« Emmanuël Souchier » : différence entre les versions

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{{Refnec|Directeur honoraire|date=23 mai 2022}} de la recherche du [[École des hautes études en sciences de l'information et de la communication - Celsa|CELSA]] et du Gripic (UR 1498), École des Hautes Études en Sciences de l’Information et de la Communication.
 
== Travaux ==
Les travaux de recherche d’Emmanuël Souchier portent sur l’[[écriture]], saisie à un niveau historique, littéraire, [[Sémiologie|sémiologique]], social et médiatique. {{Pas clair|Cette perspective, élaborée pendant 40 ans, prend la forme d’une anthropologie numérique - elle-même inscrite dans une anthropologie de l’écriture -, qui s’est déployée au contact de la pratique et de la théorie éditoriales.|Ce passage est très technique à la lecture. Il pourrait avoir sa place en conclusion de partie. Ou mieux vulgariser en faisant des phrases plus courtes sur chaque élément.|date=mai 2022}}
 
Si les réponses à ses questions n’apparaissent explicitement que dans son ''Habilitation à diriger des recherches'' (1998), elles ont largement bénéficié de l’activité éditoriale d'E. Souchier. En effet, de la recension des différents états d’un texte de [[Raymond Queneau|Queneau]] à sa circulation sociale, le chercheur identifie une gamme de métiers (correcteurs, graphistes, maquettistes, entre autres) qui interviennent à chaque étape, apposant une marque discrète, mais décisive sur le régime de visibilité de l’œuvre publiée. Ces différents corps de métiers participent de l'élaboration du texte et conçoivent « l’image du texte »<ref name=":0">{{Article|langue=fr|prénom1=Emmanuel|nom1=Souchier|titre=L'image du texte pour une théorie de l'énonciation éditoriale|périodique=Les cahiers de médiologie|volume=6|numéro=2|date=1998|issn=1777-5604|doi=10.3917/cdm.006.0137|lire en ligne=http://www.cairn.info/revue-les-cahiers-de-mediologie-1998-2-page-137.htm|consulté le=2022-05-22|pages=137}}</ref>{{Refins}}, c’est-à-dire la manière dont il apparaît aux yeux du lecteur et entre ses mains. C’est un passage décisif des études littéraires, logocentrées, aux [[Sciences de l'information et de la communication|études communicationnelles]], sensibles aux médiations matérielles, à la manipulation des supports, à la distribution et à la forme des signes dans l’espace éditorial, à ses concepteurs et ses lecteurs.
 
Le concept d’''énonciation éditoriale'', proposé en 1998<ref name=":0" />, entérine cette étape. Elle s’articule autour de plusieurs points : d’abord, l’idée, reprise à [[Paul Valéry]] et [[Jacques Roubaud]], que tout espace éditorial manifeste un ''sens formel '': toute forme ([[typographie]], [[Paragraphe (linguistique)|paragraphes]], [[Livre (document)|couverture]], etc.) signifie potentiellement quelque chose et travaille l’interprétation de l’œuvre. Ainsi, la matière littéraire (lexique, syntaxe, style de l’auteur) est en étroite relation avec la matière éditoriale, plastique, formelle. Cette interdépendance est le fruit d’une collaboration, plus ou moins explicite, entre différents acteurs qui s’emparent du régime de visibilité de l’œuvre au cours de son élaboration : l’[[Éditeur (métier)|éditeur]], certes, mais aussi le maquettiste, le [[typographe]], l’[[illustrateur]], l’imprimeur, le [[relieur]], le [[Correcteur (édition, presse)|correcteur]], jusqu’au [[Distributeur de livres|distributeur]] et spécialiste du [[marketing]]. L’espace éditorial est pensé comme un champ de forces où s’articulent différentes « [[Dialogisme|voix]] », différents gestes, qui peuvent être en opposition et s'organiser dans un réseau sémantique de questions : « la théorie de l’énonciation éditoriale consiste à essayer de comprendre qui parle, comment et à travers quoi dans un processus de communication. »<ref>{{Article|langue=fr|nom1=|titre=Le grand entretien avec Emmanuël Souchier|périodique=Etudes digitales|numéro article=1|date=2016|doi=10.15122/ISBN.978-2-406-06193-9.P.0189|lire en ligne=http://www.classiques-garnier.com/doi/garnier?article=EdgMS01_189|consulté le=2022-05-21|pages=193}}</ref>.
 
À chaque étape, les acteurs de cet espace déposent quelque chose d’eux-mêmes ; ils manifestent leurs savoir-faire, leurs conceptions du monde et leurs valeurs, soit une ''[[énonciation]]''. Si le lecteur ne la voit pas et ne la perçoit pas, il se trouve néanmoins orienté par cette configuration, à travers des parcours spécifiques, un choix typographique, la matière d’un dos, par exemple. En convoquant le concept d’''infra-ordinaire'' de [[Georges Perec]], E. Souchier montre le caractère paradoxal d’une telle entreprise : elle est d’autant plus efficace qu’elle disparaît, s’efface aux yeux du lecteur, qui se trouve ainsi orienté sans le savoir – un processus qui relève de la ''mémoire de l’oubli''<ref>{{Article|langue=en|prénom1=Emmanuël|nom1=Souchier|titre=La mémoire de l’oubli : éloge de l’aliénation Pour une poétique de « l’infra-ordinaire »|périodique=Communication & langages|volume=2012|numéro=172|date=2012-06|issn=0336-1500|doi=10.4074/S0336150012002013|lire en ligne=https://www.cairn.info/revue-communication-et-langages1-2012-2-page-3.htm|consulté le=2022-05-22|pages=3–19}}</ref>{{Refins}}, concept forgé à partir d’un dialogue entre [[Georges Perec|Perec]], [[Maurice Merleau-Ponty|Merleau-Ponty]] et [[Lionel Naccache]]. Le chercheur désigne par-là un processus transitif, proche de l’''[[Habitus (sociologie)|habitus]]'' de [[Pierre Bourdieu|Bourdieu]], à partir duquel nous apprenons à être traversés par les formes éditoriales, sans buter sur chacune d’elles, pour nous orienter dans le monde, en mobilisant l’activité de lire-écrire. Si cet apprentissage est nécessaire, s’il assure l’efficience de l’entrée dans le monde des signes, il pose néanmoins problème d’un point de vue social et politique. C’est pourquoi l’étude des marques énonciatives se double d’une réflexion sur le pouvoir, qui se loge jusque dans ces petits espaces pour constituer un ordre ou un ''cadre instituant''<ref>{{Article|prénom1=Emmanuël|nom1=Souchier|titre=Relire la méthode d’Ivan Illich. Cheminer vers des sciences « humaines » ?:|périodique=Communication & langages|volume=N° 204|numéro=2|date=2020-06-05|issn=0336-1500|doi=10.3917/comla1.204.0049|lire en ligne=https://www.cairn.info/revue-communication-et-langages-2020-2-page-49.htm?ref=doi|consulté le=2022-05-22|pages=49–78}}</ref>{{Refins}}, impensé, dans lequel nous ne cessons pourtant de cheminer.
 
Après avoir pris naissance dans les sphères textuelles et littéraires, la théorie de l’''énonciation éditoriale'' s’est très rapidement ouverte à toute forme de médiation, vers une anthropologie de la communication<ref>{{Article|prénom1=Emmanuël|nom1=Souchier|titre=Formes et pouvoirs de l'énonciation éditoriale|périodique=Communication & Langages|volume=154|numéro=1|date=2007|doi=10.3406/colan.2007.4688|lire en ligne=https://www.persee.fr/doc/colan_0336-1500_2007_num_154_1_4688|consulté le=2022-05-22|pages=23–38}}</ref>{{Refins}}.
 
=== Écrit d'écran : une écologie de l'écriture ===
L’héritage, à la fois [[sémiotique]] et [[Littérature|littéraire]] d'Emmanuël Souchier, lui a permis d’élaborer progressivement une théorie des ''écrits d’écran''. Alors que, dans les années 1990, les [[Médias de masse|médias]] s’inquiètent de la mort du [[Livre (document)|livre]], de l’[[Édition (activité)|édition]] et de l’[[écriture]], il observe au contraire leur diffusion massive, à une échelle sans doute jamais observée, mais dans des modalités nouvelles, en lien avec l’histoire des formes éditoriales. Le concept d’''écrit d’écran'' posé en 1996 traduit ironiquement la solidarité d’une activité humaine (l’[[écriture]]) et des supports accusés de sa perdition. En prenant au sérieux ce qui relève plus d’une métamorphose que d’une rupture, E. Souchier propose d’interroger la réélaboration de l’espace, du temps, de l’économie, des pratiques, des relations, de la politique à partir de la matérialité des supports d’écriture, auxquels il donne une place déterminante. Avec eux, l’"homme du pixel – notre contemporain – ne pense ni ne perçoit son univers ainsi que le percevait l’homme de la trace ou celui de la trace et du poinçon"<ref>{{Article|langue=fr|prénom1=Emmanuël|nom1=Souchier|titre=L'écrit d'écran, pratiques d'écriture & informatique|périodique=Communication et langages|volume=107|numéro=1|date=1996|issn=0336-1500|doi=10.3406/colan.1996.2662|lire en ligne=http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/colan_0336-1500_1996_num_107_1_2662|consulté le=2022-05-22|pages=105–119}}</ref> {{Refins}}: se trouve ici formulée une « cosmotechnique », capable de documenter notre monde contemporain, dans ses diverses modalités, à partir d’une pensée écologique de l’écriture, qui tient compte de ses matières, de ses acteurs, de ses circulations et de ses appropriations successives. Dans cette perspective, l'[[informatique]] se trouve inscrite dans l’[[Histoire de l'écriture|histoire de l’écriture]] : elle en constitue une étape, dont il s’agit de saisir les spécificités, en élargissant le spectre d’investigation à un ensemble d’[[Artéfact (ergonomie)|artefacts]] (un [[Smartphone|écran de téléphone]], un [[site web]], un [[Guichet automatique bancaire|distributeur de billets]]), saisis à partir d’un prisme technique (quel [[Matériel informatique|matériel]], quel [[Programme informatique|programme]], quelle surface sont proposés ? comment les actions de l'usager sont-elles traduites ?), sémiotique (quels signes à l’écran ? que proposent-ils de faire ?), [[Pragmatique (linguistique)|pragmatique]] (que fait-on avec ces dispositifs techniques et numériques ? Comment y participe-t-on ?).
 
Des années 1990 aux années 2020, la théorie des ''écrits d’écran'' a fait l’objet de précisions, à la fois épistémologiques et méthodologiques, grâce à des collaborations et des collectifs qui s’en sont emparés<ref>Emmanuël Souchier, Etienne Candel, Gustavo Gomez-Mejia et Valérie Jeanne-Perrier, ''Le numérique comme écriture : théories et méthodes d'analyse'', Paris, Hermann, 2019.</ref>{{Refins}}. Elle a d’abord été rapidement reliée au concept d’''énonciation éditoriale'', pour identifier les différents acteurs qui participent de l’élaboration des signes à l’écran ([[Webmestre|concepteurs de site web]], [[Informaticien|informaticiens]], etc.), ainsi que leur organisation à travers des cadres matériels et documentaires (les bords de l’écran, le [[Système d'exploitation|système d’exploitation]], le [[logiciel]], les boîtes de commande). Ces signes sont organisés par et s’organisent dans des ''médias informatisés'', c’est-à-dire des espaces techniques, sociaux, symboliques mis en fonctionnement par un ensemble de personnes et de médiations, traversées par des logiques économiques et politiques propres à l’[[informatique]]. Pour l’usager, ces ''médias informatisés'' ne sont accessibles que par un couple (lire-écrire), soit par l’activité de [[Littératie|''lettrure'']], terme qu'Emmanuël Souchier emprunte à la [[scolastique]]. Il permet d’insister sur le processus à l’œuvre et de ne jamais le décorréler de pratiques séculaires, réappropriées par les dispositifs numériques. C’est dire que ces derniers ont une ''fonction éditoriale'', qui déborde largement le monde de l’[[Édition (activité)|édition]] et ses opérateurs traditionnels, dont on peut débusquer la présence dans l’ensemble des formes à l’écran : liens, boutons, listes, menus déroulants<ref>Etienne Candel, Valérie Jeanne-Perrier et Emmanuël Souchier, "Petites formes, grands desseins. D’une grammaire des énoncés éditoriaux à la standardisation des écritures" dans Jean Davallon (dir.), ''L'économie des écritures sur le Web'', 2012, p. 165-201.</ref>{{Refins}}.
 
S’il est important de se livrer à un tel exercice, c’est qu’il permet de comprendre à partir de quoi s’organise l’expérience de l’usager : une écriture déjà écrite, préformatée, qui facilite le traitement des traces ainsi encouragées, produites et collectées. Le concept d’''architexte''<ref>Emmanuël Souchier, "Histoire d’une rencontre – retour sur l’architexte", ''Écriture et image'', 2, 2021, p. 375-395.</ref> qualifie cette dimension éminemment spéculaire et instrumentée de l’écriture, qui traduit la vision que se font les concepteurs des pratiques de communication à l’écran, auxquelles ils entendent imposer un ordre, par toute une série de configurations, à la fois matérielles et documentaires. L’usager se voit ainsi proposer des [[Logiciel|logiciels]], des boîtes de saisie, des listes, des formes éditoriales qui préformatent sa propre écriture. Or, « on n'écrit jamais que dans des formes, et ces formes, qui ne relèvent pas de l'interaction en situation des acteurs présents, sont précisément le lieu réel du pouvoir. Vouloir libérer les processus d'interaction entre les acteurs sans interroger le pouvoir des formes du texte revient à s'affranchir d'une analyse politique de l'écriture. »<ref>Yves Jeanneret et Emmanuël Souchier, "L'énonciation éditoriale dans les écrits d'écran », ''Communication & Langages'', 145 (1), 2005, p. 7.</ref>. Cette analyse implique de prêter une attention à la standardisation des formes à l’écran (l’''image du texte''), mais également à leur circulation, à leurs transformations bref, à leurs médiations, qui indiquent de légères, mais décisives opérations, à la fois techniques, [[Sémiotique|sémiotiques]], économiques, [[Idéologie|idéologiques]]. Par exemple, on ne comprend rien à l’hystérisation des débats sur [[Twitter]] sans les logiques documentaires qui les animent : la possibilité de [[Citation (littérature)|citer]], reciter, la capitalisation de « followers », le rôle des liens, des images, qui permettent de constituer des publics, de les polariser, d’étendre l’arc des arguments et des acteurs. Tout écrit, toute activité, tout geste à l'écran se trouve alors « textualisé », c'est-à-dire interprété informatiquement, traduit visuellement et pris dans une matrice narrative (sur un site web, on clique, on attend, on se déplace d'un espace à l'autre à partir d'une scénarisation topologique), sociale (chacun peut intervenir, se positionner, prendre part), matérielle (c'est toujours à partir d'une configuration qu'il le fait).
 
=== Le stade de l'écriture ===
Les derniers travaux d’Emmanuël Souchier portent sur le ''stade de l’écriture''<ref>Emmanuël Souchier, "Le stade de l'écriture", séminaire "Le Chemin des écritures", Paris IV Sorbonne, 21 février 2022.</ref>{{Refins}}, notion inspirée du « [[stade du miroir]] » de [[Jacques Lacan|Lacan]]. L'auteur témoigne d’un effort pour qualifier le processus paradoxal, à la fois intime et social, qui se construit par l’entremise de l’écriture, plus précisément grâce aux traces produites par chaque individu sur des supports de communication. Car ces traces circulent, voyagent d’un espace à l’autre, s’incarnent dans de nouvelles situations sociales, sont lues, interprétées, négociées, renvoyées au destinateur, qui doit alors composer avec ces actes de lecture ou ce double, cet autre moi-même, cet être symbolique qu’il a contribué à créer, en puisant dans le corps social, sans que l'un ou l'autre ne soient réductibles à l'un ou l'autre. E. Souchier y voit la marque du travail de l'écriture, pensée comme ''[[technè]]'' (art de faire), acte collectif, social et culturel, qui rejoue - à partir des "communs" - le geste initial de la mythologie : faire circuler entre les hommes l'étrange humanité ; faire lien. Il propose alors de définir cet être symbolique qu'est l'écriture comme le ''lieu du lien''.
 
== Prise de position politique ==
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