« Franc-maçonnerie sous la Deuxième République » : différence entre les versions
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La '''franc-maçonnerie sous la Deuxième République''' française connait une période qui va de l'euphorie autour de l'avènement de la [[Deuxième République (France)|République]] à une rapide désillusion. L'application de plusieurs de ses idéaux comme l'[[abolition de l'esclavage]], et une forte présence des francs-maçons dans les instances nationale nourrie l'espoir d'une {{Citation|république maçonnique}} qui s'éteint rapidement à la suite des émeutes ouvrières de juin 1848. La pression des autorités incite les obédiences à se réformer pour tenter de s'unifier. Le [[Grand Orient de France]] première et principale modifie l'article premier de sa constitution en rajoutant la devise républicaine {{incise|Liberté, Égalité, Fraternité}}, simultanément, il inscrit dans sa constitution l'existence de Dieu et l'immortalité de l'âme comme base de la [[franc-maçonnerie]].
== Historique ==
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Dans les années 1840, la contestation progresse au sein du Grand Orient de France{{sfn|André Combes|2008|p=15|id=AC2008}}. La première cause outre de la désaffection à l'égard du régime des milieux maçonniques est due à la faiblesse du recrutement des loges. Depuis la Restauration, l'accroissement du nombre d'ouvriers, d'artisans, de commerçants et autres employés, plus sensible aux idées républicaines, inquiète la bourgeoisie censitaire, qui ne souhaite pas fraterniser avec ces populations. La commission permanente réagit alors en proposant en 1847 et pour éviter {{citation|l'invasion des passions profanes}} d'augmenter les capitations et le cout des initiations{{sfn|André Combes|2008|p=15|id=AC2008}}. La deuxième cause est la grande centralisation des pouvoirs maçonniques à Paris, la troisième est nettement plus politique. Des francs-maçons se réclamant de la devise de la République {{incise|[[Liberté, Égalité, Fraternité|Liberté - Égalité - Fraternité]]}} en tant qu'idéal maçonnique, qui invite ces membres, selon eux, à étudier les questions sociales et de débattre pour rapprocher les peuples. La [[franc-maçonnerie]] se devant d'être philosophique, philanthropique et progressive, pour ne pas se satisfaire de convivialité et de moralité, mais de pousser l'institution dans un sens antigouvernemental{{sfn|André Combes|2008|p=16|id=AC2008}}.
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Certaines activités des loges font l'objet de réprobations ou d'interdictions, la loge {{Citation|Les Amis de l'honneur français}} est sommée, en 1840, de retirer de l'ordre du jour de la réunion, un débat sur {{citation|La croyance en Dieu est-elle indispensable, dans l'ordre moral, à l'institution sociale}}. Ou encore la fermeture provisoire de la loge {{Citation|L'amitié}} à la suite d'un débat en loge sur {{citation|les meilleurs moyens à employer dans l'organisation du travail}}. Dans les provinces, des loges organisent des cours destinées aux couches populaires, ou secourent les plus démunis en distribuant de la nourriture ou du bois de chauffage. En 1847, le [[Jean-de-Dieu Soult|maréchal Soult]] tente d'interdire, l'adhésion des militaires dans les loges, particulièrement les sous-officiers plus perméables aux propos révolutionnaires{{sfn|André Combes|2008|p=16|id=AC2008}}
La gauche orléaniste et les républicains comprenant plusieurs dizaines de francs-maçons organisent, pour répondre à l'interdiction des réunions politiques, des banquets populaires dans 28 départements{{sfn|Yves Hyvert-Messeca|2017|p=291|id=HYV2014}}. Celui de Paris, prévue le 22 février 1848, est interdit, Armand Marrast incite la population à manifester. La fusillade du 23 mars déclenche l'insurrection qui aboutit à la chute de la [[
=== À la {{Citation|république maçonnique}} ===
[[File:Victor Schœlcher - Galerie contemporaine - Étienne Carjat.jpg|thumb|redresse|Victor Schœlcher.]]
Le gouvernement provisoire adopte des mesures qui font partie des souhaits exprimés par les loges maçonniques. La plus emblématique étant celle de l'[[abolition de l'esclavage]], action portée par deux francs-maçons, [[Victor Schoelcher]] et [[Cyrille Bissette]]. Des mesures d'inspiration maçonniques avec l'action comme ministre de la Justice d'[[Adolphe Crémieux]], de la suppression de la peine de mort, la fin de l'exposition publique des condamnés ou de la contrainte par corps en cas de dette financières, le rétablissement du [[divorce]] est proposé, mais rejeté par les députés pour se préserver des reproches de l'[[Église catholique]]. Une adresse est remise par une délégation des représentants du [[
À Paris, des francs-maçons affichent dans la ville un {{Citation|Appel aux Maçons}}, invitation le 14 mars pour constituer un comité central maçonnique pour préparer les élections de la Constituante. Réclamant l'avènement d'une république démocratique, le projet de constitution propose une direction du pays par un comité exécutif élu par l'Assemblée nationale qui garde le pouvoir de le destituer. L'école gratuite pour les pauvres et obligatoires serait sous la surveillance de l'État. Dans les villes de Province comme à Paris, les francs-maçons travaillent et débattent des élections qui se tiennent les 23 et 24 avril{{sfn|André Combes|2008|p=19|id=AC2008}}. Ce comité central produit une {{Citation|déclaration de principe de la franc-maçonnerie}} proposé aux candidats républicains, certains l'adoptent comme profession de foi de leur candidature. La déclaration contient des propositions avant-gardistes dont une grande partie sera mise en œuvre durant la {{IIIe}} République ou la franc-maçonnerie joue un rôle important{{sfn|Pierre Chevalier|1974|p=324-325|id=PC1974}}. Plus d'une centaine de francs-maçons sont élus pour représenter le peuple dans la nouvelle assemblée et plusieurs sont nommés au sein du nouveau gouvernement{{sfn|André Combes|2008|p=19|id=AC2008}}{{,}}{{sfn|Roger Dachez|2020|p=92|id=RD2020}}.
Si le Grand Orient adhère totalement à la nouvelle république et le clame, le [[Suprême Conseil de France]], pour sa part, garde une attitude réservé face aux événements, les dirigeants de l'ordre étant toutes des personnalités de la monarchie de Juillet. Le Suprême Conseil suspend ses travaux au lendemain des journées insurrectionnelles de février et ne les reprend qu'avec prudence. Toutefois, en mars 1848, plusieurs dignitaires et porteur de hauts grades signent un appel à rénover la franc-maçonnerie et à mettre fin aux antagonismes avec le Grand Orient{{sfn|Chevalier|1974|p=308|id=PC1974}}.
Le rêve d'une {{Citation|république maçonnique}} disparait rapidement. Les émeutes ouvrières des 23 et 26 juin, déclenchées après la fermeture des [[ateliers nationaux]], voient le nouveau gouvernement d'[[Eugène Cavaignac]] mettre en œuvre une répression sur la presse et les clubs. Dans un premier temps, la franc-maçonnerie est relativement épargnée, le GODF ayant pris la précaution d’inviter les membres et les loges à la prudence pour maintenir l'ordre dans l'obédience{{sfn|Roger Dachez|2020|p=92|id=RD2020}}. Paris est en état de siège à la fin des émeutes, les tenues de loges sont suspendues et le gouvernement ne compte plus qu'un seul franc-maçon dans son organisation, comme ministre de la Justice, en la personne d'[[Eugène Bethmont]]. Le préfet de Paris accorde aux loges l'autorisation de reprendre leurs réunions en septembre 1948{{sfn|André Combes|2008|p=20|id=AC2008}}.▼
▲Le rêve d'une {{Citation|république maçonnique}} disparait rapidement. Les émeutes ouvrières des 23 et 26 juin, déclenchées après la fermeture des [[ateliers nationaux]], voient le nouveau gouvernement d'[[Eugène Cavaignac]] mettre en œuvre une répression sur la presse et les clubs. Dans un premier temps, la franc-maçonnerie est relativement épargnée, le GODF ayant pris la précaution d’inviter les membres et les loges à la prudence pour maintenir l'ordre dans l'obédience{{sfn|Roger Dachez|2020|p=92|id=RD2020}}.
Paris est en état de siège à la fin des émeutes, les tenues de loges sont suspendues. Le gouvernement n'a plus qu'un seul franc-maçon dans son organisation, comme ministre de la Justice, en la personne d'[[Eugène Bethmont]]. Le préfet de Paris accorde aux loges l'autorisation de reprendre leurs réunions en septembre 1948{{sfn|André Combes|2008|p=20|id=AC2008}}.
=== Vers le bonapartisme ===
[[File:Napoléon III par Jean Hippolyte Flandrin.jpg|thumb|redresse|Napoléon III par Jean Hippolyte Flandrin.]]
En décembre 1848, le prince [[Louis Napoléon Bonaparte]] est élu président de la République. Ses partisans, avec l'aide de francs-maçons favorables à sa victoire, laisse croire qu'il est membre de l'ordre maçonnique et invite les ateliers à voter pour lui. Les autres candidats réagissent avec virulence. Élu, Louis Napoléon, refuse poliment une invitation du GODF à être initié en [[franc-maçonnerie]]{{sfn|André Combes|2008|p=21|id=AC2008}}. Les parties de droite coalisées remportent les élections législatives, les gouvernements qui se succèdent ne comportent plus aucun franc-maçon et les républicains sont rejetés dans l'opposition{{sfn|André Combes|2008|p=22|id=AC2008}}. Les manifestations contre le rétablissement de l'autorité du [[pape]] et la répression qui s'ensuit, le vote de la [[loi Falloux]], l'application de restrictions au suffrage universel ou les multiples procès contre les sociétés secrètes éloigne la république des fondements maçonniques espérés.▼
Le [[Suprême Conseil de France]] (SCDF), seconde obédience française, connait une scission de ses membres. Un manifeste reprenant les aspirations de francs-maçons soucieux d'unification est diffusé avec des propositions assez révolutionnaires, refonte de tous les rites dans un rite national, fin de la reconnaissance des hauts grades, plus de rivalités entre les obédiences, représentation par trois députés par loge, pour la formation d'une assemblée obédientielle qui prend le nom, de {{Citation|Grande Loge nationale}}{{sfn|Pierre Chevalier|1974|p=309-310|id=PC1974}}. Les {{citation|dissidents}} du rite écossais exprime sans excès et calmement leurs propositions de manière publique. Le manifeste est sévère avec tous les dignitaires de tous les ordres, sans distinction{{sfn|Pierre Chevalier|1974|p=309-310|id=PC1974}}. En juin 1848, le SCDF appose un refus à ce projet et radie plusieurs membres et loges de ses effectifs. Les membres exclus ne renoncent pas, avec un faible nombre de loges, il forme la Grande Loge nationale qui se dote d'officier choisit principalement dans les milieux des artisans et des prolétaires{{sfn|Pierre Chevalier|1974|p=309-310|id=PC1974}}.
Le 10 aout 1849, le GODF, sous la pression de ces membres et pour tenter d'unifier la franc-maçonnerie française, modifie sa constitution après débat et inscrit dans sa constitution la devise de la république, {{incise|Liberté, Égalité, Fraternité}}, mais également, ajoute pour la première fois, la croyance en Dieu et en l'immortalité de l'âme comme base de la franc-maçonnerie. Si la franc-maçonnerie française verse progressivement dans l'action politique, elle conserve toutefois des références spirituelles et religieuses dans un anticléricalisme grandissant. Les tenants du socialisme spiritualiste, à l'image de [[Pierre Leroux]] dénonçant le détournement du message chrétien par l'[[Église catholique]] qui vise originellement à la délivrance des peuples, pour en faire l'{{Citation|étendard de l'absolutisme le plus effrayant}}{{sfn|Roger Dachez|2020|p=93|id=RD2020}}. ▼
▲En décembre 1848, le prince [[Louis Napoléon Bonaparte]] est élu président de la République. Ses partisans, avec l'aide de francs-maçons favorables à sa victoire, laisse croire qu'il est membre de l'ordre maçonnique et invite les ateliers à voter pour lui. Les autres candidats réagissent avec virulence. Élu, Louis Napoléon, refuse poliment une invitation du GODF à être initié en [[franc-maçonnerie]]{{sfn|André Combes|2008|p=21|id=AC2008}}. Les parties de la droite coalisées remportent les élections législatives, les gouvernements qui se succèdent ne comportent plus aucun franc-maçon et les républicains sont rejetés dans l'opposition{{sfn|André Combes|2008|p=22|id=AC2008}}. Les manifestations contre le rétablissement de l'autorité du [[pape]] et la répression qui s'ensuit, le vote de la [[loi Falloux]], l'application de restrictions au suffrage universel ou les multiples procès contre les sociétés secrètes
▲Le 10 aout 1849, le GODF, sous la pression de ces membres et pour tenter d'unifier la franc-maçonnerie française à son tour, modifie
Le [[coup d'État du 2 décembre 1851]], met un terme à la Seconde république, de nombreux francs-maçons, en s'y opposant, sont victimes de la répression qui s'ensuit. Certains choisissent l'exil à [[Londres]] ou la loge {{Citation|Les Philadelphes}} organise leur accueil, les affilient ou les initient, à l'image de [[Louis Blanc]], [[Martin Nadaud]], [[Pierre Leroux]] ou le [[colonel Charras]]. La déception d'autres francs-maçons qui, opposé à la [[monarchie de juillet]] espérant dans la Seconde République le début d'une époque de justice et de fraternité, connaissent alors une grande déception, poussant une partie d'entre eux à soutenir le nouveau régime{{sfn|André Combes|2008|p=23|id=AC2008}}▼
En octobre 1850, une circulaire du ministre de l'Intérieur, précise aux préfets de police, l'attitude à tenir si des loges perçues comme {{citation|rouge}} tiennent des discours {{citation|démagogique}}. En leur donnant pouvoir de fermer provisoirement les loges, dans l'attente d'une saisine des instances obédientielles qui devront se prononcer sur une suspension ou une démolition de la loge{{sfn|André Combes|2008|p=22|id=AC2008}}. Les loges ne relevant pas du GODF ou du SCDF étant considéré comme des sociétés secrètes{{sfn|Yves Hyvert-Messeca|2014|p=297|id=HYV2014}}. L'activisme de la nouvelle Grande Loge nationale aboutie à la fermeture de ces loges et à sa dissolution en 1851, mais également de 1850 à 1851 à la fermeture de plusieurs loges tant du GODF que du Suprême Conseil, de nouveau sous le regard suspicieux des préfets{{sfn|Roger Dachez|2020|p=94|id=RD2020}}. Si la Grande Loge nationale laisse peu de trace dans l'histoire de la franc-maçonnerie française, c'est de sa rencontre avec le gouvernement, seul fait notable de sa brève existence, que s'enracine par l'éloquence poétisée d'[[Alphonse de Lamartine]] une légende maçonnique. Celle d'une franc-maçonnerie française porteuse de la devise républicaine, liberté, égalité, fraternité et des idéaux de la Révolution française depuis sa création. Fait plus romantique, d'historique{{note|Les historiens démontrent rapidement la légende constituée par cette croyance{{sfn|Roger Dachez|2020|p=93|id=RD2020}}|group=n}}, mais dont l'imaginaire maçonnique se laisse volontiers bercer pendant de nombreuses années{{sfn|Roger Dachez|2020|p=95|id=RD2020}}.
=== Sous tutelle du Second Empire ===
▲Le [[coup d'État du 2 décembre 1851]], met un terme à la Seconde république, de nombreux francs-maçons, en s'y opposant, sont victimes de la répression qui s'ensuit. Certains choisissent l'exil à [[Londres]] ou
== Notes et références ==
=== Notes ===
{{Références▼
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== Annexes ==
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* {{article|titre=La Maçonnerie sous la IIᵉ République (1848-1852) : de l’illusion lyrique à la tentation bonapartiste|auteur1=André Combes|périodique=[[La Chaîne d'union]]|numéro=45|année=2008|passage=12-15|lire en ligne=https://doi.org/10.3917/cdu.045.0012|id=AC2008|accès url=payant|plume=oui}} via Cairn.info.
* {{ouvrage|auteur1=[[Roger Dachez]]|titre=Histoire de la franc-maçonnerie française|édition=PUF|collection=Que sais-je ?|année=2020|pages totales=128|lire en ligne=https://doi.org/10.3917/puf.dache.2020.01 |isbn=9-78-2-715404-403|id=RD2020|plume=oui|accès url=payant}} via Cairn.info.
*{{bibliographie|Q28827910|collection=L'univers maçonnique|chapitre=16 : Espoirs, mutation et malheurs de la franc-maçonnerie sous la {{IIe}} république|id=HYV2014|plume=oui}} <!---Yves Hivert-Messeca, L'Europe sous l'acacia, T2--->
*{{bibliographie|Q41091077|collection=Les Grandes études historiques|id=PC1974|chapitre=IV. La victoire momentanée du spiritualisme sous la {{IIe}} République|plume=oui}} <!--Pierre Chevallier Histoire de la FMF T2-->
{{portail|Franc-maçonnerie|politique française|France au XIXe siècle}}
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