« Ludwig Wittgenstein » : différence entre les versions

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À cette date, il revient à [[Cambridge]] sur l’insistance de [[Bertrand Russell]] et [[George Edward Moore|George Moore]], et critique les principes de son premier traité. Il développe alors une nouvelle méthode philosophique et propose une nouvelle manière d’appréhender le langage, développée dans sa seconde grande œuvre, ''[[Investigations philosophiques]]'', publiée, comme nombre de ses travaux, après sa mort. Cette [[autocritique]] sévère est rare dans l’[[histoire de la philosophie]], voire quasi inexistante, faisant de Wittgenstein, au même titre que [[Platon]], un exemple de remise en question de sa propre pensée.
 
Son œuvre a eu {{incise|et conserve}} une influence majeure sur le courant de la [[philosophie analytique]], et plus récemment en [[anthropologie]], eten [[ethnométhodologie]]<ref name="sc">Salgues Camille, « Un nouveau Wittgenstein encore inapprochable » Le rôle et la place du philosophe dans l’anthropologie, L’Homme, 2008/3 {{numéro|187-188}}, {{p.|201-222}}. [http://www.cairn.info/revue-l-homme-2008-3-page-201.htm : (texte en ligne)]</ref> [[La philosophie postanalytique|et la philosophie postanalytique]]. Il est parfois considéré comme ayant dissous la tradition analytique de l'intérieur, de manière préemptive<ref>{{Lien web |langue=en |titre=Rupert Read |url=https://research-portal.uea.ac.uk/en/persons/rupert-read |site=University of East Anglia |consulté le=2022-05-26}}</ref>{{,}}<ref>{{Ouvrage|prénom1=Alice|nom1=Crary|prénom2=Rupert J.|nom2=Read|titre=The new Wittgenstein|éditeur=Routledge|date=2000|isbn=0-585-45260-1|isbn2=978-0-585-45260-9|isbn3=0-203-44940-1|oclc=52694429|lire en ligne=https://www.worldcat.org/oclc/52694429|consulté le=2022-05-26}}</ref>{{,}}<ref>Le lecteur désireux de saisir en détail l'ontologie du ''[[Tractatus logico-philosophicus]]'' peut se référer à sa page.</ref>. Dans un premier temps, le ''Tractatus'' a influencé son ancien professeur Bertrand Russell, mais surtout les [[empirisme logique|néopositivistes]] du [[Cercle de Vienne]], même si Wittgenstein considérait que ceux-ci commettaient de graves contresens sur la signification de sa pensée. Les deux « époques » de sa pensée ont profondément marqué nombre de ses élèves et d'autres philosophes. Sa pensée subséquente est souvent comparée au [[Post-structuralisme|post-structuralisme français]] et au [[Pragmatisme|pragmatisme américain]]<ref>{{Chapitre|titre chapitre=Deconstruction, Pragmatism, Hegemony|titre ouvrage=Deconstruction and Pragmatism|éditeur=Routledge|date=2003-09-02|isbn=978-0-203-43148-1|lire en ligne=http://dx.doi.org/10.4324/9780203431481-11|consulté le=2022-05-26|passage=57–78}}</ref>{{,}}<ref>{{Ouvrage|prénom1=Ludwig|nom1=Nagl|prénom2=Chantal|nom2=Mouffe|titre=The legacy of Wittgenstein : pragmatism or deconstruction|éditeur=Peter Lang|date=2001|isbn=978-3-653-01928-5|isbn2=3-653-01928-1|oclc=812911703|lire en ligne=https://www.worldcat.org/oclc/812911703|consulté le=2022-05-26}}</ref>{{,}}<ref>{{Ouvrage|prénom1=Stanley|nom1=Cavell|titre=Philosophical passages : Wittgenstein, Emerson, Austin, Derrida|éditeur=Blackwell|date=1995|isbn=0-631-19269-7|isbn2=978-0-631-19269-5|isbn3=0-631-19271-9|oclc=30318706|lire en ligne=https://www.worldcat.org/oclc/30318706|consulté le=2022-05-26}}</ref>{{,}}<ref>{{Chapitre|prénom1=Martin|nom1=Stone|titre chapitre=WITTGENSTEIN ON DECONSTRUCTION|titre ouvrage=THE NEW WITTGENSTEIN|éditeur=Taylor & Francis|lire en ligne=http://dx.doi.org/10.4324/9780203449400_chapter_5|consulté le=2022-05-26|passage=83}}</ref>.
 
== Biographie ==
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==== Rencontre de Russell et de la philosophie des mathématiques ====
[[Fichier:Ludwig_Wittgenstein_1910.jpg|vignette|Wittgenstein, dans les années 1910.|gauche]]
{{section en travaux|date=26 novembre 2022}}
[[Fichier:Ludwig_Wittgenstein_1910.jpg|vignette|Wittgenstein, dans les années 1910.]]
Suivant les conseils de Frege, Wittgenstein se rend à Cambridge rencontrer Bertrand Russell. Dans sa correspondance avec [[Ottoline Morrell]], Russell fait part de ses impressions et ses sentiments, rapporte leurs échanges, et ce dès le premier jour{{note|groupe=n|texte=Voir les nombreux extraits dans {{Harvsp|Monk|2021}}, {{Harvsp|McGuinness|1991}}, {{Harvsp|Eames|1989}}; l’autobiographie de Russell en contient également ({{Harvsp|Russell|2012}}).
Monk souligne que le récit contenu dans cette correspondance {{citation|tempère utilement certaines anecdotes que Russell raconterait plus tard, lorsque le plaisir d’une bonne histoire l’aurait emporté chez lui sur le souci d’exactitude{{sfn|Monk|2021|p=47-48}}.}}}}{{,}}{{sfn|McGuinness|1991|p=119}}. Le 18 octobre 1911, il écrit : {{citation bloc|un Allemand inconnu est arrivé, parlant très mal l’anglais mais refusant de parler allemand. Il a fait des études d’ingénieur à Charlottenburg, pendant lesquelles il s’est découvert une passion pour la philosophie des mathématiques et il est venu exprès à Cambridge suivre mes cours{{sfn|Monk|2021|p=49}}.}}
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==== Club des sciences morales et apôtres de Cambridge ====
{{article détaillé|Club des sciences morales de Cambridge}}
En 1912, Wittgenstein rejoint le [[Club des sciences morales de Cambridge]]<ref>{{ouvrage|titre=Ludwig Wittgenstein : Public and Private Occasions|éditeur=Rowman & Littlefield|année=2003|page=332}}</ref>{{,}}{{Sfn|Chauviré|2019|p=47}}, dont il prend rapidement la direction ; il cesse un temps de s'y rendre au début des années 1930 après des plaintes selon lesquelles il ne laisse à personne d'autre la possibilité de s'exprimer{{sfn|Edmonds|Eidinow|2001|pp=22-28}}.[[Fichier:15._David_Pinsent.jpg|vignette|268x268px|[[David Pinsent]], ami de Ludwig rencontré à Cambridge.|gauche]]
[[Fichier:10._Ludwig_Wittgenstein,_aged_about_eighteen.jpg|gauche|vignette|Ludwig Wittgenstein, âgé d'environ dix-huit ans.]]
 
En 1912, Wittgenstein rejoint le [[Club des sciences morales de Cambridge]]<ref>{{ouvrage|titre=Ludwig Wittgenstein : Public and Private Occasions|éditeur=Rowman & Littlefield|année=2003|page=332}}</ref>{{,}}{{Sfn|Chauviré|2019|p=47}}, dont il prend rapidement la direction ; il cesse un temps de s'y rendre au début des années 1930 après des plaintes selon lesquelles il ne laisse à personne d'autre la possibilité de s'exprimer{{sfn|Edmonds|Eidinow|2001|pp=22-28}}.
Le club est devenu tristement célèbre en raison d'une réunion tenue le 25 octobre 1946 au [[King's College (Cambridge)|King's College]]. [[Karl Popper]] y tient un discours intitulé « Existe-t-il des problèmes philosophiques ? », prenant alors position contre Wittgenstein. Il existe selon Popper des problèmes en philosophie qui sont plus que des clarifications logiques et linguistiques, comme le soutenait Wittgenstein. Wittgenstein aurait commencé à agiter un tisonnier brûlant, exigeant que Popper lui donne un exemple de règle morale. Popper lui en propose un – « Ne pas menacer les conférenciers de passage avec des tisonniers » – Russell dit alors à Wittgenstein qu'il avait mal compris et Wittgenstein quitte la réunion « en trombe »<ref>{{article|nom1=Eidinow|prénom1=John|nom2=Edmonds|prénom2=David|url=https://www.theguardian.com/books/2001/mar/31/artsandhumanities.highereducation|titre=When Ludwig met Karl ...|journal=The Guardian|date=31 mars 2001}}</ref>{{,}}<ref>{{article|url=https://www.theguardian.com/books/2001/nov/21/guardianfirstbookaward2001.gurardianfirstbookaward|titre=Wittgenstein's Poker de David Edmonds et John Eidinow|nature article=Guardian first book award 2001|journal=The Guardian|date=21 novembre 2001}}</ref>.[[Fichier:15._David_Pinsent.jpg|vignette|268x268px|[[David Pinsent]], ami de Ludwig rencontré à Cambridge.]]L'économiste [[John Maynard Keynes]] l'a également invité à rejoindre les [[Cambridge Apostles|Apôtres de Cambridge]], une société secrète formée en 1820, à laquelle Bertrand Russell et [[G. E. Moore]] avaient adhéré en tant qu'étudiants ; Wittgenstein ne s'y est pas beaucoup plu et n'y a participé que rarement. Russell craignait que Wittgenstein n'apprécie pas le style tapageur et humouristique des débats intellectuels, et le fait que les mœurs sentimentales y soient libres{{sfn|McGuinness|1988|p=118}}. Il est admis en 1912 mais démissionne presque immédiatement. Néanmoins, les apôtres de Cambridge ont permis à Wittgenstein de participer à nouveau aux réunions dans les années 1920, lorsqu'il est revenu à [[Cambridge]]. Il semblerait que Wittgenstein ait également eu du mal à tolérer les discussions du club des sciences morales de Cambridge.
 
L'économiste [[John Maynard Keynes]] l'a également invité à rejoindre les [[Cambridge Apostles|Apôtres de Cambridge]], une société secrète formée en 1820, à laquelle Bertrand Russell et [[G. E. Moore]] avaient adhéré en tant qu'étudiants ; Wittgenstein ne s'y est pas beaucoup plu et n'y a participé que rarement. Russell craignait que Wittgenstein n'apprécie pas le style tapageur et humouristique des débats intellectuels, et le fait que les mœurs sentimentales y soient libres{{sfn|McGuinness|1988|p=118}}. Il est admis en 1912 mais démissionne presque immédiatement. Néanmoins, les apôtres de Cambridge ont permis à Wittgenstein de participer à nouveau aux réunions dans les années 1920, lorsqu'il est revenu à [[Cambridge]]. Il semblerait que Wittgenstein ait également eu du mal à tolérer les discussions du club des sciences morales de Cambridge.
 
Le club est devenu tristement célèbre en raison d'une réunion tenue le 25 octobre 1946 au [[King's College (Cambridge)|King's College]]. [[Karl Popper]] y tient un discours intitulé « Existe-t-il des problèmes philosophiques ? », prenant alors position contre Wittgenstein. Il existe selon Popper des problèmes en philosophie qui sont plus que des clarifications logiques et linguistiques, comme le soutenait Wittgenstein. Wittgenstein aurait commencé à agiter un tisonnier brûlant, exigeant que Popper lui donne un exemple de règle morale. Popper lui en propose un – « Ne pas menacer les conférenciers de passage avec des tisonniers » – Russell dit alors à Wittgenstein qu'il avait mal compris et Wittgenstein quitte la réunion « en trombe »<ref>{{article|nom1=Eidinow|prénom1=John|nom2=Edmonds|prénom2=David|url=https://www.theguardian.com/books/2001/mar/31/artsandhumanities.highereducation|titre=When Ludwig met Karl ...|journal=The Guardian|date=31 mars 2001}}</ref>{{,}}<ref>{{article|url=https://www.theguardian.com/books/2001/nov/21/guardianfirstbookaward2001.gurardianfirstbookaward|titre=Wittgenstein's Poker de David Edmonds et John Eidinow|nature article=Guardian first book award 2001|journal=The Guardian|date=21 novembre 2001}}</ref>.[[Fichier:15._David_Pinsent.jpg|vignette|268x268px|[[David Pinsent]], ami de Ludwig rencontré à Cambridge.]]L'économiste [[John Maynard Keynes]] l'a également invité à rejoindre les [[Cambridge Apostles|Apôtres de Cambridge]], une société secrète formée en 1820, à laquelle Bertrand Russell et [[G. E. Moore]] avaient adhéré en tant qu'étudiants ; Wittgenstein ne s'y est pas beaucoup plu et n'y a participé que rarement. Russell craignait que Wittgenstein n'apprécie pas le style tapageur et humouristique des débats intellectuels, et le fait que les mœurs sentimentales y soient libres{{sfn|McGuinness|1988|p=118}}. Il est admis en 1912 mais démissionne presque immédiatement. Néanmoins, les apôtres de Cambridge ont permis à Wittgenstein de participer à nouveau aux réunions dans les années 1920, lorsqu'il est revenu à [[Cambridge]]. Il semblerait que Wittgenstein ait également eu du mal à tolérer les discussions du club des sciences morales de Cambridge.
Wittgenstein n'a pas hésité à rendre compte de sa dépression pendant ses années à Cambridge. Russell écoute ses angoisses à maintes reprises, qui semblaient provenir de deux sources : son travail et sa vie personnelle{{sfn|Monk|1990|p=76}}. Ce dernier rapporte que Ludwig
 
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==== L'incident Haidbauer à Otterthal ====
[[Fichier:29. Wittgenstein with his pupils in Puchberg am Schneeberg.jpg|gauche|vignette|254x254px|Photographie de Wittgenstein (''septième en partant de la droite'') et ses élèves, prise à [[Puchberg am Schneeberg|Puchberg]] au printemps 1923.]]
[[Fichier:31._Wittgenstein,_1925.jpg|vignette|Wittgenstein, 1925]]
Il change à nouveau d'école en septembre [[1924]], cette fois à [[Otterthal]], près de Trattenbach. Wittgenstein y écrit alors un dictionnaire de prononciation et d'orthographe de 42 pages pour enfants, ''Wörterbuch für Volksschulen'', publié à Vienne en 1926, le seul de ses livres en dehors du ''Tractatus'' qui a été publié de son vivant{{Sfn|Monk|1993|p=225}}.
 
Un incident, dit d'''Haidbauer'', se produit en avril [[1926]]. Josef Haidbauer est un élève de {{nobr|11 ans}} dont le père est décédé et dont la mère travaille comme femme de ménage. Il apprenait selon Wittgenstein trop lentement ce qui l'a un jour amené à le frapper deux ou trois fois à la tête, provoquant l'effondrement du jeune Josef. Wittgenstein l'a porté jusqu'au bureau du directeur, puis a rapidement quitté l'école{{Sfn|Monk|1993|p=232-233}}.
 
[[Fichier:29. Wittgenstein with his pupils in Puchberg am Schneeberg.jpg|gauche|vignette|254x254px|Photographie de Wittgenstein (''septième en partant de la droite'') et ses élèves, prise à [[Puchberg am Schneeberg|Puchberg]] au printemps 1923.]]
Un villageois qui était alors présent a essayé de faire arrêter Wittgenstein le jour même, mais le poste de police était vide. Wittgenstein a disparu le lendemain. Des poursuites ont été engagées en mai, et le juge a ordonné une expertise psychiatrique{{sfn|Waugh|2008|p=162}}{{,}}{{Sfn|Monk|1993|p=232-233}}. Dix ans plus tard, en 1936, Wittgenstein s'est présenté sans prévenir au village voulant se confesser personnellement et demander pardon aux enfants qu'il avait frappés{{sfn|Monk|1993|pp=379}}.
 
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== L'antiphilosophie de Wittgenstein ==
[[Fichier:Ludwig_Wittgenstein,_Pencil_on_board.jpg|vignette|{{Citation|Toutes les bonnes doctrines sont inutiles. Vous devez changez votre vie.}}]]
L'originalité de la philosophie de Ludwig Wittgenstein le distingue d’une pratique philosophique « classique ». Sa conception de l'investigation philosophique est hétérodoxe, ce n'est pas une discipline théorique qui consisterait à élaborer des ''thèses philosophiques''<ref>{{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Denis|nom1=Perrin|prénom2=Ludovic|nom2=Soutif|titre=Wittgenstein en confrontation|passage=13|lieu=Paris|éditeur=[[Éditions L'Harmattan]]|année=2011|pages totales=232|isbn=978-2-296-54398-0|lire en ligne=https://books.google.fr/books?id=El7WaC1NlFwC&pg=PA13}}</ref>. À la proposition 4.112 de son ''Tractatus'', Wittgenstein écrit : {{citation|La philosophie n’est pas une doctrine, mais une activité.}}. Son rapport antiprofessionel à l'université, qui est sa vie durant un repoussoir autant qu'un refuge, explique que le ''Tractatus'', publié en 1922, soit la seule œuvre philosophique diffusée de son vivant{{Sfn|Chauviré|2019|p=26}}. Ainsi le philosophe [[Alain Badiou]] parle-t-il à son propos d'''antiphilosophie''{{sfn|Badiou|2017|p=7}}''.''
 
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L'article adopte une présentation relativement chronologique de la pensée de Wittgenstein. D'une part cela permet une exposé évolutif de ses concepts philosophiques, éthiques, esthétiques et mathématiques ; d'autre part expliquer quelles déterminations affectives et historiques amènent Wittgenstein à ce projet philosophique. [[Christiane Chauviré]], spécialiste de Wittgenstein, précise que l'étude anglo-saxonne du philosophe a longtemps été limitée au commentaire analytique, centré sur son [[atomisme logique]] et sa pensée du [[Fondements des mathématiques|fondement des mathématiques]]{{Sfn|Chauviré|2019|p=27}}. Selon Chauviré dans sa biographie ''Ludwig Wittgenstein'', il est impossible de dissocier l'homme du philosophe, « la vie ''fait partie'' de l'œuvre. »{{sfn|Chauviré|2019|p=28}}.
 
Les travaux de Wittgenstein sont couramment scindés en deux parties par ses commentateurs : le « premier Wittgenstein », qui correspond au ''[[Tractatus logico-philosophicus|Tractatus]]'' et le « second Wittgenstein », pour ses écrits philosophiques postérieurs à 1929<ref>Voir par exemple les ouvrages mentionnant particulièrement cette dichotomie dans leur titre même, et dont {{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Sébastien|nom1=Gandon|titre=Logique et langage|sous-titre=Etudes sur le premier Wittgenstein|éditeur=Vrin|année=2002|pages totales=274|isbn=978-2-7116-1553-7|présentation en ligne=https://books.google.fr/books?id=YImADNt8X54C&printsec=frontcover}}.</ref>. Toutefois, cette analyse chronologique duale est en fait contestée, voire récusée par un certain nombre de contemporains<ref>dont [[James F. Conant]], [[Cora Diamond]] ; voir [[Ludwig Wittgenstein#Le Wittgenstein du milieu en débat]].</ref>. Chauviré préciseconsidère que la philosophie seconde de Wittgenstein n'est que la continuation déguisée de sa première philosophie{{sfn|Chauviré|2019|p=28}}{{,}}<ref group="n">Si la suite de l'article opère une organisation en deux ou trois périodes philosophiquephilosophiques, c'est pour mieux saisir la continuité de la pensée de Wittgenstein, et ses ruptures.</ref> ; Badiou récuse la seconde philosophie, dans la mesure où les {{Citation|les mathématiques sont méprisées et réduites [...] à un jeu d'enfant.}}{{Sfn|Badiou|2017|p=12}}.
 
Wittgenstein lui-même, s'il a été très critique de sa première philosophie lors de l'essai de parution avorté des ''[[Investigations philosophiques|Recherches philosophiques]]'' {{Incise|ouvrage duquel il n'a pas réussi à donner la forme d'un traité, et sera publié deux ans après sa mort}}, voulait qu'il soit publié conjointement au ''Tractatus'' sans quoi sa deuxième philosophie serait, comme le fut la première<ref group=n>Voir la section dédiée sur la réception du [[#Influence et réception|Cercle de Vienne]].</ref>, incomprise.
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* À chaque forme de vie correspond un ''[[jeu de langage]]'', c'est-à-dire une façon d'utiliser le langage dans une certaine perspective et selon certaines règles qui déterminent le sens des mots.
* Les problèmes philosophiques proviennent de confusions et d'interférences entre des [[jeux de langage]] différents.
Sa pensée subséquente est parfois comparée au [[Post-structuralisme|post-structuralisme français]] et au [[Pragmatisme|pragmatisme américain]]<ref>{{Chapitre|titre chapitre=Deconstruction, Pragmatism, Hegemony|titre ouvrage=Deconstruction and Pragmatism|éditeur=Routledge|date=2003-09-02|isbn=978-0-203-43148-1|lire en ligne=http://dx.doi.org/10.4324/9780203431481-11|consulté le=2022-05-26|passage=57–78}}</ref>{{,}}<ref>{{Ouvrage|prénom1=Ludwig|nom1=Nagl|prénom2=Chantal|nom2=Mouffe|titre=The legacy of Wittgenstein : pragmatism or deconstruction|éditeur=Peter Lang|date=2001|isbn=978-3-653-01928-5|isbn2=3-653-01928-1|oclc=812911703|lire en ligne=https://www.worldcat.org/oclc/812911703|consulté le=2022-05-26}}</ref>{{,}}<ref>{{Ouvrage|prénom1=Stanley|nom1=Cavell|titre=Philosophical passages : Wittgenstein, Emerson, Austin, Derrida|éditeur=Blackwell|date=1995|isbn=0-631-19269-7|isbn2=978-0-631-19269-5|isbn3=0-631-19271-9|oclc=30318706|lire en ligne=https://www.worldcat.org/oclc/30318706|consulté le=2022-05-26}}</ref>{{,}}<ref>{{Chapitre|prénom1=Martin|nom1=Stone|titre chapitre=WITTGENSTEIN ON DECONSTRUCTION|titre ouvrage=THE NEW WITTGENSTEIN|éditeur=Taylor & Francis|lire en ligne=http://dx.doi.org/10.4324/9780203449400_chapter_5|consulté le=2022-05-26|passage=83}}</ref>.
 
==== Critique et dépassement de sa première philosophie ====
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=== Le Wittgenstein du milieu en débat ===
[[Fichier:1031._Ludwig_Wittgenstein_Wittgenstein,_aged_about_eighteen_1925.jpg|gauche|vignette|Ludwig Wittgenstein, âgé d'environphotographié dix-huiten ans1925.]]
Il est à noter, comme déjà mentionné, que la distinction conceptuelle des deux Wittgenstein, que l'on pensait à l'origine être clairement délimitée, a été revue et débattue à plusieurs reprises. La tendance étant, en France du moins{{Note|texte={{citation| La seconde [philosophie de Wittgenstein] n'est que la continuation déguisée de la première.|{{Harvsp|Chauviré|2019|p=28}}}}}}, à une vision qui tend à la continuité plutôt qu'à une nette rupture philosophique. Il n'est de même pas clairement établi de période qui correspondrait à un « entre-deux » {{Incise|la période du milieu s'étale en moyenne de 1920 aux années 1930, Wittgenstein retournant à Cambridge en 1929|v}}{{Sfn|Biletzki|Matar|5=2021|loc=''4. The Middle Wittgenstein''}}. Les travaux portant sur le Wittgenstein du milieu sont de plus en plus nombreux dans la mesure où les relations entre la pensée du Wittgenstein du début et celui de la fin prennent de l'ampleur dans la recherche sur Wittgenstein{{Sfn|Biletzki|Matar|5=2021|loc=''4. The Middle Wittgenstein''}}.
 
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=== Éducation chrétienne ===
[[Fichier:10._Ludwig_Wittgenstein,_aged_about_eighteen.jpg|vignette|Ludwig Wittgenstein, âgé d'environ dix-huit ans.|gauche]]
Wittgenstein est [[baptisé]] nourrisson par un prêtre catholique et reçoit l'enseignement du catéchisme, comme cela est courant à l'époque<ref name="MW" />. Dans une interview, sa sœur Gretl Stonborough-Wittgenstein déclare que le « [[christianisme]] fort, sévère et partiellement ascétique » de leur grand-père a fortement influencé tous les enfants Wittgenstein<ref>Stonborough-Wittgenstein, Gretl, ''in'' « Portraits of Wittgenstein », ''Flowers & Ground''.</ref>.
 
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== Influence et réception ==
Wittgenstein a dans l'histoire de la pensée contemporaine une place de premier plan, tant ses quelques écrits {{Incise|rappelons que seule trois oeuvres furent publiées de son vivant}} ont eu échos et répercussions. Son influence est notable en [[philosophie du langage]], des [[Philosophie des sciences|sciences]], de l'[[esthétique]] ou encore en [[philosophie politique]] et en [[sciences sociales]]. Plus largement, ses rapports à la [[linguistique]], l'[[Ethnologie|éthnologie]], l'[[anthropologie]]<ref>{{Article|prénom1=Talal|nom1=Asad|titre=Thinking about Religion through Wittgenstein|périodique=Critical Times|volume=3|numéro=3|date=2020-12-01|issn=2641-0478|doi=10.1215/26410478-8662304|lire en ligne=https://doi.org/10.1215/26410478-8662304|consulté le=2022-05-26|pages=403–442}}</ref>, la [[psychanalyse]] et la [[psychologie]], ou la [[théologie]] sont aussi étudiés. Sa méthode philosophique, qui se veut concrète et conséquente, méfiante à l'égard des thèses et parfois d'une grande abstraction, note son biographe McGuiness, est une des premières à instaurer l'utilisation systématique d'analogies et exemples directement au service de sa pensée{{Sfn|Gil|1990|p=75}}.
 
La réception de l’œuvre du philosophe en France est tardive. Si l'influence dans les milieux anglo-saxons fut rapide, notamment grâce au [[Cercle de Vienne]], presque aucune mention n'est faite du ''[[Tractatus logico-philosophicus]]'' dans l'[[Hexagone (France)|hexagone]] au moment de sa publication pendant l'[[Entre-deux-guerres|entre- deux-guerres]]{{Note|groupe=n|texte=Seul un article de [[jean Cavaillès]] le mentionne en 1935{{sfn|Gil|1990|p=175|loc=in ''Incompréhension du Tractatus en France'' par F. Schmitz}} (« L'École de Vienne au congrès de Prague »)}}. Ce n'est qu'avec sa première traduction {{Incise|qui vient après son homologue chinois, italien, espagnol, et même yougoslave}} en français en 1961 et les travaux de [[Léon Brunschvicg]] et [[Jean Cavaillès]] que l'intérêt grandit{{sfn|Gil|1990|p=175-176|loc=in ''Incompréhension du Tractatus en France'' par F. Schmitz}}. Une fois reconnu, sa philosophie et en particulier le ''Tractatus'' a donné lieu à de nombreuses interprétations<ref name="Malherbe">{{article|prénom1=Jean-François|nom1=Malherbe|lien auteur=Jean-François Malherbe|titre=Interprétations en conflit à propos du « Traité » de Wittgenstein|périodique=[[Revue philosophique de Louvain]], Tome 76|numéro=30|année=1978|doi=10.3406/phlou.1978.5980|url=http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/phlou_0035-3841_1978_num_76_30_5980|passage=180-204}}</ref>, parfois difficilement conciliable<ref name="RIP" />.
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La « seconde philosophie de Wittgenstein », celle des ''[[Investigations philosophiques]]'', a aussi inspiré des chercheurs en sciences sociales. Mais déplacées du « jeu de langage » de la philosophie dans ceux des sciences sociales, les ressources wittgensteiniennes ont été prises dans d’autres usages, revêtant ainsi des significations diverses, parfois contradictoires comme le ''Tractatus''<ref name=Malherbe/>.
 
La « seconde philosophie de Wittgenstein » a ainsi alimenté l'[[ethnométhodologie]], courant de la sociologie américaine incarné notamment par [[Harold Garfinkel]] et [[Aaron Cicourel]], puis dans son sillage des sociologies de l'action et de la cognition<ref>Pour une vue d'ensemble, voir [[Albert Ogien]], ''Les formes sociales de la pensée. La sociologie après Wittgenstein'', Paris, Armand Colin, 2007.</ref>{{,}}<ref name="sc">Salgues Camille, « Un nouveau Wittgenstein encore inapprochable » Le rôle et la place du philosophe dans l’anthropologie, L’Homme, 2008/3 {{numéro|187-188}}, {{p.|201-222}}. [http://www.cairn.info/revue-l-homme-2008-3-page-201.htm : (texte en ligne)]</ref>. Sa philosophie des formes de vie et des usages ordinaires a également constitué un référent dans la constitution de sa sociologie de la pratique par [[Pierre Bourdieu]]<ref>Voir notamment [[Pierre Bourdieu]], ''Le Sens pratique'', Paris, Minuit, 1980.</ref>. Sa critique du [[substantialisme]] dans ''[[Cahier bleu et Cahier brun|Le Cahier bleu]]'' (caractérisé comme la recherche « d'une substance qui réponde à un substantif ») a par ailleurs marqué la [[Constructivisme social|sociologie]] [[Constructivisme (épistémologie)|constructiviste]] des groupes sociaux, telle qu'elle a notamment été initiée en France par [[Luc Boltanski]]<ref>Voir [[Luc Boltanski]]. ''Les cadres. La formation d'un groupe social'', Paris, Minuit, 1982.</ref>. Plus largement, elle a instruit une vigilance envers les tentations de substantialisation des objets sociaux dans les sciences sociales<ref>Pour un panorama, voir [[Philippe Corcuff]], ''Les Nouvelles Sociologies'', Paris, Nathan, collection « 128 », 1995; Paris, Armand Colin, collection « 128 », 2007, {{2e|édition}} refondée.</ref>.
 
Le sociologue des sciences [[David Bloor]] s'est référé, de manière appuyée et controversée, sur le commentaire de Wittgenstein sur ce qu'est « suivre une règle » pour légitimer ses positions relativistes<ref>[[David Bloor]], ''Wittgenstein. {{langue|en|texte=A Social Theory of Knowledge}}'', Londres, Macmillian Press, 1983. Pour une critique de sa lecture de Wittgenstein, voir par ex. [[Pierre Bourdieu]], « Wittgenstein, le sociologisme et la science sociale », in Jacques Bouveresse, Sandra Laugier & Jean-Jacques Rosat, eds, ''Wittgenstein, dernières pensées'', Marseille, Agone, 2002.</ref>.
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