« Toulouse pendant la Seconde Guerre mondiale » : différence entre les versions

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L''''histoire de [[Toulouse]] pendant la [[Seconde Guerre mondiale]]''' se décrit en quatre périodes : la [[drôle de guerre]], en [[zone libre]], l'[[Occupation de la France par l'Allemagne pendant la Seconde Guerre mondiale|Occupation]] puis la [[Libération de la France|Libération]].
 
== La drôleDébut de la guerre : septembre 1939-juin 1940 ==
=== Le contexte démographique, politique, social et socialéconomique toulousain ===
==== L'état démographique ====
{{...}}
En 1936, la ville de Toulouse compte {{formatnum:213000}} habitants.
 
Elle possède une petite communauté juive, un millier de personnes environ. Ce sont, pour la plupart, des familles installées dans la ville au cours du {{s-|XIX}}. La pratique religieuse est faible<ref name="ref_auto_33">Estèbe 2022, {{p.|196}}.</ref>. Dans l'entre-deux-guerres se succèdent deux vagues d'immigration. Dans les années 1920, ce sont principalement des [[séfarades]], Juifs de l'empire ottoman. Ils parlent généralement le [[Judéo-espagnol|ladino]], dont la proximité avec les autres [[langues romanes]], [[français]] et [[occitan]], a permis une assimilation rapide. Dans les années 1930, les [[ashkénazes]], venus d'Europe centrale et orientale sont plus nombreux : ce sont des réfugiés de Pologne, d'Allemagne et d'Autriche, qui fuient l'antisémitisme et les persécutions<ref name="ref_auto_33" />. Ils se trouvent, pour la plupart dans le secteur textile, comme artisans, employés ou commerçants : on compte à Toulouse environ 250 petites entreprises appartenant des Juifs<ref>Estèbe 2022, {{p.|196-197}}.</ref>. Par ailleurs, l'antisémitisme est, selon Jean Estèbe, « peu consistant ». Dans les milieux catholiques même, il est repoussé par les déclarations de l'archevêque, [[Jules Saliège]], qui prend position publiquement contre l'antisémitisme nazi en 1933 et en 1938<ref>Estèbe 2022, {{p.|197-198}}.</ref>.
 
==== Une ville politiquement ancrée à gauche ====
La ville est, depuis la fin du {{s-|XIX}}, dominée par les [[Parti radical et radical-socialiste|radicaux]] et les [[Section française de l'Internationale ouvrière|socialistes]]<ref>Goubet 1987, {{p.|9}}.</ref>. En 1884 déjà, Joseph Sirven est élu [[Liste des maires de Toulouse|maire]] sur une liste d'union des listes radicales et de sensibilité républicaine. Lui succèdent en 1888 [[Camille Ournac]], puis en 1892 [[Honoré Serres]], toujours élus sur des listes d'union républicaine, radicale et socialiste<ref>Estèbe 2022, {{p.|20}}.</ref>. À partir de 1906, la mairie est dirigée presque sans interruption par des personnalités socialistes : [[Albert Bedouce]] (1906), [[Jean Rieux]] (1906-1908 et 1912-1919), [[Étienne Billières]] (1925-1935) et [[Antoine Ellen-Prévot]] (1935-1940)<ref name="ref_auto_3">Charpentier 2023, {{p.|22}}.</ref>{{,}}<ref>{{Chapitre|prénom1=Justinien Raymond, Madeleine|nom1=Rebérioux|titre chapitre=PRÉVOT Gabriel [PRÉVOT Antoine, Abel, Gabriel]. Pseudonym|titre ouvrage=PRÉVOT Antoine, Abel, Gabriel|éditeur=Maitron/Editions de l'Atelier|date=2021-04-05|lire en ligne=https://maitron.fr/spip.php?article127395|consulté le=2022-03-26}}.</ref>. De même, depuis les [[Élections législatives de 1936 dans la Haute-Garonne|élections de 1936]], cinq des six [[Liste des députés de la Haute-Garonne|députés de la Haute-Garonne]] sont socialistes ([[Vincent Auriol]], Albert Bedouce, [[Émile Berlia]], [[André David (homme politique)|André David]] et [[Ernest Esparbès]]), un est radical ([[Hippolyte Ducos]])<ref name="ref_auto_3" />. Quant aux [[Liste des sénateurs de la Haute-Garonne|sénateurs]], ils sont tous radicaux et radicaux-socialistes ([[Bertrand Carrère]], [[Jean-Baptiste Amat]], [[Eugène Azémar]] et [[Ernest Beluel]]). Depuis 1938, cependant, la fédération haut-garonnaise de la [[Section française de l'Internationale ouvrière]] (SFIO) est traversée par les divisions, en particulier entre la ligne de fermeté vis-à-vis du [[Troisième Reich|régime hitlérien]], menée par [[Léon Blum]] mais minoritaire, et les partisans [[Pacifisme en France dans l'entre-deux-guerres|pacifistes]] de la tendance [[Paul Faure|paulfauriste]], plus nombreux<ref>Estèbe 2022, {{p.|21-22}}.</ref>{{,}}<ref name="ref_auto_3"/>.
 
En revanche, le [[Parti communiste français|Parti communiste]] n'a qu'une audience limitée. De même, la droite n'a qu'une faible audience à Toulouse et dans sa région<ref name="ref_auto_26">Estèbe 2022, {{p.|22}}.</ref>. En 1938, le principal journal conservateur et catholique, ''[[l'Express du Midi]]'', a disparu. Il est remplacé par ''la Garonne'', plus modéré, dirigé par [[Maurice de Solages]] et [[François Reille-Soult]], tous deux catholiques conservateurs, mais hostiles au nazisme<ref name="ref_auto_26" />. Les milieux [[Catholicisme social|catholiques sociaux]] sont relativement actifs, avec la création peu avant 1939 de relais de la [[Jeunesse ouvrière chrétienne]] (JOC) et de la [[Confédération française des travailleurs chrétiens]] (CFTC)<ref>Estèbe 2022, {{p.|24}}.</ref>.
 
==== La situation socio-économique ====
La prospérité de la ville se fonde sur ses [[Secteur tertiaire|fonctions tertiaires]] de commandement régional et sa situation de carrefour d'échanges, rayonnant sur les départements voisins<ref>Charpentier 2023, {{p.|19}}.</ref>.
 
Le secteur industriel occupe une part importante de l'activité économique. Il est très majoritairement le fait de petites entreprises dont la taille ne dépasse généralement pas la dizaine d'ouvriers<ref>Estèbe 2022, {{p.|18}}.</ref>. Les plus anciennes manufactures et usines de Toulouse sont liées à l'[[industrie de l'armement]] : la [[Poudrerie nationale de Toulouse|Poudrerie]], sur l'[[île du Ramier]] (actuel {{n°|1}} [[chemin de la Loge]]), et la Cartoucherie (emplacement de l'actuel {{n°|}} [[avenue de Grande-Bretagne (Toulouse)|avenue de Grande-Bretagne]]). Leur activité, qui s'est ralentie après la fin de la [[Première Guerre mondiale]], redémarre à partir de 1937. L'industrie chimique connaît aussi un fort développement après 1924 et la création de l'[[Office national industriel de l'azote]] (emplacement de l'actuel {{n°|}} [[route d'Espagne]]), qui occupe {{formatnum:5000}} travailleurs en 1939<ref name="ref_auto_18">Estèbe 2022, {{p.|19}}.</ref>. Enfin, le [[Secteur aéronautique et spatial|secteur aéronautique]], qui emploie {{formatnum:14000}} travailleurs, se développe grâce à l'essor des entreprises de plusieurs industriels, particulièrement [[Groupe Latecoere|Latécoère]], dont les usines de Montaudran ont été cédées en 1938 à [[Breguet (entreprise)|Breguet]], et [[Constructions aéronautiques Émile Dewoitine|Dewoitine]], dont l'usine saint-Éloi (actuel {{n°|57}} [[chemin du Sang-de-Serp]]) aux [[Minimes (Toulouse)|Minimes]], est nationalisée pour former la [[Société nationale des constructions aéronautiques du Midi]] (SNCAM)<ref name="ref_auto_18" />{{,}}<ref>Charpentier 2023, {{p.|19-20}}.</ref>.
 
=== Les réfugiés de la guerre d'Espagne ===
La ville de Toulouse accueille de nombreux [[Réfugiés et exilés de la guerre d'Espagne|réfugiés espagnols]] [[Républicains espagnols|républicains]], [[CNT-FAI|anarchistes]] et [[Parti communiste espagnol|communistes]], ils ont fui l'avancée des troupes [[Nationalistes espagnols|nationalistes]] du général [[Francisco Franco]] qui met en place une dictature. Ils sont pour beaucoup internés dans les deux [[Camp du Récébédou|camps du Récébédou]], à [[Portet-sur-Garonne]], et de [[Camp de Noé|Noé]]<ref name="ref_auto_6">Charpentier 2023, {{p.|20}}.</ref>.
{{...}}
 
=== La drôle de guerre ===
L'entrée de la France dans la guerre, le 3 septembre 1939, est largement acceptée par la population. Toutefois, le fort pacifisme des milieux politiques toulousains n'encourage pas à l'action. En février 1940, dans ''le Midi socialiste'', Raymond Naves, professeur à la facultés des lettres, décrit l'inaction de la « drôle de guerre » comme un {{citation|progrès humain}}<ref>Estèbe 2022, {{p.|5}}.</ref>. De même, Maurice Sarraut, dans ''la Dépêche'', se félicite du faible nombre de victimes jusqu'en avril 1940<ref>Estèbe 2022, {{p.|6}}.</ref>.
 
Dans la ville, des tranchées de [[défense passive]] sont creusées sur plusieurs places de la ville : [[Place Saint-Georges (Toulouse)|place Saint-Georges]]<ref>Charpentier 2023, {{p.|20-21}}.</ref>. De plus, la production de guerre est soutenue et certains réfugiés espagnols des camps du Récébédou sont embauchés en remplacement des Toulousains qui ont été mobilisés<ref name="ref_auto_6"/>. En septembre 1939, dès le début de la guerre, Renée Massardy invite son père, [[Eugène Montel]], à s'installer au château de l'Armurier, à [[Colomiers]], qu'a acquis son époux, Raoul Massardy.
 
=== Les réfugiés de l'Exode ===
Au mois de mai 1940, le déclenchement de la [[bataille de France]] voit une avancée rapide des forces allemandes en Belgique, puis en France. La situation militaire dramatique pousse [[Exode de 1940 en France|les populations civiles à fuir]] vers le sud de la France. Toulouse et la Haute-Garonne, éloignées des zones de combat, constituent un lieu de repli privilégié<ref>Debauges et Goubet 1986.</ref>. L'évacuation est d'abord réalisée par train, la gare Matabiau devenant un centre de redistribution des réfugiés vers les autres villes du département – Saint-Gaudens, Villemur-sur-Tarn, Luchon, Revel<ref>Estèbe 2022, {{p.|7}}.</ref>. Les premiers réfugiés sont des Belges, arrivés le 15 mai 1940. Ils sont suivis par les premiers convois de Français venus des régions du nord du pays, à partir du 27 mai<ref>Estèbe 2022, {{p.|8}}.</ref>{{,}}<ref name="ref_auto_8">Charpentier 2023, {{p.|21}}.</ref>.
Un afflux massif de population a lieu à [[Toulouse]] et en [[Haute Garonne]] dès le début de la [[Seconde Guerre mondiale]]. En effet, loin des zones de combat, la ville et sa région sont attractives, et constituent un lieu de repli privilégié<ref>Debauges et Goubet 1986.</ref>.
 
La concentration d'un grand nombre de réfugiés devient une problématique majeure pour la préfecture et la mairie. Les secours s'organise cependant, faisant appel parfois à la charité privée : Louis Courtois de Viçose, banquier toulousain et consul honoraire de Belgique, vient donner assistance aux ressortissants belges<ref>Estèbe 2022, {{p.|7-8}}.</ref>. Chaque jour, dans la cour Henri-IV, au Capitole, l'Association des dames françaises organise une distribution de repas grâce aux dons des commerçants du marché des Carmes<ref name="ref_auto_15">Estèbe 2022, {{p.|10}}.</ref>. On réquisitionne les établissements scolaires, les théâtres, les cinémas, les stades<ref name="ref_auto_15" />. Ainsi, ce sont {{formatnum:2000}} réfugiés belges qui sont logés dans une partie des bâtiments du lycée de garçons, déjà transformé en hôpital militaire. Un mois plus tard, plusieurs centaines de gendarmes évacués des départements du nord sont logés dans le cloître et la salle capitulaire du couvent des Jacobins, la chapelle Saint-Antonin transformée en dépôt de pharmacie. Dans le même temps, la population scolaire augmente fortement à cause de l'arrivée de nouveaux élèves<ref>Goubet 1987, {{p.|17}}.</ref>...
En septembre 1939, dès le début de la guerre, Renée Massardy invite son père, [[Eugène Montel]], à s'installer au château de l'Armurier à [[Colomiers]], près de Toulouse, qu'a acquis son époux, Raoul Massardy. En juin 1940, dans le contexte de la défaite et de montée des périls, Eugène Montel invite [[Léon Blum]] à le rejoindre. Il y reçoit également [[Vincent Auriol]], [[René Mayer]], [[Jules Moch]] et de nombreuses personnalités socialistes opposées à [[Pétain]]. Eugène Montel, Léon Blum et Vincent Auriol sont cependant arrêtés par la police, le 15 septembre 1940<ref>Vincent Albinet, [https://france3-regions.francetvinfo.fr/occitanie/haute-garonne/colomiers-la-memoire-de-leon-blum-est-elle-soluble-dans-un-programme-immobilier-de-luxe-1016295.html « Colomiers : la mémoire de Léon Blum est-elle soluble dans un programme immobilier de luxe ? »], ''France 3 Occitanie'', 6 juin 2016.</ref>.
 
Parmi ces réfugiés se trouvent [[Pierre Dac]] et sa compagne, [[Dinah Gervyl]]. Celle-ci s'est installée, depuis le début de la guerre, chez sa mère (actuel {{n°|14}} [[Rue Dalayrac (Toulouse)|rue Dalayrac]]), qui tient le Grand café Cristal Palace (actuel {{n°|42}} [[Boulevard de Strasbourg (Toulouse)|boulevard de Strasbourg]]). Pierre Dac la rejoint durant l'Exode : c'est dans un appartement au-dessus du Cristal Palace qu'il se cache, durant les premiers mois de la guerre, avec [[Fernand Lefèbvre]], jusqu'en 1941. En juin 1940, dans le contexte de la défaite et de montée des périls, Eugène Montel invite [[Léon Blum]] à le rejoindre. Il y reçoit également [[Vincent Auriol]], [[René Mayer]], [[Jules Moch]] et des personnalités socialistes opposées à [[Philippe Pétain]]<ref name="ref_auto_12">Vincent Albinet, [https://france3-regions.francetvinfo.fr/occitanie/haute-garonne/colomiers-la-memoire-de-leon-blum-est-elle-soluble-dans-un-programme-immobilier-de-luxe-1016295.html « Colomiers : la mémoire de Léon Blum est-elle soluble dans un programme immobilier de luxe ? »], ''France 3 Occitanie'', 6 juin 2016.</ref>.
 
En juin 1940, au plus fort de la désorganisation, il y a probablement 200 à {{formatnum:250000}} réfugiés à Toulouse, la population de la ville ayant été multipliée par deux<ref name="ref_auto_15" />. Leur nombre reflue lentement, à la suite de l'armistice et de la fin des combats. En août, on compte encore dans la ville {{formatnum:98000}} personnes déplacées<ref>Estèbe 2022, {{p.|14}}.</ref>{{,}}<ref name="ref_auto_8"/>. En décembre 1940, il ne reste plus, officiellement, que {{formatnum:25000}} réfugiés : {{formatnum:8000}} personnes qui n'ont pas l'autorisation de retourner en [[Zone interdite (Seconde Guerre mondiale)|zone interdite]], {{formatnum:6000}} Alsaciens-Lorrains francophones et francophiles expulsés par les autorités allemandes d'Alsace-Moselle annexée, et {{formatnum:11000}} personnes qui refusent de retourner en zone occupée<ref>Estèbe 2022, {{p.|14-15}}.</ref>.
 
== Toulouse dans la zone non-occupée : juillet 1940-novembre 1942 ==
 
== Toulouse dans la zone libre : juillet 1940-novembre 1942 ==
=== La vie politique ===
==== Une adhésion limitée au régime de Vichy ====
Toulouse est une ville de tradition socialiste, dont le maire en 1940 est [[Antoine Ellen-Prévot]]<ref>{{Chapitre|prénom1=Justinien Raymond, Madeleine|nom1=Rebérioux|titre chapitre=PRÉVOT Gabriel [PRÉVOT Antoine, Abel, Gabriel]. Pseudonym|titre ouvrage=PRÉVOT Antoine, Abel, Gabriel|éditeur=Maitron/Editions de l'Atelier|date=2021-04-05|lire en ligne=https://maitron.fr/spip.php?article127395|consulté le=2022-03-26}}.</ref>. Il obtient à Vichy le {{date-|24 juillet 1940}} l'accord pour maintenir en place la municipalité. Mais celle-ci est suspendue en {{date-|septembre 1940}} jusqu'à la fin des hostilités, et remplacée par une délégation de sept personnes nommées par le pouvoir de Vichy<ref>Debauges et Goubet 1986, {{p.|14-15}}.</ref>.
 
À Toulouse et en Haute-Garonne, les élites politiques et culturelles soutiennent largement l'arrivée au pouvoir du [[Maréchal de France|maréchal]] [[Philippe Pétain]]. L'armistice, demandé le 17 juin, est salué par ''le Midi socialiste'' et l'ensemble des journaux locaux, dès le lendemain<ref>Estèbe 2022, {{p.|13-14}}.</ref>. Seule ''la Dépêche'' publie un appel à la poursuite de la guerre déclarant : {{citation|Tout espoir n'est pas perdu, la résistance peut et doit se prolonger !}} – le quotidien rentre cependant dans le rang dès le 21 juin<ref>Estèbe 2022, {{p.|13}}.</ref>.
 
Le 10 juillet 1940, l'Assemblée nationale réunissant la [[Chambre des députés (Troisième République)|Chambre des députés]] et le [[Sénat (France)|Sénat]] est convoquée à [[Vichy]] pour [[Vote des pleins pouvoirs constituants à Philippe Pétain|voter les pleins pouvoirs constituants à Philippe Pétain]] : des neufs [[Liste des députés de la Haute-Garonne|députés]] et [[Liste des sénateurs de la Haute-Garonne|sénateurs de la Haute-Garonne]], seul [[Vincent Auriol]] s'oppose<ref>Estèbe 2022, {{p.|27}}.</ref>{{,}}<ref name="ref_auto_5">Charpentier 2023, {{p.|23}}.</ref>. L'unanimité des élus toulousains se retrouve au [[Capitole de Toulouse|Capitole]], où, le {{date-|24 juillet 1940}}, le maire de Toulouse, [[Antoine Ellen-Prévot]], se rend à [[Vichy]] pour obtenir l'accord de maintenir en place la municipalité<ref name="ref_auto_1">Debauges et Goubet 1986, {{p.|14-15}}.</ref>{{,}}<ref name="ref_auto_13">Estèbe 2022, {{p.|30}}.</ref>. Le 9 août, il fait voter à l'unanimité des 26 conseillers une motion d'allégeance à Philippe Pétain et au [[Régime de Vichy|nouveau régime]]<ref>Goubet 1987, {{p.|10}}.</ref>{{,}}<ref name="ref_auto_13" />{{,}}<ref>Charpentier 2023, {{p.|23-24}}.</ref>. L'historien Jean Estèbe voit dans cette attitude l'expression d'un « maréchalisme républicain », répandu dans les milieux radicaux et socialistes et promu par ''la Dépêche'' et ''le Midi socialiste'', qui espère la mise en place d'un compromis entre le maintien de la République et le renforcement du pouvoir exécutif<ref>Estèbe 2022, {{p.|29}}.</ref>.
 
[[Fichier:France 1941 Préfectures régionales Etat français.gif|vignette|Les préfectures régionales de l'État français en 1941.]]
Les signes de reprise en main se multiplient. Le 24 juin 1940, déjà, le [[Conseiller d'État (France)|conseiller d'État]] [[Léopold Cheneaux de Leyritz]] est nommé [[préfet de la Haute-Garonne]], avec Maurice Bézagu pour adjoint. La loi du 12 octobre 1940, qui suspend les [[Conseil général (France)|conseils généraux]] dans les [[Département français|départements]] au profit de l'autorité préfectorale, lui donne de larges pouvoirs<ref>Estèbe 2022, {{p.|42}}.</ref>{{,}}<ref name="ref_auto_5"/>. En 1941, après la [[Régionalisme durant la Seconde Guerre mondiale|loi du 19 avril sur les régions]], il devient [[préfet régional]] et ses pouvoirs sont étendus à la nouvelle région de Toulouse ([[Ariège (département)|Ariège]], [[Haute-Garonne]], [[Gers (département)|Gers]], [[Lot (département)|Lot]], [[Hautes-Pyrénées]], [[Tarn (département)|Tarn]] et [[Tarn-et-Garonne]])<ref name="ref_auto_5"/>. Il met en application les décisions du nouveau régime, sans idéologie mais avec professionnalisme<ref>Estèbe 2022, {{p.|42-45}}.</ref>. Le {{date-|7 septembre 1940}}, malgré les efforts d'Antoine Ellen-Prévot, le conseil municipal est suspendu par décret du [[Ministre de l'Intérieur (France)|ministre de l'Intérieur]], [[Marcel Peyrouton]]<ref group=N>Deux semaines plus tard, le décret du 20 septembre 1940 suspend les conseils municipaux de [[Lyon]] et de [[Marseille]] jusqu'à la fin de la guerre.</ref>. Il est remplacé par une « délégation municipale » de sept personnes nommées par Vichy, et dirigée par [[André Haon]], un [[Avocat (métier)|avocat]] et ancien président du [[Stade toulousain]]<ref group=N>Les membres de la délégation municipale sont, outre André Haon, Henri Dalet, Charles Dupont, [[Albert Ginesty]], André Igon, Henri Lanusse-Crouse et Bernard Rauzy.</ref>{{,}}<ref name="ref_auto_1" />{{,}}<ref>Estèbe 2022, {{p.|30}} et 46.</ref>{{,}}<ref name="ref_auto_7">Charpentier 2023, {{p.|24}}.</ref>.
 
De plus, les individus hostiles au régimes sont poursuivis. Dès juin 1940, les « éléments douteux » sont arrêtés par la police et internés aux camps de Gurs et de Septfonds<ref>Estèbe 2022, {{p.|11}}.</ref>. Le 15 septembre 1940, Eugène Montel, Léon Blum et Vincent Auriol sont également arrêtés<ref name="ref_auto_12" />. Le [[régime de Vichy]] applique sa politique rapidement, y compris dans le domaine du symbolique et des noms de rue allant à l’encontre de ses valeurs. Le 22 octobre 1940, le secrétaire d’État à l’Intérieur [[Marcel Peyrouton]] prend une circulaire poussant à la chasse aux noms de rues contraires à l’idéologie vichyste : « il est inconvenant […] que cette manière d’hommage public continue à être rendu à la mémoire de ceux qui par leurs erreurs ou leurs fautes ont contribué à précipiter notre patrie dans la ruine ». C’est le seul cas où, en France, l’État a mené une épuration [[odonymie|odonymique]]<ref>Richard Vassakos, « [https://www.persee.fr/doc/onoma_0755-7752_2019_num_61_1_1915 Une revanche symbolique dans le Royaume du maréchal. La toponymie urbaine sous Vichy : premiers bilans d’une recherche] », ''Nouvelle revue d’onomastique'', 2019, {{n°}}61, {{p.}}247-248.</ref>. La commune de Toulouse doit ainsi changer de nombreux noms de rues<ref>R. Vassakos, {{opcit}}, {{p.}}251.</ref>. Elle est aussi poussée à faire la promotion des valeurs du régime, par exemple en donnant le nom du général [[Huntzinger]], impliqué dans la [[percée de Sedan|défaite de Sedan]], à un stade<ref>R. Vassakos, {{opcit}}, {{p.}}257.</ref> et bien sûr une rue ''[[Philippe Pétain|Maréchal-Pétain]]''<ref>R. Vassakos, {{opcit}}, {{p.}}260.</ref>.
 
L'acceptation et le soutien au régime de Vichy par la population toulousaine s'explique en partie par le discrédit des élites politiques de la Troisième République, jugées responsables de la défaite, et la relative indifférence de la population à la suite de l'éviction des élus politiques<ref>Estèbe 2022, {{p.|30-31}}.</ref> : après la suppression du conseil municipal, celle du conseil général de la Haute-Garonne ne suscite pas plus de réactions<ref name="ref_auto_16">Estèbe 2022, {{p.|33}}.</ref>. Il y a une véritable adhésion à la personne de Philippe Pétain, plus qu'au thèses du régime et à l'idéologie de la [[Révolution nationale]]<ref name="ref_auto_2"/>. Cela permet aux autorités vichystes de faire passer les premières mesures sans provoquer de remous, telles la [[Franc-maçonnerie durant la Seconde Guerre mondiale#France|dissolution de la franc-maçonnerie]] le 12 août 1940 et la promulgation du [[Lois sur le statut des Juifs du régime de Vichy|statut des Juifs]] le 3 octobre 1940<ref name="ref_auto_16" />. Le régime met aussi en place des relais populaires de son influence. En septembre 1940, le siège toulousain de la [[Légion française des combattants]] est inauguré, à l'angle de la [[Rue d'Austerlitz (Toulouse)|rue d'Austerlitz]] et de la [[Place Wilson (Toulouse)|place Wilson]] (actuel {{n°|17}}). Elle compte, au bout de quelques semaines, {{formatnum:13500}} membres<ref name="ref_auto_4">Charpentier 2023, {{p.|26}}.</ref>.
 
==== La visite du maréchal Pétain ====
Les 5 et 6 novembre 1940, le maréchal Philippe Pétain effectue à Toulouse son premier voyage officiel important<ref group=N>Il fait suite à deux déplacements dans des villes de taille plus modestes, [[Ambert]], le 14 octobre, et [[Châteauroux]], le 24 octobre.</ref>{{,}}<ref>Charpentier 2023, {{p.|3-4}}.</ref>, qui fait l'objet d'une large couverture médiatique en zone libre par ''[[le Figaro]]'', ''[[la Croix]]'', ''[[L'Action française (quotidien)|l'Action française]]'' et ''[[Le Temps (quotidien français, 1861-1942)|le Temps]]''<ref>Charpentier 2023, {{p.|31}}.</ref>. Le 3 novembre, déjà, [[Jean Borotra]], le [[Ministre des Sports (France)|ministre des Sports]], est venu prononcer un discours patriotique devant le [[Héraklès archer (Toulouse)|monument aux Sport]] du square de l'Héraclès : il a été bien reçu<ref>Charpentier 2023, {{p.|5-6}}.</ref>. Afin de garantir la bonne tenue de la visite du maréchal, plusieurs dizaines de personnes suspectes sont arrêtées préventivement par la police<ref>Charpentier 2023, {{p.|5}}.</ref>. Parallèlement, plusieurs mesures permettent d'encourager la population toulousaine à assister aux cérémonies : des consignes sont données dans les écoles pour faire venir les élèves et les commerces sont fermés par arrêté administratif<ref>Charpentier 2023, {{p.|10-11}}.</ref>.
 
[[Fichier:Le maréchal Philippe Pétain, dans la cours de l'Hôtel d'Assezat de Toulouse, le 6 novembre 1940 (pour les Jeux Floraux).jpg|vignette|Le maréchal Philippe Pétain dans la cour de l'[[hôtel d'Assézat]].]]
Le programme suit un ordre qui sert de modèle aux futurs déplacements : une cérémonie au [[monument aux morts]] suivie d'une réception des [[corps constitués]] à la préfecture et des autorités municipales à l'hôtel-de-ville<ref>Charpentier 2023, {{p.|8}}.</ref>. Le 5 novembre, Philippe Pétain arrive à 9h26 à la [[gare Matabiau]]<ref>Charpentier 2023, {{p.|3}}.</ref>. Après avoir reçu les honneurs civils et militaires en présence du commandant de la {{XVIIe|région}} militaire, le général André Sciard, de la veuve de l'ancien [[Président de la République française|président de la République]], [[Gaston Doumergue]], et du docteur [[Paul Voivenel]]<ref>Charpentier 2023, {{p.|8-9}}.</ref>, il descend la [[Rue de Bayard (Toulouse)|rue de Bayard]] et le [[boulevard Lazare-Carnot]], passe devant le ''[[Monument aux combattants de la Haute-Garonne]]'', avant d'être reçu à la [[Cathédrale Saint-Étienne de Toulouse|cathédrale]] par l'[[Liste des évêques et archevêques de Toulouse|archevêque]], [[Jules Saliège]], puis de se rendre à la préfecture où l'attendent le préfet, Léopold Cheneaux de Leyritz, et les personnalités du monde économique et culturel toulousain. Sur la [[Place Saint-Étienne (Toulouse)|place Saint-Étienne]] se masse une foule compacte de {{formatnum:3000}} personnes. L'après-midi, il visite l'[[Lycée agricole d'Ondes|école d'agriculture]] d'[[Ondes]], puis rentre à Toulouse où il se rend au [[Pont des Demoiselles|Pont-des-Demoiselles]] dans les locaux du [[Secours national]], une œuvre d'entraide créée par le régime de Vichy, puis chez les [[Petites Sœurs des pauvres]], à la [[Côte Pavée]] (actuel {{n°|130}} [[avenue Jean-Rieux]]). Enfin, il dîne au [[Capitole de Toulouse|Capitole]] en compagnie d'André Haon, après avoir salué la foule sur la [[Place du Capitole (Toulouse)|place]]<ref group=N>José Cabanis témoigne : {{citation|La foule était énorme. Je n'ai donc pu voir que l'auto du Maréchal, à l'aller et au retour.}}</ref>{{,}}<ref>Charpentier 2023, {{p.|6-7}} et 12.</ref>. Le lendemain, après une cérémonie au ''Monument aux combattants de la Haute-Garonne'' en présence du « mutilé des Dardanelles », le général [[Henri Gouraud (général)|Henri Gouraud]], il est reçu par l'[[académie des Jeux floraux]] à l'[[hôtel d'Assézat]], avant de partir pour [[Montauban]]<ref>Charpentier 2023, {{p.|7-9}}.</ref>. La visite est un véritable succès : une foule importante, probablement plusieurs dizaines de milliers de personnes, se déplace au passage du cortège officiel<ref>Charpentier 2023, {{p.|13}}.</ref>.
 
==== Un programme de Révolution nationale ====
La politique du régime de Vichy s'appuie sur l'administration mise en place durant l'été 1940. La délégation spéciale toulousaine, dirigée par [[André Haon]], est fidèle à Philippe Pétain. Le 11 février 1941, André Haon est officiellement nommé [[Liste des maires de Toulouse|maire de la ville]], dirigeant un conseil municipal de 23 membres nommés. On y compte, pour la première fois, deux femmes, Marie-Louise Cosnuel, présidente de la [[Croix-Rouge française|Croix-Rouge]], et Madeleine Privat, directrice de la librairie et de l'[[Éditions Privat|imprimerie du même nom]]<ref name="ref_auto_11">Estèbe 2022, {{p.|46}}.</ref>. Le 14 novembre 1940, quelques jours après la première visite de Philippe Pétain, la délégation municipale d'André Haon attribue aux allées Alphonse-Peyrat, face au ''[[Monument aux combattants de la Haute-Garonne]]'', le nom du maréchal (actuelles [[allées Forain-François-Verdier]])<ref>Charpentier 2023, {{p.|32}}.</ref>. Il s'accompagne du changement de 44 noms de rues rendant hommage à des personnalités de la [[Révolution française]] (rue Babeuf), de la [[Troisième République (France)|Troisième République]] (allées Alphonse-Peyrat, Jules-Guesdes et Albert-Thomas, rue Marcel-Sembat) ou du [[Histoire du socialisme en France|socialisme français]] et [[Socialisme européen|européen]] (rues Rosa-Luxembourg, Karl-Liebknecht et Matteotti, [[Avenue Henri-Barbusse (Toulouse)|avenue Henri-Barbusse]])<ref name="ref_auto_11" />{{,}}<ref>Charpentier 2023, {{p.|32-33}}.</ref>.
 
Le personnel municipal est épuré : 108 employés sont renvoyés. Parmi les 78 [[francs-maçons]], qui doivent renoncer par écrit à leurs idées, quatre sont relevés<ref>Estèbe 2022, {{p.|46-47}}.</ref>. Les prérogatives et les actions du conseil municipal restent cependant limitées et n'ont que peu de lien avec la [[Révolution nationale ]]: promotion de l'[[Enseignement professionnel|enseignement technique]] dans les écoles de la ville, amélioration de l'équipement sportif, suppression de l'[[octroi]], poursuite des travaux du [[tout-à-l'égout]]<ref>Estèbe 2022, {{p.|47}}.</ref>.
 
Cette politique rencontre un écho relativement favorable dans une partie du clergé toulousain. En octobre 1941, le chanoine Charles Barthas approuve la [[Charte du travail du 4 octobre 1941|Charte du travail]] promue par le Philippe Pétain et accepte la dissolution du [[syndicalisme chrétien]]. Il espère également la mise en place d'un véritable concordat entre l'État français et la papauté<ref name="ref_auto_66">Estèbe 2022, {{p.|260}}.</ref>. Au [[grand séminaire]] (actuel {{n°|9}} [[Rue des Teinturiers (Toulouse)|rue des Teinturiers]]), le directeur, Louis Capéran, fait allégeance au régime, qu'il célèbre dans ''France nouvelle et action catholique'', publié en 1941, tout comme le professeur Cavallera<ref name="ref_auto_66" />. On trouve également l'abbé [[Louis Sorel (abbé)|Louis Sorel]], curé de [[Lagrâce-Dieu]], proche du [[Parti franciste|francisme]], qui rejoint en janvier 1941 le [[Conseil national (régime de Vichy)|conseil national du régime de Vichy]]<ref name="ref_auto_66" />.
 
==== Le rôle de la Légion ====
Le maréchal Philippe Pétain étant hostile à la création d'un [[parti unique]], il préfère s'appuyer sur la [[Légion française des combattants]], créée le 29 août 1940, qui regroupe, en les faisant disparaître, les différentes associations d'[[Ancien combattant|anciens combattants]], particulièrement l'[[Union fédérale des associations françaises d'anciens combattants|Union fédérale des combattants]] (UFC) et l'[[Union nationale des combattants]] (UNC). En Haute-Garonne, la première, plutôt classée à gauche, est cinq fois plus nombreuse que la deuxième, généralement [[Conservatisme|conservatrice]]. La création de la Légion y est un relatif succès puisque, un an plus tard, 90 % des anciens combattants y ont adhéré : plus de {{formatnum:37000}} membres dans le département, dont {{formatnum:13500}} à Toulouse. Elle est dirigée par Delrieu, venu de l'UFC, secondé par Jean Collomb, un ancien cadre du [[Parti populaire français]] (PPF). Elle a son siège au {{n°|17}} de la [[Place Wilson (Toulouse)|place Wilson]]<ref>Estèbe 2022, {{p.|48}}.</ref>.
 
Pourtant, à partir de l'été 1941, des tensions apparaissent avec les autorités municipales<ref name="ref_auto_20">Estèbe 2022, {{p.|50}}.</ref>. La Légion subit également la concurrence du [[Service d'ordre légionnaire]] (SOL), qui se développe dans la région toulousaine à partir de 1942<ref name="ref_auto_20" />. Enfin, en octobre 1942, les tensions croissantes entre Delrieu et Jean Collomb mènent à la démission du premier et à l'exclusion du second. Désormais, la Légion ne joue plus de rôle dans la vie politique et sociale locale<ref>Estèbe 2022, {{p.|50-51}}.</ref>.
 
==== La montée de la réprobation populaire ====
En revanche, la politique de [[Collaboration en France|collaboration avec l'Allemagne]] est fortement rejetée. Ainsi, l'[[entrevue de Montoire]] le 24 octobre 1940 entre Philippe Pétain et [[Adolf Hitler]], suscite-t-elle la réprobation de la population toulousaine<ref>Estèbe 2022, {{p.|32-33}}.</ref>{{,}}<ref name="ref_auto_2">Charpentier 2023, {{p.|29}}.</ref> : à cette date, on espère encore une victoire britannique rapide<ref>Estèbe 2022, {{p.|32}}.</ref>. Les médias locaux qui diffusent la propagande du régime, comme ''la Dépêche'' et Radio Toulouse, perdent tout crédit, au profit de la presse suisse, mais aussi de la BBC<ref name="ref_auto_10">Estèbe 2022, {{p.|35}}.</ref>. Finalement, le préfet, Léopold de Cheneaux de Leyritz souligne que {{citation|l'une des raisons de la popularité du chef de l'État provient de ce que le public a la conviction que le Maréchal s'oppose autant qu'il le peut aux exigences de l'Allemagne et s'efforce de maintenir intacte la dignité de la France}}<ref name="ref_auto_10" />.
 
L'acceptation du régime se dégrade cependant au cours de l'année 1941. En octobre 1941, le film ''Un an de Révolution nationale'', qui fait la promotion des réformes du régime de Vichy, n'est pas bien accueilli, sifflé même par une partie des spectateurs<ref name="ref_auto_10" />. En avril 1942, le rappel de [[Pierre Laval]], nommé [[Liste des chefs du gouvernement français|chef du Gouvernement]], suivis de la nomination de [[Marcel Déat]] et de [[Jacques Doriot]], accroissent le mécontentement de l'opinion toulousaine<ref>Estèbe 2022, {{p.|35-36}}.</ref>. Pierre Laval s'adjoint le jeune secrétaire général de la police, René Bousquet, originaire de Montauban et lié aux frères Maurice et Albert Sarraut<ref>Estèbe 2022, {{p.|36}}.</ref>.
 
Un deuxième voyage officiel de Philippe Pétain est organisé à Toulouse les 13 et 14 juin 1942. Il est l'occasion d'une démonstration de force de la Légion des combattants français, forte de {{formatnum:30000}} légionnaires et membres du [[Service d'ordre légionnaire]] (SOL) venus des départements du Sud-Ouest et d'Afrique du nord, qui défilent sur les allées Lafayette (actuelles [[allées Jean-Jaurès]]). Des manifestations sportives sont également organisées au Parc des sports municipal, sur l'[[île du Ramier]] : la vedette en est [[Alfred Nakache]] – d'origine juive –, champion de natation qui a battu le record du monde du 200 mètres brasse. Pourtant, la visite de Philippe Pétain ne suscite pas l'enthousiasme de la population<ref>Estèbe 2022, {{p.|37-38}}.</ref>{{,}}<ref>Charpentier 2023, {{p.|35-37}}.</ref>. Une semaine plus tard, l'annonce de la mise en place de la [[Relève (régime de Vichy)|Relève]] est reçue très négativement par la population toulousaine, particulièrement par les ouvriers<ref>Estèbe 2022, {{p.|38}}.</ref>.
 
=== La vie quotidienne ===
==== Pénuries, rationnement et marché noir ====
{{...}}
{{Article détaillé|Marché noir en France pendant la Seconde Guerre mondiale}}
 
La population toulousaine est confrontée, dès l'été 1940, à la question du rationnement<ref name="ref_auto_4" />. Les pénuries sont causées par de multiples facteurs : manque de travailleurs à cause de l'absence des soldats prisonniers en Allemagne, rupture des liaisons commerciales entre les deux [[Zone occupée|zones occupée]] et [[Zone libre|non-occupée]], réquisitions allemandes<ref name="ref_auto_57">Estèbe 2022, {{p.|226}}.</ref>. Elles touchent tous les secteurs de l'économie : agriculture, industrie, énergie et transports<ref name="ref_auto_57" />. La pénurie alimentaire est, dans la région toulousaine, moins grave que dans d'autres régions françaises, car elle est fortement productrice de volailles et de céréales (particulièrement blé et maïs). Elle est en revanche obligée d'importer le sucre, l'huile, mais aussi les pommes de terre et le lait<ref name="ref_auto_59">Estèbe 2022, {{p.|226-227}}.</ref>. La population toulousaine se tourne en partie vers des produits de substitution : graisse de porc ou d'oie pour l'huile, sucre de raisin pour le sucre de betterave<ref name="ref_auto_58">Estèbe 2022, {{p.|227}}.</ref>. La production est de plus soumise aux aléas météorologiques : ainsi, durant l'été 1942, la sècheresse que connaît le Midi toulousain accroît les tensions tandis que la production agricole baisse fortement, mais aussi la production hydroélectrique, entraînant des coupures de courant plus nombreuses<ref name="ref_auto_61">Estèbe 2022, {{p.|232}}.</ref>.
==== Les bombardements ====
Le premier bombardement a lieu dans la nuit du 5 au 6 avril 1944. Une quarantaine de bombardiers cible les usines Bréguet de Montaudran et les usines de Saint-Martin-du-Touch. Il fait 22 victimes.
 
Surtout, les pénuries amènent la mise en place du rationnement car, sauf les légumes et les fruits frais, tous les produits alimentaires sont rationnés<ref name="ref_auto_59" />. D'ailleurs, le rationnement, déjà appliqué pendant la [[Première Guerre mondiale]], avait été prévu dès le début de la [[Seconde Guerre mondiale]]<ref name="ref_auto_60">Estèbe 2022, {{p.|228}}.</ref>. Les premiers [[tickets de rationnement]], qui concernent le sucre, sont mis en place en mai 1940, les cartes d'alimentation générale le 23 septembre 1940<ref name="ref_auto_60" />. Les rations sont, pour une personne adulte, de 350 grammes de pain par jour, 350 grammes de viande par semaine, 140 grammes de fromage et 500 grammes de sucre par mois. Il existe un système de modulation selon les catégories (enfants, femmes enceintes, travailleurs « de force », agriculteurs, personnes âgées)<ref name="ref_auto_60" />. Mais dans tous les cas, les quantités ont tendance à diminuer au cours de la guerre : en 1941, la ration de viande passe à 250 grammes par semaine, voire 125 grammes pour les habitants des communes de la banlieue toulousaine, car ils pourraient élever des animaux chez eux<ref name="ref_auto_60" />. Le rationnement est fondé sur des livraisons obligatoires de produits alimentaires par les producteurs<ref name="ref_auto_58" />. Les prix sont fixés selon des normes nationales, que le préfet, [[Léopold Cheneaux de Leyritz]], peut adapter aux contraintes locales. Mais souvent, la baisse du prix d'un produit, imposée par le préfet, entraîne une raréfaction de ce produit sur les marchés officiels... et l'augmentation du prix au [[Marché noir en France pendant la Seconde Guerre mondiale|marché noir]]<ref name="ref_auto_54">Estèbe 2022, {{p.|229}}.</ref>.
Le deuxième bombardement a lieu dans la nuit du 2 au 3 mai. Une centaine de bombardiers vise les usines de l'ONIA et de la Poudrerie. Il fait 45 tués.
 
Le marché noir permet la vente sans tickets de rationnement, à des prix libres et bien supérieurs aux prix des marchés officiels, auxquels sont enlevés d'importantes quantités de marchandises. C'est pourquoi il est largement condamné par la population toulousaine, qui réclame des punitions contre les trafiquants et les paysans qui le pratiquent<ref name="ref_auto_54" />. Il est surtout fermement interdit par les autorités, mais la lutte dépend de différentes administrations : la répression des fraudes, les contributions indirectes, la gendarmerie, la police économique, le contrôle du ravitaillement ou encore le contrôle des prix. C'est pourquoi, en décembre 1941, Léopold Cheneaux de Leyritz décide de les regrouper tous dans un même local de la préfecture, avec constitution d'un fichier unique<ref name="ref_auto_55">Estèbe 2022, {{p.|230}}.</ref>. Si les petits consommateurs sont généralement sanctionnés par la confiscation de la marchandise et un [[Procès-verbal en droit français|procès-verbal]], les gros trafiquants sont sévèrement punis<ref>Estèbe 2022, {{p.|230-231}}.</ref>. Cela n'empêche cependant pas le développement du marché noir, surtout à partir de 1941<ref name="ref_auto_54" /> : on compte {{formatnum:19694}} procès-verbaux cette année-là, plus encore l'année suivante<ref name="ref_auto_56">Estèbe 2022, {{p.|231}}.</ref>. Il existe même, avant novembre 1942, un trafic de contrebande entre Toulouse et la zone occupée, destiné aux soldats allemands dont les moyens financiers leur permettent d'acheter à des prix très élevés<ref name="ref_auto_55" />. Enfin, il existe un trafic de faux tickets de rationnement, qui se vendent à des prix élevés : en mai 1942, {{formatnum:3000}} fausses cartes sont saisies par la police à Toulouse<ref name="ref_auto_56" />.
Le troisième bombardement a lieu dans le 25 juin 1944. Il vise les les aéroports de Blagnac et Francazal.
 
La pénurie provoque aussi des phénomènes d'entraide. Les fourneaux économiques offrent des repas à un prix modérés aux personnes les plus pauvres<ref>Estèbe 2022, {{p.|239-240}}.</ref>. Le professeur de géographie [[Daniel Faucher]] organise, avec [[Edgar Morin]], le Centre des étudiants réfugiés, qui procure des repas, distribués dans la cour de la bibliothèque universitaire (actuel {{n°|58}} [[rue du Taur]])<ref>Estèbe 2022, {{p.|239}}.</ref>. Mais, surtout, la population toulousaine s'en tire par la « débrouillardise », les relations et les échanges de services, réclamant beaucoup de temps et d'efforts<ref>Estèbe 2022, {{p.|240}}.</ref>.
Le quatrième bombardement a lieu le 12 août et vise des dépôts d’essence.
 
==== La Relève ====
Au printemps 1942, [[Fritz Sauckel]], « planificateur général pour le recrutement de la main-d'œuvre », exige l'apport de {{formatnum:2500000}} travailleurs français à l'effort économique allemand. Le 22 juin 1942, [[Pierre Laval]] invente la [[Relève (régime de Vichy)|Relève]], fondée sur le volontariat, selon laquelle le départ d'un travailleur en Allemagne est compensé par le retour d'un prisonnier de guerre – c'est finalement trois travailleurs qui sont demandés<ref>Estèbe 2022, {{p.|125-126}}.</ref>. Cette annonce est très mal accueillie par les ouvriers toulousains et, dans les usines, les tracts du Parti communiste clandestin encouragent le refus<ref name="ref_auto_36">Estèbe 2022, {{p.|126}}.</ref>. La mesure, qui ne concerne d'ailleurs pas les paysans, est considérée comme injuste<ref name="ref_auto_36" />. Ainsi, dans l'ensemble de la {{XVIIe|région}}, on compte moins d'un millier de volontaires, quand le gouvernement français en attendait trois fois plus<ref name="ref_auto_34">Estèbe 2022, {{p.|127}}.</ref>.
 
Le préfet régional, Léopold Cheneaux de Leyritz, recommande la contrainte. Le 4 septembre 1942, la loi sur la mobilisation de la main-d'œuvre vise tous les hommes de 18 à 50 ans, et les femmes célibataires de 21 à 35 ans : à Toulouse, les usines doivent fournir {{formatnum:2136}} ouvriers, mais le Parti communiste redouble d'activité dans les usines d'aviation de la SNCASE et de Breguet. Le mois suivant, alors qu'une première vague de 835 ouvriers sont convoqués, à la suite d'exemptions, de sursis ou d'inaptitudes médicales, seuls 156 partent effectivement<ref name="ref_auto_34" />.
 
=== La vie culturelle ===
==== La promotion d'une culture régionaliste ====
La promotion du pays réel s'appuie sur la promotion des [[Territoires du royaume de France|anciennes provinces]], revivifiées à travers la création de [[Région française|nouvelles régions]]. Philippe Pétain promeut une vaste réforme administrative qui réorganise le territoire par la création de régions autour de cinq métropoles : [[Clermont-Ferrand]], [[Lyon]], [[Marseille]], [[Montpellier]] et [[Toulouse]]<ref>Charpentier 2023, {{p.|4}}.</ref>. Dans cette dernière, plusieurs personnalités et associations promeuvent l'originalité de la culture et de l'« art méridional ». En novembre 1940, l'[[académie des Jeux floraux]] s'est donné Philippe Pétain pour protecteur. En 1941, l'Association de la renaissance de la province de Toulouse est créée. Elle est dirigée par le marquis Guy de Palaminy, issu de la vieille noblesse toulousaine. L'association publie en mars 1941 un manifeste, ''la Province de Toulouse'', qui ébauche un projet de région toulousaine définie par la spécificité de son économie (agriculture, commerce et industrie) et de sa culture (vie intellectuelle, spirituelle et sociale). En août 1941, André Ferran, professeur à la [[Faculté des lettres de Toulouse|faculté des lettres]], lance une revue régionaliste, ''Pyrénées''<ref>Charpentier 2023, {{p.|34}}.</ref>. Enfin, le {{1er}} décembre 1941, le [[Ministre de l'Éducation nationale (France)|secrétaire d'État à l'Instruction publique]], [[Jérôme Carcopino]], fait la promotion de la culture régionale, de [[Frédéric Mistral]] et du [[félibrige]], et encourage l'[[université de Toulouse]] à se « régionaliser »<ref>Goubet 1987, {{p.|26}}.</ref>.
 
==== Le contrôle des médias toulousains ====
Les [[Média|médias]] locaux sont également surveillés et mis au pas du [[régime de Vichy]]. [[Radio Toulouse]], créée par le journaliste [[Jacques Trémoulet]] et le négociant Léon Kierzkowski, est la plus importante [[station de radio]] de province. Elle est établie dans la [[Rue d'Alsace-Lorraine (Toulouse)|rue d'Alsace-Lorraine]] (actuel {{n°|51}}). Elle diffuse des programmes imposés par les organes de propagande de Vichy<ref name="ref_auto_7" />. Elle prend d'ailleurs une grande importance aux yeux du gouvernement à cause de la puissance de ses émetteurs et de la conception moderne de ses programmes<ref>Estèbe 2022, {{p.|265-266}}.</ref>. Ainsi, elle lance deux émissions de propagande, « Radio-révolution » et « Radio-jeunesse »<ref name="ref_auto_68">Estèbe 2022, {{p.|266}}.</ref>. Une nouvelle station Radio Toulouse II, émet sur Toulouse et sa banlieue, diffusant des informations locales, mais aussi des émissions de culture régionale<ref>Estèbe 2022, {{p.|266-267}}.</ref>. Il existe une station concurrente, [[Toulouse-Pyrénées]], créée en 1925 par les [[Postes, télégraphes et téléphones (France)|Postes, télégraphes et téléphones]] (PTT), installée sur les allées Jean-Jaurès (emplacement de l'actuel {{n°|78}}) et possédant l'émetteur le plus puissant de la zone non-occupée. Elle assure le relais de [[Radio Vichy]], puis de [[Radio-Paris]] sous contrôle allemand<ref name="ref_auto_68" />.
 
La presse doit également donner des signes de ralliement, à commencer par ''[[La Dépêche du Midi|La Dépêche]]'', un des plus importants quotidiens locaux et même nationaux. De sensibilité républicaine, radicale et socialiste, il est aux mains de [[Maurice Sarraut]], frère du [[député de l'Aude]] [[radical-socialiste]] [[Albert Sarraut]]. Durant l'été 1940, le journal est la cible des attaques de l'entourage de [[Pierre Laval]], le [[Président du Conseil des ministres (France)|président du Conseil]] – il subit la censure le 18 juillet 1940 pour un article critique sur le ravitaillement – les gages donnés par Maurice Sarraut permettent à ''La Dépêche'' de continuer à être publiée<ref>Goubet 1987, {{p.|13}}.</ref>{{,}}<ref>Charpentier 2023, {{p.|24-25}}.</ref>. Dès lors, ''la Dépêche'' assure le pouvoir pétainiste de son loyalisme et relaie le point de vue officiel, réduisant les [[Éditorial|éditoriaux]] et commentaires sur l'actualité, mais tout en évitant de publier les communiqués des mouvements collaborationnistes, affichant même des positions pro-américaines jusqu'en 1942<ref>Estèbe 2022, {{p.|263-264}}.</ref>. Malgré les restrictions et les pénuries de matériel et de papier, le quotidien, qui tirait à {{unité|230000|exemplaires}} en 1939, atteint {{formatnum:300000}} pendant l'Occupation<ref>Estèbe 2022, {{p.|263}}.</ref>. ''[[Le Midi socialiste]]'' – devenu simplement ''Le Midi'' en 1940, puis redevenu ''socialiste'' à partir du 30 juillet 1941, suit également une ligne entre conformisme gouvernemental et nostalgie républicaine et socialiste. Le quotidien connaît cependant des difficultés importantes et il est racheté en mai 1942 par ''La Dépêche'' : [[Jean Baylet]], chargé de l'opération, laisse en place l'équipe socialiste<ref name="ref_auto_67">Estèbe 2022, {{p.|265}}.</ref>.
 
La concurrence est incarnée par ''Le Grand Écho du Midi'', un journal publié à partir du 14 novembre 1940, émanation du quotidien [[Conservatisme|conservateur]] [[Bordeaux|bordelais]] ''[[La Petite Gironde]]''. Dirigé par Cathala et Chapon, il prend fermement position en faveur du régime de Vichy. Il n'atteint cependant pas les {{unité|20000|exemplaires}}<ref>Estèbe 2022, {{p.|264}}.</ref>. ''La Garonne'', fondée en janvier 1938, représente la sensibilité chrétienne<ref group=N>C'est à ''La Garonne'' que travaille [[Germaine Chaumel]] comme [[reporter-photographe]].</ref>. Le journal est au cœur d'une lutte d'influence entre le président du [[conseil d'administration]], [[Maurice de Solages]], défenseur de la [[Révolution nationale]], mais hostile au régime nazi, voire anglophile, alors que le [[Rédacteur en chef|rédacteur]], Victor Lespine, suit de plus près la ligne gouvernementale<ref>Estèbe 2022, {{p.|264-265}}.</ref>.
 
La presse, qui est lue plus que jamais, est cependant discréditée auprès de son public en raison de son asservissement<ref name="ref_auto_67" />. Les stations de radio, publique comme privées, ne sont pas tenues en grande estime non plus. Les Toulousains écoutent en revanche la [[British Broadcasting Company|radio anglaise]], malgré les interdictions et le brouillage<ref>Estèbe 2022, {{p.|267}}.</ref>.
 
==== Les loisirs ====
Les bistrots, comme le Père Louis (actuel {{n°|45}} [[Rue des Tourneurs (Toulouse)|rue des Tourneurs]]), et les cafés, comme le Père Léon (actuel {{n°|2}} [[place Étienne-Esquirol]]), le Lafayette (actuel {{n°|}} place Wilson) et les Américains (actuel {{n°|81}} boulevard Lazare-Carnot) sont particulièrement fréquentés<ref name="ref_auto_77">Estèbe 2022, {{p.|271}}.</ref>.
 
Le cinéma est bien implanté à Toulouse. On n'en compte pas moins de neuf dans le centre-ville – le [[Gaumont-Palace de Toulouse|Gaumont-Palace]] (actuel Pathé Wilson, {{n°|1}} [[Place Wilson (Toulouse)|place Wilson]]), le Plaza (actuel {{n°|6}} place Wilson), les Variétés (actuel {{n°|9}} [[allées du Président-Franklin-Roosevelt]]), le Trianon (actuel {{n°|6}} [[Boulevard de Strasbourg (Toulouse)|boulevard de Strasbourg]]), les Nouveautés (actuel {{n°|56}} [[boulevard Lazare-Carnot]]), le Vox (actuel {{n°|4}} [[Rue de Bayard (Toulouse)|rue de Bayard]]), le Cinéac (actuel {{n°|49}} [[Rue d'Alsace-Lorraine (Toulouse)|rue d'Alsace-Lorraine]]), le Gallia (actuel {{n°|7}} [[rue Lapeyrouse]]) et l'Olympia (actuel [[ABC (cinéma)|ABC]], {{n°|13}} [[Rue Saint-Bernard (Toulouse)|rue Saint-Bernard]])–, et une quinzaine dans les faubourgs, dont le Castille (actuel {{n°|156}} [[allée de Barcelone]]), le Florida Novelty (actuel {{n°|31}} [[grande-rue Saint-Michel]]), le Saint-Agne (actuel {{n°|}} avenue du Quatorzième-Régiment-d'Infanterie), le Pérignon (actuel {{n°|}} [[avenue Camille-Pujol]]), ou encore le Saint-Cyprien (actuel {{n°|5}} [[avenue Étienne-Billières]])<ref>Estèbe 2022, {{p.|267-268}}.</ref>. Les séances diffusent les [[Actualités cinématographiques|actualités]], au ton pétainiste, collaborationniste même<ref name="ref_auto_80">Estèbe 2022, {{p.|268}}.</ref>. Les salles sont d'autant plus fréquentées en hiver qu'elles sont chauffées ou qu'elles permettent de se retrouver discrètement<ref name="ref_auto_80" />.
 
Les spectacles de [[music-hall]] se font surtout à l'Olympia, au Trianon, aux Nouveautés et au Plaza. Ils connaissent une courte embellie, entre juin et décembre 1940, lorsque de nombreuses vedettes parisiennes, réfugiées en [[zone non-occupée]], donnent des spectacles à Toulouse : on peut alors voir les spectacles d'Édith Piaf, Mistinguett, Pierre Dac, Reda Claire, Charles Trénet, Max Régnier, Pauline Carton, ou encore les sketches de Fernandel, Marguerite Moreno, Orane Demazis, Françoise Rosay et Jules Berry<ref name="ref_auto_80" />.
 
Les compétitions sportives sont également très populaires. La natation s'est développée à la suite de la construction de la piscine municipale (actuelle [[Piscine municipale Alfred-Nakache|piscine Alfred-Nakache]], [[allée Gabriel-Biénès]]). ''[[La Dépêche du Midi|La Dépêche]]'' promeut une course, la traversée de Toulouse à la nage, où s'illustre les [[Dauphins du TOEC]]. Parmi eux se trouve [[Alfred Nakache]], recordman du monde des 200 mètres brasse le 6 juillet 1941, puis champion de [[nage libre]] le 7 septembre 1941<ref name="ref_auto_72">Estèbe 2022, {{p.|269}}.</ref>.
 
Pour le football, le principal club de la ville, le [[Toulouse Football Club (1937-1967)|Toulouse Football Club]] (TFC) profite de la présence de plusieurs athlètes réfugiés en zone non-occupée, tels le [[Racing Club de Strasbourg Alsace|Strasbourgeois]] [[Lucien Laurent]], le [[Football Club Sochaux-Montbéliard|Sochalien]] [[Curt Keller]], le [[Football Club de Metz|Messin]] [[André Frey]] et les [[Racing Club de France (football)|Racingmen]] [[Raoul Diagne]], [[Maurice Dupuis]], [[André Riou]] et [[Mario Zatelli]]. Lors de la [[Coupe de France de football 1940-1941|saison 1940-1941]], le club remporte la finale de la coupe de France de la zone libre, avant d'échouer face au champion de la zone occupée, [[Football Club des Girondins de Bordeaux|Bordeaux]]<ref name="ref_auto_75">Estèbe 2022, {{p.|270}}.</ref>. Lors de la [[Coupe de France de football 1941-1942|saison 1941-1942]], le club est éliminé en demi-finale de la zone libre.
 
Le sport le plus populaire reste le rugby, où rivalisent les [[Rugby à XV en France|clubs de XV]], comme le [[Stade toulousain]], qui connaît une éclipse depuis son dernier titre en 1927, et [[Rugby à XIII en France|de XIII]], comme le [[Toulouse olympique XIII|Toulouse olympique]], où on trouve de talentueux joueurs tels que [[Robert Barran]], [[Yves Bergougnan]] et [[Sylvain Bès]]<ref name="ref_auto_72" />. En raison de la guerre, le [[Championnat de France de rugby à XV|championnat de rugby à XV]] est remplacé par la [[Coupe de l'Espérance de rugby à XV|coupe de l'Espérance]], remportée le 28 avril 1940 par le Stade toulousain<ref name="ref_auto_75" />. Mais surtout, à partir de l'été 1940, le régime de Vichy, hostile au professionnalisme dans le monde sportif, décide de réduire l'importance du rugby à XIII. Une commission, où figure un Toulousain, [[Paul Voivenel]], ancien dirigeant du Stade toulousain et ancien président du [[Comité Midi-Pyrénées de rugby|comité des Pyrénées de rugby]], propose le 15 novembre 1940 de l'interdire. Aussi le Toulouse olympique doit-il se convertir au rugby à XV pour continuer à exister<ref name="ref_auto_75" />.
 
=== Les débuts de la Résistance ===
==== Premières actions : premiers tracts, premiers journaux clandestins ====
Les premières actes de résistance sont fondées sur le refus de l'[[Armistice du 22 juin 1940|armistice]] et du [[Régime de Vichy|nouveau régime]]. Le 14 juillet 1940, des tracts sont saisis par la police : {{citation|Les volontaires de 1792 ont vaincu / Mais alors... il y avait la guillotine pour les Traîtres ǃ}}<ref>Goubet 1987, {{p.|11}}.</ref>. À l'automne 1940, les tracts distribués par le Parti communiste, clandestin, ne visent cependant pas l'Allemagne, mais plutôt Philippe Pétain, « les forbans de Vichy » et « les fauteurs de guerre », et demandent la libération des responsables communistes emprisonnés, tels Jean Duclos et Félix Brun<ref>Goubet 1987, {{p.|40}}.</ref>.
 
[[Fichier:Lance-tracts.jpg|vignette|Reconstitution d'une des machines à lancer des tracts utilisée à Toulouse ([[musée de la Résistance nationale]]).]]
Le premier acte de résistance a lieu le {{date-|5 novembre 1940}}, jour de la visite de [[Philippe Pétain]] à Toulouse : c'est la première [[visite officielle]] du maréchal depuis la signature de l'[[Armistice du 22 juin 1940|armistice]] et le partage de la France en deux zones. Un groupe de sept jeunes gens menés par [[Marcel Clouet]]<ref group=N>Marcel Clouet, ouvrier charpentier, a été responsable des [[Mouvement jeunes communistes de France|Jeunesses communistes]], puis du [[Parti communiste français|Parti communiste]], et a participé à une école léniniste à [[Moscou]]. Pendant la [[guerre d'Espagne]], il s'engage dans les [[brigades internationales]]. En mai 1940, pendant la [[bataille de France]], il est blessé et perd un bras.</ref> – [[André Delacourtie|André]] et Angèle Delacourtie, Jean Bertand, [[Yves Bettini]], [[Marcel Clouet]], Robert Caussat, Angèle Del Rio –, membres ou sympathisants des [[Mouvement jeunes communistes de France|Jeunesses communistes]] souhaite par un coup d'éclat montrer sa désapprobation<ref>Charpentier 2023, {{p.|14-15}}.</ref>{{,}}<ref name="FV 1"/>. Ils fabriquent des machines à projeter des tracts équipées d'un système à retardement, qui sont lancés lors du passage du maréchal, à l'angle des [[Rue d'Alsace-Lorraine (Toulouse)|rues d'Alsace-Lorraine]] et Duranti (actuelle [[rue du Lieutenant-Colonel-Pélissier]])<ref>Charpentier 2023, {{p.|15-16}}.</ref>{{,}}<ref name="FV 1"/>. Le préfet de région [[Léopold Cheneaux de Leyritz]] donne l'ordre d'arrêter les responsables et vise les milieux communistes de la ville : à la suite d'une enquête minutieuse, Yves Bettini et ses parents sont arrêtés le 14 novembre, comme les autres membres du groupe les jours suivants – sauf André et Angèle Delacourtie – et enfermés à la [[Prison Saint-Michel (Toulouse)|prison Saint-Michel]]. Ils sont jugés le 19 mars 1941 et condamnés à des peines avec sursis, sauf Yves Bettini qui est condamné à deux ans de prison. Cependant, Angèle Del Rio, Maria et Pierre Bettini sont internés quelques jours après : Pierre meurt quelques mois plus tard au [[camp du Récébédou]]. Yves, après avoir été incarcéré à la prison de Nîmes, parvient à s'échapper du train qui le renvoyait en Italie et rejoint un [[Maquis de l'Ain et du Haut-Jura|maquis de l'Ain]]<ref>Charpentier 2023, {{p.|17-18}}.</ref>{{,}}<ref name="FV 1">{{Lien web |auteur1= Élérika Leroy |prénom= |nom= |titre=Première manifestation de Résistance à Toulouse |url=http://francoisverdier-liberationsud.fr/premiere-manifestation-de-resistance-a-toulouse/ |site=Mémorial Fançois Verdier Forain Libération Sud |date=2018-11-05 |consulté le=2023-11-03}}.</ref>.
 
De même, plusieurs journaux continuent à être publiés de façon clandestine, comme ''[[l'Humanité]]'', interdite depuis septembre 1939 à la suite de la dissolution du Parti communiste par le décret du 26 septembre<ref>Goubet 1987, {{p.|14}}.</ref>.
Plusieurs [[Journaux clandestins de la Résistance en France|journaux clandestins]] sont édités par les Résistants. Entre mars et novembre 1941, un petit groupe d'étudiants composé de Georges Oved, Charles Mazières, Jean Delord, Jean Gaches, [[Gabriel Nahas]] et Nissim Palacci, font imprimer par Kukowitch un petit journal dactylographié et tiré à quelques dizaines d'exemplaires, ''Vive la Liberté'', qui dénonce la politique de collaboration<ref name="Goubet 2">Goubet 2009.</ref>.
 
==== La constitution des premiers réseaux ====
En novembre 1941, ils sont tous arrêtés par la police de Vichy et incarcérés à la [[Prison Saint-Michel (Toulouse)|prison Saint-Michel]] pour « activités terroristes et communistes » et accusés d'appartenir à une organisation « judéo-communo-anarcho-gaulliste ». Ils sont condamnés à des peines de prison de un à dix ans. Gabriel Nahas, libéré en 1942, poursuit ses activités : tout en travaillant à l'hôpital, il participe à la distribution des journaux ''[[Cahiers du Témoignage chrétien]]'' et ''[[Libération (journal, 1941-1964)|Libération]]'', participe comme adjoint de [[Marie-Louise Dissard]] au [[réseau Françoise]], une filière d'évasion vers l'Espagne, et sert d'agent de liaison au [[Dutch-Paris|réseau Dutch-Paris]], avant de rejoindre le [[maquis de Vabre]] le 6 juin 1944. Seul Palacci a la malchance d'être envoyé à la centrale d'Eysses, puis déporté en Allemagne au camp de Dachau<ref name="Goubet 2"/>.
Les réseaux se constituent progressivement. Ils se regroupent. D'ailleurs, les mêmes personnes se retrouvent souvent dans des organisations différentes<ref>Goubet 1987, {{p.|42-43}}.</ref>. Maurice Jacquier (« Ambroise »), membre en 1941 des Ailes blanches, est aussi au réseau Béryl, à Libération-Sud et enfin au Comité d'action socialiste<ref>Goubet 1987, {{p.|42}}.</ref>.
 
Plusieurs [[Journaux clandestins de la Résistance en France|journaux clandestins]] sont édités par les Résistants. Entre mars et novembre 1941, un petit groupe d'étudiants composé de Georges Oved, Charles Mazières, Jean Delord, Jean Gaches, [[Gabriel Nahas]] et Nissim Palacci, font imprimer par Kukowitch un petit journal dactylographié et tiré à quelques dizaines d'exemplaires, ''Vive la Liberté'', qui dénonce la politique de collaboration<ref name="Goubet 2">Goubet 2009.</ref>. En novembre 1941, ils sont tous arrêtés par la police de Vichy et incarcérés à la [[Prison Saint-Michel (Toulouse)|prison Saint-Michel]] pour « activités terroristes et communistes » et accusés d'appartenir à une organisation « judéo-communo-anarcho-gaulliste ». Ils sont condamnés à des peines de prison de un à dix ans. Gabriel Nahas, libéré en 1942, poursuit ses activités : tout en travaillant à l'hôpital, il participe à la distribution des journaux ''[[Cahiers du Témoignage chrétien]]'' et ''[[Libération (journal, 1941-1964)|Libération]]'', participe comme adjoint de [[Marie-Louise Dissard]] au [[réseau Françoise]], une filière d'évasion vers l'Espagne, et sert d'agent de liaison au [[Dutch-Paris|réseau Dutch-Paris]], avant de rejoindre le [[maquis de Vabre]] le 6 juin 1944. Seul Palacci a la malchance d'être envoyé à la centrale d'Eysses, puis déporté en Allemagne au camp de Dachau<ref name="Goubet 2"/>.
 
Le groupe Bertaux se constitue au printemps 1941 autour de [[Pierre Bertaux]], professeur d'allemand à la faculté des lettres. Le groupe Bertaux compte une quinzaine de membres seulement, mais il est cependant le premier à recevoir le soutien des [[Alliés de la Seconde Guerre mondiale|forces alliées]], et particulièrement du [[Special Operations Executive]] (SOE), et reçoit des informations et du matériel lors de parachutages organisés à [[Fonsorbes]]. Bien structuré, il mène des activités de renseignement, de propagande, de passages ou encore de sabotage. Il est également en contact avec le [[Réseau du musée de l'Homme|groupe du musée de l'Homme]], animé par [[Jean Cassou]], [[Conservateur de musée|conservateur]] de [[Musée de l'Homme|ce musée parisien]]<ref name="ref_auto_9">Goubet 1987, {{p.|43}}.</ref>.
 
En avril 1942, le SOE confie au lieutenant britannique [[Maurice Pertschuk]] la mission de fonder le réseau « Prunus », d'abord actif dans la région de [[Montréjeau]], puis dans toute la Haute-Garonne. Il mène de multiples activités de sabotage, renseignement, passages clandestins et parachutages d'armes. À Toulouse, le réseau est relayé par de nombreux membres, dont Jean d'Aligny et de jeunes étudiants, comme Jeanine Messerli.
 
Les premiers réseaux de Résistance s'appuient également sur des mouvements d'entraide et d'assistance aux populations victimes de la guerre. En août 1940, [[Abraham Polonski]] (« Monsieur Pol »), ingénieur électricien d'origine polonaise, crée avec [[David Knout]] et le rabbin [[Paul Roitman]]<ref>{{lien web|url=http://www.memoresist.org/spip.php?page=oublionspas_detail&id=1210&var_recherche=paul%20roitman|titre=Paul Roitman|auteur=Marc Fineltin|consulté le=15 juillet 2010|site=Mémoires et Espoirs de la Résistance}}</ref> une organisation [[sioniste]], « La Main forte ». Le groupe apporte des secours aux détenus des camps d'internement de la région. Parmi les membres de cette organisation se trouvent [[Arnold Mandel]] et [[Claude Vigée]]<ref>Loinger 2006, {{p.|96}}.</ref>. Puis il transforme, en {{date||janvier|1942}}, avec [[Lucien Lublin]] puis [[Jules Jefroykin|Dika Jefroykin]], la Main forte en un groupe militaire juif, l'[[Armée juive]] (AJ)<ref>Loinger 2006, {{p.|104}}.</ref>, dont les membres prêtent serment devant la Bible et le drapeau sioniste bleu et blanc<ref group=N>Le drapeau et la Bible, maintenant exposés à [[Yad Vashem]], étaient ceux de [[Josué Lifshitz]] (« Henri Robert Champagnac »).</ref>{{,}}<ref>{{en}} {{lien web|url=https://www.yadvashem.org/odot_pdf/Microsoft%20Word%20-%206363.pdf|titre=Jewish Army (France)|site=[[Yad Vashem]]|consulté le=13 juillet 2010}}</ref>.
 
* [[Libérer et Fédérer]]
 
==== Les milieux catholiques ====
L'[[archevêque de Toulouse]], [[Jules Saliège]], affiche dès 1940 un soutien moral à la politique du maréchal [[Philippe Pétain]] : prônant l'apolitisme de son clergé et lui ayant recommandé par le passé de ne pas se mêler des élections, il reste nourri par la [[Doctrine sociale de l'Église catholique|doctrine sociale de l'Église]] et il lui semble y voir des points communs avec l'idéologie de la [[Révolution nationale]]<ref>Estèbe 2022, {{p.|258-259}}.</ref>. Il n'en a pas moins montré, dès 1933, son hostilité aux [[Nazisme|théories nazies]], particulièrement dans ses positions racistes et antisémites<ref name="ref_auto_42">Estèbe 2022, {{p.|206}}.</ref> : son attitude se retrouve également chez l'[[archevêque de Lyon]], [[Pierre Gerlier]]. Cette position est partagée dans l'entourage le plus proche de Jules Saliège, par [[Bruno de Solages]], recteur de l'[[Institut catholique de Toulouse|Institut catholique]], qui fait en 1942 une conférence publique sur l'égalité des races, et [[Louis de Courrèges d'Ustou]], [[évêque coadjuteur]]<ref name="ref_auto_42" />. Le journal diocésain, ''La Semaine catholique'', prend également des positions hostiles à la [[Collaboration en France|collaboration]], comme le 16 novembre 1941 où le chanoine Louis Vié s'en prend à [[Joseph Goebbels]] et aux buts de guerre allemands<ref name="ref_auto_66" />. À l'évêché, un groupe de militants catholiques se regroupe afin de publier et distribuer clandestinement ''[[Témoignage chrétien]]''<ref name="ref_auto_42" />. Le 27 mai 1942, [[Charles de Gaulle]] envoie une lettre à Jules Saliège pour lui proposer de rallier la [[France libre]] : elle reste sans réponse, mais les prises de position iconoclastes de l'archevêque restent malgré tout régulièrement reprises par l'entourage de Charles de Gaulle comme le 2 août 1942, lorsque [[Robert Schumann]] se fait le relais de Jules Saliège, qui a demandé à faire dire des prières en faveur des ouvriers requis pour la [[Relève (régime de Vichy)|Relève]]<ref name="ref_auto_66" />.
 
Le 23 août 1942, Jules Saliège, choqué par les rapports faits par les représentants des œuvres catholiques qui ont assisté à la déportation des Juifs internés aux [[Camp de Noé|camps de Noé]] et [[Camp du Récébédou|du Récébédou]] les 8 et 10 août, rédige une [[lettre pastorale]], qui doit être lue en chaire par les curés de l'[[Archidiocèse de Toulouse|archidiocèse]], et condamne fermement la déportation des Juifs<ref>Estèbe 2022, {{p.|261}}.</ref>. La lettre, qui connaît une large diffusion et un grand retentissement, est lue à [[Radio Londres]]<ref>Estèbe 2022, {{p.|207}}.</ref>. Le 26 août, l'[[évêque de Montauban]], [[Pierre-Marie Théas]] s'engage dans une lettre épiscopale au texte plus clair encore, ''Et clamor Jerusalem ascendit''. Il est suivi le 20 septembre 1942 par l'[[archevêque d'Albi]], [[Jean-Joseph Moussaron]]<ref name="ref_auto_44">Estèbe 2022, {{p.|208}}.</ref>. Le préfet régional, [[Léopold Cheneaux de Leyritz]], s'inquiète de l'accueil fait à ces lettres parmi la population catholique, et demande l'arrêt des déportations. Le 27 août, déjà, [[Pierre Laval]] a demandé au [[pape]] [[Pie XII]] la mise à la retraite de Jules Saliège, ce qui lui est refusé<ref name="ref_auto_44" />. Finalement, Pierre Laval demande et obtient du [[Chef supérieur de la SS et de la Police|chef supérieur de la SS]] (''Höchster SS- und Polizeiführer'', HSSPf) en France, [[Carl Oberg]], l'arrêt des déportations<ref name="ref_auto_44" />.
 
=== La répression ===
==== Les effectifs policiers ====
Le régime de Vichy s'appuie sur un appareil policier en forte croissance, dont l'autorité revient au préfet, particulièrement à la suite de la loi du 23 avril 1941 qui étatise la police, jusque là principalement sous autorité municipale. Il est assisté dans son travail par un intendant régional de police<ref>Estèbe 2022, {{p.|62}}.</ref>. Le recrutement de policiers s'accélère, puisqu'on compte à Toulouse 200 gardiens de la paix en 1940, 450 l'année suivante et 945 en mai 1942<ref name="ref_auto_23">Estèbe 2022, {{p.|63-64}}.</ref>.
 
La [[Police nationale (France)|police nationale]] est composée de trois directions générales – les [[renseignements généraux]], la police de sûreté (l'ancienne [[Police judiciaire en droit français|police judiciaire]]) et la [[Direction nationale de la Sécurité publique|sécurité publique]] – auxquelles s'ajoute à partir de juillet 1941 un nouveau corps, les [[Groupe mobile de réserve|groupes mobiles de réserve]] (GMR)<ref>Estèbe 2022, {{p.|63}}.</ref>. Ils sont six GMR dans la {{XVIIe|région}}, dont deux à Toulouse. Ils sont casernés en ville, le GMR Aquitaine à [[La Cépière]] et le GMR Languedoc à [[Port de l'Embouchure|l'Embouchure]], mais ils opèrent dans tout le département<ref name="ref_auto_23" />. De plus, le préfet a également autorité sur les [[Gendarmerie nationale (France)|gendarmes]]. Au nombre de 244, ils agissent dans la banlieue et les communes de la périphérie toulousaine<ref>Estèbe 2022, {{p.|64}}.</ref>. Enfin, il existe diverses instances policières spécialisées nouvelles, telle la [[police aux questions juives]] (PQJ), dirigée à Toulouse par Serge Kiriloff, la police économique qui surveille le marché noir, et le service des sociétés secrètes (SSS) du capitaine Dulac, qui recherche les francs-maçons<ref>Estèbe 2022, {{p.|64-65}}.</ref>.
 
==== La justice toulousaine ====
Le 4 juillet 1940, le général [[Charles de Gaulle]], exilé au [[Royaume-Uni]], est jugé par le [[conseil de guerre]] de la {{XVIIe|région}} militaire qui se tient à la [[Cour d'appel de Toulouse|cour d'appel]]. Il est condamné, pour « refus d'obéissance et excitation de militaires à la désobéissance », à 4 ans de prison et 100 francs d'amende. Le verdict, considéré comme trop clément, est annulé : un mois plus tard, Charles de Gaulle est condamné à mort par une cour martiale réunie à Clermont-Ferrand<ref>Charpentier 2023, {{p.|25-26}}.</ref>.
 
La justice toulousaine est confrontée dès 1940 à la forte croissance du nombre des procès, liée à la définition de nouveaux crimes par le régime de Vichy<ref>Estèbe 2022, {{p.|65}}.</ref>. Le corps des juges applique d'ailleurs sans protestations les lois les plus choquantes, telles les mesures prises contre les Juifs ou les lois rétroactives. Cependant, les règles de la procédure et les droits de la défense sont généralement respectés, débouchant souvent sur des peines relativement légères<ref>Estèbe 2022, {{p.|66}}.</ref>. Ainsi, les plus sévèrement frappés par la justice sont, avant novembre 1942, surtout les communistes... et les agents au service de l'Allemagne<ref>Estèbe 2022, {{p.|67-68}}.</ref>.
 
La répression touche les Résistants. En novembre 1941, le réseau Bertaux est démantelé à la suite d'imprudences et de trahisons. Plusieurs de ses membres sont arrêtés et condamnés à de lourdes peines de prison<ref name="ref_auto_9" />.
 
==== Les camps d'internement ====
En France, les premiers [[Camp d'internement français|camps d'internement]] sont institués en 1939, à la suite de l'arrivée des [[Réfugiés et exilés de la guerre d'Espagne|réfugiés espagnols]] [[Républicains espagnols|républicains]] fuyant la [[Offensive de Catalogne|conquête de la Catalogne]] par les [[Nationalistes espagnols|forces nationalistes]] entre janvier et février 1939. Ils sont peu à peu libérés, sauf ceux qui sont considérés comme dangereux, tels les anarchistes de la division Durruti, concentrés au camp du Vernet<ref>Estèbe 2022, {{p.|74}}.</ref>. Après la déclaration de guerre, en septembre 1939, les ressortissants allemands et les communistes sont enfermés à leur tour. Ils sont rejoints par les nouveaux internés, ainsi que de nombreux Juifs étrangers<ref name="ref_auto_22">Estèbe 2022, {{p.|75}}.</ref>.
 
L'[[internement administratif]] est une mesure créée dès le début de la [[Seconde Guerre mondiale]], par le décret-loi « Daladier » du 18 novembre 1939, avant même la mise en place du régime de Vichy. Il est conservé et même aggravé par la loi du 3 septembre 1940, qui permet au préfet de décider l'internement d'une personne sans qu'elle soit jugée ou même laissée libre en l'attente de son jugement<ref>Estèbe 2022, {{p.|68}}.</ref>. Dans la XVIIe région, le nombre élevé des [[Camp d'internement français|camps d'internement]] fait de Toulouse une véritable « capitale de l'internement »<ref>Estèbe 1992, {{p.|467}}.</ref> : [[camp du Récébédou]] à [[Portet-sur-Garonne]], [[camp de Noé]] près de [[Muret (Haute-Garonne)|Muret]], [[camp du Vernet]] dans l'[[Ariège (département)|Ariège]], et [[camp de Saint-Sulpice-la-Pointe]] dans le [[Tarn (département)|Tarn]]<ref>Goubet 1987, {{p.|38}}.</ref>.
 
Plusieurs mesures sont prises contre les étrangers, et particulièrement les Juifs étrangers. Ainsi, la loi du 4 octobre 1940 autorise les préfets à les placer dans des camps spéciaux<ref name="ref_auto_21">Estèbe 2022, {{p.|69}}.</ref>. De même, les [[Groupement de travailleurs étrangers|groupements de travailleurs étrangers]] (GTE) rassemblent [[Réfugiés et exilés de la guerre d'Espagne|réfugiés espagnols républicains]] et immigrés juifs : dans un état de semi-liberté, ils sont astreints au travail. En 1941, il existe en Haute-Garonne le GTE 562 à Toulouse, le GTE 505 à Clairfont, le GTE 509 à [[Auzielle]] et le GTE 513 à [[Mauzac (Haute-Garonne)|Mauzac]], puis [[Muret (Haute-Garonne)|Muret]]<ref name="ref_auto_21" />.
 
Il existe d'autres personnes victimes de l'internement dans les camps. Ainsi, les acteurs du [[Marché noir en France pendant la Seconde Guerre mondiale|marché noir]], parfois de simples particuliers venus se ravitailler en achetant des produits à la ferme, sont particulièrement poursuivis et internés d'office<ref>Estèbe 2022, {{p.|71}}.</ref>. Entre 1940 et 1942, ce sont aussi les « indésirables » et les réprouvés de la politique vichyssoise et du programme de [[Révolution nationale]] : les souteneurs et les prostituées clandestines, les vagabonds, les nomades et les gitans, les épouses infidèles de soldats prisonniers et leurs « séducteurs »<ref>Estèbe 2022, {{p.|72-73}}.</ref>.
 
Les camps de la région toulousaine sont relativement spécialisés. Le [[camp de Rieucros]] est réservé aux femmes. Le [[camp de Saint-Sulpice-la-Pointe]] regroupe les internés politiques, mais c'est au [[camp du Vernet]] que vont les plus « dangereux », avec de nombreux chefs communistes étrangers. Le [[camp de Gurs]] concentre essentiellement des Juifs. En revanche, certaines catégories d'internés sont éloignés : les trafiquants du marché noir sont envoyés à [[Sisteron]], tandis que les repris de justice et les souteneurs vont à [[Fort Barraux]]<ref name="ref_auto_22" />. Les conditions de vie dans les camps sont difficiles : on y meurt de faim et de froid, la saleté et le manque d'hygiène favorisent la propagation des maladies. Cependant, les internés peuvent obtenir des autorisations de sortie, recevoir des visites ou des colis. En février 1941, à l'appel du [[rabbin]] [[René Kapel]], la Commission centrale des œuvres juives d'assistance, qui apporte des secours matériels aux Juifs, installe une de ses sous-commissions à Toulouse. L'[[Œuvre de secours aux enfants]] (OSE) s'installe à Ours. Le [[Cimade|Comité inter-mouvements auprès des évacués]] (CIMADE), d'inspiration [[Protestantisme en France|protestante]], s'établit près de Gurs<ref name="ref_auto_22" />.
 
C'est en partie pour lutter contre l'image déplorable de ces camps que sont créés deux nouveaux camps en région toulousaine : en février 1941, les deux « camps-hôpitaux » de [[Camp de Noé|Noé]] et du [[Camp du Récébédou|Récébédou]] sont présentés par le [[Liste des ministres français de l'Intérieur|ministre de l'Intérieur]], [[Marcel Peyrouton]], comme des réalisations de prestige, ouverts aux visites de journalistes étrangers. Le Récébédou est une cité ouvrière inachevée qui, après avoir accueilli des réfugiés belges pendant l'Exode, regroupe {{nombre|1600|internés}}. Noé est construit par des réfugiés espagnols en 1941 et peut recevoir {{nombre|1500|personnes}}, principalement des personnes âgées ou malades. Les deux camps sont rapidement remplis pour moitié d'Espagnols venus des [[Camp de concentration d'Argelès-sur-Mer|camps d'Argelès]], [[Camp d'Agde|d'Agde]] et du Vernet, et pour moitié de Juifs étrangers de Gurs<ref name="ref_auto_25">Estèbe 2022, {{p.|76}}.</ref>. Cependant, les conditions de vie s'y dégradent également et on compte 500 morts pour les deux camps entre février 1941 et octobre 1942<ref name="ref_auto_25" />. Pendant l'été 1942, la plupart des Juifs sont livrés aux Allemands, transférés au [[camp de Drancy]], puis déportés à [[Auschwitz]]<ref name="ref_auto_24">Estèbe 2022, {{p.|77}}.</ref>. Le {{date|1 octobre 1942}}, le camp du Récébédou est fermé et ses détenus transférés à Noé<ref name="ref_auto_24" />.
 
=== La politique antisémite ===
==== Les statuts des Juifs ====
Parmi les réfugiés de l'Exode se trouvent de nombreux Juifs, pour la plupart venus de la région parisienne et du nord-est qui, à partir du 27 septembre 1940, ils n'ont pas le droit de retourner en zone occupée. Les Juifs de [[Bade-Wurtemberg|Bade]], du [[Palatinat rhénan|Palatinat]] et d'[[Alsace-Lorraine]] sont également expulsés par les autorités allemandes. Au total, ce sont 6 à {{formatnum:7000}} réfugiés juifs qui s'installent à Toulouse entre juin 1940 et janvier 1941, portant la population juive de la ville à {{formatnum:8000}} personnes environ<ref>Estèbe 2022, {{p.|197}}.</ref>.
 
Le préfet régional, Léopold Cheneaux de Leyritz met également en œuvre la [[Lois sur le statut des Juifs du régime de Vichy|politique antisémite du régime de Vichy]]. Le 2 octobre 1940, il décide l'arrestation et la détention des Juifs étrangers sans ressources<ref name="ref_auto_2" />. La mesure concerne particulièrement les Juifs allemands de Bade et du Palatinat, d'abord internés au [[camp de Gurs]], les autres Juifs étrangers, environ un millier, étant enfermés à Clairfont, au [[Camp du Récébédou|Récébédou]] et à [[Camp de Noé|Noé]]<ref name="ref_auto_30">Estèbe 2022, {{p.|198}}.</ref>. Ceux qui ne sont pas internés ne sont pas libres pour autant : les hommes sont souvent affectés aux [[Groupement de travailleurs étrangers|Groupements de travailleurs étrangers]] (GTE)<ref name="ref_auto_30" />. Les plus aisés sont parfois assignés à résidence dans les stations thermales, comme à [[Luchon]]<ref name="ref_auto_30" />.
 
La petite communauté juive locale, qui compte environ {{formatnum:1500}} personnes, est réduite au silence<ref name="ref_auto_2" />. Elle est particulièrement visée par le [[Lois sur le statut des Juifs du régime de Vichy|statut des Juifs]], promulgué le 3 octobre 1940, leur interdisant toute profession dirigeante dans l'appareil d'État, les grades d'officiers dans l'armée et les emplois dans l'enseignement. Ainsi sont exclus la directrice du lycée de jeunes filles (actuel [[lycée Saint-Sernin]], {{n°|3}} [[place Saint-Sernin]]), Andrée Falcucci-Franck<ref group=N>Andrée Franck, ancienne élève de l'[[école normale supérieure de Sèvres]] et agrégée d’histoire, épouse de Clément Falcucci, professeur de philosophie au lycée de garçons (actuel [[lycée Pierre-de-Fermat]], {{n°|1}} [[Rue Joseph-Lakanal (Toulouse)|rue Joseph-Lakanal]]), [[Section française de l'Internationale ouvrière|socialiste]] et conseiller municipal, destitué également comme [[Franc-maçonnerie en France|franc-maçon]].</ref>{{,}}<ref name="ref_auto_65">Estèbe 2022, {{p.|248}}.</ref>, ainsi que plusieurs professeurs des deux lycées et de la faculté des lettres, Juifs réfugiés qui venaient d'obtenir un poste à Toulouse – [[Ignace Meyerson]], [[Pierre-Maxime Schuhl]], [[Vladimir Jankélévitch]] et [[Raymond Aron]]<ref>Estèbe 2022, {{p.|198-199}}.</ref>. Le 2 juin 1941, le second statut des Juifs complète ces premières interdictions. Mais il ne concerne finalement qu'un faible groupe de personnes et ne provoque pas de réelle réaction dans la population toulousaine, pas même dans sa composante juive<ref name="ref_auto_32">Estèbe 2022, {{p.|199}}.</ref>. La loi du 21 juin 1941 fixe un nombre limité de Juifs dans l'université. La mesure est appliquée à la faculté de droit, où on compte 28 étudiants, et à la faculté de médecine, où ils sont 40 : parmi eux se trouve [[Léon Schwartzenberg]]<ref>Estèbe 2022, {{p.|201-202}}.</ref>. En revanche, elle est combattue, à la faculté de lettres, par le recteur [[Paul Dottin]], refusant de l'appliquer, et cachant des étudiants tels que l'Autrichien [[Georges Hahn]] et le Hongrois [[Joseph Gabel]]<ref>Estèbe 2022, {{p.|202}} et 250.</ref>.
 
En juin 1941, le recensement des Juifs de Toulouse est confié au maire, [[André Haon]]. Il permet d'établir une population de {{formatnum:6786}} Juifs, dont {{formatnum:2573}} Français et {{formatnum:4213}} étrangers<ref>Estèbe 2022, {{p.|200-201}}.</ref>. Le 10 juillet 1941, le [[Commissariat général aux questions juives]] (CGQJ) installe à Toulouse sa délégation régionale et occupe un local au {{n°|3}} [[Rue d'Alsace-Lorraine (Toulouse)|rue d'Alsace-Lorraine]]. Il est dirigé jusqu'en 1943 par [[Joseph Lécussan]], qui cependant entretient de mauvais rapports avec le préfet, Léopold Cheneaux de Leyritz<ref name="ref_auto_32" />. Il est aidé par la [[police aux questions juives]] (PQJ), devenue en juillet 1942 la Section d'étude et de contrôle (SEC) : elle recherche, malgré un certain manque de personnel, les Juifs non-déclarés en infraction<ref>Estèbe 2022, {{p.|200}}.</ref>. Il faut faire la preuve d'une ascendance non-juive, présenter un [[certificat de baptême]] ou un certificat de non-circoncision, délivré par un médecin assermenté de la [[Place Wilson (Toulouse)|place Wilson]]<ref name="ref_auto_37">Estèbe 2022, {{p.|201}}.</ref>. Puis, le 18 décembre 1941, il devient obligatoire de faire apparaître la mention « JUIF » sur les papiers d'identité<ref name="ref_auto_37" />. Enfin, la loi du 22 juillet 1941 décrète que la confiscation des biens possédés par des Juifs, français ou étrangers, et qui doivent être confiés à des administrateurs chargés de les vendre. Ils sont aidés, dans certains cas, par les comités d'organisation professionnels, comme ceux des garagistes, de l'imprimerie, de la pelleterie et des agents immobiliers, qui dénoncent leurs membres juifs. C'est pendant l'année 1942 que se produisent la plupart des ventes : à Toulouse, ce sont 224 entreprises et 33 immeubles<ref name="ref_auto_40">Estèbe 2022, {{p.|202}}.</ref>. Plusieurs cas litigieux et des situations juridiques compliquées provoquent des procès entre le CGQJ et les propriétaires, dans la plupart des cas gagnés par les seconds<ref name="ref_auto_38">Estèbe 2022, {{p.|203}}.</ref>.
 
==== Les premiers pas de la Résistance juive ====
[[Fichier:Bureaux de l'UGIF en 1942.svg|vignette|Les bureaux de l'[[Union générale des israélites de France]] en 1942.]]
Le développement de la Résistance juive à Toulouse s'explique d'abord par des raisons géographiques : Toulouse, qui est une des principales agglomérations de la zone non-occupée, présente l'avantage de se trouver à proximité de la frontière espagnole<ref name="ref_auto_52">Estèbe 2022, {{p.|219}}.</ref>. La Résistance juive prend d'abord naissance dans des institutions d'entraide légales. C'est ainsi à Toulouse, que se crée le Comité de bienfaisance israélite (actuel {{n°|}} [[Rue Caffarelli (Toulouse)|rue Caffarelli]]), animé par deux rabbins, Samuel Kapel et [[Henri Schilli]]. Elle a pour but l'aide aux Juifs internés du Midi de la France<ref name="ref_auto_53">Estèbe 2022, {{p.|220}}.</ref>.
 
Enfin, en novembre 1941, les Allemands poussent également à la création d'un organisme juif autogéré, l'[[Union générale des israélites de France]] (UGIF). Elle a son bureau régional rue Caffarelli et, dirigée par Simon Lourie, elle joue un rôle à travers son centre médico-social, animé par le docteur Jules Hofstein et Eva Cohen<ref>Estèbe 2022, {{p.|203}} et 219.</ref>. Simon Kapel y encourage par exemple le parrainage des internés juifs des camps du Midi par des familles toulousaines<ref name="ref_auto_53" />. L'[[Œuvre de secours aux enfants]] (OSE) et les [[Éclaireuses et éclaireurs israélites de France|Éclaireurs israélites]] (EI) s'investissent particulièrement dans le secours aux enfants, en ouvrant des refuges et des fermes écoles<ref name="ref_auto_52" />. Un soutien spirituel est apporté par [[Moïse Cassorla]], rabbin de la [[synagogue Palaprat]] (actuel {{n°|2}} [[rue Jean-Palaprat]])<ref name="ref_auto_52" />. Ainsi, les fidèles se procurent-ils du [[pain azyme]] contre des tickets de rationnement<ref>Estèbe 2022, {{p.|223}}.</ref>. Enfin, les communistes développent leur propre mouvement, Solidarité, qui fait fonctionner un réseau d'aide aux internés du [[camp du Vernet]]<ref name="ref_auto_53" />.
 
==== Les déportations de l'été 1942 ====
Le 9 mai 1942, le chef de la police française, [[René Bousquet]], rencontre [[Reinhard Heydrich]] afin d'organiser la déportation des Juifs étrangers de la zone occupée. Il propose alors de livrer également les Juifs « apatrides » internés dans les camps de la zone non-occupée. La déportation est donc organisée au début de l'été 1942 par René Bousquet et les chefs des camps d'internement de la région toulousaine, qui dressent les listes des personnes qui peuvent être déportées vers [[Camp de Drancy|Drancy]], puis [[Auschwitz]]<ref name="ref_auto_41">Estèbe 2022, {{p.|204}}.</ref>. L'organisation se fait dans les moindres détails ː elle prévoit la mise en place d'un important appareil policier, de policiers et de gendarmes français<ref>Charpentier 2023, {{p.|38}}.</ref>, devant assurer le maintien de l'ordre<ref name="ref_auto_39">Estèbe 2022, {{p.|204-205}}.</ref> ; la destination ne doit pas être connue des internés, qui doivent croire à un simple changement de camp ; le transport se fait dans des wagons à bestiaux, garnis de paille, d'un broc d'eau, d'une lampe-tempête et d'un seau pour les besoins corporels<ref>Estèbe 2022, {{p.|205}}.</ref>. La déportation se fait en trois vagues : les 9 et 14 août, les internés des [[Camp de Noé|camps de Noé]] et [[Camp du Récébédou|du Récébédou]] ; le 25 août, les Juifs pris dans les GTE ; les 2 et 25 septembre, les Juifs étrangers raflés dans toute la zone non-occupée<ref name="ref_auto_41" />. Le bilan est de 1052 victimes, dont 3 Juifs français<ref name="ref_auto_43">Estèbe 2022, {{p.|212}}.</ref>.
 
Ainsi, au début du mois d'août, 165 internés du camp de Noé sont regroupés avec 175 internés du Récébédou. Le 8 août, ils sont conduits, à pied et dans des conditions difficiles, jusqu'à la [[gare de Portet-Saint-Simon]] où, regroupés avec 865 autres détenus venus des autres camps de la région toulousaine, ils sont embarqués dans 11 wagons. Leur convoi parvient le 9 août à Drancy, et le 12 à Auschwitz par le [[Convoi n° 17 du 10 août 1942|{{17e|convoi}}]]<ref name="ref_auto_39" />. Un second convoi est organisé dans les jours qui suivent : 120 internés de Noé et du Récébédou, rejoints par la suite par 600 Juifs des camps de la région méditerranéenne, parviennent à Drancy le 12 août et à Auschwitz deux jours plus tard par le [[Convoi n° 18 du 12 août 1942|{{18e|convoi}}]]<ref name="ref_auto_39" />.
 
Le 18 août, le préfet Léopold Cheneaux de Leyritz reçoit l'ordre de regrouper les Juifs apatrides des GTE et de les déporter avec leurs familles. Ce sont 84 Juifs de [[Camp de Septfonds|Septfonds]] et 62 de Penne-d'Agenais qui sont amenés à la [[Gare de Toulouse-Matabiau|gare Matabiau]] pour prendre la direction de Drancy<ref>Estèbe 2022, {{p.|205-206}}.</ref>. Enfin, le 26 août est organisée dans toute la zone non-occupée [[Rafle du 26 août 1942|une grande rafle]] des Juifs apatrides restés en liberté. En Haute-Garonne, la police dénombre 300 personnes à arrêter ː elle ne capture finalement que 130 adultes et 40 enfants<ref name="ref_auto_42" />. Le dernier convoi, du 25 septembre, comprend 190 personnes, dont 90 internés du Vernet<ref name="ref_auto_42" />.
 
Les milieux d'entraide juifs se mobilisent également rapidement. [[Georges Garel]] et Lederman, responsables de l'OSE, prennent contact avec Jules Saliège, qui les oriente vers son coadjuteur, Courrèges, et Mlle Thèbes, directrice de l'Institution Sainte-Germaine. En quelques jours, une vingtaine d'enfants sont cachés sous de fausses identités dans des familles en relation avec l'OSE. Pendant l'été, ce sont finalement presque 300 enfants du Midi toulousain qui sont cachés par l'organisation<ref name="ref_auto_50">Estèbe 2022, {{p.|221}}.</ref>. Les Éclaireurs israélites mettent aussi en place une nouvelle structure d'évasion, la Sixième (c'est-à-dire, par dérision, la « {{6e|direction}} » de l'UGIF, qui n'en comptait que cinq) et s'investissent dans la création de faux papiers. Ils permettent de sauver environ 900 enfants<ref name="ref_auto_50" />.
 
Mais, en fin de compte, c'est l'indignation soulevée dans les milieux catholiques à la suite de la publication des prélats français – [[Jules Saliège]], [[Jean-Joseph Moussaron]] et [[Pierre-Marie Théas]], mais aussi [[Pierre Gerlier]], [[archevêque de Lyon]], et [[Jean Delay (évêque)|Jean Delay]], [[évêque de Marseille]] – qui pousse Pierre Laval et les autorités du régime de Vichy à décider l'arrêt des déportations<ref>Estèbe 2022, {{p.|208-209}}.</ref>. À Toulouse, cette pause dure jusqu'aux déportations organisées par les forces allemandes à partir de juin 1943<ref name="ref_auto_49">Estèbe 2022, {{p.|209}}.</ref>.
 
== L'occupation de Toulouse : novembre 1942-août 1944 ==
Le 11 novembre 1942, à la suite du [[Opération Torch|débarquement des Alliés en Afrique du Nord]], la [[zone non-occupée]] est envahie par les forces allemandes. Les premières unités de la [[Wehrmacht]] font leur entrée dans Toulouse dans l'après-midi<ref>Estèbe 2022, {{p.|105}}.</ref>. Il se met en place un système complexe de services et de pouvoirs complémentaires et concurrents<ref>Estèbe 2022, {{p.|106}}.</ref>.
 
=== Les structures allemandes ===
==== La Wehrmacht ====
[[Fichier:Le Grand Hôtel de la Poste, siège de la Wermacht en 1943.jpg|vignette|Le Grand Hôtel de la Poste, siège de la [[Wehrmacht]] en 1943.]]
La [[Wehrmacht]] divise la France-Sud en six territoires administratifs, correspondant aux préfectures régionales de Vichy, sous l'autorité d'un état-major de liaison supérieur (''Hauptverbindungstab'', HVS) : à Toulouse, le HVS 564, dont les limites correspondent à la {{XVIIe|région}} française, est placé sous le commandement du général Hans-Georg Schubert (11 novembre 1942-3 mai 1944), puis du général Otto Schmidt-Hartung (3 mai-20 août 1944), et installé au Grand Hôtel de la Poste (actuel {{n°|38}} [[Rue d'Alsace-Lorraine (Toulouse)|rue d'Alsace-Lorraine]]). Le HVS est lui-même subdivisé en états-majors de liaison départementaux (''Verbindungstäbe'', VS) : à la Haute-Garonne correspond le VS 626, installé à l'École normale (actuels {{n°|3-5}} [[Rue Saint-Jacques (Toulouse)|rue Saint-Jacques]])<ref>Estèbe 2022, {{p.|106-107}}.</ref>, à proximité de la [[Palais archiépiscopal de Toulouse|préfecture]]. Le HVS s'occupe essentiellement de l'administration, de l'occupation et des rapports avec les autorités françaises<ref name="ref_auto_17">Estèbe 2022, {{p.|107}}.</ref>. Il maintient en particulier la fiction d'une « zone libre » sous la seule autorité de Vichy, les troupes allemandes n'étant ici pas des forces d'« occupation », mais d'« opération »<ref>Estèbe 2022, {{p.|108-109}}.</ref>.
{{...}}
 
Les besoins de logement pour les soldats sont importants et la Wehrmacht occupe les différentes casernes toulousaines, des établissements scolaires, la cité universitaire, l'[[hôpital de Purpan]], mais aussi le [[camp du Récébédou]]<ref name="ref_auto_19">Estèbe 2022, {{p.|111}}.</ref>. Le ''Soldatenkino'', salle de cinéma réservée aux troupes allemandes, occupe le [[Gaumont-Palace de Toulouse|Gaumont-Palace]] (actuel Pathé Wilson, {{n°|3}} [[Place Wilson (Toulouse)|place Wilson]])<ref name="ref_auto_19" />. La Wehrmacht investit également la moitié de la [[Prison Saint-Michel (Toulouse)|prison Saint-Michel]]<ref>Estèbe 2022, {{p.|113}}.</ref>.
 
Le commandement du [[groupe d'armées]] (''Heeresgruppe'') [[Groupe d'armées D|D]], puis [[Groupe d'armées G|G]], est chargé des opérations militaires. Il est placé sous la direction du général [[Johannes Blaskowitz]] et basé à [[Rouffiac-Tolosan]]<ref name="ref_auto_17" />, les troupes occupant les maisons et les châteaux de la campagne toulousaine, tandis que Johannes Blaskowitz s'installe à La Cédraie sur la place du village (actuel {{n°|12}} place des Ormeaux).
 
Enfin, la ''[[Feldgendarmerie]]'', qui forme la [[police militaire]] de la Wehrmacht, est installée à l'hôtel Faga (actuel [[boulevard de Bonrepos]]) et à l'hôtel du Progrès (actuels {{n°|8-10}} [[rue Rivals]])<ref name="ref_auto_17" />. En plus de ses missions habituelles, elle prend une part active dans les missions de traque de Juifs<ref name="ref_auto_17" />.
 
==== La Sipo-SD et la Gestapo ====
Depuis 1939, la [[Sicherheitspolizei|police de sûreté]] (''Sicherheitspolizei'', Sipo) et le [[Sicherheitsdienst|service de sécurité]] (''Sicherheitsdienst'', SD), le service de renseignement et de maintien de l'ordre de la [[Schutzstaffel]] (SS), sont réunis sous la même autorité. En France-Nord et Sud, la Sipo-SD dépend du {{Lien|langue=de|trad=Befehlshaber der Sicherheitspolizei und des SD|fr=Befehlshaber der Sicherheitspolizei und des SD|texte=commandement de la SP et de la SD}} (''Befehlshaber der Sicherheitspolizei und des Sicherheitsdienst'', BdS) de Paris<ref>Estèbe 2022, {{p.|108}}.</ref> : la ville de Toulouse est le siège d'un des dix-sept commandos de la SP et de la SD (''Kommandos der Sicherheitspolizei und des Sicherheitsdienst'', KdS), dont le ressort correspond à la {{XVIIe|région}} française. Il est dirigé, entre novembre 1942 et juin 1943 par le capitaine Helmut Petzek, entre juin et décembre 1943 par le lieutenant-colonel {{Lien|langue=de|Rudolf Bilfinger}}, et entre décembre 1943 et août 1944 par le colonel [[Friedrich Suhr]]<ref>Estèbe 2022, {{p.|117-118}}.</ref>.
 
Les services de la Sipo-SD sont regroupés en plusieurs sections : la section I s'occupe de l'administration, des finances et du personnel, la section IV des actions de répression contre les Juifs, les communistes et les gaullistes, la section V des affaires criminelles et du marché noir, la section VI des renseignements et des partis politiques. La section IV – la [[Gestapo]] – joue un rôle particulièrement important ː elle est dirigée entre 1942 et 1944 par le capitaine {{Lien|langue=de|trad=Karl-Heinz Müller (SS-Mitglied)|fr=Karl-Heinz Müller|texte=Karl-Heinz Müller}}<ref>Estèbe 2022, {{p.|119}}.</ref>. Les différentes sections occupent plusieurs immeubles des quartiers du [[Busca (Toulouse)|Busca]], dans la rue Maignac (actuels {{n°|1}}, 2 et 15 [[rue des Martyrs-de-la-Libération]]), et des [[Quartier des Chalets|Chalets]], dans la [[Rue des Chalets|rue du même nom]] (actuel {{n°|36}}) et dans la [[rue Raymond-IV]] (actuel {{n°|49}}), et dans le quartier Lafayette, à l'hôtel de l'Ours Blanc (actuel {{n°|3}} [[Rue d'Austerlitz (Toulouse)|rue d'Austerlitz]]) et au Grand Hôtel Capoul (actuel {{n°|13}} [[Place Wilson (Toulouse)|place Wilson]])<ref name="ref_auto_14">Estèbe 2022, {{p.|114}}.</ref>.
 
Les effectifs de la Sipo-SD toulousaine restent cependant relativement limités : on compte 192 Allemands pour le KdS Toulouse, 108 dans la ville-même. Il existe également quatre services extérieurs ouverts à [[Agen]], [[Cahors]], [[Montauban]] et [[Tarbes]], ainsi que deux commissariats aux frontières à [[Foix]] et [[Pau]]<ref name="ref_auto_14" />. Le service s'appuie sur d'autres forces allemandes, particulièrement les unités de la SS et de la Feldgendarmerie<ref>Estèbe 2022, {{p.|115}}.</ref>. Elle recourt également à un nombre important d'informateurs français, bien rétribués : plutôt jeunes (environ 25 ans en moyenne), ils sont souvent issus des milieux populaires et des petites classes moyennes (employés de banque, agents d'assurances, mais aussi receveuses des transports, femmes de ménage, serveuses de cafés)<ref>Estèbe 2022, {{p.|115-116}}.</ref>. Il existe également une Milice locale, forte de 900 personnes en Haute-Garonne ː dans les effectifs, ces agents français sont d'ailleurs majoritaires<ref>Estèbe 2022, {{p.|117}}.</ref>.
 
==== Les autres structures ====
Diverses structures allemandes agissent également à Toulouse : la Commission de contrôle de l'armistice (''Waffenstillstandskommission''), chargée de surveiller l'application de la convention d'armistice de 1940, le désarmement de l'armée française et, surtout, la production des usines d'armement toulousaines, est placée sous la direction du major Hellers et installée à l'hôtel Victoria (actuel {{n°|14}} boulevard de Bonrepos)<ref name="ref_auto_17" />. Le Consulat général, qui gère les intérêts des citoyens allemands, est confié à un diplomate, le docteur Gregor et occupe le Grand-Hôtel (actuel {{n°|31}} [[Rue de Metz (Toulouse)|rue de Metz]])<ref name="ref_auto_17" />. Enfin, le Service du travail (''Arbeitseinsatz'') de [[Fritz Sauckel]] définit les besoins allemands pour la [[Relève (régime de Vichy)|Relève]], à partir de mai 1942, remplacée en février 1943 par le [[Service du travail obligatoire (France)|Service du travail obligatoire]]. Elle soutient également l'action de l'[[Organisation Todt]]<ref name="ref_auto_17" />.
 
=== La vie politique ===
==== Les partisans de la Collaboration ====
{{...}}
 
==== LaLes viepartis quotidienneclandestins ====
{{...}}
 
=== La vie quotidienne ===
==== La mise au pas de l'économie toulousaine ====
L'échec de la Relève dans la région toulousaine irrite du représentant du bureau allemand de la main-d'œuvre étrangère, qui réclame des mesures coercitives contre les ouvriers défaillants. Il est d'ailleurs soutenu par le préfet régional, Léopold Cheneaux de Leyritz qui met en place des sanctions sévères contre les absents et les truqueurs, qui se révèlent rapidement efficaces<ref>Estèbe 2022, {{p.|128}}.</ref>. Surtout, les 5 et 16 février 1943, le gouvernement institue le [[Service du travail obligatoire (France)|Service du travail obligatoire]] (STO). À Toulouse, la limitation des exemptions permet le recrutement d'environ {{formatnum:3000}} travailleurs à Toulouse, 5 à {{formatnum:8000}} en Haute-Garonne<ref name="ref_auto_28">Estèbe 2022, {{p.|129}}.</ref>. Léopold Cheneaux de Leyritz met en place des mesures qui visent à séduire la population, comme la création d'associations qui octroient des avantages aux familles des requis au STO<ref name="ref_auto_27">Estèbe 2022, {{p.|130}}.</ref>.
 
Le nombre des réfractaires n'est pas non plus connu avec certitude : durant le printemps et l'été 1943, il représente probablement 40 % des travailleurs demandés par Léopold Cheneaux de Leyritz... qui s'applique donc à convoquer des effectifs bien supérieurs que ceux qu'on lui demande pour répondre aux exigences. Le nombre des réfractaires progresse sensiblement à partir de septembre 1943, devenant largement supérieur à celui des partants<ref>Estèbe 2022, {{p.|129-130}}.</ref>. Les réfractaires, quant à eux, s'éloignent de Toulouse et partent généralement à la campagne, ou se procurent de faux papiers. D'autres passent clandestinement en Espagne pour rejoindre l'Afrique du nord. De toute façon, la recherche des réfractaires, trop nombreux, dispersés et largement soutenus par la population, est assez inefficace<ref name="ref_auto_28" />. Ainsi, on ne compte entre 1942 et 1944, pour toute la {{XVIIe|région}}, que 262 réfractaires arrêtés et internés généralement au [[camp du Vernet]]<ref name="ref_auto_27" />.
 
Finalement, le 17 septembre 1943 sont signés les accords Speer-Bichelonne qui reposent sur l'idée du [[Ministre de l'Économie (France)|ministre de l'Économie]], [[Jean Bichelonne]], acceptée par le ministre de l'Armement allemand, Albert Speer, de « protéger » et soutenir le développement des entreprises françaises travaillant au service de l'Allemagne, tout en accordant à leurs ouvriers une exemption au STO : ce sont les ''S-Betriebe'' (« entreprises Speer »)<ref>Estèbe 2022, {{p.|132}}.</ref>. Le 22 octobre 1943, une circulaire est envoyée dans ce sens par Albert Speer au commandement de l'équipement de Toulouse (''Rüstungkommando''), à l'état-major de liaison avec la commission d'armistice et aux chefs d'entreprises toulousains. C'est un succès, nombre de chefs d'entreprises demandant le classement « S » : la première liste, dressée en 1943, est plusieurs fois complétée, et on compte à Toulouse 73 usines et ateliers en février 1944, 167 le mois suivant<ref>Estèbe 2022, {{p.|132-133}}.</ref>. On y trouve les grandes entreprises de la chimie, de l'armement et de l'aéronautique : l'ONIA, la Poudrerie nationale et la Poudrerie du Fauga, la Cartoucherie, ainsi que les usines Breguet à Montaudran, la SNCASE aux Ponts-Jumeaux, Latécoère à Périole, Air France à Blagnac, l'usine de Saint-Martin-du-Touch et les bureaux d'étude Junker à Saint-Éloi<ref name="ref_auto_35">Estèbe 2022, {{p.|133}}.</ref>. Il faut y ajouter de nombreuses entreprises plus petites, à Toulouse ou dans le département, telles que les firmes Berliet et Japy, la Société des hauts fourneaux de la Chiers, les Constructions mécaniques du Midi, les Aciéries de Toulouse, la Manufacture des glaces de Saint-Gobain, la Lyonnaise des Eaux, les Charpentiers réunis, l'Avenir du bâtiment, le Marché coopératif des cuirs, la menuiserie Auriach<ref>Estèbe 2022, {{p.|133-134}}.</ref>...
 
Les travailleurs se pressent également pour être embauchés dans les ''S-Betriebe''<ref name="ref_auto_35" />. Les usines de Blagnac fournissent plusieurs centaines d'appareils et des avions prototypes Bloch. La SNCASE fait des réparations sur les avions Junker, les usines Breguet et Latécoère, fermées au début de 1943, ouvrent à nouveau, la Poudrerie fournit 70 tonnes de poudre par jour, la Cartoucherie fabrique des douilles pour l'armée roumaine, l'ONIA produit du sulfate de cuivre échangé par les Allemands en Espagne<ref>Estèbe 2022, {{p.|134-135}}.</ref>. Dans l'usine Latécoère, la firme Junker construit deux prototypes du Meteor, une [[Fusée (astronautique)|fusée]] [[Missile balistique|balistique]]<ref name="ref_auto_29">Estèbe 2022, {{p.|135}}.</ref>.
 
À partir de 1944, la production décroît, grâce au travail au ralenti et au sabotage, soutenus sinon organisés par la Résistance<ref name="ref_auto_29" />. En juillet 1944, un mois avant la Libération, la Cartoucherie qui doit livrer un million de douilles n'en fournit que {{formatnum:40000}}. Aux usines Latécoère, les prototypes Junker sont détruits par l'action d'un commando de Résistants bordelais, [[Organisation civile et militaire]] (OCM). Aux usines de Saint-Martin-du-Touch, les mécanismes des hélices des avions Dewoitine sont rendus inutilisables<ref name="ref_auto_29" />.
 
==== Pénuries, rationnement et marché noir ====
Les difficultés d'approvisionnement que connaît Toulouse, rendues plus aigües depuis la sècheresse de l'été 1942 qui se poursuit jusqu'à l'été 1943, se prolongent les années suivantes. La présence des troupes allemandes, qu'il faut aussi approvisionner, renforce les difficultés. Au début de l'année 1943, la pénurie de lait est complète. Au printemps, la [[Soudure (agriculture)|soudure]] est difficile<ref name="ref_auto_61" />. En 1944, la situation n'est guère meilleure : si les conditions météorologiques sont bonnes, les réquisitions allemandes d'une part, et l'action des Résistants d'autre part (sabotage des voies de communication, destruction des récoltes par certains [[Maquis (résistance)|maquis]]), désorganisent l'approvisionnement<ref name="ref_auto_61" />.
 
La crise touche aussi le logement. Le surpeuplement de la ville, le manque de matériaux nécessaires à la construction ou à la rénovation des logements, mais aussi la création de nouvelles administrations par les autorités de Vichy et par les forces d'occupation, accélèrent la dégradation, voire le délabrement du parc immobilier toulousain<ref name="ref_auto_62">Estèbe 2022, {{p.|233}}.</ref>. Dans le domaine de l'énergie, les pénuries sont fréquentes. Les logements sont mal chauffés<ref name="ref_auto_62" />. À cause du manque d'essence, les voitures sont équipées de tubes à [[gazogène]], les [[Fiacre (hippomobile)|fiacres]] hippomobiles, appelés « citadines », sont réutilisés, et les [[Vélo-taxi|vélos-taxis]] apparaissent<ref name="ref_auto_63">Estèbe 2022, {{p.|234}}.</ref>. Le long du [[canal du Midi]], ce sont à nouveau les chevaux qui tirent les péniches : son trafic baisse de moitié, mais son importance est d'autant plus cruciale qu'il prend une place centrale dans le ravitaillement de la ville<ref name="ref_auto_63" />.
 
==== Les loisirs ====
Les bistrots et les cafés restent très fréquentés par la population<ref name="ref_auto_77" />. Si plusieurs cafés ont été réquisitionnés par les autorités allemandes, comme le café Lafayette (actuel {{n°|15}} [[Place Wilson (Toulouse)|place Wilson]]) et le café Sion (actuel {{n°|3 bis}} [[Boulevard de Strasbourg (Toulouse)|boulevard de Strasbourg]]), les terrasses des autres ne désemplissent pas. Les Résistants n'hésitent d'ailleurs pas à s'y retrouver. Ainsi, c'est à la terrasse d'un café de la [[Place du Capitole (Toulouse)|place du Capitole]] qu'est rédigé le manifeste de [[Combat (Résistance)|Combat]]. [[Jean Cassou]] et ses camarades aiment aussi se retrouver au Père Léon (actuel {{n°|2}} [[place Étienne-Esquirol]]). En 1943, à la terrasse du café-restaurant de l'Ours blanc (actuel {{n°|2}} [[Rue Victor-Hugo (Toulouse)|rue Victor-Hugo]]), fréquenté par la [[Gestapo]], Jean Cassou manque d'être arrêté parce que suspect d'être juif<ref name="ref_auto_77" />.
 
==== Les bombardements ====
La ville de Toulouse est, à partir de 1944, la cible de plusieurs raids de bombardement, qui visent principalement les infrastructures stratégiques, et particulièrement les usines de fabrication d'armement et de construction aéronautique, ainsi que les différents aérodromes de la ville.
 
Le premier bombardement a lieu dans la nuit du 5 au 6 avril 1944. En quatre vagues, une quarantaine de bombardiers de la Royal Air Force britannique, ayant décollé d'Afrique du Nord, cible les usines Bréguet de Montaudran et les usines de Saint-Martin-du-Touch. La DCA allemande, installée sur les coteaux de [[Pech-David]], abat un bombardier britannique et tue ses 6 occupants. Le bombardement détruit 80 % des installations aéronautique, mais il fait également du côté de la population civile 22 morts et 45 blessés, laissés un millier de personnes sinistrées<ref name="ref_auto_31">Estèbe 2022, {{p.|136}}.</ref>.
 
Le deuxième bombardement a lieu dans la nuit du 2 au 3 mai, à 1 heure environ. En sept vagues, une centaine de bombardiers vise les usines de l'ONIA, de la Poudrerie et les usines de Saint-Martin-du-Touch. La DCA allemande postée à Pech-David est détruite mais, des fusées éclairantes ayant été lancées par les Allemands depuis des quartiers habités, afin de tromper l'aviation alliée, des maisons sont également touchées. Le bombardement fait 45 tués et 65 blessés dans la population<ref name="ref_auto_31" />.
 
Le troisième bombardement a lieu dans le 25 juin 1944. Il vise les [[Aéroport de Toulouse-Blagnac|aéroports de Blagnac]] et [[Aéroport de Toulouse Francazal|Francazal]]. Le quatrième bombardement a lieu le 12 août et vise des dépôts d'essence. Ils ont lieu tous les deux de jour. La défense anti-aérienne ayant été totalement détruite le 25 juin, la résistance allemande est inexistante. Les dégâts sont importants, plusieurs soldats allemands sont tués, mais il n'y a pas de victime civile<ref>Estèbe 2022, {{p.|136-137}}.</ref>.
 
=== Les persécutions antisémites ===
==== Arrestations et déportations ====
{{...}}
Entre novembre 1942 et juin 1943, la Gestapo toulousaine se montre peu active dans la poursuite des Juifs. Elle ne trouve d'abord que peu de soutien de la part des autorités françaises : après les troubles causés dans l'opinion publique, et particulièrement dans les milieux catholiques, par Jules Saliège et les prélats de la zone non-occupée entre août et septembre 1942, le préfet régional, Léopold Cheneaux de Leyritz, est réticent à la participation de la police et de la gendarmerie à ces opérations<ref name="ref_auto_49" />. Ainsi, le 9 septembre 1943, à Toulouse, les policiers français n'arrêtent que 10 % des Juifs qu'on leur a ordonné de capturer<ref name="ref_auto_49" />. Cependant, dans le cas des Juifs arrêtés par la police et la gendarmerie françaises pour des faits de Résistance, leur détention en prison aboutit généralement à leur capture par les Allemands<ref name="ref_auto_45">Estèbe 2022, {{p.|211}}.</ref>. Enfin, la police allemande s'appuie sur un réseau de dizaines d'informateurs et de délateurs : les archives de CGQJ conservent une vingtaine de lettres de dénonciation, celles des Allemands étant perdues<ref name="ref_auto_45" />.
 
La Gestapo arrête principalement des Juifs coupables de petits délits, pour de fausses cartes d'identité ou la participation au marché noir<ref name="ref_auto_48">Estèbe 2022, {{p.|210}}.</ref>. Dans les cas de Juifs arrêtés pour des faits de Résistance, la déportation touche non seulement les Résistants eux-mêmes, mais aussi toute leur famille. En octobre 1943, la Gestapo, à la recherche d'Alexandre Vacharsky, membre du réseau Béryl, et ne le trouvant pas à son domicile, au 116 route de Balma (actuelle [[avenue Jean-Chaubet]]), arrête son épouse et sa fille de 18 mois : Alexandre Vacharsky ayant proposé de se rendre en échange de leur libération, ils sont finalement tous déportés – la fille et la mère meurent gazées le 23 novembre 1943<ref name="ref_auto_48" />. Les arrestations sont d'ailleurs souvent brutales : résistant aux policiers allemands, {{Mme|Isaac}} est abattue dans la salle de bains de son appartement de la [[Rue de Bayard (Toulouse)|rue de Bayard]]<ref name="ref_auto_45" />.
 
Le 30 mai 1944, les SS organisent la déportation des derniers Juifs du camp de Noé, 175 personnes qui avaient jusque là été considérées comme intransportables<ref name="ref_auto_49" />.
 
Les arrestations sont parfois motivées par l'appât du gain. En juin 1943, trois agents de la Gestapo toulousaine vont à [[Lacaune (Tarn)|Lacaune]], dans le seul but de récupérer des bagages laissés à la mairie par 120 Juifs déportés depuis le 25 août 1942<ref name="ref_auto_48" />.
 
Les Juifs arrêtés sont enfermés dans divers lieux. Les femmes, les enfants et les hommes jugés peu dangereux sont détenus à la caserne Caffarelli, les autres à la prison Furgole. Ces derniers y subissent parfois les tortures du sergent Oskar Rau, de la section IV<ref name="ref_auto_45" />. C'est seulement lorsque le nombre des prisonniers est suffisant qu'un convoi est formé pour rejoindre Drancy<ref>Estèbe 2022, {{p.|209 et 211}}.</ref>.
 
Nombre de Juifs sont également exécutés sur place. En mai 1943, à la suite d'une tentative d'évasion d'un prisonnier juif à la caserne Caffarelli, ayant entraîné la mort d'un SS, 15 Juifs sont conduits à [[Miremont (Haute-Garonne)|Miremont]] pour y être fusillés<ref name="ref_auto_45" />.
 
Entre novembre 1942 et juillet 1944, le bilan des déportations est lourd. Pour le département de la Haute-Garonne, ce sont 961 victimes, réparties en 28 convois. S'il n'y avait que 3 Français déportés durant l'été 1942, ils sont en revanche 273 entre 1943 et 1944<ref name="ref_auto_43" />.
 
==== Les Juifs sauvés ====
Après les déportations de l'été 1942, les Juifs de la région toulousaine, Français ou étrangers, mettent en place de nouvelles stratégies afin d'échapper à la surveillance policière. Dans un premier cas, ils cherchent à partir à la campagne, dans un village isolé, avec le risque toutefois d'être rapidement repéré par la population : ainsi, le docteur C. s'installe-t-il avec son épouse et sa jeune fille à [[Saint-Pierre-de-Trivisy]] ([[Tarn (département)|Tarn]]), et obtient-il la protection du brigadier de la gendarmerie<ref>Estèbe 2022, {{p.|215}}.</ref>. D'autres Juifs choisissent de profiter de l'anonymat des grandes villes pour s'y cacher : la famille H. quitte ainsi Toulouse pour Lyon, où ils sont inconnus et où de faux papiers leur donnent une nouvelle identité, leur permettant d'échapper à la déportation jusqu'à la [[libération de Lyon|libération de la ville]]<ref>Estèbe 2022, {{p.|215-216}}.</ref>. Certaines personnes choisissent de changer constamment de logement, ne restant jamais plus que quelques jours, comme la famille J<ref name="ref_auto_46">Estèbe 2022, {{p.|216}}.</ref>. Enfin, jusqu'en juillet 1943, de nombreux Juifs choisissent de se réfugier dans le sud-est de la France, dans la zone d'occupation italienne où ils sont protégés des visées allemandes, mais aussi vichystes<ref name="ref_auto_46" />.
 
Il devient nécessaire de se procurer de [[Falsification de papiers d'identité|fausses cartes d'identité]]. La production de faux papiers est réalisée par des Résistants, tel [[Achille Auban]], militant de [[Libérer et Fédérer]]. À [[Moissac]] ([[Tarn-et-Garonne]]), la mairie fabrique des centaines de cartes d'identité pour les [[Éclaireuses et éclaireurs israélites de France|Éclaireurs israélites]], qui les dispersent dans toute la région<ref name="ref_auto_46" />.
 
L'aide apportée par la population française non-juive devient sensible à partir de l'été 1942. Des familles se consacrent à accueillir et cacher des Juifs, comme à Toulouse, où la famille V. garde une petite fille juive pendant deux ans<ref name="ref_auto_47">Estèbe 2022, {{p.|218}}.</ref> ou Jean-François et Henriette Labro, parents du jeune [[Philippe Labro]], dont la maison pourtant réquisitionnée pour loger un officier SS sert aussi de cachette à des Juifs, notamment la famille de [[Maurice Bernart]]<ref>[https://yadvashem-france.org/dossier/nom/9041/ Dossier {{n°|9041}} - Juste(s)], site du Comité français de Yad Vashem (consulté le 26 mars 2024).</ref>. Dans de nombreux cas, ceux qui se cachent sont couverts par le silence des voisins, comme à Saint-Pierre-de-Trivisy<ref name="ref_auto_47" /> ou [[Pechbonnieu]], où les époux Lucien et Blanche Robène protègent des Juifs, dont [[Clara Goldschmidt]], épouse d'[[André Malraux]], au vu et au su des habitants du village, sans être dénoncés<ref>[https://yadvashem-france.org/dossier/nom/13415/ Dossier {{n°|13415}} - Juste(s)], site du Comité français de Yad Vashem (consulté le 26 mars 2024).</ref>{{,}}<ref>Magalie Lacombe, [https://www.francebleu.fr/infos/societe/pres-de-toulouse-laurent-robene-rend-hommage-a-ses-grands-parents-justes-parmi-les-nations-1549905503 « Près de Toulouse, Laurent Robène rend hommage à ses grands-parents, Justes parmi les Nations »], ''France Bleu Occitanie'', 11 février 2019.</ref>.
 
Le clergé catholique toulousain joue un rôle non négligeable dans la protection des Juifs, dans un diocèse où l'influence de l'[[Liste des évêques et archevêques de Toulouse|archevêque]], [[Jules Saliège]], se fait sentir. Ainsi, les prêtres cachent les Juifs dans leurs presbytères, comme à [[Vacquiers]] (Haute-Garonne), les religieux et les religieuses dans leurs couvents, comme les Dominicaines de la [[rue Furgole]] (actuel {{n°|2}}), les enseignants catholiques dans leurs écoles<ref name="ref_auto_47" />. Plus loin, [[Denise Bergon]], directrice de l'école du couvent Notre-Dame-de-Massip à [[Capdenac-Gare]] ([[Aveyron (département)|Aveyron]]) cache 83 enfants juifs, mêlés aux autres élèves, avec l'appui de l'[[inspecteur d'académie]], [[Anticléricalisme|anticlérical]] notoire, et la neutralité de l'[[évêque de Rodez]], [[Charles Challiol]], pourtant [[pétainiste]]<ref>Estèbe 2022, {{p.|218-219}}.</ref>.
 
L'OSE et les EI poursuivent leurs activités, après les premiers succès de l'été 1942. L'OSE, qui se déplace à Lyon, poursuit son travail dans la région toulousaine, où 400 enfants environ sont cachés<ref name="ref_auto_50" />.
 
Le Service d'évasion et de regroupement des enfants (SERE) permettent d'organiser des réseaux d'évasion vers l'Espagne. Il s'agit d'abord de réunir de l'argent, car le passage coûte cher – généralement {{formatnum:5000}} francs par personne. Les enfants sont, après le passage de la frontière, pris en charge par l'[[American Jewish Joint Distribution Committee]] (JDC), qui leur permet d'émigrer en [[Palestine mandataire]]<ref>Estèbe 2022, {{p.|221-222}}.</ref>. Mais le 17 mai 1944, [[Léo Cohn]], aumônier des EI, est arrêté<ref name="ref_auto_51">Estèbe 2022, {{p.|222}}.</ref>.
 
=== Le développement de la Résistance ===
Toulouse devient de fait, par son ancrage républicain et socialiste, et par sa situation géographique et l'afflux de réfugiés, dont de nombreux militants politiques, républicains espagnols, opposants aux régimes fascistes, le cœur de nombreux réseaux de résistance<ref>Debauges et Goubet 1986, {{p.|19}}.</ref>. Le groupe Bertaux, créé par [[Pierre Bertaux]] et [[Silvio Trentin]], le réseau Françoise, dirigé à partir de 1943 par [[Marie-Louise Dissart|Marie Louise Dissart]], et plusieurs groupes armés, dont les [[FTP-MOI]], les [[Forces françaises de l'intérieur|Forces Françaises de I'Intérieur]] de la Haute Garonne qui seront dirigées par [[Jean-Pierre Vernant]], prennent forme, s'organisent et agissent pour la libération<ref>Debauges et Goubet 1986, {{p.|19-110}}.</ref>{{,}}<ref>{{Lien web |titre=Toulouse en 1939-1945 |url=http://www.ajpn.org/commune-toulouse-en-1939-1945-31555.html |site=www.ajpn.org |consulté le=2022-03-26}}.</ref>.
 
Les différents réseaux, mouvements et groupes de la Résistance toulousaine commencent également à se rapprocher à partir de 1943. [[François Verdier (résistant)|François Verdier]], le chef régional des [[Mouvements unis de la Résistance]] (MUR), en est un des artisans. Il est cependant arrêté en décembre 1943, torturé et exécuté – son corps mutilé est retrouvé dans la [[forêt de Bouconne]] un mois plus tard, le 27 janvier 1944.
 
Les actions de type militaire (sabotages, embuscades, exécutions) sont de plus en plus nombreuses, particulièrement à la veille du débarquement et en vue de la Libération. Cependant, alors que les besoins en armes et en matériel augmentent, le nombre de parachutages reste toujours aussi insuffisant.
 
Le 2 janvier 1944, le chef de la Gestapo, l'[[Obersturmführer]] Messak, est muté à Nice. Marcel Taillandier, chef du réseau Morhange, informé par un agent infiltré, Pierre Saint-Laurens, décide de l’intercepter et de le kidnapper. Quatre résistants déguisés en gendarmes dressent un barrage sur la route nationale 113, au carrefour des Monges, entre Deyme et Mongiscard, tandis que d'autres résistants sont en embuscade : Messak est tué, tandis que les résistants saisissent de nombreux papiers, dont un organigramme de la Gestapo de Toulouse et une liste de collaborateurs et de dénonciateurs toulousains.
 
Le {{1er|mars}} 1944, trois résistants [[Lot-et-Garonne|lot-et-garonnais]] – [[Rosine Bet]], [[Enzo Godéas]] et David Freiman –, membres de la {{35e|brigade}} FTP-MOI, mènent un attentat contre les soldats allemands au cinéma des Variétés (actuel {{n°|9}} [[allées du Président-Franklin-Roosevelt]]), qui diffuse deux films de [[propagande nazie]], ''[[Le Juif Süss (film, 1940)|le Juif Süss]]'' et ''la Libre Amérique''. Ils doivent, après avoir assisté à la séance du soir, laisser sous les fauteuils une [[bombe à retardement]] qui doit détruire le cinéma dans la nuit. Mais elle explose entre les mains de David Freiman, tué sur le coup, faisant plusieurs blessés parmi les spectateurs. Rosina Bet et Enzo Godéas, grièvement blessés eux-mêmes, sont arrêtés, conduits à l'[[Hôtel-Dieu Saint-Jacques|Hôtel-Dieu]] et interrogés par la police française. Rosina Bet meurt le 3 mars des suites de ses blessures, tandis qu'Enzo Godeas, emmené à la [[Prison Saint-Michel (Toulouse)|prison Saint-Michel]] pour y être torturé, est condamné à mort et exécuté le 22 juin<ref>[http://francoisverdier-liberationsud.fr/operation-au-cinema-les-varietes-1er-mars-1944/ « Opération au cinéma « Les Variétés », {{1er}} mars 1944 »], sur le site du Mémorial François Verdier Forain - Libération Sud (consulté le 24 novembre 1944).</ref>. Le {{1er|avril}} 1944, un attentat est mené contre un tramway transportant des soldats allemands.
 
Le 28 juin 1944, sept jeunes résistants de l'[[Armée secrète (France)|Armée secrète]] – Henri Hilaire, Bernard Méric, René Vaïsse, Raymond Verdier, Rolland Vidal, Pierre Coupeau et René Peter – viennent récupérer des armes dans la cave d'une maison du quartier de [[La Roseraie (Toulouse)|la Roseraie]], [[avenue Joseph-Le Brix]] (actuel {{n°|22}}). C'est un piège tendu par la police allemande et ils sont immédiatement abattus – ils sont connus comme les « martyrs de la Roseraie »<ref>Jean-Pierre Ravery, [https://fusilles-40-44.maitron.fr/spip.php?article241332 « Toulouse (Haute-Garonne), les martyrs de la Roseraie : 28 juin 1944 »], sur le site du ''[[Le Maitron|Maitron des fusillés]]'', mis en ligne le 29 juin 2021, modifié le 12 février 2022.</ref>.
 
==== Le cas de la Résistance juive ====
Le courant [[Sionisme|sioniste]] est représenté dans la Résistance juive. Dès 1940, [[David Knout]] a fondé la Main forte. Elle devient par la suite l'[[Armée juive]], qui prend de l'ampleur avec l'adhésion de militants de jeunesse, comme [[Simon Levitte]], et de rabbins, comme [[Simon Kapel]] et [[Nathan Hosanski]]<ref name="ref_auto_51" />. Certains membres de la Résistance juive se dirigent vers les maquis : l'« escadron blanc-bleu », formé par l'Armée juive, et la « compagnie Marc-Haguenau » des Éclaireurs israélites, intègrent le [[corps-franc de la Montagne Noire]], dans le [[Tarn (département)|Tarn]]<ref name="ref_auto_51" />.
 
==== La Résistance au lycée et à l'université ====
[[Fichier:Tract Front National verso.JPG|vignette|''Le Jeune Patriote'', tract distribué au lycée de garçons (actuel [[lycée Pierre-de-Fermat]]) en novembre 1943 (coll. pers.).]]
Le lycée de garçons compte {{formatnum:2700}} élèves en 1940, {{formatnum:2564}} à la fin 1942<ref>Estèbe 2022, {{p.|246}}.</ref>. Les classes préparatoires, si elles comptent quelques pétainistes et sympathisants de la Milice, sont plutôt favorables aux gaullistes ou aux socialistes<ref name="ref_auto_64">Estèbe 2022, {{p.|247}}.</ref>. Ils reçoivent l'approbation de plusieurs enseignants, comme Pradines, professeur de philosophie, ou Plandé, professeur d'histoire, qui avertit les élèves juifs<ref name="ref_auto_64" />. Certains personnels du lycée s'engagent activement dans la Résistance, comme [[Jean-Pierre Vernant]], professeur de philosophie et chef départemental des FFI, [[Raymond Badiou]], professeur de mathématiques, Paul Debauges, professeur de mathématiques, membre de Libérer et Fédérer, puis du comité départemental de libération, Henri Docquiert, maître d'internat et membre du Comité d'action socialiste, A. Rey, Jeanne Sévènes, secrétaire du proviseur, qui effectue des liaisons et prévient les membres du personnel menacés d'arrestation<ref name="ref_auto_64" />.
 
Plusieurs élèves mènent des actions concrètes. À la fin de l'année 1942, un groupe de neuf élèves, dont Bruno Trentin, fils de Silvio Trentin, Francis Naves, fils de Raymond Naves, et Philippe Viguier, fils d'Eugène Viguier, chef départemental de [[France au combat]], fondent le Groupe insurrectionnel français (GIF). Ils distribuent des tracts, détruisent des portraits de Philippe Pétain, tracent des croix de Lorraine dans la [[Rue Joseph-Lakanal (Toulouse)|rue Lakanal]]. Le 13 décembre 1942, ils sont arrêtés par la police et incarcérés à la prison Saint-Michel : un mois plus tard, le 15 janvier 1943, ils sont condamnés à plusieurs jours de prison et de fortes amendes, puis sont exclus du lycée sur décision du [[Ministre de l'Éducation nationale (France)|Secrétaire d'État à l'Éducation nationale]], [[Abel Bonnard]]<ref>Estèbe 2022, {{p.|247-248}}.</ref>.
 
L'année 1943 marque un tournant dans l'histoire du lycée de garçons. Tandis que certains élèves sont requis pour le [[Service du travail obligatoire (France)|service du travail obligatoire]] (STO), d'autres se cachent ou partent au maquis<ref name="ref_auto_65" />. Edmond Guyaux, élève en classe préparatoire à l'[[École coloniale]], et [[Jacques Sauvegrain]], élève de [[mathématiques spéciales]], membres du [[Maquis Bir-Hakeim|groupe Bir-Hakeim]] de l'[[Armée secrète (France)|Armée secrète]], qui a établi son maquis dans l'[[Hérault (département)|Hérault]], sont arrêtés par la Gestapo près de [[Douch (hameau)|Douch]], condamnés à mort et exécutés le 8 novembre 1943, leurs corps jetés dans le charnier de [[Bordelongue]] (emplacement de l'actuel {{n°|274}} [[route de Seysses]]). Malgré l'interdiction, une messe du souvenir est célébrée en leur mémoire dans la chapelle du lycée par l'aumônier, l'abbé Cistac<ref name="ref_auto_65" />. Un autre élève résistant, G. Belchun, est torturé par la Milice, rue Fourtanier<ref name="ref_auto_65" />.
Le 3 mars 1944, un élève de troisième, juif, Jean Bloch, est arrêté par la Gestapo : déporté à [[Auschwitz]], il meurt le 17 avril 1945 dans le massacre de [[Koselitz]]<ref name="ref_auto_65" />{{,}}<ref>Silvana Grasso, [https://www.ladepeche.fr/article/2014/11/21/1995485-capitole-college-fermat-en-souvenir-de-jean-bloch.html « Collège Fermat : en souvenir de Jean Bloch »], ''La Dépêche du Midi'', 21 novembre 2014.</ref>.
 
Au lycée de jeunes filles (actuel [[lycée Saint-Sernin]], {{n°|3}} [[place Saint-Sernin]]), la directrice, Andrée Falcucci<ref group=N>Andrée Franck, ancienne élève de l'[[école normale supérieure de Sèvres]], agrégée d’histoire et épouse de Clément Falcucci, professeur de philosophie au lycée de garçons, socialiste et conseiller municipal, destitué également en novembre 1940 comme franc-maçon.</ref>, a été révoquée comme juive dès 1940<ref name="ref_auto_65" />. Plusieurs professeures, telles {{Mlle|Demongeot}} et {{Mme|Manent}}, sont actives dans la Résistance<ref name="ref_auto_65" />.
 
==== La résistance intellectuelle ====
L'œuvre intellectuelle du mouvement [[Libérer et Fédérer]], animé par [[Silvio Trentin]], présente une doctrine originale. Elle est en partie reprise dans le manifeste de [[Combat (Résistance)|Combat]], rédigé à Toulouse par [[Henri Frenay]], [[Claude Bourdet]] et [[André Hauriou]]<ref name="ref_auto_69">Estèbe 2022, {{p.|257}}.</ref>. En 1944, [[Daniel Faucher]], [[Étienne Borne]] et [[Vladimir Jankélévitch]], représentant l'humanisme laïc, le catholicisme et le marxisme révolutionnaire, font paraître clandestinement le Mensonge raciste, une dénonciation des thèses national-socialistes et antisémites<ref name="ref_auto_69" />.
 
=== La répression ===
==== Les agentsactions de la répression ====
 
{{...}}
Le Sipo-SD reste aussi animé par des convictions idéologiques fortes. Ainsi, le 8 janvier 1943, [[Maurice Sarraut]], le directeur de ''[[La Dépêche du Midi|la Dépêche]]'', est arrêté par la [[Gestapo]] parce que le capitaine {{Lien|langue=de|trad=Karl-Heinz Müller (SS-Mitglied)|fr=Karl-Heinz Müller|texte=Karl-Heinz Müller}} imagine qu'il est à la tête d'un [[complot maçonnique]] qui touche le Midi de la France<ref>Estèbe 2022, {{p.|121-122}}.</ref>.
 
Dans la nuit du 13 au 14 décembre 1943, la Gestapo et ses auxiliaires français mène l'« [[Opération de minuit]] » : 110 résistants sont arrêtés à Toulouse, en Haute-Garonne et dans les départements voisins, tels François Verdier, chef régional de la Résistance, et Gabriel Gesse, responsable des évasions dans la zone de Saint-Gaudens. La plupart d'entre eux sont déportés ou exécutés en janvier 1944.
 
Le 10 mars 1944, le résistant Marcel Hennequin est abattu par la Gestapo dans sa chambre du foyer d'étudiants polonais (actuel {{n°|45}} [[allée des Demoiselles]]).
 
L'historien toulousain Jean Estèbe évoque un bilan de 986 Juifs, français ou étrangers, déportés ou mis à mort, et d'environ {{formatnum:2000}} Français non-Juifs déportés ou exécutés<ref>Estèbe 2022, {{p.|122}}.</ref>.
 
==== Lieux d'enfermement ====
* [[prison Furgole]]
* [[Prison Saint-Michel (Toulouse)|prison Saint-Michel]]
* [[camp du Récébédou]]
 
En 1943, le [[camp de Noé]] regroupe des internés de toutes catégories. Il est aussi un centre de triage où sont placés temporairement les réfractaires au [[Service du travail obligatoire (France)|service du travail obligatoire]] (STO), ainsi que les étrangers destinés à l'[[organisation Todt]]<ref name="ref_auto_24" />.
== La Libération : août 1944-mai 1945 ==
=== Les combats de la Libération ===
Durant le printemps 1944, les différents mouvements de résistance de la région toulousaine se sont unis. En juin 1944, [[Serge Ravanel]], qui a le grade de colonel, est nommé chef des [[Forces françaises de l'intérieur]] (FFI) de la région R4 par le général [[Pierre Kœnig]], général en chef des FFI<ref name="Leroy Libération"/>. À l'été 1944, dans la région R4, les [[Francs-tireurs et partisans]] (FTP) comptent {{formatnum:16000}} combattants, les [[Corps francs de la Libération]] (CFL) {{formatnum:14000}}, et l'[[Organisation de résistance de l'Armée]] (ORA), commandée par le commandant [[André Pommiès]], {{formatnum:9400}}. Enfin, les [[Guérillero espagnol|Guérilléros espagnols]], rattachés aux FFI en mai 1944, ont quelque {{formatnum:3500}} hommes dans la région<ref name="Leroy Libération">{{Lien web |auteur1= Élérika Leroy |prénom= |nom= |titre=Libération de Toulouse, 19-20 août 1944 |url=http://francoisverdier-liberationsud.fr/liberation-de-toulouse-19-20-aout-1944/ |site=Mémorial Fançois Verdier Forain Libération Sud |date=2016-08-18 |consulté le=2023-11-04}}.</ref>.
 
== La Libération : juin 1944-mai 1945 ==
Le 15 août 1944, à la suite du [[Débarquement de Provence|débarquement des Alliés en Provence]], les résistants comprennent que les troupes allemandes cantonnées dans la région doivent se redéployer. Effectivement, le 18 août, les troupes allemandes stationnées dans les casernes de Compans et de Caffarelli commencent à évacuer la ville avec l'ordre de se diriger vers le nord-est de la France. Le 19 août, elles brûlent leurs archives, font sauter les dépôts de munitions. Le feu est mis au siège de la Gestapo (actuel {{n°|}} [[allée Frédéric-Mistral]]) et au consulat d'Allemagne<ref name="Leroy Libération"/>. Serge Ravanel appelle les groupes de résistants à empêcher les troupes allemandes de quitter la ville et de se regrouper avec des forces supérieures. Il élabore avec [[Jean-Pierre Vernant]] les plans de l'insurrection de Toulouse. Des groupes se forment dans la ville, tels le groupe « Matabiau », composé de cheminots, de syndicalistes, de FTPF et de communistes. Des combattants affluent également des maquis du Lot, du bataillon de l'Armagnac, de la brigade du Cramaussel du [[corps franc Pommiès]] et des corps francs de la Libération du Tarn et du Tarn-et-Garonne<ref name="Leroy Libération"/>.
=== La réorganisation des forces en présence ===
==== L'adaptation des structures allemandes ====
[[Fichier:Bundesarchiv Bild 183-J27018, Frankreich, Johannes Blaskowitz bei Inspektion.jpg|vignette|Le général [[Johannes Blaskowitz]] en tournée d'inspection dans le sud de la France, le 27 juin 1944 ([[Archives fédérales (Allemagne)|archives fédérales allemandes]], [[Coblence]]).]]
À l'été 1944, le général [[Johannes Blaskowitz]] est à la tête du [[groupe d'armées G]] de la [[Wehrmacht]], dont le quartier général est à [[Rouffiac-Tolosan]]. Il regroupe la [[1re armée (Allemagne)|{{1re|armée}}]], basée à [[Bordeaux]], et la [[19e armée (Allemagne)|{{19e|armée}}]], à [[Marseille]]. Dans la région toulousaine se trouvent le {{56e|corps}} de réserve, la division de l'Ostlegion et le [[58e corps de blindés (Allemagne)|{{58e|Panzerkorps}}]], composé de la [[2e division SS Das Reich|{{2e|Panzerdivision}} SS ''« Das Reich »'']], la [[9e division SS Hohenstaufen|{{9e|Panzerdivision}} SS ''« Hohenstauffen »'']] et la [[11e division SS Nordland|{{11e|Panzerdivision}} SS ''« Nordland »'']]<ref>Estèbe 2022, {{p.|276-277}}.</ref>. Le {{58e|Panzerkorps}} a pour rôle de maintenir les communications entre Toulouse et Bordeaux au nord-ouest, Bayonne au sud-ouest, et Sète à l'est, ainsi que les passages des Pyrénées vers l'Espagne<ref name="ref_auto_76">Estèbe 2022, {{p.|277}}.</ref>. Les effectifs restent éparpillés dans toute la région et les troupes, harcelées par les Résistants, se sentent assiégées et le moral est bas : les garnisons de Cahors et de Tarbes n'ont presque plus aucun lien avec l'état-major de liaison supérieur {{n°|564}} de Toulouse (''Hauptverbindungstab'', HVS)<ref name="ref_auto_76" />. Depuis le mois de mai, les autorités allemandes sont d'ailleurs convaincues que les Résistants tiennent la région, et les effectifs de la Résistance sont largement surévalués<ref name="ref_auto_76" />.
 
De leur côté, les forces de Vichy sont également inquiètes. Le préfet régional [[André Paul Sadon|André Sadon]] veut s'appuyer sur les les [[Groupe mobile de réserve|groupes mobiles de réserve]] (GMR) pour combattre les « terroristes »<ref name="ref_auto_76" />.
Dans les premières heures de l'après-midi du 20 août, des [[Barricade|barricades]] sont dressées autour de la [[gare Matabiau]], particulièrement dans la [[rue du Faubourg-Bonnefoy]] et sur la [[place Roquelaine]], et les premiers coups de feu éclatent. Il s'agit également de bloquer le départ des trains. Le « groupe Matabiau » joue un rôle particulier dans ces combats. Ils s'étendent rapidement à tous les quartiers de la ville, particulièrement à [[Quartier Saint-Michel (Toulouse)|Saint-Michel]], où la [[Prison Saint-Michel (Toulouse)|prison]] est investie par les résistants et les prisonniers, dont [[André Malraux]], libérés<ref name="Leroy Libération"/>.
 
==== La mobilisation des forces de la Résistance ====
À Toulouse, le lundi 21 août, on compte pas moins de {{formatnum:6000}} résistants en armes, qui prennent possession de tous les lieux publics. Dans l'après-midi, Serge Ravanel annonce, depuis le [[Capitole de Toulouse|Capitole]], la victoire toulousaine, mais aussi la poursuite des combats<ref name="Leroy Libération"/>. En effet, si les combats ont cessé en ville, ils se prolongent cependant dans toute la région. En effet, des colonnes allemandes venant des départements du sud-ouest traversent la région toulousaine. Des massacres sont également perpétrés dans des villages proches, comme à [[Villaudric]], où 19 habitants sont fusillés devant le café, le 20 août, et le village de [[Rimont]], en [[Ariège (département)|Ariège]], anéanti le 21 août<ref name="Leroy Libération"/>.
Durant le printemps 1944, les différents mouvements de résistance de la région toulousaine se sont unis. Le 8 juin 1944, [[Serge Ravanel]], monté à Paris pour rencontrer la direction nationale du [[Mouvement de libération nationale]] (MLN) et l'état-major des [[Corps francs de la libération]] (CFL), est confirmé par [[Pierre Kœnig]], général en chef des FFI, comme chef des [[Forces françaises de l'intérieur]] (FFI) pour la région R4, avec rang de colonel<ref name="ref_auto_79">Estèbe 2022, {{p.|278}}.</ref>{{,}}<ref name="Leroy Libération"/>. Il est averti qu'il doit transférer le commandement hors des grandes villes : aussi s'installe-t-il dans une ferme au bord de l'[[Agout]], entre [[Lavaur (Tarn)|Lavaur]] et [[Saint-Sulpice-la-Pointe]]<ref name="ref_auto_79" />. Il rassemble rapidement les Corps francs de la Libération (CFL), les [[Francs-tireurs et partisans]] (FTP), dirigés par [[Georges Delcamp]], la [[Francs-tireurs et partisans - Main-d'œuvre immigrée|Main-d'œuvre immigrée]] (MOI), l'[[Organisation de résistance de l'Armée]] (ORA), ainsi que les [[Guérillero espagnol|guérilleros espagnols]] et divers groupes locaux, comme le [[Corps franc Pommiès|Corps franc pyrénéen]] du commandant [[André Pommiès]], et le [[bataillon de l'Armagnac]], dirigé par [[Maurice Parisot]] et [[George Starr]], officier du [[Special Operations Executive]] (SOE) [[Royaume-Uni|britannique]]<ref name="ref_auto_79" />. Serge Ravanel essuie en revanche un refus de la part du [[Corps-franc de la Montagne Noire]] de [[Roger Mompezat]], [[Henri Sevenet]] et Harry Despeigne<ref>Estèbe 2022, {{p.|278-279}}.</ref>. Enfin, Serge Ravanel et son adjoint Claude Cartier-Bresson s'entourent d'inspecteurs sous-régionaux : [[Raymond Deleule]], chargé du [[Tarn (département)|Tarn]], du [[Tarn-et-Garonne]] et du [[Lot (département)|Lot]], Louis Thévenard des [[Hautes-Pyrénées|Hautes]] et des [[Pyrénées-Atlantiques|Basses-Pyrénées]], Robert Darnault du [[Lot-et-Garonne]], du [[Gers (département)|Gers]] et des [[Landes (département)|Landes]], Aubert de l'[[Ariège (département)|Ariège]], et [[Jean-Pierre Vernant]] de la [[Haute-Garonne]]. Les effectifs, dans la région R4, se composent donc des FTP qui comptent {{formatnum:16000}} combattants, des CFL {{formatnum:14000}}, et l'ORA {{formatnum:9400}}. Enfin, les guérilléros espagnols ont quelque {{formatnum:3500}} hommes dans la région<ref name="Leroy Libération">{{Lien web |auteur1= Élérika Leroy |titre=Libération de Toulouse, 19-20 août 1944 |url=http://francoisverdier-liberationsud.fr/liberation-de-toulouse-19-20-aout-1944/ |site=Mémorial Fançois Verdier Forain Libération Sud |date=2016-08-18 |consulté le=2023-11-04}}.</ref>.
 
D'un point de vue stratégique, Serge Ravanel souhaite le maintien d'effectifs importants de Résistants dans les villes, afin de s'emparer petit à petit des préfectures et rétablir progressivement la légalité républicaine face au [[régime de Vichy]]. En revanche, à la suite du [[Maquis des Glières|désastre des Glières]], il demande aux groupes trop importants de se diviser en unités plus petites et déconseille l'attaque des garnisons allemandes, recommandant le [[sabotage]] systématique et les [[Guérilla|petits engagements]]<ref name="ref_auto_82">Estèbe 2022, {{p.|279}}.</ref>. Les considérations militaires achoppent cependant sur la question de l'« insurrection nationale » contre l'ennemi, ordonnée par le [[Conseil national de la Résistance]] (CNR) : quand Georges Delcamp, des FTP, l'espère, le colonel Jean Bermont de Vaux, de l'ORA, la rejette catégoriquement<ref name="ref_auto_82" />. En même temps, l'enthousiasme provoqué par la perspective de la Libération provoque une situation contradictoire : les [[Maquis (résistance)|maquis]], voyant arriver des recrues nouvelles en grand nombre, sont parfois obligées de les refuser car ils ne peuvent les équiper ni les nourrir... au début du mois de juin, Jean-Pierre Vernant ne dispose ainsi que d'une arme pour dix combattants<ref name="ref_auto_83">Estèbe 2022, {{p.|280}}.</ref>.
 
=== Les combats de la Libération : juin-août 1944 ===
==== Accrochages, escarmouches et combats ====
Suivant les consignes, les forces de la Résistance redoublent dans leurs actions de sabotage contre les voies ferrées, les routes, les lignes téléphoniques et électriques et les S-Betriebe<ref name="ref_auto_83" />. Ainsi, les lignes de chemin de fer sont presque constamment bloquées, particulièrement la [[Ligne de Toulouse à Bayonne|ligne de Toulouse à Tarbes]] et la [[Ligne de Bordeaux-Saint-Jean à Sète-Ville|ligne de Toulouse à Montauban]]<ref name="ref_auto_83" />. La chasse aux collaborateurs est aussi intense : elle fait une cinquantaine de victimes en Haute-Garonne<ref name="ref_auto_73">Estèbe 2022, {{p.|281}}.</ref>.
 
Les combats les plus importants sont dus à l'initiative allemande, dont les forces essaient de desserrer l'étau des Résistants en sécurisant les voies de communication. Les opérations sont généralement menées par des unités de 300 ou 400 hommes. Le 12 juin, le [[maquis de Saint-Lys]] est attaqué : il accueillait, depuis le 7 juin, un nombre important de Toulousains qui avaient quitté la ville, menés par [[Pierre Degon]], chef régional des [[Mouvements unis de la Résistance]] (MUR), Eugène Viguier, chef départemental de [[France au combat]] (FAC), [[Jean Chaubet]], chef départemental de [[Franc-Tireur (mouvement de résistance)|Franc-Tireur]] (FT), et Camille Vié, responsable du comité départemental de la Résistance. Il est attaqué par une colonne du du {{3e|régiment}} de Panzergrenadier ''« Deutschland »'' : le bilan est de neuf maquisards tués, dont Jean Chaubet<ref group=N>Les victimes sont Abel Autofage, André Bousquairol, André Cavagnol, Jean Chaubet, Léonce Gonzales, Lucien Lafforgue, Eugène Lozes, Jean Micoud et Joseph Vié</ref>, et douze civils fusillés<ref>Estèbe 2022, {{p.|281-282}}.</ref>. Le [[maquis de Rieumes]], dirigé par le juge d'instruction de [[Muret (Haute-Garonne)|Muret]], André Reboul, puis le capitaine Jules Delattre, est attaqué au milieu du mois de juillet : le 15, le lieutenant Roger Cabe est tué dans une embuscade ; le 17 juillet, le maquis est la cible de quatre [[Bombardier (avion)|bombardiers]] [[Junkers Ju 88]] et d'une colonne de 200 soldats allemands<ref name="ref_auto_73" />. De nouvelles opérations ont lieu contre les maquis de Grenade le 18 juillet, Campells-Aspet le 19 juillet, l'Arsène le 31 juillet et Labaderque le 11 août<ref name="ref_auto_73" />.
 
==== L'aggravation de la répression allemande ====
Face à la recrudescence des actions de la Résistance, les forces allemandes s'en prennent aux populations civiles. Le 8 juin parvient l'ordre de procéder à l'arrestation de personnalités de la société civile, notables dont la liste a été établie par le ''Kommando der Sicherheitspolizei und des Sicherheitsdienst'' (KdS). À la [[Prison Saint-Michel (Toulouse)|prison Saint-Michel]] sont incarcérés 17 personnes, dont [[Albert Sarraut]] et [[Jean Baylet]], dirigeants de ''[[La Dépêche du Midi|La Dépêche]]'', [[André Haon]], ancien [[maire de Toulouse]], [[Robert Deltheil]], [[Recteur d'académie en France|recteur]] de l'[[Académie de Toulouse|académie]], Fau et Escudier, présidents à la [[Cour d'appel de Toulouse|cour d'appel]], [[Bruno de Solages]], Carrière, Decahors et [[Joseph Salvat]], recteur et professeurs à l'[[Institut catholique de Toulouse|Institut catholique]], Louis Courtois de Viçose, directeur de la [[Banque Courtois|banque du même nom]], ainsi que des cadres de la SNCF et des personnalités de la police, comme le contrôleur général de la police Jean, et de l'armée<ref>Estèbe 2022, {{p.|282-283}}.</ref>.
 
Le 10 juin, une colonne se déchaîne dans la vallée de la Garonne : à [[Saint-Martory]], [[Marsoulas]], où sont assassinées 27 personnes, [[Mazères (Ariège)|Mazères]] et [[Betchat]]<ref name="ref_auto_71">Estèbe 2022, {{p.|282}}.</ref>. Le 27 juin, les SS du régiment ''« Deutschland »'' fusillent 15 personnes à [[Castelmaurou]], dans la banlieue nord de Toulouse<ref name="ref_auto_71" />. Le 6 juillet, à la suite de la dénonciation d'un collaborateur de la Sipo-SD, les soldats de la division ''« Das Reich »'' investissent le village de [[Buzet-sur-Tarn]] : à la Borde Basse, Antoine Porta, lié à l'[[Armée secrète (France)|Armée secrète]], est torturé et exécuté avec ses deux fils, Jean et Joseph. Dans le village, cinq hommes faisant partie du même groupe de résistants, ainsi que le maire, sont arrêtés et emmenés au domaine de la Palmola, également torturés et exécutés. Le soir, un couple est assassiné à la ferme de Vieusse<ref name="ref_auto_74">Jean-Louis Ponnavoy, [https://maitron.fr/spip.php?article249201 « notice Buzet-sur-Tarn (Haute-Garonne) massacres de juillet et août 1944 »], version mise en ligne le 29 juin 2022, modifiée le 15 octobre 2022.</ref>. Le 17 août, une 29 détenus de la prison Saint-Michel et 25 de la prison Furgole sont transférés à [[Buzet-sur-Tarn]], à la ferme d'En Fournet où ils sont exécutés, leurs corps brûlés<ref name="ref_auto_71" />{{,}}<ref name="ref_auto_74" />. Le 19 août, à la veille de la libération de Toulouse, 28 personnes sont exécutées au [[camp de Bordelongue]] (emplacement de l'actuel {{n°|274}} route de Seysses)<ref name="ref_auto_71" />.
 
Les convois de déportation se poursuivent également pendant l'été 1944. Le 15 juin, les personnalités toulousaines arrêtées une semaine plus tôt dans la nuit du 8 au 9 juin, sont transférées au [[camp de Compiègne]] : un mois plus tard, les « déportés d'honneur » sont envoyés au [[camp de concentration de Neuengamme]], dans la banlieue de [[Hambourg]]<ref group=N>Dans le groupe des « déportés d'honneur » , il y a un mort, Louis Courtois de Viçose, tué le 17 janvier 1945 lors d'un [[Bombardements stratégiques durant la Seconde Guerre mondiale|bombardement aérien]] de Hambourg par les [[Alliés de la Seconde Guerre mondiale|forces alliées]].</ref>{{,}}<ref>Estèbe 2022, {{p.|283}}.</ref>. Le 30 juillet 1944, le [[camp du Vernet]] est finalement vidé par les [[Schutzstaffel|SS]] : 163 personnes sont déportées en [[Troisième Reich|Allemagne]], les hommes au [[camp de Buchenwald]], les femmes au [[camp de Ravensbrück]]<ref name="ref_auto_24" />.
 
* [[Train fantôme (déportation)|Train fantôme]]
 
==== La Libération de Toulouse ====
Alors que des parties importantes de la région R4 passent sous le contrôle des Résistants, [[Serge Ravanel]] s'inquiète de la faiblesse de ses troupes dans la ville de Toulouse. D'ailleurs, il ne peut plus espérer compter sur une insurrection en sa faveur de la gendarmerie et de la police, particulièrement les les [[Groupe mobile de réserve|groupes mobiles de réserve]] (GMR) qui, le 12 août, sont désarmés par les Allemands<ref name="ref_auto_78">Estèbe 2022, {{p.|284}}.</ref>. Le 14 août, il demande aux maquis du Lot, au [[bataillon de guérilla de l'Armagnac|bataillon de l'Armagnac]], aux corps francs de la libération du Tarn et du Tarn-et-Garonne, et au [[corps franc Pommiès]] de lui envoyer des renforts. Serge Ravanel espère 4 à {{formatnum:5000}} hommes et finalement, excepté d'[[André Pommiès]], qui ne concède l'envoi que de la brigade du Cramaussel, il est entendu<ref name="ref_auto_81">Estèbe 2022, {{p.|286}}.</ref>.
 
Mais c'est le [[Débarquement de Provence|débarquement des Alliés en Provence]], le 15 août 1944, et surtout son rapide succès, qui changent complètement la situation militaire à Toulouse et dans le Sud-Ouest. Les résistants comprennent que les troupes allemandes cantonnées dans la région doivent se redéployer. Effectivement, le 18 août, l'état-major de liaison supérieur (''Hauptverbindungstab'', HVS) de Toulouse, le HVS 564, reçoit du commandement militaire à Lyon l'ordre de retraite : la ville doit être évacuée le lendemain à 14 heures, un délai extrêmement court<ref name="ref_auto_78" /> ! Les troupes allemandes stationnées dans les casernes de Compans et de Caffarelli commencent à évacuer la ville avec l'ordre de se diriger vers le nord-est de la France. Le 19 août, elles brûlent leurs archives, font sauter les dépôts de munitions à Blagnac, les installations télégraphiques et téléphoniques de la Grande Poste (actuel {{n°|11}} [[Rue Lafayette (Toulouse)|rue Lafayette]]) et de la Poste de Saint-Aubin (actuel {{n°|1}} [[rue Charles-Camichel]]), les Magasins généraux (emplacement de l'actuelle résidence du Nouveau Raisin, [[avenue François-Collignon]])<ref name="ref_auto_78" />{{,}}<ref name="Leroy Libération"/>. Le feu est mis au siège de la Gestapo (actuel {{n°|}} [[allée Frédéric-Mistral]]) et au consulat d'Allemagne<ref name="ref_auto_78" />{{,}}<ref name="Leroy Libération"/>.
 
Serge Ravanel appelle les groupes de résistants à empêcher les troupes allemandes de quitter la ville et élabore avec [[Jean-Pierre Vernant]] les plans de l'insurrection de Toulouse<ref name="ref_auto_81" />. Des groupes se forment dans la ville, tels le groupe « Matabiau », composé de cheminots, de syndicalistes, de FTPF et de communistes<ref name="ref_auto_70">Estèbe 2022, {{p.|287}}.</ref>{{,}}<ref name="Leroy Libération"/>. Dans les premières heures de l'après-midi, des [[Barricade|barricades]] sont dressées dans la [[rue du Faubourg-Bonnefoy]] et sur la [[place Roquelaine]], autour de la [[gare Matabiau]] et de la [[gare de Raynal]] afin de bloquer le départ des trains. Les combats s'étendent à d'autres quartiers de la ville, aux [[Minimes (Toulouse)|Minimes]], à [[Quartier Saint-Cyprien|Saint-Cyprien]] et à [[Quartier Saint-Michel (Toulouse)|Saint-Michel]], où la [[Prison Saint-Michel (Toulouse)|prison]] est investie par les résistants et les prisonniers, dont [[André Malraux]], libérés<ref name="ref_auto_70" />{{,}}<ref name="Leroy Libération"/>. Mais les forces résistantes étant encore relativement peu nombreuses, ces affrontements restent limités. Dans la soirée, une réunion des responsables du comité de libération a lieu dans les bureaux d'une entreprise du quartier des [[Quartier des Chalets|Chalets]] (actuel {{n°|25}} [[Rue du Printemps (Toulouse)|rue du Printemps]]) : il est décidé que, le lendemain, [[Jean Cassou]], [[Commissaire de la République institué par le Gouvernement provisoire de la République française|commissaire de la République]], s'installera au [[Palais archiépiscopal de Toulouse|Palais national]] (actuel {{n°|1}} [[Place Saint-Étienne (Toulouse)|place Saint-Étienne]]), siège de la préfecture. Mais, en sortant de la réunion, portant des brassards FFI et circulant à bord d'une voiture arborant des fanions tricolores, il rencontre un convoi allemand à l'angle du [[Boulevard de Strasbourg (Toulouse)|boulevard de Strasbourg]] et de la [[rue Roquelaine]] : Jean Cassou, laissé pour mort, est gravement blessé, ses deux compagnons, Jean Courtinade et Lucien Cassagne, sont tués<ref>Estèbe 2022, {{p.|287-288}}.</ref>.
 
[[Fichier:La Place du Capitole le 21 août 1944 (pour la Libération de Toulouse).jpg|vignette|La [[Place du Capitole (Toulouse)|place du Capitole]], le 21 août 1944.]]
À Toulouse, le lundi 21 août, on compte pas moins de {{formatnum:6000}} résistants en armes, qui prennent possession de tous les lieux publics. Dans l'après-midi, Serge Ravanel annonce, depuis le [[Capitole de Toulouse|Capitole]], la victoire toulousaine, mais aussi la poursuite des combats<ref name="Leroy Libération"/>. En effet, si les combats ont cessé en ville, ils se prolongent cependant dans toute la région. En effet, des colonnes allemandes venant des départements du sud-ouest traversent la région toulousaine. Des massacres sont également perpétrés dans des villages proches, comme à [[Villaudric]], où 19 habitants sont fusillés devant le café, le 20 août, et le village de [[Rimont]], en [[Ariège (département)|Ariège]], anéanti le 21 août<ref name="Leroy Libération"/>.
 
Le 22 août, une cérémonie, tenue dans la [[Cathédrale Saint-Étienne de Toulouse|cathédrale Saint-Étienne]], rend hommage aux 35 combattants tués dans les combats. Elle est présidée par l'[[archevêque de Toulouse]], [[Jules Saliège]]<ref name="Leroy Libération"/>.
 
=== Les premiers moissemaines de l'après-guerre ===
{{...}}
[[Camille Soula]] propose la suppression de l'[[académie des Jeux floraux]], qui a reçu [[Philippe Pétain]] en 1940, et dont plusieurs membres ont été compromis avec le régime de Vichy, tels l'amiral [[Jean-Marie Abrial]], le ministre [[Joseph Barthélemy|Joseph Barthélémy]], l'écrivain [[Charles Maurras]] et le procureur [[Pierre Lespinasse]]. Finalement, Bertaux en écarte l'idée<ref>Estèbe 2022, {{p.|256}}.</ref>.
 
==== La visite de Charles de Gaulle ====
Le 16 septembre 1944, le général Charles de Gaulle vient à Toulouse. Venu de Marseille, il est accueilli vers 10 h à l'[[aéroport de BlagnacFrancazal]]<ref>Charpentier 2023, {{p.|39}}.</ref> par le [[Commissaire de la République institué par le Gouvernement provisoire de la République française|commissaire de la République]], [[Pierre Bertaux]], et l'ensemble des représentants de la Résistance toulousaine : le journal communiste ''le Patriote du Sud-Ouest'' annonce que « Toulouse, qui s'est libérée par ses propres moyens et qui a restauré d'elle-même l'ordre républicain, salue en vous l'officier fidèle à la patrie, l'homme qui a su dire clairement ce qu'il voyait, le chef du gouvernement qui a rassemblé et uni toutes les volontés, l'homme enfin en qui tous les partis et tous les patriotes ont confiance ». Charles de Gaulle se rend au [[Capitole de Toulouse|Capitole]], où il est acclamé par une foule de plusieurs dizaines de milliers de personnes qui l'attendent sur la [[Place du Capitole (Toulouse)|place]]. Il célèbre d'abord la Résistance locale : « Toulouse, Toulouse libre, Toulouse fière, fière parce qu'elle est libre et fière parce qu'au milieu de toutes les larmes, de toutes les angoisses, de toutes les espérances qu'elle a traversées, jamais Toulouse n'a cru que la France était perdue, jamais Toulouse n'a renoncé ni à la grandeur du pays, ni à sa victoire, ni à la liberté des hommes, ni à celle des Français et des Françaises »<ref name="Goubet 2008 1">Goubet 2008, "Le voyage du général de Gaulle à Toulouse".</ref>.
 
Pourtant, lors de la réunion des autorités locales à la Préfecture, les malentendus entre Charles de Gaulle et les autorités toulousaines apparaissent. Le premier, soucieux du rétablissement de l'ordre et de la reconnaissance de l'autorité de son gouvernement, s'inquiète de la formation d'une « république rouge » à Toulouse. Le colonel anglais Starr "Hilaire", un agent du [[SOE en France|SOE]] qui a agi pour la Résistance dans le Gers et dans les Landes, est mal reçu par Charles de Gaulle. De même, dans « l'affaire des grades et des décorations », les responsables FFI qui ne sont pas officiers de carrière sont humiliés – ainsi, Serge Ravanel se voit reprocher de porter un ruban de l'[[ordre de la Libération]]. Enfin, Charles de Gaulle impose le général Collet pour commander la région militaire de Toulouse<ref name="Goubet 2008 1"/>.
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==== La reprise en main des FFI ====
Le général Collet arrive au début du mois d'octobre 1944. Le 22, il met fin à l'état-major FFI en fusionnant les états-majors des troupes et territorial. Le 26, il devient officiellement commandant de la {{17e}} Région militaire. Progressivement, la plupart des FFI qui sont encore à l'état-major sont écartés et rendus à la vie civile. Ainsi, Serge Ravanel, ayant choisi de rester dans l'armée, préfère démissionner en 1949<ref>Goubet 2008, "La normalisation dans le domaine militaire après la Libération".</ref>.
 
== Hommages et postérité ==
=== Musée départemental de la Résistance et de la Déportation ===
Dans la ville, de nombreuses [[Plaque commémorative|plaques commémoratives]] sont placées près des lieux où des personnes ont été tuées. De même, de nombreuses voies portent le nom de Résistants.
[[Fichier:MDR&D - Façade.jpg|vignette|Le [[Musée départemental de la Résistance et de la Déportation (Toulouse)|musée départemental de la Résistance et de la Déportation]].]]
{{Article détaillé|Musée départemental de la Résistance et de la Déportation (Toulouse)}}
 
=== Plaques et monuments ===
Dans la ville, les noms des victimes de la guerre sont inscrits sur les [[Monument aux morts|monuments aux morts]]. Comme il n'existe pas à Toulouse de monument communal unique, mais des monuments par [[Quartiers de Toulouse|quartier]], leurs noms ont été ajoutés aux monuments aux morts élevés durant l'[[entre-deux-guerres]] à la suite de la [[Première Guerre mondiale]].
 
De plus, de nombreuses [[Plaque commémorative|plaques commémoratives]] sont placées sur des bâtiments toulousains. Il peut s'agir de plaques posées près des lieux où des personnes ont été tuées. Il existe des plaques rappelant le souvenir d'un Résistant, près de son lieu de travail, comme dans le cas de [[Marie-Louise Dissard]] (actuel {{n°|40}} [[rue de la Pomme]]) et de René Galache (actuel {{n°|44}} [[rue Achille-Viadieu]])<ref>[[Claude Pennetier]], [https://maitron.fr/spip.php?article238334 « Notice GALACHE René, Antoine dit ROBERT, dit RIGAL. Écrit parfois LAGACHE »], sur le site du [[Maitron en ligne]], mis en ligne le 13 février 2021, modifié le 24 mai 2021 (consulté le 23 novembre 2023).</ref>. Enfin, certaines plaques honorent la mémoire des [[Déportation des Juifs de France|Juifs déportés]] et mis à mort dans les [[camps d'extermination]], comme celle posée à l'entrée du collège Pierre-de-Fermat, ancien lycée de garçons de Toulouse (actuel {{n°|1}} [[allée Maurice-Prin]]).
 
Enfin, de nombreuses [[Liste des voies de Toulouse|voies]] portent le nom de Résistants.
 
* ''Monument à la Gloire de la Résistance''
 
== Notes et références ==
=== Notes ===
{{Références|group=N}}
 
=== Références ===
{{Références}}
 
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=== Bibliographie ===
==== Ouvrages généraux ====
* [[Jean-MarcLouis Olivier]]Destrem et RémyClaude Pech (dir.)Llabres, ''HistoireToulouse deen Toulousenoir et blanc. Les années de laguerre, métropole1939/1944'', Toulouse, éd. PrivatMilan, 2019Toulouse, 800 p.1994 {{ISBN|978-2-70898411-83793010-38}}.
* Jean Estèbe, ''Toulouse. 1940-1944'', éd. Perrin, Paris, 1996 {{ISBN|978-2-2620-0091-2}} ; rééd. Cairn Éditions, Morlaàs, 2022 {{ISBN|979-10-7006-039-1}}.
* [[Philippe Wolff]] (dir.), [[Michel Labrousse]], Marcel Durliat, [[Bartolomé Bennassar]], Bruno Tollon, [[Jacques Godechot]], ''Histoire de Toulouse'', Toulouse, éd. Privat, 1974 {{ISBN|2-7089-4709-5}}.
* ClaudeMichel Llabres et Louis DestremGoubet, ''Toulouse en noir et blanc.la LesHaute-Garonne annéesdans dela guerre, 1939/1944-1945. La vie quotidienne en images'', éd. MilanHorvath, ToulouseParis, 19941987 {{ISBN|978-2-84117171-30100505-86}}.
* Jean Estèbe, ''Toulouse. 1940-1944'', éd. Perrin, Paris, 1996 {{ISBN|978-2-2620-0091-2}}.
 
==== Résistance ====
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* Marcel Céroni, ''Le Corps Franc Pommiès'', vol. 1, ''La Clandestinité'', et vol. 2, ''La Lutte ouverte'', Amicale du Corps franc Pommiès, éd. du Grand Rond, Toulouse, 1984.
* José Cubero, ''La Résistance à Toulouse et dans la Région 4'', éd. Sud Ouest, 2005.
* {{Ouvrage|prénom1=Paul|nom1=Debauges|prénom2=Michel|nom1nom2=Goubet|titre=Histoire de la Résistance dans la Haute-Garonne|éditeur=éd. Milan|date=1986|isbn=2-86726-093-0|isbn2=978-2-86726-093-3|oclc=18462801|lire en ligne=|consulté le=}}
* Claude Faber, ''Achille Viadieu d'ombre et de courage. Le résistant aux deux visages'', éd. Privat, Toulouse, 2013.
* Michel Goubet, « L'historiographie de la Résistance en région toulousaine (ancienne région R4) », ''Faire l’histoire de la Résistance'', Presses universitaires de Rennes, Rennes, 2010 [https://books.openedition.org/pur/128817?lang=fr (lire en ligne)].
* Michel Goubet, ''La résistanceRésistance danset leles Midiannées Toulousainnoires à Toulouse et en Haute-Garonne. 1940-1944'', éd.CRDP PrivatMidi-Pyrénées, Toulouse, 20152004.
* Michel Goubet, ''La Résistance dans le Midi Toulousain'', éd. Privat, Toulouse, 2015.
* Greg Lamazères, ''Marcel Langer, une vie de combats. 1903-1943. Juif, communiste, résistant… et guillotiné'', éd. Privat, Toulouse, 2003.
 
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* Jürg Altwegg, ''L'Odyssée du train fantôme. 3 juillet 1944 : une page de notre histoire'', éd. Robert Laffont, Paris, 2001.
* P. Castel, P. Coll, P. Léoutre et L. Sabah, ''Antimaçonnisme, franc-maçons et Résistance dans le Midi toulousain'', éd. Les 2 Encres, 2009.
* Jean Estèbe, [https://www.persee.fr/doc/anami_0003-4398_1992_num_104_199_3752 « Les Juifs à Toulouse et en Midi toulousain pendant la Seconde Guerre mondiale : état de la question »], ''Annales du Midi'', tome 104, {{n°|199-200}}, ''Les Années quarante dans le Midi'', 1992, {{p.|461-475}}.
* Jean Estèbe, ''Les Juifs à Toulouse et en Midi toulousain au temps de Vichy'', Presses universitaires du Mirail, Toulouse, 1996.
* M. Fernandez et F. Gourrat, ''Les internements administratifs dans le Midi toulousain sous Vichy. 1940-1944'', 1985.
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=== Articles connexes ===
* [[Histoire de Toulouse]]
* [[Histoire de l'Occitanie pendant le régime de Vichy]]
* [[Musée départemental de la Résistance et de la Déportation (Toulouse)|Musée départemental de la Résistance et de la Déportation]]
* [[Occupation de la France par l'Allemagne pendant la Seconde Guerre mondiale]]
 
=== Liens externes ===
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* [https://museedelaresistanceenligne.org/ Site officiel du musée de la Résistance en ligne]
 
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[[Catégorie:Toulouse pendant la Seconde Guerre mondiale|*]]
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[[Catégorie:Histoire de Toulouse|Seconde Guerre mondiale]]