« François-René de Chateaubriand » : différence entre les versions

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'''François-René, [[vicomte]] de Chateaubriand'''<ref group="N">Les prénoms François René sont ceux donnés par son acte de baptême ([http://blog.pinsonnais.org/post/2010/08/06/Bapt%C3%AAme-de-Fran%C3%A7ois-Ren%C3%A9-de-Chateaubriand Acte de baptême de Chateaubriand]). D’autres, comme [[Abel François Villemain]] dans ''M. de Chateaubriand, sa vie, son œuvre...'' donnent François-Auguste comme prénoms. L’intéressé signale lui-même que c'est une erreur (''Mémoires d'outre-tombe'', {{date-|31 décembre 1811}}). Il ne signait ses ouvrages que par Chateaubriand ou M. le vicomte de Chateaubriand.</ref>, né le {{date de naissance|4 septembre 1768}} à [[Saint-Malo]] et mort le {{date de décès|4 juillet 1848}} à [[Paris]], est un [[écrivain]], [[mémoires|mémorialiste]] et [[Personnalité politique|homme politique]] [[France|français]]. Il est considéré comme l'un des précurseurs et pionniers du [[romantisme français]] et l'un des grands noms de la [[littérature française]].
 
Issu de la noblesse [[Bretagne|bretonne]], membre le plus célèbre de sa [[famille de Châteaubriant|famille]] originaire de [[Saint-Malo]], Chateaubriand s'inscrit politiquement dans la mouvance [[royalisme|royaliste]]. Plusieurs fois [[ambassadeur]] auprès de souverains divers, il est nommé [[Liste des ministres français des Affaires étrangères|ministre des Affaires étrangères]] de 1822 à 1824 sous la [[Restauration (histoire de France)|Restauration]] et compte, sous le règne de [[{{souverain2|Charles X]]}}, parmi les [[ultraroyaliste|ultraroyalistes]]s. Les nombreuses responsabilités politiques et diplomatiques qui jalonnent sa carrière ainsi que son goût pour le voyage, en Amérique puis dans le [[bassin méditerranéen]], structurent une vie marquée par l'[[exil]] et la nostalgie de la stabilité.
 
Ses premières publications majeures, l'''[[Essai sur les révolutions]]'' (1796) et le ''[[Génie du christianisme]]'' (1802), manifestent son engagement politique alors en faveur de la [[contre-révolution]] et en défense de la [[société d'Ancien Régime]]. Mais la question idéologique s'entremêle très rapidement à la promotion d'une esthétique originale qui remporte un grand succès populaire et littéraire : la description de la [[nature]] et l'analyse des sentiments du {{citation|« [[Moi (littérature)|Moi]]}} », qu'il met en œuvre dans les fictions ''[[Atala]]'' (1801) et ''[[René (roman)|René]]'' (1802), d'abord publiées comme illustrations des thèses du ''Génie'' puis rattachées au vaste cycle romanesque des ''[[Les Natchez|Natchez]]'' (intégralement paru en 1826), en font un modèle pour la génération suivante des écrivains français. Sa propension au mystère, à l'amplitude, à l'emphase, à la grandeur mélancolique, sa tentative d'exprimer une souffrance indicible et sa soif d'[[exotisme]], qu'il réaffirme dans le récit de son voyage en Méditerranée ''[[Itinéraire de Paris à Jérusalem]]'' ([[1811 en littérature|1811]]), lui ont valu d'être considéré ''a posteriori'' comme l'un des {{citation|« [[préromantisme|préromantiques]]}} » les plus influents de sa génération. La sensibilité douloureuse de ce {{citation|[[vague des passions]]}}, illustré à travers le personnage de René, connaît une importante postérité dans le [[romantisme français]] : le {{citation|« [[Thèmes récurrents du romantisme français#Mal_du_siècle_et_mélancolie|mal du siècle]]}} » de [[Alfred de Musset|Musset]] ou le {{citation|« [[spleen baudelairien|spleen]]}} » de [[Charles Baudelaire|Baudelaire]] peuvent en être considérés, entre autres, comme de lointains avatars.
 
Néanmoins, l'œuvre monumentale de Chateaubriand réside dans les ''[[Mémoires d'outre-tombe]]'', parus à titre posthume dès 1849, dont les premiers livres recréent son enfance et sa formation dans son milieu social de petite noblesse à [[Saint-Malo]] et à [[Combourg]], tandis que les livres suivants relèvent davantage du tableau historique des périodes dont il a été le témoin de 1789 à 1841. Ce texte, à la fois chef-d'œuvre [[autobiographie|autobiographique]] et témoignage historique de premier plan, manifeste une évolution de sa prose qui ne demeure pas moins influente sur la [[littérature française]].
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[[Fichier:Rue Chateaubriand ancienne rue des Juifs Saint Malo.JPG|vignette|Chateaubriand naît dans l’[[hôtel de la Gicquelais]] de l'[[Liste des toponymes juifs en France#Anciennes rues des Juifs|ancienne rue des Juifs]] de Saint-Malo.]]
 
[[Liste des seigneurs de Châteaubriant|Le vicomte]] François-René de Chateaubriand est issu d'une famille noble ruinée de [[Ch%C3%A2teau_de_la_Gu%C3%A9rande|la Guérande]] à [[Hénanbihen]] et de [[Saint-Malo]] où la famille du Rocher du Quengo s'est établie au début du {{s-|XVII}}, famille qui a retrouvé sa dignité d'antan grâce à la réussite commerciale du père de Chateaubriand, le comte [[René-Auguste de Chateaubriand]] (chevalier, comte de Combourg, seigneur de Gaugres, le Plessis l'Épine, Boulet, Malestroit en Dol et autres lieux) né le {{date-|23 septembre 1718}} au manoir des Touches à [[Guitté]] (Côtes d'Armor). René Auguste de Chateaubriand et Apolline Jeanne Suzanne de Bédée, fille du seigneur de La Bouëtardaye et comte de Bédée, épousée en 1753 à Bourseul, eurent six enfants dont François-René. Cette réussite financière est fondée sur le commerce avec les colonies<ref>« {{cita|Il passa aux îles ; il s'enrichit dans la colonie et jeta le fondement de la nouvelle fortune de la famille »}} ''Mémoires d'outre-tombe''</ref> où il fut [[corsaire]] en temps de guerre, pêcheur de morue et négrier en temps de paix<ref>Jean-Claude Berchet, ''Château, 10 et briand mémorialiste'', Librairie Droz, 2000, {{p.|116}}</ref>. Le jeune François-René doit d'abord vivre éloigné de ses parents, chez sa grand-mère maternelle Madame de Bédée, à [[Plancoët]] où il est placé en nourrice. Madame de Bédée l'amène souvent chez son oncle, au [[Château de Monchoix|manoir de Monchoix]]. Il a trois ans lorsque son père, réussissant dans les affaires, peut acheter en 1761 le [[château de Combourg]] en [[Bretagne]], où la famille Chateaubriand s'installe en 1777. François-René y passe une enfance qu'il décrira comme souvent morose auprès d'un père taciturne et d'une mère superstitieuse et maladive, mais gaie et cultivée.
 
Il fait successivement ses études aux collèges de [[Dol-de-Bretagne]] (1777 à 1781), de [[Rennes]] (1782) et de [[Dinan]] (1783).
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=== Jeune officier ===
 
Après de longues hésitations à propos de sa carrière, il obtient en 1786 un brevet de sous-lieutenant au [[régiment de Navarre]] à {{nb|17 ans}}, sous les ordres de son frère Jean-Baptiste (lequel le présentera à la [[Cour de France|Cour]] pour laquelle il ressent « {{cita|un dégoût invincible »}}), puis est fait capitaine à dix-neuf{{nobr|19 ans}}. Il vient à [[Paris]] en 1788, où il se lie avec [[Jean-François de La Harpe]], [[Louis de Fontanes]] qui sera son ami le plus cher et avec d'autres écrivains de l'époque. Nourri de [[Pierre Corneille|Corneille]] et marqué par [[Jean-Jacques Rousseau|Rousseau]], Chateaubriand fait ses débuts littéraires en écrivant des vers pour l’''[[Almanach des Muses]]''.
 
En {{date-|janvier 1789}}, il participe aux [[États de Bretagne]] et, en {{date-|juillet 1789-}} de la même année, il assiste à la [[prise de la Bastille]] avec ses sœurs Julie et [[Lucile de Chateaubriand|Lucile]].
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=== Chevalier de Malte de l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem ===
 
C'est Chateaubriand lui-même qui évoque dans ''Les Mémoires d'outre-tombe'' à plusieurs reprises son admission dans l'[[ordre de Saint-Jean de Jérusalem]]. Pour devenir [[chevalier de Malte]], il se serait même fait tonsurer. Il explique comment son frère aurait présenté pour lui-même une demande d'admission à l'Ordre auprès du prieur d'Aquitaine [[Louis-Joseph des Escotais]] et comment il aurait justifié de ses quartiers de noblesse. La demande serait acceptée lors du chapitre prieural des {{date-|9 septembre- 1789-}}, {{date-|10 septembre- 1789-}} et {{date-|11 septembre 1789}}. Chateaubriand note dans ses ''[[Mémoires d'outre-tombe]]'' que, le {{date-|7 août 1789-}}, l'Assemblée nationale avait aboli les titres de noblesse : « {{cita|Comment les chevaliers et les examinateurs de mes preuves trouvaient-ils aussi que je méritais à plus d'un titre la grâce que je sollicitais [...] ? »}}<ref>''Mémoires d'outre-tombe'', Livre premier, {{1re|partie}}, chapitre 1, page 4</ref>.
 
Il faut noter que les principaux spécialistes de généalogies ou de nobiliaires du {{s-|XIX}} donnent Chateaubriand comme [[chevalier de Malte]] : Courcelles (1824)<ref>Jean-Baptiste-Pierre Jullien de Courcelles, ''Histoire généalogique et héraldique des Pairs de France'', t. IV, Artus Bertrand, Paris, 1824, {{p.|32}}</ref>, Vitton de Saint-Allais (1846)<ref>Nicolas Vitton de Saint-Allais, ''L'Ordre de Malte, ses Grands Maîtres et ses Chevaliers'', Delaunay, 1839</ref>, Potier de Courcy (1890)<ref>Pol Potier de Courcy, ''Nobiliaire et armorial de Bretagne'', t. III, 1890, réédition 1970, {{p.|390}}</ref>, Guillotin de Courson (1902)<ref>Abbé Guillotin de Courson, ''Les Templiers et les Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem dit chevaliers de Malte en Bretagne'', L. Durance, Nantes, 1902, XLVIII</ref>, Kerviler (1895)<ref>Pierre Kerviler, ''Essai d'une bibliographie de Chateaubriand et sa famille'', Vannes, 1896, {{p.|12}}</ref> à l’exception de Révérend (1902)<ref>Albert Révérend, ''Titres, anoblissements et pairies de la Restauration'', t.II, Honoré Champion, Paris, 1902</ref> ou La Roque (1891)<ref>Louis de La Roque, ''Catalogue des Chevaliers de Malte'', Alp. Desaide, Paris, 1891, XXIV</ref>. C'est « {{cita|Chateaubriand [qui] donne complaisamment et intégralement dans le ''Supplément des Mémoires d'outre-tombe'' »}} le « Mémorial »<ref name="OM 17 2006 p13" />. Ce ''Mémorial des actes authentiques''<ref>''Mémoires d'outre-tombe'', t.XII, ''Supplément à mes Mémoires'', Pernaud, Paris, 1850, {{p.|79-205}}</ref> est le dossier sur lequel se base l'Ordre pour admettre ou refuser un prétendant. Chateaubriand est de [[Bretagne]] qui dépend du [[grand prieuré d'Aquitaine]] qui relève de la [[Langue de France (Hospitaliers)|langue de France]]<ref name="OM 17 2006 p13">Gérard Jullien de Pommerol et Hugues Lépolard, « Chateaubriand et l'Ordre de Malte » in ''Cahier de la Société de l'histoire et du patrimoine de l'ordre de Malte'', {{n°|17}}, 2006, {{p.|13}}</ref>. Dans cette [[langue hospitalière|langue]] il fallait pouvoir justifier de huit quartiers (quatre du côté paternel et quatre du côté maternel) ainsi que de {{nb|100 ans}} minimum de preuves de noblesse<ref name="OM 17 2006 p13" />. Chateaubriand remonte jusqu'au {{23e|aïeul}} qui aurait participé en 1066 à la [[bataille d'Hastings]]<ref name="OM 17 2006 p13" />. C'est ce Mémorial qu'aurait donc envoyé son frère au [[Louis-Joseph des Escotais|prieur des Escotais]], et ce document aurait été accepté comme « bon et valable ».
 
Mais cela n'est que le début de la démarche et non sa finalité. C'est ce même document que présentaient les parents d'un nouveau-né qui voulaient faire admettre de minorité leur enfant cadet dans l'Ordre, puisque l'ancienneté commençait avec l'acceptation de ce mémorial. Admis dans l'Ordre mais pas pour autant chevalier. Pour cela le grand prieuré nommait des commissaires enquêteurs qui menaient des enquêtes locales, littérales (sur pièces), testimoniales, publiques (bonnes mœurs) et secrètes. Ces huit commissaires (quatre publics, quatre secrets) rédigeaient un ''Procès-verbal des Preuves'' qui devait être positif. Il fallait alors que le postulant ou sa famille payât ''le passage'' en fait des droits de réception pour l'Ordre et de défraiement pour les commissaires. Ensuite, le futur chevalier devait faire une année de noviciat à Malte avec service à la [[Sacra Infermeria]] ou auprès d'un notable de l'Ordre. Pour accéder aux dignités et devenir chevalier de Malte, il fallait en plus au novice faire quatre ans de [[caravane hospitalière|caravanes]], service en mer de six mois à la belle saison de navigation. Cela fait donc cinq années en résidence à Malte (consécutives ou non), au bout desquelles le novice pouvait prononcer ses vœux pour entrer en religion, dans [[La Religion]]. Souvent, après cette formation à la mer, beaucoup de jeunes novices, renonçaient à une vie monacale pour faire carrière dans la marine de leur royaume et plus simplement faire un mariage de qualité. Pour ceux qui prononçaient les vœux, qui « prenaient l'habit », ils devenaient frères en religion et chevaliers dans l'Ordre. Avec l'ancienneté, les chevaliers pouvaient espérer obtenir la charge d'une [[commanderie hospitalière|commanderie]], devenir ainsi [[commandeur hospitalier|commandeur]], première étape d'une vie de seigneur local avec les bénéfices de la commanderie, une fois reversées à l'Ordre les [[responsions]] et assuré l'[[wikt:améliorissement|améliorissement]] de la commanderie et de ses maisons<ref name="OM 17 2006 p13" />.
 
Chateaubriand ne fera jamais profession, ne séjournera jamais à Malte et ne pourra donc jamais prononcer ses vœux. Il ne sera jamais chevalier de Malte de l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem, il n'aura donc jamais l'« espoir des bénéfices » escomptés dans ses ''Mémoires d'outre-tombe''.
 
=== Le voyage en Amérique du Nord ===
À l'époque de la [[Révolution française]], en 1791, François-René s'est éloignééloigne de France et embarquéembarque pour le [[Nouveau Monde]] (Baltimore), avec le « {{cita|prétexte de chercher le [[passage du Nord-Ouest]] »}}<ref name="Lanson">Gustave Lanson, « Histoire de la littérature française », dans ''La Littérature pendant la Révolution et l'Empire, {{chap.|IV}}'', Hachette, 1951, {{p.|887}}.</ref>. C’est [[Chrétien Guillaume de Lamoignon de Malesherbes]] qui l’encourageal’a encouragé à partir<ref>Mémoires d’outre-tombe, François-René de Chateaubriand édition de 1989, page 417</ref>.
 
Dans ''Voyage en Amérique'', publié en 1826, Chateaubriand raconte être arrivé à [[Philadelphie]] le {{date-|10 juillet 1791}}, être passé à [[New York]], [[Boston]] et [[Lexington (Massachusetts)|Lexington]]. Il relate une rencontre avec [[George Washington]] à Philadelphie, qui lui aurait dit « {{citaetr|langue=en|Well well, young man »}}. Il remontaremonte l’[[Hudson (fleuve)|Hudson River]] en bateau jusqu’à [[Albany (New York)|Albany]], où il embauchaembauche un guide et continuacontinue jusqu’aux [[chutes du Niagara]], à la rencontre du « [[bon sauvage]] » et de la solitude des forêts d’Amérique du Nord<ref>Voyage en Amérique, François-René de Chateaubriand 1826</ref>. À Niagara, il raconte s’être brisé un bras à cause d’une brusquerie de sa monture, et passaavoir passé un mois au sein d’une tribu indienne. Le récit de voyage proprement dit s’interrompt, Chateaubriand consacrant plusieurs dizaines de pages à des considérations d’ordre zoologique, politique, et économique des indiensIndiens et de l’Amérique en général.
 
Ensuite, il mentionne en quelques pages son retour vers Philadelphie via la rivière [[Ohio]], le [[Mississippi (État)|Mississippi]] et la [[Louisiane]], mais la véracité de ce trajet est remisremise en question.
 
La nouvelle de la [[fuite de Varennes|fuite du roi à Varennes]] le décide à quitter l’Amérique. De Philadelphie, il embarque sur le ''Molly'' à destination de [[La Rochelle]]<ref>ibid.</ref>.
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==== Influence du voyage ====
 
Certains experts émettent l’hypothèse que Chateaubriand ramenarapporta des liasses de documents écrits de sa main contenant les idées qui formèrent ''[[Les Natchez]]''<ref>Bazin, C. (1969) Chateaubriand en Amérique. Paris. La Table Ronde</ref>. ChateaubriandIl affirma que l’expérience américaine lui fournitavait fourni l’inspiration qui est à la base des ''[[Les Natchez|Natchez]]''. Ses descriptions imagées furent écrites dans un style novateur pour l’époque, qui deviendra le style romantique français.
 
=== L’exilé ===
 
[[Fichier:Chateaubriand Condé.jpg|vignette|upright|Chateaubriand à l'armée de Condé.]]
Fin {{date-|mars 1792}}, il se marie avec [[Céleste de Chateaubriand|Céleste Buisson de la Vigne]], descendante d'une famille d'armateurs de Saint-Malo, âgée de {{nb|17 ans}}. Ils n'auront pas de postérité. Le {{date-|15 juillet 1792}}, accompagné de son frère, mais sans sa femme, il quitte la France pour [[Coblence]]. Il y rejoint à l’[[armée des émigrés]] afin d'y combattre les armées de la République ; sa jeune femme Céleste, qui vit en Bretagne, délaissée par son mari qui ne lui donne pas de nouvelles, est arrêtée comme « femme d’[[Émigration française (1789-1815)|émigré]] », emprisonnée à [[Rennes]], où elle reste jusqu’au {{Date républicaine|9 Thermidor an II-|conversion}}. François-René, blessé au [[Siège de Thionville (1792)|siège de Thionville]], se traîne jusqu'à Bruxelles<ref name="Lanson"/>, d'où il est transporté convalescent à [[Jersey]]. C'est la fin de sa carrière militaire.
 
Il va ensuite vivre à [[Londres]], en 1793, dans un dénuement momentané, mais réel (il loge dans un grenier de [[Holborn]]<ref>[http://fr.wikisource.org/wiki/M%C3%A9moires_d%E2%80%99outre-tombe Mémoires d’outre-tombe] sur Wikisource.</ref>) où il est réduit à donner des leçons de français et à faire des traductions pour les libraires. Il y publie en 1797 son premier ouvrage, l’''Essai historique, politique et moral sur les révolutions anciennes et modernes, considérées dans leurs rapports avec la Révolution française''<ref>Chateaubriand [https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k710161/ « Essai historique, politique et moral sur les révolutions anciennes et modernes, considérées dans leurs rapports avec la Révolution Française »], J. Deboffe, Londres, 1717 (sic pour 1797), 693 pp. Réimpr. Chateaubriand « Essai sur les révolutions - Génie du Christianisme » Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard (22 septembre 1978), {{formatnum:2087}} pp. {{ISBN|978-2-07-010863-3}}.</ref>, où il exprime des idées politiques et religieuses peu en harmonie avec celles qu’il professera plus tard, mais où se révèle déjà son talent d’écrivain. « {{cita|Pour cet ouvrage il se nourrit de [[Jean-Jacques Rousseau|Rousseau]], de [[Montesquieu]], de [[Voltaire]]<ref name="Lanson"/>. »}} Cette œuvre passe inaperçue de la critique. Seul, [[Amable de Baudus]] s'en fait l'écho dans son journal, ''[[le Spectateur du Nord]]'' de {{date-|mai 1797}}.
 
En 1794, son frère, sa belle-sœur (une petite-fille de [[Chrétien Guillaume de Lamoignon de Malesherbes|Malesherbes]], l'avocat de [[{{souverain2|Louis XVI]]}}) et une partie de leur famille sont guillotinés à Paris.
 
En 1798, sa mère et sa sœur Julie décèdent. Frappé par ces épreuves, François-René se tourne de nouveau vers la religion, et entreprend l'écriture du ''Génie du Christianisme''. C'est, selon lui, une lettre de sa mère mourante qui le ramène à la religion. L'ouvrage est sur le point de paraître à Londres quand il décide de rentrer en France, en 1800.
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Il publie ensuite à Paris le {{date-|14 avril 1802}} le ''[[Génie du christianisme]]'', en partie rédigé en Angleterre, et dont ''Atala'' et ''René'', à l'origine, sont seulement des épisodes : il s'est proposé d'y montrer que le [[christianisme]], bien supérieur au [[paganisme]] par la pureté de sa morale, n'est pas moins favorable à l'art et à la poésie que les « fictions » de l'Antiquité. Il y célèbre la liberté, selon lui fille du christianisme, et non de la Révolution. Ce livre fait événement et donne le signal d'un retour du religieux après la Révolution.
 
Toujours sur la [[Émigration française (1789-1815)#Liste des émigrés|liste des émigrés]] dont il veut être radié, il plaide sa cause auprès d'[[Élisa Bonaparte]], sœur du Premier Consul [[Napoléon Ier|NapoléonPremier BonaparteConsul]] et dont Fontanes est l'amant. Elle intervient plusieurs fois auprès de son frère pour lui montrer le talent de l'écrivain, qui est rayé de cette liste le {{date-|21 juillet 1801}}. Bonaparte le choisit en 1803 pour accompagner le [[Joseph Fesch|cardinal Fesch]] à [[Rome]] comme premier secrétaire d'ambassade<ref name="Lanson"/>. François-René reparaît alors au château, tout juste vingt-quatre heures, pour inviter sa femme Céleste à l'accompagner à Rome. Celle-ci, apprenant sa liaison avec la comtesse [[Pauline de Beaumont]], refuse le ménage à trois<ref>{{Ouvrage |auteur1=[[Jacques-Alain de Sédouy]] |titre=Madame de Chateaubriand |éditeur=Librairie Académique Perrin |année=1996 |passage=87 |isbn=}}</ref>. Cet amour est pourtant proche de sa fin, puisque [[Pauline de Beaumont]] meurt à [[Rome]], où il lui fait ériger [https://mh.viviani.org/chat1/3pauline.html un monument funéraire] à l'église [[Église Saint-Louis-des-Français de Rome|Saint-Louis des Français]].
 
Multipliant les maladresses à Rome ({{incise|il demande notamment au pape [[{{souverain2|Pie VII]]}} d'abolir les lois organiques qui complètent le régime [[Régime concordataire français|concordataire]] pour rétablir le culte catholique en France)}}, il exaspère l'ambassadeur Fesch qui obtient son départ au bout de six mois. Bonaparte le nomme le {{date-|29 novembre 1803}} chargé d'affaires dans la [[République rhodanienne|République du Valais]]. Le {{date-|21 mars 1804}}, il apprend l'exécution du [[Affaire du duc d'Enghien|duc d'Enghien]]. Il donne immédiatement sa démission et passe dans l'opposition à l'Empire. Lors du sacre de l'empereur, il va chez son ami [[Joseph Joubert (moraliste)|Joseph Joubert]] à [[Villeneuve-sur-Yonne]] où il écrit plusieurs chapitres des ''Martyrs'' et des passages des ''Mémoires d'outre-tombe''.
 
=== Le voyage en Orient ===
[[Fichier:Maison Chateaubriand Vallee-aux-Loups.jpg|vignette|La maison de Chateaubriand dans le domaine de la Vallée-aux-Loups.]]
[[Fichier:Plaque Chateaubriand, 63 rue des Saint-Pères, Paris 7e.jpg|vignette|Plaque 63 [[rue des Saints-Pères]], son pied-à-terre parisien de 1811 à 1814.]]
Rendu aux Lettreslettres, Chateaubriand conçoit le projet d'une [[épopée]] chrétienne, où seraient mis en présence le [[paganisme]] expirant et la religion naissante. Désireux de visiter par lui-même les lieux où situer l'action, il parcourt la [[Grèce]], l'[[Anatolie|Asie Mineure]], la [[Palestine (région)|Palestine]] et l'[[Égypte]] durant l'année 1806.
 
À son retour d'Orient, exilé par Napoléon à trois lieues de la capitale, il acquiert la [[Vallée-aux-Loups]], dans le Val d'Aulnay (actuellement dans la commune de [[Châtenay-Malabry]]), près de [[Sceaux (Hauts-de-Seine)|Sceaux]], où il s'enferme dans une modeste retraite. Sa femme Céleste l'y rejoint, elle raconte dans ses ''Souvenirs'', avec humour, les conditions pittoresques de l'aménagement. Chateaubriand y compose ''[[Les Martyrs (Chateaubriand)|Les Martyrs]]'', sorte d'épopée en prose, parue seulement en 1809.
 
Les notes recueillies durant son voyage forment la matière de L’l’''[[Itinéraire de Paris à Jérusalem]]'' (1811). La même année, Chateaubriand est élu membre de l'[[Académie française]], à la place de [[Marie-Joseph Chénier]] ; mais comme il a, dans son projet de discours de réception, blâmé sévèrement certains actes de la Révolution, Napoléon ne consent pas à lui laisser le prononcer<ref name="Lanson"/>. Il ne lui est donc pas permis de prendre possession de son siège. Il l'occupeoccupera seulement après la [[Restauration (histoire de France)|Restauration]].
 
=== Faveur et disgrâce ===
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* [[ordre du Saint-Esprit]].</ref>.]]
 
Chateaubriand accueille avec transport le retour des [[Maison capétienne de Bourbon|Bourbons]]. Dès le {{date-|30 mars 1814}}, il publie contre l'empereur déchu un virulent [[pamphlet]], ''[[De Buonaparte et des Bourbons]]'', qui est diffusé à des milliers d'exemplaires et qui, comme il se plaît à le croire et le fait dire à [[{{souverain2|Louis XVIII]]}} dans ses ''Mémoires'', aurait autant servi le roi « {{cita|que cent mille hommes »}}<ref>[[wikisource:fr:Page:Chateaubriand - Mémoires d’outre-tombe t4.djvu/380|Mémoires d'outre-tombe, Livre XXVIII, chapitre 17]]</ref>. Sa femme trouve à s'engager à ses côtés à [[Gand]] pendant les [[Cent-Jours]], à Paris lors du retour des Bourbons. Avec un sens inattendu de la politique auquel elle mêle un bon sens naturel, Céleste devient la confidente de Chateaubriand et même son inspiratrice. Pendant toute la Restauration, elle joue auprès de lui un rôle de conseillère écoutée. [[Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord|Talleyrand]], qui l'a dans le passé couvert et protégé, le nomme ambassadeur en [[Suède]]<ref>Emmanuel de Waresquiel, ''Talleyrand : Le Prince immobile'', Fayard, 2003, p.497</ref>. Chateaubriand n'a pas encore quitté Paris quand Napoléon {{souverain2|Napoléon Ier}} revient en France en 1815. Il accompagne alors {{souverain-|Louis XVIII}} à Gand, et devient un des membres de son cabinet. Il lui adresse le célèbre ''Rapport sur l'état de la France''.
 
Après la défaite de l'Empereur, Chateaubriand vote la mort du maréchal [[Michel Ney|Ney]] en {{date-|décembre 1815}} à la Chambre des pairs. Il est nommé [[ministre d'État]] et [[Chambre des pairs|pair de France]] ; mais ayant, dans ''La Monarchie selon la Charte'', attaqué l'ordonnance du {{date-|5 septembre 1816}} qui dissout la [[Chambre introuvable]], il est disgracié et perd son poste de ministre d'État. Il se jette dès lors dans l'opposition [[ultraroyaliste]], et devient l'un des principaux rédacteurs du ''Conservateur'', le plus puissant organe de ce parti. D'après Pascal Melka, auteur de ''Victor Hugo, un combat pour les opprimés. Étude de son évolution politique'', le ''Conservateur'' sera à l'origine du journal ''Le Conservateur Littéraire'' qui emploiera Victor Hugo<ref>[http://www.mollat.com/livres/pascal-melka-victor-hugo-combat-pour-les-opprimes-etude-son-evolution-politique-9782876831940.html ''Victor Hugo, un combat pour les opprimés'']</ref>.
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En 1821, Il est nommé ministre de France à [[Berlin]], puis ambassadeur à Londres<ref name="Lanson"/> (où son cuisinier, Montmireil, invente la [[Chateaubriand (viande)|cuisson de la pièce de bœuf]] qui porte son nom).
 
En 1822, il représente la France au [[congrès de Vérone]]<ref name="Lanson"/>. Le {{date-|28 décembre 1822-}} de la même année, il est nommé [[Liste des ministres français des Affaires étrangères|ministre des Affaires étrangères]] par [[{{souverain-|Louis XVIII]]}}<ref>{{Ouvrage|prénom1=Michel|nom1=Winock|titre=Les voix de la liberté : les écrivains engagés au {{s-|XIX}} : essai|passage=p. 65|date=DL 2010|isbn=978-2-7578-2034-6|isbn2=2-7578-2034-6|isbn3=2-02-035037-8|oclc=800587597|lire en ligne=https://www.worldcat.org/oclc/800587597|consulté le=2021-03-03}}</ref> et reste à ce poste jusqu'au {{date-|4 août 1824}}.
 
En 1823, il reçoit des mains de l'empereur [[Alexandre Ier (empereur de Russie)|Alexandre {{souverain-|Alexandre Ier}} de Russie]] l'[[ordre de Saint-André]]<ref>[http://www.phaleristique.com/russie_imperiale/saint_andre/ah0141.htm Ordre impérial de Saint-André l'apôtre le premier nommé de Russie].</ref>, et de [[{{souverain2|Ferdinand VII]]}} le collier de l'[[Liste des chevaliers de l'ordre de la Toison d'or|ordre de la Toison d'Or]] (brevet {{numéro|919}}).
[[File:Vernet Greffulhe.jpg|vignette|Cordélia de Castellane.]]
Cette même année, à {{nobr|55 ans}}, il devient l'amant de Cordélia de Castellane qui en a 30, fille du banquier Louis Greffulhe, épouse du comte [[Boniface de Castellane (1788-1862)|Boniface de Castellane]] futur maréchal de France, connue pour sa beauté et son esprit. Il la rencontre chez son ancien ami devenu son adversaire politique [[Mathieu Molé|le comte Molé]], qui est alors son amant, dans son domaine de Champlâtreux. Cette liaison s'achèvera l'année suivante. Les lettres à Mme de Castellane sont les seules lettres passionnées qui nous soient parvenues de Chateaubriand : « {{cita|J'ai enfin saisi ce rêve de bonheur que j'ai tant poursuivi. C'est toi que j'ai adorée si longtemps sans te connaître<ref>Chateaubriand : 1768-1848 : exposition du centenaire, Paris, Bibliothèque nationale, 1948, catalogue, 410.</ref>... »}}
 
Il est l'un des [[Ministre plénipotentiaire|plénipotentiaire]]s au [[congrès de Vérone]] et fait décider l'[[expédition d'Espagne]], malgré l'opposition apparente du [[Royaume-Uni]] (en réalité, ce dernier souhaitait une intervention). À son retour, il reçoit le portefeuille de [[Liste des ministres français des Affaires étrangères|ministre des Affaires étrangères]] ; il réussit l'aventure espagnole avec la prise de [[Cadix]] à la [[bataille du Trocadéro]] en 1823 ; mais, n'ayant pu s'accorder avec [[Joseph de Villèle|Villèle]], chef du gouvernement, il est brutalement congédié le {{date-|6 juin 1824}}. Il déclare à ce sujet : {{début citation}} Et pourtant qu’avais-je fait ? Où étaient mes intrigues et mon ambition ? Avais-je désiré la place de Monsieur de Villèle en allant seul et caché me promener au fond du Bois de Boulogne ? J’avais la simplicité de rester tel que le ciel m’avait fait, et, parce que je n’avais envie de rien, on crut que je voulais tout. Aujourd’hui, je conçois très bien que ma vie à part était une grande faute. Comment ! vous ne voulez rien être ! Allez-vous-en ! Nous ne voulons pas qu’un homme méprise ce que nous adorons, et qu’il se croie en droit d’insulter la médiocrité de notre vie.{{fin citation|Chateaubriand, ''Mémoires d'outre-tombe''}}
[[Fichier:P1120028 Paris VI rue du Regard n°7 rwk.JPG|vignette|upright|[[Hôtel de Beaune]], au {{numéro|7}} [[rue du Regard]], où Chateaubriand résida de 1825 à 1826 (à gauche, une plaque lui rend hommage).]]
 
Il demeure deDe 1826 à 1828 il demeure à Paris.
 
Il rentre aussitôt dans l'opposition, mais pour s'unir cette fois au parti libéral, et combat à outrance le ministère Villèle, soit à la [[Chambre des pairs]], soit dans le ''[[Journal des débats]]'', où il donne le signal de la défection : il se montre alors le chevalier défenseur de la [[liberté de la presse]]<ref>{{Lien web|titre=Chateaubriand et la presse : pour un journalisme politique libre {{!}} Le blog de Gallica|url=https://gallica.bnf.fr/blog/17122018/chateaubriand-et-la-presse-pour-un-journalisme-politique-libre|site=gallica.bnf.fr|consulté le=2019-02-21}}</ref> et de l'[[guerre d'indépendance grecque|indépendance de la Grèce]], ce qui lui vaut une grande popularité.
 
À la chute de Villèle, il est nommé [[Liste des ambassadeurs de France près le Saint-Siège|ambassadeur]] [[Ambassade de France près le Saint-Siège|à Rome]] (1828), où Céleste l'accompagne cette fois et où elle tient son rang d'ambassadrice avec brio, mais il donne sa démission à l'avènement du [[Ministère Jules de Polignac|ministère Polignac]], ce qui estsigne son déclin politique.
 
Une série d'assiettes en porcelaine de Sèvres ornées d'un décor floral peint par Jacob-Ber (ou Sisson) dont il disposa dans cette fonction est conservée à la Banque de France (reproduction couleur dans ''Trésors de la Banque de France - Histoire et richesses de l'hôtel de Toulouse '', 1993, pp {{p.102 et 103}})
 
Chateaubriand vit un dernier amour en 1828-1829 avec Léontine de Villeneuve, comtesse de Castelbajac : la jeune femme de {{nb|26 ans}} lui écrit d'abord des lettres enflammées, et ils se rencontrent uniquement en {{date-|août 1829}} dans la station thermale de [[Cauterets]] dans les [[Hautes-Pyrénées]]. Cette rencontre, platonique ou non, Chateaubriand l'évoque dans un chapitre des ''[[Mémoires d'outre-tombe]]'' avec l'expression « {{cita|la jeune amie de mes vieux ans »}}. Cet amour romantique a inspiré le film de Jean Périssé sorti en 2008 ''[[L'Occitanienne ou le Dernier Amour de Chateaubriand]]''.
 
=== L'abandon de la carrière politique et les dernières années ===
« {{cita|Chateaubriand aurait pu être un grand ministre. Je l'explique non point seulement par son intelligence aiguë, mais par son sens et sa connaissance de l'histoire, et par son souci de la grandeur nationale. J'observe également combien il est rare qu'un grand artiste possède des dons politiques à ce degré ».}}
 
[[Charles de Gaulle]] cité par [[Philippe de Saint Robert]] ({{op. cit.}}, {{p.|28 et 29}}).
 
De plus en plus opposé aux partis conservateurs, désabusé sur l'avenir de la monarchie, il se retire des affaires, après la [[Trois Glorieuses|Révolution de 1830]], quittant même la Chambre des Pairs. Il ne signale plus son existence politique que par des critiques acerbes contre le nouveau gouvernement (''De la Restauration et de la Monarchie élective'', 1831), par des voyages auprès de la famille déchue, et par la publication d'un ''Mémoire sur la captivité de la [[Marie-Caroline de Bourbon-Siciles (1798-1870)|duchesse de Berry]]'' (1833), mémoire pour lequel il est poursuivi, mais acquitté. Il publie également en 1831 des ''Études historiques'' (4 vol. in-8º), résumé d'histoire universelle où il veut montrer le christianisme réformant la société. Cet ouvrage aurait dû être le frontispice d'une ''Histoire de France'', méditée depuis longtemps mais abandonnée. À la fin de 1831 il prend le temps d'honorer la [[Révolte des canuts]] toute récente, disant que cette révolte ouvrière annonçaitannonce un temps nouveau<ref>{{Bibliographie|Q68201733|page=31}}</ref>.
 
{{multiple image|image1 =Paris Hôtel particulier (120 rue du Bac) 60.JPG|direction=horizontal|width1 =120|alt1 =|image2 =Plaque Chateaubriand, 120 rue du Bac, Paris 7.jpg|alt2 =|width2 =142|caption2 =|footer ={{numéro avec majuscule|120}} (ex-{{numéro|112}}) [[rue du Bac]] à [[Paris]], où Chateaubriand vécut de 1838 à sa mort. Plaque commémorative sur la façade.}}
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Son dernier ouvrage, une « commande » de son confesseur, sera la ''Vie de Rancé'', une biographie d'[[Armand Jean Le Bouthillier de Rancé]] (1626-1700), abbé mondain, propriétaire du château de Véretz en Touraine, et réformateur rigoureux de la Trappe, qu'il publie en 1844. Dans cette biographie, Chateaubriand égratigne une autre personnalité de Véretz, son contemporain [[Paul-Louis Courier]], le redoutable pamphlétaire qui avait critiqué mortellement le régime de la Restauration soutenu par le vicomte, et brocardé celui-ci dans plusieurs de ses écrits.
 
Le {{date-|11 février 1847}}, Céleste meurt : « {{cita|Je dois une tendre et éternelle reconnaissance à ma femme dont l'attachement a été aussi touchant que profond et sincère. Elle a rendu ma vie plus grave, plus noble, plus honorable, en m'inspirant toujours le respect, sinon toujours la force des devoirs. »}}
 
[[Victor Hugo]] rapporte que « {{cita|M. de Chateaubriand, au commencement de 1847, était paralytique ; {{Mme}} Récamier était aveugle. Tous les jours, à trois heures, on portait M. de Chateaubriand près du lit de {{Mme}} Récamier. [...] La femme qui ne voyait plus cherchait l'homme qui ne sentait plus <ref>{{Ouvrage |langue=fr |auteur1=Victor Hugo |titre=Choses vues, 1847-1848 |éditeur=Gallimard |lieu=Paris |année=1972 |pages totales=505 |passage=p. 48 |isbn=2-07-036047-4}}</ref>. »}}
 
L'ancien secrétaire de Chateaubriand, un certain Pilorge, confia à Victor Hugo que dans les derniers temps de sa vie Chateaubriand était presque tombé en enfance et n'avait plus que deux à trois heures de lucidité par jour <ref>{{Ouvrage |langue=fr |auteur1=Victor Hugo |titre=Choses vues 1847-1848 |éditeur=Gallimard |lieu=Paris |année=1972 |pages totales=505 |passage=p. 214 |isbn=2-07-036047-4}}</ref>.
 
Chateaubriand meurt à [[Paris]] le {{date-|4 juillet 1848}} au [[Rue du Bac|120 rue du Bac]].
 
Ses restes sont transportés à [[Saint-Malo]] et déposés face à la mer, selon son vœu, sur le rocher du [[Grand Bé]], un îlot dans la rade de sa ville natale, auquel on accède à pied depuis Saint-Malo lorsque [[Marée|la mer s'est retirée]].
 
[[Fichier:St-Malo Tombe Chateaubriand 2010.jpg|thumb|center|upright=2|[[Tombeau de Chateaubriand]] face à la mer sur le rocher du [[Grand Bé]].]]
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== Analyse de l’œuvre ==
[[Fichier:David d'Angers - Chateaubriand.jpg|vignette| Buste de l'écrivain François-René de Chateaubriand par le sculpteur David d'Angers (1829)]]
« {{cita|Chateaubriand portait jusqu'à la cime la gloire émouvante de nos lettres ».}} Charles de Gaulle, discours du {{date-|2 février 1969}} à Quimper (''Discours et Messages'', {{t.|V}}, Plon, {{p.|376}}).
 
Par son talent comme par ses excès, Chateaubriand peut être considéré comme le père du [[romantisme]] en France. Ses descriptions de la nature et son analyse des sentiments du ''moi'' en ont ainsi fait un modèle pour la génération des écrivains romantiques. Il a, le premier, formulé le « [[vague des passions]] » qui deviendra un lieu commun du romantisme :
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Sa pensée et ses actions politiques semblent offrir de nombreuses contradictions ; il se voulait à la fois l'ami de la royauté légitime et de la liberté, défendant alternativement celle des deux qui lui semblait être en péril :
 
{{début citation}}Quant à moi, qui suis républicain par nature, monarchiste par raison, et bourbonniste par honneur, je me serais beaucoup mieux arrangé d'une démocratie, si je n'avais pu conserver la monarchie légitime, que de la monarchie bâtarde octroyée de je ne sais qui<ref group=N>On trouve souvent cette citation modifiée sous la forme suivante : l'auteur aurait dit de lui-même qu'il était « {{cita|bourbonien par honneur, monarchiste par raison, républicain par goût et par caractère »}}. La forme première peut se vérifier dans le texte original de ''La Nouvelle Proposition relative au bannissement de Charles X et de sa famille'', notamment en {{p.|26}} de l'édition d'octobre 1831, par Le Normant fils (Paris)</ref>.{{fin citation|{{Ouvrage
|nom1=Chateaubriand
|titre=De la nouvelle proposition relative au bannissement de Charles X et de sa famille
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=== Critique politique ===
 
En 1898, à l'occasion du cinquantenaire de la mort de Chateaubriand, [[Charles Maurras]] porte un jugement sévère sur son engagement politique où il croit lire l'influence néfaste de son âme romantique. Dans sa brochure ''Trois idées politiques : Chateaubriand, Michelet, Sainte-Beuve'', il déplore que certains placent Chateaubriand au panthéon des auteurs [[Légitimisme|légitimistes]] et traditionalistes : {{Citation|[[{{souverain2|Louis XVIII]]}} n'eut pas de plus incommode sujet, ni ses meilleurs ministres de collègue plus dangereux}} ; {{Citation|Race de naufrageurs et de faiseurs d’épaves, oiseau rapace et solitaire, amateur de charniers, Chateaubriand n’a jamais cherché, dans la mort et dans le passé, le transmissible, le fécond, le traditionnel, l’éternel : mais le passé pour le passé, et la mort comme mort, furent ses uniques plaisirs}}. [[Jacques Bainville]] rejoint Maurras dans la condamnation de l'action politique de l'écrivain, au contraire d'[[Emmanuel Beau de Loménie]] {{Incise|dissident de l'[[Action française]]}} qui soutient en 1929 dans sa thèse d'histoire ''La carrière politique de Chateaubriand de 1814 à 1830,'' que {{Citation|Chateaubriand légitimiste et catholique s’[est] consacré [...] à dénoncer la faute que commettaient, selon lui, les Bourbons rétablis sur le trône, en se confiant, dans un esprit de conciliation généreuse mais imprudente, à l’équipe des hommes que leur origine et leur formation destinaient à fournir les cadres des [[Doctrinaires (politique)|doctrinaires du libéralisme]]}}, ce qui déclenche une controverse avec Maurras<ref>{{Article |auteur1=Éric Georgin |titre=Entre volonté et renoncement : la Restauration jugée par Charles Maurras |périodique=[[Fondation Napoléon|Napoleonica, la revue]] |numéro=22 |date=2015 |lire en ligne=https://www.cairn.info/revue-napoleonica-la-revue-2015-1-page-52.htm |pages=52-69 }}</ref>.
 
=== Citations ===
* [[Victor Hugo]] se serait exclamé, étant enfant : {{citation|Je veux être Chateaubriand ou rien !}}<ref group=N>''Victor Hugo raconté par un témoin de sa vie'', Adèle Hugo, 1863. La phrase aurait été notée dans un cahier d'écolier. Il aurait écrit ces mots à la suite d'un concours de poésie perdu {{incise|le jury ne pouvant croire qu'un individu si jeune ait réalisé un tel poème|stop}}.</ref>. En revanche, en {{date-|février 1868}}, Hugo reconnaît devant [[Paul Stapfer]] que {{citation|Chateaubriand est plein de choses magnifiques}} et qu’il {{citation|a déployé dans les ''[[Mémoires d'outre-tombe|Mémoires d’outre-tombe]]'' un immense talent}}, mais il confie aussi que {{citation|c’était la personnification de l’égoïsme, un homme sans amour de l’humanité, une nature odieuse}}<ref>{{Ouvrage |langue=fr |auteur1=Paul Stapfer |titre=Victor Hugo à Guernesey |éditeur=Forgotten Books |année= |pages totales=247 |passage=133 |isbn=978-0-282-87496-4}}</ref>.
* [[Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord|Talleyrand]] a dit de Chateaubriand : {{citation|Monsieur de Chateaubriand croit qu'il devient sourd car il n'entend plus parler de lui}}. Et Chateaubriand a dit de Talleyrand : {{citation|Ses yeux étaient ternes, de sorte qu’on avait peine à y lire, ce qui le servait bien ; comme il avait reçu beaucoup de mépris, il s’en était imprégné, et il l’avait placé dans les deux coins pendants de sa bouche}}.
* [[Arthur Mugnier]] : {{citation|Oh ! Être dans un vieux château assis près d'un bon feu avec des fenêtres donnant sur de grands et vieux arbres moussus et lire seul, tranquillement toute une correspondance intime et inédite de Chateaubriand ! Ce serait une volupté suprême}}<ref>Abbé Arthur Mugnier, ''Journal'', {{date-|14 février 1930}} (Mercure de France, 1985, {{p.|514}}).</ref>.
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==== Éditions des ouvrages de Chateaubriand ====
===== Publications anciennes =====
* Outre de nombreuses éditions de chacun des ouvrages séparés de Chateaubriand, il a été fait plusieurs éditions de ses ''Œuvres complètes'', dont celle de [[Pierre-François Ladvocat]], en {{nobr|31 volumes}} in-8°, Paris, 1826-1831, revue par l'auteur même, qui y a joint des éclaircissements et des notes critiques, et l'a enrichie de quelques œuvres inédites (les ''Abencérages'', les ''Natchez'', ''Moïse'', tragédie, des poésies diverses, des discours politiques) ; et celle de [[Charles Gosselin (éditeur)|Charles Gosselin]], {{nobr|25 volumes}} in-8°, 1836-1838, contenant également le ''Congrès de Vérone'', un ''Essai sur la littérature anglaise'', une traduction du ''[[Le Paradis perdu (John Milton)|Paradis perdu]]'' de [[John Milton]].
* Édition en {{nobr|36 volumes}} aux Éditions Pourrat Frères en 1837, comprenant {{nobr|tome 32}} une table détaillée des matières avec une table analytique. Les volumes contiennent les différentes préfaces de l'auteur.
 
===== Publications modernes =====
* ''Œuvres complètes'' sous la direction de Béatrice Didier. En cours de publication aux, [[Éditions Honoré Champion]], 2021 :
** Tome I-II. Présentation des Œuvres complètes par Béatrice Didier. Préface de Chateaubriand (Ladvocat, t. XVI). Édition établie par Aurelio Principato et Emmanuelle Tabet. ''Essai sur les révolutions'' (Ladvocat, t. I-II). Édition établie par Aurelio Principato avec la collaboration de Laura Brignoli, Vanessa Kamkhagi, Cristina Romano et Emmanuelle Tabet. 2009. 1376 p., relié, 15 x {{Unité|22|cm}}. {{ISBN|978-2-7453-1737-7}};
** Tome VI-VII. ''Voyage en Amérique''. Texte établi, présenté et annoté par Henri Rossi. ''Voyage en Italie, Cinq jours à Clermont, Le Mont-Blanc''. Textes établis, présentés et annotés par Ph. Antoine. 2008. 896 p., rel. 978-2-7453-1691-2;