés en même temps, et que la qualité de l'estimation dépend de l'exactitude des surfaces estimées et du bon choix du coefficient multiplicateur (la méthode ne peut fournir qu'un ordre de grandeur). Un chiffre aussi faible, même imprécis, réduit à néant toute possibilité que ces Israélites soient les descendants d'une population importante d'Hébreux venus d'ailleurs, par exemple d'Égypte. Le développement progressif de cette population, depuis les tout premiers [[Juifs|Israélites]] de 1200 {{av JC}}, peut être suivi jusqu'à [[Données archéologiques sur David et Salomon|l'époque des rois David et Salomon]] et au-delà. Si la découverte a été accueillie en 1990 avec un certain scepticisme, elle n’est maintenant plus contestée sérieusement et il y a consensus, parmi les archéologues, sur le lieu, sur la date et sur le nombre (voir ci-dessous [[Pierre de Miroschedji]]).
La découverte des premiers Israélites, en très petit nombre, prouve la non historicité du retour en Canaan d'une population importante d'exilés (il est prouvé qu'il n'y a pas eu d'arrivée en Canaan d'une population de grande ampleur). L'histoire de la population des Israélites commence vers 1200 {{av JC}}, c'est celle dont l'archéologie porte la trace : le récit biblique des Hébreux en Égypte, du retour de cette population nombreuse en Canaan, de leur conquête militaire, de leur installation et de leur devenir en tant qu'Israélites est sans rapport avec ce que l'archéologie démontre.
== Compléments d'informations ==
{{Section non neutre|date=décembre 2019}}
{{Style non encyclopédique section|date=décembre 2019}}
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=== Conclusions archéologiques ===
En 1992<ref>Copyright 1992 : [[#DR-ECI|Donald Redford (bibliographie)]], {{p.}}260.</ref>, l'égyptologue [[Donald Bruce Redford|Donald Redford]] écrit : {{Début citation}}Une telle manipulation de l'évidence relève de la prestidigitation et de la numérologie ; pourtant, elle a produit les bases fragiles sur lesquelles un nombre lamentable d'« histoires » d'Israël ont été écrites. La plupart sont marquées par une acceptation quelque peu naïve des sources au pied de la lettre, à laquelle s'ajoute l'échec d'une évaluation de l'évidence quant à son origine et à son sérieux. Le résultat, c'est que toutes les données ont été réduites sur le même plan, la plupart, sinon toutes, apportant de l'eau à toutes sortes de moulins. Les savants ont déployé beaucoup d'efforts sur des questions au sujet desquelles ils ont échoué à démontrer qu'elles avaient une quelconque pertinence. […] On peut apprécier l'inutilité de ces questions si l'on pose des questions similaires sur les histoires du roi Arthur, sans soumettre au préalable le texte à une évaluation critique.{{Fin citation}}
En 1996, dans ''Ramsès {{II}}'' (éditions Pygmalion), l'égyptologue [[Christiane Desroches Noblecourt]] écrit {{p.}}252 que {{Début citation}}[…] le récit en question est le résultat d’un brassage de faits indépendants les uns des autres, remontant à diverses époques, recueillis très tardivement et recouvrant probablement un événement très mineur, en tout cas aux yeux des Égyptiens, qui aurait été mis en relief pour former un récit « héroïque » cohérent.{{Fin citation}} Elle ajoute, {{p.}}253 : {{Début citation}}En définitive, on pourrait conclure…. que s’il y eut escarmouche, et peut-être conflit, entre les autorités de Pharaon et un groupe de travailleurs d’origine sémitique qui abandonnèrent leur tâche et fuirent l’Égypte, l’événement prit une dimension majeure pour les Apirou (sans doute les futurs Hébreux), qui le situèrent à l’origine de leur histoire.{{Fin citation}}
En 2004, dans ''Symboles de l'Égypte'' (éditions Desclée de Brouwer), le ton est devenu beaucoup plus catégorique et [[Christiane Desroches Noblecourt]] écrit, {{p.}}125 : {{Début citation}}Il est absurde, d'une part, de prendre le texte biblique pour un document historique, d'autre part d'inverser l'importance des protagonistes : Israël n'est mentionné qu'une seule fois sur une [[stèle de Mérenptah]], alors que le mot Égypte est utilisé {{nobr|680 fois}} dans la Bible.{{Fin citation}}
Elle ajoute, {{p.}}126 : {{Début citation}}Les allusions à l'Égypte dans la Bible servent essentiellement à nourrir l'histoire interne des Hébreux, en donnant un vague décor à certains épisodes, et sont sans rapport avec ce que l'histoire actuelle enseigne.{{Fin citation}}
En 2005, l'archéologue [[Pierre de Miroschedji]] signe un article dans la revue ''La Recherche'' (voir bibliographie ci-dessous). Il écrit :
{{Début citation}}D'une façon générale, aucun archéologue sérieux ne croit plus aujourd'hui que les événements rapportés dans le livre de Josué ont un fondement historique précis. Des prospections archéologiques, au début des années 1990, en particulier, ont révélé que la culture israélite a émergé dans les collines du centre du pays, en continuité avec la culture cananéenne de l'époque précédente<ref>[[Pierre de Miroschedji]], revue ''La Recherche'' {{numéro|391}} du 01-11-2005, dossier ''Les archéologues réécrivent la [[Bible]]'', {{p.}}32</ref>.{{Fin citation}}
Il souligne que rien n'empêche d'utiliser la [[Bible]] en archéologie<ref>''idem'' page 33</ref>, à titre de document soumis à la critique, comme les archéologues le font avec tout document<ref>Cependant, le simple lecteur de la Bible qui ne maîtrise pas les connaissances archéologiques devrait avoir présent à l'esprit, si la période à laquelle il s'intéresse est très antérieure à 700 {{av JC}}, qu'il est en train de [[Données archéologiques sur les règnes de David et Salomon#L'absence d'écrits sous le règne de Salomon|lire un document écrit très tardivement]]</ref>.
=== Sur deux ouvrages récents d'archéologie ===
Outre les analyses sur [[David (Bible)|David]] et [[Salomon (Bible)|Salomon]], un livre d'[[Israël Finkelstein]] et [[Neil Asher Silberman]]<ref>[[Israël Finkelstein]] et [[Neil Asher Silberman]], ''Les rois sacrés de la Bible. À la recherche de David et Salomon'', Éditions Bayard, 2006.</ref> brosse le tableau des populations en [[Pays de Canaan]] : Cananéens des vallées et des cités-États, Philistins des plaines côtières, jusqu'en 900 {{av JC}}, et, à partir de 1200 {{av JC}}, premiers [[Juifs|Israélites]] semi-nomades (dont Finkelstein est l'un des découvreurs). Plusieurs [[lettres d'Amarna]] décrivent en détail les populations présentes vers 1350 {{av JC}}, dont les [[Juifs|Israélites]] sont absents, puis le livre montre l'alphabétisation (900 {{av JC}}) des Israélites du royaume des [[Omri]]des, redoutables guerriers détestés dans la [[Bible]] (capitale [[Samarie (ville ancienne)|Samarie]], gros centre administratif et de gestion de la production), enfin l'alphabétisation très tardive (800 {{av JC}}) des Israélites de [[Royaume de Juda|Juda]] (capitale [[Jérusalem]], société restée longtemps rurale, sans gestion de la production à l'échelle du royaume, ni gestion administrative). L'ouvrage est à jour sur les datations au carbone 14. La bibliographie comporte {{nobr|363 références}}, classées par thèmes en {{nobr|120 catégories}}.
Dans un premier temps, [[William G. Dever]], avec son livre publié en 2002, ''Aux origines d'Israël. Quand la Bible dit vrai''<ref>William G. Dever, ''Aux origines d'Israël. Quand la Bible dit vrai'', Éditions Bayard, 2005. Édition originale : ''Who where the Early Israelites and where did they come from ?'', éditions Eerdmans, 2003,
Dans un second temps, après des recherches plus poussées, il écrit en 2007 : « J'ai écrit pour mettre en échec les minimalistes, puis je suis devenu un d'entre eux » <ref>Dever, William G. (mars / avril 2007).
Voir aussi : "L'Exode et la conquête israélite", dans [[Eric H. Cline]] :
=== Pour approfondir le sujet ===
* L'article de [[Pierre de Miroschedji]] dans la revue ''La Recherche'' {{numéro|391}} du 01-11-2005, dossier spécial intitulé ''Les archéologues réécrivent la Bible''. Le but de ce dossier est de faire le point sur les travaux récents des archéologues en Israël, en dégageant ce qui fait maintenant consensus, et les points sur lesquels les archéologues n'ont au contraire pas encore tranché. Quand il y a consensus, c'est sur un fait et une date (une donnée archéologique), pas sur une interprétation ni sur une théorie. Il y a consensus sur la conquête militaire de [[Pays de Canaan|Canaan]] (elle n'a pas eu lieu) et sur les premiers [[Juifs|Israélites]] (date, lieu et nombre). Il n'y a pas consensus sur certaines datations de grandes constructions que l'on a attribué, au siècle dernier, un peu vite, à [[Salomon (Bible)|Salomon]].
* Le film (en 4 parties), ''La [[Bible]] dévoilée. Les révélations de l'Archéologie''. Réalisé en 2005 par Thierry Ragobert, écrit par Isy Morgensztern et Thierry Ragobert, sur le travail d'[[Israël Finkelstein]] et de Neil Asher Silberman, avec la participation de Jacques Briend, professeur honoraire de l'[[Institut catholique de Paris]], et de Thomas Römer, professeur d'[[Ancien Testament]] à l'[[université de Lausanne]], dans lequel Israël Finkelstein et Neil Asher Silberman jouent leur propre rôle, ce film a été diffusé sur [[Arte]] et sur [[France 5]] ; le coffret de deux DVD est sorti en février 2006 aux [[Éditions montparnasse]].
== Notes et références ==
{{Références}}
== Voir aussi ==
=== Articles connexes ===
* [[Archéologie]]
* [[Données archéologiques sur les premiers écrits en hébreu ancien]]
* [[Données archéologiques sur les premiers Israélites]]
* [[Servitude dans l'Égypte antique]]
* [[Livre de l'Exode]]
Ligne 191 ⟶ 179 :
* [[Religion]]
=== Bibliographie ===
* {{Ouvrage|langue=en|prénom1=Thomas E.|nom1=Levy|prénom2=Thomas|nom2=Schneider|prénom3=William H. C.|nom3=Propp (éds.)|titre=Israel's Exodus in transdisciplinary perspective|sous-titre=text, archaeology, culture, and geoscience|éditeur=Springer|lieu=Cham, Switzerland/New York|année=2015|pages totales=585|isbn=978-3-319-04768-3|doi=10.1007/978-3-319-04768-3|lire en ligne=https://books.google.be/books/about/Israel_s_Exodus_in_Transdisciplinary_Per.html?id=xpe1BwAAQBAJ|consulté le=2019-06-27}}
* {{Article | id = PM-Archéo | prénom1 = Pierre | nom1 = de Miroschedji | lien auteur1 = Pierre de Miroschedji | titre = L'archéologie palestinienne aujourd'hui | périodique = Le monde de la Bible | éditeur = éditions Folio histoire, 707 pages | mois = août | année = 1998 | pages = 351–361 | isbn = 2070403653}}
* {{Ouvrage | prénom1=Donald | nom1=Redford | lien auteur1=Donald Bruce Redford | titre=Egypt, Canaan, and Israel in Ancient Times | éditeur=Princeton University Press | année=1992 | réimpression=new edition 1993 | pages totales=488 | pages=512 | isbn=0-691-00086-7 | isbn2=978-0691000862 | id=DR-ECI}}
* {{Ouvrage | langue=fr | prénom1=Claude | nom1=Vandersleyen | lien auteur1=Claude Vandersleyen | titre=L'Égypte et la vallée du Nil T.2. De la fin de l'Ancien Empire à la fin du Nouvel Empire | éditeur=PUF | lieu=Paris | année=1995 | réimpression=nouveau tirage 2007 | pages totales=710 | pages=710 | isbn=2-13-046552-8 | isbn2=978-2130465522 | id=CV-EVN}}
{{Palette|Exode}}
{{Portail
{{DEFAULTSORT:Donnees archeologiques sur l'Exode et Moise}}
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