« Détention provisoire en France » : différence entre les versions

Contenu supprimé Contenu ajouté
BriaclP (discuter | contributions)
m →‎Historique : Ajout des stats 2021
Dr anakin775 (discuter | contributions)
m Précision
(10 versions intermédiaires par 8 utilisateurs non affichées)
Ligne 1 :
En [[France]], la '''détention provisoire''' est une [[mesure de détention,sûreté]] quipréalable doitau êtrejugement exceptionnelle, visantconsistant à emprisonnerincarcérer au sein d'une [[Maison d'arrêt en France|maison d'arrêt]] une personne [[mise en examen]] dans l'attente de son procès.
 
Cette mesure doit demeurer exceptionnelle parce qu'elle implique la privation de liberté d'une personne [[Présomption d'innocence en droit français|présumée innocente]]. Pour cela, elle ne peut être prononcée que par un [[juge des libertés et de la détention]] et qu'en cas d'insuffisance du [[Contrôle judiciaire en droit français|contrôle judiciaire]] et de l'[[Placement sous surveillance électronique en France|assignation à résidence sous surveillance électronique]].
La détention provisoire est régie par les articles 143 et suivants du [[Code de procédure pénale (France)|Code de procédure pénale]] et par les articles 131 et 135 du Code de justice militaire.
 
La détention provisoire est régie par les articles 143 et suivants du [[Code de procédure pénale (France)|Codecode de procédure pénale]] et par les articles 131 et 135 du Codecode de justice militaire.
 
== Historique ==
La détention provisoire s’appelait « préventive » jusqu'en [[1970]]. Le [[Pouvoir législatif|législateur]] voit souvent comme un abus l'utilisation qui en est faite par les juridictions pénales. En [[1997]], environ 41 % de la [[population carcérale en France|population carcérale]] était composée de détenus provisoires et que ce chiffre atteignait même 52 % en [[1984]]. C'est pourquoi depuis 1970 ont eu lieu une dizaine de réformes la visant en particulier. La plupart du temps ces réformes ont défini plus limitativement les cas de détention provisoire, pour assurer une application plus stricte de la [[loi]], qui rendrait la détention exceptionnelle. Parmi cette dizaine de réformes, trois sont à retenir plus particulièrement :
* loi du {{date-|10 juin 1983}} portant abrogation ou révision de certaines dispositions de la [[Loi renforçant la sécurité et protégeant la liberté des personnes|loi du 2 février 1981]] et complétant certaines dispositions du code pénal et du code de procédure pénale ;
* loi du {{date-|30 décembre 1996}} relative à la détention provisoire et aux perquisitions de nuit en matière de terrorisme ;
* [[Loi renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes|loi du 15 juin 2000 sur la présomption d'innocence]] dite « Loi [[Élisabeth Guigou|Guigou]] ».
 
En [[2005]], dans son rapport annuel, la [[Commission de suivi de la détention provisoire]] dénonce l'allongement de la durée moyenne de la détention provisoire, qui est passée de {{unité|6.4|mois}} en 2002 à {{unité|7.1|mois}} en 2005. La durée moyenne atteint 4,3 mois en 2012<ref>{{Lien web|titre = Fondation après tout : Temps passé sous écrou, temps passé en détention en 2014|url = http://www.apres-tout.org/spip.php?article188|site = www.apres-tout.org|consulté le = 2015-10-05}}</ref>. L'insuffisance des raisons de mise en détention provisoire, ainsi que les conditions de détention, sont également critiquées.
 
Au {{date-|1|janvier|2017}}, {{nombre|19 498|personnes}} sont incarcérées sans avoir été jugées ou alors que leur peine est frappée d’[[Appel dans la justice française|appel]], soit 28,5 % des détenus<ref>{{Article|auteur=Jean-Baptiste Jacquin|titre=La justice impuissante face à la croissance de la détention provisoire|url=https://www.lemonde.fr/police-justice/article/2017/01/26/la-justice-impuissante-face-a-la-croissance-de-la-detention-provisoire_5069207_1653578.html|date=26 janvier 2017|périodique=Le Monde}}</ref>. Ce chiffre est stable au {{date-|1|juillet|2021}} avec {{nombre|19 221|personnes}} pour un total de 28,3 % des détenus<ref>{{Lien web |langue=fr-FR |titre=Statistiques de la population détenue et écrouée |url=http://www.justice.gouv.fr/prison-et-reinsertion-10036/les-chiffres-clefs-10041/statistiques-de-la-population-detenue-et-ecrouee-33736.html |site=justice.gouv.fr |consulté le=2021-07-25}}</ref>.
 
== Conditions de fond ==
Il faut que l'infraction soit :
* ou un crime ;
* ou un délit, puni de trois ans d'emprisonnement au moins (nouvel article L. 143-1 du Code de procédure pénale<ref name=":0">{{Lien web |titre=Article 143-1 - Code de procédure pénale - Légifrance |url=https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000021332922 |site=www.legifrance.gouv.fr |consulté le=2021-05-17}}</ref>, supprimant la distinction entre atteintes aux biens et atteintes aux personnes).
 
En outre, la détention provisoire peut être prononcée lorsque le mis en examen n'a pas respecté les obligations du contrôle judiciaire qui lui ont été imposées, et ce, pour toute infraction punie d'une peine d'emprisonnement (L. 143-1 du Code de procédure pénale alinéa 4<ref name=":0" />) .
 
De plus, les lois de [[1996]] et [[Loi française du 15 juin 2000 sur la présomption d'innocence|2000]], en voulant renforcer le caractère exceptionnel de ce type de détention, disposent que la détention provisoire doit être le seul moyen<ref name=":1">{{Lien web |titre=Article 144 - Code de procédure pénale - Légifrance |url=https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000021332920 |site=www.legifrance.gouv.fr |consulté le=2021-05-17}}</ref> :
* de conserver les preuves et/ou les indices matériels nécessaire à la manifestation de la vérité ;
* ou d'empêcher une pression sur les témoins ou les victimes ;
Ligne 27 ⟶ 29 :
* ou de mettre fin à l'infraction ou/et d'éviter son renouvellement ;
* ou de garantir le maintien de l'intéressé à la disposition de la justice, c'est-à-dire éviter sa fuite ;
* ou de préserver l'ordre public (motif valable uniquement en matière criminelle). Pour cette dernière notion le législateur, face à sa grande utilisation, est venu préciser son sens : {{citation|trouble exceptionnel et persistant à l'ordre public provoqué par la gravité de l'infraction, les circonstances de sa commission ou l'importance du préjudice qu'elle a causé}} Il ne s'agit en aucun cas de mettre fin au retentissement médiatique que peut entraîner une affaire<ref name=":1" />. Ce critère, bien souvent qui prête le plus à débat entre magistrats et avocats, est ambigu et constitue un témoin de la gravité des faits : en effet, la nature même d'une infraction étant par définition un trouble à l'ordre public, cette raison de détention provisoire est en fait axée sur la gravité des faits reprochés au justiciable et la peine encourue.
 
En outre, le [[juge des libertés et de la détention]], qui décide de la mise en détention provisoire, doit motiver sa décision par écrit. Les ordonnances de placement rédigées durant l'instruction doivent être motivées en droit et en fait, et caractériser l'insuffisance du [[Contrôle judiciaire en droit français|contrôle judiciaire]]<ref name=":2">{{Lien web |titre=Article 145 - Code de procédure pénale - Légifrance |url=https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006575679 |site=www.legifrance.gouv.fr |consulté le=2021-05-17}}</ref>.
 
== Conditions de forme ==
Depuis la loi n° 2000-516 du {{date-|15 juin 2000}}, c'est le [[juge des libertés et de la détention]] (JLD) qui accorde ou refuse la mise en détention provisoire<ref name=":2" />. La décision se prend maintenant après demande du [[juge d'instruction]] auprès du JLD, qui donne sa réponse après une audience de cabinet lors de laquelle a lieu un débat contradictoire au cours du quelduquel il entend :
* le ministère public dans ses réquisitions ;
* les observations du mis en examen ainsi que celles de son conseil (en général un avocat).
Ligne 41 ⟶ 43 :
 
== Voies de recours contre la décision de placement en détention provisoire ==
 
=== Appel de l'ordonnance de placement en détention provisoire ===
Le mis en examen, et le procureur de la République, peuvent contester le placement en détention provisoire en faisant appel de l'ordonnance de placement<ref>{{Lien web |titre=Article 185 - Code de procédure pénale - Légifrance |url=https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000038312254 |site=www.legifrance.gouv.fr |consulté le=2021-05-17}}</ref>.
 
Le délai d'appel est fixé à 10 jours.
 
=== Le référé-liberté ===
La loi de [[1993]] a créé un [[appel d'une ordonnance de placement en détention|référé-liberté]]. Ce référé-liberté permet à l'incarcéré ou au procureur de la République, en même temps qu'il interjette appel, de demander au président de la chambre de l'instruction de suspendre les effets du mandat de dépôt dans l'attente du résultat de l'appel (qui doit être donné dans les dix jours, faute de quoi le mis en examen doit être remis en liberté)<ref name=":3">{{Lien web |titre=Article 187-1 - Code de procédure pénale - Légifrance |url=https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006575843 |site=www.legifrance.gouv.fr |consulté le=2021-05-17}}</ref>. L'appelant peut également demander à ce que la chambre d'instruction soit saisie de son référé. Elle statue alors dans les 5 jours ouvrables<ref>{{Lien web |titre=Article 187-2 - Code de procédure pénale - Légifrance |url=https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006575426 |site=www.legifrance.gouv.fr |consulté le=2021-05-17}}</ref>.
 
Cette demande doit, à peine d'irrecevabilité, être formée en même temps que l'appel devant la chambre de l'instruction et la réponse doit être rendue et motivée par le président de la chambre dans les trois jours<ref name=":3" />. La demande de référé-liberté doit montrer qu'il n'est pas manifestement nécessaire de détenir en prison le mis en examen dans l'attente de l'appel (appel de la décision de mise en détention provisoire).
Ligne 54 ⟶ 55 :
Si le président de la chambre d'instruction infirme le placement en détention provisoire, il peut ordonner des mesures de contrôle judiciaire<ref name=":3" />. La chambre de l'instruction est alors dessaisie de l'appel de l'ordonnance.
 
Si le président de la chambre d'instruction est saisi par le procureur de la République contre une décision de mise en liberté, il peut prononcer le placement en détention provisoire si 2 des conditions de fond de [https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000021332920 l'article 144] sont réunies<ref>{{Lien web |titre=Article 187-3 - Code de procédure pénale - Légifrance |url=https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006575427 |site=www.legifrance.gouv.fr |consulté le=2021-05-17}}</ref>.
 
=== Demande de placement sous contrôle judiciaire ===
Il peut également formuler à tout moment au cours de l'instruction, auprès du juge d'instruction, une demande de mise en liberté<ref name=":4">{{Lien web |titre=Article 148 - Code de procédure pénale - Légifrance |url=https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006575692 |site=www.legifrance.gouv.fr |consulté le=2021-05-17}}</ref>.
 
Le juge d'instruction doit communiquer le dossier au procureur de la république afin qu'il prenne ses réquisitions, il fera ensuite droit ou non à la demande de mise en liberté<ref name=":4" />.
 
S'il refuse il communique le dossier au juge des libertés et de la détention qui devra statuer sur la demande dans les trois jours ouvrables à compter de la réception dudit dossier. Il pourra accepter la demande et remettre ainsi la personne poursuivie en liberté, le cas échéant en le plaçant sous contrôle judiciaire. Le refus devra être motivé par la justification du placement en détention provisoire prévue à [https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000021332920/ l'article 144 du CPPCode de procédure pénale]. S'il ne statue pas dans ces trois jours la demande sera transmise à la chambre de l'instruction qui statuera sous 20 jours ouvrables<ref name=":4" />.
 
Le débat sera alors public, comme cela est de principe en matière de détention provisoire, le régime est le même que le débat initial de placement qui s'est déroulé devant le juge des libertés et de la détention.
 
=== Demande de mise en liberté ===
Le mis en examen peut également demander à tous les stades de procédure sa remise en liberté<ref>{{Lien web |titre=Article 148-1 - Code de procédure pénale - Légifrance |url=https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000024445527 |site=www.legifrance.gouv.fr |consulté le=2021-05-17}}</ref> devant le [[juge des libertés et de la détention]].
 
== Conditions de durée ==
La [[Convention européenne des droits de l'homme]] prévoit dans son article 5 que le délai doit être raisonnable :
:{{citation|Toute personne arrêtée ou détenue, dans les conditions prévues au paragraphe 1.c du présent article, doit être aussitôt traduite devant un juge ou un autre magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires et a le droit d'être jugée dans un délai raisonnable, ou libérée pendant la procédure. La mise en liberté peut être subordonnée à une garantie assurant la comparution de l'intéressé à l'audience.}}
 
La France, après avoir été condamnée plusieurs fois par la [[Cour européenne des droits de l'homme]], a réalisé plusieurs modifications, en particulier avec la loi de 1996 :
Ligne 105 ⟶ 106 :
 
== Critiques ==
Dans les faits, les juges des libertés et de la détention maintiennent très souvent la mise en détention et cela peut dans certains cas amener à l'erreur judiciaire. Le cas récent le plus significatif est celui de l'[[Affaire d'Outreau]], où les auditions qui se sont tenues devant la [[commission parlementaire]] chargée d'enquêter sur le déroulement de l'affaire, ont mis en évidence que le rôle de « garde-fou » du juge des libertés et de la détention face à de possibles dérives de l'instruction, ne l'a absolument pas été dans ce dossier pénal.
 
Voici un commentaire de la [[Cour de cassation (France)|Cour de cassation]] sur l'application de la détention provisoire et son respect de la [[Convention européenne des droits de l'homme]] :
{{citation bloc|Article 5.3.- Droit de toute personne d'être jugée dans un délai raisonnable ou libérée pendant la procédure.- Détention provisoire.- Application<ref>[http://www.courdecassation.fr/publications_cour_26/bulletin_information_cour_cassation_27/bulletins_information_2000_1245/no_506_1246/ extrait du Bulletin d'information n° 506 du 15 janvier 2000], Cour de Cassation</ref>.
# Il incombe aux autorités judiciaires nationales de veiller à ce que, dans un cas donné, la durée de la détention provisoire d'un accusé ne dépasse pas la limite du raisonnable. À cette fin, il leur faut examiner toutes les circonstances de nature à révéler ou écarter l'existence d'une véritable exigence d'intérêt public justifiant, eu égard à la présomption d'innocence, une exception à la règle du respect de la liberté individuelle et d'en rendre compte dans leurs décisions relatives aux demandes d'élargissement. C'est essentiellement sur la base des motifs figurant dans lesdites décisions, ainsi que des faits non controuvés indiqués par l'intéressé dans ses recours, que la Cour doit déterminer s'il y a eu ou non-violation de l'article 5.3 de la Convention européenne des droits de l'homme.<br />La persistance de raisons plausibles de soupçonner la personne arrêtée d'avoir commis une infraction est une condition sine qua non de la régularité du maintien en détention, mais au bout d'un certain temps elle ne suffit plus ; la Cour doit alors établir si les autres motifs adoptés par les autorités judiciaires continuent à légitimer la privation de liberté. Quand ils se révèlent pertinents et suffisants, elle cherche de surcroît si les autorités nationales compétentes ont apporté une diligence particulière à la poursuite de la procédure.
# Viole l'article 5.3 de la Convention la détention provisoire du requérant d'une durée de quatre ans, deux mois et dix jours, les motifs de risque de fuite et de préservation de l'ordre public et de risques de renouvellement de l'infraction ainsi que de collusion entre les coaccusés ayant perdu en grande partie leur pertinence et leur suffisance au fil du temps, et l'examen de la conduite de la procédure révélant que la longueur de la détention incriminée a pour cause un manque de diligence des juridictions d'instruction et n'est imputable, pour l'essentiel, ni à la complexité de l'affaire, cependant certaine, ni au comportement du requérant.}}
 
Ligne 121 ⟶ 122 :
{{Références}}
 
== AnnexesVoir aussi ==
=== Articles connexes ===
* [[AffaireJuge des libertés et de Plévinla détention]]
* [[CourContrôle européennejudiciaire desen droitsdroit de l'hommefrançais]]
* [[Garde à vue en droit français]]
* [[Retenue douanière]]
* [[Affaire de Plévin]]
 
=== Liens externes ===
* [http://lexinter.net/PROCPEN/detention_provisoire.htm Les articles du Code de procédure pénale relatifs à la détention provisoire sur le site LexInter.net]
* [http://www.rajf.org/article.php3?id_article=19 Patrick LINGIBÉLingibé, « La détention provisoire : quelle réparation en cas d'abus ? »]
* [http://www.maitre-eolas.fr/post/2006/02/13/291-soyez-le-juge-des-libertes-et-de-la-detention ''Soyez le juge... des libertés et de la détention'', une mise en situation sur le blog d'un avocat pénaliste français]
 
{{palettePalette|Droit pénal français|Détention provisoire en Europe}}
{{portailPortail|prison|droit français}}
 
{{DEFAULTSORT:Detention provisoire en France}}
 
[[Catégorie:Détention provisoire en France]]