« Assyriologie » : différence entre les versions
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[[Fichier:Human headed winged bull facing.jpg|thumb|220px|Taureau androcéphale ailé de [[Dur-Sharrukin]] (actuelle Khorsabad), [[musée du Louvre]]]]
L''''assyriologie''' est la partie de l'[[histoire]] et de la [[philologie]] spécialisée dans l'étude de l'[[Assyrie]] à l'origine, puis dans son acception actuelle dans l'étude de la [[Mésopotamie]] antique, et au sens large celles des civilisations du [[Proche-Orient ancien]]. Elle repose sur la traduction et l'étude des textes rédigés en [[écriture cunéiforme]].
== Contours et définitions ==
[[Fichier:Cuneiforme sites.svg|thumb|upright=2.0|Localisation des principaux sites ayant livré des tablettes cunéiformes (en particulier ceux en capitales) et de sites périphériques où des textes en cunéiforme ont été mis au jour.]]
Le terme d'assyriologie est forgé par [[Ernest Renan|E. Renan]] en 1859, sur le modèle d'[[égyptologie]], et en référence à l'[[Assyrie]], le pays par lequel a alors été redécouverte l'antique civilisation mésopotamienne et qui est à ce moment-là la seule des civilisations de la Mésopotamie antique clairement identifiée par des restes matériels{{sfn|Charpin|2015|p=21-23}}{{,}}<ref name="charpin-2013">{{Chapitre|langue=fr|auteur=Dominique Charpin |titre= Renan, un sémitisant au berceau de l’assyriologie |auteurs ouvrage= Henry Laurens (dir.)|titre ouvrage= Ernest Renan : la science, la religion, la République|lieu= Paris|éditeur= Odile Jacob| année= 2013 |passage= 77-99}}.</ref>. Au moment où se constitue la discipline, la première chaire d'assyriologie du [[Collège de France]] confiée à [[Jules Oppert|J. Oppert]], un des déchiffreurs du [[cunéiforme]], est intitulée « Philologie et archéologie assyriennes », et dans le premier volume de la ''[[Revue d'assyriologie et d'archéologie orientale]]'' publié en 1884{{sfn|Charpin|2015|p=28}}, le même J. Oppert définit l'assyriologie comme {{citation|une nouvelle science philologique<ref name=ra1>{{Article|langue=fr|auteur=Jules Oppert|titre=La vraie personnalité et les dates du roi Chiniladan|périodique=[[Revue d'assyriologie et d'archéologie orientale]] |volume= I|tome=1|année= 1884|passage= 1|jstor=23275645}}.</ref>.}}
Environ un siècle plus tard, en 1981, après que les autres civilisations mésopotamiennes et proche-orientales aient été redécouvertes, [[Jean Bottéro|J. Bottéro]] définit l'assyriologie comme {{citation|une discipline historique}}, qui s'intéresse à {{citation|l'histoire de la Mésopotamie antique}}, voire plus largement des civilisations du Proche-Orient ancien. La référence à l'approche philologique ressort du fait qu'il indique qu'il est nécessaire pour pratiquer cette discipline de s'être initié aux arcanes de l'écriture cunéiforme, et d'au moins deux langues mésopotamiennes, l'[[akkadien]] et le [[sumérien]]{{sfn|Bottéro|1997|p=47-52}}.
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Pour mieux refléter cette réalité, la dénomination d'assyriologie est alors rejetée par certains, à l'image de J. Renger qui préfère parler de {{citation|philologie et histoire de l'Orient (ou Proche-Orient) ancien}} (''Altorientalische Philologie und Geschichte'' / ''Ancient Near Eastern Philology and History''), {{citation|une partie des Études sur le Proche-Orient ancien, qui comprend l'archéologie du Proche-Orient ancien ainsi que la philologie et l'histoire}} et qui {{citation|s'intéresse aux langues, à l'histoire et aux civilisations du Proche-Orient ancien<ref>{{citation étrangère|langue=en|Ancient Near Eastern Philology and History (ANEPH) is part of Ancient Near Eastern Studies, which includes the archaeology of the ancient Near East as well as philology and history.}} ; {{citation étrangère|langue=en|ANEPH concerns itself with the languages, history and civilizations of the Ancient Near East}} : {{harvsp|Renger|2006|p=126}}.</ref>.}} Cela s'accompagne d'une notion plus englobante et pluridisciplinaire d'{{citation|études du Proche-Orient ancien}} (''Near Eastern Studies''), qui inclut également l'archéologie de ces civilisations, celle-ci et la philologie restant {{citation|liées par un objectif commun – qui consiste à reconstruire une ancienne civilisation avancée sur la base de preuves écrites et matérielles<ref>{{citation étrangère|langue=en|remain linked by a shared goal – which is to reconstruct an ancient advanced civilization on the basis of written and material evidence}} : {{harvsp|Renger|2006|p=126}}.</ref>.}} Ce champ de la recherche a des liens avec d'autres qui étudient les mêmes régions mais des civilisations ne pratiquant pas (ou de façon secondaire à l'échelle historique) l'écriture cunéiforme : les études sémitiques, iraniennes, anatoliennes, indo-européennes{{sfn|Renger|2006|p=127}}.
Quel sens donner à assyriologie à l'heure actuelle ? Pour l'Association internationale des Assyriologues (''International Association of Assyriology''), qui organise les Rencontres assyriologiques internationales, le terme {{citation|fait référence à l'étude de l'ancienne Mésopotamie et des régions voisines par des approches textuelles, archéologiques et historiques de l'art<ref>{{citation étrangère|langue=en|The IAA understands the “Assyriology” in its name to refer to the study of ancient Mesopotamia and neighbouring regions through textual, archaeological and art historical approaches.}} : {{Lien web|langue=en|titre=Assyriology|url=https://iaassyriology.com/assyriology/ |date=non daté|consulté le=24 mars 2022}}.</ref>.}} W. Sallaberger, qui la préside en 2019, donne une approche plus développée : {{citation|Dans notre association, le terme désuet « Assyriologie » recouvre tous les domaines savants liés à l'étude du Proche-Orient ancien à l'époque des cultures cunéiformes, du {{IVe}} millénaire avant notre ère au {{s-|I}} de notre ère dans les régions historiques de Mésopotamie, Syrie et Levant, Iran et Anatolie, y compris les périodes et les régions d'influence et de contact. Notre compréhension de « l'assyriologie » couvre les disciplines philologiques traitant des textes écrits en akkadien, i.e. langues babylonienne et assyrienne, sumérienne, hittite, élamite, hourrite et autres, linguistique de ces langues, histoire de l'ancien Proche-Orient, archéologie et histoire de l'art des régions et périodes respectives<ref>{{citation étrangère|langue=en|In our association, the old-fashioned term “Assyriology” covers all scholarly fields related to the study of the ancient Near East in the time of the cuneiform cultures, from the fourth millennium BCE to the first century CE in the historical regions of Mesopotamia, Syria, and the Levant, Iran, and Anatolia, including periods and regions of influence and contact. Our understanding of “Assyriology” covers philological disciplines dealing with texts written in Akkadian, i. e. Babylonian and Assyrian, Sumerian, Hittite, Elamite, Hurrian, and other languages, linguistics of these languages, the history of the ancient Near East, and the archaeology and art history of the respective regions and periods.}} : {{Lien web|langue=en|auteur= Walther Sallaberger|titre= The International Association for Assyriology: Promoting the study of the ancient Near East| url= https://iaassyriology.com/|date=janvier 2019|consulté le=24 mars 2022}}.</ref>.}}
Pour [[Dominique Charpin|D. Charpin]], {{citation|le terme assyriologue est devenu ambigu : dans son acception large, il désigne toute personne qui étudie des textes notés dans l’écriture cunéiforme}} et rajoute que {{citation|ces textes, écrits dans des langues très différentes, relèvent de civilisations distinctes, même si elles ont été en contact suffisamment étroit pour partager une même écriture.}} Lui-même préfère s'en tenir au seul cadre de la {{citation|civilisation mésopotamienne}}, et à une {{citation|approche pluridisciplinaire{{sfn|Charpin|2015|p=23-25}}.}}
Pour P. A. Beaulieu, {{citation|l'assyriologie est la discipline académique dédiée à l'étude des civilisations antiques de l'Irak}} et il présente sa démarche d'assyriologue comme une qui {{citation|s'appuie principalement sur l'interprétation philologique des sources cunéiformes, mais intègre également certaines découvertes de l'archéologie et de l'histoire de l'art.}}<ref>{{citation étrangère|langue=en|Assyriology is the academic discipline devoted to the study of the ancient civilizations of Iraq.}} ; {{citation étrangère|langue=en|The present book is written from the point of view of an Assyriologist and relies mainly on the philological interpretation of cuneiform sources, but also integrates some of the findings of archaeology and art history.}} : {{harvsp|Beaulieu|2018|p=3 et 4}}.</ref>.
== Histoire ==
=== Origines ===
[[Fichier:Caylus vase 1762.jpg|thumb|Dessin du vase du [[Anne Claude de Caylus|comte de Caylus]], inscrit en cunéiforme et hiéroglyphes égyptiens au nom du roi achéménide [[Xerxès Ier|Xerxès {{Ier}}]].]]
La découverte de restes [[Archéologie|archéologiques]] au [[Moyen-Orient]] commence bien avant le {{XIXe siècle}}, du fait de voyageurs ou de commerçants poussés par leur curiosité et leur foi à visiter les pays de la [[Bible]].
Au {{XVIIe siècle}}, un explorateur [[Rome|romain]] nommé [[Pietro Della Valle]] (1586-1652), visite la [[Mésopotamie]], l’actuel [[Irak]], la [[empire perse|Perse]] (actuel [[Iran]]) et le [[Proche-Orient]] ([[Syrie]], [[Liban]] et [[Palestine (région)|Palestine]]). Il en rapporte un récit haut en couleur qui fit date ainsi qu'une description et des copies approximatives d'inscriptions en cunéiforme, avec une première tentative d'interprétation. À sa suite d'autres explorateurs vont permettre d'améliorer la connaissance de ces inscriptions, dans le contexte de la mode de l'« antiquarisme » européen, qui vise à collectionner et à analyser au moins de façon rudimentaire des objets antiques (surtout romains et grecs). Des découvertes importantes ont lieu au cours des [[années 1780]]-[[Années 1790|1790]], période pendant laquelle les premières expéditions savantes sont organisées. On est alors bien convaincu que les signes constituent une écriture, qu'on ne comprend pas mais qu’on désire déchiffrer. L'objectif est d'abord de trouver des inscriptions. Le [[Danemark|Danois]] [[Friedrich Münter]] (1761-1830) et les Allemands [[Carsten Niebuhr]] (1733-1815) et [[Oluf Gerhard Tychsen|Oluf Tychsen]] (1734-1815) en sont les précurseurs. Ils rapportent les premières copies fiables d'inscriptions cunéiformes, alors appelées « persépolitaines », du nom du site où on en avait identifié le plus. Parallèlement des objets inscrits en cunéiforme sont ramenés en Europe et enrichissent les collections des antiquaristes, comme le vase inscrit au nom de [[Xerxès Ier|Xerxès]] qu'acquiert le [[Anne Claude de Caylus|comte de Caylus]] vers les années 1750, et le « [[caillou Michaux]] », stèle ([[kudurru]]) de l'[[époque kassite]] ramené de [[Bagdad]] en 1785 par le botaniste [[André Michaux]]{{sfn|Garelli|1990|p=18-19}}{{,}}<ref>{{Ouvrage|langue=fr|auteur=Jean Bottéro et Marie-Joseph Stève |titre=[[Il était une fois la Mésopotamie]]|éditeur=Gallimard| collection= [[Découvertes Gallimard]] / Archéologie |numéro dans la collection=191|lieu= Paris|année= 1993| passage=16-19}}.</ref>.
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[[Fichier:Georg Friedrich Grotefend.jpg|thumb|left|[[Georg Friedrich Grotefend]] (1775-1853).]]
Les premiers déchiffreurs ont au début du {{s|XIX|e}} un nombre limité de copies fiables de textes cunéiformes à leur disposition, en premier lieu les inscriptions achéménides copiées par Niebuhr, quelques objets inscrits ramenés en Europe, notamment une longue inscription de [[Nabuchodonosor II]] ramenée à [[Londres]] par la [[Compagnie britannique des Indes orientales]] (''East India House Inscription''), à partir de laquelle on établit un premier syllabaire du [[cunéiforme]] [[babylonien (langue)|babylonien]], le « cylindre Bellino », inscription du roi assyrien [[Sennachérib]] découverte par [[Claudius James Rich]] et traduite par son secrétaire Karl Bellino, puis les inscriptions de la région du [[lac de Van]] copiées en 1828 par [[Friedrich Eduard Schulz]] et publiées en 1840, dont une longue inscription royale d'un roi d'[[Urartu]], bilingue en [[assyrien]] et [[urartéen]]. Ensuite le corpus s'enrichit d'inscriptions copiées par d'autres explorateurs, notamment le britannique [[Henry Creswicke Rawlinson]] qui copie les inscriptions achéménides trilingues du [[Kuh-e Alvand|mont Alvand]] (en 1835), puis de [[Inscription de Behistun|Behistun]] (en deux tentatives, en 1835 et 1843) et le danois [[Nils Ludwig Westergaard]] qui copie d'autres inscriptions achéménides à [[Naqsh-e Rostam]] et [[Persépolis]].
La première écriture traduite est donc le vieux-perse cunéiforme. L'allemand [[Georg Friedrich Grotefend]] a mis en évidence au début du {{s|XIX|e}} qu'il s'agissait d'une langue perse, et proposé de premières identifications de signes et lectures de noms de rois, qui devaient s'avérer en partie justes, mais ses accomplissements mettent plusieurs années à être reconnus (notamment grâce à la traduction par Champollion en 1823 du texte égyptien du vase bilingue hiéroglyphes-cunéiforme de la collection du [[Anne Claude de Caylus|comte de Caylus]] évoqué plus haut, qui confirme la lecture de plusieurs lettres proposées par Grotefend<ref>{{Ouvrage|langue=en|auteur= Archibald Henry Sayce | titre=The Archaeology of the Cuneiform Inscriptions|lieu= Cambridge|éditeur=Cambridge University Press| année=2019| année première édition=1907| passage= 13 n. 1.}}.</ref>). Il faut ensuite le concours de plusieurs savants mieux versés que lui dans le perse ancien pour faire progresser la compréhension de l'écriture : le danois [[Rasmus Rask]], l'allemand (norvégien de naissance) [[Christian Lassen]], le français [[Eugène Burnouf]], puis l'irlandais [[Edward Hincks]] (qui a auparavant contribué à faire progresser la compréhension des [[hiéroglyphes]]), le français ([[hambourg]]eois de naissance) [[Jules Oppert]], et le britannique [[Henry Creswicke Rawlinson]]{{sfn|Garelli|1990|p=6-8}}{{,}}<ref>{{Ouvrage|prénom1 = Pierre|nom1 = Lecoq| titre=Les inscriptions de la Perse achéménide |lieu = Paris| année = 1997| passage=23-28}}</ref>{{,}}<ref>Francis Joannès et Gauthier Tolini, « L'alphabet vieux-perse », dans {{harvsp|id=DEC|Lion|Michel (dir.)|2008|p=71-80}}.</ref>. Personnalité hors norme, à la fois homme de terrain et déchiffreur de talent, Rawlinson a à son actif plusieurs accomplissements décisifs dans le déchiffrement du cunéiforme, qui font qu'il a souvent été présenté non sans raison comme le « père de l'assyriologie »{{sfn|Garelli|1990|p=8-9}}, même si on a depuis revalorisé le rôle des autres acteurs du déchiffrement du cunéiforme (surtout Hincks) et mis en évidence le fait que Rawlinson a usé de sa position pour entraver (avec succès) la carrière d'autres grandes figures qui auraient pu lui faire de l'ombre et qui se sont retrouvés écartés des études assyriologiques (Layard, Hincks){{sfn|Larsen|2001|p=220-227}}. Quoi qu'il en soit son concours est décisif pour triompher des derniers obstacles au déchiffrement du cunéiforme perse en 1847. Reste alors à s'attaquer aux deux autres écritures, plus complexes. Pour la version [[élamite]], le caractère [[isolat linguistique|isolé]] de la langue et le nombre de sources limité rendent le projet impossible à l'époque. En revanche pour la variante [[babylonien (langue)|babylonienne]] ([[akkadien]]ne), dont Hincks a identifié qu'elle transcrivait une [[langue sémitique]], le déchiffrement est possible, et l'apport de nouvelles sources cunéiformes va permettre sa réalisation{{sfn|Garelli|1990|p=9-11}}.
Cet effort est accompagné par le début des fouilles occidentales en Mésopotamie, en 1842, qui se portent vers l'ancienne Assyrie<ref>Sur cette période : {{Ouvrage|langue=en|prénom1=Mogens Trolle|nom1= Larsen|titre= La conquête de l'Assyrie, 1840-1860|sous-titre=Histoire d'une découverte archéologique | éditeur=Hachette| lieu= Paris|année= 2001}}.</ref>{{,}}<ref>Sur les fouilles françaises : {{Ouvrage|langue=fr|auteur=Nicole Chevalier|titre= La recherche archéologique française au Moyen-Orient 1842-1947|lieu= Paris|éditeur= Éditions Recherche sur les Civilisations| année= 2002}}.</ref>{{,}}<ref>Voir aussi {{Article|langue=fr|auteur=[[Béatrice André-Salvini]]| titre= Les débuts de la recherche française en Assyriologie. Milieu et atmosphère du déchiffrement| périodique= Journal Asiatique| tome=287| numéro=1|année= 1999|passage=331-355}}.</ref>. Elles sont le fait de Français et de Britanniques, qui n'ont que rarement une expérience archéologique, sont avant tout là pour obtenir des objets destinés à leurs musées nationaux, bénéficient d'un certain laxisme des autorités ottomanes vis-à-vis de leurs fouilles et de l'expédition des objets qu'ils en extraient. Cela s'inscrit aussi dans un contexte de présence accrue des puissances occidentales au Moyen-Orient, et de rivalités entre elles qui rejaillissent régulièrement lors des fouilles. Cette forte imbrication entre archéologie et politique impérialiste/coloniale se retrouve dans le fait que les premiers fouilleurs sont souvent des diplomates et militaires. Du point de vue occidental la période est plus généralement marquée par un intérêt pour les civilisations antiques et non-européennes, la redécouverte de l'Assyrie accompagnant celle de l’Égypte antique, avec un intérêt marqué pour les œuvres artistiques destinées à enrichir les collections de leurs musées nationaux (le [[British Museum]] et le [[Musée du Louvre]]). L'apport de ces découvertes aux études bibliques est aussi un élément important de l'intérêt qu'elles suscitent{{sfn|Renger|2006|p=127-128}}.
[[Fichier:Gabriel Tranchard-Foto 1853 Khorsabad.jpg|thumb|left|Photographie des fouilles de [[Khorsabad]] par [[Gabriel Tranchand]] : dégagement d'une des portes du palais (1853).]]
Le premier à ouvrir un chantier est [[Paul-Émile Botta]], le consul français de [[Mossoul]], qui recherche l'emplacement de Ninive ; il ne trouvera rien sur le site qui comprend effectivement les ruines de la ville en question, [[Ninive|Kuyunjik]], et se reporte vers un lieu voisin, [[Khorsabad]], où il dégage le palais du roi assyrien [[Sargon II]] avec ses sculptures et bas-reliefs, et quand il ferme le chantier et en expédie certains en France en 1844 il révèle au public occidental le potentiel des fouilles en Mésopotamie. Dès 1845 les Britanniques [[Austen Henry Layard]] et [[William Kennett Loftus]], assistés par l'assyrien [[Hormuzd Rassam]], explorent les tells d'Assyrie, surtout [[Nimroud]] et Kuyunjik (d'où les Français sont évincés à la suite d'une manœuvre de Rassam), où ils dégagent à leur tour des palais royaux avec d'importants lots de tablettes cunéiformes. Rawlinson est alors un temps occupé à recopier des inscriptions en Perse pour achever le déchiffrement du cunéiforme, puis en 1851 il prend la direction des fouilles britanniques. Les Français retournent à Khorsabad en 1852 sous la direction de Victor Place, et une expédition explore plusieurs sites mésopotamiens sous la direction de [[Fulgence Fresnel]] (avec le concours d'Oppert). Cette première phase de fouilles cesse en 1855. Si une bonne [[Naufrage de Gournah|partie des œuvres dégagées sombre]] dans le [[Chatt-el-Arab]] lorsque le convoi français qui les transporte est attaqué par une tribu locale, ce qui est parvenu au Louvre et (en plus grande quantité) au [[British Museum]] suscite une certaine attention, et les publications des résultats des fouilles, qu'il s'agisse des œuvres d'art et des inscriptions, contribuent grandement au progrès des études sur l'ancienne Mésopotamie (P.-E. Botta, ''Monuments de Ninive'', 1849 ; A. H. Layard, ''Nineveh and Its Remains'', 1849 et ''Inscriptions in the Cuneiform Character from Assyrian Monuments'', 1851){{sfn|Benoit|2003|p=515-522}}{{,}}<ref>{{Chapitre| langue = en| prénom1= Nicole |nom1=Chevalier| titre = Early Excavations (pre-1914)| titre ouvrage = A Companion to the Archaeology of the Ancient Near East| auteurs ouvrage= Daniel T. Potts (dir.)| lieu = Malden et Oxford| éditeur= Blackwell Publishers | collection= Blackwell companions to the ancient world| année = 2012| passage= 48-54}}</ref>.
La conjugaison des études de bureau et de terrain permet alors la mise à disposition d'un plus grand nombre d'inscriptions, permettant des progrès décisifs dans la traduction du cunéiforme babylonien. Les années qui suivent voient les efforts de Rawlinson, Hincks et Oppert parachever le déchiffrement de cette écriture. En 1857, la ''Royal Asiatic Society'' de [[Londres]] reçoit de [[William Henry Fox Talbot]], un autre aspirant au déchiffrement du cunéiforme, une inscription mise au jour à Assur avec sa traduction, et en envoie la version cunéiforme aux trois principaux artisans du déchiffrement de cette écriture, qui lui renvoient leurs propres traductions ; certains déchiffreurs ont eu accès aux manuscrits d'autres, donc elles ne se sont pas effectuées de manière complètement indépendantes.
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[[Fichier:British Museum Flood Tablet.jpg|thumb|left|La {{XIe}} tablette de la version de [[Ninive]] de l’''[[Épopée de Gilgamesh]]'', relatant le [[Déluge]], {{-s|VII|e}} [[British Museum]].]]
Après la phase de déchiffrement l'assyriologie se constitue progressivement autour des figures fondatrices que sont Rawlinson au Royaume-Uni et Oppert en France ; l'autre déchiffreur majeur, Hincks, n'a plus un rôle significatif après 1857 et meurt en 1866. Le terme « assyriologue » apparaît en 1859, sous la plus d'[[Ernest Renan]], qui le forge en s'inspirant d'« [[égyptologue]] » et en référence à l'[[Assyrie]], seule civilisation de la Mésopotamie antique alors redécouverte{{sfn|Charpin|2015|p=21}}{{,}}<ref name="charpin-2013" />. Les chantiers de fouilles étant à l'arrêt jusqu'en 1872, sont entreprises les traduction et publications des textes exhumés ou copiés en Assyrie (notamment H. C. Rawlinson, E. Norris et Th. Pinches, ''The Cuneiform Inscriptions of Western Asia'', en 5 volumes publiés entre 1861 et 1880 et J. Oppert, ''Expédition scientifique en Mésopotamie'', 2 volumes publiés en 1859 et 1863){{sfn|Benoit|2003|p=526 et 527-528}}. La discipline s'institutionnalise : en 1874 une chaire de « Philologie et archéologie assyriennes » est créée au [[Collège de France]] et confiée à Oppert{{sfn|Charpin|2015|p=28}}. Elle fait parler d'elle lorsque les traductions mettent en évidence des parallèles avec la Bible, avant tout le déchiffrement du récit du Déluge de l’''[[Épopée de Gilgamesh]]'' par [[George Smith (assyriologue)|George Smith]] en 1874. Elle se diffuse aussi dans d'autres pays, surtout en Allemagne
Puis des revues spécifiquement dédiées aux études de la Mésopotamie antique sont créées : en Allemagne [[Carl Bezold]] préside à la parution de la ''Zeitschrift für Keilschriftforschung und verwandte Gebiete'' en 1884, remplacée deux ans plus tard par la ''Zeitschrift für Assyriologie und verwandte Gebiete'' (''ZA'', appelée depuis 1939 ''Zeitschrift für Assyriologie und Vorderasiatische Archäologie''), et en France le premier volume de la ''[[Revue
==== Fouilles et explosion de la quantité de documentation ====
[[Fichier:Code of Hammurabi IMG 1932.JPG|thumb|left|La stèle du [[Code de Hammurabi]], exhumée en deux blocs en 1901-1902 à [[Suse (Iran)|Suse]], exposée au [[Musée du Louvre]].]]▼
Les progrès des études assyriologiques sont accompagnés par une reprise des chantiers de fouilles, qui permet un gonflement considérable de la documentation sur les civilisations de la Mésopotamie antique, textuelle ou non. ▼
▲Les progrès des études assyriologiques sont accompagnés par une reprise des chantiers de fouilles, qui permet un gonflement considérable de la documentation sur les civilisations de la Mésopotamie antique, textuelle ou non.
[[Fichier:D387- écavation d’un temple à nippur - Liv4-Ch03.png|thumb|Photographie des fouilles américaines à [[Nippur]] à la fin du {{s|XIX|e}}.]]
En 1872 [[George Smith (assyriologue)|George Smith]] est envoyé à [[Ninive]] pour trouver des fragments complétant la « tablette du Déluge », ce qu'il parvient à faire, mais il meurt peu après{{sfn|Benoit|2003|p=529-530}}. Mais les sites assyriens occupent une place secondaire dans cette seconde phase de fouilles, qui se consacre avant tout à la redécouverte des anciens sites de la Babylonie, dans le sud de la Mésopotamie, qui jusqu'alors n'avaient fait l'objet que de modestes fouilles de la part de Britanniques, dont les résultats avaient été jugés décevants en comparaison de ceux obtenus en Assyrie{{sfn|Chevalier|2012|p=58}}. Ce sont les fouilleurs français qui faire considérablement évoluer la connaissance de la Mésopotamie antique : [[Ernest de Sarzec]] fouille en 1877-78 le site de Tello (l'antique [[Girsu]]), dans la région de [[Bassorah]], où il met au jour des statues et de nombreux objets inscrits. Les équipes françaises restent sur le site jusqu'en 1900 et en dégagent un nombre considérable d'objets, dont des tablettes qui sont décisives dans la confirmation de l'existence de la civilisation sumérienne{{sfn|Benoit|2003|p=530-532}}. Les Britanniques font quant à eux appel au seul vétéran des sites assyriens encore actif sur le terrain, [[Hormuzd Rassam]], qui ouvre plusieurs chantiers ([[Ninive]], [[Nimroud]], [[Assur (ville)|Assur]], [[Babylone]], [[Toprakkale (Urartu)|Toprakkale]], [[Sippar]]) destinés à trouver des objets et tablettes le plus rapidement possible entre 1878 et 1882
Les fouilles allemandes qui débutent en 1897 à [[Babylone]] sous l'égide de la ''[[Deutsche Orient-Gesellschaft]]'' (''DOG'', Société orientale allemande, créée en 1989 sous les auspices de l'empereur [[Guillaume II (empereur allemand)|Guillaume II]]) et la direction de [[Robert Koldewey]]
▲[[Fichier:Code of Hammurabi IMG 1932.JPG|thumb|left|La stèle du [[Code de Hammurabi]], exhumée en deux blocs en 1901-1902 à [[Suse (Iran)|Suse]], exposée au [[Musée du Louvre]].]]
▲Les fouilles allemandes qui débutent en 1897 à [[Babylone]] sous l'égide de la ''[[Deutsche Orient-Gesellschaft]]'' (''DOG'', Société orientale allemande, créée en 1989 sous les auspices de l'empereur [[Guillaume II (empereur allemand)|Guillaume II]]) et la direction de [[Robert Koldewey]] partent dans une toute autre direction, puisque le fouilleur a une formation d'architecte en plus d'archéologue, et emploie pour la première fois des méthodes de fouilles archéologiques à proprement parler sur un site mésopotamien. Disposant de moyens importants, il fouille le site de 1897 à 1917, ouvre des chantiers dans d'autres lieux où d'autres prennent la direction des fouilles, notamment [[Walter Andrae]] à Qala'at Sherqat, l'antique [[Assur (ville)|Assur]] (de 1903 à 1914), autre chantier de fouilles qui tranche avec les pratiques contemporaines{{sfn|Benoit|2003|p=543-546}}{{,}}{{sfn|Chevalier|2012|p=60-61}}, qui devait permettre par la suite d'identifier assez précisément les nombreux lieux de trouvaille de lots de tablettes<ref>{{Ouvrage| langue=en| prénom1=Olof| nom1=Pedersén| titre=Archives and libraries in the city of Assur| sous-titre=A Survey of the Material from the German Excavations| lieu=Uppsala| éditeur=Almqvist & Wiksell| année=1985-1986}} (2 tomes.)</ref>. Les fouilles du site de [[Suse (Iran)|Suse]] en Perse, qui débutent au même moment, portent quant à elles à son paroxysme le principe de la fouille destinée à dégager des objets. Le projet initial du chef de chantier, [[Jacques de Morgan]], qui a une formation de géologue et se questionne sur les origines de « la » civilisation, est d'araser complètement le tell principal (ce à quoi il devait rapidement renoncer). D'un autre côté, il est le premier à avoir un souci de pluridisciplinarité. Au-delà des critiques qu'ont suscitées ses méthodes de fouilles qui font pâle figure en comparaison à celles de Koldewey et Andrae, force est d'admettre qu'il effectue de nombreuses trouvailles spectaculaires, la plus célèbre étant la stèle du [[Code de Hammurabi]], l'un des monuments-phares de l'assyriologie, dont les deux fragments principaux sont découverts en 1901 et 1902 et traduite et publiée dans la foulée par l'épigraphiste du chantier, le père [[Jean-Vincent Scheil]]{{sfn|Benoit|2003|p=541-542}}{{,}}{{sfn|Chevalier|2012|p=66-68}}. La découverte de tablettes en [[élamite]] sur ce site permet également de faire progresser peu à peu la connaissance de la troisième langue des inscriptions perses.
[[Fichier:Journal de fouilles Cros Tello.jpg|thumb|left|Journal de fouilles de [[Gaston Cros]] à [[Lagash|Tello]] (campagnes de 1903-1909), avec copie et photographie d'une inscription cunéiforme. [[Département des Manuscrits de la Bibliothèque nationale de France]].]]
[[Fichier:Map Umma Louvre AO5677.jpg|thumb|Tablette cadastrale de l'époque d'[[Ur III]] ({{-s|XXI|e}}), exhumée à Tell Jokha ([[Umma (Sumer)|Umma]]), acquise par le [[musée du Louvre]] en 1911 auprès
==== La découverte des Sumériens et des Hittites ====
[[Fichier:Thureau-dangin.jpg|thumb|left|[[François Thureau-Dangin]] (1872-1944).]]
En Europe ces nouvelles moissons d'artefacts archéologiques contribuent à un nouvel essor des études assyriologiques, qui prend un nouveau tournant avec la découverte de nouveaux peuples, cette fois-ci inconnus des sources héritées de l'Antiquité occidentale.
La période est marquée par une controverse sur la nature des [[idéogramme]]s présents dans les textes [[cunéiforme]]s. Ils ne renvoient pas à des termes de l'[[akkadien]] (comme cela se passe pour les [[Écriture hiéroglyphique égyptienne|hiéroglyphes]] où phonogrammes et idéogrammes sont en égyptien ancien), mais à ceux d'une autre langue qui n'a aucune ressemblance avec lui, par ailleurs attestée par des listes de vocabulaire bilingues qui montrent que même les anciens [[Assyrie]]ns avaient besoin de guides pour les faire correspondre
[[Fichier:Mitanni letter 16.png|thumb
Le champ des études sur les textes cunéiformes s'élargit aussi vers l'ouest. En 1887 des tablettes cunéiformes apparaissent sur le marché des antiquités d'Égypte, où on ne s'attendait pas à en trouver, et les fouilles entreprises sur leur lieu de découverte, le site d'[[Amarna|el-Amarna]], révèle qu'il s'agit de la correspondance diplomatique des pharaons [[Amenhotep III]] et IV (ou [[Akhénaton]]), accompagnée de quelques tablettes savantes/scolaires{{sfn|Pedersén|1998|p=38-42}}. On y découvre deux autres langues, dont la connaissance progresse en 1906-1907 quand une équipe allemande dirigée par [[Hugo Winckler]] entreprend la fouille du site de Boğazköy, situé au centre de l'Anatolie, qui se révélera être [[Hattusa]], l'ancienne capitale des [[Hittites]], peuple dont on venait juste de soupçonner l'existence (et nommés ainsi à partir d'un passage de la Bible qui ne se réfère probablement pas à eux). Y sont mises au jour de nombreuses tablettes cunéiformes, surtout inscrites dans une des deux langues inconnues d'el-Amarna, qui s'avère être celle des Hittites, et qui est finalement identifiée comme une langue indo-européenne par l'assyriologue tchécoslovaque [[Bedřich Hrozný]], qui la traduit entre 1914 et 1917{{sfn|Benoit|2003|p=546-547}}{{,}}<ref>{{Ouvrage|langue=en|prénom1=Billie Jean|nom1=Collins|titre=The Hittites and their world|lieu=Atlanta|éditeur=Society of Biblical Literature|collection=Archaeological and Biblical Series|année=2007|passage=1-8}}</ref>{{,}}<ref>Alice Mouton, « Cunéiformes et hiéroglyphes chez les Hittites », dans {{harvsp|id=DEC|Lion|Michel (dir.)|2008|p=142-146}}.</ref>{{,}}{{sfn|Alaura|2022|p=719-727}}. Les années de la première guerre mondiale (et celles qui suivent) voient
==== Querelles autour de la Bible ====
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La carte politique du Moyen-Orient est bouleversée par le démembrement et la fin de l'[[empire ottoman]] en 1918. La [[France]] exerce alors son mandat sur la [[Syrie]] et le [[Liban]] (et exerce un monopole sur les fouilles en [[Iran]] et [[Afghanistan]]), et le [[Royaume-Uni]] sur l'[[Irak]]. Des services des antiquités sont créés dans ces pays, ce qui facilite le travail des archéologues occidentaux, et en particulier ceux des pays mandataires. La sécurité et les communications sont améliorées, les autorisations de chantiers plus fiables{{sfn|Benoit|2003|p=551-552}}. Du point de vue des méthodes cette période voit également des progrès s'accomplir, avec un plus grand souci pour la stratigraphie, l'usage de la photographie aérienne{{sfn|Benoit|2003|p=553-554}}, même si [[Mortimer Wheeler]] considère que ce qu'il a observé lors d'un voyage qui l'a conduit en 1936 sur les chantiers de fouilles du Proche-Orient est très loin des standards européens de l'époque, et [[André Parrot]] entame ses fouilles à [[Lagash#Girsu/Tello|Tello]] en 1931 avec très peu de moyens humains{{sfn|Matthews|2003|p=32-33}}.
Cette période voit donc une explosion du nombre de chantiers de fouilles, et plusieurs découvertes majeures pour la connaissance des civilisations du Proche-Orient ancien, historiques mais aussi préhistoriques (ces dernières étant hors du cadre de l'assyriologie). Dans le sud de l'Irak, les Britanniques ouvrent ainsi des chantiers à Tell Abu Sharain ([[Eridu]])
Dans le nord du pays [[Reginald Campbell Thompson]] rouvre les fouilles à [[Ninive]], entre 1927 et 1932, effectuant là aussi plusieurs découvertes significatives sur les périodes archaïques{{sfn|Benoit|2003|p=559-560}}. Des équipes américaines reprennent quant à elles les fouilles de [[Khorsabad]]{{sfn|Benoit|2003|p=561-562}}. L'apparition de tablettes issues de fouilles clandestines dans la région de [[Kirkuk]] attire l'attention sur de nouveaux sites antiques. C'est Yorghan Tepe, l'antique [[Nuzi]], qui est fouillé entre 1925 et 1931, et livre une abondante documentation architecturale et épigraphique{{sfn|Benoit|2003|p=561}}. Encore plus au sud, la vallée de la Diyala est explorée par une équipe américaine qui fouillent plusieurs sites : Tell Asmar ([[Eshnunna]]), [[Khafadje]] (Tutub), Ishchali ([[Nerebtum]]) et [[Tell Agrab]] (nom antique inconnu). Les découvertes sont diverses et très importantes, et les archéologues établissent une chronologie qui devait servir de référence pour la période qui va d'environ 2900 à 2400 av. J.-C., le « [[Dynastique archaïque]] » (''Early Dynastic''){{sfn|Benoit|2003|p=561-564}}
En 1933 les autorités irakiennes mettent en place une nouvelle réglementation sur le partage des résultats des fouilles, qui leur est plus favorable que par le passé, ce qui entraîne la fin de la plupart des chantiers entrepris par les pays Occidentaux car leurs perspectives d'enrichir les collections de leurs musées s'amenuisent. Seuls les Allemands restent à [[Uruk]] jusqu'en 1939{{sfn|Benoit|2003|p=568}}.
[[Fichier:Tablet Zimri-Lim Louvre AO20161.jpg|thumb|Tablette
Les archéologues se reportent alors sur la Syrie. Les phases historiques antérieures à l'Antiquité classique de la région sont inconnues avant 1918, et plusieurs chantiers fouillés brièvement par des équipes françaises dans les années 1920 ont permis de mettre en avant ses potentialités pour l'exploration archéologique : Tell Nebi Mend ([[Qadesh (ville)|Qadesh]]), Tell Mishrife ([[Qatna]]), [[Arslan Tash]] (Hadatu) et Tell Ahmar ([[Til Barsip]]){{sfn|Benoit|2003|p=568-570}}. Les Allemands ont repris le chantier de [[Tell Halaf]] entre 1927 et 1929{{sfn|Benoit|2003|p=575}}. En 1928 l'attention des archéologues est portée vers le site côtier de [[Minet el-Beida]], puis le site voisin, bien plus vaste, de Ras Shamra, qui renferme les ruines de l'antique [[Ugarit]]
En Turquie, la principale découverte de la période pour les phases historiques est celle du site de [[Kültepe]], l'antique Kanesh/Nesha, révélée là encore par l'apparition de tablettes issues de fouilles clandestines, repérées par Hrozny en 1925. Le site livre un quartier de marchands assyriens établis là au {{-s|XIX|e}}, et des milliers de tablettes issues de leur correspondance commerciale{{sfn|Benoit|2003|p=578}}. Les fouilles de [[Boğazköy]] reprennent en 1931 sous la direction de Kurt Bittel et s'accompagnent de nouvelles découvertes permettant d'approfondir la connaissance de la civilisation hittite, architecturales comme épigraphiques{{sfn|Benoit|2003|p=578-579}}.
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==== Nouveaux domaines de recherche et quête de l'« autonomie conceptuelle » ====
Le milieu des études sur la Mésopotamie et le Proche-Orient ancien d'après 1918 voit les publications spécialisées se multiplier
[[Fichier:Archives temple Bau Louvre AO13322.jpg|thumb|left|Tablette des [[archives du temple de Bau]] de [[Girsu]] (v. {{-s|XXIV|e}}), qui ont servi pour la formulation du modèle de la « cité-temple ». [[Musée du Louvre]].]]
Les études assyriologiques ont gagné de nouveaux domaines grâce aux publications et analyses des nombreux textes mis au jour depuis la fin du {{s|XIX|e}}. Les publications de tablettes administratives et économiques donnent naissance aux premières propositions d'interprétation des systèmes politiques et économiques de la Mésopotamie antique. [[Anton Deimel]] édite ainsi des tablettes du {{-s|XXIV|e}} et développe à partir d'elles la théorie de la « cité-temple » (''Tempelstadt'') selon laquelle les premières cités-États sumériennes sont des sortes de théocraties où le temple possède toutes les terres et constitue donc le pôle économique, conjointement aux travaux (aux conclusions voisines mais différentes sur plusieurs points) de l'historienne spécialiste des économies anciennes Anna Schneider (et, après 1945, du sumérologue [[Adam Falkenstein]]){{sfn|Renger|2006|p=130-131}}{{,}}<ref>{{Chapitre |langue=de |auteur1=Ingo Schrakamp |titre= Die „Sumerische Tempelstadt“ heute. Die sozioökonomische Rolle eines Tempels in frühdynastischer Zeit |auteurs ouvrage=Kai Kaniuth, Anne Löhnert, Jared M. Miller, Adelheid Otto, Michael Roaf et Walther Sallaberger (dir.)|titre ouvrage= Tempel im Alten Orient, 7. Internationales Colloquium der Deutschen Orient-Gesellschaft | lieu=Wiesbaden |éditeur= Harrasowitz|année=2013 |passage=445-447 }}</ref>{{,}}<ref>{{Ouvrage|langue=en|auteur=Mario Liverani|titre= Imagining Babylon: The Modern Story of an Ancient City|éditeur=De Gruyter|lieu=Berlin et New York|année=2016 |passage=104-107}}.</ref>. Plus largement les études sur les textes sumérien progressent dans les années 1920-1930, sous l'impulsion de Deimel,
La découverte de lots de tablettes
La découverte du [[Code de Hammurabi]] et de nombreux textes législatifs a ainsi donné naissance à la branche de l'histoire des droits cunéiformes, investie par des spécialistes d'histoire juridique antique tels que Josef Kohler, Paul Koschaker, Mariano San Nicolò, [[Édouard Cuq]]{{sfn|Renger|2006|p=130}}{{,}}<ref>{{Chapitre|langue=fr|auteur=Sophie Démare-Lafont| titre= Bref éloge d’une discipline centenaire : L’assyriologie juridique |auteurs ouvrage= Jacques Krynen et Bernard d’Alteroche (dir.)|titre ouvrage=L’Histoire du droit en France. Nouvelles tendances, nouveaux territoires|éditeur=Classiques Garnier|lieu=Paris|année=2014|passage=21-25}}.</ref>. L'édition des tablettes relatives aux sciences mésopotamiennes permet quant à elle le développement de leur étude. Cela ressort en particulier des mathématiques, grâce aux travaux d'édition et d'analyse de [[François Thureau-Dangin]] (''Textes mathématiques babyloniens'', 1928) et [[Otto Neugebauer]] (''Mathematische Keilschrifttexte'', 1935-1937), qui met en place un projet sur plusieurs décennies sur les sciences de l'Antiquité{{sfn|Renger|2006|p=130}}{{,}}<ref>{{Lien web|langue=fr|auteur= Pierre Chaigneau|titre= Les éditions critiques dans l’historiographie des sciences anciennes : le cas de l’histoire des mathématiques en Mésopotamie|site=Circé. Histoire, savoirs, sociétés, Institut d'études culturelles|date= 2014| url=http://www.revue-circe.uvsq.fr/les-editions-critiques-dans-lhistoriographie-des-sciences-anciennes-le-cas-de-lhistoire-des-mathematiques-en-mesopotamie/ | consulté le=27 mars 2022}}.</ref>.
[[Fichier:Benno Landsberger (1890-1968).jpg|thumb|[[Benno Landsberger]] (1890-1968).]]
Les études sur la Mésopotamie antique ont donc gagné progressivement en densité, diversité et aussi en autonomie. En particulier les études assyriologiques se délestent peu à peu du poids que faisait peser sur elle la Bible depuis leurs débuts et qui avait été particulièrement pesant dans les années de la querelle ''Babel und Bibel''. En 1926, [[Benno Landsberger]] publie un travail pionnier, ''Die Eigenbegrifflichkeit der babylonischen Welt'', dans lequel il souhaite l'« autonomie conceptuelle »<ref>Suivant la traduction de l'article en anglais : {{Ouvrage|langue=en|auteur=Benno Landsberger| traducteur= Thorkild Jacobsen, Benjamin Foster et Heinrich von Siebenthal|titre=The conceptual autonomy of the Babylonian world| lieu=Malibu|éditeur=Undena|année=1976}}.</ref> des études assyriologiques
==== Les assyriologues et le contexte politique des années 1930 ====
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À partir de 1933 l'assyriologie allemande est prise dans la tourmente qui accompagne la mise en place de la dictature d'[[Hitler]], qui entraîne une véritable saignée parmi ses rangs<ref>Sur les études orientales dans l'[[Allemagne nazie]] : {{Ouvrage|langue=en|prénom1=Ursula |nom1= Wokoeck|titre= German Orientalism: The Study of the Middle East and Islam from 1800 to 1945| éditeur=Routledge|lieu= Londres et New York|année= 2009|passage= 185-209}}. Spécifiquement sur les études sur le Proche-Orient ancien : {{Chapitre|langue=de|auteur=Johannes Renger |titre=Altorientalistik|auteurs ouvrage= Jürgen Elvert et Jürgen Nielsen-Sikora (dir.)| titre ouvrage=Kulturwissenschaften und Nationalsozialismus|lieu= Stuttgart|éditeur=Franz Steiner |année=2008|passage= 469-502}}.</ref>. Parmi les principales figures démises de leurs fonctions académiques et quittant le pays à cette période, en raison de leurs origines juives ou de leurs positions politiques, se trouvent Landsberger, Güterbock, Kraus, Oppenheim, Herzfeld, Neugebauer, et Götze. Les trois premiers trouvent refuge à [[Istanbul]], où ils participent à la constitution des études sur le Proche-Orient ancien en Turquie (voir plus bas). Les autres se réfugient aux États-Unis où ils ont également un impact majeur sur les études assyriologiques{{sfn|Renger|2006|p=131-132}}. Quant à ceux qui restent (Frank, Meissner, Ungnad, Unger, von Soden, etc.), ils semblent pour plusieurs avoir adhéré au moins en partie à l'idéologie nazie. Un cas bien étudié est celui de [[Wolfram von Soden]]<ref>{{Article|langue=de|auteur=Rykle Borger| titre= Wolfram von Soden (19. 6. 1908 - 6. 10. 1996)| périodique= Archiv für Orientforschung |année= 1997/1998|volume= 44/45 |passage= 588-594| jstor= 41670224}}. {{Article|langue=es|auteur=Jordi Vidal et Agnès Garcia-Ventura |titre= Asiriología y nazismo : La obra de Wolfram von Soden| périodique=Actes du Groupe de Recherches sur l’Esclavage depuis l’Antiquité|volume= 36|titre volume= Lo viejo y lo nuevo en las sociedades antiguas: homenaje a Alberto Prieto|année=2008|passage=569-582| lire en ligne=https://www.persee.fr/doc/girea_0000-0000_2018_act_36_1_1264}}. {{en}} Jakob Flygare, « Assyriology in Nazi Germany: The Case of Wolfram von Soden », dans {{harvsp|id=PER|Garcia-Ventura|Verderame|2021|p=44-60}}.</ref>, qui considère dans un ouvrage sur l'empire assyrien (''Der Aufstieg des Assyrerreichs als geschichtliches Problem'', 1937) que celui-ci doit son essor à l'intégration d'éléments aryens, ce qui reflète une adhésion aux schémas de pensée promus par l'idéologie nazie, certes pas totale puisqu'elle ne ressort pas de ses autres travaux de l'époque. Les chercheurs qui sont des Nazis convaincus ont plutôt tendance à passer sous silence les civilisations sémitiques telles que les Assyriens<ref>{{Chapitre| langue=en|auteur=Eckart Frahm| titre=Images of Assyria in 19th and 20th Century Scholarship|auteurs ouvrage= Steven W. Holloway (dir.)|titre ouvrage= Assyriology, Orientalism, and the Bible|lieu= Sheffield | éditeur=Sheffield Phoenix Press| année=2006| passage=85-86}}.</ref>. L'emphase semble avoir été mise sur les études sur les [[Hittites]], en raison du caractère indo-européen de ce peuple{{sfn|Wokoeck|2009|p=194-195}}.
Ces années sont marquées par des discussions sur les « races » antiques, vues comme un facteur cardinal dans l'organisation et l'évolution de ces sociétés, ce qui n'est pas spécifique à l'Allemagne nazie, loin de là. Dans ce contexte [[Thorkild Jacobsen]], un jeune assyriologue danois implanté aux États-Unis, publie un article dans lequel il bat en brèche ces conceptions, autour de la critique du supposé conflit entre Sumériens et Akkadiens (« The Assumed Conflict between Sumerians and Semites in Early Mesopotamian History », dans ''[[Journal of the American Oriental Society|JAOS]]'', 1939)
=== Assyriologie et études sur le Proche-Orient ancien depuis 1945 ===
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[[Fichier:Assyrian stele from Anat, al-Anbar, Iraq. Stele of Ninurta-kudurri-usur dedicated to Anat. Iraq Museum.jpg|thumb|left|Stèle du gouverneur Ninurta-kudurri-usur de Suhu et de Mari, {{-s|VIII|e}}, mise au jour au début des années 1980 par des archéologues irakiens, lors des fouilles de sauvetage liées à la construction du [[barrage de Haditha]]. [[Musée national d'Irak]].]]
En [[Irak]], les études sur le passé mésopotamien débutent après 1918 dans le contexte du mandat britannique, dans un contexte de formation nationale, qui mobilise par moments le passé antique du pays. Les premiers directeurs des services des antiquités du pays (la première étant la Britannique [[Gertrude Bell]]) s'attellent à constituer un musée pour présenter le passé antique du pays, et à réguler les fouilles archéologiques et le sort des objets fouillés. Des archéologues se forment en Europe, et sont en mesure de diriger des chantiers après 1945, tels Taha Baqir, [[Fuad Safar]] et Faraj Basmachi. Après l'établissement de la [[République d'Irak|République]] en 1958, les rapports avec le pouvoir se politisent de plus en plus : certes des archéologues sont choisis, mais ils doivent être en accord avec le régime. Cela s'accélère avec l'arrivée au pouvoir du régime baasistes à partir de 1968, et surtout durant la période de [[Saddam Hussein]]. Celui-ci se présente comme le successeur des plus illustres rois babyloniens et assyriens. Divers programmes de restauration de sites antiques sont
En [[Turquie]], le premier développement des études sur les textes cunéiformes se font lorsque des assyriologues allemands chevronnés fuyant l'Allemagne nazie sont accueillis : [[Benno Landsberger]], Hans Gustav Güterbock et Fritz Rudolf Kraus. La venue de Landsberger est facilitée par un étudiant turc venu en Allemagne pour suivre des cours sur le Proche-Orient ancien, Sedat Alp, qui devient ensuite un des pionniers des études turques sur le Proche-Orient ancien. Kraus étudie les textes mésopotamiens entreposés depuis l'époque ottomane au musée d'[[Istanbul]], avant d'intégrer également l'[[université d'Istanbul]]<ref>{{Article|langue=en|auteur=Jan Schmidt|titre= Fritz Rudolf Kraus in Istanbul (1937–1949) and the Development of Ancient Near Eastern Studies in Turkey|périodique= Bibliotheca Orientalis |volume=67|année= 2010 |passage= 5–21}}.</ref>, Landsberger et Güterbock donnent à partir de 1935 des cours à l'[[université d'Ankara]], dans leurs domaines respectifs, [[Sumer]] et les [[Hittites]], et contribuent à former des spécialistes turcs dans ces domaines, tels que Kemal Balkan et Emin Bilgiç, qui prennent une part active dans la publication des textes de [[Kültepe]] après 1945. Landsberger et Güterbock voient leurs fonctions universitaires révoquées en 1948 et partent pour les États-Unis, dans un contexte de poussée nationaliste qui affecte le milieu de la recherche{{sfn|Alaura|2022|p=743-744}}.
En Europe, les études sur le Proche-Orient ancien connaissent également une expansion notable, plusieurs pays développant de solides traditions assyriologiques (Italie, Pays-Bas, Belgique, Finlande, Tchécoslovaquie, Pologne, URSS/Russie, etc.). Pour prendre un exemple, en [[Belgique]] quelques universitaires s'initient aux études assyriologiques dès la fin du {{s|XIX|e}}, et les études s'y implantent dans la première moitié du {{s|XX|e}}, aux universités de [[Louvain]] et [[Liège]]
Les études assyriologiques gagnent également l'Extrême-Orient, en premier lieu le [[Japon]]
==== Les évolutions des approches et domaines de recherche ====
Les études sur l'assyriologie et le Proche-Orient ancien connaissent une meilleure implantation dans les universités, surtout à partir des années 1970, même si elle reste très limitée. Dans ce milieu les approches divergent selon les pays
[[Fichier:Ration distribution BM 150852.jpg|thumb|left|Tablette « proto-cunéiforme » de la période d'Uruk récent (v. 3200-3100 av. J.-C.), provenance inconnue, un des témoins des premiers temps de l'écriture en Mésopotamie. [[British Museum]].]]
Cette période voit la naissance et la concrétisation de projets d'éditions de textes cunéiformes dans des ensembles cohérents, par sites, périodes ou thématiques : en 1950 paraît le premier volume des ''Archives Royales de Mari'' (''ARM''), visant à publier les tablettes issues des fouilles du palais royal de cette ville<ref>{{Article| langue=fr|prénom1=Dominique| nom1= Charpin|titre= Les archives royales de Mari, 85 ans de recherche |périodique= Claroscuro. Revista del Centro de Estudios sobre Diversidad Cultura |volume=18 |numéro=2| année= 2019|passage= 1-46}}.</ref> ; une édition des textes archaïques d'[[Uruk]] (''Archaische Texte aus Uruk'', ''ATU''), donc les plus anciens écrits connus provenant de Mésopotamie, est
Du point de vue des instruments de la recherche, les publications de projets antérieurs se poursuivent et de nouveaux voient le jour
{{Double image|right|Prayers of Arnuwanda and Asmu-Nikkal, 14th century BC, from Hattusa, Istanbul Archaeological Museum.jpg|160|Stele Aksaray01.jpg|150|Les écritures de l'hittitologie : tablette en [[hittite (langue)|hittite]] [[cunéiforme]] provenant de [[Hattusa]], prière du roi hittite {{monarque|Arnuwanda|Ier}} et de son épouse Asmunikkal adressée à la [[Déesse-soleil d'Arinna]] ({{-s|XIV|e}}, musée archéologique d'[[Istanbul]]) et inscription en [[hiéroglyphes hittites]] du roi Kiyakiya de Shinuhtu mise au jour à [[Aksaray]] ({{-s|VIII|e}}, musée d'Aksaray).}}
Dans les études sur les [[Hittites]] des tendances similaires s'observent : un dictionnaire est élaboré à Chicago sur le modèle de celui de l'[[akkadien]] (''Chicago Hittite Dictionary''), ainsi qu'un syllabaire propre aux textes hittites (C. Rüster et E. Neu, ''Hethitisches Zeichenlexikon'', 1989), [[Emmanuel Laroche]] a élaboré un ''Catalogue des Textes Hittites'' (''CTH'', 1971)
D'un point de vue méthodologique,
Les objets d'études des travaux des assyriologues et spécialistes du Proche-Orient ancien se stabilisent quelque peu : depuis la seule Assyrie des pionniers, la découverte des autres composantes de la Mésopotamie antique avaient donné naissance à la notion de « civilisation assyro-babylonienne », ou de « civilisation mésopotamienne », qui s'est imposée à partir des années 1930{{sfn|Charpin|2015|p=24-25}}. Mais ce cadre s'est retrouvé dépassé par la découverte de tablettes cunéiformes au-delà des limites de la Mésopotamie antique, en Susiane, en Syrie, en Anatolie, avant tout. S'est donc aussi imposée la notion de « [[Proche-Orient ancien]] », dont la Mésopotamie est un pôle majeur, mais une composante parmi d'autres ; en sachant qu'on y inclut couramment des régions n'ayant pas, ou très peu, pratiqué l'écriture cunéiforme, et parfois l'Égypte antique, pour en faire une sorte de regroupement des civilisations à l'origine des civilisations « occidentales »{{sfn|Van de Mieroop|1997|p=286-289}}. D'autres encore vont préférer « Asie du sud-ouest », pour éviter d'employer le terme connoté d'« Orient »{{sfn|Matthews|2003|p=5-7
▲D'un point de vue méthodologique, cela rejoint un autre sujet important des études sur le Proche-Orient ancien : le lien entre les assyriologues, historiens-philologues travaillant sur les textes, et les archéologues (et historiens de l'art) travaillant sur les autres vestiges matériels. Le lien est toujours existant, puisque le matériel épigraphique exploité par les premiers provient exclusivement de fouilles (régulières ou clandestines). Mais les archéologues ont souvent considéré que les assyriologues voyaient leur travail avec un certain mépris<ref>Par exemple {{Article| langue=fr|auteur=André Parrot| titre= Compte rendu du Paul Garelli, ''L'Assyriologie'', 1964 |périodique=Syria. Archéologie, Art et histoire |année=1965 |volume=42| numéro=1-2|passage=157|lire en ligne=https://www.persee.fr/doc/syria_0039-7946_1965_num_42_1_8483_t1_0157_0000_2}}.</ref>, ou du moins une condescendance qui subordonnait les sources non-écrites aux sources écrites, et qui faisait que les travaux des assyriologues se préoccupent généralement peu des sources autres qu'écrites. Progressivement des ponts ont été établis entre les deux, notamment à l'initiative de Th. Jacobsen et des quelques chercheurs qui combinent expérience épigraphique et archéologique (J. N. Postgate en particulier), alors que la diversification des méthodes archéologiques (notamment l'essor des prospections, des analyses culturelles et anthropologiques) facilite la communication entre disciplines historiques. À partir des années 1970-1980 paraissent des travaux d'étude des textes qui prennent plus en compte leur contexte de découverte, ou établissent des relations entre textes, architecture, images et objets exhumés lors de fouilles, ce qui conduit à des synthèses historiques en mesure de mobiliser tout type de source pour reconstituer le passé antique (travaux de J. N. Postgate<ref>{{Ouvrage|id=POS|langue=en|prénom1=John Nicholas|nom1=Postgate|titre=Early Mesopotamia|sous-titre=Society and Economy at the Dawn of History|éditeur=Routledge|lieu=Londres et New York|année=1992}}</ref>, M. Liverani<ref>{{Ouvrage|langue=it| auteur=Mario Liverani| titre= Antico Oriente |sous-titre= storia, società, economia|éditeur= Laterza| lieu= Rome et Bari|année=1988}}.</ref>, D. Potts<ref>{{Ouvrage| id=POT| langue=en| prénom1=Daniel T.| nom1=Potts| titre=Mesopotamian Civilization| sous-titre=The Material Foundations| éditeur=Cornell University Press| lieu=Ithaca| année=1997}}</ref>)<ref>{{Article| langue=en| prénom1=John Nicholas|nom1= Postgate |titre=Archaeology and the Texts — Bridging the Gap| périodique= Zeitschrift für Assyriologie und Vorderasiatische Archäologie|volume= 80|numéro= 1-2|année= 1990 |passage= 228-240}} ; {{Chapitre|langue=en| prénom1= Mario| nom1= Liverani |titre= History and Archaeology in the Ancient Near East: 150 Years of a Difficult Relationship |auteurs ouvrage= Hartmut Kühne, Reinhardt Bernbeck et Karin Bartl (dir.) | titre ouvrage=Fluchtpunkt Uruk: Archäologische Einheit aus methodischer Vielfalt, Schriften für Hans Jörg Nissen| lieu= Rahden |éditeur= Leidorf |année=1999| passage=1-11}} ; {{harvsp|Matthews|2003|p=56-64}} ; {{Article|langue=en|prénom1= Richard L.|nom1= Zettler| titre= Reconstructing the World of Ancient Mesopotamia: Divided Beginnings and Holistic History| périodique= Journal of the Economic and Social History of the Orient |volume= 46|numéro= 1 |titre numéro=Excavating the Relations between Archaeology and History in the Study of Pre-Modern Asia [Part 2] |année=2003| passage= 3-45|jstor= 3632803}} (notamment p. 5-9 pour un bref historique du problème).</ref>. Selon D. Charpin {{citation|en réalité, il n'y a qu'un domaine, celui de l'histoire, abordé par des documents écrits, ou par des vestiges matériels{{sfn|Charpin|2006|p=123}}.}} Cela rejoint une tendance plus générale en histoire ancienne, qui tend à faire de l'histoire dans son acception traditionnelle (c'est-à-dire l'étude des textes avant tout) une discipline parmi d'autres, sans qu'elle ait un statut dominant et que les autres ne soient réduites à la condition de disciplines « auxiliaires »<ref>{{Article| langue=fr| auteur=Charlotte Baratin|titre= Des Antiquaires aux Sciences de l’Antiquité : l’histoire ancienne sur le métier|périodique= L’Atelier du Centre de recherches historiques [En ligne]|volume= 07 | année=2011|consulté le =23 novembre 2020| lire en ligne= http://journals.openedition.org/acrh/3604 | doi= https://doi.org/10.4000/acrh.3604}}.</ref>.
Pour ce qui concerne les axes de recherche historiques, ils restent dominés par les problématiques chronologiques, et plus largement l'histoire événementielle{{sfn|Garelli|1990|p=32-34}}. Celle-ci a certes peu les faveurs des historiens depuis les travaux de l'[[École des Annales]], mais pour le Proche-Orient ancien la reconstitution des événements reste une problématique cruciale, et la chronologie absolue n'est pas établie avec précision pour une majeure partie de l'histoire mésopotamienne (en gros avant 1000 av. J.-C.). La « chronologie moyenne », établie dans les années 1960-70, est la plus employée, mais elle reste discutée, et contestée par d'autres chronologies alternatives, notamment des chronologies basse ou ultra-basse qui réduisent l'écart chronologique{{sfn|id=BEL|Lafont|Tenu|Clancier|Joannès|2017|p=961-964}}{{,}}{{sfn|Beaulieu|2018|p=20-22}}. À côté de cela, les études sur l'histoire économique, sociale et culturelle sont
▲Les objets d'études des travaux des assyriologues et spécialistes du Proche-Orient ancien se stabilisent quelque peu : depuis la seule Assyrie des pionniers, la découverte des autres composantes de la Mésopotamie antique avaient donné naissance à la notion de « civilisation assyro-babylonienne », ou de « civilisation mésopotamienne », qui s'est imposée à partir des années 1930{{sfn|Charpin|2015|p=24-25}}. Mais ce cadre s'est retrouvé dépassé par la découverte de tablettes cunéiformes au-delà des limites de la Mésopotamie antique, en Susiane, en Syrie, en Anatolie, avant tout. S'est donc aussi imposée la notion de Proche-Orient ancien, dont la Mésopotamie est un pôle majeur, mais une composante parmi d'autres ; en sachant qu'on y inclut couramment des régions n'ayant pas, ou très peu, pratiqué l'écriture cunéiforme, et parfois l'Égypte antique, pour en faire une sorte de regroupement des civilisations à l'origine des civilisations « occidentales »{{sfn|Van de Mieroop|1997|p=286-289}}. D'autres encore vont préférer « Asie du sud-ouest », pour éviter d'employer le terme connoté d'« Orient »{{sfn|Matthews|2003|p=5-7}}. Ces considérations renvoient en effet aux débats, inscrits dans un contexte [[postcolonial]], liés à l'« orientalisme », émergeant dans le sillage des travaux d'[[Edward Said]] (''[[L'Orientalisme|Orientalism]]'', 1978), à savoir la construction d'un « Orient » fantasmé à l'époque coloniale, notamment lors des découvertes des civilisations mésopotamiennes, dans un contexte de mise en place d'une domination économique et politique de la région par les puissances européennes occidentales, et d'appropriation du passé de ces régions par les chercheurs occidentaux, alors que les populations locales étaient à l'écart. Ces critiques ont a minima suscité une réflexion sur les motivations et concepts des recherches{{sfn|Snell|2005|p=99}}. En assyriologie cela se voit par exemple dans la question de savoir si employer le terme de « [[harem]] » dans un contexte mésopotamien antique est le reflet trompeur d'un « Orient » immuable produit par l'imaginaire des chercheurs{{sfn|Van de Mieroop|1999|p=146-149}} ou bien une manière appropriée de désigner une réalité antique, car les ressemblances avec le modèle sont suffisamment fortes{{sfn|Charpin|2015|p=40-41}}.
▲À côté de cela, les études sur l'histoire économique, sociale et culturelle sont restée en retrait en dépit de l'intérêt présenté par les sources cunéiformes administratives, juridiques, savantes et épistolaires, pour ces sujets{{sfn|Garelli|1990|p=33-34}}. En 1960, Oppenheim appelait à une orientation de la discipline vers l'anthropologie, et la pluridisciplinarité pour éclairer les textes qu'un historien-philologue n'était pas formé pour analyser convenablement (en histoire des sciences), et plus largement à mieux analyser le contexte de production des écrits étudiés, à se placer du point de vue antique plutôt que moderne{{sfn|Oppenheim|1960}}. Puis il publiait quelques années plus tard une synthèse sur la civilisation mésopotamienne (''Ancient Mesopotamia: Portrait of a Dead Civilization'', 1964<ref>{{Ouvrage|langue=fr|auteur1=A. Leo Oppenheim|traducteur= Pierre Martory|titre=La Mésopotamie|sous-titre=Portrait d'une civilisation|lieu=Paris|éditeur= Gallimard| année=1964}}</ref>) qui a fait date par son approche mettant au second plan les questions événementielles{{sfn|Garelli|1990|p=35-40}}.
[[Fichier:Cuneiform tablet- private letter MET DP110638.jpg|thumb|Lettre de la correspondance des marchands assyriens mise au jour à [[Kültepe]] (Turquie), documentation incontournable pour l'étude du commerce dans le Proche-Orient ancien. {{-s|XIX|e}}, [[Metropolitan Museum]].]]
L'histoire économique et sociale, qui connaît généralement un essor dans le contexte de l'après-1945 et surtout après 1960, s'est considérablement développée en assyriologie grâce à l'apport des dizaines de milliers de tablettes économiques et juridiques, en puisant d'ailleurs dans le développement de l'histoire du droit en assyriologie. Les questions de constitution des dossiers et de reconstitution des archives antiques sont primordiales dans ces domaines{{sfn|Gelb|1967|p=3-4}}{{,}}{{sfn|Renger|2006|p=136}}. Du point de vue conceptuel, les études sont marquées
L'histoire religieuse a plutôt été délaissée durant l'entre-deux-guerres, pour reprendre progressivement de l'importance. En 1945, [[Édouard Dhorme|Dhorme]] publie une synthèse des connaissances sur la religion mésopotamienne (''Les religions de Babylonie et d’Assyrie''), puis les travaux sur la mythologie sumérienne entrepris par [[Samuel Noah Kramer|Kramer]] et [[Thorkild Jacobsen|Jacobsen]] font connaître d'importants progrès à ce champ de la recherche. Oppenheim publie des travaux sur les pratiques religieuses et savantes des périodes plus récentes, notamment la divination, [[Jean Bottéro]] effectue diverses recherches sur la religion et la pensée mésopotamiennes (par exemple ''Mythes et rites de Babylone'', 1985), en cherchant à déterminer sa rationalité propre, Wilfried Lambert produit également d'importants travaux sur la mythologie et la sagesse mésopotamiennes (''Babylonian Wisdom Literature'', 1960)<ref>{{chapitre| langue= en| prénom1= Benjamin R.| nom1= Foster| titre= Mesopotamia| titre ouvrage= A Handbook of Ancient Religions| auteurs ouvrage= John R. Hinnells (dir.)|lieu= Cambridge| éditeur= Cambridge University Press |année= 2007| passage= 164}}</ref>{{,}}<ref>{{Chapitre|langue=en| prénom1=Beate| nom1= Pongratz-Leisten| titre=Mesopotamia |auteurs ouvrage= Barbette Stanley Spaeth (dir.)| titre ouvrage= The Cambridge companion to ancient Mediterranean religions| éditeur=Cambridge University Press| lieu= Cambridge| année= 2013| passage=47}}</ref>.▼
En lien avec les problématiques sociales et culturelles, l'histoire des femmes/du genre s'implante progressivement dans les études assyriologiques durant les dernières décennies du {{s|XX|e}}{{sfn|Van de Mieroop|1999|p=137-158}}{{,}}<ref>{{Chapitre|langue=fr|auteur=Brigitte Lion|titre= La notion de genre en assyriologie |titre ouvrage=Problèmes du genre en Grèce ancienne |auteurs ouvrage= Violaine Sebillotte et Nathalie Ernoult (dir.)|lieu= Paris|éditeur= Publications de la Sorbonne |année=2007|passage= 51–64}}.</ref>{{,}}{{sfn|id=BEL|Lafont|Tenu|Clancier|Joannès|2017|p=978-981}}.
▲L'histoire religieuse a plutôt été délaissée durant l'entre-deux-guerres, pour reprendre progressivement de l'importance
[[Fichier:jehu-on-black-obelisk.jpg|thumb|Le roi [[Jéhu]] d'[[royaume d'Israël|Israël]] aux pieds de {{monarque|Salmanazar|III}} d'[[Assyrie]], c. 825 av. J.-C. Détail de l'« [[obélisque noir]] », [[British Museum]].]]
Quant à l'axe majeur des débuts de l'assyriologie, à savoir les questionnements sur les rapports entre la documentation cunéiforme et la [[Bible]], il a souvent été marginalisé par les assyriologues qui s'en sont désintéressés. Mais, ainsi que le remarquait [[Paul Garelli|P. Garelli]] en 1964, le lien ne peut être rompu, tellement les études assyriologiques ont à apporter aux études bibliques{{sfn|Garelli|1990|p=120}}
=== L'assyriologie au début du {{s-|XXI}} : quelques tendances ===
[[Fichier:Aerial view of Umma, following pillage after the US invasion 1.jpg|thumb|left|Ruines du site de Tell Jokha, l'antique [[Umma (Sumer)|Umma]], où ont eu lieu de nombreuses fouilles clandestines visibles par les fosses qu'elles ont laissées.]]
La donnée majeure concernant le début du {{s|XXI}} est la situation politique des pays où se trouvent les sites archéologiques : l'[[Irak]] connaît la [[première guerre du Golfe]] en 1991, puis la [[seconde guerre du Golfe]] en 2003, interrompant l'essentiel des activités archéologiques pendant une vingtaine d'années ; la [[Syrie]], qui est le pays le plus fouillé durant cette même période, connaît une [[guerre civile syrienne|guerre civile]] à partir de 2011, qui y interrompt les fouilles. Ces conflits créent une instabilité forte dans les régions concernées, qui donne un nouvel essor aux fouilles clandestines et au trafic d'antiquités, avec des connaissances considérables en termes de perte du patrimoine historique de ces régions et d'informations scientifiques{{sfn|Lion|Michel|2017|p=139-141}}{{,}}<ref>Plusieurs articles sur ce sujet dans ''Near Eastern Archaeology'' vol. 78 {{n°
[[Fichier:Tablet V of the Epic of Gilgamesh.jpg|thumb|Copie de la tablette V de l’''[[Épopée de Gilgamesh]]'' exhumée clandestinement sur un site inconnu d'Irak méridional, acquise en 2011 par le musée de [[Sulaymaniyah]].]]
L'essor du trafic d'antiquités a par ailleurs posé divers problèmes d'ordre légal et éthique lors de la mise en vente des objets<ref name=looting>{{Chapitre| langue = en| auteurs= Oscar White Muscarella| titre = The Antiquities Trade and the Destruction of Ancient Near Eastern Cultures | titre ouvrage = A Companion to the Archaeology of the Ancient Near East| auteurs ouvrage= Daniel T. Potts (dir.)| lieu = Malden et Oxford| éditeur= Blackwell Publishers | collection= Blackwell companions to the ancient world| année = 2012| passage=106-124}}</ref> : plusieurs restitutions aux pays d'origine ont eu lieu, mais de nombreuses tablettes acquises durant cette période ont fait l'objet de publications. Ainsi, plusieurs milliers de tablettes ont été obtenues par l'[[Université de Cornell]] depuis 1999, dont une partie a été publiée, et certaines ont été restituées à l'Irak en 2021. Les assyriologues sont partagés sur l'attitude à adopter devant des tablettes issues de fouilles illégales, le fait de les étudier étant critiqué car cela constitue un encouragement au trafic des antiquités, alors que d'autres considèrent qu'elles doivent être publiées quoi qu'il en soit afin d'enrichir les connaissances{{sfn|Snell|2005|p=99-100}}{{,}}<ref>{{Lien web| langue=fr|auteur=Cécile Michel| titre= Que faire face au trafic d’antiquités ?| site= Brèves mésopotamiennes (Blogs Pour la Science)| date= 29 juillet 2018| url=https://scilogs.fr/breves-mesopotamiennes/trafic-antiquites/ | consulté le=6 avril 2022}}. {{Lien web| langue=fr|auteur=Cécile Michel| titre= Des milliers de tablettes cunéiformes retrouvent leur pays d’origine| site= Brèves mésopotamiennes (Blogs Pour la Science)| date= 24 août 2021| url=https://scilogs.fr/breves-mesopotamiennes/milliers-tablettes-cuneiformes-retrouvent-leur-pays-origine/ | consulté le=7 avril 2022}}.</ref>.
[[Fichier:A fragment of a clay tablet with a cuneiform inscription, unearthed September 2014 at Bakr Awa, Sulaymaniyah, Iraq.jpg|thumb|left|Fragment de tablette cunéiforme mis au jour en 2014 lors de fouilles régulières à Bakr Awa dans le [[Kurdistan irakien]]. Musée de [[Sulaymaniyah]].]]
Depuis le début des années 2010 les missions archéologiques reprennent dans les régions de l'Irak où les conditions de sécurité le permettent, d'abord au Kurdistan (Qasr Shemamok, Bash Tapa), puis dans le sud où plusieurs sites majeurs font l'objet de nouvelles fouilles (Tello, Uruk, Larsa, Ur, etc.)<ref>{{Lien web| langue=fr|auteur=Cécile Michel| titre= Des découvertes en cascade dans le Kurdistan irakien| site= Brèves mésopotamiennes (Blogs Pour la Science)| date= 23 mai 2018| url=https://scilogs.fr/breves-mesopotamiennes/decouvertes-cascade-kurdistan-irakien/ | consulté le=6 avril 2022}}. {{Lien web| langue=fr|auteur=Cécile Michel| titre= Fouilles et restaurations : l’Irak (re)découvre son patrimoine archéologique| site= Brèves mésopotamiennes (Blogs Pour la Science)| date= 29 janvier 2022| url=https://scilogs.fr/breves-mesopotamiennes/fouilles-et-restaurations-lirak-redecouvre-son-patrimoine-archeologique/ | consulté le=6 avril 2022}}.</ref>{{,}}<ref>{{Chapitre|langue=en|auteur=Mark W. Chavalas| titre=The Ancient Near East and Biblical Scholarship|auteurs ouvrage=Daniel C. Snell (dir.)| titre ouvrage= A companion to the ancient Near East| lieu=Hoboken| éditeur=Wiley-Blackwell| année=2020² |passage= 462-463}}.</ref>.
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Une tendance depuis la fin du {{s|XX}} est le développement des sites Internet conçus par des spécialistes des civilisations du Proche-Orient ancien afin de servir d'outils pour la recherche et la formation, notamment des bases de données mettant en ligne des copies de tablettes et/ou des éditions de tablettes. En 1998 commence le projet ''Cuneiform Digital Library Initiative'' (''CDLI'')<ref>https://cdli.ucla.edu/</ref>, commun entre l’[[Université de Californie à Los Angeles]] et l'[[Institut Max-Planck d'histoire des sciences]] de [[Berlin]], qui vise à rendre accessibles les documents cunéiformes connus, accompagnés de fiches plus ou moins développées, comportant parfois des transcriptions et des traductions. Il s'accompagne de publications scientifiques électroniques, et d'un wiki servant pour la vulgarisation. Le projet ''Open Richly Annotated Cuneiform Corpus'' (''Oracc'')<ref>http://oracc.museum.upenn.edu/projectlist.html</ref> regroupe un ensemble de sites organisés de façon thématique, par période, archive, ou sujet, mettant en ligne des transcriptions et traductions de tablettes, qui ont déjà fait l'objet de publications papier, et s'accompagne parfois de notices et articles synthétiques sur les sujets concernés ; les projets les plus développés concernent les archives d'État assyriennes (''State Archives of Assyria Online'') et les inscriptions royales mésopotamiennes. D'autres bases de données sont développées par période, comme ''Base de Datos de Textos Neo-Sumerios – Database of Neo-Sumerian Texts'' (''BDTNS'')<ref>http://bdtns.filol.csic.es/</ref> qui vise à référencer le très abondant corpus de la période d'[[Ur III]], et ''Archives babyloniennes, {{-sp-|XX|-|XVII|s}}'' (''ARCHIBAB'')<ref>https://www.archibab.fr/</ref> sur les archives d'[[époque paléo-babylonienne]]. Parmi les autres types de projet, depuis 2006 le dictionnaire sumérien de l'Université de Pennsylvanie déjà évoqué est publié directement sous version électronique<ref>http://psd.museum.upenn.edu/</ref>. Plusieurs institutions ont mis en accès libre des versions électroniques de leurs publications, notamment le ''Chicago Assyrian Dictionary''<ref>https://oi.uchicago.edu/research/publications/assyrian-dictionary-oriental-institute-university-chicago-cad</ref>, et comme pour les autres périodes historiques les périodiques relatifs au Proche-Orient ancien sont accessibles par des sites d'archives de publications scientifiques (notamment [[JSTOR]] et les sites d'éditeurs comme celui de [[De Gruyter]]) et des bases de données d'images sont également disponibles, notamment à partir des sites de musées<ref>{{Article|langue=fr|auteur=Dominique Charpin| titre= Ressources assyriologiques sur Internet|périodique =Bibliotheca Orientalis|volume= 71|numéro=3-4| année= 2014|passage= 331-357}}.</ref>{{,}}<ref>{{Lien web| langue=fr|auteur=Cécile Michel| titre= Une bibliothèque numérique des textes cunéiformes| site= Brèves mésopotamiennes (Blogs Pour la Science)| date= 28 janvier 2016| url=https://scilogs.fr/breves-mesopotamiennes/une-bibliotheque-numerique-des-textes-cuneiformes/ | consulté le=7 avril 2022}}.</ref>{{,}}<ref>Listes de sites Internet : https://www.mshmondes.cnrs.fr/ecriture-cuneiforme-sites-internet ; https://iaassyriology.com/online-resources/</ref>.
En 2013, Marc van de Mieroop a publié un article dans lequel il expose les tendances qu'il a identifiées dans les études sur le Proche-Orient ancien. Il commence par un rappel sur les troubles affectant le Moyen-Orient et leurs conséquences en matière de destructions de sites archéologiques et de trafics d'antiquités, et différentes réactions que cela a suscité. Ensuite il aborde plusieurs aspects des études scientifiques, en lien avec des tendances plus générales dans les études historiques : selon lui les études sur le genre ont plutôt connu un reflux dans les années 2000, et l'histoire environnementale reste largement ignorée en dépit de quelques études, en revanche l'histoire intellectuelle a connu un regain d'attention, qui s'est traduit par la publication de nombreuses études sur les sciences et la vie intellectuelle mésopotamiennes, et l'essor de l'histoire globale a incité à plus de communications avec les recherches sur les civilisations voisines, visant à atténuer la coupure entre l'étude des civilisations du Proche-Orient ancien et celles de l'Antiquité « classique » (Grèce, Rome)<ref>{{Article| langue=en|auteur=Marc van de Mieroop| titre=Recent Trends in the Study of Ancient Near Eastern History: Some Reflections| périodique= Journal of Ancient History| volume=1| numéro=1|année=2013| lire en ligne=https://www.degruyter.com/document/doi/10.1515/jah-2013-0006/html| doi=10.1515/jah-2013-0006}}.</ref>. De fait, les assyriologues s'intéressent plus de par le passé aux siècles de la fin du {{-m|I|er}} qui sont historiquement ceux qui voient la fin de la culture mésopotamienne antique et de la pratique du cunéiforme, et qui étaient délaissés (les histoires du Proche-Orient ancien ayant tendance à s'arrêter au début ou à la fin de l'époque achéménide, donc en 539 ou 323 av. J.-C.). Les sources cunéiformes sont de mieux en mieux prises en compte dans les études sur l'[[époque hellénistique]]<ref>{{Article|langue=en| auteur= Tom Boiy|titre= Assyriology and the history of the Hellenistic period|périodique= Topoi| volume= 15|numéro=1|année= 2007|passage= 7-20|lire en ligne=https://www.persee.fr/doc/topoi_1161-9473_2007_num_15_1_2230| doi=10.3406/topoi.2007.2230}}.</ref>. L'intégration de l'[[histoire globale]] peut se percevoir pour d'autres périodes de l'histoire du Proche-Orient ancien, notamment à l'[[époque d'Uruk]] ou la période du Bronze récent{{sfn|id=BEL|Lafont|Tenu|Clancier|Joannès|2017|p=975-977}}. De nouveaux sont explorés, par exemple l'histoire des émotions<ref>{{Lien web|langue=fr|auteur= Patricia Bou Pérez|titre=À propos de l’étude des émotions en Assyriologie|site= ArchéOrient - Le Blog [En ligne]|date= 25 novembre 2022|url= https://archeorient.hypotheses.org/20886|consulté le=6 janvier 2023}}.</ref>. Les progrès de l'utilisation des techniques scientifiques sur les restes matériels et sur le terrain permet également des progrès dans la connaissance des civilisations anciennes, comme l'archéobotanique et l'archéozoologie, puis la bio-archéologie pour l'étude des défunts humains, l'emploi d'images satellites pour étudier les paysages antiques{{sfn|Lion|Michel|2017|p=142-143}}.
== Notes et références ==
{{Références nombreuses|taille=25}}
== Bibliographie ==
=== Assyriologie : histoire et méthodes ===
==== Publications anciennes ====
* {{Article| langue=en| prénom1= D. G.|nom1= Lyon |titre=A Half Century of Assyriology| périodique= The Biblical World |année= 1896|volume= 8|numéro= 2 |passage= 124-142|jstor=3140263}}
* {{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Charles| nom1=Fossey| titre =Manuel d'assyriologie|éditeur= Leroux|lieu= Paris|année=1904}}
* {{Ouvrage| langue=en|prénom1= E. A. Wallis| nom1=Budge| titre= The Rise and Progress of Assyriology | éditeur= Martin Hopkinson|lieu=Londres|année=1925}}
* {{Article| langue=en|prénom1= A. Leo |nom1=Oppenheim|titre=Assyriology- Why and How? |périodique= Current Anthropology |année= 1960|volume= 1 |numéro= 5/6 |passage= 409-423| jstor= 2739505}}
* {{Ouvrage| langue = fr| prénom1 = Paul| nom1 = Garelli| titre = L'Assyriologie| lieu = Paris| éditeur=
* {{Article| langue=en|prénom1= Ignace J. |nom1= Gelb| titre= Approaches to the Study of Ancient Society|périodique= Journal of the American Oriental Society |volume= 87 |numéro= 1|année=1967|passage= 1-8 |jstor= 596588}}
==== Publications récentes ====
* {{Article|langue = en| prénom1= Marc|nom1 = Van de Mieroop| titre= On Writing a History of the Ancient Near East|périodique= Bibliotheca Orientalis |volume=54| année= 1997| passage= 285-305}}
* {{Ouvrage|langue = en| prénom1= Marc|nom1 = Van de Mieroop| titre=Cuneiform Texts and the Writing of History|lieu=Londres et New York| éditeur=Routledge| année=1999}}
* {{Chapitre|langue=en|prénom1=Johannes| nom1=Renger| titre=Ancient Near Eastern Philology and History (Assyriology)| titre ouvrage= Brill’s New Pauly, Classical Tradition vol I A-DEL| auteurs ouvrage= Manfred Landfester (dir.), Hubert Cancik et Helmuth Schneider (coord.) et Francis G. Gentry (éd. version anglaise)| éditeur=Brill|lieu=Leyde et Boston| année=2006| passage=125-137}} (première version en allemand dans ''Der Neue Pauly'' XIII, 1999, {{p.|101-113}})▼
* {{chapitre| langue = en | prénom1=Daniel C. | nom1=Snell | titre= The Historian’s Task| titre ouvrage= A Companion to the Ancient Near East |auteurs ouvrage= Daniel C. Snell (dir.)| lieu= Malden et Oxford|année= 2005 | passage= 95-106 }}
▲* {{Chapitre|langue=en|prénom1=Johannes| nom1=Renger| titre=Ancient Near Eastern Philology and History (Assyriology)| titre ouvrage= Brill’s New Pauly, Classical Tradition vol I A-DEL| auteurs ouvrage= Manfred Landfester (dir.), Hubert Cancik et Helmuth Schneider (coord.) et Francis G. Gentry (éd. version anglaise)| éditeur=Brill|lieu=Leyde et Boston| année=2006| passage=125-137}} (première version en allemand dans ''Der Neue Pauly'' XIII, 1999, {{p.|101-113}})
* {{Article|langue=en|prénom1= Aage| nom1= Westenholz|titre= Does Asyriology have a Future?| périodique= KASKAL |volume=3 |année=2006|passage= 275-283}}
* {{Ouvrage| langue = fr| prénom1= Brigitte | nom1 = Lion |prénom2= Cécile | nom2 =Michel (dir.)| titre =Les écritures cunéiformes et leur déchiffrement| lieu =Paris| éditeur=De Boccard | année= 2008}}.
* {{Article|langue=fr|prénom1=Sophie| nom1= Démare-Lafont|titre= L'assyriologie est-elle une invention de l'Occident ? |titre volume= Orient et Occident, processus d'acculturation, Actes des {{IIe}} Rencontres à la mémoire de Kasra Vafadari|périodique= Droit et Cultures - Revue internationale interdisciplinaire, Hors série|année=2008|passage= p. 105-116}}.
* {{Article|langue=es| prénom1= Juan Pablo|nom1= Vita| titre= La asiriología según los asiriólogos| périodique=Cadmo|volume= 22 |année=2012| passage= 9-18|doi= 10.14195/0871-9527_22_1}}
* {{ouvrage|langue=fr|auteur=[[Dominique Charpin]]|titre=Comment peut-on être assyriologue ?|éditeur=Collège de France/Fayard|lieu=Paris| date=2015|isbn=|lire en ligne=https://books.openedition.org/cdf/4176?lang=fr}}
* {{Article|langue=fr| prénom1=Brigitte |nom1=Lion| prénom2=Cécile| nom2= Michel| titre= Un demi-siècle d’archéologie et d’histoire du Proche-Orient ancien : la participation française|périodique= Collection de l'Institut des Sciences et Techniques de l'Antiquité |année= 2017 |volume=1392 |passage= 137-156 | lire en ligne= https://www.persee.fr/doc/ista_0000-0000_2017_act_1392_1_3534}}
* {{ouvrage|langue=en|prénom1=Agnès| nom1=Garcia-Ventura| prénom2=Lorenzo|nom2= Verderame| directeur2=oui| titre= Perspectives on the History of Ancient Near Eastern Studies|lieu= University Park|éditeur= Penn State University Press|année= 2021|id= PER}}
* {{Chapitre|langue=en| prénom1=Silvia| nom1= Alaura| titre=Rediscovery and Reception of the Hittites: An Overview| auteurs ouvrage= Stefano de Martino (dir.) | titre ouvrage= Handbook of Hittite Empire |éditeur=De Gruyter Oldenbourg|lieu=Berlin et Boston |année=2022|passage=693-779}}
* {{Ouvrage | langue = fr | auteur1 = [[Dominique Charpin]] | titre = En quête de Ninive | sous-titre= Des savants français à la découverte de la Mésopotamie (1842-1975) | lieu = Paris | éditeur= [[Les Belles Lettres]] / [[Collège de France]] | collection = Docet omnia |année = 2022 | présentation en ligne = https://www.lesbelleslettres.com/livre/9782251453583/en-quete-de-ninive | id = Charpin2022}}.
* {{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Dominique|nom1=Charpin| lien auteur=Dominique Charpin| titre=L'assyriologie| éditeur=Presses universitaires de France| collection=Que-sais-je ?| numéro dans la collection=4239|année=2023}}
=== Mésopotamie : histoire et culture ===
* {{Ouvrage| langue = fr| prénom1 = Jean| nom1 = Bottéro| titre = Mésopotamie| sous-titre= L'Écriture, la Raison et les Dieux| lieu = Paris| éditeur= Gallimard| collection= Folio histoire| année = 1997}}
* {{Ouvrage| langue = fr| prénom1 = Francis| nom1 = Joannès (dir.)| titre = Dictionnaire de la civilisation mésopotamienne| lieu = Paris| éditeur= Robert Laffont| collection= Bouquins| année =2001| id = JOA}}
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=== Archéologie et arts ===
* {{ouvrage| langue = fr| prénom1 = Agnès| nom1 = Benoit| titre = Art et archéologie : les civilisations du Proche-Orient ancien| lieu = Paris| collection =Manuels de l'école du Louvre |éditeur=[[Réunion des musées nationaux et du Grand Palais des Champs-Élysées|RMN]]| année =2003}}
* {{Ouvrage | langue=en | prénom1=Roger| nom1= Matthews | titre=The Archaeology of Mesopotamia |sous-titre= Theories and Approaches | éditeur=[[Routledge]] | année=2003}}
* {{Ouvrage| langue=en| prénom1=Zainab | nom1=Bahrani | titre=Mesopotamia | sous-titre=Ancient Art and Architecture | lieu=Londres| éditeur=Thames & Hudson | année=2017 }}
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{{Autres projets|wiktionary=assyriologie}}
=== Articles connexes ===
* [[Mésopotamie]]
* [[Proche-Orient ancien]]
* [[Cunéiforme]]
* ''[[Revue d'assyriologie et d'archéologie orientale]]''
=== Liens externes ===
* [http://chroniqueassyrio.free.fr Site présentant de courts comptes-rendus de publications assyriologiques]
* {{en}} [http://cdli.ucla.edu:16080/wiki/index.php/Who%E2%80%99s_who_in_cuneiform_studies Who's who de l'assyriologie] par le Wiki de la Cuneiform Digital Library Initiative (CDLI)
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{{Palette|Mésopotamie}}
{{Portail|Historiographie|archéologie|langues|Mésopotamie|Proche-Orient ancien
[[Catégorie:Assyriologie|
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