« Samuel de Champlain » : différence entre les versions

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| nom = Samuel de Champlain
| image = Samchamprifle.jpg
| légende = DétailDétails de {{citation étrangère |langue=fr1835|Défaite des Iroquois au Lac de Champlain}}, extraitrepris desde l'œuvre ''Voyages'' de Champlain (1613). deCe Champlain.portrait Il n'existeest pasla seule image contemporaine de portraitl'explorateur authentiqueSamuel de Champlain.
| fonction1 = Lieutenant du cardinal[[Gouverneur de Richelieula dansNouvelle-France|Gouverneur]] toute l'étendue dude fleuvela Saint[[Nouvelle-LaurentFrance]]
| à partir du fonction1 = 16331627
| jusqu'au fonction1 = 1635
| monarque 1 = [[Louis XIII]]
| prédécesseur 1 = ''Création du poste''
| successeur 1 = [[Marc- Antoine deJacques Bras-de-Ferfer de Châteaufort]]
| nom de naissance =
| date de naissance = versentre 15801567 et 1574
| lieu de naissance = [[Hiers-Brouage|Brouage]] ([[Royaume de France|France]])
| date de décès = {{date de décès|25 décembre 1635}}
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| nature du décès = [[Accident vasculaire cérébral]]
| sépulture = [[Québec (ville)|Québec]]
| nationalité = <!-- [[Royaume de France|française]] La notion de nationalité est anachronique pour l'époque de Champlain -->
| père = Antoine de Champlain, capitainepilote de marinenavire
| mère = Marguerite Le Roy
| conjoint = [[Hélène Boullé]]
| enfants = Sans descendance
| profession = [[Navigateur (marine)|Navigateur]], [[Cartographie|cartographe]], [[soldat]], [[Exploration|explorateur]], et[[Géographie|géographe]], [[commandant]] et [[chronique médiévale|chroniqueur]]
| religion =
| résidence = [[Habitation de Québec]]
| signature = Samuel de Champlain (signature).svg
| liste = [[Gouverneur de la Nouvelle-France|Gouverneurs généraux de la Nouvelle-France]]
| parti =
| depuis le fonction1 =
}}
 
'''Samuel de Champlain''', vraisemblablement né à [[Hiers-Brouage|Brouage]] ([[royaume de France]]) versentre 15801567 et 1574 (peut-être baptisé le {{date de naissance|13 août 1574}} à [[La Rochelle]] au Temple Saint-Yon) et mort à [[Québec (ville)|Québec]] ([[Nouvelle-France]]) le {{Date de décès|25 décembre 1635}}, est un [[navigateur (marine)|navigateur]], [[Cartographie|cartographe]], [[soldat]], [[Exploration|explorateur]], [[Géographie|géographe]], [[commandant]] et auteur de [[récit de voyage|récits de voyage]] [[Royaume de France|français]]. Il fonde la ville de [[Québec (ville)|Québec]] le {{date-|03 juillet 1608}}.
 
Après une formation de navigateur en [[Saintonge]], (vers 1586-1594), il sertse dansfait le service des logis de l'armée du roi de France [[Henri IV (roi de France)|Henri IV]]soldat en [[Bretagne]] (15921595-1598), puis visiteexplorateur des [[Empire espagnol|colonies espagnoles d'Amérique]] (1599-16001601) et explore la vallée, du [[fleuve Saint-Laurent]] (1603), ainsi que de l'[[Acadie (Nouvelle-France)|Acadie]] (1604-1607) et l'actuelde [[Ontario]]la (1615-1616).côte ilatlantique participe aux créations des colonies françaises de(entre l'[[île Sainte-Croix]] (1604) et de actuel [[PortNouveau-Royal (Acadie)|Port RoyalBrunswick]] (1605), et fonde celle de [[QuébecCap (ville)|QuébecCod]] (1608).
Il nomme définitivement la [[Nouvelle-France]] en l'inscrivant sur la carte de 1607<ref>{{Lien web |titre=Descripsion des costs, pts., rades, illes de la Nouuele France faict selon son vray méridien : avec la déclinaison de la ment de plussieurs endrois selon que le sieur de Castes le franc le démontre en son liure de la mécométrie de l'emnt. |url=https://www.loc.gov/resource/g3321p.ct001431/ |site=Library of Congress, Washington, D.C. 20540 USA |consulté le=2022-01-18}}</ref>, représentant l'[[Acadie (Nouvelle-France)|Acadie]] à partir de [[La Hève]] jusqu'au sud du [[Cap Cod]]. Champlain enracine la première colonie française permanente, à [[Port-Royal (Acadie)|Port Royal]] d’abord, puis à [[Québec (ville)|Québec]] ensuite. À cette fin, il bénéficie du soutien du roi de France [[Henri IV (roi de France)|Henri IV]], de [[Pierre Dugua de Mons]], de [[François Gravé]] et du chef [[Innus|montagnais]] [[Anadabijou]]<ref name="Champlain-Gravé">{{Harvsp|Vaugeois|2008|id=Champlain-Gravé}}</ref>{{,}}<ref name="Mathieu d'Avignon">{{Harvsp|d'Avignon|2008}}</ref>.
 
N'appartenant pas à la grande noblesse<ref>En Saintonge, la noblesse est très ouverte. Pour être noble, il suffit de vivre noblement. Champlain appartient à la petite noblesse de province. Il porte la particule que l'on retrouve dans les registres de l'armée royale de Bretagne dès 1595. Thierry, Éric, (Samuel de Champlain: ''Espion en Amérique 1598-1603'', éd. Eric Thierry, Québec, Septentrion 2013, p 11). </ref>, Champlain agit en tant que subalterne d'un noble désigné par le roi. Il est ainsi d'abord lieutenant du lieutenant général de la Nouvelle-France, Pierre Dugua de Mons, de 1608et à 1612, etpartir de 1612 à 1627, « lieutenant du [[vice-roi]]<ref>Avant 1612 le monopole de la traite était attribué à des lieutenants-généraux de la [[Nouvelle-France]], quice estsont successivementPierre le [[CharlesChauvin de Bourbon-Soissons|comteTonnetuit deen Soissons]]1599, le [[Henri IIAymar de Bourbon-Condé|prince deChaste Condé]],en le1603 [[Henriet IIPierre Dugua de Montmorency|ducMons deen Montmorency]]1604. Pierre Chauvin et celuiDugua de [[Henri Mons ont séjourné à Tadoussac en 1600. Les vice-rois ne sont jamais venus en Nouvelle-France.</ref> de Lévis|Ventadourla [[Nouvelle-France]]. Puis,» puis à partir de 1633,1629 Champlain« est[[commandant]] lieutenanten la [[Nouvelle-France]] » en l’absence du [[Armand Jean du Plessis de Richelieu|cardinal de Richelieu]]<ref dansgroup="coll" toutename="chronologie" l/>. Administrateur local de la ville de [[Québec (ville)|Québec]] jusqu'étendueà dusa fleuvemort, Saintil ne reçoit jamais le titre officiel de [[gouverneur de la Nouvelle-LaurentFrance]], même s'il en exerce les fonctions.
 
Les difficultés rencontrées dans l'entreprise française ded'une colonisation de l'[[Amérique du Nord]] sont nombreuses<ref name="Champlain-Gravé"/>, et ce n'est qu'à partir des étés {{date-|1634}} et {{date-|1635}}, dans les dix-huit derniers mois de sa vie, que Champlain voit son rêve de colonisateurcolonisation se concrétiser, avec l'arrivée et l'établissement de [[Colonie de peuplement|quelques dizaines de familles de colons.]]<ref Saname="Giffard" persévérancegroup="note">En lui vaut1634, depuis[[Robert 1744,Giffard]] est le titrepremier grand recruteur et premier [[Régime seigneurial de «la PèreNouvelle-France|seigneur]] colonisateur de la [[Nouvelle-France]] » quesix luians aaprès attribuésa première tentative, mise à mal par des [[forban]]s. Avant 1634, la plupart des résidents de Québec sont logés dans l'historienun jésuitedes deux forts (le premier, sur la rive du fleuve, et le second, depuis une décennie, sur le cap), quelques autres habitent chez les [[Pierre-François-XavierFrères demineurs Charlevoixrécollets|CharlevoixRécollets]]<ref>{{Ouvrage|prénom1=Pierre-François-Xavier (arrivés en 1615) ou chez les [[Compagnie de Jésus|nom1=Charlevoix|titre=HistoireJésuite]]s et(arrivés descriptionen [[1625]]). Seules deux familles ont bâti maison : generalecelle de la[[Louis NouvelleHébert]], Francearrivée en 1617, :et aveccelle lede journalson historiquegendre d'un[[Guillaume voyageCouillard]], faitarrivé paren ordre1613. duOutre roiles dansinterprètes l'Amériqueréfugiés Septentrionnale|passage=197|éditeur=Chezchez Rolinleurs fils,amis libraireautochtones, quailes desmembres Augustinsde ces deux familles sont les seuls Français à demeurer en Nouvelle-France, à S.Québec, Athanasedurant les quatre années de l'occupation des [[David Kirke|date=1744|lireKirke]], ende ligne=http://dxl'été 1629 à l'été 1633.doi.org</10.5962/bhl.titleref>.150825 Son acharnement à vouloir implanter une [[Colonisation française des Amériques|consultécolonie française en Amérique du Nord]] lui vaut, depuis le=2023 milieu du {{s-07-31|XIX}}</ref>, le surnom de « Père de la Nouvelle-France ».
 
Tous les portraits de Champlain jusqu’à présent connus sont faux. Celui qui circule le plus provient d’une lithographie réalisée en 1854 par le Canadien [[Pierre-Louis Morin]] et les Français [[Léopold Massard]] et Villain. Elle imite en fait un portrait de [[Michel Particelli d'Émery|Michel Particelli d’Emery]], [[surintendant des finances]] en 1647 et 1648, gravé par [[Balthasar Moncornet]] avant 1668. Quant aux prétendus autoportraits présents dans les œuvres de Champlain, ils ne sont pas plus authentiques. Les deux gravures , où de nombreux auteurs prétendent le voir en train de combattre des [[Iroquois]] , sont des créations pleines d’incongruités dues à un graveur de l’atelier des Pelletier<ref>{{Lien web |langue=fr-FR |titre=Éric Thierry raconte «La défaite des Iroquois» |url=https://www.youtube.com/watch?v=m2Q0c2cWNH8 |consulté le=2023-07-31}}</ref>, celui-ci ayant été chargé de toute l’iconographie des ''Voyages'' de 1613, et les visages présents dans les roses des vents des cartes de la Nouvelle-France de 1612 et de 1632, ainsi que dans la frange entourant le cartouche de celle de l’Acadie terminée en 1607, sont respectivement des représentations standardisées du [[soleil]] et des [[Mascaron|mascarons]]<ref>{{Ouvrage|auteur1=Denis Martin|auteur2=Raymonde Litalien|directeur2=Oui|auteur3=Denis Vaugeois|directeur3=Oui|titre=Champlain. La naissance de l'Amérique française|passage=354-362|lieu=Sillery-Paris|éditeur=Septentrion-Nouveau Monde Editions|date=2004}}</ref>.
 
== Biographie ==
 
=== Sa jeunesse ===
=== Une formation de cartographe et d'espion (vers 1580-1603) ===
Samuel de Champlain est né dans une famille protestante<ref>Au-delà de la présomption provenant de son prénom, usuel dans les familles protestantes, des chercheurs ont découvert en 2012 son acte de baptême dans un temple protestant de La Rochelle. Cela explique sa grande discrétion sur ses origines car il se trouvera en compagnie de religieux catholiques dans sa carrière dans le Nouveau Monde. {{lien web|titre=Samuel de Champlain serait né protestant|url=https://www.lesoleil.com/2012/04/17/samuel-dechamplain-serait-ne-protestant-13d4e93c98d07c4be0103b9af64ef0f7/|site=le site du journal Le Soleil|date=17 avril 2012|consulté le=4 juillet 2023}}</ref>. Son enfance est inconnue<ref>Champlain demeure silencieux sur ses origines familiales. Éric Thierry émet une hypothèse sur ses origines.
[[Fichier:Citadelle de Hiers-Brouage - vue Est.jpg|gauche|vignette|Brouage, lieu de naissance de Champlain.]]
 
Thierry, Éric. 2018. Le mystère des origines de Samuel de Champlain, Cap-Aux-Diamants, no. 134, 4-7.</ref>, mais il en tire une bonne formation de navigateur et de cartographe dans l'armée royale de Bretagne, ainsi que de dessinateur et de rédacteur de textes. Il écrit plus tard de nombreux ouvrages (voir [[#Œuvres|Œuvres]]). Il dit lui-même {{citation|qu'il s'affectionne dès le bas âge à l'art de la navigation et l'amour de l'océan<ref name="Daveluy 214">{{Harv|Daveluy|1945|loc=p.214}}</ref>}}. Un document de 1601 indique un lien familial avec [[Guillaume Allène]], son oncle lorsqu'il hérite de son domaine viticole, domaine situé à [[La Jarne]], près de La Rochelle<ref>Thierry, Éric, Samuel de Champlain : Espion en Amérique 1598-1603, Québec, Septentrion, 2013,p.34</ref>. Guillaume Allène est allé vivre à [[Hiers-Brouage|Brouage]] en 1583 lorsqu'il avait épousé l'une des sœurs de la mère Champlain. Robert Le Blant a retrouvé dans les archives de l'Ille-et-Vilaine, la première mention de Samuel de Champlain. C'est un relevé de paie dans l'armée royale de Bretagne daté du mois de mars 1595<ref>Le Blant, Robert et René Beaudry'', Nouveaux Documents sur Champlain et son époque'' (vol. 1, 1560-1622). Publication des Archives publiques du Canada, no 15. Ottawa, 1967, p. 9</ref>.
 
=== Dans l'armée du roi, en Bretagne ({{Date-|1595}} - {{Date-|1598}}) ===
[[File:Horribles cruautés Des Huguenots en France, Cléry et Pat.png|vignette|upright|gauche|« Horribles cruautés Des Huguenots en France. » Les guerres de religion déchirent l'Europe.]]
Champlain prend part aux [[Guerres de Religion (France)|guerres de religion]], qui ont ravagé le [[royaume de France]] dans la seconde moitié du {{s-|XVI}} et où se sont opposés [[catholicisme|catholiques]] et [[protestantisme|protestants]], appelés aussi [[Huguenot]]s. [[Henri IV (roi de France)|Henri IV]] luttait contre les catholiques de la [[Ligue catholique (France)|Ligue]], mais en 1593 Henri abjure sa foi protestante et il est sacré roi en {{date-|février 1594}}.
 
Samuel Champlain s'engage au printemps 1593 dans l'armée du roi, sous la direction des maréchaux [[Jean VI d'Aumont|d'Aumont]], [[François d'Espinay de Saint-Luc|de Saint-Luc]], puis [[Charles II de Cossé|de Brissac]]<ref name="maréchaux" group="note">Maréchaux successifs, commandants à Blavet :
* 1595 : [[Jean VI d'Aumont|Jean d'Aumont]], né en 1522 et créé « maréchal » en 1579 par le [[Henri IV (roi de France)|roi Henri]]; mort des suites d'une [[mousquet]]ade le {{date-|19 août 1595}}.
* 1596-1597 : [[François d'Espinay de Saint-Luc]], né en 1554, baron de Crèvecœur, d'Arvert et de Gaillefontaine, gouverneur de Brouage, beau-frère du maréchal d'Aumont, à qui il succède en Bretagne, nommé en [[1596]] « grand-maître de l'artillerie de France »; mort d'un boulet de canon le {{date-|8 septembre 1597}}.
* 1597-1598 : [[Charles II de Cossé|Charles de Cossé]][[Maison de Cossé-Brissac|-Brissac]] (1562-1621), second du nom, « maréchal de France », auquel [[Louis XIII]] donne le titre de « duc de Brissac » (premier de ce titre) en 1612 et qu'il déclare [[Pairie de France (Ancien Régime)|pair de France]] en 1620.</ref>, à [[Port-Louis (Morbihan)|Blavet]], dans le sud du [[Duché de Bretagne]]. Champlain intègre alors le Service des Logis de l'armée royale de [[Bretagne]], véritable école de cartographie<ref>Thierry, Éric, Samuel de Champlain: Espion en Amérique 1598-1603, Québec, Septentrion, 2013, p.15</ref>. Cette armée levée par [[Henri IV (roi de France)|Henri IV]] vise à soumettre le [[Philippe-Emmanuel de Lorraine|duc de Mercœur]], gouverneur [[Sécession (politique)|sécessionniste]] de [[Bretagne (région administrative)|Bretagne]] et [[baillistre]] de la maison de [[Penthièvre]]. Il s'agit d'un épisode central de la [[huitième guerre de religion]] (1585–1598), au cours duquel le [[Philippe-Emmanuel de Lorraine|duc de Mercœur]], dans le souci d'arracher la [[Bretagne#Religion|Bretagne catholique]] au {{citation|roi hérétique}}, offre refuge aux dernières troupes rebelles de la [[Ligue catholique (France)|ligue catholique]] et organise le [[Juan d'Aguila#Expédition en Bretagne|débarquement d'un corps expéditionnaire espagnol]].
 
{{début citation}}
''[[La Rochelle]] étant le centre du parti [[huguenot]], les ligueurs ne tardèrent pas à y porter leurs armes, et nous avons vu que, dès 1577, ils vinrent mettre le siège devant Brouage, sous la conduite du [[Charles de Mayenne|duc de Mayenne]]. Champlain nous dit qu'il «était employé en l'armée du roi sous messieurs le maréchal d'Aumont, de Saint-Luc, et maréchal de Brissac, en qualité de [[Sergent|maréchal des logis]] de la dite armée durant quelques années». [...] Mais, en 1586, alors que [[François d'Espinay de Saint-Luc|François d'Epinay de Saint-Luc]] défendait Brouage attaquée par [[Henri IV (roi de France)|Henri de Navarre]] et le [[Henri II de Bourbon-Condé|prince de Condé]], il est assez probable que Champlain avait déjà quitté le foyer paternel pour défendre sa ville natale contre les envahisseurs huguenots. Il pouvait avoir alors vingt ans. Après la mort de [[Henri III (roi de France)|Henri III]], tombé sous le poignard d'un [[Jacques Clément|assassin]], les ligueurs se soumirent les uns après les autres à l'autorité du [[Henri IV (roi de France)|roi de Navarre]], devenu roi de France. Champlain continua à porter les armes, mais il dut subir l'autorité de ses chefs, devenus les ardents défenseurs de leur ancien adversaire<ref>{{Harv|Dionne|1891}}</ref>.''{{fin citation}}
 
En {{date-|avril 1598}}, Henri IV signe l’[[édit de Nantes]], reconnaissant aux protestants la liberté de conscience. Samuel Champlain aura servi dans ce corps d'armée pendant trois ans, jusqu'à la [[Paix de Vervins]] ({{Date-|2 mai 1598}}). Il s'y taille une bonne réputation auprès de ses supérieurs hiérarchiques. D'abord [[fourrier]], « aide » de Jean Hardy (qui est le [[Sergent|maréchal des logis]]), puis « enseigne » du sieur de Millaubourg, il finit par obtenir le grade de [[maréchal des logis]]<ref name="maréchal" group="note">Dans le contexte, son titre de [[maréchal des logis]] désigne alors probablement un [[hallebardier]] responsable des écuries : un « maréchal des logis de cavalerie », qui commande aux [[fourrier]]s. Au siècle suivant, la première parution (1694) du [[Dictionnaire de l'Académie française]] [http://www.lib.uchicago.edu/efts/ARTFL/projects/dicos/ indique que] : « Mareschal des Logis'', Est celuy qui fait le departement [=la distribution, l'assignation, la répartition] des logis de ceux qui suivent la Cour ou des troupes de l'armée. ''Grand Mareschal des logis chez le Roy. Mareschal des logis par quartier. premier Mareschal des logis chez la Reine, chez les fils de France. Mareschal des logis General d'une armée. Mareschal des logis de cavalerie. Mareschal des logis d'une Compagnie de cavalerie. »</ref>. D'ailleurs, il recevra du roi dès 1603 une rente viagère, qui en 1618 sera augmentée à {{nombre|600 livres}} par an<ref group="coll" name="chronologie">{{Harv|Litalien|Vaugeois|2004|id=chrono}}</ref>{{,}}<ref name="p.86" group="coll">Gagnon, ''ibid.'' {{p.|86}}</ref>{{,}}<ref name="armes" group="note">À l'époque, les mers sont infestées de [[piraterie|pirates]] et le roi de France n'a pas encore de marine de guerre. La connaissance pratique du maniement des armes est donc essentielle à tout bon navigateur français : il doit armer ses vaisseaux et assurer sa propre défense sur mer. Et, celui qui sert quelques années dans l'armée du roi, peut ensuite espérer du roi le privilège de recevoir une rente viagère, si infime soit-elle.</ref>.
 
=== De Cadix à Panama ({{Date-|1599}} - {{Date-|1601}}) ===
 
En {{date-|juillet 1598}}, [[Guillaume Allène]], dit le « capitaine provençal » et oncle maternel par alliance de Champlain, transporte en Espagne les troupes qui étaient cantonnées à [[Blavet (Bretagne)|Blavet]] (Port-Louis) en Bretagne. Champlain accompagne son oncle à [[Cadix]] à bord du ''Saint-Julien'', et il est chargé de la sécurité du navire.
 
Sur ordre de Philippe II d'Espagne, le Saint-Julien appareille pour un voyage aux «Indes occidentales». Le {{date-|13 septembre 1598}}, Philippe II d’Espagne meurt et son fils Philippe III prend la succession du trône. Sans son oncle, Champlain s’embarque pour cette expédition de deux ans et demi à la [[Antilles|mer des Antilles]] et dans le [[Golfe du Mexique]]. Ses observations sont notées dans un manuscrit accompagné de dessins sous le nom de {{citation étrangère|langue=fr1835|Brief Discours}}.
 
Informé ou conseillé par des Espagnols, Champlain se serait rendu en exploration jusqu'à [[Mexico]], et jusqu'à ce qui est aujourd'hui le [[Panama]], dont il aurait su l'étroitesse de l'[[Isthme de Panama|isthme]] et la pertinence d'y construire un jour un [[Canal de Panama|canal offrant un passage à l'autre océan]]<ref>{{Harvsp|Daveluy|1945|loc=p.215}}</ref>. « Si quatre lieues de terre étaient coupées […] on raccourcirait le chemin de plus de 1500 lieues. Et depuis [[Panama]] jusqu’au [[détroit de Magellan]], ce serait une île, et de Panama jusqu’aux [[Terre-Neuve (Nouvelle-France)|Terres neuves]] une autre île, de sorte que toute l’Amérique serait en deux îles<ref name="Tome I" group="Laverdière"/>. »
 
Ce voyage fut très formateur : «Son traité sur la navigation publié en [[1632]], le {{citation étrangère|langue=fr1835|Traitté de la marine}}<ref>{{Harvsp|Samuel de Champlain|1632}}</ref>, souligne également un apprentissage par observation de la pratique plutôt qu'académique. Il montre peu de connaissances des principes mathématiques de la navigation et de topométrie, mais il utilise les procédures élémentaires de navigation et d'arpentage. Comme il ne cite que des textes espagnols et n'utilise que la [[Lieue|lieue marine espagnole]], c'est probablement à bord du vaisseau de son oncle qu'il accumula ses connaissances en navigation et cartographie<ref name="Heidenreich">{{Harvsp|Heidenreich|2007}}</ref>.»
 
À son retour en France, il présente ses observations compilées dans le {{citation étrangère|langue=fr1835|Brief Discours}} à la cour du roi.
 
==== Analyse des mœurs des « Indiens » et du traitement qu'ils subissent ====
Le récit de Champlain est non seulement géographique, mais il couvre aussi la flore, la faune et l'ethnologie. Vers 1600, les Espagnols et Portugais dominent l’Amérique du Sud avec une population de {{nombre|160000|habitants}} pour environ cinq millions d’« [[Peuple autochtone|Indiens]] ». Il décrit ainsi les mœurs des « Indiens » :
 
[[File:Champlain Indes Occidentales planche LIX - Récit des Indiens.jpg|vignette|upright|droite|Champlain décrit les mœurs des « Indiens ». Il illustre ici l'invocation de la Lune.]]{{Citation bloc|Après avoir chanté et dansé, ils se mettent le visage en terre, et tous ensemble ils commencent à crier et pleurer en disant : O puissante et claire lune, fait que nous puissions vaincre nos ennemis, que puissions les manger, à celle fin que ne tombions entre leurs mains.|Champlain (français modernisé)}}
 
Il dénonce aussi les mauvais traitements infligés par les Espagnols.
 
[[File:Champlain Indes Occidentales planche LX - Récit des Indiens.jpg|vignette|upright|droite| Champlain ressent de la pitié pour les «Indiens» châtiés cruellement par le feu durant l'Inquisition espagnole.]]{{Citation bloc |Quant aux autres Indiens qui sont sous la domination du Roi d'Espagne, s'il n'y donnait ordre, ils seraient en aussi barbare croyance comme les autres. Au commencement de ses conquêtes, il avait établi l'inquisition entre eux, et les rendait esclaves ou faisait cruellement mourir en si grand nombre, que le récit seulement en fait pitié. Ce mauvais traitement était cause que les pauvres Indiens, pour l'appréhension de celui-ci, s'enfuyaient aux montagnes comme désespérés, et d'autant d’Espagnols qu'ils attrapaient, ils les mangeaient ; et pour cette occasion les dits Espagnols furent contraints leur ôter la dite inquisition, et leur donner liberté de leur personne, leur donnant une règle de vivre plus douce et tolérable, pour les faire venir à la connaissance de Dieu et la croyance de la sainte Église : car s'ils les voulaient encor châtier selon la rigueur de la dite inquisition, ils les feraient tous mourir par le feu.|Champlain (français modernisé) }}
 
[[File:Champlain Indes Occidentales planche LXI - Récit des Indiens.jpg|vignette|droite|upright| Champlain illustre la bastonnade des « Indiens » qui ne se présentent pas au service divin.]]{{Citation bloc|L'ordre dont ils usent maintenant est qu'en chaque maison qui sont comme villages, il y a un prêtre qui les instruit ordinairement, ayant le prêtre un [[Registre administratif|registre]] de noms et surnoms de tous les Indiens qui habitent au village sous sa charge. Il y a aussi un Indien qui est comme procureur du village, qui a un autre pareil [[Registre administratif|registre]], et le dimanche, quand le prêtre veut dire la messe, tous les dits Indiens sont tenus se présenter pour l'entendre, et avant que le prêtre la commence, il prend son registre, et les appelle tous par leur nom et surnom, et si quelqu'un fait défaut, il est marqué sur le dit registre; puis la messe dite, le prêtre donne charge à l'Indien qui sert de procureur de s'informer particulièrement où sont les défaillants, et qui les fasse réunir à l'église, où étant devant le dit prêtre, il leur demande l'occasion pour lequel ils ne sont pas venus au service divin, dont ils allèguent quelques excuses s'ils peuvent en trouver, et si elles ne sont trouvées véritables ou raisonnables, le dit prêtre commande au dit procureur Indien qui ait à donner hors l’église, devant tout le peuple, trente ou quarante coups de bâton aux défaillants. Voila l'ordre que l'on tient à les maintenir en la religion, en laquelle ils vivent partie pour crainte d'être battus : il est bien vrai que s'ils ont quelque juste occasion qui les empêche de venir à la messe, ils sont excusés.|Champlain (français modernisé)}}
[[File:Pescherie de perles 02916001.jpg|vignette|centre|Pêcherie de perles, île Margarita. Champlain observe l'exploitation des esclaves amérindiens et africains, contraints par la force à plonger.]]
 
=== Retour en France et obtention de la protection du roi ===
En {{date |juin 1601-}}-{{date |juillet 1601}}, son oncle [[Guillaume Allène]] décède, et lui lègue ses biens par testament. Parmi ces biens, Champlain donnera le 9 décembre 1625, son domaine viticole situé à [[La Jarne]], à son ami intime, le cartographe [[Charles Leber du Carlo]]<ref>Archives nationales de France - Châtelet de Paris. Y//163-Y//167. [https://www.siv.archives-nationales.culture.gouv.fr/siv/rechercheconsultation/consultation/ir/consultationIR.action?irId=FRAN_IR_005814&udId=d_3_611&details=true&gotoArchivesNums=false&auSeinIR=true&fullText=Samuel%20de%20Champlain&optionFullText=ET Insinuations (28 juin 1622 - 11 mars 1628)]</ref>. Samuel Champlain est de retour en France. Il retourne à Brouage où il rencontre un ancien compagnon de l'armée de Bretagne, René Rivery de Potonville. Ce dernier est membre de l'ordre de Malte et il connait bien un autre membre, Aymar de Chaste, gouverneur de Dieppe. René de Rivery suggère à Champlain de le rencontrer et de lui remettre un copie du manuscrit « Brief Discours »<ref>{{ouvrage |auteur1=Éric Thierry |auteur2=Samuel de Champlain |titre=Espion en Amérique |isbn=9782894487495 |éditeur=Septentrion |collection=V |année=2013 |passage=34 |présentation en ligne=https://www.septentrion.qc.ca/catalogue/espion-en-amerique}}.</ref>.
 
Dès l'automne 1601, Aymar de Chaste présente le manuscrit du « Brief Discours » de Champlain au Roi. Ce dernier est fort impressionné et Champlain est invité à la Cour et le roi lui verse une pension<ref>Cette pension débute en 1602. Éric Thierry, Les œuvres complètes de Champlain, Tome 2, Québec, Septentrion, 2019, p. 639</ref>. Champlain obtient la protection du [[Henri IV (roi de France)|roi]], mais il ne porte pas de titre officiel.
[[Marc Lescarbot|Lescarbot]], dans un sonnet de 1607, le saluera comme « géographe royal ». Marcel Trudel écrit : {{citation|Nulle part Champlain ne porte ce titre et personne d’autre que Lescarbot ne le lui donne ; rien n’établit que Champlain, tout en agissant en géographe, ait occupé le poste officiel de géographe du roi<ref group="Trudel" name="Trudel-DBC" />.}}
 
=== {{1er}} voyage au Canada, sur le fleuve Saint-Laurent ({{Date-|1603}}) ===
Son premier voyage vers l'[[Amérique du Nord]] commence en {{date-|mars 1603}}, sous mandat d'[[Aymar de Chaste]], gouverneur de [[Dieppe (Seine-Maritime)|Dieppe]] et alors titulaire du monopole commercial de la [[Nouvelle-France]]. [[François Gravé]] (dit ''Sieur du Pont'' ou ''Pont-Gravé, Gravé-Dupont, le Pont''), marchand et navigateur, était chef d'une expédition de [[traite des fourrures]] au [[Canada (Nouvelle-France)|Canada]]<ref>{{Harvsp|Glénisson|2003}}</ref> parmi laquelle embarquent : deux « sauvages » que Pont-Gravé avait amenés lors d'un précédent voyage ; [[Pierre Chauvin de La Pierre]], parent de feu [[Pierre de Chauvin|Pierre de Chauvin de Tonnetuit]] ; et Samuel Champlain, qui était inconnu jusque-là. [[François Gravé]] est un explorateur expérimenté de ces régions, et chaque été depuis peut-être 20 ans<ref name="Champlain-Gravé"/>, il remonte le [[fleuve Saint-Laurent]] ''en barque''<ref name="barque" group="note">Avant 1633, les navires français de plus de 100 à 300 tonneaux restent ancrés au large dans la baie du ''Moulin-Baude'', à une lieue à l'est (environ {{unité|5|kilomètres}} en aval) de [[Tadoussac]]. Des barques ou autres petits bateaux servent à naviguer sur le fleuve, en amont jusqu'à [[Québec (ville)|Québec]] ou jusqu'au [[Rapides de Lachine|Sault Saint-Louis]]. En [[1633]], pour terminer son ultime traversée, Champlain, sûr de lui, se rend jusqu'à Québec avec ses navires, pour la première fois et sans encombre.</ref>{{,}}<ref>Moulin-Baude, dans [http://www.odyssee.csestuaire.qc.ca/Cartographie/Tadoussac/body_tadoussac.html l'historique de Tadoussac]</ref> jusqu'aux [[Trois-Rivières]].
 
==== Samuel Champlain, observateur ====
« Il s'embarque, non à titre de lieutenant ainsi qu'on l'a déjà écrit, mais en simple observateur comme l'était de Monts en 1600. Selon sa propre déclaration, il avait été invité par [[Aymar de Chaste]] à {{citation|voir ce pays, & ce que les entrepreneurs y feraient }} ; [[Aymar de Chaste|de Chaste]] obtint pour Champlain la permission nécessaire, et [[François Gravé|Pont-Gravé]] reçut l'ordre de le {{citation|recevoir en son vaisseau et de lui faire voir et reconnaître tout ce qui se pourrait en ces lieux<ref>{{Harvsp|Trudel|1962}}{{citation étrangère|langue=fr1835|faire voir & recognoistre tout ce qui se pourroit en ces lieux}}</ref>.}} Recommandé par De Chaste auprès de François Gravé, et désireux de se faire valoir auprès d'Henri IV, Champlain promet au roi de lui faire un rapport détaillé de cette expédition. [[Aymar de Chaste]] ne recevra jamais de compte-rendu car il mourra durant l'expédition.
 
Le {{date-|15 mars 1603}}, Champlain quitte [[Honfleur]] (en [[Normandie]]), à bord de ''La Bonne Renommée''. ''La Françoise'' et un autre navire font aussi partie de la flotte.
 
==== À Tadoussac et La Grande Alliance ====
[[Fichier:Champlain trading with the indians 1603.jpg|vignette|gauche|Champlain qui échange avec les Indiens, par C. W. Jefferys.]]
 
Le {{date-|24 mai 1603}}, la flotte s'ancre à Tadoussac pour la traite des fourrures. Le {{date-|27 mai 1603}}, Champlain et [[François Gravé]] traversent en barque l'embouchure du [[Rivière Saguenay|Saguenay]], et descendent à la [[Baie-Sainte-Catherine|Pointe-aux-Alouette]]s<ref>[http://www.encyclobec.ca/main.php?docid=19 Pointe-aux-Alouettes (à Baie-Sainte-Catherine)]</ref>.
{{article détaillé|Grande Alliance (traité)}}
Ils rendent ainsi visite au chef [[Innus|montagnais]] [[Anadabijou]], qui campe aux environs. Ce dernier les accueille au milieu d'une centaine de guerriers fêtant leur victoire lors d'une [[Tabagie (festin)|« tabagie »]], c'est-à-dire un grand festin. Un conseil se réunit, et l'un des leurs, qui revient de France, parle amplement du pays qu'il a visité, et raconte l'entrevue qu'il a eue avec Henri IV. Il explique ainsi que le roi des Français leur veut du bien et désire peupler leur terre. Champlain et [[François Gravé|Gravé]] participent au rituel du [[Calumet|calumet de paix]], et aspirent de grandes bouffées de fumée de [[tabac]]. Cette première entente marque toute la politique indienne française du siècle suivant, et notamment la participation des Français aux guerres contre les [[Iroquois]], alors ennemis des [[Innus|Montagnais]] et des autres nations fréquentant le fleuve. Champlain observe et décrit cette [[Tabagie (festin)|tabagie]] ainsi que les mœurs et croyances de ses hôtes. Il tente de leur inculquer des rudiments des principes chrétiens.
Le {{date-|9 juin}}, des délégations des peuples indiens [[Algonquins]] et des [[Malécites]] (Etchemins, nations alliées des [[Innus|montagnais]]) rencontrent à leur tour Champlain et Gravé Du Pont à [[Tadoussac]], face à la Pointe Saint-Mathieu, lors de cérémonies présidées par le chef algonquin [[Tessouat]].
Le {{date-|11 juin 1603-}}, Champlain remonte le [[Rivière Saguenay|Saguenay]] sur {{nombre|12 ou 15| [[lieue]]s}}. Puis, les Français quittent les lieux le {{date-|18 juin 1603}}, et remontent le [[fleuve Saint-Laurent]].
 
==== Sur les traces de Jacques Cartier afin de cartographier le Saint-Laurent ====
L'expédition à laquelle participe Champlain suit les traces de [[Jacques Cartier]]. Ils souhaitent rejoindre le lieu que Champlain désigne comme le « [[Rapides de Lachine|Grand Sault saint Louis]] »<ref name="Sault" group="note">Un « sault » désigne un rapide, une cascade, une chute d'eau : une « rupture de pente d'un cours d'eau »</ref>, que Jacques Cartier appelait ''Ochelaga'' et qu'il n'avait pas réussi à franchir (le {{date-|2 octobre 1535}})<ref name="p.670" group="Laverdière">''op. cit.'', {{p.|670}}</ref>. Champlain décrit des courants puissants qui rendent difficile la navigation de leurs canots<ref name="p.103" group="Laverdière">''ibid.'', {{p.|103}}</ref>, et les oblige à terminer leur parcours par voie de terre<ref name="p.104" group="Laverdière">''ibid.'', {{p.|104}}</ref>. Trop pressé d'atteindre ce « grand sault », qu'il espère franchir, Champlain remarque à peine les deux endroits stratégiques où plus tard il établira des postes de traite et de colonisation : [[Québec (ville)|Québec]] et [[Trois-Rivières]].
 
Champlain n'a pas d'autre assignation officielle pour ce voyage que d'esquisser avec une grande précision une carte de « [[fleuve Saint-Laurent|la Grande Rivière de Canadas]] », de son embouchure jusqu'au « Grand Sault Saint-Louis ».
À partir du {{date-|18 juin 1603-}}, il explore [[Fleuve Saint-Laurent|le fleuve]] avec [[François Gravé]]: ils nomment des lieux et remontent la [[Rivière Richelieu|{{citation étrangère|langue=fr1835|rivière des Yroquois}}]] jusqu’aux rapides de [[Saint-Ours (Québec)|Saint-Ours]] et, le {{date-|3 juillet 1603-}}, font demi-tour devant le {{citation étrangère|langue=fr1835|Sault Saint-Louis}} (rapides de Lachine). Ils ont terminé l'exploration de la grande rivière de Canada le {{date-|11 juillet 1603-}}.
 
Le {{date-|13 juillet 1603-}}, sur la rive sud du [[Fleuve Saint-Laurent|fleuve]], il confère avec le chef Armouchidès et les siens qui se rendaient aux échanges avec «les Sauvages» à [[Tadoussac]].
 
Le {{date-|15 juillet- 1603-}}, pour s’approvisionner et pour chercher des mines, il entre dans la [[baie de Gaspé]], où descend une [[Rivière York (Gaspé)|rivière]]. Ensuite il passe par [[Percé]] et la [[Baie des Chaleurs|Baie-aux-Morues]], à l'[[Île Bonaventure|île de Bonaventure]]. Dans la baie, il rencontre les [[Micmacs]], qui le renseignent sur le [[Lac Matapédia]], sur [[Miramichi]], le [[Canso (Nouvelle-Écosse)|détroit (de Canseau)]], de l'[[Île-du-Prince-Édouard|île Saint-Jean]] et le [[Île du Cap-Breton|Cap-Breton]], la [[Baie de Fundy|baie Française (Fundy)]], sur l'[[Acadie (Nouvelle-France)|Acadie]] à l'Ouest, d'où ils remontent la [[Rivière Saint-Jean (Gaspé)|rivière Saint-Jean]] pour aller faire la guerre aux [[Iroquois]]. Champlain note leurs descriptions de terres fertiles en [[Acadie]], où il espère trouver le passage vers la Chine.
 
==== De nouveau à Tadoussac, puis retour avec des Amérindiens ====
Partant de [[Percé]] le {{date-|19 juillet 1603}}, la barque passe devant le [[L'Anse-à-Valleau|cap L'Evêque (Pointe-à-la-Renommée)]], puis traverse une tempête de deux jours jusqu'au golfe et mouille l'ancre à [[Rivière Sainte-Marguerite (Sept-Îles)|rivière Sainte-Marguerite]].
Le {{date-|3 août 1603-}} l'expédition atteint [[Tadoussac]], où il y a une grande [[Tabagie (festin)|tabagie]] sous la direction du chef [[Begourat]]. Ils reconnurent les «sauvages» de la [[Rivière des Iroquois (rivière Richelieu)|rivière des Iroquois]]. Champlain et Gravé furent reçus avec hospitalité parmi ces festivités, qui annonçaient le départ pour une nouvelle guerre. Avant le départ, un des [[Amérindiens|Sagamo]] des Montagnais nommé [[Begourat]], fort recommandé par [[Anadabijou]], confie son fils à [[François Gravé]]<ref>''"A Paris, en octobre 1603, François Gravé présente à Henri IV un jeune amérindien qui lui a été confié par son père, le chef montagnais Bechourat. Le roi traite l’enfant comme le sien et l’envoie rejoindre sa progéniture au château de Saint-Germain-en-Laye. L’existence de « Petit Canada » au contact des princes et princesses sera malheureusement brève: baptisé le 9 mai 1604, il aura comme parrain et marraine, deux des enfants d’Henri IV et de Gabrielle d’Estrées, Alexandre et Catherine-Henriette, mais il tombera vite malade et, malgré les sollicitudes du futur Louis XIII qui lui fera partager ses repas, il mourra le 18 juin suivant, laissant au dauphin un vif souvenir."'' (Thierry 2019, op.cit p. 212)</ref>. Champlain leur demanda une [[Iroquois]]e que les sauvages voulaient manger ; celle-ci sera de la traversée.
 
Le {{date-|16 août 1603-}}, Champlain part de [[Tadoussac]]. Le {{date-|18 août- 1603-}}, il arrive à [[Percé]], où il croise le sieur Jean Sarcel, seigneur de Prévert, « qui venait de la mine où il avait été avec beaucoup de peine, pour la crainte que les Sauvages de leurs ennemis [[Malécites|Armouchiquois]] , hommes monstrueux de la forme qu'ils ont »<ref name="Le Jeune 1931">{{Harv|Le Jeune, o.m.i.|1931}}</ref>. Le sieur de Prévert a aussi amené {{citation étrangère|langue=fr1835|quatre sauuages : vn homme
qui est de la coste d'Arcadie, vne femme & deux enfans des Canadiens}}.
 
==== « Des Sauvages... », compte-rendu de l'expédition ====
À son retour en France le {{date-|20 septembre 1603}}, il fait son rapport au roi et publie un compte-rendu de l'expédition, intitulé ''Des Sauvages, ou Voyage de Samuel Champlain, de [[Hiers-Brouage|Brouage]], fait en la France nouvelle, l’an mil six cens trois''<ref>{{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Samuel de|nom1=Champlain|titre=Des sauvages, ou Voyage de Samuel Champlain, de Brouage, fait en la France nouvelle l'an mil six cens trois... : contenant les moeurs, façons de vivre, mariages, guerres, & habitations des sauvages de Canadas [sic]...|lieu=Paris|éditeur=C. de Monstr'oeil|année=1603|pages totales=IV-36 f.|lire en ligne=https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8626417m|consulté le=2020-06-18}}</ref>. Il relate son séjour dans un campement estival de ''[[Innus|Montagnais]]'' à [[Tadoussac]], puis de son parcours sur les traces de [[Jacques Cartier]])<ref name="Champlain1603" group="Laverdière">Tome II ([[1603]]).</ref>, avec dessins et cartes, dont la légende [[micmacs|micmaque]] de la [[Gougou]]. Notons l'absence de la particule « ''de'' » devant son nom<ref>L'éditeur de l'ouvrage "Des Sauvages", Claude de Monstr'oeil a voulu contester la noblesse de Champlain. Il était sans doute au courant de l'Édit de la taille de mars 1600, qui ne permettait pas aux bâtards et leurs descendants de prétendre à la noblesse. Claude de Monstr'oeil "connaissait sans doute la probable bâtardise du père de celui-ci, Antoine de Champlain". (Thierry, Éric, Les Œuvres complètes de Champlain, Tome 1, Québec, Septentrion, 2019, p. 167.</ref>. Le but de ce livre est de faire le compte-rendu de la tabagie de la pointe Saint-Mathieu permettant de sceller l’alliance avec les Amérindiens. Son objectif était également d’éveiller l’intérêt du public pour l’Amérique du Nord-Est et de trouver de nouveaux investisseurs. Les caisses de l’État, vidées par les guerres de religion, le rôle du roi sera d’accorder un monopole de la traite des fourrures<ref>Thierry, Éric, Les œuvres complètes de Champlain, Tome 1, Québec, Septentrion, 2019, p. 42.</ref>. Michel Bideaux a souligné le caractère insolite du titre, qui « ignore le pays autant que ses visiteurs, et préfère mettre en relief la figure de l'indigène »<ref>Michel Bideaux, « ''Des sauvages'' : une singularité narrative », ''[[Études françaises]]'', volume 22, numéro 2, automne 1986, p.&nbsp;35 ([[doi:10.7202/036889ar|lire en ligne]]). </ref>.
 
 
 
 
=== {{2e}} voyage. Fondation d'une colonie à l'île Sainte-Croix et déménagement à Port-Royal ({{Date-|1604}}-{{Date-|1607}}) ===
Le {{date-|8 novembre 1603}}, le roi [[Henri IV (roi de France)|Henri IV]] accorde une commission à [[Pierre Dugua de Mons|Pierre Dugua, sieur de Mons]], pour fonder un établissement en [[Acadie]], en tant que « [[Lieutenant Général des armées (Ancien Régime)|lieutenant général]] en Amérique septentrionale ». La recherche de métaux précieux de cuivre et d’argent était la raison principale du choix de l’Acadie. À l’automne 1603, Champlain était de retour en France et le maloin Jean Sarcel de Prévert lui mentionne que l’on a trouvé des mines en Acadie, ce qui pourrait corroborer les observations faites par l’explorateur Verrazano. Henri IV et son entourage s’intéressent à l’expansion française en Amérique. Il y a d’abord, Charles de Montmorency, amiral de France, Pierre Dugua de Mons, gentilhomme de la [[Maison du Roi|Chambre du roi]] et vice-amiral, Samuel de Champlain, François Gravé et Pierre de Beringhen, [[Gentilhomme de la Chambre|valet de chambre]] du roi et contrôleur des mines de France. À la suggestion de François Gravé et de Samuel de Champlain, [[Charles de Montmorency-Damville|Charles de Montmorency]] et Pierre de Beringhen font des pressions sur Henri IV pour une implantation en Acadie<ref>Thierry, Éric, La France d’Henri IV en Amérique du Nord : De la création de l’Acadie à la fondation de Québec, Paris, Classique Garnier, 2019, p. 65-66-122-124.</ref>. La recherche de métaux précieux, permettait d’accroître la puissance de l’État et donc la gloire du roi. On s’inscrivait dans une démarche [[Mercantilisme|mercantiliste]] en suivant l’exemple des Espagnols et de Jacques Cartier. Malheureusement les gisements des mines de cuivre et d’argent se sont révélés assez décevants. En {{date-|mars 1604}}, [[Henri IV (roi de France)|le roi]] autorise Champlain de participer à cette autre expédition et il devra faire rapport de ses découvertes. Menée par [[Pierre Dugua de Mons]], cette expédition (sans femme ni enfant) est toujours pilotée par [[François Gravé|François Gravé sieur Dupont]]. Appareillant du [[Le Havre|Havre-de-Grâce]] le {{date-|7 avril 1604}}, l'expédition compte deux navires, la ''Bonne Renommée'' et [[Don de Dieu (navire)|le Don de Dieu]]. [[François Gravé|Gravé Du Pont]] traverse sur la ''Bonne Renommée'', alors que [[Pierre Dugua de Mons]], [[Jean de Poutrincourt|Jean de Biencourt, seigneur de Poutrincourt]], le sieur d’Orville et Champlain traversent sur [[Don de Dieu (navire)|le Don de Dieu]].
 
==== L'Île Sainte-Croix ====
[[File:Île sainte croix.png|thumb|gauche|Plan de l'île Sainte-Croix, premier site de colonisation en Nouvelle-France.]]
Au début de {{date-|mai 1604}}, ils accostent à [[Port Mouton|Port-au-Mouton]]. Du {{date-|19 mai 1604-}} au {{date-|24 juin 1604-}}, il cherche un site temporaire, naviguant en barque le long des côtes, avec dix hommes. Il passe le [[cap de Sable]], entre dans la [[baie Sainte-Marie]], explore la [[baie de Fundy|baie Française]], nomme [[Annapolis Royal|Port-Royal]] et explore l’embouchure du [[fleuve Saint-Jean]].
Le {{date-|24 juin 1604-}}, le choix se fixe sur l’[[île Sainte-Croix]], pour une installation au départ temporaire. Champlain contribue à instaurer l'habitation sur cette île. On y construit des bâtiments avec des matériaux apportés de France, dont un logis en commun pour Champlain, M. d’Orville et Pierre Angibault dit Champdoré (Chandore), capitaine de l'expédition.
 
Le {{date-|1 août 1604-}}, [[Pierre Dugua de Mons]] attribue une concession à [[Jean de Poutrincourt|Poutrincourt]] dans la {{Lien|langue=en|trad=Annapolis Basin|fr=Bassin d'Annapolis|texte=baie de Port-Royal}}. En {{date-|septembre 1604-}}, avec [[Pierre Dugua de Mons|de Mons]], ils explorent la région pour trouver des mines et surtout un site d'habitation durable. Ils entrent dans la [[Penobscot (fleuve)|rivière Penobscot]] puis dans la [[Kennebec (rivière)|rivière Kennebec]] et longent les côtes sur au-delà de {{nombre|200 kilomètres}}, que Champlain décrira avec précision.
 
Cet hiver de {{date-|1604}} à {{date-|1605}} est terrible : le [[scorbut]] fauche 35 ou 36 Français sur les 79 habitants de l’[[île Sainte-Croix|île]], où la glace de la rivière les tient isolés des ressources riveraines. Le {{date-|15 juin 1605-}}, [[François Gravé|Gravé Du Pont]] arrive avec une quarantaine d’hommes, des vivres et du matériel. Du {{date-|17 juin 1605-}} au {{date-|3 septembre 1605-}}, [[Pierre Dugua de Mons|de Mons]] et Champlain cherchent un endroit plus hospitalier. Partant de la [[Kennebec (rivière)|rivière Kennebec]], ils explorent au sud, visitent la [[Baie de Casco|baie des Sept-Îles (Casco Bay)]], la {{Lien|langue=en|trad=Saco Bay|fr=Baie de Saco|texte=baie de Chouacouët (Saco Bay)}}, [[Cap Ann|Cap-aux-Îles (Cape Ann)]], la [[Boston Harbor|baie des Îles (baie de Boston)]], le port {{Lien|langue=en|trad=Plymouth Bay|fr=Baie de Plymouth|texte=Saint-Louis (baie de Plymouth)}}, le [[Cap Cod|cap Blanc (Cap Cod)]] et Mallebarre (Nauset Harbour). Ils reviennent à Sainte-Croix le {{date-|3 septembre 1605}}. Champlain trace une cartographie très précise de ce voyage<ref group="coll" name="chronologie" />.
 
==== Port-Royal ====
[[Fichier:1613 Habitation Port Royal.jpg|vignette|gauche|{{citation étrangère|langue=fr1835|abitasion du port royal}}, par Champlain, 1613]]
Le {{date-|21 septembre 1605}}, le groupe transporte la colonie à [[Port-Royal (Acadie)|Port Royal]] pour y construire l'[[Habitation de Port-Royal|Habitation]]. Les bâtiments de Sainte-Croix sont démontés puis remontés. [[Pierre Dugua de Mons|De Mons]] désigne ses remplaçants : les sieurs d’Orville puis [[François Gravé|Gravé Du Pont]] (mais pas Champlain).
À Port-Royal, le rôle de Champlain n'est toujours que celui du simple observateur.
 
À Port-Royal, Champlain a un cabinet de travail et il prend « un singulier plaisir » au jardinage. Il construit aussi [[Écluse à poissons|une écluse pour l’élevage]] de truites. Avant l'hiver, il cherche encore des mines, sans succès. Durant l'hiver, 12 des 45 membres de l'expédition meurent du scorbut. En {{date-|mai 1606}}, de nouveaux colons s’embarquent sur le ''Jonas'' pour l’Acadie, sans femmes, car on craint la rigueur de l’hiver. Le ''Jonas'' arrive le {{date-|26 juillet 1606-}}<ref group="coll" name="chronologie" />.
 
[[File:Port Fortuné, altercation.tif|thumb|Altercation à Port Fortuné. {{citation étrangère|langue=fr1835|'''A''' Le lieu ou eſtoiet les François ſaiſans le pain. '''B''' Les ſauuages ſurprenans les François en tirant ſur eux à coups de fleſches. '''C''' François bruſlez par les ſauuages. '''D''' François s’enfuians à la barque tout lardés de fleſches. '''E''' Trouppes de ſauuages faiſans bruſler les François qu’ils auoient tué. '''F''' Montaigne ſur le port. '''G''' Cabannes des ſauuages. '''H''' François à terre chargeans les ſauuages. '''I''' Sauuages desfaicts par les François. '''L''' Chalouppe où eſtoient les François. '''M''' Sauuages autour de la chalouppe qui furent ſurpris par nos gens. '''N''' Barque du ſieur de Poitrincourt. '''O''' Le port. '''P''' Petit ruiſeau. '''Q''' François tombez morts dans l’eau penſans ſe ſauuer à la barque. '''R''' Ruiſeau venant de certins mareſcages.}}]]
Parmi ces passagers, arrivent le nouveau commandant de la colonie (en remplacement de [[François Gravé|Gravé Du Pont]]) [[Jean de Poutrincourt|Jean de Biencourt de Poutrincourt]], son cousin germain [[Louis Hébert]] et l'avocat [[Marc Lescarbot]]<ref>Jean de Biencourt et Marc Lescarbot sont des ex-ligueurs, fervents catholiques et, ralliés à Henri IV seulement lorsque celui-ci s’est converti au catholicisme. Traumatisés par les guerres de religion, ces ligueurs imprégnés d’humanisme chrétien, désiraient implanter en Acadie, un christianisme des origines, une Société sainte en quelque sorte. Les rituels des soupers de l’Ordre de Bon-Temps, créé par Champlain, évoquaient les noces de Cana de la Vulgate. Source: Thierry, Éric, La France d’Henri IV en Amérique du Nord : De la création de l’Acadie à la fondation de Québec, Paris, Classique Garnier, 2019, p. 192 et 390.</ref>. Le {{date-|25 août 1606-}}, le Jonas retourne en France avec [[François Gravé|François Gravé Du Pont]] et une cinquantaine de colons. Champlain jardine avec l'[[apothicaire|épicier et apothicaire]] parisien [[Louis Hébert]].
À l'automne {{date-|1606}}, sur plus de deux mois, Champlain et [[Jean de Poutrincourt]] cherchent du sud de l’Acadie jusqu’à [[Cap Cod|Cap Blanc (Cap Cod)]] un autre lieu où ils pourraient s'installer de façon permanente. Au [[Chatham (Massachusetts)|port Fortuné (Chatham, MA)]], une altercation avec des Amérindiens de la tribu des {{Lien|langue=en|fr=Nausets|trad=Nauset}} se solde par le massacre de quatre Français. Ils remarquent de belles baies, nomment plusieurs lieux, dont la rivière Champlain ({{lien|trad=Mashpee River|fr=rivière Mashpee}}), mais la présence des Anglais dans les parages et l'hostilité des autochtones leur font renoncer à s'installer sur cette côte. Ils ne dépassent pas [[Martha's Vineyard |Martha's Vineyard (en)]]. Le {{date-|14 novembre 1606-}}, les explorateurs reviennent à Port-Royal ; la petite colonie les accueille tandis que [[Marc Lescarbot]] fait jouer [[le Théâtre de Neptune]].
 
[[File:L'Ordre de Bon Temps, 1606.jpg|vignette|gauche|L'Ordre de Bon Temps, [[1606]], par [[Charles William Jefferys|C. W. Jefferys]].]]
Champlain fonde à Port-Royal l'[[Ordre du Bon-Temps]], pour que tous y passent « fort joyeusement » l'hiver. Les colons s'y acclimatent progressivement; cependant, le [[scorbut]] fait encore de quatre à sept victimes<ref group="coll" name="chronologie" />.
 
[[File:Description of the Coasts, Points, Harbours and Islands of New France WDL280.png|vignette|gauche| Cette carte sur vélin de style [[portulan]] a été établie par Champlain lui-même en [[1607]], afin de la présenter au [[Henri IV (roi de France)|roi de France]]. La carte de Nouvelle-France établit la première délimitation approfondie de ce qui deviendra la [[Nouvelle-Angleterre]] et les côtes atlantiques du Canada, de [[Cap de Sable|Cap-Sable]] à [[Cap Cod|Cap Blanc (Cap Cod)]]. On y indique [[Port-Royal (Nouvelle-Écosse)|Port-Royal]], la ''Baye Blanche'' (baie de [[Cap Cod]]), la [[baie de Fundy|''Baye Françoise'']], les fleuves [[fleuve Saint-Jean|Saint-Jean]], [[Fleuve Sainte-Croix|Sainte-Croix]] et [[Penobscot (fleuve)|Penobscot]], ainsi que la baie de la rivière [[Kennebec (rivière)|Kennebec]] et l'[[île des Monts Déserts]].]]
Le {{date-|24 mai 1607-}}, un jeune homme de St-Malo nommé Chevalier arrive avec le message que les privilèges de commerce de [[Pierre Dugua de Mons]] sont révoqués et ordre de rentrer en France. Il lui dit aussi « la naissance de [[Monsieur d’Orléans (1607-1611)|Monseigneur le Duc d’Orleans]], qui nous apporta de la réjouissance, et en fîmes les [[feu de joie|feux de joie]], et chantâmes le [[Te Deum]]. »
Champlain retourne au fond de la [[baie de Fundy|baie Française]] : ils sont sept hommes cherchant des mines de cuivre [[Bassin des Mines|(Bassin des Mines ou Minas Basin)]] ; ils remarquent des pierres à chaux et des morceaux de cuivre. Au [[Cap Split|cap Poutrincourt (Cap Split)]], on découvre une croix couverte de mousse et toute pourrie. Ils y voient le signe évident du passage antérieur de chrétiens. Champlain cartographie le littoral de l’[[île du Cap-Breton]] jusqu’au [[cap Cod|cap Blanc]]<ref group="coll" name="chronologie" />.
 
Le {{date-|12 juillet 1607-}}, Ralleau, secrétaire du sieur de Monts, arrive et confirme la nouvelle du messager Chevalier. Port-Royal est alors confié à la surveillance de leur ami le chef [[Henri Membertou|Membertou]] et le {{date-|3 septembre 1607}} tous les habitants de Port-Royal retournent en France à bord du ''Jonas''.
 
==== Bilan ====
 
Durant ces années, Champlain dresse la carte de 1607<ref>Cette carte manuscrite de Champlain est signalée à Nantes en 1886 cédée par un abbé à Gabriel-Alexandre Marcel, qui la cède plus tard à Henry Harrisse, un historien franco-américain. Ce dernier fait don de cette carte à la Bibliothèque du Congrès à Washington en 1910. Source: Marcel, Gabriel, Cartographie de la Nouvelle-France: Supplément de l'ouvrage de H. Harrisse, Paris Maisonneuve, 1885, p. 6.[https://books.google.ca/books?id=BH8OAAAAYAAJ&printsec=frontcover#v=onepage&q&f=false .https://books.google.ca/books?id=BH8OAAAAYAAJ&printsec=frontcover#v=onepage&q&f=false]</ref> en explorant le littoral de l'Atlantique, de l'[[Île du Cap-Breton]] jusqu'au sud du « Cap Blanc » (aujourd'hui [[Cap Cod]], dans le Massachusetts), en passant par la [[Baie de Fundy|{{citation étrangère|langue=fr1835|Baye françoise}} (baie de Fundy)]] lors de la recherche des endroits les plus faciles à défendre et les plus propices à y établir une colonie ; ces explorations bien documentées amènera [[Marc Lescarbot|Lescarbot]] à lui attribuer le titre de « géographe du roi » :
{{Citation étrangère bloc|langue=fr1835|Le sieur Champlein, Geographe du Roy, experimenté en la marine, et qui se plait merveilleusement en ces entreprises, print la charge de conduire et gouverner cette premiere colonie envoyée à [[Québec (ville)|Kebec]]{{sfn|Lescarbot|1612|p=622}}. }}
 
=== {{3e}} voyage. Fondation de Québec ({{Date-|1608}}-{{Date-|1609}}) ===
[[Fichier:Samuel de Champlain arrive à Québec - George Agnew Reid - 1909.jpg|thumb|droite|''L'arrivée de Champlain à Québec''<ref name="barque" group="note"/> selon [[George Agnew Reid]], [[1909]].]]
[[File:L'arrivée de Champlain à Québec.jpg|thumb|droite|L'arrivée de Champlain à Québec, par Henri Beau (1903)]]
 
Arrivé le {{date-|30 septembre 1607-}} à bord du ''Jonas'', Champlain ne restera pas très longtemps en France.
Le {{date-|7 janvier 1608}}, [[Henri IV (roi de France)|le roi Henri IV]] prolonge pour une autre année le monopole de la [[traite des fourrures]] de [[Pierre Dugua de Mons]]. La concession de [[Port-Royal (Acadie)|Port-Royal]] ayant déjà un seigneur en la personne de [[Jean de Poutrincourt]], Champlain tourna ses projets sur [[fleuve Saint-Laurent|''la Grande Rivière de Canada'' (aujourd'hui, le fleuve Saint-Laurent)]]<ref name="Le Jeune 1931" />.
 
Le {{date-|5 avril 1608-}}, sous le commandement de [[François Gravé|François Gravé Du Pont]], le ''Lièvre'' prend le large au départ de [[Honfleur]] pour la traite à [[Tadoussac]]<ref group="coll" name="chronologie" />. Gravé est chargé de l'office de la traite des fourrures. Peu après, le {{date-|18 avril 1608-}}, Champlain repart pour la [[Nouvelle-France]] à bord du ''[[Don de Dieu (navire)|Don de Dieu]]'', comme lieutenant de l'expédition au Saint-Laurent. [[Pierre Dugua de Mons]] reste en France. Champlain a comme mandat de construire rapidement un poste de traite. Ses {{Nombre|28|hommes}} (il n'y a encore aucune femme) reçoivent pour mission de préparer l'établissement d'une colonie permanente en un lieu favorable le long du [[fleuve Saint-Laurent|fleuve]].
 
{{citation | Tadoussac, à l'époque, est le terminus de la navigation transatlantique, le port d'attache et de ralliement des vaisseaux d'Europe : car en amont du fleuve la navigation semble périlleuse. Ayant mouillé l'ancre, Dupont-Gravé se vit réduit, en vertu de son privilège royal, à engager la lutte contre le capitaine basque Darache, qui l'a devancé au trafic avec les indigènes. Mais Champlain, survenant le {{date-|3 juin 1608-}}, ménage un prompt accommodement. Aussitôt il apprête deux barques pour transporter à Québec une partie du matériel d'installation. Dans l'intervalle de ce voyage, il remonte de nouveau le Saguenay et recueille des Sauvages de vagues informations relatives aux régions intérieures : lac Saint-Jean et ses tributaires, rivières et lacs septentrionaux, baie du Nord<ref name="Le Jeune 1931" />.}}
 
==== EnfantL'Habitation de marinQuébec ====
[[File:Québec-1608-Champlain-construisant-son-Habitation.jpg|thumb|gauche|upright|Champlain construisant son Habitation, par Charles William Jefferys, 1925.]]
Samuel de Champlain est né vers 1580 à [[Hiers-Brouage|Brouage]], en [[Saintonge]]<ref>{{Ouvrage|auteur1=Eric Thierry|auteur2=Bernard Emont|directeur2=Oui|titre=Le Québec à grands traits. regard panoramique sur la civilisation québécoise|passage=25-31|lieu=Paris|éditeur=L'Harmattan|date=2020}}</ref>. Il est le fils unique d'Antoine de Champlain, capitaine de marine, probablement originaire de la région de [[Vitré (Ille-et-Vilaine)|Vitré]], et de Marguerite Le Roy, issue d'une famille brouageaise. Tout jeune adolescent, il commence à apprendre à naviguer sous la direction de son père et de deux de ses oncles maternels par alliance, Georges Camaret et [[Guillaume Allène]], dit le capitaine Provençal, tous les trois capitaines de marine.
[[File:Timbre-poste Canada 5c Quebec 1908.jpg|thumb|gauche|upright|Timbre-poste commémoratif, représentant l'Habitation de Québec, [[1908]].]]
Champlain, avec ses ouvriers, gagne en barque la « pointe de [[Québec (ville)|Québec]] » le {{date-|3 juillet 1608-}}, au pied du « [[cap Diamant|Cap aux Diamants]] ». Champlain avait déjà repéré ce site près de l'eau. {{citation étrangère|langue=fr1835|L'Abitation de Quebecq}} est une petite forteresse, un comptoir de traite et une maison.
Champlain écrira plus tard : « Je cherchai lieu propre pour notre Abitation, mais je n'en pus trouver de plus commode, ni mieux situé que la pointe de Québec, ainsi appelée des Sauvages, laquelle était remplie de noyers et de vignes. Aussitôt, j'employai une partie de nos ouvriers à les abattre pour y faire notre Abitation. »
Ils y érigent trois bâtiments principaux d'une hauteur de deux étages, entourés d'un fossé de {{Unité|4.6|mètres}} de large et d'une palissade de pieux. Cette installation, dite [[Habitation de Québec]], devient dès lors l'embryon de la première colonie française à se développer sur les bords du [[fleuve Saint-Laurent]].
 
==== Tentative d’assassinat et premier procès d'Amérique du Nord ====
==== Apprenti cartographe ====
[[File:Champlain fait pendre un des conspirateurs.jpg|thumb|Champlain fait pendre un des conspirateurs]] En début {{date-|juillet 1608}}, quelques jours après l'arrivée de Champlain à Québec, quelques-uns de ses ouvriers complotent pour l'assassiner et vendre l'Habitation à des contrebandiers basques ou espagnols qui font de la traite à [[Tadoussac]]. Le serrurier Jean Duval (ou Du Val) recruta quatre colons, et ils complotent l'assassinat de Champlain. Les conspirateurs prendraient le fort et le remettraient aux contrebandiers étrangers, qui promettent de très bien les rémunérer pour cette traîtrise, et de les emmener en [[Espagne]].
En 1592, grâce à ses talents de dessinateur, il est engagé par [[François d'Espinay de Saint-Luc|François d'Espinay]] de Saint-Luc, gouverneur de Brouage, dans l'armée du roi [[Henri IV (roi de France)|Henri IV]] qui opère en [[Bretagne]] contre les ligueurs du [[Philippe-Emmanuel de Lorraine|duc de Mercoeur]] et ses alliés espagnols. Il sert comme fourrier dans le service des logis, qui est chargé de l'organisation des déplacements des troupes et qui devient un efficace service de renseignements. Là, il apprend à observer les atouts des régions parcourues et à les cartographier. En mars 1595, il réussit une première mission d'espionnage consistant probablement à faire un relevé des fortifications construites par les Espagnols dans le port de [[Port-Louis (Morbihan)|Blavet]] (Port-Louis). D'abord fourrier, puis « aide » de Jean Hardy, qui est maréchal des logis de l'armée du roi, en 1595 et 1596, il devient « enseigne » du sieur de Millaubourg en 1597 et capitaine de la compagnie de celui-ci en son absence.
 
Antoine Natel, serrurier, osa parler, malgré la menace de se faire poignarder par les autres. Il révéla au capitaine Testu les détails du complot. {{citation|Mon ami, lui dit-il, vous avez bien fait de découvrir un dessein si pernicieux et vous montrez que vous êtes homme de bien, et conduit du Saint-Esprit. Mais ces choses ne peuvent se passer sans que le sieur de Champlain le sache pour y remédier, et (je) vous promets de faire tant envers lui, qu'il vous pardonnera et à d'autres [...].}} Champlain surveillait les travaux de son jardin près de son habitation, lorsque son fidèle capitaine Testu lui demanda à l'entretenir en «lieu secret». Testu avertit Champlain du danger, en échange du pardon de Natel. Champlain fait arrêter les traîtres. Ce sera le premier procès connu de l'[[histoire de l'Amérique du Nord]]<ref>{{Lien web|titre=Au départ...|url=http://ici.radio-canada.ca/nouvelles/dossiers/peinedemort/contenu_bas_01b.asp|site=ici.radio-canada.ca|consulté le=2016-10-02}}</ref>. L'instigateur du complot fut décapité et ses complices furent renvoyés en France au sieur de Mons, pour y être « condamnés d'être pendus ».
Après la [[paix de Vervins]] signée par la [[France]] et l'[[Espagne]] le 2 mai 1598, Champlain accompagne son oncle Guillaume Allène, dit le capitaine Provençal, qui est chargé de rapatrier les troupes espagnoles cantonnées à Blavet. Ils arrivent à [[Cadix]] à bord du ''Saint-Julien'' le 14 septembre 1598 et leur navire est vite réquisitionné par le gouvernement espagnol pour rejoindre la flotte envoyée dans l'[[Ibéro-Amérique|Amérique ibérique]] afin d'en ramener de l'or et de l'argent. Allène devant rester en Espagne, Champlain devient le "maître ordinaire" du ''Saint-Julien'', c'est-à-dire celui qui est chargé de diriger l'équipage français, sous les ordres du capitaine espagnol du bateau.
{{Citation étrangère bloc|langue=fr1835|Nous avisâmes que ce serait assez de faire mourir le dit du Val, comme le motif de l'entreprise, et aussi pour servir d'exemple à ceux qui restaient, de se comporter sagement à l'avenir en leur devoir, et afin que les Espagnols et Basques qui étaient en quantité au pays n'en fissent trophée: et les trois autres condamnés d'être pendus, et cependant les remmener en France entre les mains du [[Pierre Dugua de Mons|sieur de Mons]], pour leur être fait plus ample justice, selon qu'il aviserait, avec toutes les informations, et la sentence, tant du dit Jean du Val qui fut pendu et étranglé au dit Québec, et sa tête mise au bout d'une pique pour être plantée au lieu le plus éminent de notre fort et les autres trois renvoyés en France.|Champlain<ref name="Champlain1608" group="Laverdière">Tome III ([[1613]]): {{citation étrangère|langue=fr1835|Nous advisames que ce serait assez de faire mourir le dit du Val, comme le motif de l'entreprinse, & aussi pour servir d'exemple à ceux qui restoient, de se comporter sagement à l'advenir en leur devoir, & afin que les Espagnols & Basques qui estoient en quantité au pays n'en fissent trophée: & les trois autres condamnez d'estre pendus, & cependant les remmener en France entre les mains du sieur de Mons, pour leur estre fait plus ample justice, selon qu'il adviseroit, avec toutes les informations, & la sentence, tant dudict Jean du Val qui fut pendu & estranglé audit Quebecq, & sa teste mise au bout d'une pique pour estre plantée au lieu le plus eminent de nostre fort & les autres trois renvoyez en France.}}</ref>}}
 
==== EspionDécimés danspar l'Amériquele ibériquescorbut et la dysenterie ====
Le premier hiver est pénible et meurtrier pour les 28 hommes restés sur place. La plupart décèdent du [[scorbut]] ou de [[dysenterie]], et seuls huit des hivernants survivent<ref name="chronologie" group="coll" />.
La flotte appareille de [[Sanlúcar de Barrameda]] le 3 février 1599 et atteint la [[La Désirade (île)|Désirade]] le 18 mars. Le ''Saint-Julien'' se sépare des autres navires pour s'approvisionner en eau douce, en fruits et en viande à la [[Guadeloupe]], puis les rejoint, et tous ensemble arrivent à [[San Juan (Porto Rico)|San Juan]], la capitale de [[Porto Rico]] le 22 mars. Là, Champlain peut voir les traces laissées par l'occupation et le pillage de la ville par les Anglais du comte de Cumberland de juin à septembre 1598. Tandis qu'une partie de la flotte se dirige vers [[Carthagène des Indes|Carthagène-des-Indes]] , puis [[Portobelo (Panama)|Portobelo]], afin d'y charger l'or et l'argent qui viennent du [[Pérou]] par l'[[isthme de Panama]], une autre, dans laquelle est affecté le ''Saint-Julien'', se rend à [[Veracruz]] pour y récupérer les métaux précieux, les pierreries et la [[Cochenille (insecte)|cochenille]] produits par la [[Nouvelle-Espagne]]. Champlain reste là pour y surveiller la réfection de la coque de son navire. Il reprend la mer, avec son escadre, le 29 juin pour gagner [[La Havane]], à [[Cuba]], mais le ''Saint-Julie''n prend l'eau, manque de faire naufrage au sud de la [[Floride]], et est désarmé et vendu aux enchères dans la capitale cubaine. Champlain se retrouve sur la [[hourque]] ''Sanson'' et quitte La Havane avec la flotte espagnole le 23 décembre 1599. Il est de retour à Sanlúcar de Barrameda le 26 février 1600.
 
==== Au printemps ====
Il séjourne dès lors à Cadix, où il attend son oncle Allène qui commande le navire amiral de l’escadre espagnole du [[détroit de Gibraltar]]. Champlain patiente en rédigeant et en illustrant son ''Brief Discours'', le récit de son périple aux [[Indes occidentales espagnoles|Indes occidentales]]. Il ne reprend pas un carnet de voyage, fait d’un journal tenu au jour le jour et de cartes et dessins crayonnés sur le terrain, car un tel document aurait pu être facilement découvert par ses compagnons espagnols et il aurait alors couru le risque d’une arrestation pour espionnage. Il se contente de ses souvenirs, plus ou moins précis, qu’il complète avec des informations recueillies lors de conversations, de lectures et de visites de [[Cabinet de curiosités|cabinets de curiosités]]. La confrontation du ''Brief Discours'' avec les archives espagnoles permet de douter que Champlain ait visité en personne tous les lieux décrits, en particulier l’[[Margarita (île)|île de la Marguerite]], [[Mexico]] et l’isthme de Panama.
Dès le printemps, Champlain prend soin d'établir de bonnes relations avec les [[Amérindiens]] des environs. Comme à [[Tadoussac]], six ans auparavant, il renoue des alliances avec les [[Innus|Montagnais]] et les [[Algonquins]], qui vivent au nord du Saint-Laurent, acquiesçant à leur demande persistante de les aider dans leur guerre contre leurs ennemis les [[Iroquois]], semi-[[nomades]] eux aussi, vivant au sud-ouest du fleuve<ref name="suprématie" group="note">Les Européens ont sur les [[peuple autochtone|autochtones]], et pour longtemps, la supériorité des armes, étant les seuls à être équipés d'[[Arme à feu|armes à feu]] : [[Canon (artillerie)|canons]], [[couleuvrine]]s, [[arquebuse]]s, [[mousquet]]s, [[Pistolet (arme)|pistolets]]… contre arcs et flèches ou [[javelot]]s.</ref>.
 
Le {{date-|28 mai 1609}}, [[François Gravé|du Pont-Gravé]] arrive de Tadoussac avec « deux petites barques pleines d'hommes ». Champlain explique aux « sauvages » que ces gens étaient pour les assister et qu'avec eux, ils iraient peut-être ensemble à la guerre.
==== Analyste à la Cour ====
A partir du printemps 1601, à Cadix, Champlain veille sur son oncle Allène gravement malade. Le 26 juin, celui-ci lui lègue ses biens et meurt peu de temps après. Champlain rentre dès lors en France. Par l’entremise du chevalier René Rivery de Potonville, sous les ordres duquel il a servi en Bretagne, il entre en relation avec un autre membre de l’[[Ordre de Saint-Jean de Jérusalem à Malte|ordre de Malte]], [[Aymar de Chaste]], gouverneur de [[Dieppe (Seine-Maritime)|Dieppe]]. Celui-ci apprécie grandement le ''Brief Discours'', dont il fait réaliser une superbe copie par un atelier d'enluminure dieppois, et présente Champlain au roi Henri IV qui le retient à la Cour, à partir du début de 1602, en lui versant une pension<ref>{{Ouvrage|auteur1=Samuel de Champlain|traducteur=Eric Thierry|titre=Espion en Amérique. 1598-1603|passage=7-35.|lieu=Québec|éditeur=Septentrion|date=2013}}</ref>.
 
==== Au lac Champlain, bataille des alliés contre les Iroquois ====
Champlain est chargé de collecter des informations devant permettre la conquête par la France de l’empire de Guyana, au nord de l’Amérique du Sud, qui abriterait l’immense trésor du dernier empereur inca, [[Manco Capac II|Manco Capac]], dont la capitale, Manoa, regorgerait d’or, d’argent et de pierreries, et où il serait possible d’accéder en passant par un bras de l’[[Orénoque]]. A partir de février 1603, il aide aussi Aymar de Chaste, nouveau lieutenant général en Nouvelle-France, à élaborer un plan de colonisation de l’Amérique du Nord-Est. Il prévoit la création d’un établissement français dans la [[baie de Chesapeake]], à l’entrée du [[Long Island Sound|détroit de Long Island]], dans la baie de [[Saco (Maine)|Saco]] ou à l’embouchure de la rivière [[Penobscot (fleuve)|Penobscot]], et l’envoi à partir de là de soldats français pour s’emparer de Manoa<ref name=":0">{{Ouvrage|auteur1=Eric Thierry|titre=Les Œuvres complètes de Champlain|tome=I|lieu=Québec|éditeur=Septentrion|date=2019}}</ref>.
{{article détaillé|Bataille du lac Champlain (1609)}}
[[Image:Iroq2.jpg|vignette|''Défaite des Iroquois au Lac de Champlain'' (1609), dans Voyages de Champlain, tome III, réimpression de 1632.]]
Champlain part le {{date-|18 juin 1609-}} en voyage de découverte au pays des [[Iroquois]]. Il fait la rencontre d'environ deux à trois cents [[Hurons-Wendats|Hurons]] et [[Algonquins]] sur une île près de [[Batiscan]] qui se préparent à partir en guerre contre les [[Iroquois]]<ref name=lacoursiere>{{Ouvrage|prénom1=Jacques|nom1=Lacoursière|lien auteur1=Jacques Lacoursière|titre=Histoire populaire du Québec|sous-titre=Des origines à 1791|éditeur=Septentrion|année=1995|pages totales=488|passage=43-44|isbn=978-2-89448-050-2|présentation en ligne=http://www.entrepotnumerique.com/p/1133?mid=2&l=fr&r=http://www.septentrion.qc.ca}}</ref>. Curieux, ils iront visiter l'[[Habitation de Québec]] entre le 22 et le {{date-|28 juin}}.
 
Le {{date-|28 juin}}, Champlain repart avec neuf soldats français et les [[Hurons-Wendats|Hurons]] toujours dans l'idée d'explorer la [[rivière Richelieu|rivière des Iroquois (Richelieu]]). En cours de route, il nommera certaines rivières comme la [[rivière du Loup (Mauricie)|rivière Saint-Suzanne (rivière du Loup)]], la [[rivière Nicolet|rivière Du Pont (Nicolet)]]) et la [[rivière Yamaska|rivière de Gennes (Yamaska)]]<ref name=lacoursiere/>.
{{Lien vidéo|titre=Eric Thierry raconte le manuscrit retrouvé de Champlain|url=https://kiosqueduseptentrion.ca/2020/04/15/eric-thierry-raconte-le-manuscrit-retrouve-de-champlain/|année=2020|medium=Podcast|éditeur=Editions du Septentrion|consulté le=1 août 2023}}
 
N'ayant fait, jusque-là, aucune rencontre avec les [[Iroquois]] et ne pouvant continuer avec son embarcation en raison des [[rapides (hydrologie)|rapides]], la plus grande partie de la troupe rebrousse chemin, le laissant avec seulement deux Français à bord d'un canot amérindien et une soixantaine d'Algonquins, Hurons et Montagnais. Ils passent les rapides de [[Bassin de Chambly|Chambly]] et ils poursuivent en amont. Le {{date-|12 juillet 1609-}}, il découvre ce grand lac qu'il baptise de son propre nom (le [[lac Champlain]])<ref name="chronologie" group="coll" />.
Le roi Henri IV ne pouvant financer ce vaste projet, Aymar de Chaste se laisse convaincre par [[François Gravé]], un marchand malouin installé à [[Honfleur]], de privilégier plutôt la vallée du [[Fleuve Saint-Laurent|Saint-Laurent]], que celui-ci fréquente depuis la fin des années 1570 et qu’il sait riche en fourrures. Il le charge d’y mener une expédition afin d’en explorer toutes les possibilités et propose à Champlain d’en faire partie. Celui-ci accepte, mais demande auparavant l’autorisation d'Henri IV, qui la lui accorde à condition de lui faire un « fidèle rapport » à son retour.
 
Le {{date-|29 juillet 160-}}, vers les {{heure|22|00}}<ref name=lacoursiere/>, à l'emplacement du futur [[fort Ticonderoga|fort Carillon]], un peu au sud de [[Crown Point (New York)|Crown Point]] (État de New York), Champlain et son équipe rencontrent un groupe d'[[Iroquois]]. Le lendemain, deux cents [[Iroquois]] avancent sur leur position. Un guide indigène désigne les trois chefs iroquois ; aussitôt Champlain tue deux d'entre eux d'un seul coup d'[[arquebuse]]<ref name=lacoursiere/>, qui provoque aussi la fuite rapide de l'ensemble des Iroquois, et sème la panique.
=== L'artisan des alliances franco-amérindiennes (1603-1616) ===
==== La tabagie de Tadoussac ====
Champlain quitte Honfleur le 15 mars 1603, à bord de la ''Bonne Renommée'', aux côtés de Gravé et de deux [[Montagnais-Naskapi|Montagnais]] que celui-ci a amenés en France l’année précédente et qu’il a présentés au roi. Le navire entre dans la baie de [[Tadoussac]] le 26 mai et le lendemain, Gravé, Champlain et les deux Montagnais débarquent à la [[Pointe-aux-Alouettes|pointe aux Alouettes]], à l’ouest de l’embouchure du [[Rivière Saguenay|Saguenay.]][[Fichier:Champlain trading with the indians 1603.jpg|vignette|gauche|Champlain échangeant avec les Indiens, vu par C. W. Jefferys.]]{{article détaillé|Grande Alliance (traité)}}
 
Cet évènement entame une longue période de relations hostiles de la ligue ou confédération des [[Iroquoisie|Cinq-Nations iroquoises]] avec les colons français.
Ils rendent visite au chef montagnais [[Anadabijou]], qui campe aux environs. Ce dernier les accueille au milieu de plusieurs centaines de guerriers montagnais, [[algonquins]] et [[Étchemins|etchemins]], qui fêtent une victoire contre des [[Iroquois]]<nowiki/>lors d'une « tabagie », c'est-à-dire un grand festin. Un conseil de chefs se réunit, et l'un des deux Amérindiens revenus de France parle amplement du pays qu'il a visité et raconte l'entrevue qu'il a eue avec Henri IV. Il explique que le roi des Français leur veut du bien et désire peupler leur terre. Champlain et Gravé participent au rituel du calumet de paix. Cette première entente marque toute la politique amérindienne française du XVII<sup>e</sup> siècle, et notamment la participation des Français aux guerres contre les Iroquois<ref>{{Ouvrage|auteur1=Eric Thierry|auteur2=Romain Bertrand|directeur2=Oui|titre=L'Exploration du monde. Une autre histoire des Grandes Découvertes|passage=231-234.|lieu=Paris|éditeur=Editions du Seuil|date=2019}}</ref>.
 
==== Retour ====
Du 28 mai au 9 juin, la traite des fourrures a lieu à Tadoussac. Champlain observe ses hôtes et se renseigne sur leurs mœurs et croyances. Il essaie aussi de leur inculquer des rudiments des principes chrétiens. Le 11 juin, Champlain remonte le Saguenay sur 12 ou 15 lieues. Ses guides montagnais lui révèlent qu’il existe un réseau commercial autochtone par lequel les marchandises de traite européennes pénètrent l’intérieur des territoires, grâce à une série d’intermédiaires, et que le [[lac Saint-Jean]] est un des hauts lieux du troc amérindien. Champlain apprend aussi que les Autochtones qui habitent au nord voient une mer qui est salée. Il pense qu’il s’agit d’un espace maritime pouvant mener en [[Chine]]<ref name=":0" />.
Champlain laisse le commandement de [[Québec (ville)|Québec]] à [[Pierre Chauvin de La Pierre|Pierre Chauvin]]. Le {{date-|5 septembre 1609-}}, il s'embarque à [[Tadoussac]] avec le capitaine [[François Gravé|Gravé Du Pont]].
 
=== {{4e}} voyage au Canada ({{Date-|1610}}) ===
Le 18 juin, Champlain et Gravé quittent Tadoussac à bord d’une barque. Des guides amérindiens les précédent dans un canot. Ils longent la rive sud de l’[[Île d'Orléans|île d’Orléans]], voient la [[chute Montmorency]], passent la nuit du 22 au 23 juin sur le site de Québec, atteignent l’embouchure du [[Rivière Saint-Maurice|Saint-Maurice]] le 26 et celle du [[Rivière Richelieu|Richelieu]] le 30. Comme Champlain pense que cette rivière mène aux [[Appalaches]] qu’il suppose riches en mines d’or et d’argent, les Français la remontent sur une trentaine de kilomètres, mais doivent renoncer à aller plus loin à cause des rapides de Saint-Ours que leur barque ne peut franchir.
Champlain regagne la France. Le {{date-|8 octobre 1609}}, ''Le François''<ref>[http://naviresnouvellefrance.net/html/pages16091610.html Navires venus en Nouvelle-France en 1609 et 1610]</ref> mouille l'ancre au [[Le Conquet|Conquet]] en Basse-Bretagne, et le {{date-|13 octobre 1609}} il débarque à [[Honfleur]]. Champlain présente son rapport à [[Pierre Dugua de Mons]] et au [[Henri IV (roi de France)|roi]] à [[Fontainebleau]].
 
Champlain et [[Pierre Dugua de Mons|De Mons]] vont ensuite à [[Rouen]] entretenir les Associés Collier et Legendre et « l'on décide de parachever les découvertes du Saint-Laurent ». De retour à la Cour, de Mons sollicite le renouvellement du monopole de la [[traite des fourrures]] mais c'est refusé. Sur les réclamations pressantes des Bretons et des Basques, le surintendant des finances [[Maximilien de Béthune (duc de Sully)|Sully]] refuse tout privilège<ref name="Le Jeune 1931" />. Un arrêt royal, daté du {{date-|6 octobre 1609}}, proclame que la liberté du trafic est accordée à tous les armateurs du royaume.
Le 1er juillet, Champlain, Gravé et leurs compagnons continuent la remontée du Saint-Laurent et, deux jours plus tard, arrivent à l’entrée du [[courant Sainte-Marie]], devant l’[[île de Montréal]]. Champlain et Gravé montent dans un esquif et suivent le canot de leurs guides amérindiens. Ils doivent parfois se mettre à l’eau pour faire passer leur embarcation, mais finissent par atteindre les [[rapides de Lachine]] et là, ils doivent renoncer à aller plus loin. Ils se rendent compte que, pour poursuivre la remontée du Saint-Laurent, il leur faut utiliser un canot indigène et s’en remettre entièrement à leurs guides amérindiens qui sont les seuls capables de le manier. Or, la méfiance demeure. Ils se contentent d’interroger leurs guides amérindiens. Champlain leur fait même dessiner une carte. Il apprend qu’au-delà des rapides, il y a une rivière « qui va en la demeure des Algonquins, qui sont de quelque soixante lieues éloignés » du Saint-Laurent. C’est la [[rivière des Outaouais]]. Les guides racontent aussi que, quand ils continuent sur le Saint-Laurent, ils franchissent de nouveaux sauts et traversent des lacs. dont le dernier qui est salé. Champlain pense qu’il permet d’accéder à l’[[océan Pacifique]] et à la Chine<ref name=":0" />.
 
Champlain et De Mons parviennent à convaincre quelques marchands de [[Rouen]] de former avec eux une société. L'objectif est de convertir une partie de l'[[habitation de Québec]] en un entrepôt à leur usage exclusif, en vertu de quoi ces marchands promettent de soutenir la colonie.
Dès le 4 juillet, les Français commencent la descente du Saint-Laurent et atteignent Tadoussac le 11. Comme la pêche pratiquée par les hommes de la ''Bonne Renommée'' n’est pas pleinement satisfaisante, le navire ne peut pas rentrer tout de suite en France et s’arrête quelques jours à [[Gaspé (ville)|Gaspé]] pour compléter sa cargaison. Là, du 15 au 19 juillet, Gravé et Champlain se renseignent, auprès des indigènes [[micmacs]], sur la région où ils se trouvent. Comme il semble y avoir plus au sud, en Acadie, des filons de cuivre et d’argent, François Gravé propose à son associé Jean Sarcel d’aller examiner ceux-ci de près et celui-ci accepte. Il est venu de [[Saint-Malo]] sur son propre navire et a peut-être retrouvé la ''Bonne Renommée'' à Tadoussac, avant de la suivre jusqu’à Gaspé. Il part en direction de l’Acadie guidé par quelques Micmacs. A son retour, le 18 août, il annonce qu’il a bien vu les fameuses mines de cuivre et d’argent. Enchanté, Gravé donne le signal du retour en France. La ''Bonne Renommée'' quitte Gaspé le 24 août et entre dans le port du [[Le Havre|Havre]] le 20 septembre.
 
Champlain retourne à Québec avec onze artisans, ce qui porterait le nombre d'habitants à vingt-six. Il se rembarque de [[Honfleur]] le {{date-|7 mars 1610}}. La tempête contraignit le vaisseau à faire escale à [[Île de Portland|Portland]] puis à l'[[Île de Wight]]. Pendant ce retard forcé, Champlain fut frappé d’une maladie assez sérieuse, l’obligeant à se faire transporter en bateau jusqu’au [[Le Havre|Havre]] pour des soins. Alors que Champlain est encore affaibli, il quitte [[Honfleur]] une deuxième fois. La ''Loyale'', commandée par [[François Gravé|Gravé Du Pont]], fait la traversée jusqu'à [[Tadoussac]] du {{date-|8 avril- 1610-}} au {{date-|25 avril 1610}} : c'est une des plus courtes rapportées par les annales de l'époque<ref name="Dionne_ch13">{{harv|Dionne|1891}}, Chapitre treizième: Voyage de 1610.</ref>.
Dès leur retour en France, Gravé et Champlain apprennent la mort d’Aymar de Chaste survenue le 13 mai 1603. Cette nouvelle remet en cause les projets d’exploration en amont des rapides de Lachine et en Acadie qu’ils ont pu échafauder. Champlain part vite à [[Paris]] pour rencontrer le roi. Il emmène avec lui une « carte exacte » et un « petit discours » de tout ce qu’il a « vu et reconnu » dans la vallée et le golfe du Saint-Laurent.  Henri IV se montre satisfait des informations que Champlain rapporte, « promettant de ne laisser ce dessein, mais de le faire poursuivre, et favoriser »<ref name=":0" />. Aussi, le 8 novembre 1603, fait-il d’un proche d’Aymar de Chaste, le Saintongeais Pierre Dugua de Mons, son lieutenant général en Acadie, c’est-à-dire sur tout le territoire situé du 46<sup>e</sup> degré de latitude nord jusqu’au 40<sup>e</sup>, depuis l’extrémité méridionale de l’île du [[Île du Cap-Breton|Cap-Breton]] jusqu’à la limite septentrionale de la [[Virginie (États-Unis)|Virginie]] explorée par les Anglais de [[Walter Raleigh]]. Puis, le 18 décembre, il lui cède, pour dix ans, le monopole de la traite des fourrures sur le littoral atlantique (du 46<sup>e</sup> au 40<sup>e</sup> degré de latitude nord), dans la [[Gaspésie]] et sur les deux rives du Saint-Laurent<ref name=":1">{{Ouvrage|auteur1=Eric Thierry|titre=La France de Henri IV en Amérique du Nord. De la création de l'Acadie à la fondation de Québec|lieu=Paris|éditeur=Honoré Champion|date=2008.}}</ref>.
 
[[File:Attaque d'un fort Iroquois, 1610.tif|thumb|Champlain, avec cinq français (à gauche) et ses alliés indiens, attaque un fort iroquois à l'embouchure de la rivière Richelieu, en juin 1610. '''A''' Le fort des Iroquois. '''B''' Iroquois se jetant en la rivière pour se sauver poursuivis par les Montagnais et Algoumequins se jetant après eux pour les tuer. '''D''' Le sieur de Champlain et 5 des siens. '''E''' Tous nos sauvages amis. '''F''' Le sieur des Prairies de Saint-Malo avec les compagnons. '''G''' Chaloupe du dit sieur des Prairies. '''H''' Grands arbres coupés pour ruiner le fort des Iroquois.]] Les Indiens espéraient le retour des Français ; Champlain leur rappelle leur projet commun de l’accompagner jusqu’à une mer si grande, qu’ils n’en voient point la fin (la [[Baie d'Hudson]]), puis de revenir par [[Rivière Saguenay|le Saguenay]] à [[Tadoussac]]. Ils lui promirent de le guider dans ce voyage l’année suivante. Champlain leur promit en retour qu’il les assisterait dans leur guerre contre les [[Iroquois]]. Après deux jours à [[Tadoussac]], Champlain se rend à Québec<ref name="Dionne_ch13" />.
Grâce à ce privilège, Dugua de Mons peut réunir, dès mars 1604, des investisseurs de [[La Rochelle]], de [[Rouen]], de Saint-Malo et de [[Saint-Jean-de-Luz]] dans une compagnie commerciale. Samuel de Champlain n’est pas étranger à cet engouement pour l’Acadie. Son premier livre imprimé vient de paraitre chez le libraire parisien Claude de Monstr’œil sous le titre ''Des Sauvages''. Il y raconte son premier périple dans la vallée du Saint-Laurent en compagnie de Gravé et la découverte par Sarcel de prometteuses mines acadiennes d’argent et de cuivre. Dugua de Mons n’a pas de mal à réunir de futurs colons. Il engage une centaine d’artisans représentant tous les corps de métiers nécessaires à l’établissement d’une colonie. Il réussit aussi à convaincre des hommes de valeur de l’accompagner pour constituer son état-major. Le gentilhomme picard [[Jean de Poutrincourt]] est l’un d’eux. Champlain ne tarde pas à les rejoindre. Désireux de retourner en Nouvelle-France, celui-ci demande au roi Henri IV l’autorisation de quitter de nouveau la Cour et il l’obtient, avec l’obligation de faire une nouvelle fois un « fidèle rapport » de tout ce qu’il va faire ou observer outre-Atlantique.
 
Du {{date-|14 juin- 1610-}} au {{date-|19 juin 1610-}}, il y eut un second assaut au [[Iroquoisie|pays des Iroquois]], à l'embouchure de la «rivière aux Iroquois» ([[Rivière Richelieu|Richelieu]]). Champlain reçoit une flèche qui lui perce le lobe de l'oreille et le blesse au cou. Cet engagement fait {{nombre|3 morts}} et {{nombre|50 blessés}}.
==== La création de l'Acadie ====
L’expédition de Dugua de Mons quitte la France sur deux navires en avril 1604. Tandis que le lieutenant général attend à Port-au-Mouton l’autre bateau, Champlain commence l’exploration du littoral de l’actuelle [[Nouvelle-Écosse]]. Le 19 mai, avec onze hommes, il part dans une barque. Il contourne le cap de Sable et retrouve la baie Française, l’actuelle [[baie de Fundy]], découverte par le Rouennais Etienne Bellenger en 1583 mais placée beaucoup plus à l’ouest sur les cartes de l’époque. Il longe la côte occidentale de la péninsule et pénètre dans la [[baie Sainte-Marie]], où il trouve une mine d’argent et deux de fer. Puis, il rentre à Port-au-Mouton pour annoncer ces heureuses découvertes à Dugua de Mons.
 
[[Étienne Brûlé]], un jeune Français, est confié au chef allié [[Iroquet]], afin qu'il s’initie à la langue et aux mœurs des [[Algonquins]]. Étienne Brûlė hivernera dans la [[Huronie]].
Celui-ci donne l’ordre à tous les membres de son expédition de remonter à bord des navires. Toutefois, une fois les gisements de la baie Sainte-Marie retrouvés, ils se révèlent assez décevants. Le 16 juin, tandis que les deux bateaux restent ancrés, le lieutenant général part dans une chaloupe avec quelques-uns de ses hommes, dont Champlain. Plus au nord, ils découvrent une large rade, à laquelle on donne le nom de Port-Royal, l’actuel bassin d’[[Annapolis Royal]]. L’endroit ne manque pas d’atouts pour la construction d’une habitation, mais il est dépourvu de mines.
 
[[File:Assassinat d’Henri IV et arrestation de Ravaillac.jpg|vignette|gauche|Assassinat d’[[Henri IV (roi de France)|Henri IV]] et arrestation de [[François Ravaillac|Ravaillac]], tableau de 1859.]]
Toujours désireux de retrouver celles que Sarcel a prétendu avoir découvertes en 1603, les Français vont plus avant dans la baie de Fundy. Ils se dirigent vers l’ouest et commencent l’exploration du littoral de l’actuel [[Nouveau-Brunswick]]. Le 24 juin, ils découvrent l’embouchure d’un grand fleuve qu’ils nomment la rivière [[Fleuve Saint-Jean|Saint-Jean]]. Malheureusement, son entrée se révèle impossible à franchir à marée basse en raison de la présence de récifs et d’une chute d’eau. Quelques jours plus tard, Dugua de Mons et ses hommes parviennent à une autre embouchure qui, quant à elle, se révèle large et profonde. Comme le fleuve reçoit en amont deux affluents, il reçoit le nom de [[Fleuve Sainte-Croix|Sainte-Croix]], mais il est appelé par les indigènes rivière des Etchemins.
À nouveau victorieux, il regagne [[Québec (ville)|Québec]] pour constater que la [[traite des fourrures]] fut désastreuse pour les marchands qui le soutiennent, et pour apprendre la nouvelle de l'[[Henri IV (roi de France)|assassinat d'Henri IV]]. Le premier fils du roi, le [[Louis XIII|dauphin Louis]] lui succède, sous la tutelle de [[Marie de Médicis]], sa mère.
[[Fichier:Île sainte croix.png|vignette|Carte de l'île Sainte-Croix extraite des ''Voyages'' de 1613 de Champlain.]]
[[Fichier:Buildings on Saint Croix Island - circa 1613 - Project Gutenberg etext 20110.jpg|vignette|Plan de l'habitation de l'île Sainte-Croix extrait des ''Voyages'' de 1613 de Champlain.]]
Champlain connaît déjà cette nation autochtone. Il en a côtoyé un groupe dans la région de Tadoussac du 27 mai au 18 juin 1603. Il sait que les Etchemins ont l’habitude d’apporter des fourrures dans la vallée laurentienne pour les troquer avec les Français. Champlain réussit facilement à convaincre Dugua de Mons de choisir une île appelée [[Île Sainte-Croix|Sainte-Croix]], au milieu de la rivière du même nom, pour y créer un comptoir de traite et y installer ses colons. Un véritable petit village ne tarde pas à sortir de terre, avec ses maisons régulièrement distribuées autour d’une large place en forme de croix.
 
Laissant {{nombre|16 hommes}} à Québec sous les ordres de [[Jean de Godet|Jean de Godet Du Parc]], il ramène entre autres le Huron [[Savignon]] et rentre en [[Royaume de France|France]] par [[Honfleur]] le {{date-|27 septembre 1610}}.
Le 31 août 1604, les deux navires de l’expédition retournent en France, avec Poutrincourt qui repart pour réunir les colons et le matériel nécessaires à la fondation d’un futur établissement à Port-Royal, et, peu de temps après, Dugua de Mons charge Champlain d’une nouvelle mission d’exploration, cette fois-ci au sud de l’embouchure de la rivière Sainte-Croix, le long de la côte du [[Norembergue|Norembègue]]. Il s’agit d’une région souvent évoquée par les cosmographes, où on situe une cité aux richesses fabuleuses. Le 2 septembre, accompagné par deux indigènes qui doivent lui servir de guides et par douze matelots, Champlain part sur une [[Patache (bateau)|patache.]] Il découvre l’[[Île des Monts Déserts|île des Monts-Déserts]] et atteint la rivière Pentagouët, l’actuelle [[Penobscot (fleuve)|Penobscot]]. Arrivé là, à la latitude où « plusieurs pilotes et historiens » situent la cité de Norembègue, il doit se rendre à l’évidence : « Nous ne vîmes aucune ville ni village, ni apparence d’y en avoir eu, mais bien une ou deux cabanes de Sauvages, où il n’y avait personne, lesquelles étaient faites de la même façon que celles des Souriquois [Micmacs], couvertes d’écorces d’arbres. »<ref name=":0" />
 
=== Mariage de Champlain ({{date-|décembre 1610}}) ===
Les indigènes vivant là sont des Etchemins de l’Ouest, qui n’ont que rarement l’occasion de commercer directement avec des Européens. Champlain rencontre les chefs Bessabez et Cabahis, avec lesquels il s’allie. Après les harangues, il y a l’échange de présents. Champlain fait don « de haches, de patenôtres, de bonnets, de couteaux et d’autres petites jolivetés » et les indigènes lui apportent « un certain nombre de castors », après avoir dansé, chanté et fait « bonne chère » durant tout le reste de la journée et la nuit suivante<ref name=":0" />.
Au cours de son séjour à [[Paris]], le {{date-|27 décembre 1610}}, il signe un contrat de mariage avec une jeune fille de {{nombre|12 ans}}, nommée [[Hélène Boullé]]. Le contrat accorde une [[dot]] de {{unité|6000|[[Livre (monnaie)|livres]]}}<ref>Le contrat, daté du 27 décembre 1610, est conservé par le [[Minutier central des notaires de Paris]], département des [[Archives nationales (France)|Archives nationales]] (site de Paris) Il y est consultable sous la forme d'un microfilm coté MC/MI/RS/281 [https://www.siv.archives-nationales.culture.gouv.fr/siv/rechercheconsultation/consultation/ir/consultationIR.action?udId=c1p72iegcrs3--13idloti5n5dr&irId=FRAN_IR_042825 lire en ligne]. Cote originelle du document : MC/ET/LXXXV/108</ref>, dont {{unité|4500|[[Livre (monnaie)|livres]]}} que Champlain touche la veille du mariage qui fut célébré le {{date-|30 décembre 1610-}}.
 
Il organise un nouveau voyage vers le Canada pour l'été.
Champlain dirige ensuite sa patache en direction d’une rivière située plus au sud qui est appelée [[Kennebec (rivière)|Kennebec]] par les indigènes, mais ses guides refusent de l’accompagner jusqu’au bout : ils ont peur d’entrer chez les [[Almouchiquois]] qui sont leurs « grands ennemis ». De plus, le mauvais temps et un vent contraire se mettent de la partie. Champlain préfère rebrousser chemin à la hauteur de Pemaquid, dans la baie de Muscongus. Il est de retour sur l’île Sainte-Croix le 2 octobre.
 
=== {{5e}} voyage au Canada. Île du Mont Royal, Place Royale ({{Date-|1611}}) ===
L’hiver s’abat rapidement sur la colonie, car la première neige tombe quatre jours plus tard. Très vite, l’absence sur place d’eau douce, de bois de chauffage et de nourriture fraîche se révèle préjudiciable à la survie des colons. Le [[scorbut]] emporte trente-cinq ou trente-six hommes, soit presque la moitié de la colonie. Champlain est épargné. Il assiste aux autopsies pratiquées sur les victimes, mais il est incapable d’enrayer le mal<ref>{{Ouvrage|auteur1=Steven R. Pendery|directeur1=Oui|titre=Saint Croix Island, Maine. History, Archaeology, and Interpretation|lieu=Augusta (Maine)|éditeur=The Maine Historic Preservation Commission-The Maine Archaeological Society|date=2012.}}</ref>.
 
Le {{date-|1 mars 1611-}}, il part pour la Nouvelle-France.
Lorsque, le 16 juin 1605, arrive un navire commandé par Gravé, avec du ravitaillement et une quarantaine de recrues, Dugua de Mons décide de chercher un site plus favorable pour sa colonie, vers le sud de l’embouchure de la rivière Kennebec. Il part, dès le 18 juin, sur une barque, accompagné par une vingtaine d’hommes, dont Champlain. Comme il veut reconnaître le pays des Almouchiquois, il se fait guider par Panounias, un Micmac qui a l’habitude de commercer dans les actuels [[golfe du Maine]] et [[baie du Massachusetts]], ainsi que par la femme de celui-ci, une captive almouchiquoise.
 
==== Retour à Québec et montée à Montréal ====
Tout au long de son périple, le lieutenant général poursuit ce que Champlain a commencé sur le bord de la Penobscot. Les Français se retrouvent chez les « grands ennemis » des Etchemins de l’Est et des Micmacs, mais ils multiplient les contacts chaleureux avec les Almouchiquois et concluent avec leurs chefs des alliances par la pratique du don. Malgré tout, le lieutenant général doit le reconnaître : même si le pays est très agréable, toute la région située entre l’embouchure de la rivière Kennebec et le [[cap Cod]] est densément habitée par des Amérindiens qui pratiquent l’agriculture et qui ne s’intéressent guère aux fourrures. Aucun des sites visités ne peut donc recevoir la colonie de l’île Sainte-Croix. Les indigènes risquent de ne pas apprécier de devoir partager leurs terres et de toute façon, sans commerce des pelleteries, les associés de Dugua de Mons ne pourront pas rentabiliser l’entreprise.
 
Sous le commandement de [[François Gravé|François Dupont-Gravé]], la traversée dure {{nombre|74 jours}}, à cause des glaces ou banquises. {{citation|C'était, écrit-il, des bancs de glace de 30 à 40 brasses de haut ; dans la nuit, dans la brume si obscure que l'on voyait à peine la longueur du vaisseau.}} Le {{date-|27 avril 1611-}}, il croise le vaisseau du sieur de Biencourt dans les parages du Cap-Breton. Le {{date-|13 mai 1611-}}, {{citation|nous fûmes à Tadoussac, où l'on tire du canon pour avertir les Sauvages.}} Vers le 19 ou {{date-|22 mai 1611}}, Champlain arrive au poste de [[Québec (ville)|Québec]] pour y trouver la garnison en parfait état<ref name="Le Jeune 1931" />.
Les Français ne vont pas plus loin que le port de Mallebarre, l’actuel Nauset Harbor, au sud du cap Cod. Là, le 23 juillet, des autochtones essaient de leur voler une chaudière et un homme de Dugua de Mons est tué. Le lieutenant général préfère ne pas chercher à se venger pour ne pas détériorer irrémédiablement les relations avec les indigènes et une délégation de ceux-ci vient finalement lui faire des excuses, mais le moral des Français est au plus bas. À ce drame s’ajoutent le mauvais temps et l’épuisement des vivres. Dugua de Mons décide de faire demi-tour. Tous sont de retour sur l’île Sainte-Croix le 3 août.
[[Fichier:PortRoyal par Champlain.tif|vignette|Carte de Port-Royal extraite des ''Voyages'' de 1613 de Champlain.]]
[[Fichier:Port Royal, Nova Scotia - circa 1612 - Project Gutenberg etext 20110.jpg|vignette|Vue de l'habitation de Port-Royal extraite des ''Voyages'' de 1613 de Champlain.]]
Le lieutenant général préfère déménager ses hommes à Port-Royal. Cette baie a été explorée l’année précédente et a laissé un très bon souvenir à tous ceux qui l’ont visitée. On démonte les charpentes de colombage de la plupart des bâtiments, puis on les charge sur deux barques. Champlain et Gravé partent les premiers pour trouver un site apte à voir s’élever une nouvelle habitation. Ils savent tirer des leçons de l’échec de l’établissement de l’île Sainte-Croix. L’installation se fait sur la terre ferme, avec de l’eau douce et du bois de chauffage à proximité et à l’abri des terribles vents du nord. Même le plan de l’habitation est nettement amélioré : les bâtiments sont construits contigus, autour d’une cour.
 
L’un des mandats que Samuel de Champlain s'est fixé est celui de trouver, sur l'[[Île de Montréal|île du Mont Royal]], soit du côté de la [[rivière des Prairies]] soit près du [[Rapides de Lachine|Sault Saint-Louis]], le site le plus propice à l'établissement d’une future colonie. Il descend à un endroit qu'il nomme [[Pointe-à-Callière|Place Royale (aujourd'hui Pointe-à-Callières)]], sur le ruisseau Saint-Pierre<ref name="Le Jeune 1931" />.
Lorsque les colons peuvent loger dans l’habitation, peu après le 21 septembre 1605, Dugua de Mons les quitte pour rentrer en France. Il place la colonie sous le commandement de Gravé. Champlain aurait pu l’accompagner, mais il préfère rester en Acadie, car il espère pouvoir « faire de nouvelles découvertes vers la Floride »<ref name=":0" />, afin de continuer la recherche d’un site plus favorable pour l’établissement de la colonie.
 
En l'honneur de sa jeune épouse, il nomme « [[île Sainte-Hélène (Montréal)|île Sainte-Hélène]] » une grande île qui se trouve au pied du « Grand [[Rapides de Lachine|Sault Saint-Louis]] », qui est encore le nom de cette île sur lequel s'appuie depuis le {{s-|XX|e}} le [[pont Jacques-Cartier]].
En attendant, il fréquente les Micmacs du chef [[Henri Membertou|Membertou]] qui pêchent et chassent à Port-Royal. Ceux-ci lui apprennent que Secondon, qui dirige les Etchemins de la rivière Saint-Jean, a conduit des hommes de Sarcel, en 1603, jusqu’à l’importante mine de cuivre que Dugua de Mons et ses hommes recherchent depuis leur arrivée en Acadie. Dans le courant de l’automne 1605, Champlain va le rencontrer et réussit à le convaincre de le conduire jusqu’au gisement tant convoité, mais la découverte est décevante : dans le [[bassin des Mines]], ils trouvent bien du cuivre de qualité, mais celui-ci ne peut pas être extrait facilement, car la mer recouvre l’endroit deux fois par jour.
 
==== Grand Sault St.-Louis ====
À son retour à Port-Royal, Champlain trouve une partie des colons malades du scorbut, mais l’hiver se révélant moins froid que le précédent, les pertes sont moins élevées que sur l’île Sainte-Croix : seuls douze des quarante-cinq Français meurent. Le 16 mars 1606, Gravé part avec Champlain sur une barque pour « aller découvrir le long de la côte de la Floride ». Malheureusement, le mauvais temps fait s’échouer leur embarcation. Le 9 avril, ils veulent repartir, mais une nouvelle fois, ils n’ont pas de chance : probablement à cause d’une erreur du pilote Champdoré, leur barque se rompt sur des rochers.
[[File:Champlain Sault St-Louis 1611 avec légende.tiff|vignette|gauche|''Grand Saut Saint Louis'' ou [[rapides de Lachine]], carte de 1611.]]
[[Fichier:Descripsion des costs, pts., rades, illes de la Nouuele France.jpg|gauche|vignette|Carte manuscrite de l'Acadie achevée par Champlain en 1607 et aujourd'hui conservée à la Bibliothèque du Congrès à Washington D.C.]]
Durant l'été, il se rend à [[Montréal]], au pied du [[Rapides de Lachine|Grand Sault]] (dans le secteur de l'actuelle Place-Royale), où il fait défricher un peu la terre et construire un muret pour voir s'il résistera aux hivers et aux crues printanières.
Tous les colons doivent rester à Port-Royal à attendre la venue d’un navire envoyé par Dugua de Mons. Il n’arrive que le 27 juillet, avec à son bord Poutrincourt, chargé de prendre le commandement de la colonie, et une cinquantaine d’hommes, dont l’avocat parisien [[Marc Lescarbot]]. Le 29 août, Gravé rentre en France avec la plupart des colons qui ont hiverné à Port- Royal. Champlain, quant à lui, préfère rester en Acadie pour « parfaire la carte des côtes et pays » qu’il a commencée au début de l’année<ref name=":0" />. Il veut profiter du voyage d’exploration que Poutrincourt a décidé de faire avant l’hiver.
{{Citation bloc|Ce même jour je partis de Québec, et arrivai au dit grand saut le vingt-huitième de mai, où je ne trouvai aucun des sauvages … après avoir visité d'un côté et d'autre, tant dans les bois que le long du rivage, pour trouver un lieu propre pour la situation d'une habitation, et y préparer une place pour bâtir, je fis quelque huit lieues par terre côtoyant le grand saut par des bois qui sont assez clairs, et fus jusqu'à un lac où notre sauvage me mena ; où je considérai fort particulièrement le pays<ref>{{Citation étrangère|langue=fr1835|Ce mesme jour je partis de Quebecq, et arrivay audit grand saut le vingthuitiesme de May, où je ne trouvay aucun des sauvages ….après avoir visité d'un costé et d'autre, tant dans les bois que le long du rivage, pour trouver un lieu propre pour la scituation d'une habitation, et y preparer une place pour bastir, je fis quelque huit lieues par terre cottoyant le grand saut par des bois qui sont assez clairs, et fus jusques à un lac où nostre sauvage me mena; où je consideray fort particulierement le pays}}Abbé C.-H. Laverdière, M. A., Œuvre de Champlain, 1870, {{p.|838}}</ref>}}
{{Citation bloc|Mais en tout ce que je vis, je n'en trouvai point de lieu plus propice qu’un petit endroit, qui est jusqu'où les barques et chaloupes peuvent monter aisément, […] avons nommé la Place royale, à une lieue du Mont Royal<ref>{{Citation étrangère|langue=fr1835|Mais en tout ce que je veis, je n'en trouvay point de lieu plus propre qu’un petit endroit, qui est jusques où les barques et chaloupes peuvent monter aisément,…. avons nommé la Place royale, à une lieuë du Mont Royal}}Abbé C.-H. Laverdière, M. A., Œuvre de Champlain, 1870, {{p.|838-839}}</ref>{{,}}<ref name="Ville-Marie" group="note">C'est à cet endroit, dans ce qui est aujourd’hui la [[Pointe-à-Callière]], dans le [[Vieux-Montréal]], que s'établit, trente ans plus tard (en 1642) la colonie de [[Ville-Marie (ancien nom de Montréal)|Ville-Marie]].</ref>}}
{{citation bloc|Puis, il ensemence deux jardins. « où tout pousse à souhait ». Mais les Algonquins n'ont point paru encore. Savignon part en éclaireur jusqu'au [[Lac des Deux Montagnes|lac de Soissons (des Deux-Montagnes)]] - le {{date-|5 juin 1611-}}, tandis que Champlain va reconnaître deux rivières tributaires du fleuve - rivières Saint-Lambert et de Montréal - « par où on atteint la Rivière-des-Iroquois ». Le {{date-|10 juin 1611}}, Louis, « jeune homme qui était au [[Pierre Dugua de Mons|sieur de Monts]], fort amateur de la chasse, prie Savignon, de retour, de le conduire au Saut, où l'île a quantité de hérons ; un sauvage Montagnais, Outetoucos, les accompagne. Ils prirent quantité de héronneaux et se rembarquèrent. Le canot était trop chargé. Ils se laissèrent dériver dans le courant. Mais la vitesse de l'eau les maîtrisait, et le canot chavira. Louis ne savait point nager ; il lâcha le canot, et ils ne le revirent plus. Le Montagnais fatigué se noya aussi. Je vis ce cours d'eau, le lendemain, et les cheveux me dressèrent à la tête». En mémoire du serviteur Louis, on nomma le [[rapides de Lachine|Saut Saint-Louis]] et du même nom le lac qui est au-dessus. Le {{date-|13 juin 1611-}}, {{nombre|200 Hurons}} se présentent<ref group=note>En provenance du [[Pays-d'en-Haut]]</ref>; le {{date-|12 juillet 1611-}}, {{nombre|300 Algonquins}}, avec Marsolet « en costume sauvage, ayant bien appris leur langue ». Champlain se voit gratifier de 200 peaux de [[castor du Canada|castor]], de divers [[collier de wampum|colliers]] et autres présents, gages du rendez-vous au printemps suivant<ref name="Le Jeune 1931" />.| Louis-Marie Le Jeune, o.m.i.}}
Afin d'augmenter son prestige auprès des Indiens, il accepte de descendre avec eux en [[Canot|canot d'écorce]] le [[rapides de Lachine|Sault Saint-Louis]] : un exploit réalisé avant lui par un seul autre Européen, [[Étienne Brûlé]].
{{citation|La troque finie, le 18 juillet, les Hurons -Algonquins emmènent [[Étienne Brûlé]] et Nicolas Du Vigneau comme élèves interprètes<ref name="Le Jeune 1931" />.}}
Il visite divers lieux du côté nord de l'île, le long de la [[rivière des Prairies]], puis décide de traverser l’île, large de quelque 8 [[lieue]]s ({{unité|26|kilomètres}}), pour aboutir à l'embouchure d'une petite rivière<ref name="rivière Saint-Pierre" group="note">C'est la [[Rivière Saint-Pierre (Montréal)|rivière Saint-Pierre]], formant un petit lac près de son embouchure, aujourd'hui devenue l'embouchure du [[Canal de Lachine]].</ref>, se déversant au pied du [[Rapides de Lachine|Sault Saint-Louis]].
 
==== Retour par Québec ====
Le 5 septembre, ils quittent Port-Royal et se dirigent vers l’île Sainte-Croix, où ils espèrent pouvoir profiter des anciens jardins de l’habitation pour se ravitailler avant leur grand périple. Ils trouvent les légumes et les céréales recherchés, mais rencontrent aussi Secondon et Messamouët. Comme ces chefs etchemin et micmac semblent décidés à conclure une paix avec les Almouchiquois, Poutrincourt veut repasser par les endroits déjà visités en juin et juillet 1605. Le 21 septembre, ils arrivent à Chouacouët, à l’emplacement de l’actuelle ville de Saco, dans le [[Maine (États-Unis)|Maine]], et rencontrent le chef Olemechin. Poutrincourt obtient de lui un prisonnier micmac et Messamouët lui fait présent de chaudières, de haches, de couteaux et d’autres objets, alors qu’il ne reçoit de lui que du maïs, des citrouilles et des fèves. Le lieutenant de Dugua de Mons croit que la paix est enfin conclue entre les Micmacs et les Almouchiquois, mais Champlain ne se fait guère d’illusions : Messamouët estime avoir subi un affront.
Le {{date-|11 août 1611-}}, il est de retour à Québec. {{citation|Il répare l’habitation, plante des rosiers et repart pour la France peu après<ref group="coll" name="chronologie" />.}} Il laisse derrière lui une quinzaine de colons à Québec, qui hiverneront en 1611-1612<ref group="coll" name="chronologie" />.
[[Fichier:Port Fortuné, altercation.tif|vignette|Représentation de l'attaque de Port-Fortuné extraite des ''Voyages'' de 1613 de Champlain.]]
Les Français parviennent ensuite à Beau-Port (aujourd’hui [[Gloucester (Massachusetts)|Gloucester]], dans le [[Massachusetts]]). Ils sont bien reçus par les indigènes, mais ils voient monter une certaine hostilité. Il faut dire qu’ils ont avec eux deux chefs ennemis des Almouchiquois. Ceux-ci peuvent à juste titre avoir des doutes sur les bonnes intentions de Poutrincourt et de ses hommes. Une attaque a finalement lieu le 15 octobre à Port-Fortuné, l’actuel Stage Harbor, dans le Massachusetts. Les indigènes attaquent cinq hommes qui passent la nuit à terre. Ils en tuent trois et en blessent deux. Ayant des blessés graves à son bord, Poutrincourt préfère rentrer à Port-Royal. Ils arrivent le 14 novembre. et sont accueillis par Lescarbot, qui fait interpréter en leur honneur son ''Théâtre de Neptune.''
{{Article détaillé|Le Théâtre de Neptune}}
[[Fichier:CW Jefferys The Order of Good Cheer.jpg|gauche|vignette|L'Ordre de Bon-Temps vu par Charles. W. Jefferys.(1925).]]
L’hiver 1606-1607 est particulièrement clément : seuls sept colons meurent du scorbut. Champlain vit cette saison en terminant sa carte de l’Acadie et en participant à l'ordre de Bon-Temps, qu'il a créé avec l’aide de Lescarbot. Pour assurer la cohésion de l’état-major de la colonie et pour le préserver du scorbut, à tour de rôle, c’est-à-dire un jour sur quinze, un des hommes qui mangent à la table de Poutrincourt doit chasser et pêcher pour nourrir les autres. Puis, lors des repas de midi et du soir, le maître d’hôtel du moment arrive, suivi des autres membres de l’ordre portant chacun un plat et, le soir, après le dessert, il remet à son successeur l’insigne de sa charge, un collier, avant de trinquer avec lui<ref>{{Ouvrage|auteur1=Eric Thierry|auteur2=Raymonde Litalien|directeur2=Oui|auteur3=Denis Vaugeois|directeur3=Oui|titre=Champlain. La naissance de l'Amérique française|passage=135-142.|lieu=Sillery-Paris|éditeur=Septentrion-Nouveau Monde Editions|date=2004}}</ref>.
 
=== En France ({{Date-|1611}}-{{Date-|1613}}) ===
Le 24 mai 1607, une nouvelle désastreuse parvient aux colons : il faut tout abandonner et rentrer en France. Désireux de contrôler le marché de la fourrure en Europe, des marchands d’Amsterdam ont tellement mis à mal le monopole de Dugua de Mons que sa Compagnie a dû être dissoute durant l’hiver 1606-1607<ref name=":1" />. Avant de partir,  Poutrincourt se fait conduire par Champlain dans le bassin des Mines, d’où il rapporte quelques morceaux de cuivre. Puis, lors de leur navigation le long des côtes de la Nouvelle-Écosse pour se rendre à Canseau, Champlain reconnaît attentivement tout le littoral situé au nord du cap de La Hève, puisqu’il ne l’a jamais visité.
[[Fichier:Carte de Nouvelle-France par Champlain (1612).tif|thumb|Carte géographique de la [[Nouvelle-France]], dressée par Samuel Champlain, David Pelletier cartographe (Paris, 1612).
Première carte de Champlain publiée :''CARTE GEOGRAPHIQVE DE LA NOVVELLE FRANSE FAICTE PAR LE SIEVR DE CHAMPLAIN SAINT TONGOIS CAPPITAINE ORDINAIRE POUR LE ROY EN LA MARINE, faict len 1612''. La carte intègre les explorations et la cartographie de Champlain jusqu'en [[1611]]. L'écart angulaire entre le méridien oblique et la [[fleur de lys]] indique que la carte est orientée vers le pôle magnétique pour les [[Compas (navigation)|compas]] non corrigés. La carte incorpore le tableau de [[1607]] et probablement les cartes perdues du Saint-Laurent (1603) et de la côte ouest de [[La Hève]] à [[Canso (Nouvelle-Écosse)|Canso (Canseau)]] ([[1607]])<ref name="Heidenreich" />.]]
Il retourne en France pour assurer l'avenir de son projet et le {{date-|10 septembre 1611}}, il arrive à [[La Rochelle]]. Les associés de [[Pierre Dugua de Mons]] ne parviennent pas à obtenir un monopole : ils se retirent de l’entreprise de [[Québec (ville)]]<ref group="coll" name="chronologie" />.
 
Ayant perdu le soutien des marchands, il écrit des rapports et dessine une carte et demande conseil au [[Pierre Jeannin|Président Jeannin]], lequel désirait la poursuite de l’exploration vers le [[passage du Nord-Ouest]]. Il suggère à Champlain de se « ''jeter entre les bras de quelque Grand''. ». Champlain vente les possibilités de la Nouvelle-France à Charles de Bourbon, comte de Soisson et ce dernier est intéressé<ref>Thierry, Éric, Les œuvres complètes de Champlain, Tome 1, Septentrion, 2019, p. 430</ref>. Le {{date-|27 septembre 1612-}}, Louis XIII accorde pour {{nombre|12 ans}} à son cousin [[Charles de Bourbon-Soissons|Charles de Bourbon, comte de Soissons]] le monopole de la [[traite des fourrures]] dans le [[Fleuve Saint-Laurent|Saint-Laurent]]<ref group="coll" name="chronologie" />. Le {{date-|8 octobre 1612-}}, [[Louis XIII]] nomme [[Charles de Bourbon-Soissons]] [[Vice-roi]] de la Nouvelle-France.
==== La fondation de Québec ====
Arrivé à [[Roscoff]] le 28 septembre 1607, il ne tarde pas à se rendre à Paris. Là, il apprend de Dugua de Mons que, le 17 juillet, Henri IV a supprimé son monopole, sous la pression non seulement des Hollandais, mais aussi de la Bretagne, de la Normandie, des chapeliers parisiens et de [[Maximilien de Béthune (duc de Sully)|Sully]]. Ils se rendent au [[Palais du Louvre|Louvre]] pour demander son rétablissement, mais Henri IV, soucieux tout de même de ne pas laisser l’Acadie aux mains des Anglais qui tentent de s’installer à l’embouchure de la Kennebec, n’y consent que le 7 janvier 1608 pour un an seulement. Champlain réussit alors à convaincre Dugua de Mons de concentrer ses efforts dans la vallée du Saint-Laurent. Il faut rentabiliser le plus rapidement possible l’établissement d’une habitation. Or, la traite des fourrures ne peut être aussi fructueuse en Acadie qu’au [[Canada]], puisque Tadoussac est déjà connu pour être l’aboutissement de grandes routes de troc<ref name=":1" />.
 
Le {{date-|15 octobre 1612-}}, Champlain reçoit le titre de lieutenant, avec le pouvoir d'exercer le commandement au nom du Vice-roi, pour nommer capitaines et lieutenants, de mandater des officiers pour l'administration de la justice et la maintenance de l'autorité policière, des règlements et ordonnances, de faire des traités, d'effectuer des guerres avec les indigènes et de retenir les marchands qui ne font pas partie de la société. Ses fonctions incluent la tâche de trouver la voie la plus courte vers la [[Chine]] et les [[Indes orientales|Indes]], et les moyens de découvrir et d'exploiter des mines de métaux précieux<ref group="coll" name="chronologie" />.
Dugua de Mons envoie un vaisseau en Acadie, mais en équipe deux autres à destination du Saint-Laurent. Le premier, le ''Lièvre'', qui est commandé par Gravé, part de Honfleur le 5 avril 1608 et le deuxième, la ''Levrette'', avec Champlain à son bord, quitte le même port le 13. Lorsque Champlain arrive à Tadoussac le 3 juin, il apprend que Gravé est déjà là, mais qu’il a été attaqué par des Basques dirigés par un nommé Darretche. Gravement blessé, le Malouin a été mis dans l’incapacité de leur interdire la traite afin de respecter le monopole du lieutenant général. Champlain se rend au chevet de Gravé et tous les deux décident de composer avec les agresseurs, de façon à ne pas devoir remettre à l’été suivant la construction d’une habitation. Un accord est trouvé : l’affaire sera réglée en France et, en attendant, chacun doit laisser l’autre en paix.
 
Peu de temps après, le {{date-|1 novembre 1612-}}, le [[Charles de Bourbon-Soissons|comte de Soissons]], Vice-roi au pays de la Nouvelle-France et protecteur de Champlain, meurt.
Champlain remonte le Saint-Laurent jusqu’à Québec, où il arrive le 3 juillet. C’est un endroit qu’il connaît déjà : il l’a reconnu le 22 juin 1603. Il sait, depuis cette date, que le fleuve y est moins large. Il espère pouvoir y empêcher les Européens de le remonter davantage et ainsi réserver à la Compagnie de Dugua de Mons les fourrures acheminées de la région des [[Grands Lacs (Amérique du Nord)|Grands Lacs]] par les Algonquins. De plus, une habitation permanente doit permettre de protéger efficacement les Montagnais contre les incursions iroquoises. Enfin, cela peut inciter tous les Amérindiens à venir à Québec plutôt qu’à Tadoussac, pour échanger des fourrures contre des marchandises européennes.
{{Article détaillé|Habitation de Québec}}
[[Fichier:Champlain Habitation de Quebec.jpg|centré|vignette|Vue de la première habitation de Québec extraite des ''Voyages'' de 1613 de Champlain.]]
Pendant la construction du comptoir de traite qui est aussi un château fort, Champlain est confronté à un complot qui vise à l’éliminer et à livrer la place aux « Basques ou Espagnols ». Le lieutenant de Dugua de Mons a la vie sauve grâce à un des comploteurs qui préfère lui révéler toute l’affaire. Quatre responsables sont arrêtés et jugés, mais seul le serrurier Jean Duval est condamné et exécuté. Il est pendu et « sa tête mise au bout d’une pique pour être plantée au lieu le plus éminent de notre fort »<ref name=":0" />.
 
Le {{date-|22 novembre 1612}}, le [[Henri II de Bourbon-Condé|prince de Condé]] devient Vice-roi de la [[Nouvelle-France]], et il confirme Champlain dans ses fonctions.
Après cela, Gravé rentre en France et laisse Champlain et vingt-sept hommes hiverner à Québec. L’hiver 1608-1609 se révèle désastreux. La dysenterie et le scorbut font mourir vingt personnes, mais lorsque Claude Godet des Maretz arrive sur une barque, le 5 juin, pour annoncer le retour à Tadoussac de son beau-père, Gravé, on ne songe pas à déménager la colonie, contrairement à ce qui s’était passé sur l’île Sainte-Croix en 1605. Il vaut mieux, selon Champlain, user de davantage de viandes fraîches l’hiver suivant et défricher les alentours de l’habitation pour assainir l’air.
[[Fichier:Defaite des Yroquois au Lac de Champlain.png|vignette|Représentation de la bataille contre les Iroquois du 30 juillet 1609 extraite des ''Voyages'' de 1613 de Champlain.]]
Champlain se rend à Tadoussac pour rencontrer Gravé et décide avec lui d’entreprendre « les découvertes du pays des Iroquois ». Les alliés amérindiens des Français attendent qu’ils les aident à remporter une grande victoire militaire sur leurs ennemis. Le 18 juin 1609, Champlain quitte Québec avec des Montagnais. Un peu en aval de [[Trois-Rivières]], ils rencontrent des guerriers dirigés par le chef algonquin Yroquet. Comme Champlain a promis à son fils, durant l’été précédent, de « les assister contre leurs ennemis », celui-ci a réuni des alliés [[Hurons-Wendats|hurons]] et tous vont à Québec pour partir en guerre avec les Français. Le lieutenant de Dugua de Mons doit retourner à l’habitation pour leur faire voir les bâtiments et repart ensuite avec eux en amont du Saint-Laurent. À l’entrée de la rivière des Iroquois, l’actuelle rivière Richelieu, seule une soixantaine d’indigènes accepte de poursuivre l’expédition et aux rapides de [[Chambly (Québec)|Chambly]], seulement deux Français se portent volontaires pour suivre Champlain à bord de canots montagnais. Finalement, cette petite troupe parvient au sud du [[lac Champlain]], à la pointe de [[Ticonderoga (New York)|Ticonderoga]]<ref name=":2">{{Ouvrage|auteur1=David Hackett Fischer|titre=Le Rêve de Champlain|lieu=Montréal|éditeur=Boréal|date=2012.}}</ref>, et là rencontre environ deux cents Iroquois. Le combat a lieu le 30 juillet 1609 et, grâce aux arquebuses des Français, les Algonquins, les Montagnais et les Hurons remportent la victoire.
 
Le {{date-|9 janvier 1613}}, Champlain publie un compte-rendu des événements survenus entre [[1604]] et [[1612]], intitulé {{citation étrangère|langue=fr1835|Voyages du sieur de<ref>Noter la particule (« de » Champlain).</ref> Champlain Xaintongeois, de 1604 à 1612, avec privilège du roi<ref>{{harvsp|Champlain|1613|id=Champlain_1613_Voyages}}</ref>}}<ref group="coll" name="chronologie" />. L’ouvrage contient également une carte géographique de la Nouvelle France.
Champlain repart en France le 5 septembre, mais lorsqu’il arrive en Bretagne le 8 octobre, le monopole de Dugua de Mons est déjà définitivement révoqué par Henri IV depuis deux jours et le roi ne veut pas revenir sur sa décision, malgré le récit qu’il lui fait de la fondation de Québec, de l’expédition victorieuse entreprise sur les Iroquois et même des promesses des chefs de ses alliés de lui montrer la « mer du Nord » et le pays des Hurons. Heureusement, Dugua de Mons est encore soutenu par ses associés rouennais et Champlain peut repartir au Canada, le 7 mars 1610, pour être présent au rendez-vous donné par ses alliés indigènes.
[[Fichier:Champlain, the founder of New France (1903) (14586241899).jpg|vignette|Représentation de la prise d'un fort iroquois le 19 juin 1610 extraite des ''Voyages'' de 1613 de Champlain.]]
Après avoir constaté que l’hiver 1609-1610 a été fort clément et que tous ceux qui ont hiverné dans l’habitation ont survécu, il commence la remontée du Saint-Laurent. Aux Trois-Rivières, il retrouve des Montagnais et, ensemble, ils parviennent à l’embouchure de la rivière des Iroquois. Là, des Algonquins leur apprennent qu’on a découvert, un peu en amont, une centaine d’ennemis bien barricadés. Ils se rendent sur place et Champlain dirige l’attaque. La prise du fort est sur le point d’échouer, mais grâce à l’appui de deux des Français qui l’ont suivi pour la traite, Champlain et ses alliés peuvent remporter une nouvelle victoire le 19 juin 1610.
 
=== {{6e}} voyage {{Date-|1613}} ===
Des Hurons n’arrivent qu’une fois les Français, les Algonquins et les Montagnais installés sur l’île Saint-Ignace pour festoyer et traiter. Ils sont déçus de ne pas avoir pu contribuer à la défaite des Iroquois, mais l’un des leurs, le jeune [[Savignon]], est confié à Champlain pour être emmené en France, tandis qu’un adolescent français, Thomas Godefroy, part vivre chez les Algonquins d’Yroquet. Champlain repart en France, avec Savignon, dès qu’il apprend de pêcheurs français l’assassinat d’Henri IV le 14 mai 1610.
Parti du port de [[Honfleur]] le {{date-|6 mars 1613}}, sur le navire de [[François Gravé|Gravé Du Pont]], il arrive de nouveau en [[Nouvelle-France]] à [[Tadoussac]] le {{date-|29 avril 1613-}} et fait proclamer son nouveau mandat<ref name="chronologie" group="coll" />.
 
Plusieurs indigènes furent dégoûtés par les tactiques des marchands non accrédités. La [[traite des fourrures]], une fois de plus, rapporte peu de bénéfices.
Arrivés à Honfleur le 27 septembre, Champlain et Savignon se rendent immédiatement à Paris, où ils retrouvent Dugua de Mons. Un nouveau pouvoir se mettant en place à la tête du royaume, avec la régente [[Marie de Médicis]] qui gouverne au nom de son fils, le jeune [[Louis XIII]], le lieutenant général en la Nouvelle-France espère encore obtenir un nouveau monopole de la traite des fourrures. Il se préoccupe aussi de l’avenir de Champlain et lui fait obtenir de la reine-mère une commission de capitaine ordinaire entretenu par le roi en la marine du Ponant, ce qui lui vaut une pension annuelle au montant variable. Comme son fidèle et efficace lieutenant est encore célibataire, alors qu’il va atteindre la trentaine, il favorise aussi son mariage avec une jeune fille bien dotée, Hélène Boullé, une des filles de Nicolas Boullé, secrétaire de la Chambre du roi. Le mariage est célébré dans l’église parisienne de [[Église Saint-Germain-l'Auxerrois de Paris|Saint-Germain-l’Auxerrois]] le 30 décembre 1610, mais il est convenu entre l’époux et les parents de l’épouse, qui n’est âgée que de dix ans, que le mariage ne pourra pas être consommé avant deux ans. De toute façon, Champlain doit retourner aux rapides de Lachine où il a donné rendez-vous aux Algonquins et aux Hurons en juin 1611 pour aller combattre les Iroquois.
{{Article détaillé|Hélène Boullé}}
[[Fichier:Champlain Sault St-Louis 1611.jpg|vignette|Carte des rapides de Lachine extraite des ''Voyages'' de 1613 de Champlain.]]
Il arrive sur l'île de Montréal dès le 28 mai, accompagné par Savignon, mais ses alliés n’arrivent en petit nombre que le 13 juin, à cause d’une rumeur propagée par les Montagnais selon laquelle le Français leur tend un piège avec la complicité des Iroquois. Champlain réussit à les rassurer. Les chefs algonquins Yroquet et [[Tessouat]] acceptent de prendre avec eux deux jeunes Français, respectivement Thomas Godefroy et Nicolas de Vignau. Quant aux Hurons, leur alliance avec les Français est élargie à toutes les nations formant leur confédération. Cela résulte de l’hiver 1610-1611 passé par Thomas Godefroy en [[Huronie]] en compagnie des Algonquins d’Yroquet. Vraisemblablement, l’adolescent a parcouru tout le pays, a rencontré les chefs des villages et leur a fait miroiter les avantages de l’aide militaire des Français. Tregouaroti, frère de Savignon, repart en Huronie avec [[Étienne Brûlé|Etienne Brûlé]], jeune homme arrivé à Québec en 1610, et Champlain s’engage à rejoindre ses alliés autochtones l’été suivant et à prendre la tête d’une expédition commune contre les Iroquois.
 
Champlain part le {{date-|27 mai 1613-}} à partir du sault Saint-Louis pour continuer son exploration de la [[Huronie|contrée des Hurons]] et espère atteindre la « mer du nord » (la [[baie d'Hudson]]). Avec
{{Lien vidéo|titre=Champlain et les rapides de Lachine|url=https://www.youtube.com/watch?v=-McOoNacISs|people=Eric Thierry (conférencier)|année=2022|medium=Podcast|éditeur=Pierre Dubeau|consulté le=1 août 2023}}
un guide indien et quatre Français, dont [[Nicolas Vignau|Nicolas de Vignau]], Champlain navigue sur la [[rivière des Outaouais]], qu'il décrit en primeur; par cette rivière et d’autres voies d’eau et portages, ils se rendent au [[lac aux Allumettes]]. C'est en juin qu'il retrouve [[Tessouat]], le chef des [[Algonquin]]s de [[L'Isle-aux-Allumettes]], qu'il avait connu à [[Tadoussac]] en 1603; il offre de leur construire un fort s'ils acceptent de quitter leur sol pauvre et migrer au [[rapides de Lachine|Saut Saint-Louis]].
[[Fichier:Samuel de Champlain Carte geographique de la Nouvelle France.jpg|gauche|vignette|Carte de la Nouvelle-France gravée par David Pelletier en 1612 et publiée dans les ''Voyages'' de 1613 de Champlain.]]
En 1612, Champlain reste en France : tout en rédigeant des relations qui deviendront ses ''Voyages'' de 1613, il effectue des démarches pour l’attribution du monopole de la traite des fourrures au comte de Soissons, puis au prince de Condé, dont il devient le lieutenant. Les Algonquins qui viennent aux rapides de Lachine sont fort déçus de ne pas l’y trouver. Les Algonquins laissent Godefroy et Vignau repartir en France, et à la fin de l’été 1612, ce dernier rencontre Champlain à Paris et lui révèle que, pendant son séjour chez Tessouat, il a atteint la « mer du Nord », que la rivière des Outaouais sort d’un lac qui s’y décharge et qu’en dix-sept jours on peut parvenir à cette mer en partant des rapides de Lachine. Il raconte aussi qu’il a vu, au bord de la « mer du Nord », les restes d’un vaisseau anglais et les têtes écorchées de quatre-vingts membres de son équipage, tués par les Indigènes pour avoir tenté de prendre par la force leur maïs et d’autres vivres. Selon lui, seul un jeune garçon a été maintenu en vie par les indigènes qui veulent le donner à Champlain. Il fait vraisemblablement allusion aux sorts réservés à [[Henry Hudson]], à son fils John et à sept de ses hommes sur la rive méridionale de la [[baie d'Hudson]] en 1611<ref>{{Ouvrage|langue=en|auteur1=Douglas Hunter|titre=God's Mercies. Rivalry, Betrayal and the Dream of Discovery|lieu=Scarborough|éditeur=Doubleday Canada|date=2007.}}</ref>.
 
Champlain plante une croix aux armes de la France sur l'île aux Allumettes; ce qui fait dire à l'historien [[Marcel Trudel]], que dorénavant, « la route française de l'Ouest de l'Amérique est inaugurée »<ref name="Lemieux capsules" />.
Celui-ci se réjouit fort de ce récit car il cherche depuis longtemps à atteindre la « mer du Nord ». Dès le 6 mars 1613, il embarque à Honfleur, mais les Algonquins ne l’attendent pas. Ils partent, dès le printemps, faire la guerre aux Iroquois, et ce n’est qu’au retour qu’une petite troupe de guerriers victorieux apprend de quelques marchands, venus de France avec Champlain et l’ayant devancé aux rapides de Lachine, que l’explorateur s’apprête à les assister pour une nouvelle expédition guerrière. Ils retournent chez eux pour fêter leur victoire, mais promettent de revenir avant un mois et laissent sur place une partie de leurs armes. Les marchands ont voulu plaire aux Algonquins, afin d’assurer le succès de la traite. Ils leur ont promis l’assistance militaire de Champlain, mais leur promesse risque de compromettre le voyage vers la « mer du Nord ». Un raid aux côtés des Algonquins contre les Iroquois empêcherait le chef des Français d’atteindre celle-ci et d’en revenir avant la fin du mois d’août, date fixée pour son retour à Tadoussac. Aussi ne veut-il pas les attendre lorsqu’il arrive aux rapides de Lachine le 21 mai.
Ensuite, ils redescendent au sault Saint-Louis, avec le fils de Tessouat, et y arrivent le {{date-|17 juin 1613-}}<ref name="chronologie" group="coll" />.
 
==== Première exploration à la Baie d'Hudson « mer du Nord » ====
Impatient, Champlain doit cependant tenir compte des espoirs des Algonquins si souvent déçus. À force de remettre à plus tard son engagement à leurs côtés, il risque de perdre leur amitié. Déjà, les traitants présents aux rapides de Lachine lui font part de leurs craintes : ils ont apporté beaucoup de marchandises, mais les autochtones sont absents. Champlain doit user de prudence et cacher le véritable objectif de son expédition. Sa remontée de la rivière des Outaouais ne doit pas avoir pour but officiel la découverte de la « mer du Nord », mais la visite des nations indigènes pour les rallier à la guerre contre les Iroquois.
En son premier voyage dans « les [[Pays-d'en-Haut]] », en {{date-|mai 1613}}, Champlain entreprend l'exploration de la [[rivière des Outaouais]]. L'[[truchement|interprète (ou « truchement »)]] [[Nicolas Vignau|Nicolas de Vignau]], assure qu'il connaît le chemin conduisant à la « mer du Nord » (la baie d'Hudson) :
[[Fichier:Champlain with Astrolabe on the West Bank of Ottawa River, 1613 by Jefferys.jpg|vignette|upright|Champlain utilise un astrolabe sur la rive ouest de la [[rivière des Outaouais]], 1613.]]
[[Fichier:Astrolabe de marin, France, 1603.jpg|vignette|upright|Cet astrolabe authentique a été fabriqué en France en 1603. Il aurait été perdu lors de l'expédition de Champlain dans la région de l’Outaouais, en 1613.]]
{{Citation bloc|Le 13, je partis de Québec pour aller au Sault Saint Louys où j’arrivay le 21. Or n’ayant que deux canaux, je ne pouvois menier avec moy que 4. hommes entre lesquels estoit un nommé Nicolas de Vigneau, le plus impudent menteur qui se soit veu de long temps, comme la suite de ce discours le fera voir,… il me rapporta à son retour de Paris en l’année [[1612]]. qu’il avoit veu la mer du nort… Ainsi nos canots chargez de quelques vivres, de nos armes & marchandises pour faire présents aux Sauvages, je partis le lundi 27. Mai de l'isle Saincte-Heleine, avec quatre François et un Sauvage<ref>Abbé C.-H. Laverdière, M. A., Œuvre de Champlain, 1870, {{p.|857}}</ref>.}}
 
À l'instigation de Nicolas de Vignau, Champlain remonte alors la rivière des Outaouais vers le pays des Hurons. Il s'arrête à un campement d’une tribu algonquine, les [[Kichesipirinis]], sur l'île aux Allumettes. Pour conserver le rôle des [[Kichesipirinis]] comme intermédiaires entre les Français et les autres tribus amérindiennes, le chef Tessouat contredit Vignau à propos de la route vers la baie d'Hudson. Il se montre également très réticent devant l'intention de Champlain de poursuivre son voyage vers le lac Nipissing. Après quelques cadeaux et échanges diplomatiques, l'explorateur rebrousse chemin et rentre à Québec. En cours de route, Champlain perd son [[astrolabe]]<ref name="astrolabe" group="note">À la fin de l'été [[1867]], près de Cobden en Ontario, un adolescent trouve ce qui lui semble un petit disque en laiton, à l'occasion de travaux de défrichage menés par son père. Il comporte un anneau de suspension, un pointeur mobile, des graduations. Ce petit astrolabe est gravé d'un « 1603 ». Quiconque l'apprend conclut à « l'astrolabe de Champlain ». Mais... avec ce vieil astrolabe miniature, on trouve une chaîne rouillée, de petits récipients en cuivre, ainsi que deux gobelets en argent gravé. En [[2004]], le chercheur Douglas Hunter propose une autre conclusion qui tient compte de l'ensemble des données, et que le journaliste Jean-François Nadeau rapporte, sous le titre ''Est-ce bien l'astrolabe de Samuel de Champlain?'' (''Le Devoir'' du 30 décembre 2004. Voir [http://archives.vigile.net/05-1/histoire.html l'article]. — D'autres auteurs ignorent encore cette interrogation, même le [http://www.ameriquefrancaise.org/fr/article-53/Astrolabe_de_Champlain_:_parcours_d'un_objet_mythique_du_patrimoine_canadien.html Musée de l'Amérique française (à Québec)], comme le [http://www.civilisations.ca/cmc/exhibitions/tresors/treasure/222fra.shtml Musée canadien des civilisations (à Ottawa)], l'actuel gardien de cet objet qu'il nomme, toutefois, prudemment « l'astrolabe dit de Champlain ».</ref>{{,}}<ref>{{Lien web |langue=fr |nom1=Bergeron |prénom1=Yves-Encyclopédie du patrimoine culturel de l'Amérique Française |titre=Astrolabe de Champlain : parcours d'un objet mythique du patrimoine canadien |url=http://www.ameriquefrancaise.org/fr/article-53/Astrolabe_de_Champlain_:_parcours_d%27un_objet_mythique_du_patrimoine_canadien.html#.XT7_2ehKiUk |site=www.ameriquefrancaise.org |consulté le=2019-07-29 }}</ref>.
Champlain le proclame dès le 3 juin, lorsqu’il rencontre un groupe d’Algonquins du [[lac Muskrat]], qui se rendent aux rapides de Lachine pour la traite. Il leur annonce qu’il va dans leur pays pour s’acquitter de la promesse qu’il leur a faite, celle de les accompagner à la guerre, qu’il a besoin d’avertir les autres nations afin de disposer de plus de guerriers et qu’en conséquence ils doivent lui fournir un guide. Les Algonquins sont un peu troublés. Ils essayent de dissuader Champlain, disant que la remontée de la rivière des Outaouais est très difficile, et de le faire partir tout de suite en guerre avec eux, mais le Français finit par les convaincre de lui fournir un guide pour continuer son voyage vers le nord.
 
=== Retour et constitution de la Compagnie des marchands ===
Il récidive avec le reste de leur nation, lorsqu’il atteint le lac Muskrat, et il ment plus audacieusement encore, peu de temps après, en présence des Algonquins de Tessouat, au bord du [[Lac aux Allumettes|lac des Allumettes]]. Par l’intermédiaire de son truchement Godefroy, il dit à ces derniers que son voyage n’a pas d’autre but que de les assurer de son désir de les assister dans leurs guerres. Il leur rappelle qu’il est un guerrier qui a combattu contre les Iroquois en 1609 et 1610, et que, s’il n’est pas venu l’année précédente, c’est parce que son roi l’a occupé à d’autres combats. Il poursuit en affirmant qu’il dispose de nombreux soldats, qui l’attendent aux rapides de Lachine, mais qu’auparavant il désire voir une nation voisine, celle des Népissingues, afin de les convier eux aussi à partir en guerre. Il demande donc quatre canots aux Algonquins de Tessouat, avec huit d’entre eux, pour le conduire.
 
Le {{date-|3 juillet 1613}}, à [[Tadoussac]], le malouin sieur de Maisonneuve, offre à Champlain de traverser à bord de son navire. Du {{date-|8 août 1613-}} au {{date-|26 août 1613}}, Champlain voyage de Tadoussac à [[Saint-Malo]], à bord d'un navire commandé par Maisonneuve<ref name="chronologie" group="coll" />. Il entre à ce port le {{date-|26 août 1613-}}.
Tessouat n’est pas dupe. Il rappelle que Champlain n’a pas tenu sa promesse en 1612, en n’étant pas venu aux rapides de Lachine, que les Français qui étaient présents n’ont pas voulu accompagner ses hommes à la guerre, et que finalement la plupart de ses guerriers sont partis seuls, en 1613, pour combattre les Iroquois. Il veut voir Champlain remettre son expédition guerrière à l’année suivante, mais accepte tout de même de lui prêter les quatre canots demandés, en le mettant en garde contre les dangers qu’il va courir pendant le trajet et contre la fourberie des Népissingues.
 
L'explorateur y vit les marchands, {{citation|auxquels il remontra qu'il était facile de faire une bonne Association pour l'avenir à quoi ils se sont résolus, comme ont fait ceux de Rouen }}. Le {{date-|14 novembre 1613}}, le [[Henri II de Bourbon-Condé|prince de Condé, vice-roi]], obtint le monopole de la traite au-dessous de Québec jusqu'à [[Matane]], pour une durée de onze années en liant les associés dans la ''Compagnie des Marchands de Rouen et de Saint-Malo''. Elle porte aussi le nom de ''Compagnie de Champlain'', soulignant le rôle important du lieutenant du [[Henri II de Bourbon-Condé|vice-roi]]<ref name="Trudel DBC">{{harvsp|Trudel|2003}}</ref>.
Les Algonquins ne tiennent pas à voir les Français entrer en contact avec ces derniers et contracter avec eux une alliance. Cela risque de donner aux Népissingues la possibilité d’avoir accès directement aux marchandises de traite. Une fois Champlain parti de la « cabane » de Tessouat, les autres membres du conseil peuvent exprimer librement leurs craintes et reviennent sur la décision de mettre quatre canots à la disposition du Français. Champlain ne parvient pas à les faire changer d’avis, même après avoir rappelé que Vignau a pu voir qu’ils ont l’habitude de fréquenter les Népissingues sans problème. Les Algonquins tentent d’impressionner Vignau pour le faire taire, disant que c’est un menteur qui a aussi inventé son périple jusqu’à la « mer du Nord » pendant son séjour chez eux, et ils envoient secrètement un canot chez les Népisssingues pour leur demander de venir au bord du lac des Allumettes, afin de priver Champlain de tout prétexte de se rendre dans leur pays. Finalement, celui-ci préfère renoncer à la poursuite de son voyage vers la « mer du Nord », plutôt que de se heurter davantage aux Algonquins. Il entreprend la descente de la rivière des Outaouais jusqu’aux rapides de Lachine, mais avant de quitter Tessouat, il l’assure qu’il reviendra l’année suivante avec des soldats, et le chef autochtone lui promet d’assembler de son côté beaucoup de guerriers<ref name=":3">{{Ouvrage|auteur1=Samuel de Champlain|traducteur=Eric Thierry|titre=A la rencontre des Algonquins et des Hurons. 1612-1619|lieu=Québec|éditeur=Septentrion|date=2009.}}</ref>.
 
{{citation |En novembre, à Paris, l'acte de constitution de la Compagnie des marchands est signée. Elle est composée de trois marchands de Saint-Malo et de trois marchands de Rouen. Champlain signe l'acte en tant que fondé de pouvoir du [[Henri II de Bourbon-Condé|prince de Condé]]. La compagnie achète de [[Pierre Dugua de Mons|Pierre Du Gua de Monts]] le poste de Québec pour la somme de trois mille neuf cents livres tournois. [[Pierre Dugua de Mons|Du Gua de Monts]] entre dans la compagnie pour une somme de trois mille livres et Champlain, pour mille huit cents livres<ref name="Lemieux capsules" />.}}
==== Séjour forcé en Huronie ====
[[Fichier:Première messe à Rivière-des-Prairies 1615.png|vignette|Première messe à Rivière-des-Prairies le 24 juin 1615, vue par Georges Delfosse (1909).]]
Une nouvelle fois, Champlain fait une promesse qu’il ne pourra pas tenir : en 1614, il est retenu en France par les débuts de la Compagnie du Canada créée pour exploiter le monopole de la traite des fourrures accordé au prince de Condé, par la première révolte des Grands, menée par celui-ci contre la régente Marie de Médicis, et par la réunion des États généraux à Paris. Champlain perd la confiance des Algonquins et des Hurons et ceux-ci finissent par être moins nombreux à venir aux rapides de Lachine pour la traite des fourrures. Le chef de la colonie de Québec doit réagir, mais il tergiverse car il ne veut pas être entraîné dans l’engrenage des guerres entre nations autochtones, continuant à rêver d’une paix générale. Finalement, ce qui le pousse à intervenir, c’est l’arrivée avec lui à Tadoussac le 25 mai 1615, de trois [[Frères mineurs récollets|récollets]] qu’il a lui-même recrutés pour plaire aux dévots de la Cour. L’un d’entre eux, le père [[Joseph Le Caron]], ne veut même pas s’arrêter à Québec. Il se hâte de gagner les rapides de Lachine afin d’y rencontrer les quelques Hurons venus pour la traite, de partir avec eux en Huronie, d’apprendre là-bas leur langue et de les convertir au christianisme. Cette nation autochtone suscite beaucoup d’espoir chez les récollets car ses membres sont des agriculteurs sédentaires. Ils sont donc jugés plus aptes à recevoir le message du [[Jésus-Christ|Christ]].
 
La {{citation|compagnie de Canada}} est aussi connue sous le nom de {{citation|Compagnie de Condé}}<ref name="chronologie" group="coll" />.
Champlain a beau déployer des efforts pour convaincre le père Le Caron de passer l’hiver 1615-1616 dans l’habitation de Québec et de n’aller en Huronie que durant l’été 1616, en sa compagnie, rien n’y fait. Le récollet ne recherche pas le confort d’un hivernement dans l’habitation de Québec : il est, selon Champlain, « poussé du zèle de Dieu, et d’affection envers ces peuples »<ref name=":0" />. Dès lors, le chef de la colonie de Québec est obligé de partir lui aussi en Huronie car le père Le Caron risque d’être fort bien accueilli par les autochtones, et donc d’acquérir très vite du prestige et de l’influence auprès d’eux, aux dépens de Champlain incapable de tenir ses promesses.
 
Vers la fin de l'année, Champlain relate ses dernières explorations sous le titre {{citation étrangère|langue=fr1835|Quatriesme Voyage}}. Ce récit, ainsi qu’une nouvelle carte, sont ajoutés à l’édition des ''Voyages (1604-1612)''<ref>{{harvsp|Champlain|1613|pages=318-320}}</ref>. Il y écrit un compte-rendu du voyage en amont de la rivière des Outaouais.
Champlain arrive en Huronie le 1er août 1615, après avoir remonté la rivière des Outaouais et celle [[Rivière des Français (cours d'eau)|des Français]], et ce séjour va vite devenir une épreuve pénible pour lui. Lors de son expédition en Iroquoisie à laquelle il finit par participer en octobre 1615, avec de nombreux guerriers hurons et algonquins et neuf arquebusiers français, Champlain se révèle tout d’abord incapable d’imposer sa conception européenne de la guerre à ses alliés autochtones. Ainsi, le 9, à proximité d’un fort de la nation iroquoise des [[Onondagas|Onontagués]] situé près de l’actuelle ville de [[Syracuse (New York)|Syracuse]], dans l’État américain de [[État de New York|New York]]<ref name=":2" />, onze indigènes sont faits prisonniers par la troupe du Français. Il s’agit de quatre femmes, de trois garçons, d’une fille et de trois hommes. Aussitôt, le chef algonquin Yroquet torture une prisonnière, en lui coupant un doigt, mais il se fait vertement réprimander par Champlain. Celui-ci lui dit que ce n’est pas digne d’un « homme de guerre » d’être cruel envers les femmes, « qui n’ont de défense que les pleurs, lesquelles, à cause de leur imbécilité et de leur faiblesse, on doit traiter humainement »<ref name=":0" />. Champlain menace de ne plus assister ses alliés amérindiens si cela se reproduit, et Yroquet fait amende honorable, mais dans la ''Relation'' de 1636, le jésuite Paul Le Jeune pourra, grâce à des informateurs autochtones, donner une suite à l’affaire, suite qui est passée sous silence par Champlain dans son propre récit : « Un Sauvage de l’île [probablement Tessouat, le chef des Algonquins de l’île Morrison] l’entendant lui dit : "Regarde comment je ferai, puisque tu en parles!"  Il prend par le pied un enfant qui était encore à la mamelle, et lui casse la tête contre une roche, ou contre un arbre »<ref>{{Ouvrage|auteur1=Paul Le Jeune|directeur1=Oui|titre=Relation de ce qui s'est passé en la Nouvelle France en l'année 1636|passage=240.|lieu=Paris|éditeur=Sébastien Cramoisy|date=1637}}</ref>. Les femmes et les enfants étant occasionnellement suppliciés par les Iroquois, les alliés de Champlain veulent, en faisant de même avec leurs prisonniers, apaiser les âmes de leurs parents cruellement tués par leurs vieux ennemis.
[[Fichier:An Iroquois Fort.png|gauche|vignette|Représentation de l'attaque d'un village onontagué par Champlain et ses alliés amérindiens en octobre 1615, extraite des ''Voyages'' de 1619 de Champlain.]]
Puis, du 10 au 16 octobre 1615, lors du siège du fort onontagué situé près de Syracuse, l’incompréhension continue entre Champlain et ses alliés hurons et algonquins. Il aimerait faire comme sur la pointe de Ticonderoga le 30 juillet 1609, c’est-à-dire attendre que le gros des troupes iroquoises sortent du fort pour dévoiler la présence des Français et utiliser leurs armes à feu, mais les Hurons et les Algonquins, soucieux de montrer leur bravoure, cherchent tout de suite l’affrontement et les Iroquois préfèrent s’enfermer dans leur fort. Dès lors, il ne reste plus qu’à essayer de le prendre. Champlain fait construire un cavalier en bois pour y placer des arquebusiers et, de là, tirer sur tout ce qui bouge à l’intérieur du fort. Il demande aussi à ses alliés de s’équiper de planches de bois pour se protéger des flèches et des pierres des assiégés, s’approcher de leur palissade et y mettre le feu, mais il se trouve vite débordé. Soucieux avant tout de tirer sur les Iroquois avec leurs arcs, ses alliés ne portent pas de planches de bois. Ils mettent le feu à la palissade, mais le font avec peu de combustible et contre le vent, tandis que les Iroquois utilisent de l’eau en abondance pour éteindre l’incendie. Le désordre s’installe chez les assiégeants. Deux chefs alliés importants sont tués et Champlain reçoit une flèche dans la cuisse et une autre dans le genou.
 
En 1614 les affaires retiennent Champlain en France. À [[Fontainebleau]], il présente au roi l’état de la [[Nouvelle-France]]: le commerce de la traite y est excellent. Le [[Henri II de Bourbon-Condé|prince de Condé, vice-roi]], et [[Louis Houël]]<ref>Louis Houël, sieur du Petit-Pré, est contrôleur des salines de Brouage et membre de la Compagnie des Cent-Associés</ref>, [[secrétaire du roi]], appuient Champlain qui obtient des religieux que la Compagnie devra entretenir<ref name="chronologie" group="coll" />.
Comme les cinq cents guerriers [[andastes]] que Brûlé est parti chercher se font encore attendre, les assiégeants préfèrent battre en retraite. Ne pouvant pas marcher, Champlain est mis dans un panier et porté sur le dos d’un guerrier. Il est convaincu d’avoir échoué car il n’a pas réussi à prendre le fort onontagué, mais ce n’est pas l’avis de ses alliés : eux ont pu se battre au corps à corps avec des Iroquois, en tuer et en capturer. Ils seront de retour dans leur village avec leurs prisonniers et seront accueillis en héros. La conception de la guerre de Champlain s’oppose à celle des Hurons et des Algonquins.
[[Fichier:4 illus. of Indians- warrior in armor; woman grinding maize; woman wearing ornamental chains and necklaces; woman holding baby and ear of corn LCCN2005680818.jpg|vignette|Représentation d'Hurons des deux sexes extraite des ''Voyages'' de 1619 de Champlain.]]
Ensuite, l’explorateur est retenu en Huronie contre son gré pendant l’hiver 1615-1616. Il est obligé de rester dans le village de [[Cahiagué]], chez les Hurons arendarhonons, sous le prétexte qu’il n’y a plus de canots disponibles pour le reconduire à Québec. En fait, ces autochtones veulent participer aux conseils de la confédération huronne avec Champlain à leurs côtés. Ils tiennent à montrer aux autres nations que la leur, celle de la Pierre, est la plus importante, car elle s’est alliée la première avec les Français, leur chef Ochateguain étant présent aux côtés de Champlain lors de la bataille de Ticonderoga en 1609.
 
=== {{7e}} voyage au Canada ({{Date-|1615}}-{{Date-|1616}}) ===
De plus, ils ont été exaspérés par les conduites du père Le Caron et de Champlain durant l’été 1615. En juillet, lorsque le récollet est arrivé en Huronie, il était amené par des Attigouautans, des Hurons de la nation de l’Ours. Ils l’ont installé dans leur village de Carhagouha, au bord de la baie de Midland. Comme c’était un chaman aux yeux des autochtones et qu’il était accompagné par douze Français, équipés d’arquebuses pour aider les Hurons dans leur guerre contre les Iroquois, les Attigouautans étaient très fiers d’avoir un pareil renfort et tenaient à montrer que c’étaient eux les plus importants alliés des Français. Quant à Champlain, la maladresse dont il a fait preuve en août 1615 a exaspéré les Arendarhonons. En effet, du 1er au 16, il a visité les principaux villages des autres nations de la confédération huronne, ceux des Attigouautans, des Attigneenongnahacs et des Tahontaenrats, et n’est arrivé dans le village arendarhonon de Cahiagué que le 17. Durant ces visites, Champlain a conclu des alliances avec les chefs des autres nations huronnes. Il voulait rassembler le plus de guerriers possible, afin de vaincre les Iroquois, mais, sans le vouloir vraiment, il a ainsi fait perdre aux Arendarhonons la position d’alliés privilégiés qu’ils avaient depuis 1609. Ceux-ci ont donc eu leur revanche en réussissant à obliger Champlain à passer l’hiver chez eux.
[[Fichier:Huron-Maison-Longue-Reconstituée-Extérieur 01.jpg|vignette|Maison longue huronne reconstituée.]]
Le chef des Français en est très mécontent. Il n’a pas prévu cet hivernement en Huronie. Aussi est-il dépourvu d’équipement pour son confort. Il est logé dans la [[Maison longue amérindienne|maison longue]] du chef Darontal, qui est probablement le successeur d’Ochateguain blessé mortellement en [[Iroquoisie]] en octobre 1615. Champlain dort avec les autres habitants de la cabane et, comme eux, il est tourmenté par les puces. Une fois, une jeune fille huronne lui propose de lui tenir compagnie la nuit, mais il refuse ses avances car il sait très bien que les excès sexuels des Français sont souvent la cause de graves conflits avec les autochtones et qu’en tant que chef des arquebusiers l’accompagnant, il doit montrer l’exemple. D’ailleurs, dans la ''Relation'' de 1640, le jésuite Jérôme Lalemant racontera que les vertus admirées en Champlain par les Hurons sont « sa chasteté et continence envers les femmes »<ref>{{Ouvrage|auteur1=Barthelemy Vimont|directeur1=Oui|titre=Relation de ce qui s'est passé en la Nouvelle France en l'année M.DC.XL|passage=146 (2e partie).|lieu=Paris|éditeur=Sébastien Cramoisy}}</ref>.
 
Il retourne en Nouvelle-France au printemps [[1615]], cette fois-ci avec quatre [[Frères mineurs récollets|Récollets]] afin de promouvoir la vie religieuse dans la nouvelle colonie.
Champlain tente pourtant de ne pas être instrumentalisé par les Arendarhonons. Arrivé à Cahiagué le 20 ou le 23 décembre 1615, à l’issue de son expédition en Iroquoisie, il part le 4 janvier suivant pour Carhagouha, chez les Attigouautans, afin d’y retrouver le père Le Caron. Il y arrive le lendemain et y séjourne dix jours en compagnie du récollet. Les Attigouautans sont très fiers, tandis que les Arendarhonons fulminent, mais tous s’inquiètent quand les deux Français partent visiter les [[Pétuns]], à l’ouest de la Huronie. Comme ce sont des alliés, les Attigouautans les poussent à inciter le père Le Caron à rentrer à Carhagouha, ce que les Pétuns font puisque le récollet se plaint de l’hostilité de leurs chamans. Les deux Français réussissent à prolonger leur excursion par une visite chez les [[Outaouais (peuple)|Cheveux-Relevés]], qui passent l’hiver près de [[Collingwood (Ontario)|Collingwood]], mais lorsqu’ils veulent se rendre aussi chez les [[Neutres]], qui vivent plus au sud, les Pétuns s’y opposent de façon énergique afin de ne pas mécontenter davantage leurs alliés hurons.
 
Du {{date- |24 avril 1615}} au {{date-|25 mai 1615}}, Champlain traverse au Canada, accompagné des missionnaires récollets [[Denis Jamet]], [[Jean Dolbeau]], [[Joseph Le Caron]] et [[Pacifique Du Plessis]]. Champlain s’embarque à [[Honfleur]] sur [[le Saint-Étienne]]; avec [[Don de Dieu (navire)|le Don de Dieu]] et [[le Loyal]], ils navignent ensemble vers [[Tadoussac]] et [[Québec (ville)|Québec]]<ref name="chronologie" group="coll" />.
La colère des Attigouautans suscitée par le départ du père Le Caron de Carhagouha explique probablement la querelle les opposant aux Algonquins d’Yroquet qui, comme tous les ans, passent l’hiver chez les Arendarhonons. Ce sont des Onontchataronons. Ils sont les plus anciens alliés des Français dans la région puisqu’une alliance a été conclue par Champlain avec le fils d’Yroquet à Québec pendant l’été 1608. Les Attigouautans les accusent sans doute d’avoir incité Champlain à quitter la Huronie avec son compatriote chaman, mais ce qui déclenche un conflit est l’adoption par Yroquet d’un captif iroquois offert par les Attigouautans et destiné à être mis à mort. Ce prisonnier est finalement assassiné par un Attigouautan, mais le meurtrier est lui-même tué par des guerriers algonquins d’Yroquet. Offensés, les Attigouautans attaquent le village occupé par les Onontchataronons chez les Arendarhonons et Yroquet est obligé de composer en offrant des [[Collier de wampum|wampums]] aux attaquants. Néanmoins, ce qui contribue le plus au calme est le retour du père Le Caron à Carhagouha.
 
==== Première messe sur l'île de Montréal ====
Séparé du récollet, Champlain décide de visiter seul les Népissingues qui hivernent près de Carhagouha, dans la basse vallée de la Wye. Il a l’espoir d’être conduit par eux, dès la fin de l’hiver, jusqu’à cette « mer du Nord » qui a été en vain son objectif lors de sa remontée de la rivière des Outaouais pendant l’été 1613. Cette fois-ci, ce sont les Arendarhonons qui réagissent. Ils accusent les Onontchataronons de ne cesser d’inciter Champlain à quitter la Huronie et de vouloir ainsi mettre à mal l’alliance franco-huronne. Yroquet doit faire la preuve de sa bonne foi. Aussi vient-il discrètement chez les Népissingues pour leur offrir des cadeaux afin de les dissuader d’emmener Champlain dans le Nord. Quant aux Arendarhonons, ils font mine de vouloir faire appel au Français pour rétablir la paix entre les Attigouautans et les Onontchataronons et envoient une délégation chez les Népissingues pour le convaincre de revenir à Cahiagué afin de servir d’arbitre.
[[Fichier:Première messe chantée sur les bords de la rivière des Prairies.jpg|thumb|upright|Première messe chantée sur les bords de la [[rivière des Prairies]] par le R. P. Denis Jamay, {{Date|24|juin|1615}}. Peinture à l'intérieur de la basilique Marie-Reine-du-Monde à Montréal, {{date-|février 1908}} par [[Georges Delfosse (peintre)|Georges Delfosse]].]]
 
La première messe célébrée sur l'île de Montréal eut lieu le {{date|24 juin 1615}} à la rivière des Prairies, par le père [[Denis Jamet]] assisté du père [[Joseph Le Caron]], récollets.
Dans ses ''Voyages'' de 1619, Champlain se donnera le beau rôle, affirmant qu’il a réussi à convaincre ses alliés de faire la paix entre eux afin de ne pas laisser leurs ennemis iroquois profiter de leurs divisions, mais le grand vainqueur du conflit est en fait Darontal le chef arendarhonon de Cahiagué. Champlain reste chez lui jusqu’au 20 mai 1616 et lorsqu’il quitte la Huronie, avec le père Le Caron, Darontal les accompagne pour aller à la traite des fourrures sur les bords du Saint-Laurent. Toute la troupe arrive à Québec le 11 juillet et là, Darontal est festoyé avec générosité. La prééminence de l’alliance des Français avec les Arendarhonons est ainsi affirmée, aux dépens de celles avec les Montagnais et les Algonquins<ref name=":3" />.
Au sujet de cette première messe dite sur [[Montréal|l'île du Mont Royal]], Samuel de Champlain déclare :
{{Citation bloc|et le jour suivant, je party de là pour retourner à la rivière des Prairies, où estant avec deux canaux de Sauvages, je fis rencontre du père [[Joseph Le Caron|Joseph [Le Caron]]], qui retournoit à notre habitation, avec quelques ornements d'Église pour celebrer le saintc Sacrifice de la messe, qui fut chantee sur le bord de ladite riviere avec toute devotion, par le Reverend [[Denis Jamet|Pere Denis [Jamet]]], et [[Joseph Le Caron|Pere Joseph [Le Caron]]], devant tous ces peuples qui estoient en admiration, de voir les ceremonies dont on fait et des ornements qui leur sembloient si beaux, comme chose qu'ils n'avoient jamais veuë: car c'estoient les premiers qui ont celebré la Saincte Messe<ref>Abbé C.-H. Laverdière, M. A., Œuvre de Champlain, 1870, {{p.|504}}</ref>.}}
 
==== LePremière défenseurexploration deaux QuébecGrands (1616-1635)Lacs ====
[[Fichier:Champ1632 82.jpg|thumb|Carte des étapes numérotées de l'expédition de Champlain le long de la [[rivière des Outaouais]].]]
 
==== Second voyage de Samuel de Champlain dans les Pays d'en Haut et expédition guerrière. ====
==== En conflit avec les compagnies de marchands ====
Au contact des premiers missionnaires récollets et des Hurons sédentaires et agriculteurs, Champlain se convainc que la colonisation et l’évangélisation doivent être menées de pair. Il fait siens les articles adoptés par les notables de Québec en juillet 1616, persuadé qu’ « on ne réussirait jamais à leur conversion [celle des Amérindiens] si, avant de les rendre chrétiens, on ne les rendait hommes, que pour les humaniser, il fallait nécessairement que les Français se mêlassent avec eux, et les faire demeurer parmi nous, ce qui ne pourrait se faire que par l’augmentation de la colonie »<ref>{{Ouvrage|auteur1=Chrestien Le Clercq|titre=Premier Etablissement de la foy dans la nouvelle France|tome=I|passage=96.|lieu=Paris|éditeur=Amable Auroy|date=1691}}</ref>. Rentré en France avec le père Le Caron le 10 septembre, Champlain essaye de rallier à ses vues les associés de la Compagnie du Canada, mais ceux-ci ne cachent pas leurs réticences à investir dans un envoi massif de colons et de missionnaires sans qu’il y ait de profits supplémentaires à espérer de leur monopole de la traite des fourrures.
 
Parti de Québec le {{date-|9 juillet 1615}}, Champlain atteint la [[baie Georgienne]] en compagnie de deux Français, dont l'un est probablement [[Étienne Brûlé]]. Utilisant la grande route de la traite ([[rivière des Outaouais]], [[rivière Mattawa]], [[lac Nipissing|lac des Népissingues]], [[rivière des Français (cours d'eau)|rivière des Français]] et [[baie Georgienne]]), Champlain accède alors au cœur du [[Huronie|pays des Hurons]].
A cela ne tarde pas à s’ajouter un autre obstacle, l’emprisonnement du prince de Condé. En révolte fréquente contre la régente Marie de Médicis, il est arrêté le 1er septembre 1616 et, le 24 novembre suivant, celui qui a mené à bien son arrestation, le [[Pons de Lauzières-Thémines|maréchal de Thémines]], obtient du pouvoir royal sa charge de vice-roi de la Nouvelle-France. Deux jours plus tard, les associés doivent s’engager à verser au nouveau détenteur 4 500 livres au début du mois de novembre de chaque année, contre la garantie de pouvoir encore bénéficier du monopole de la traite des fourrures. C’est 1 500 livres de plus que la rétribution accordée au prince de Condé. En même temps, les [[États de Bretagne]] entrent en action et obtiennent, le 11 mars 1617, la liberté de la traite.
Il atteint le grand [[lac Huron|lac Attigouautan (lac des Hurons)]] qu’il appelle mer Douce. Explorant le pays, il maintient son allégeance aux autochtones [[Algonquins]] et [[Hurons-Wendats|Hurons-Ouendat]]. Il voyage de village en village jusqu'à [[Cahiagué]]<ref>voir [http://www.ontarioarchaeology.on.ca/Resources/Publications/oa45-1-fitzgerald.pdf ''Is The Warminster Site Champlain's Cahiagué?'', par William R. Fitzgerald]</ref>, situé sur les rives du [[lac Simcoe]] et lieu de rendez-vous militaire. Là, un groupe de guerriers autochtones auquel appartient [[Étienne Brûlé]], part en direction du sud pour susciter la participation des [[Andastes]] au combat contre les [[Iroquois]]. Il décide alors de poursuivre la guerre contre les Iroquois.
 
==== Attaque de 1615 contre les Onontagués ====
Choisi par Thémines pour être son lieutenant, Champlain obtient du [[Conseil du roi de France|Conseil du roi]], dès le 27 mai suivant, le rétablissement du monopole au profit de la Compagnie du Canada, mais le ressentiment des associés à son égard est grand: ils l’accusent de jouer de la menace de la liberté de la traite pour les forcer à remédier au manque de colons et de missionnaires. Champlain peut faire de courts séjours dans la vallée du Saint-Laurent en 1617 et en 1618. Cependant, en mars 1619, lorsqu’il veut embarquer, les membres rouennais de la Compagnie du Canada s’y opposent et il est obligé de revenir à Paris. Il ne se laisse pas faire et obtient un arrêt du Conseil du roi, le 18 juillet, qui confirme son commandement « tant à Québec qu’aux autres lieux de la Nouvelle-France ». En même temps, il publie chez Claude Collet à Paris ses ''Voyages'' de 1619, qui sont un vibrant appel à la christianisation des Hurons.
[[FichierFile:MadameAn Champlain enseignant aux enfants indiens,Iroquois 1620Fort.jpg|gauchepng|vignette|MadameEn de1615, Champlain àattaque Québecles [[Onondagas|Onontagués]], vue parau Adambord Sherriffdu Scott[[lac (1931)Onondaga]].]]
Le 20 octobre 1619, le prince de Condé est libéré et aussitôt remis en possession de sa charge de vice-roi de la Nouvelle-France, mais il la cède, le 25 février 1620, au duc Henri II de Montmorency. Celui-ci confirme Champlain en sa lieutenance et lui ordonne de se rendre à Québec pour s’y fortifier et y apporter « l’ordre requis. Il embarque à Honfleur avec sa jeune épouse, Hélène Boullé. Après une traversée qualifiée de « fâcheuse », ils finissent par arriver à Québec au début de juillet.
 
Le {{1er}} septembre, débute l'expédition militaire de [[Cahiagué]]. Avec un important contingent de guerriers hurons, Champlain accompagné des quelques Français se dirige vers l'est puis traverse l'extrémité orientale de l'actuel lac Ontario. Ils cachent les canots et poursuivent leur route à pied longeant la rivière [[Onneiout]] (Oneida). Parvenus à un fort iroquois situé entre les lacs Oneida et Onondaga, ils livrent bataille car les [[Hurons-Wendats|Hurons]] font pression pour attaquer prématurément : l'assaut échoue.
Pour rappeler aux employés de la Compagnie du Canada qu’ils doivent lui obéir, Champlain fait aussitôt commencer la construction d’un fort sur la falaise du cap Diamant, dominant l’habitation où se trouve le magasin qui leur sert à entreposer leurs fourrures. Certains, comme François Gravé, préfèrent rentrer en France, mais les autres se soumettent tant bien que mal et l’hiver 1620-1621 est vécu sans accroc. Tout change en mai, à l’arrivée d’une barque avec du ravitaillement et des lettres en provenance de France.
 
Il tente de capturer le fort avec un cavalier, un [[engin de siège]] européen constitué d'une terrasse ou plateforme surélevée pour tirer des coups d'armes à feu. Simultanément, ses alliés tentent de brûler la palissade. Champlain est blessé deux fois aux jambes par des flèches, dont une dans le genou. L'attaque dure environ trois heures, jusqu'à ce que les attaquants soient forcés de fuir.
Champlain apprend que le vice-roi Montmorency a décidé de retirer le monopole de la traite des fourrures à la Compagnie du Canada et de l’attribuer à une nouvelle dirigée par Ézéchiel de Caën, marchand de Rouen, et son neveu, Guillaume de Caën, capitaine de vaisseau. Officiellement, c’est pour punir les anciens associés de ne pas s’être acquittés de leur obligation de peupler la Nouvelle-France. En vérité, c’est la contrepartie du paiement par les De Caën des 33 000 livres dues au prince de Condé par le duc de Montmorency pour l’achat de la vice-royauté de la Nouvelle-France.
 
Champlain estime que l'attaque fut un échec, mais les Indiens des deux côtés trouvent ce raid de vengeance très réussi. Cette attaque mena à une longue période pacifique<ref name="Fischer 2008">{{Harv|Fischer|2008}}</ref>. Champlain est blessé d'une flèche au genou. Des Hurons le ramènent dans leur bourgade en le portant à tour de rôle sur leur dos<ref name="porteurs hurons" group="note">{{style|Ces Hurons sont probablement plus costauds que Champlain.}}</ref>.
Champlain se retrouve en position de faiblesse face à Guillaume de Caën qui semble avoir la faveur de Montmorency. Dans le différend qui oppose l’ancienne et la nouvelle compagnie, le lieutenant du vice-roi prend la défense de François Gravé à Tadoussac, mais Guillaume de Caën passe outre. Champlain en est réduit à rejoindre les missionnaires récollets outrés de l’arrogance du chef de la nouvelle compagnie qui, de plus, ne cache pas son appartenance à la religion protestante. Avec les autres principaux habitants de la colonie de Québec, ils se réunissent le 18 août 1621 et rédigent ensemble un cahier de remontrances, qu’ils présenteront au roi par l’intermédiaire du père Le Baillif choisi comme député.
 
==== Un hivernement forcé en Huronie ====
Celui-ci quitte Québec le 7 septembre 1621 et pendant que l’hiver commence à s’installer sur le bord du Saint-Laurent, le récollet entame ses démarches à la Cour. Pour donner plus de poids au cahier de remontrances des colons, il rédige une ''Plainte de la Nouvelle France dicte Canada, A la France sa Germaine'', dans laquelle il se déchaîne contre Guillaume de Caën et ses associés, et il n’hésite pas à fabriquer de toutes pièces des lettres qu’il présente comme venant de Champlain et d’autres personnes de Québec. Finalement, Louis XIII ordonne la réorganisation de la compagnie dirigée par les De Caën, en admettant les membres de l’ancienne à en faire partie.
 
Champlain désire alors revenir au [[Rapides de Lachine|Sault Saint-Louis]], mais les [[Hurons-Wendats|Hurons]] insistent pour qu'il passe l'hiver avec eux : ils refusent de l'y mener avant le printemps suivant. Champlain doit donc hiverner en Huronie.
Lorsque Guillaume de Caën arrive à Québec le 15 juillet 1622, il révèle les agissements du père Le Baillif. Les principaux habitants de Québec, dont Champlain, écrivent au roi pour déclarer que les missives que le récollet leur a attribuées sont « supposées ». Les relations du chef de la colonie avec les récollets se tendent et il ne lui reste plus qu’à se réconcilier avec Guillaume de Caën, qui semble avoir la confiance non seulement du vice-roi, mais aussi du roi. Champlain doit même s’effacer devant François Gravé choisi comme « principal commis de messieurs les associés ». Les deux hommes passent ensemble l’hiver 1622-1623 et se concertent pour assurer le commandement.
[[Fichier:Habitation Québec.jpg|vignette|Maquette de la seconde habitation de Québec.]]
Le 23 août, Gravé quitte Québec pour rentrer en France avec Guillaume de Caën, une fois la traite terminée, et Champlain se retrouve enfin seul pour diriger la colonie. Sa tentative de reprise en main de celle-ci est marquée par le début de la construction d’une nouvelle habitation. Il envisage d’abattre les vieux bâtiments datant de 1608 et de ne conserver que le magasin, puis « de faire les autres corps de logis de dix-huit toises avec deux ailes de dix toises de chaque côté, et quatre petites tours aux quatre coins du logement, et un ravelin devant l’habitation, commandant sur la rivière, et d’entourer le tout de fossés, avec un pont-levis »<ref name=":4">{{Ouvrage|auteur1=Eric Thierry|titre=Les Œuvres complètes de Champlain|tome=II|lieu=Québec|éditeur=Septentrion|date=2019.}}</ref>. Pour cela, il fait rassembler, avant l’hiver, la chaux, la pierre et le bois qui seront nécessaires, et les travaux débutent dès le retour des beaux jours au printemps. Ils sont si bien surveillés qu’au début d’août 1624, le rez-de-chaussée du principal corps de logis est presque achevé<ref>{{Ouvrage|auteur1=Françoise Niellon|auteur2=Marcel Moussette|titre=L'Habitation de Champlain|lieu=Québec|éditeur=Direction des communications du ministère de la Culture et des Communications|date=1985.}}</ref>.
 
Il profite de son long séjour dans la région pour explorer le sud-ouest, les [[Pétuns]] et les [[Outaouais (peuple)|Cheveux-Relevés]] (sud de la [[Huronie]] et de la [[péninsule Bruce]]).
Au même moment, Champlain a une autre satisfaction, celle d’apprendre qu’une paix a été conclue, en juillet à Trois-Rivières, entre d’une part les Hurons, les Algonquins, les Népissingues et les Montagnais, et d’autre part les Iroquois, et plus précisément les Agniers. Il n’en est pas l’artisan essentiel, car cet accord suit une trêve conclue sans son intervention entre 1616 et 1618<ref>{{Ouvrage|auteur1=Alain Beaulieu|directeur1=Oui|titre=Guerre et paix en Nouvelle-France|passage=54-101.|lieu=Sainte-Foy|éditeur=Editions GID|date=2003}}</ref>. Cependant, il a tout fait pour l’encourager, allant jusqu’à offrir les cadeaux faits à deux ambassadeurs iroquois venus à Québec en juin 1622. Selon lui, une paix générale entre les nations amérindiennes est une incontestable opportunité qui se présente pour l’essor de la colonie de Québec, car elle est susceptible de favoriser « l’augmentation du trafic, et la découverte plus aisée, et la sûreté pour la chasse de nos Sauvages, qui vont aux castors »<ref name=":4" />.
 
Lors d'une grande chasse au cerf en compagnie de [[Hurons-Wendats|Hurons]], Champlain se perd en forêt pour avoir suivi un bel oiseau. Il erre pendant trois jours dans les bois, dormant sous les arbres, jusqu'à ce qu'il fasse par chance une rencontre avec un Amérindien.
Reste néanmoins à régler le problème des vivres. Chaque année, le ravitaillement venu de France est attendu avec impatience, car la colonie n’est pas autosuffisante, les marchands ne lui fournissant pas les moyens de développer l’agriculture, et à chaque fois que les navires arrivent, la déception est grande, car les colons sont « assez mal secourus de rafraîchissements, et d’autres choses fort chichement ». Champlain en vient à soupçonner Guillaume de Caën de cacher à ses associés et au vice-roi l’état de dépendance dans lequel se trouve la population de Québec.
 
Il passe le reste de l'hiver apprenant {{citation|leur pays, leurs façons, leurs coutumes, leur mode de vie}}. Il prend le temps de rédiger une description détaillée du pays, des mœurs, des coutumes et de la façon de vivre des Autochtones. Il s'émerveille devant la beauté du paysage et la fertilité des lieux. Il ne tire cependant que des renseignements limités sur l'Ouest mystérieux, car en raison des guerres qui sévissent entre les diverses nations, les Autochtones ont peu voyagé dans cette direction.
{{Lien vidéo|titre=Vivre à Québec au temps de Champlain|url=https://www.youtube.com/watch?v=2Idx7KJJZr0|people=Eric Thierry (conférencier)|année=2022|medium=Podcast|éditeur=Pierre Dubeau|consulté le=2 août 2023}}
 
Tous le croient mort, tant en [[Huronie]] qu'à [[Québec (ville)|Québec]].
Ce qui finit par l’exaspérer est l’annonce par Guillaume de Caën, qui est arrivé à Québec le 1er août 1624, de l’octroi à celui-ci par le vice-roi Montmorency d’un vaste fief comprenant le cap Tourmente, l’île d’Orléans et « quelques autres îles adjacentes ». Il ne peut tolérer davantage la faveur d’un homme qu’il juge indigne et se résout à repasser en France pour révéler l’état véritable de la colonie et contribuer à la prise des décisions qui s’imposent pour assurer la survie et l’essor de celle-ci. Il ramène aussi sa jeune épouse qui, comme elle le racontera plus tard, venait de passer quatre années, « au plus beau de son âge, dans un lieu pire qu’une prison, et dans la privation de quantité de choses nécessaires à la vie »<ref>{{Ouvrage|auteur1=Augustine de Pommereu|titre=Continuation de la troisième partie des Chroniques de l'ordre des Ursulines|passage=411.|lieu=Paris|éditeur=Veuve Jean Henault et François Henault, Fils|date=1673}}</ref>.
 
Le {{date-|22 mai 1616}}, il quitte la [[Huronie|contrée des Hurons]] ; à la fin de {{date-|juin 1616-}}, il est de retour au [[Rapides de Lachine|Sault Saint-Louis]] et le {{date-|11 juillet 1616-}} il est de retour à [[Québec (ville)|Québec]].
Arrivé à Dieppe le 1er octobre, Champlain se rend à Paris et ne tarde pas à rencontrer le roi, des conseillers royaux et le vice-roi à [[Saint-Germain-en-Laye]]. Il apprend les menées du cardinal de Richelieu contre le duc de Montmorency et, peu de temps après, est informé de la vente par ce dernier de sa charge de vice-roi de la Nouvelle-France au duc de Ventadour. Très proche des [[Compagnie de Jésus|jésuites]], celui-ci en envoie six à Québec pour seconder les missionnaires récollets, dès avril 1625, et retient Champlain auprès de lui « pour l’instruire des affaires dudit pays », après lui avoir renouvelé sa charge de lieutenant du vice-roi le 15 février précédent.
 
Il passe quelque temps à agrandir [[Habitation de Québec|le fort]] et repart pour la France le {{date-|20 juillet 1616-}}.
Au retour des navires partis pour la traite, Guillaume de Caën entre en conflit avec les anciens membres de la Compagnie du Canada pour un reliquat de dettes. Le Conseil du roi est saisi et, en plus, le récollet Joseph Le Caron, de retour du Canada, publie au début de 1626 un ''Advis au Roy sur les affaires de la Nouvelle-France'' où sont dénoncés les agissements des marchands à l’encontre des colons de Québec et où il est dit que Guillaume de Caën a fait célébrer le culte protestant dans la vallée du Saint-Laurent. Les associés conviennent de placer désormais leurs vaisseaux sous le commandement du catholique La Ralde et autorisent Champlain à retourner à Québec. Celui-ci embarque à Dieppe, le 15 avril 1626, en compagnie du père Le Caron. Guillaume de Caën, qui est présent lors de l’embarquement, en veut terriblement au récollet, et sans doute à Champlain, de s’être vu retirer le droit de faire le voyage du Canada.
 
=== {{8e}} voyage au Canada en 1617 ===
Arrivé à Québec le 5 juillet, Champlain a la désagréable surprise de constater que les travaux de l’habitation n’ont guère avancé depuis son départ, presque deux ans plus tôt, et que le [[Château Saint-Louis|fort Saint-Louis]] n’est toujours pas achevé. Afin de permettre aux ouvriers de se consacrer à ces tâches et de ne plus devoir passer l’été au cap Tourmente pour faucher et faner de l’herbe destinée au bétail de Québec, il fait construire sur place une ferme pour entretenir les animaux<ref>{{Ouvrage|auteur1=Jacques Guimont|titre=La Petite-Ferme du cap Tourmente, un établissement agricole tricentenaire. De la ferme de Champlain aux grandes volées d'oies|lieu=Sillery|éditeur=Septentrion|date=1996.}}</ref>. Il libère ainsi de la main-d’œuvre pour réaliser les objectifs que lui a fixés le duc de Ventadour, qui sont « de se loger avec tous ses gens » et « de faire construire et bâtir tels forts et forteresses dont il aura besoin ». Aussitôt, il ordonne de couvrir la moitié de l’habitation et d’agrandir le fort Saint-Louis, en prévision de renforts envoyés par le roi.
En France, Champlain apprend que le [[Henri II de Bourbon-Condé|Prince de Condé]] a été arrêté. Le [[Pons de Lauzières-Thémines|maréchal de Thémines]] est promu au titre de vice-roi.
{{Citation bloc|De fait, le [[Pons de Lauzières-Thémines|maréchal de Thémines]] se fit donner la charge de vice-roi : Champlain demeura quand même lieutenant et les associés allèrent jusqu’à montrer un zèle soudain à l’égard de la colonie, mais le tout « s’en alla en fumée » et, quand Champlain voulut, en 1617, s’embarquer à Honfleur, l’associé Daniel Boyer lui signifia qu’il n’était plus le lieutenant du vice-roi. Champlain partit quand même pour la Nouvelle-France où il ne fit qu’un bref séjour (ce voyage de 1617 a été mis en doute, mais il demeure possible, même si nous retrouvons Champlain à Paris le 22 juillet).|{{harvsp|Trudel|2003}} }}
 
Champlain arrive à Tadoussac le {{date-|14 juin 1617-}} et met les voiles vers Québec, pour un très bref séjour au Canada. Le {{date-|20 juillet 1617-}}, il est de retour en France<ref name="Fischer 2008"/>.
Le 25 août, le jésuite Noyrot quitte Québec pour rentrer en France. Alors qu’il était à peine arrivé avec du matériel et vingt ouvriers destinés à la mission de la Compagnie de Jésus, il a dû repartir à la demande de son supérieur, le père [[Charles Lalemant|Lalemant]]. Sans en référer à Champlain, celui-ci l’a chargé d’obtenir pour la Nouvelle-France un régime nouveau qui soit affranchi de la domination des marchands. En France, le père Noyrot prend contact avec des personnes fortunées et pieuses et réussit à en convaincre de tenter quelque chose. Elles sont rejointes par le cardinal de Richelieu, devenu grand maître, chef et surintendant général de la navigation et du commerce de France, et, le 29 avril 1627, une nouvelle compagnie naît. Les six associés s’engagent à être bientôt cent et à envoyer nombre de colons outre-Atlantique, en échange de toute la Nouvelle-France et de l’exclusivité du commerce sur le territoire de celle-ci.
 
=== En France, projets pour la Nouvelle-France et Québec, ''Ludovica'' (1617 à 1618) ===
{{Article détaillé|Compagnie de la Nouvelle-France}}
En {{date-|février 1618}}, Champlain tente d'impressionner en adressant deux mémoires, l’un à [[Louis XIII]] et l’autre à la Chambre du Commerce, qui énoncent tout un programme, afin d'augmenter le soutien de ses efforts en Nouvelle-France.
 
Il traite d'importantes considérations, dont le danger de laisser sans forts les rives du Saint-Laurent en raison de la présence des [[Nouvelle-Néerlande|Flamands]]. Il fait des projets :
En attendant l’accord du roi qui ne sera donné qu’en mai 1628, la nouvelle compagnie est incapable de ravitailler la colonie de Québec. C’est celle des De Caën qui s’en charge encore une fois, toujours avec parcimonie et méfiance. Champlain est laissé dans l’ignorance des changements intervenus en France. Il apprend seulement qu’une guerre vient d’éclater entre la France et l’Angleterre, que des navires français ont été pris par des Anglais et que Guillaume de Caën a eu « quelque chose à démêler » avec le père Noyrot. Comme le navire de ravitaillement que celui-ci devait envoyer aux jésuites de Québec n’est pas arrivé, le père Lalemant décide de repasser en France avec tous les ouvriers de sa mission. Champlain demeure à Québec avec probablement un total de soixante et onze personnes, dont seulement huit chez les jésuites.
{{Citation bloc| par la Nouvelle-France, on pourrait {{citation étrangère| langue=fr1835|parvenir facilement au [[Chine|Royaume de la Chine]] et [[Indes orientales]], d’où l’on tireroit de grandes richesses }} ; la douane que l’on percevrait à Québec sur toutes les marchandises en provenance ou à destination de l’Asie {{citation étrangère| langue=fr1835|surpasseroit en prix dix fois au moins toutes celles qui se lèvent en France }} ; on s’assurerait un pays de {{citation étrangère| langue=fr1835|près de {{nombre|dix-huict cens lieues}} de long, arrousé des plus beaux fleuves du monde }} et l’on établirait la [[christianisme|foi chrétienne]] parmi une infinité d’âmes. Pour asseoir solidement la Nouvelle-France, Champlain propose qu’on établisse à Québec, dans la vallée de la [[Rivière Saint-Charles (Québec)|rivière Saint-Charles]], {{citation étrangère| langue=fr1835|une ville de la grandeur presque de celle de [[Saint-Denis (Seine-Saint-Denis)|Sainct-Denis]], lacquelle ville s’appellera, s’il plaict à Dieu et au [[Louis XIII|roy]], ''Ludovica''}} ; un fort dominerait cette ville ; un autre serait construit sur la rive sud du fleuve, un troisième à [[Tadoussac]]. On mènerait au pays {{nombre|15 [[Frères mineurs récollets|Récollets]]}}, {{nombre|300 familles}} de quatre personnes et {{nombre|300 soldats}} ; le roi enverrait quelqu’un de son conseil pour {{citation étrangère| langue=fr1835|establir et ordonner des loix fondamentales de l’estat}} et une justice gratuite.|[[Marcel Trudel]]<ref name="Trudel DBC" />}}
 
Concernant le commerce, Champlain estime que la colonie peut produire un revenu annuel d'approximativement {{unité|5400000|livres}}, principalement de la pêche, des mines, des fourrures et des profits comme résultat à la {{citation|plus courte route vers la Chine}}. La Chambre de Commerce en est convaincue immédiatement et Champlain regagne son monopole sur la [[traite des fourrures|traite de la fourrure]]. Le Roi charge ses associés de {{citation|poursuivre tout le travail qu'il sera jugé nécessaire pour établir les colonies qui voudront se retrouver dans le-dit pays}}.
==== La prise de Québec par les Anglais ====
Au manque de vivres s’ajoute une recrudescence des tensions avec les indigènes montagnais. Dès l’hiver 1626-1627, certains d’entre eux ont voulu remettre en cause la paix de 1624 pour s’allier avec les [[Mohicans|Mahigans]] en guerre contre les [[Mohawks|Agniers]]. Ils sont convaincus qu’en ayant accès aux Hollandais dans la vallée de l’[[Hudson (fleuve)|Hudson]], ils pourront obtenir de meilleurs prix pour leurs fourrures qu’avec les Français au bord du Saint-Laurent. Champlain, qui ne tient pas à perdre une bonne partie de la traite de la Nouvelle-France, a réussi à obtenir d’eux l’envoi, en juillet 1627, d’une ambassade en Iroquoisie, mais les ambassadeurs ont été massacrés par les Agniers, qui sont sur le point de remporter une victoire décisive sur les Mahigans et qui n’ont donc plus besoin de relations pacifiques avec leurs voisins du Saint-Laurent.
 
=== {{9e}} voyage au Canada. Honfleur à Trois-Rivières ({{Date-|1618}}) ===
Comme Champlain est à l’origine de la tragique ambassade, les Montagnais cherchent à se venger et, en octobre 1627, deux Français qui conduisent du bétail du cap Tourmente à Québec sont assassinés. Le meurtrier est vite retrouvé et Champlain réussit à l’emprisonner, mais il ne peut le juger et le condamner à mort, car « ce serait déclarer une guerre ouverte et perdre pour un temps le pays, jusqu’à ce que l’on eût exterminé cette race, et par le même moyen perdre les traites du pays, ou pour le moins bien les altérer »<ref name=":4" />. Le chef des Français doit donc s’efforcer de garder bonne figure en attendant l’arrivée des navires de ravitaillement au printemps de 1628.
Champlain s'embarque à Honfleur le {{date-|24 mai 1618}}. Il arrive à Percé le {{date-|15 juin 1618-}}.
Il quitte Tadoussac le {{date-|30 juillet 1618-}} pour accoster en France à Honfleur le {{date-|28 août 1618-}}.
 
{{pas clair|Les Britanniques sont parvenus à obtenir la liberté des échanges. Aussi ses associés refusent-ils d'assurer la population de la colonie, craignant de ne pouvoir obtenir des fourrures que des colons. Champlain en est dérangé, écrivant « Ils pensaient… ils installaient une sorte de république là selon leurs propres notions. » Il fait valoir son droit de commander Québec, faisant signer à ses associés un contrat assurant qu'ils maintiendraient 80 personnes dans la ville de Québec.}}
Ce sont finalement des vaisseaux anglais qui arrivent à Tadoussac au début de juillet. Ils sont commandés par les frères Kirke. Leur père, associé à d’autres marchands, a reçu du roi [[Charles Ier (roi d'Angleterre)|Charles I<sup>er</sup>]] des lettres de marque leur permettant de s’en prendre aux Français. Informés du dénuement de la colonie de Québec par des protestants de Dieppe en révolte contre Louis XIII, ils ont jeté leur dévolu sur la vallée du Saint-Laurent. À bord d’une barque, une vingtaine de soldats remonte le fleuve. Ils débarquent au cap Tourmente et détruisent les bâtiments et la ferme que Champlain y a fait construire.
 
=== En France (1618-1620) ===
Un des habitants réussit à s’enfuir et prévient Champlain qui met sur la défensive l’habitation et le fort de Québec. Le chef de la colonie compte sur l’arrivée des navires des De Caën pour faire fuir l’ennemi. Aussi, lorsque, par l’intermédiaire de Basques, [[David Kirke]] lui demande de capituler, il feint d’être bien pourvu en vivres et refuse. Il est cru, car lorsque, le 18 juillet, les Anglais parviennent à se saisir de la flotte de la Compagnie des Cent-Associés commandée par [[Claude Roquemont de Brison|Roquemont de Brison]], ils ne cherchent pas à forcer davantage leur succès, et repartent en [[Angleterre]] avec huit navires chargés de dépouilles.
Son projet de retour prochain en la Nouvelle-France, est annulé quand les associés refusent à nouveau de reconnaître ses droits, et il est forcé de rester en France. Durant son séjour, il écrit un compte-rendu de ses voyages entre [[1615]] à [[1618]]. {{référence nécessaire|En octobre [[1619]], le [[Henri II de Bourbon-Condé|Prince de Condé]] est libéré et vend ses droits comme vice-roi au [[Henri II de Montmorency|duc de Montmorency]], amiral de France.}}<ref>{{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Fischer, David Hackett,|prénom1=David|nom1=Heckett Fischer|titre=Le rêve de Champlain|lieu=Montréal|éditeur=Boréal|année=2012|pages totales=998|passage=p.424|isbn=978-2-7646-2229-2|isbn2=2764622295|oclc=815853135|lire en ligne=https://www.worldcat.org/oclc/815853135|consulté le=2019-01-16}}</ref>{{,}}<ref>{{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Joseph|nom1=Desjardins|titre=Guide parlementaire historique de la Province de Québec.|sous-titre=1792 à 1902|éditeur=Québec|année=1902|passage=3|lire en ligne=https://archive.org/details/guideparlementai00desjuoft}}</ref>
 
=== {{10e}} voyage au Canada ({{Date-|1620}}-{{Date-|1624}}) ===
L’hiver 1628-1629 est particulièrement pénible pour les Français demeurés à Québec. Ils en sont réduits à manger de la farine de pois et des racines qu’ils vont chercher dans les bois. Champlain envisage d’envoyer une grande partie des colons vivre parmi les Amérindiens, en particulier les Micmacs de Gaspésie. Comme il risque aussi d’avoir besoin de l’hospitalité des Montagnais, il préfère composer avec eux et libérer le meurtrier qu’il détient. Enfin, des navires sont annoncés, mais il s’agit une nouvelle fois d’Anglais commandés par les frères Kirke. Guidés par des Français, Lewis et Thomas se rendent à Québec avec un flibot et deux pataches, tandis que David reste à Tadoussac. Le 19 juillet, une chaloupe va porter à Champlain une lettre qui exige sa capitulation.
[[File:Madame Champlain enseignant aux enfants indiens, 1620.jpg|thumb|Madame Champlain enseignant aux enfants indiens, 1620. Crédit: Bibliothèque et Archives Canada, no d'acc 1991-36-1.]]
[[Fichier:OUR FIRST FOOTING IN CANADA. CHAMPLAIN SURRENDERING QUEBEC TO ADMIRAL KIRKE. JULY 20 1629.jpg|gauche|vignette|La capitulation de Champlain le 20 juillet 1629, vue par R. Caton Woodville jr (1911).]]
Le [[Henri II de Montmorency|duc de Montmorency]] confirme Champlain dans sa fonction et, le {{date-|7 mai 1620}}, [[Louis XIII]] lui demande de maintenir le pays de Nouvelle-France « en obéissance à moi, faisant vivre le peuple qui est là-bas en aussi proche conformité avec les lois de mon royaume que vous le pouvez. » Champlain retourne immédiatement en Nouvelle-France à bord du ''Saint Étienne'', et se concentre désormais sur l'administration du pays plutôt que sur l'exploration.
Le commandant de Québec essaie bien de tergiverser, d’autant plus qu’il a appris d’un gentilhomme anglais qu’il n’y avait plus de guerre entre la France et l’Angleterre, le [[traité de Suse]] ayant été signé le 24 avril 1629, mais Lewis Kirke se montre pressé, craignant l’arrivée de navires français. Comme la colonie ne peut pas résister faute de vivres et de poudre, son chef se résout à capituler. Le 20 juillet, cent cinquante soldats anglais prennent possession de l’habitation et du fort Saint-Louis. Tandis que les récollets et les jésuites restent encore quelques jours, Champlain embarque avec François Gravé à bord du bateau de Thomas Kirke et, le 24 juillet, celui-ci met à la voile pour se rendre à Tadoussac.
[[Fichier:Champlain Leaving Quebec, a Prisoner on Kirk’s Ship, 1629.jpg|vignette|296x296px|Champlain quittant Québec le 24 juillet 1629, vu par Charles W. Jefferys (1942).]]
En chemin, Champlain est le témoin de la capture du navire d’Emery de Caën qui tentait de ravitailler Québec. Cette nouvelle prise rejoint les autres et, le 1er septembre, la flotille des Kirke quitte l’embouchure du Saguenay pour rentrer en Angleterre, avec ses prisonniers et ses dépouilles. A Québec ne reste, avec la garnison anglaise commandée par Lewis Kirke, qu’une vingtaine de Français, dont la famille Hébert-Couillart.
 
Il s'embarque à Honfleur le {{date-|8 mai 1620-}} et il amène pour la première fois son épouse Hélène Boullé qui a maintenant {{nombre|22 ans}}.
David Kirke relâche les jésuites et les récollets à [[Douvres]] le 27 octobre 1629, et le 29, les derniers prisonniers parviennent avec leur geôlier à [[Londres]]. Tandis que François Gravé et Emery de Caën sont retenus chez des particuliers dans l’attente du paiement d’une rançon, Champlain se trouve libre de ses mouvements. Il se rend immédiatement à l’ambassade de France, où il rencontre l’ambassadeur, [[Charles de L'Aubespine|Charles de l’Aubespine]], marquis de Châteauneuf.
 
Champlain passe l'hiver à construire le [[Château Saint-Louis|Fort Saint-Louis]] au haut du [[Cap Diamant]]. À la mi-mai, il apprend que la traite de fourrure est prise en main par une autre compagnie, dirigée par les frères ''de Caën''. Après quelques négociations tendues, il se décide à fusionner les deux compagnies sous la direction des ''de Caën''. Champlain continue son travail sur les relations avec les Amérindiens et parvient à leur imposer un chef de son choix à lui. Il parvient également à signer un traité de paix avec les tribus [[iroquois]]es.
Pour appuyer les démarches que celui-ci veut entreprendre auprès du roi d’Angleterre Charles I<sup>er</sup> afin de récupérer Québec, Champlain lui confie un récit de la prise de la colonie, ainsi que l’original de la capitulation qu’il a signée le 19 juillet. Immédiatement, Châteauneuf demande au souverain anglais la restitution de Québec, mais Charles I<sup>er</sup>, qui se souvient que son père, [[Jacques VI et Ier|Jacques 1er]], a concédé une Nouvelle-Écosse à l’Écossais [[William Alexander (1er comte de Stirling)|William Alexander]] en 1621, lui répond qu’il s’agit de territoires écossais qui ont été usurpés par les Français. Châteauneuf est d’autant plus décontenancé qu’il ne connaît pas bien l’histoire et la géographie de la Nouvelle-France.
 
Champlain introduit en [[1621]] le système de [[notaire|documents notariés]] en [[notaire#Au Québec|Nouvelle-France]]. Le roi maintiendra ce système quand la Nouvelle-France devient colonie royale en [[1663]]<ref>Le Devoir, 9 octobre 2016, 1,7 million d'actes notariés du Québec chez ancestry.ca</ref>.
Comme en plus Richelieu lui demande de récupérer aussi le Cap-Breton et l’Acadie, dont se sont emparés des Ecossais en juillet et août 1629, il demande à Champlain de l’éclaircir sur tous ces points et de lui donner par écrit tous les noms des « lieux et côtes » que le roi de France peut déclarer siens et qui doivent lui être restitués.Le vieil explorateur s’exécute immédiatement. Il remet à l’ambassadeur une carte de la Nouvelle-France et rédige aussi un ''Mémoire de ce que les Français possédaient depuis plusieurs années en çà'', dans lequel il demande la restitution à la France non seulement de Québec, mais aussi du Cap-Breton et de l’Acadie..
 
Champlain continue à travailler sur l'amélioration de son ''Habitation'', posant la première pierre le {{date|6 mai 1624}}. Le {{date-|5 juillet 1624-}}, il revient à Québec et continue à travailler à l'expansion de la colonie.
Le 30 novembre 1629, Champlain, qui craint que les négociations ne s’éternisent, prend le chemin de la France.  En décembre 1629, il est à Paris et rencontre Louis XIII, le cardinal de Richelieu et les directeurs de la Compagnie des Cent-Associés, auxquels, écrira-t-il, « je fis entendre tout le sujet de mon voyage et ce qu’ils avaient à faire tant en Angleterre qu’aux autres choses qui convenaient pour le bien et l’utilité de ladite Nouvelle-France »<ref name=":4" />.
 
Sa jeune femme se mettant à dépérir, le {{date-|15 août 1624-}}, il retourne une fois de plus en France où il est encouragé à continuer son travail aussi bien qu'à continuer la recherche d'un passage vers la Chine.
Les négociations s’annoncent encore difficiles, mais la Compagnie des Cent-Associés ne désespère pas et harcèle Louis XIII et Richelieu pour qu’ils lui octroient six navires afin d'accompagner quatre de leurs pataches « pour aller au grand fleuve Saint-Laurent reprendre possession du fort et de l’habitation de Québec ». Les associés obtiennent satisfaction et [[Isaac de Razilly]] est pressenti pour commander la flotte, mais le 13 avril 1630, retenu par une campagne au [[Maroc]], il est remplacé par le chevalier de Montigny. Les navires attendent au Havre et Champlain est à bord de l’un d’entre eux puisqu’il est chargé de prendre le commandement de Québec au nom du cardinal de Richelieu dès que les Anglais l’auront restitué. Les équipages patientent et finalement, vers la mi-mai, le voyage est rompu, le règlement définitif du différend franco-anglais étant suspendu à la fin de la guerre menée par Louis XIII en [[Savoie]] et en [[Italie]] pour la succession de [[Mantoue]].
 
=== {{11e}} voyage au Canada ({{Date-|1626}}-{{Date-|1629}}) ===
Champlain est une personne encore en vue. Il ne doute pas de la faveur du roi et du cardinal, car son épouse Hélène Boullé n’hésite pas à se dire, le 7 juillet 1630, « femme de Samuel de Champlain, gentilhomme ordinaire de la chambre du roi »<ref>{{Article|auteur1=Oscar de Poli|titre=Documents inédits ou peu connus. Samuel de Champlain (Donation mutuelle entre lui et sa femme)|périodique=Revue des questions héraldiques, archéologiques et historiques|numéro=14|date=1899|pages=65.}}</ref>, alors qu’il n’existe aucune preuve que son mari ait jamais occupé cette fonction, et presque trois mois plus tard, le 27 septembre, lui-même s’intitule « capitaine pour le roi en la marine, commandant pour monseigneur le cardinal en la Nouvelle-France dite Canada »<ref>{{Article|prénom1=M.|nom1=Delafosse|titre=Séjour de Champlain à Brouage en 1630|périodique=Revue d'histoire de l'Amérique française|volume=9|numéro=4|date=1956|issn=0035-2357|issn2=1492-1383|doi=10.7202/301793ar|lire en ligne=http://dx.doi.org/10.7202/301793ar|consulté le=2023-08-03|pages=571}}</ref>. Cela ne dure guère, car avant même la fin de l’année, il est obligé de rédiger un placet où il supplie Louis XIII de continuer le paiement de la pension qu'il lui verse depuis 1610.
Le {{date-|24 avril 1626}} Champlain est à Dieppe. La ''Sainte-Catherine'' appareille et il parvient à Québec le {{date-|5 juillet 1626-}}.
 
==== La Compagnie des Cent-Associés et nomination en tant que Commandant de la Nouvelle-France ====
Champlain est victime d’une campagne de dénigrement orchestrée contre lui et la Compagnie des Cent-Associés par Guillaume de Caën. Celui-ci a réussi à se faire apprécier par l’ambassadeur Châteauneuf devenu [[Garde des sceaux de France|garde des sceaux]] après la [[journée des Dupes]], le 11 novembre 1630, qui a vu le cardinal de Richelieu supplanter le parti dévot au sein du Conseil du roi. L’ancien diplomate devenu chef de la Justice aide le marchand dieppois dans les procédures engagées par lui et ses proches, ainsi que dans l’obtention du monopole de la traite des fourrures dans la vallée du Saint-Laurent en 1631. Affaibli par son appartenance au parti dévot, [[Jean de Lauson (père)|Jean de Lauson]], l’intendant de la Compagnie des Cent-Associés, n’est pas en mesure de résister.
En [[1627]], le [[Armand Jean du Plessis de Richelieu|cardinal de Richelieu]] marque son intérêt pour les affaires de Québec en créant la [[Compagnie de la Nouvelle-France|Compagnie des Cent-Associés]]. Champlain, tout comme Richelieu, en devient membre et actionnaire. Ce nouveau régime conduit Champlain à devenir, le {{date|21 mars 1629}} le « commandant en la Nouvelle-France en l’absence » du cardinal de Richelieu<ref group="coll" name="chronologie" />.
 
==== Chute de Québec ====
Meurtri par sa disgrâce, Champlain veut rappeler au roi ses actions, lui montrer qu’il n’a pas épargné sa peine, que maintes fois il a même risqué sa vie pour le servir, et que la prise de Québec par les Anglais est due à l’indigence dans laquelle les marchands ont laissé la colonie. Aussi reprend-il tous ses ouvrages déjà parus, ainsi que les journaux de bord qu’il a tenus de 1620 à 1629, et rédige-t-il ses ''Voyages'' qui paraîtront en 1632, accompagnés par un ''Traité de la marine et du devoir d’un bon marinier'' qui sera « intelligible, et profitable à ceux qui voudront s’en servir, pour savoir ce qui est nécessaire à un bon et parfait navigateur, et notamment ce qui est des estimes, et comment on doit procéder pour faire des cartes marines selon la boussole des mariniers »<ref name=":4" />.
[[File:OUR FIRST FOOTING IN CANADA. CHAMPLAIN SURRENDERING QUEBEC TO ADMIRAL KIRKE. JULY 20 1629.jpg|vignette|gauche|upright|Le {{date|20|juillet|1629}}, Champlain capitule à Québec, et rend la colonie à l'amiral Kirke. Dessin de R. Caton Woodville jr.]]
[[File:Champlain Leaving Quebec, a Prisoner on Kirk’s Ship, 1629.jpg|vignette|droite|upright|Champlain quitte Québec, prisonnier à bord du navire des Kirke. Dessin de [[Charles William Jefferys]], 1942.]]
 
Les choses n'allaient pas se maintenir pour Champlain et son petit village. Les approvisionnements étaient au plus bas durant l'été de [[1628]] et les marchands anglais avaient pillé la ferme de [[Réserve nationale de faune du cap Tourmente|Cap Tourmente]] au début de juillet. Le {{date-|10 juillet}}, Champlain reçoit une sommation de marchands anglais, Gervase Kirke et ses fils Lewis, Thomas et [[David Kirke]]. Ce sont des Huguenots français à la solde de l'Angleterre<ref name="Daveluy 219">{{Harv|Daveluy|1945|loc=p.219}}</ref>.Il refuse de faire affaire avec eux, mais en réponse les Anglais font le blocus de la ville avec leurs trois navires. Au printemps de [[1629]], les vivres atteignent un niveau extrêmement bas, la petite colonie est épuisée et Champlain est forcé d'envoyer des gens à [[Gaspé (ville)|Gaspé]] pour conserver les rations. Le {{date-|19 juillet 1629-}}, les frères Kirke arrivent et Champlain est forcé de négocier les termes de la capitulation de la ville, le {{date|14|septembre|1629}}.
Finalement, un traité est signé par les représentants de Louis XIII et de Charles I<sup>er</sup> à Saint-Germain-en-Laye le 29 mars 1632 et la Grande-Bretagne restitue à la France Québec et l’Acadie. De plus, Lauson, qui est revenu en grâce, réussit à faire obtenir à Champlain le commandement d’une expédition devant ravitailler le fort Sainte-Anne, construit par le Français [[Charles Daniel]] sur l’île du Cap-Breton en 1629. A son retour, le fondateur de Québec est reçu par le cardinal de Richelieu, qui le nomme son lieutenant « dans toute l’étendue du fleuve Saint-Laurent » et lui ordonne de conduire les vaisseaux de la Compagnie des Cent-Associés à Québec. Il part de Dieppe le 23 mars 1633 et arrive à destination le 23 mai.
 
Champlain, les missionnaires, et presque tous les colons quittèrent la colonie<ref name="Daveluy 219" />.
==== Un retour à Québec plein d'espoirs ====
 
=== De retour en Europe ({{date-|1629}}-{{date-|1633}}) ===
Au {{date-|29 octobre 1629-}}, Champlain se retrouvait à [[Londres]].
 
Durant les années suivantes, Champlain écrit ''Voyages de la Nouvelle France […]'', dédié à Richelieu, ainsi que son ''Traité de la marine et du devoir d'un bon marinier''. Il est absent du Québec jusqu'au [[Traité de Saint-Germain-en-Laye (1632)|traité de Saint-Germain-en-Laye]] en [[1632]].
 
=== {{12e}} et dernier voyage au Canada. Fondation de Trois-Rivières ({{Date-|1633}}-{{Date-|1635}}) ===
Lorsqu'il revient d'Angleterre en France, le {{date-|1|mars|1633}}, Champlain réclame à Richelieu son poste de gouverneur (officieux) de la Nouvelle-France. Il obtient le titre de « commandant » à Québec, « en l'absence du ministre » (c'est-à-dire « lieutenant », comme auparavant). Champlain part de [[Dieppe (Seine-Maritime)|Dieppe]] (ou de [[Rouen]], selon les sources) le {{date-|23 mars 1633}} pour Québec, qu'il atteint le {{date-|22 mai}} (directement pour la première fois<ref name="barque" group="note">Avant 1633, les navires français de plus de 100 à 300 tonneaux restent ancrés au large dans la baie du ''Moulin-Baude'', à une lieue à l'est (environ {{unité|5|kilomètres}} en aval) de [[Tadoussac]]. Des barques ou autres petits bateaux servent à naviguer sur le fleuve, en amont jusqu'à [[Québec (ville)|Québec]] ou jusqu'au [[Rapides de Lachine|Sault Saint-Louis]]. En [[1633]], pour terminer son ultime traversée, Champlain, sûr de lui, se rend jusqu'à Québec avec ses navires, pour la première fois et sans encombre.</ref>, sans transbordement à [[Tadoussac]]), après une absence de quatre ans. Plus de {{nobr|200 personnes}} l'accompagnaient, à bord de trois navires : le ''Saint Pierre'', le ''Saint Jean'' et le ''[[Don de Dieu (navire)|Don de Dieu]]'' (la devise de la ville de Québec est « Don de Dieu ferai valoir »).
 
En 1633, le chef algonquin [[Capitanal]] lui demande d'établir un poste permanent à [[Trois-Rivières]]. Convaincu de l'importance stratégique de l'emplacement pour la traite des fourrures, il y fera construire un fort qui servira à la fois au commerce et à l'occupation du territoire.
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=== Décès ===
[[File:Testament de Samuel Champlain 1 - Archives Nationales - ET-LXII-138 (RS-282) .jpg|thumb|upright|Testament de Champlain.]]
La cause de son décès résulte probablement d’un accident vasculaire cérébral. Sa santé a fortement décliné à la suite des événements majeurs dans sa vie. Selon l’historien [[Éric Thierry]], il est probablement tombé en forte dépression à la suite de la chute de Québec en 1629 par les frères Kirke. Un autre élément à considérer, est également sa disgrâce auprès de Richelieu. Champlain était associé au [[parti des dévots]] qui menaçait le pouvoir royal. Selon Richelieu, la question religieuse doit être subordonnée à la raison d’État. Après la [[journée des Dupes]] des 10 et 11 novembre 1630, Champlain regagne progressivement la confiance de Richelieu, avec l’aide de Jean de Lauzon de la Compagnie des Cent-Associés et du [[François Leclerc du Tremblay|père Joseph]], éminence grise du [[Armand Jean du Plessis de Richelieu|cardinal de Richelieu]]<ref>Thierry, Éric, Les œuvres complètes de Champlain, Tome 2,
 
Québec, Septentrion, 2019, p. 606</ref>.
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Il n'existe pas de portrait authentique de Champlain. Toutes les représentations que l'on en donne sont des faux<ref name="portrait" group="note">Le portrait de Champlain utilisé dans l'article est un portrait factice par Eugène Ronjat. Source : [[François Guizot]], ''A Popular History of France from the Earliest Times'', vol. 6, chap. 53, Boston, Dana Estes & Charles E. Lauriat (Imp.), {{19th}} C., {{p.|190}}.</ref> ou des interprétations. La seule image originale est une gravure<ref>Éric Thierry nous explique dans cette vidéo le travail du graveur de David Pelletier. Il s’agit de la scène de la bataille de 1609 parue dans l’ouvrage de Champlain paru en 1613
 
[https://www.youtube.com/watch?v=m2Q0c2cWNH8. https://www.youtube.com/watch?v=m2Q0c2cWNH8.] </ref> d'une bataille au lac Champlain en [[1609]], mais les caractéristiques faciales sont trop vagues pour en avoir une bonne idée. Il s'agit du croquis {{citation étrangère |langue=fr1835|Deffaite des Yroquois au Lac de Champlain}}, dessiné par Champlain lui-même<ref name="Fischer 2008">{{Harv|Fischer|2008}}< /ref> mais réinterprété par le graveur David Pelletier.
 
Il est admis par les historiens que le portrait que l'on a cru longtemps (depuis environ 1850) être celui de Samuel de Champlain serait en fait celui d'un contrôleur des finances (1648) nommé [[Michel Particelli d'Émery]]. Il est toutefois souvent coutume, faute de mieux, de représenter Champlain sous ces traits. Selon une théorie de l'[[historien]] [[Marcel Trudel]], sur des cartes géographiques de l'Amérique du Nord dessinées par Samuel de Champlain en 1612 et 1632, figurent au centre d'une [[rose des vents]], l'autoportrait de Champlain. Les chercheurs Denis Martin et André Vachon réfutent l’hypothèse de Marcel Trudel. Denis Martin conclue : La réponse est toute simple : Nous sommes ici devant une représentation courante du soleil. Ce visage apparaît sur les cartes de Champlain au cœur de la rose des vents, à l’endroit où dans la plupart des autres cartes de l’époque convergent les rayons des trente-deux aires de vent divisant la boussole ou compas de mer… Dans la carte de 1632, le visage symétrique et bienveillant composé dans la lunette de la rose ou du compas - avec sa fleur de lys pointant vers le nord-est est celui du dieu Helios, un motif conventionnel dans l’imagerie à l’époque de Champlain<ref>Martin, Denis. 2004. Samuel de Champlain à visage découvert. Dans R. Litalien et D. Vaugeois. ''Champlain'' : ''La naissance de l’Amérique française'', Québec, Septentrion, p. 360</ref>.
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