« João Guimarães Rosa » : différence entre les versions
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| date de naissance = {{date de naissance|27 juin 1908|en littérature}}
| lieu de naissance = [[Cordisburgo]], {{Brésil}}
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'''João Guimarães Rosa''', né le {{date de naissance|27 juin 1908}} à [[Cordisburgo]] ([[Minas Gerais]]) et mort le {{date de décès|19 novembre 1967}} à [[Rio de Janeiro]], est un médecin, écrivain et diplomate [[brésil]]ien. Il est l’auteur d’une importante œuvre littéraire se composant de six recueils de nouvelles (dont deux posthumes) et surtout d’un monumental roman [[Épopée|épique]], à multiples strates, intitulé ''{{||Grande Sertão: veredas}}'' ([[1956]] ; paru en traduction française sous le titre de ''[[Diadorim]]''), ouvrages dans lesquels, la plupart du temps, le ''[[sertão]]'' est le cadre de l'histoire, et qui se signalent par leurs innovations de langage, souvent déroutantes, mélangeant [[archaïsme]]s, mots et tournures des parlers populaires, [[Régionalisme (linguistique)|régionalismes]], termes érudits, vocables empruntés aux autres langues (que l’auteur connaissait en grand nombre), [[néologisme]]s, [[Purisme (linguistique)|purismes]], altérations de mots et d’[[Idiotisme|expressions idiomatiques]]
== Biographie ==
Né à Cordisburgo le {{date|27 juin 1908}}, dans l'État brésilien du [[Minas Gerais]], un peu au nord de la capitale [[Belo Horizonte]], il
Ayant cette même année 1930 obtenu son diplôme, il
Entre-temps, il
{{citation bloc|Je parle [[portugais]], [[allemand]], [[français]], [[anglais]], [[espagnol]], [[italien]], [[espéranto]], un peu de [[russe]] ; je lis le [[suédois]], le [[néerlandais]], le [[latin]] et le [[Grec ancien|grec]] (mais avec un dictionnaire à portée de main) ; je comprends quelques dialectes allemands ; j'ai étudié la grammaire du [[hongrois]], de l'[[arabe]], du [[sanscrit]], du [[lituanien]], du [[polonais]], du [[Tupi (langue)|tupi]], de l'[[hébreu]], du [[japonais]], du [[tchèque]], du [[finnois]], du [[danois]] ; j'en baragouine quelques autres. Mais toutes mal. Et je pense qu'étudier l'esprit et le mécanisme des autres langues aide beaucoup à une compréhension plus profonde de sa propre langue. Principalement quand on étudie pour le divertissement, par goût et pour le plaisir.}}
Dans le même temps, il
De retour d’Itaguara, Guimarães Rosa
[[Fichier:Guimarães_Rosa_em_viagem.jpg|vignette|Guimarães Rosa en 1952.]]
En [[1934]],
La première fonction qu’il
[[Fichier:Posse de Guimarães Rosa na ABL, 1967.tif|gauche|vignette|190px|Réception de Guimarães Rosa à l’[[Académie brésilienne des lettres]] en 1967.]]
Après une première tentative infructueuse en 1957, où dix voix seulement se portèrent sur son nom, il reposa en 1963 sa candidature à l’[[Académie brésilienne des lettres]], où il fut élu à l’unanimité. Cependant, souffrant de problèmes cardiaques, il s’efforça de différer le plus possible son installation officielle. En 1967, il s'y résolut enfin, et la cérémonie eut lieu le jeudi {{date-|16 novembre}} ; le dimanche {{date-|19 novembre}} au matin, sa femme et sa petite-fille le trouvaient mort à sa table de travail. Auparavant, à l’initiative de ses éditeurs allemand, français et italien, il avait été proposé pour le [[prix Nobel de littérature]].▼
▲Après une première tentative infructueuse en 1957, où dix voix seulement se
L’homme Guimarães Rosa, dont l’œuvre pourtant regorge de violence, de passion, d’outrance, de questionnements métaphysiques, de poésie intense, d’écarts langagiers, était à la ville un homme affable et méthodique, prévenant, de haute stature, toujours impeccablement mis, avec son inséparable nœud papillon et ses grosses lunettes. Il évitait la presse et la publicité, se soustrayant autant que possible à la cohue des journalistes ; il est significatif qu’il n’accorda, de toute sa vie, que deux entretiens importants : en [[1965]], au critique allemand Günther Lorenz, et en 1966 au journaliste Fernando Camacho. En revanche, ses échanges par lettres avec les traducteurs (italien: Edoardo Bizarri, allemand: Meyer-Clason, français : J.J Villard, et anglais : Harriet de Onis) constituent des sources d'information très importantes pour la compréhension de son œuvre littéraire.▼
▲L’homme Guimarães Rosa, dont l’œuvre pourtant regorge de violence, de passion, d’outrance, de questionnements métaphysiques, de poésie intense, d’écarts langagiers, était à la ville un homme affable et méthodique, prévenant, de haute stature, toujours impeccablement mis, avec son inséparable nœud papillon et ses grosses lunettes. Il évitait la presse et la publicité, se soustrayant autant que possible à la cohue des journalistes ; il est significatif qu’il n’accorda, de toute sa vie, que deux entretiens importants : en [[1965]], au critique allemand Günther Lorenz, et en 1966 au journaliste Fernando Camacho. En revanche, ses échanges par lettres avec les traducteurs (italien : Edoardo Bizarri, allemand : Meyer-Clason, français : J.J Villard, et anglais : Harriet de Onis) constituent des sources d'information très importantes pour la compréhension de son œuvre littéraire.
== Œuvre ==
La carrière d'écrivain de Rosa
=== ''Sagarana'' ===
En 1938, sous le pseudonyme de ''Viator'' (mot latin signifiant ''voyageur''), il
=== ''Corpo de Baile'' et ''Diadorim'' ===
Un périple effectué par Rosa en 1952 au Mato Grosso,
''{{lang|pt|Corpo de Baile}}'' est sans doute son œuvre la plus autobiographique, avec en particulier la nouvelle ''{{lang|pt|Campo Geral}}'', où l’auteur conte en fait une expérience personnelle, emblématique, qu’il vécut enfant : l’expérience d’un garçonnet passant pour indolent jusqu’au jour où un médecin de passage détecte sa [[myopie]] et lui prescrit des lunettes ; le monde alors
''{{lang|pt|Grande sertão: Veredas}}'' est l’œuvre maîtresse de Rosa, que l’auteur qualifiait d' « autobiographie irrationnelle ». Il s'agit d'un texte extraordinaire par son ampleur, sa structure, son souffle, son langage, sa multistratification, et par la pluralité des interprétations auxquelles il peut donner lieu : on a pu y voir une grande [[allégorie]] de la condition humaine, tout en le considérant à la fois comme un roman philosophique, psychologique, initiatique, et comme une épopée apparentée aux chansons de geste, en rapport avec les littératures et les mythologies aussi bien orientales qu'occidentales. En dépit de toutes ces strates interprétatives, on peut se contenter de le lire comme un roman d’aventures captivant, aux multiples péripéties, et au dénouement inattendu.
==== L'intrigue de ''{{lang|pt|Grande Sertão: Veredas}}'' (
Dans un immense monologue dont aucun découpage en chapitres ne facilite la lecture, un propriétaire terrien âgé, Riobaldo,raconte sa jeunesse aventureuse à un intellectuel issu de la ville, et qu’il imagine bardé de diplômes. Apparu par hasard dans sa fazenda de l’intérieur de Minas Gerais, dans la haute vallée du fleuve São Francisco, ce narrateur inconnu serait venu enquêter sur le monde du sertão en cours de disparition ; et il écoute le témoignage du vieil homme sans l’interrompre pendant trois journées d'affilée.
Maintenant riche et sédentaire, le protagoniste-narrateur a mené ‑ probablement dans les années 1920/30, l’existence errante des {{lang|pt|jagunços}}, ces bandits de grand chemin écumeurs du sertão de Minas, plus ou moins au service de chefs politiques locaux en opposition avec le gouvernement central de la jeune république brésilienne. Et son discours est d'emblée marqué par l’obsession qu’il pourrait être un suppôt de Satan : en effet, pour venger Joca Ramiro, le chef charismatique assassiné par deux de ses lieutenants, Riobaldo avait imaginé de s’assurer l’appui du prince des ténèbres, en le citant à comparaître sur les ''{{lang|pt|Veredas Mortes}}'', un espace a priori négatif, situé sur une hauteur, à la croisée de deux ''{{lang|pt|veredas}}'' aux eaux stagnantes. En contradiction totale avec la charge positive dont le terme de ''{{lang|pt|vereda}}'' bénéficie tout au long du récit où il identifie un paysage d’oasis orné de palmiers ''{{lang|pt|buritis}}'' en contraste avec la sécheresse des plateaux du sertão de Minas Gerais, ce toponyme se trouve réhabilité à la fin du roman lorsqu’un habitant de la contrée en rectifie le qualificatif : en « réalité » il s’agissait des ''Veredas Hautes'' et non pas ''Mortes''.
Le prétendu pacte avec Lucifer se serait déroulé à une date non précisée, mais qu’un certain nombre de repères temporels fournis au hasard du discours permet au lecteur méticuleux de situer par recoupements à la minuit de la Saint Jean d’hiver. En fait, le diable n’a pas comparu, et pourtant à l’issue de cette nuit fatidique, investi d’une puissance irrésistible, Riobaldo prend la tête de la bande, et pourchasse victorieusement les traîtres, qui sont exécutés au terme de deux combats décisifs : l’un dans la plaine du Tamandua-tão, l’autre dans le hameau de Paredão, deux espaces dont la topographie suggère la sacralité. Cependant l’épopée débouche sur la tragédie : le fils de Joca Ramiro, l’étrange Diadorim aux yeux verts, ce {{lang|pt|jagunço}} pour lequel le protagoniste ressentait une attirance qui était plus que de l’amitié, périt
l'acmé de l’ultime combat, et la toilette de son cadavre révèle l’un des mystères que le récit n’a cessé d’entretenir... Mais au-delà de l'intrigue, l’essentiel réside dans l’interrogation permanente du narrateur sur les motivations profondes qui ont déterminé ses actes tout au long de sa traversée du sertão. Cette interrogation, est menée avec l’aide d’un guide spirituel, un adepte du spiritisme d’Allan Kardec, ce « Compère Quelémém », que Riobaldo consulte régulièrement, et dont les références multiples à la réincarnation et à la loi du Karma, fonctionnent comme autant d’appels susceptibles de s’appliquer au « destin » de son disciple. Quant à la visite inopinée du narrateur, elle constitue une occasion idéale pour remettre en question toute la vie de l’ex-jagunço, et notamment l’horrible hypothèse d’une éventuelle damnation consécutive à la tentative de pacte avec le diable.
==== Le sertão oriental-occidental ====
Entre autres énigmes, Riobaldo s’inquiète de sa relation avec le premier des chefs {{lang|pt|jagunços}}, Hermogénés, sous les ordres de qui il entreprendra sa traversée du sertão, avant que ledit Hermogénés n’assassine Joca Ramiro. Cet Hermogénés apparaît d’emblée comme une caricature du traître, émanation du mal absolu ; d’ailleurs la rumeur le prétend lié à Satan par « le » pacte qui lui assurerait la victoire en toutes circonstances. Mais à un autre niveau, « Père et Fils d’Hermès » comme son nom l’indique, Hermogénés incarne les forces obscures et chtoniennes symbolisées par ce « Premier Mercure » que les alchimistes disent devoir extraire et intégrer à leur matière première au tout début de leur entreprise. Et c’est bien sous son égide que Riobaldo intègre les forces des ténèbres, lors de son premier combat, et en dépit de la haine irrationnelle qu’il ne cesse de ressentir à l’encontre de son initiateur, avant même que ce dernier n’ait commis son forfait. Pour incarner ensuite le Chef chargé d’éliminer du sertão la figure maléfique d’Hermogénés, l’apprenti Riobaldo devra progresser sur la voie de la maîtrise.
Il entreprend cette démarche, d’abord sous le parrainage de Zé Bébélo qui prenait la tête des jagunços restés fidèles à l’image idéalisée de Joca Ramiro après son assassinat. Nouveau Zorobabel réorganisant une troupe désemparée, Zé Bébélo ne parviendrait pas à conduire ses hommes en Terre Promise. À la suite d'un premier échec lors du siège de la Fazenda des Toucans – fazenda dans laquelle le lecteur averti pourra reconnaître leTemple-Pyramide-Nécropole de Memphis installé dans la vallée brésilienne du fleuve São Francisco – il s’immobilisait sur les terres de Seô Habão que ses voisins immédiats appellent Abrão, du nom du premier patriarche d’Israël. Là-bas, comme Moïse cédant de son plein gré le pouvoir à Josué, Zé Bébélo investissait son protégé Riobaldo en le baptisant du nom d’''Urutu-Branco'' (''Crotale-Blanc),'' sous lequel le nouveau Chef entreprend de parachever l’œuvre de vengeance ‑ et de sanctionner le karma d’Hermogénés comme dirait « Compère Quélémem ».
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