« Henri Matisse » : différence entre les versions

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=== Jeunesse ===
[[File:La façade de la Maison familiale du temps des Matisse..png|thumb|La façade de la maison familiale du temps des parents d'Henri Matisse.]]
Henri Matisse naît le {{date-|31 décembre 1869}} au [[Le Cateau-Cambrésis|Cateau-Cambrésis]] en France, fils d’un marchand de grains. Sa mère est peintre amateur. Après la [[Guerre franco-allemande de 1870|guerre franco-allemande]], en 1871, la famille déménage à [[Bohain-en-Vermandois]] où Matisse passe sa jeunesse. Il commence sa vie professionnelle comme [[clerc de notaire]] chez maître Duconseil, puis maître Derieux à [[Saint-Quentin]]<ref>{{en}} Hillary Spurling, ''{{Langue|en|The Unknown Matisse: A Life of Henri Matisse: The Early Years, 1869-1908}}'', {{Langue|en|University of California Press}}, 2001, {{p.}}46.</ref>. À 20 ans, à la suite d'une crise d'appendicite, il est contraint de rester alité pendant de longues semaines. Grâce à son voisin et ami peintre amateur, Léon Bouvier, Matisse découvre le plaisir de peindre. Sa mère lui offre une boîte de peinture. Il réalise ses premières œuvres, plus particulièrement un moulin''Chalet à rouesuisse'', chromo reproduit dans les boîtes de peinture en vente à l'époque, dont Henri Matisse peindra une copie, qu'il signera « Essitam<ref>{{en}} Hilary Spurling, ''The Unknown Matisse'', {{p.}}47.</ref> ».
 
Dès son rétablissement, tout en réintégrant l'étude, il s'inscrit au cours de dessin de l'école Quentin-de-La Tour destinée aux dessinateurs en textile de l'industrie locale.
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Il peint son premier tableau, ''Nature morte avec des livres'', en {{date-|juin 1890}}<ref>{{lien web |titre=Encyclopédie Larousse en ligne - Henri Matisse |url=http://www.larousse.fr/encyclopedie/personnage/Matisse/132262 |site=Larousse.fr |consulté le=15-07-2020}}.</ref>.
 
Peu après, il se rend à Paris. En 1891, il s'inscrit à l'Académie Julian dans les classes de Gabriel Ferrier et William Bouguereau. En 1892, Matisse rencontre [[Albert Marquet]] à l'[[Arts décoratifs de Paris|École des Arts déco]]. C'est le début d'une amitié indéfectible entre les deux hommes qui échangeront par la suite une abondante correspondance<ref>{{Chapitre|langue=fr|auteur1=Isabelle Monod-Fontaine|titre chapitre=Un long compagnonnage|titre ouvrage=Albert Marquet|sous-titre ouvrage=Peintre du temps suspendu|passage=45-50|id=IMF}}.</ref>. En 1895, Matisse s'inscrit à l'École des beaux-arts, dans l'atelier de [[Gustave Moreau]]. L'enseignement du maître encourage ses élèves à penser leur peinture, à la rêver, au-delà de la virtuosité technique. Matisse, comme ses condisciples, [[Georges Rouault]], [[Léon Lehmann]], [[Simon Bussy]], [[Eugène Martel]], [[Albert Huyot]] ou [[Henri Evenepoel]], est stimulé par cette conception de la peinture et entend développer la sienne selon son individualité. Gustave Moreau, lors d'une correction, lui dit : {{Citation|Vous allez simplifier la peinture}}{{sfn|Schneider|2002|p=59}}
 
Cette prophétie peut être considérée comme le programme esthétique de l'œuvre d'Henri Matisse.
 
=== Début de carrière ===
[[File:Henri + Amélie Matisse Portrait 1898.jpg|thumb|Portraits d'Henri et d'Amélie Matisse en 1898 au moment de leur mariage.]]
En 1896, Matisse expose pour la première fois au [[Salon des Cent]] et au [[Salon de peinture et de sculpture|Salon]] de la [[Société nationale des beaux-arts]], dont il devient membre associé sur proposition de [[Pierre Puvis de Chavannes]]. Cette fonction lui permet notamment d'exposer sans passer par un jury. Il passe l'été à [[Belle-Île-en-Mer]] et rencontre l'Australien [[John Peter Russell]], qui l'introduit sûrement auprès d'[[Auguste Rodin]] et [[Camille Pissarro]]. Il commence à s'intéresser à la peinture [[impressionnisme|impressionniste]] qu'il découvre en 1897 au [[musée du Luxembourg]] lors de la présentation du legs Caillebotte. Il est alors un peintre classique de natures mortes réalistes aux textures amples. Pour gagner sa vie, Matisse et Marquet travaillent comme peintre décorateurs à la journée, pour les frisesdécorateurs du Grandde Palaisthéâtre{{sfn|Escholier|1956|p=46–48}}.
 
=== La naissance de Marguerite, Jean et Pierre ===
 
Le {{date-|31 août 1894}} naît sa fille Marguerite<ref>Marguerite Duthuit Faure (1894-1982), sera l'épouse du critique et conservateur du Louvre, [[Georges Duthuit]].</ref> dont la mère, Caroline Joblaud, est un de ses modèles<ref>{{Citation|Caroline Joblaud, dite « Camille » (1872-1954), quitte Matisse en 1896 après un séjour houleux à Belle-île}}, dans Hilary Spurling, ''{{Langue|en|The Unknown Matisse: A Life of Henri Matisse: The Early Years, 1869–1908}}'', en français, ''Matisse inconnu'', Seuil, ''op. cit.''</ref>. Le {{date-|108 janvier 1898}}, Matisse épouse Amélie Parayre<ref>Amélie Parayre (1872-1958), née à Toulouse d'Armand Parayre, instituteur, puis journaliste républicain de ''L'Avenir de Seine-et Marne'', et rédacteur des discours du garde des Sceaux, le sénateur Gustave Humbert. Amélie sait tirer au pistolet, ''ibid.''</ref>. Ils ont deux enfants, Jean en 1899<ref>Jean Matisse, né à Toulouse et décédé à Pontoise, en 1976.</ref> et [[Pierre Matisse|Pierre]]<ref>Galeriste, 1900-1989.</ref> en 1900 tous deux nés à Toulouse où les Matisse vivent près des parents d'Amélie{{sfn|Schneider|2002|p=}}. Le couple Matisse élève les trois enfants. Ils partent en voyage de noces à Londres où, sur les conseils de [[Camille Pissarro|Pissarro]], Matisse découvre la peinture de [[Joseph Mallord William Turner]]. Puis Matisse se rends'installe en Corse<ref>Du 8 février à juillet 1898.</ref>, il habite dans laune villa dont il a loué le dernier étage meublé à un certain De la Rocca. Henri Matisse peint, à [[Ajaccio]], plusieursune cinquantaine de toiles dont ''Le Mur rose'' qui représente l'arrière de l'hospice Eugénie vu depuis la Villa de la Rocca. Matisse s'inspire alors de Turner.
 
En 1899, il découvre le traité de [[Paul Signac]], ''D’Eugène Delacroix au néo-impressionnisme''<ref>Paul Signac, ''D’Eugène Delacroix au néo-impressionnisme'', Françoise Cachin (dir.), Hermann, coll. « Savoir arts », nouv. éd. 1978, 205 p. {{ISBN|978-2705658878}}.</ref>. À partir de 1900, Matisse travaille la sculpture et le modelage, à l'[[Académie de la Grande Chaumière]], sous la direction d'[[Antoine Bourdelle]] et fréquente également l'atelier d'[[Eugène Carrière]]. Il y fait la connaissance d'[[André Derain]] et de [[Jean Puy]]. Derain lui présente [[Maurice de Vlaminck]]. Il expose au [[Salon des indépendants]] (1901) et participe à la première édition du [[Salon d'automne]] (1903). En 1902, [[Berthe Weill]] organisedevient uneson expositionpremier collective à laquelle il participemarchand et, en 1904, [[Ambroise Vollard]] lui consacre sa première exposition personnelle ; cette année-là, il prend un atelier [[rue de Sèvres]], dans l'ancien [[Couvent des Oiseaux]].
 
[[File:Trois baigneuses, par Paul Cézanne, Musée du Petit Palais.jpg|thumb| ''Les Trois Baigneuses'' de [[Paul Cézanne]], tableau qui appartenait à Matisse et qu'il vénérait ([[Paris]], [[Petit Palais]]).]]
 
En 18991900, Matisse achète à Ambroise Vollard ''Les Trois Baigneuses'' de [[Paul Cézanne]], toile aujourd'hui conservée à Paris au [[Petit Palais]]. Matisse gardera toujours cette toile avec lui, refusant même de la vendre dans les moments difficiles<ref>{{refnec|Le collectionneur Barnes lui proposera 1 million de dollars que Matisse refusa.}}</ref>, avant de la donner, en 19371936, au musée parisien. Car, pour Matisse : {{Citation|Cézanne est notre maître à tous}}{{sfn|Escholier|1956|p=45}}.
 
=== Fauvisme ===
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Au début de 1905, Matisse participe au [[Salon des indépendants]]. L'été de 1905, il séjourne sur les bords de la Méditerranée, à [[Collioure]]<ref>{{Citation|Nous étions alors devant la nature comme des enfants et laissions parler notre tempérament, quitte à peindre de chic quand on ne se servait pas de la nature elle-même. J'abîmais tout par principe et travaillais comme je sentais, rien que par la couleur.}} (Matisse, cité par [[Gaston Diehl]], ''Henri Matisse'', notices par Agnès Humbert, P. Tisné, 1954, {{p.|32}}).</ref>, en compagnie de Derain. Il rencontre le sculpteur [[Aristide Maillol|Maillol]]. Au [[Salon d'automne de 1905]], l'accrochage des œuvres de Matisse, [[Albert Marquet]], [[Maurice de Vlaminck|Vlaminck]], [[André Derain|Derain]] et [[Kees van Dongen]] provoque un scandale par les couleurs pures et violentes posées en aplat sur leurs toiles. À la vue de ces tableaux regroupés dans une même salle, le critique [[Louis Vauxcelles]], dans un article intitulé « Le Salon d'automne », publié dans ''Gil Blas'', le {{date-|17 octobre 1905}}, décrit le salon salle par salle. Il écrit notamment {{cita|Salle {{n°|VII}}. {{MM.|Henri Matisse}}, [[Albert Marquet|Marquet]], [[Henri Manguin|Manguin]], [[Charles Camoin|Camoin]], [[Pierre Girieud|Girieud]], [[André Derain|Derain]], [[Ramón Pichot|Ramon Pichot]]. Salle archi-claire, des oseurs, des outranciers, de qui il faut déchiffrer les intentions, en laissant aux malins et aux sots le droit de rire, critique trop aisée. […] Au centre de la salle, un torse d'enfant et un petit buste en marbre, d'[[Albert Marque]], qui modèle avec une science délicate. La candeur de ces bustes surprend au milieu de l'orgie des tons purs : [[Donatello]] chez les [[Fauve|fauves]]…<ref name="bpt6k7522165g">{{gallica|n=bpt6k7522165g/f5.image.langFR}}.</ref>}}.
 
L'appellation de « fauve » est aussitôt adoptée et revendiquée par lales critiquepeintres eux-mêmes. Cette période marque également la reconnaissance du travail de Matisse, lui permettant enfin une relative aisance matérielle ; quiil devient le chef de file du [[fauvisme]].
 
Matisse s'en explique ainsi : {{citation_bloc|Le fauvisme secoue la tyrannie du [[divisionnisme]]. On ne peut pas vivre dans un ménage trop bien fait, un ménage de tantes de province. Ainsi on part dans la brousse pour se faire des moyens plus simples qui n'étouffent pas l'esprit. Il y a aussi à ce moment, l'influence de Gauguin et Van Gogh. Voici les idées d'alors : construction par surfaces colorées, recherche d'intensité dans la couleur. La lumière n'est pas supprimée, mais elle se trouve exprimée par un accord des surfaces colorées intensément. Mon tableau ''La Musique'' était fait avec un beau bleu pour le ciel, le plus bleu des bleus. La surface était colorée à saturation, c'est-à-dire jusqu'au point où le bleu, l'idée du bleu absolu, apparaissait entièrement, le vert des arbres et le vermillon vibrant des corps. J'avais avec ces trois couleurs mon accord lumineux, et aussi la pureté dans la teinte. Signe particulier, la couleur était proportionnée à la forme. La forme se modifiait, selon les réactions des voisinages colorés. Car l'expression vient de la surface colorée que le spectateur saisit dans son entier<ref>Propos d'Henri Matisse à Tériade, dans ''L'Intransigeant'', le {{date-|14 janvier 1929}}, voir note 8, {{p.|98}}.</ref>.}}
 
[[André Gide]] écrit dans ''Promenade au salon d'Automne'' : {{Citation bloc|Je veux admettre que {{M.|Henri Matisse}} ait les plus beaux dons naturels. […] Les toiles qu'il présente aujourd'hui ont l'aspect d'exposés de théorèmes. […] Tout peut s'y déduire, expliquer, l'intuition n'a que faire{{sfn|Escholier|1956|p=100}}.}}… Alors que sur les murs de Montparnasse, on pouvait lire : {{Citation|Matisse rend fou, Matisse est plus dangereux que l'absinthe{{sfn|Escholier|1956|p=100}}.}} La même année, il rencontre [[Edmond-Marie Poullain]] et [[Paul Signac|Signac]] lui achète ''Luxe, Calme et Volupté''.
Le {{date-|18 septembre 1909}}, Matisse signe son contrat avec la galerie Josse et Gaston [[Galerie Bernheim-Jeune|Bernheim]] qui l'expose. Le contrat de trois ans fut renouvelé pendant dix-sept ans. Matisse se trouvait selon, ses propres mots : {{Citation|condamné à ne plus faire que des chefs-d'œuvre.}}
 
En 1907, [[Guillaume Apollinaire]] écrit dans ses critiques : {{citation bloc| Tout tableau, tout dessin d’Henri Matisse possède une vertu qu’on ne peut toujours identifier, mais qui est une force véritable. Et c’est la force de l’artiste de ne point la contrarier, de la laisser agir. Si l’on devait comparer l’œuvre d’Henri Matisse à quelque chose, il faudrait choisir l’orange. Comme elle, l’œuvre d’Henri Matisse est un fruit de lumière éclatante. Avec une entière bonne foi et un pur souci de se connaître et de se réaliser, ce peintre n’a cessé de suivre son instinct. Il lui laisse le soin de choisir entre les émotions, de juger et de limiter la fantaisie et celui de scruter profondément la lumière, rien que la lumière. À vue d’œil, son art s’est dépouillé et malgré sa simplicité toujours plus grande il n’a pas manqué de devenir plus somptueux. Ce n’est pas l’habileté qui rend ainsi cet art plus simple et l’œuvre plus lisible. Mais, la beauté de la lumière se confondant chaque jour davantage avec la vertu de l'instinct auquel l’artiste se fie entièrement, tout ce qui contrariait cette union disparaît comme il arrive aux souvenirs de se fondre dans les brouillards du passé<ref>''Chroniques d’art (1902-1918)'', {{opcit}}</ref>.}}
 
Le {{date-|18 septembre 1909}}, Matisse signe son contrat avec la galerie Josse et Gaston [[Galerie Bernheim-Jeune|Bernheim]] qui l'expose. Ce contrat prévoit que Matisse touche 25 % du prix de vente des toiles. Le contrat de trois ans fut renouvelé pendant dix-sept ans. Matisse se trouvait selon, ses propres mots : {{Citation|condamné à ne plus faire que des chefs-d'œuvre.}}
 
=== Gertrude Stein ===
[[Fichier:The Steins in the courtyard of 27 rue de Fleurus, ca. 1905. From left- Leo Stein, Allan Stein, Gertrude Stein, Theresa Ehrman, Sarah Stein, Michael Stein,The Bancroft Library, University of California, Berkeley.jpg|thumb|Les Stein à Paris, en 1905. À partir de la gauche, Leo, Allan, Gertrude, Theresa Ehrman, Sarah, Michael.]]
[[File:StraubeAcademieMatisse.jpg|thumb|L'Académie Matisse en 1910.]]
 
Matisse rencontre [[Leo Stein|Leo]] et [[Gertrude Stein]], collectionneurs américains, vivant à Paris, qui lui achètent ''[[Femme au chapeau]]'' ([[San Francisco Museum of Modern Art]]), un portrait de madame Matisse qui était exposé dans la « cage aux fauves ». En 19051907, chez eux, il rencontre [[Pablo Picasso|Picasso]]. Gertrude Stein définissait les deux artistes comme le « Pôle Nord » (Matisse) et le « Pôle Sud » (Picasso) de l'Art moderne. Fernande Olivier se souvient que dans les dîners en ville, Matisse paraissait docte et professoral, ne répondant que par oui ou non, ou tout d'un coup s'enferrant dans des théories interminables. {{Citation|Matisse, beaucoup plus âgé, sérieux, n'avait jamais les idées de Picasso{{sfn|Escholier|1956|p=96–97}} !}} Puis Matisse retrouve le critique [[Louis Vauxcelles]], à qui il dit avoir vu au jury du Salon un tableau de [[Georges Braque]] « fait en petits cubes », que Matisse baptise du nom de « [[cubisme]]<ref>Alex Danchev, ''Georges Braque. Le défi silencieux'', Hazan, 2013, {{p.|85}} {{ISBN|978-2754107013}}, {{nb p.|360}}</ref> ».
 
En 1908, Matisse publie ''Note d'un peintre''. La même année, avec entre autres l'aide financière de Sarah et Michael Stein, Matisse ouvre une académie libre au [[Couvent des Oiseaux]], puis à l'hôtel de Biron (où [[Auguste Rodin|Rodin]] possède son atelier de présentation). Le succès est immédiat : sur 120 élèves inscrits au total s'y pressent des étudiants pour la plupart étrangers, puisqu'on n'y compte aucun Français et principalement de jeunes peintres scandinaves, ainsi que des Allemands, issus du cercle du [[café du Dôme|café du ''Dôme'']]. Le peintre [[Hans Purrmann]] est nommé « grand [[Massier_(école_d’art)|massier]] ». L'[[académie Matisse]] ferme versen 1911<ref>Jean-Paul Cahn et Bernard Poloni, ''Migrations et identités. L'exemple de l'Allemagne aux {{-s mini-|XIX|e}} et {{s-|XX}}'', Lille, Presses universitaires du Septentrion, {{p.|151}} ([https://books.google.fr/books?id=MaDze6ueoAAC&lpg=PA151&ots=8-HdZmJyEs&dq=%22Acad%C3%A9mie%20Matisse%22&hl=fr&pg=PA151#v=onepage&q=%22Acad%C3%A9mie%20Matisse%22&f=false extrait en ligne]).</ref>.
 
Matisse se souvient, en 1951, de son activité d’enseignant : {{citation|J’avais l’habitude de passer de temps à autre, le soir venu, pour voir ce qu’ils faisaient. Je me suis très vite aperçu que je devais d'abord me consacrer à mon propre travail, que je risquais de dépenser trop d’énergie à cette activité. Après chaque critique, je me retrouvais en face d’agneaux, que je devais sans cesse remettre sur patte, semaine après semaine, afin de faire d’eux des lions. Je me suis alors demandé si de fait j’étais un peintre ou bien un enseignant ; j’en vins à la conclusion que j’étais un peintre et démissionnai rapidement de l’école<ref>Henri Matisse (1951), ''Écrits et propos sur l'art'', (1972), {{2e|éd.}} 2014, {{p.|234}}, citation reprise par le ''Site biographique d'Hans Purrmann'', Paris années 1905-1914, [http://www.purrmann.com/fr/leben_paris.php en ligne].</ref>.}}
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''La Danse'' est décrite par [[Marcel Sembat]] : {{citation|Une ronde endiablée fait tourner, sur un fond bleu des mouvements roses. À gauche une grande figure entraîne toute la chaîne ! Quelle ivresse ! Quelle bacchante ! Cette arabesque souveraine, cette courbe empoignante qui va de la tête tournée jusqu'à la hanche saillante descend le long de la jambe tendue{{sfn|Escholier|1956|p=100}}.}}
 
Entre 1908 et 1912, ses œuvres sont exposées à Moscou, Berlin, Munich et Londres. Matisse et Amélie reviennent à Ajaccio, en {{date-|décembre 1912}}. En 1913, Matisse est exposé à l’''[[Armory Show]]'' de New York, à côté d'œuvres de [[Marcel Duchamp]] et [[Francis Picabia]], comme autant de représentants de l'art le plus moderne.
[[Fichier:AIC1913ArmoryShow Photo 3.jpg |thumb|Une vue partielle de l’''{{Langue|en|Armory Show}}'' à New York (février-{{date-|mars 1913}}).]]
 
De 1906 et jusqu'en 1913, Matisse part en hiver en voyage en AlgérieAndalousie, en Espagne et au Maroc, parfoisen Algérie, accompagné de ses amis peintres, [[Charles Camoin|Camoin]] et [[Albert Marquet|Marquet]]. Ces voyages influenceront profondément Matisse {{incise|couleurs, céramique, carreaux de faïence}} dans son sentiment décoratif du monde extérieur. Si la recherche de l'arabesque est un des signes distinctifs de l'écriture de Matisse, sa peinture se caractérise par une simplification des formes et des couleurs souvent pures et plates, cernées d'un trait noir. Cependant, Matisse n'hésite pas à utiliser des dégradés de gris ou de roses dans ses portraits ou nus.
 
De 1909 à 1917, Matisse vit et travaille à [[Issy-les-Moulineaux]], au 42, route de Clamart, dans une villa comportant un grand parc où il fait construire son atelier (aujourd'hui détruit), et qui héberge l'Académie Matisse jusqu'en 1911. La villa existe toujours et abrite désormais les archives du peintre, au 92, avenue du Général-de-Gaulle<ref>Peter Kropmanns, ''Matisse à Issy. L'atelier dans la verdure'', Paris, L'Arche, 2010, {{nb p.|130}} {{ISBN|978-2851817310}}, [http://www.historim.fr/2010/12/matisse-issy-latelier-dans-la-verdure.html présentation en ligne].</ref>.
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Dès le déclenchement de la [[Première Guerre mondiale]], il quitte Collioure qu'il fréquentait régulièrement depuis 1905. [[Albert Marquet|Marquet]] et Matisse, qui a 46 ans, demandent à intégrer l'armée et à rejoindre leurs collègues : {{citation|[[André Derain|Derain]], [[Georges Braque|Braque]], [[Charles Camoin|Camoin]], [[Jean Puy|Puy]] sont au front, risquent leurs peaux. Nous en avons assez de rester à l'arrière… Comment pouvons nous servir le pays ?}} demandent-ils à Marcel Sembat, ministre des Travaux publics, qui leur répond : {{citation|En continuant, comme vous le faites, à bien peindre{{sfn|Escholier|1956|p=112–113}} !}}
 
Après avoir passé une partie de l'hiver 1916-1917-1918 à [[Nice]], Matisse décide de rester plus longuement sur la [[Côte d'Azur]], qu'il considère comme un paradis, et dont il recherche la transcription dans ses toiles. En 19171918, Matisse rencontre [[Auguste Renoir|Renoir]] à qui il présente ses toiles, à Cagnes. Renoir est très surpris de la qualité des toiles et du travail de Matisse : {{citation|Je croyais que ce bougre travaillait comme ça… ! C'est faux ! Il se donne beaucoup de mal ! […] Tout est très juste. C'était difficile !}}, déclare Renoir après le départ de Matisse{{sfn|Escholier|1956|p=116}}.
 
=== La période niçoise ===
[[Fichier:Henri Matisse et Léonide Massine (Ballets russes, Opéra) (4565877526).jpg|thumb|Matisse et Léonide Massine préparant ''Le Chant du rossignol''.]]
En 1918, Matisse expose avec Picasso à la [[Paul Guillaume (marchand d'art)|galerie Paul Guillaume]] à Paris, le catalogue est préfacé par [[Guillaume Apollinaire|Apollinaire]]. Durant cette période, Matisse rencontre le peintre japonais [[Yoshio Aoyama]], qui vivait aussi à Nice, dans le quartier de Cimiez, et qui devient son disciple<ref>Selon Matisse, Aoyama était un maître de la couleur, créant le terme [[Aoyama blue]].</ref>.
 
En 1920, [[Igor Stravinsky]] et [[Serge de Diaghilev|Serge Diaghilev]] lui font commande de dessiner les costumes et les décors du ballet ''[[Le Chant du rossignol]]'', présenté à [[Londres]]. En 1924, Matisse expose à New York, et une première rétrospective lui est consacrée au [[Ny Carlsberg Glyptotek]] de [[Copenhague]].
 
En 1925, Matisse est nommé chevalier de la [[Ordre national de la Légion d'honneur|Légion d'honneur]] et son fils [[Pierre Matisse]] ouvre une galerie à New York<ref>[[Pierre Matisse]], son fils, fut un important et influent marchand d'art installé au Fuller Building de New York, s'occupant entre autres de Miro.</ref> sur la recommandation de son père, dont les collectionneurs sont essentiellement américains. Matisse voyage régulièrement aux États-Unis. Il reçoit le prix Carnegie 1927 à [[Pittsburgh]], et fait partie du jury qui attribue le même prix à Picasso en 1930.
 
[[Fichier:Hôtel Negresco 04.jpg|thumb|Le front de mer à [[Nice]].]]
Son travail se concentre sur la réalisation de natures mortes, de nus et d'odalisques qui évoquent les nus orientalistes aux couleurs chatoyantes et au dessin épuré, une forme de classicisme renouvelé, tant les citations de Delacroix ou d'Ingres semblent prégnantes. Le critique Claude Roger-Marx écrit dans le ''Dessin d'Henri Matisse'' : {{Citation bloc|L'imagination plastique du peintre aime à s'éveiller au son de cette musique de chambre que composent une ou plusieurs figures (figurantes serait plus juste) dans un intérieur. Si leur nudité l'exalte, il aime aigrement à les orner d'accessoires {{incise|écharpes, mantilles, coiffures étranges, culottes assorties à leur épiderme}} à les parer d'un certain luxe oriental. Il y a de l'Oriental, en effet, chez cet homme du Nord. C'est en véritable égoïste qui s'empare de ces êtres vivants conçus presque comme des objets et qu'il observe, moins pour eux-mêmes que pour les démonstrations et pour le plaisir visuel qu'il en veut tirer […] un prétexte pour s'affirmer lui{{sfn|Escholier|1956|p=124}}.}}
[[Fichier:Matisse Murnau Tahiti 1930.jpg|thumb|Le cinéaste [[Friedrich Murnau|Murnau]] et Matisse à Tahiti (1930).]]
 
[[Fichier:Polynesia Tahiti iti beach.jpg|thumb|Plage à [[Tahiti]].]]
Henri Matisse travaille par variations et répétitions d'un même thème ou motif. Les premières études peuvent être très poussées, figuratives puis, de proche en proche, les formes se font plus stylisées, abstraites. Matisse photographie les différentes étapes de son travail.
 
Il publie également des lithographies, des gravures et des albums de dessin où il laisse libre cours à ses variations sur un thème, en général un nu féminin : {{citation_bloc|Ces dessins sont toujours précédés d'études faites avec un moyen moins rigoureux que le trait, le fusain par exemple ou l'estompe, qui permet de considérer simultanément le caractère du modèle, son expression humaine, la qualité de la lumière qui l'entoure, son ambiance, et tout ce qu'on ne peut exprimer que par le dessin. Et c'est seulement lorsque j'ai la sensation d'être épuisé par ce travail, qui peut durer plusieurs séances, que, l'esprit clarifié, je peux laisser aller ma plume, avec confiance.}}
 
Et Matisse d'ajouter : {{Citation|Certaines de mes gravures, je les ai faites après des centaines de dessins{{sfn|Schneider|2002|p=578}}…}} Les Américains malicieusement appellent cette période ''{{Langue|en|The Nice Period}}'', la « période niçoise » ou la « jolie période », par jeu de mots.
 
[[Fichier:Matisse Murnau Tahiti 1930.jpg|thumb|Le cinéaste [[Friedrich Murnau|Murnau]] et Matisse à Tahiti (1930).]]
En 1930, Matisse entreprend un long voyage autour du monde. Débarqué à New York au début du mois de février, il visite New York, Chicago, Pittsburg et traverse l'Amérique jusque San Francisco<ref>{{Ouvrage|langue=français|auteur1=|titre=Matisse et Tériade : catalogue de l'exposition au Cateau-Cambrésis|passage=|lieu=|éditeur=Anthése|date=1996|pages totales=|isbn=|lire en ligne=}}</ref>. De là, il séjourne à [[Tahiti]] où il rencontre le réalisateur expressionniste allemand [[Friedrich Murnau|Murnau]], qui tourne ''[[Tabou (film, 1931)|Tabou]]''.
{{Citation bloc|Je me baignais dans le « lagoon ». Je nageais autour des couleurs des coraux soutenues par les accents piquants et noirs des holothuries. Je plongeais la tête dans l'eau, transparente sur le fond absinthe du lagon, les yeux grands ouverts… et puis brusquement je relevais la tête au-dessus de l'eau et fixais l'ensemble lumineux des contrastes{{sfn|Escholier|1956|p=128}}.}}
 
[[Fichier:Barnes-foundation.png|thumb|La [[Fondation Barnes]] à [[Philadelphie]].]]
De retour en France en juillet 1930, il retourne à Pittsburg aux Etats-Unis où il est jury du Prix Carnegie, qui sera remis à Picasso pour le ''Portrait de Madame Picasso''. À New York, Le [[Museum of Modern Art]] organise une rétrospective en 1931 après une exposition personnelle en 1930. Pendant son séjour aux États-Unis, [[Albert Barnes]], un collectionneur, lui commande une œuvre monumentale pour sa fondation à Philadelphie. À son retour à Nice, dans l'atelier de la rue [[Désiré Niel]] loué spécialement pour cette réalisation, Matisse s'attelle à ''La Danse'' dont il réalise, de 1930 à 1933, trois versions en raison d'erreurs de gabarit. La première version inachevée a été retrouvée après sa mort dans son appartement de Nice. Elle est exposée en présentation définitive avec la deuxième version, la ''Danse de Paris'' (1 {{Dunité|037|450|cm}}), dans la salle Matisse du [[musée d'Art moderne de Paris]]. La dernière version, dite la ''Danse de Mérion'', a été installée par Matisse lui-même en {{date-|mai 1933}}, à la [[Fondation Barnes]] de Merion[[Philadelphie]]. C'est au cours de ce travail que Matisse met en placeinvente sa technique des « gouaches découpées ».
 
De retour des États-Unis, il déclare : {{citation_bloc| Vous comprendrez, quand vous verrez l'Amérique, qu'un jour ils auront des peintres, parce que ce n'est pas possible, dans un pays pareil, qui offre des spectacles visuels aussi éblouissants, qu'il n'y ait pas de peintres un jour<ref>Annie Cohen-Solal, ''Un jour ils auront des peintres. L'avènement des peintres américains, Paris 1867 – New York 1948'', Gallimard, coll. « Hors série Connaissance », Paris, 2000, {{nb p.|480}} {{ISBN|978-2070756179}}.</ref>.}} annonçant ainsi la naissance d'une école américaine.
 
De retour des États-Unis, il déclare : {{citation_bloc| Vous comprendrez, quand vous verrez l'Amérique, qu'un jour ils auront des peintres, parce que ce n'est pas possible, dans un pays pareil, qui offre des spectacles visuels aussi éblouissants, qu'il n'y ait pas de peintres un jour<ref>Annie Cohen-Solal, ''Un jour ils auront des peintres. L'avènement des peintres américains, Paris 1867 – New York 1948'', Gallimard, coll. « Hors série Connaissance », Paris, 2000, {{nb p.|480}} {{ISBN|978-2070756179}}.</ref>.}} Il travaille à l'illustration du roman de [[James Joyce]], ''[[Ulysse (roman)|Ulysse]]'', et aux décors et aux costumes de ''Rouge et noir'' pour les Ballets russes de Monte-Carlo (1934-1938).
 
==== La sculpture ====
EntreEn 1924 et 1927, Matisse se consacre à la sculpture et réalise ''Grand nu assis'', qui est exemplaire de son style {{incise|à la fois en arabesques et en angles}}, en [[ronde-bosse]]. Matisse pratique la sculpture depuis qu'il a été l'élève d'[[Antoine Bourdelle]], dont Matisse conserve le goût pour les grandes stylisations, comme on peut le voir dans la grande série des ''Nu de dos'', séries de plâtres monumentaux qu'il réalise entre 1909 et 1930. Matisse y affronte en [[bas-relief]] les problèmes picturaux qu'il rencontre : le tracé des figures monumentales (la réalisation de ''Nu de dos I'', de 1909, est contemporaine de celle des grandes compositions ''La Musique'' et ''La Danse''), le rapport forme et fond (les fresques destinées à la Fondation Barnes sont réalisées en 1930, comme ''Nu de dos IV''). Toutefois, bien que la série ne semble pas avoir été conçue pour être présentée en une seule entité (la fonte des pièces en bronze n'a été faite qu'après la mort de Matisse), ces quatre sculptures constituent un ensemble plastique cohérent<ref>Selon Régine Pernoud : {{Citation|Matisse était un artiste au sens médiéval du terme. Par un travail très simple, il cherchait à exprimer ce qu'il sentait au-dedans de lui. C'était un travailleur acharné. J'ai vu des cahiers entiers, des centaines de pages sur lesquelles il avait simplement dessiné une feuille de chêne. […] Finalement, quelques traits signifient la feuille de manière évidente. Elle est reconnaissable par tous, mais elle est l'aboutissement d'heures et d'heures de travail}}, dans Régine Pernoud, ''Histoire et lumière'', Cerf, 1998, {{pp.|51-52}} {{ISBN|2-204-05932-3}}.</ref>.
 
=== La Seconde Guerre mondiale ===
En 1939, Matisse peintse ''Lasépare Blousede roumaine''sa dontfemme. lesAprès couleursun bleu-blanc-rougecourt voyage en fontEspagne, unil emblèmerevient deà laNice Franceoù il peint ''La Blouse roumaine''<ref>''Cahiers Henri Matisse. Matisse : le Grand Atelier, 1935-1948'', Nice, musée Matisse, 1994, {{p.|14}}.</ref>.
 
En 1940, il fréquente régulièrementrencontre [[Pierre Bonnard]] au Cannet. Le marchand [[Paul Rosenberg (galeriste)|Paul Rosenberg]] renouvelle son contrat avec Matisse. Le peintre part le retrouver à [[Floirac (Gironde)|Floirac]], avec [[Lydia Délectorskaya]]<ref>Le musée Matisse de Nice a mis en ligne sa biographie : http://www.musee-matisse-nice.org/expositions/2010/lydia/documents/bio_Lydia.pdf</ref>, qui était son assistante et modèle depuis 1935. En 1941, atteint d'un cancer du côlon, il est hospitalisé à la clinique du Parc de [[Lyon]]. Ses médecins lui donnent six mois à vivre. Il retourne à Nice où cette fois il s'installe à l'[[Excelsior Régina Palace|hôtel Regina]], alité. Il conserve de son opération le port d'un corset de fer, qui empêche la station debout plus d'une heure ; de plus, il souffre de calculs biliaires.
 
Il dessine au crayon et au fusain, les dessins sont exposés chez [[Louis Carré (galeriste)|Louis Carré]] en novembre. S'il ne peut plus voyager, il utilise alors les étoffes ramenées de ses voyages pour habiller ses modèles originaires du monde entier. Son infirmière, [[Sœur Jacques-Marie|Monique Bourgeois]], accepte d'être son modèle. Matisse commence à utiliser la technique des gouaches découpées et commence la série ''Jazz''.
 
En 1943, ilIl s'installe à [[Vence]] et renoue une amitié épistolaire assidue avec le dessinateur et écrivain [[André Rouveyre]], connu autrefois à l'atelier de [[Gustave Moreau]]<ref>Leur correspondance représente plus de {{nombre|1200|lettres}}, ''Matisse, Rouveyre. Correspondance'', par Henri Matisse, André Rouveyre, Hanne Finsen, {{opcit}}</ref>.
 
En 19431942, [[Louis Aragon|Aragon]] publie dans l'ouvrage ''Dessins. Thèmes et variations'', édité chez Martin Fabiani, une préface qui fait de Matisse le symbole artistique {{Citation|d'une manifestation de résistance à l'envahisseur barbare}}, celui de la Vraie France contre l'Allemagne nazie dans l'Art français — « Propos d'un amateur<ref>Laurence Bertrand Dorléac, ''L'Art de la défaite, 1940-1944'', Seuil, 2010, {{p.|281}} {{ISBN|978-2021018806}}, {{nb p.|487}}</ref> ».
 
En 1943, le peintre [[Maurice de Vlaminck]], proche de l'occupant allemand, l'ancien compagnon de la cage aux fauves, attaque violemment Matisse dans son livre ''Portraits avant décès'' : {{Citation bloc|Bien qu'Henri Matisse professe une volonté de simplification, ne retrouve-y-on pas dans les casaquins et les pantalons bouffants de ses odalisques, l'Orientalisme où se perdaient les festons et les astragales littéraires de [[Théophile Gautier]]. Tous ces dons de coloristes, son œil de peintre, Henri Matisse les employa à des compositions de couleur pure, dépourvues de modelé, aux figures schématiques, encore accentuées par le trait du dessin avec leurs aplats de rouge, de jaune, de laque-rose et de bleu. En réalité et en dehors de leur parti-pris scientifique, ces morceaux n'apparaissent-ils pas, aujourd'hui, comme des symboles décoratifs ? Matisse fut pris au piège… Matisse c'est un vieux monsieur qui a mal tourné<ref>Vlaminck, ''Portraits avant décès'', Flammarion, coll. « Vieux Fonds Fic », {{2e|éd.}}, 1992 (1943), {{pp.|268-269}} {{ISBN|978-2080506948}}.</ref>.}}
 
Depuis {{date-|septembre 1939}}, [[Georges Duthuit]], le gendre de Matisse, est resté aux États-Unis, où il est speaker pour des émissions radiophoniques en direction de la France<ref>{{lien web |titre=GEORGES DUTHUIT |url=http://www.universalis.fr/encyclopedie/georges-duthuit/ |site=Encyclopædia Universalis |consulté le=15-07-2020}}.</ref>. En {{date-|avril 1944}}, Amélie (la femme de Matisse) et le {{date-|21 mai 1944}}, Marguerite Matisse-Duthuit (sa fille), sont arrêtées par la [[Gestapo]], pour faits de [[Résistance intérieure française|Résistance]]. Madame Amélie Matisse est condamnée à six mois de prison (elle est libérée en {{date-|septembre 1944}}), tandis que Marguerite Matisse, la fille du peintre, est torturée et défigurée{{sfn|Schneider|2002|p=739}}.
 
Marguerite, dite « Jeannette », internée au fort Hatry de [[Belfort]], est libérée le {{date-|27 août 1944}}<ref>[http://memoiredeguerre.pagesperso-orange.fr/convoi44/liberes-belfort.htm#deb].</ref>. Elle est recueillie dans un premier temps par la famille de [[Léon Delarbre]], un peintre résistant et déporté, connu pour avoir réussi à rapporter des dessins réalisés dans les camps d'extermination (musée de la Résistance à Besançon). Marguerite est ensuite prise en charge par la [[Croix-Rouge française|Croix-Rouge]], qui la cache au sein de la famille Bruno à [[Giromagny]] près de Belfort. Elle est libérée en {{date-|octobre 1944}}. Matisse la revoit en janvier et {{date-|février 1945}}<ref>Henri Matisse, ''Écrits et propos sur l'art'', {{opcit}}, {{pp.|292 à 294}}.</ref>. Sous le coup d'une émotion intense, Henri Matisse dessine de nombreux portraits de sa fille, dont le dernier de la série montre un visage enfin apaisé{{sfn|Aragon|1998}}{{,}}<ref>Dominique Walter, ''Évadée dans les rues de Belfort'', Éd. Minotaure, 2001.</ref>. Jean Matisse, son fils, sculpteur, appartient lui à un réseau de résistance très actif{{sfn|Schneider|2002|p=739}}.
 
Dans une lettre à [[Albert Marquet]], du {{date-|6 novembre 1944}}, Matisse donne des nouvelles de sa fille : {{Citation|Je suppose qu'elle n'est que très fatiguée, car on ne m'a pas dit autre chose pour me ménager. Le docteur a dit que c'était un miracle qu'elle en soit sortie ainsi.}}
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En 1945, une grande rétrospective Matisse est organisée au [[Salon d'automne]] de Paris après celle sur [[Pablo Picasso|Picasso]] en 1944, et sur [[Georges Braque|Braque]], en 1943. Il réalise les cartons de tapisserie, à savoir ''Polynésie, le Ciel'' et ''Polynésie, la Mer'' (1946).
 
Alité, handicapé, mais « vivant », Matisse développene peut plus peindre ou pratiquer des techniques qui demandent des diluants (eau ou huile). Il invente alors la technique des papiers découpés, qu'il peut, dans son lit, couper avec des ciseaux, papiers que ses assistants placent et collent aux endroits souhaités par l'artiste.
 
Entre 1943 et 1947, Matisse travaille à l'élaboration de ''Jazz'', un livre illustré, pour l'éditeur et critique d'art [[Tériade]]. Pour Matisse, {{citation_bloc| Découper à vif dans la couleur me rappelle la taille directe des sculpteurs. Ce livre a été conçu dans cet esprit.}} Le texte qui accompagne les illustrations est écrit et calligraphié par Matisse lui-même, et constitue un texte théorique du peintre sur sa conception de l'art<ref>{{pdf}} http://mba.dijon.fr/sites/default/files/Expositions/pdf/dav_jazz.pdf.</ref>.
 
Il commence à travailler, à partir de 19481949, au décor de la [[chapelle du Rosaire de Vence]]<ref>Henri Matisse, Marie-Alain Couturier, Louis-Bertrand Rayssiguier, Marcel Billot, ''La Chapelle de Vence. Journal d'une création'', A. Skira, 1993, 477 p. {{ISBN|9782204045513}}.</ref>, à la demande de son infirmière-assistante. L'artiste [[Jean Vincent de Crozals]] lui sert de modèle pour ses dessins du Christ<ref>{{Ouvrage|langue = fr|auteur1 = Annelies Nelck|titre = Matisse à Vence|sous-titre=L'olivier du rêve|lieu = |éditeur = Annelies Nelck|année = 1998|pages totales = 184|isbn = 2-9512982-0-X|lire en ligne = |passage =154–158}}.</ref>. D'un point de vue plastique, la simplification des formes semblent être née des observations des icônes byzantines dont son gendre, [[Georges Duthuit]], était un spécialiste au Louvre.
 
En 1950, alors que le peintre reçoit la visite de ses trois petits-enfants, il dessine au plafond de sa chambre leurs trois portraits au fusain avec un bâton de {{unité|2|m}} de long. Le plafond a été déposé et offert par les descendants de Pierre Matisse au musée Matisse du [[Le Cateau-Cambrésis|Cateau-Cambrésis]] où il est visible : « Ce sont mes petits-enfants. J'essaie de me les représenter et quand j'y parviens, je me sens mieux. Aussi, je les ai dessinés au plafond pour les avoir sous les yeux, surtout pendant la nuit. Je me sens moins seul. »
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À 81 ans, Henri Matisse représente la France à la {{25e|[[Biennale de Venise]]}}.
 
Installé dans une chambre-atelier à l'[[Excelsior Régina Palace|hôtel Regina]] de Nice, il réalise l'unesa dedernière ses dernières œuvresœuvre, ''[[La Tristesse du roi]]'', une gouache découpée aujourd'hui au musée d'Art moderne du Centre Pompidou.
 
En 1952 a lieu l'inauguration du [[musée Matisse du Cateau-Cambrésis]], sa ville natale.
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== Postérité de Matisse ==
[[Fichier:MuseeMatisseNicewkped04.JPG|thumb|Entrée du [[musée Matisse de Nice]].]]
En 1963, le [[musée Matisse de Nice]] ouvre ses portes à son tour et, en 1970, unela grandepremière rétrospective de l'œuvre de Matisse en France est organisée au Grand Palais de Paris. L'année suivante, [[louis Aragon|Aragon]] publie ''Henri Matisse, roman'', recueil d'une vingtaine d'articles, de textes et préfaces de catalogues, de conférences d'Aragon, consacré au peintre. {{pas clair|L'œuvre de Matisse rencontre le public français.}}
 
Depuis, les expositions et les rétrospectives se succèdent dans le monde entier. Lors de l'exposition à la [[Tate Modern]] de Londres, en 2014, consacrée aux papiers découpés, la critique Laura Cumming de ''The Guardian'' écrit : {{citation|L'art de Matisse est une leçon de vie, et une source d'inspiration pour le spectateur : voilà ce dont nous devrions tous être capable, être prêt à savourer la beauté de la vie alors même que nous sommes confrontés à sa fin<ref>{{Article |auteur1= |titre=Henri Matisse: The Cut-Outs review – 'the lesson of a lifetime' |périodique=[[The Guardian]] |date=20-04-2014 |lire en ligne=https://www.theguardian.com/artanddesign/2014/apr/20/henri-matisse-the-cut-outs-tate-modern-review-laura-cumming |consulté le=15-07-2020}}.</ref>.}}
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Une autre particularité est que de nombreux descendants d'Henri Matisse sont des peintres ou des sculpteurs, comme son fils Jean, sculpteur, son fils [[Pierre Matisse|Pierre]], galeriste, ses petits-enfants, [[Paul Matisse]], sculpteur, Jacqueline, artiste et son arrière-petite-fille, [[Sophie Matisse|Sophie]], peintre.
 
En 2015, une étude menée à l'[[European Synchrotron Radiation Facility]] de [[Grenoble]] révèle au monde de l'art que le [[sulfure de cadmium]] connu aussi comme étant le pigment [[jaune de cadmium]] utilisé par Matisse est sujet à un processus d'oxydation lors d'une exposition à la lumière, se transformant alors en sulfate de cadmium très soluble dans l'eau et surtout incolore<ref>{{Lien web|langue=|titre=Quand le Synchrotron de Grenoble permet d'expliquer la détérioration du jaune de Matisse|url=https://france3-regions.francetvinfo.fr/alpes/isere/grenoble/quand-le-synchrotron-de-grenoble-permet-d-expliquer-la-deterioration-du-jaune-de-matisse-762476.html|site=france3-regions.francetvinfo.fr|date=2 juillet 2015|consulté le=2017-08-07}}
</ref>.
 
== Théorie de l'art selon Matisse ==
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[[Fichier:Musée Matisse Nice.JPG|thumb|Le [[musée Matisse de Nice]].]]
 
Matisse, s'il n'apparaît pas directement comme tel, est un théoricien de l'art qui a laissé par ses interviews et ses différents textes, les explications de son art « inspiré de la nature » mais travaillé par la mémoire et les perceptions. C'est dans ''Jazz'', en particulier, qu'il rejette toute distinction entre art abstrait et figuratif. Tout au long de sa carrière, il a laissé des textes {{incise|''Notes d'un peintre'', des interviews, jusqu'à ''Jazz''}} que l'on peut lire dans ''Écrits et propos sur l'art''<ref>''Écrits et propos sur l'art'', {{opcit}}</ref>, qui donnent le sentiment d'un classicisme revisité. {{citation_bloc|Mon dessin au trait est la traduction directe et la plus pure de mon émotion. La simplification du moyen permet cela<ref>Matisse, ''Notes d'un peintre sur son dessin'', ''Écrits et propos sur l'art'', ''op. cit.'', p. 139.</ref>.}}
 
[[Louis Aragon]], dans ''Henri Matisse, roman'', note comment Matisse lui explique l'utilisation des signes qui fondent son dessin par exemple les : « signe-œil », « signe-arbre », « signe 3-bouche », « signe fleurs », « signe main-fleurs ». Ainsi, l'épuration de son dessin doit atteindre au [[hiéroglyphe]], le 3 devenant bouche, ou l'arbre désigné par quelques feuilles comme {{Citation|un signe chinois qui signifie l'homme, l'oiseau ou même la bouche{{sfn|Aragon|1998|p=135}}}}.
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Cependant, Matisse considérait toujours que : {{citation_bloc|Ce que je poursuis par-dessus tout, c’est l’expression. Quelquefois, on m’a concédé une certaine science, tout en déclarant que mon ambition était bornée et n’allait pas au-delà de la satisfaction d’ordre purement visuel que peut procurer la vue d'un tableau. Mais la pensée d'un peintre ne doit pas être considérée en dehors de ses moyens, car elle ne vaut qu’autant qu’elle est servie par des moyens qui doivent être d’autant plus complets (et, par complets, je n’entends pas compliqués) que sa pensée est plus profonde. Je ne puis pas distinguer entre le sentiment que j’ai de la vie et la façon dont je le traduis<ref>H. Matisse, ''Écrits et propos sur l'art'', {{opcit}}, 1908.</ref>.}}
 
En 1948, dans une lettre à son ami Henry Clifford, il fait le point sur sa démarche :
 
{{citation bloc|J'ai toujours essayé de dissimuler mes efforts, j'ai toujours souhaité que mes œuvres aient la légèreté et la gaieté du printemps qui ne laisse jamais soupçonner le travail qu'il a coûté. Je crains donc que les jeunes, en ne voyant que l'apparente facilité et les négligences du dessin, se servent de cela comme d'une excuse pour se dispenser de certains efforts que je juge nécessaires. […] Ce lent et pénible travail est indispensable. En vérité, si les jardins n'étaient pas bêchés à l'époque voulue, ils ne seraient bientôt plus bons à rien. N'avons-nous pas d'abord à nettoyer puis à cultiver le sol à chaque saison de l'année ? […] Ce n'est qu'après des années de préparation que le jeune artiste a le droit de toucher aux couleurs — pas aux couleurs en tant que moyen de description — mais en tant que moyen d'expression intime. Alors il peut espérer que toutes les images et même tous les symboles qu'il emploie puissent être le reflet de son amour pour les choses, un reflet dans lequel il peut avoir confiance, s'il a été capable d'accomplir jusqu'au bout son éducation avec pureté et sans se mentir à lui-même. Alors il emploiera les couleurs avec discernement. Il les posera en accord avec un dessin naturel, informulé et totalement conçu qui jaillira directement de sa sensation ; ce qui permettait à Toulouse-Lautrec, à la fin de sa vie, de s'exclamer : « Enfin, je ne sais plus dessiner. » […] Le peintre débutant pense qu'il peint avec son cœur. L'artiste qui a terminé son développement pense aussi qu'il peint avec son cœur. Seulement ce dernier a raison parce que son entraînement et la discipline qu'il s'est imposée lui permettent d'accepter les impulsions. […] Mon but n'est pas d'enseigner. […] Je voudrais que les gens sachent qu'il ne faut pas approcher de la couleur comme on entre dans un moulin, qu'il faut une sévère préparation pour être digne d'elle. Mais avant tout, il faut posséder le don de la couleur comme un chanteur doit posséder la voix. Sans ce don, on ne peut aller nulle part et tout le monde ne peut pas dire comme le Corrège : moi aussi je suis un peintre. Un coloriste marque de son empreinte même un simple dessin au fusain. […] Je m'aperçois que, obéissant à une nécessité intérieure, j'en ai fait l'expression de ce que je ressens à propos du dessin et de la couleur et de l'importance d'une discipline dans l'éducation d'un artiste<ref>En ligne : http://www.deslettres.fr/lettre-de-matisse-a-henry-clifford-un-artiste-doit-posseder-la-nature/ et dans Henri Matisse, ''Écrits et propos sur l'art'', {{opcit}}, {{pp.|312 et 313}}.</ref>.}}
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