« Franc-maçonnerie durant la Première Guerre mondiale » : différence entre les versions

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==== Autriche-Hongrie ====
{{loupe|Autriche-Hongrie dans la Première Guerre mondiale}}
La franc-maçonnerie en [[Autriche-Hongrie]] a un positionnement original. Elle est interdite en [[Royaumes et pays représentés à la Diète d'Empire|Autriche]], mais tolérée au travers de clubs para-maçonniques ;paramaçonniques, les tentatives de légalisation ayant échoué, les élites et l'aristocratie sont absentes des loges, qui se constituent toutefois à la frontière de la [[Pays de la Couronne de saint Étienne|Hongrie]]{{sfn|Yves Hivert-Messeca|2016|p=65|id=HB|group=H}}. En effet, elle est par contretoutefois légale et active en Transleithanie{{sfn|Yves Hivert-Messeca|2016|p=65|id=HB|group=H}}. La principale obédience est la Grande Loge symbolique de Hongrie, qui compte en 1914, une centaine de loges et {{unité|6000|membres}} de tendance modérée et libérale, plutôt attachée à la [[Habsbourg Lorraine|dynastie]]{{sfn|Yves Hivert-Messeca|2016|p=67|id=HB|group=H}}. Lors de l'éclatement du conflit, elle se rallie largement à la politique de la [[Autriche-Hongrie|double monarchie]]{{sfn|Yves Hivert-Messeca|2016|p=68|id=HB|group=H}}.
 
==== Royaume-Uni ====
{{loupe|Royaume-Uni dans la Première Guerre mondiale}}
Le [[Royaume-Uni]] entre en guerre en [[Août 1914 (guerre mondiale)|{{date-|août 1914}}]]. Dès le {{date-|29 août}}, la revue {{lang|en|''The Freemason''}} lance un appel à l'engagement : {{Citation|Le Roi et le pays ont besoin de vous. Appel aux armes}}, qui est largement entendu et suivi{{sfn|Yves Hivert-Messeca|2016|p=57|id=HB|group=H}}. Toutefois, le conflit ne modifie que partiellement les relations inter-obédientielles ;, les obédiences britanniques rompent avec les obédiences des pays ennemis. En 1915, une résolution concernant les membres nés sur le sol germanique est adoptée : elle vise à les exclure, même s'ils sont naturalisés{{sfn|Yves Hivert-Messeca|2016|p=58|id=HB|group=H}}. La guerre restreint aussi les créations de loges : de {{unité|70|créations}} entrede 1910 età 1913, il ne s'en crée plus que 20 à 30 par an entrede 1914 età 1917{{sfn|Yves Hivert-Messeca|2016|p=59|id=HB|group=H}}.
 
==== Autres pays européens ====
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Au-delà des grandes puissances européennes, d'autres nations entrent en conflit.
 
La [[Belgique]] le fait contre sa volonté, car l'[[Empire allemand]] viole sa neutralité en envahissant le pays. L'armée allemande est accusée de nombreuses exactions. En [[Septembre 1914 (guerre mondiale)|{{date-|septembre 1914}}]], le sénateur libéral [[Charles Magnette]], en tant quecomme nouveau grand-maître du [[Grand Orient de Belgique]], écrit à toutes les obédiences maçonniques allemandes pour protester et rappeler que si les francs-maçons sont redevables à leur patrie, rien ne justifie l'abandon des valeurs humanistes transnationales. Il propose la mise en place d'une commission pour enquêter sur ces exactions et la signature d'un accord de règles humanitaires entre les parties en conflit. Seules deux obédiences germaniques lui font réponse, en confirmant leur confiance totale dans leur armée{{sfn|Yves Hivert-Messeca|2016|p=61|id=HB|group=H}}.
 
En [[Empire russe|Russie]], lorsque éclate le conflit, la franc-maçonnerie est implantée au sein du pouvoir et chez les intellectuels de la société russe. Elle compte un millier de membres répartis dans une cinquantaine de loges. Elle est totalement absente des classes paysannes et ouvrières. À la déclaration de la guerre, elle s'affiche comme germanophobe et patriote{{sfn|Yves Hivert-Messeca|2016|p=73|id=HB|group=H}}.
 
La [[Bulgarie]], qui rejoint les [[Empires centraux]] et entre en guerre à leurs côtés, n'a qu'une franc-maçonnerie indigente, où les créations de loges sont principalementsurtout le fait d'obédiences françaises, italiennes et roumaines{{sfn|Yves Hivert-Messeca|2016|p=92|id=HB|group=H}}.
 
L'[[Italie]], qui dans un premier temps se déclare neutre, signe le {{date-|26 avril 1915}} le [[pacte de Londres]] et rejoint les forces alliées de la [[Triple-Entente]]. Elle déclare la guerre à l'[[Autriche-Hongrie]] en [[Mai 1915 (guerre mondiale)|{{date-|mai 1915}}]]{{sfn|Yves Hivert-Messeca|2016|p=85|id=HB|group=H}}. À la veille du conflit, la [[Franc-maçonnerie en Italie|franc-maçonnerie italienne]] connaît un déclin prononcé après une période faste dans les années 1880-1900. Jugés bourgeois par les socialistes, internationalistes par les nationalistes et antireligieux par le clergé, les francs-maçons restent toutefois très présents au sein des chambres parlementaires avec de nombreux élus. En 1912, ils sont près {{nobr|de 90}}, répartis dans tous les partis politiques, principalement républicains et progressistes{{sfn|Yves Hivert-Messeca|2016|p=87|id=HB|group=H}}. En 1914, au déclenchement du conflit, la franc-maçonnerie italienne compte encore plus de {{unité|27000|membres}}, qui se divisent entre les interventionnistes et les neutralistes{{sfn|Yves Hivert-Messeca|2016|p=88|id=HB|group=H}}. Les neutralistes, minoritaires, restent inscrits dans les idéaux pacifistes et internationalistes des années 1900 ; la majorité interventionniste relève de l'[[irrédentisme]] et milite pour l'entrée en guerre de l'Italie contre les empires centraux{{sfn|Yves Hivert-Messeca|2016|p=90|id=HB|group=H}}. L'entrée en guerre de la Turquie aux côtés des [[Empires centraux]] pousse l'Italie, pour des questions géopolitiques, à déclarer la guerre à l'Autriche-Hongrie, puis quelques jours après à l'Allemagne. L'intervention de la franc-maçonnerie italienne n'est pas sans effet dans l'entrée en guerre du pays aux côtés des alliés{{sfn|Yves Hivert-Messeca|2016|p=90|id=HB|group=H}}.
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En août 1914, le gouvernement d’[[Eduardo Dato Iradier]] publie un décret royal qui proclame {{Citation|la stricte neutralité}} de l'Espagne, celle-ci ne trouvant aucun intérêt, au regard de la situation politique intérieure, à soutenir un des deux camps. Les [[Empires centraux]] (menés par les Allemands) et les Alliés voient toutefois des personnalités politiques diverses soutenir un camp ou l'autre au travers des mouvements {{Citation étrangère|langue=es|germanólfilos}} et {{Citation étrangère|langue=es|aliadófilos}}{{sfn|Yves Hivert-Messeca|2016|p=163|id=HB|group=H}}. La franc-maçonnerie espagnole, dont les années fastes s'éteignent avec le {{s-|XIX}}, est peu présente dans les organes d'influence ou de pouvoir. Accusée d'antipatriotisme et d’avoir soutenu l'indépendance des dernières colonies espagnoles dans le Pacifique, elle est assimilée à la décadence de l'Espagne en général par les courants antimaçonniques{{sfn|Yves Hivert-Messeca|2016|p=165|id=HB|group=H}}. Son recrutement est tourné principalement vers les classes moyennes et les petites entreprises, et elle connaît vers 1906 un regain de dynamisme. Les questions politiques sont largement débattues au sein des loges du Grand Orient espagnol, reconnu par une grande partie de la franc-maçonnerie mondiale comme une puissance régulière{{sfn|Yves Hivert-Messeca|2016|p=166|id=HB|group=H}}. Malgré la perte d'un éclat qu'elle ne retrouve pas, elle reste un groupe d'influence auprès de la mouvance républicaine radicale et se partage entre {{Citation étrangère|langue=es|aliadófilos}} et neutralistes. À partir de 1916 et sous la grande maîtrise de [[Luis Simarro Lacabra]] notamment, elle se rapproche de la franc-maçonnerie française et affiche un soutien plus marqué au bloc allié{{sfn|Yves Hivert-Messeca|2016|p=167|id=HB|group=H}}.
 
Au commencement du conflit, la Suisse mobilise son armée pour défendre si besoinéventuellement, son statut d'État neutre internationalement reconnu. La [[Franc-maçonnerie en Suisse|franc-maçonnerie suisse]] continue de soutenir le mouvement pacifiste et humaniste. Avec quelques francs-maçons néerlandais et espagnols, elle maintient en activité le Bureau international, dont [[Édouard Quartier-la-Tente]] est quasiment l'unique animateur. Il le garde le plus neutre possible. À partir de 1914, le bureau s'occupe principalement des frères prisonniers, de recherche de francs-maçons disparus dans le conflit ou d'envoi de colis{{sfn|Yves Hivert-Messeca|2016|p=170|id=HB|group=H}}.
 
=== Engagement mondial ===
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==== Amérique du Nord ====
[[Fichier:Thomas Woodrow Wilson, Harris & Ewing bw photo portrait, 1919.jpg|vignette|redresse|[[Woodrow Wilson]] en 1919.|alt=Photo portrait en noir et blanc du Président Wilson.]]
Le {{date-|6 avril 1917}}, les [[États-Unis]] entrent en guerre contre l'[[Empire allemand|Allemagne]], puis contre l'[[Autriche-Hongrie]]. La franc-maçonnerie est largement implantée dans la société nord-américaine. Si elle s'affiche comme apolitique conformément à la tradition anglo-saxonne, de nombreux francs-maçons interviennent discrètement ou ouvertement dans la vie politique et sociale du pays{{sfn|Yves Hivert-Messeca|2016|p=106|id=HB|group=H}}. Sur la suggestion du [[Secrétaire du Trésor des États-Unis|secrétaire du Trésor]], le démocrate [[William Gibbs McAdoo]], les {{unité|49|obédiences}} américaines forment une association pour être plus efficaces dans leurs relations avec le département de la guerre qui refuse de parler à une multitude d'organismes. Les grands maîtres se rencontrent à [[Cedar Rapids]] ([[Iowa]]) pour former la {{lang|en|''Masonic Service Association''}}, dont l'activité principale est de soutenir l'effort de guerre et les soldats. Rapidement, la langue allemande pratiquée dans les loges de plusieurs États est proscrite{{sfn|Yves Hivert-Messeca|2016|p=107|id=HB|group=H}}. Les loges américaines ne recrutant que peu de leurs membres dans les milieux pacifistes, syndicalistes ou socialistes, défavorables généralement à la guerre, leur composition est issue majoritairement des ''[[White Anglo-Saxon Protestant]]s'', ce qui expliquerait qu'un franc-maçon américain sur dix participe aux combats en [[Europe]]{{sfn|Yves Hivert-Messeca|2016|p=108|id=HB|group=H}}.
 
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La fin du conflit et l'[[Armistice de 1918|armistice de novembre 1918]] permettent rapidement de mesurer l'immensité des pertes humaines, qui se chiffrent en millions après que les nations belligérantes ont mobilisé environ {{unité|73|millions}} d'hommes en âge de porter les armes{{sfn|Yves Hivert-Messeca|2016|p=293|id=HB|group=H}}.
 
Le nombre de francs-maçons mobilisés et tombés au combat est connu principalement par les monuments et les diverses commémorations divers qui sont élevésélevées ou entretenusentretenues par les obédiences dans les années qui suivent la fin du conflit. L'ouvrage {{lang|en|''Memorials of Masonians who fell in the Great War''}}, au {{lang|en|''Peace memorial''}} du [[Freemasons' Hall]] à [[Londres]], fait état de {{unité|3453|francs-maçons}} tombés au combat, ce qui représente 5 % des effectifs maçonniques anglais de l'époque. La [[Croix de Victoria]] est attribuée à 91 d'entre eux{{sfn|Yves Hivert-Messeca|2016|p=240|id=HB|group=H}}. Les différentes monographies des loges maçonniques françaises font apparaître qu'un franc-maçon français sur sept est mort sur les champs de bataille, les pertes des francs-maçons allemands, italiens et britannique étant du même ordre, ce qui représente environ 3 % des effectifs maçonniques européens de l'époque. Mobilisées sur une période plus courte, mais faisant état d'une forte présence au sein des troupes américaines, les obédiences américaines affichent un identique taux de perte de leurs membres. La Grande loge du Wisconsin mentionne, dans ses archives, {{unité|3665|frères}} mobilisés parmi ses membres de 1917 à 1919 et {{nombre|94|tués}} au combat{{sfn|Yves Hivert-Messeca|2016|p=241|id=HB|group=H}}.
 
== Après-guerre ==