« Jeanne Desparmet-Ruello » : différence entre les versions

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== Biographie ==
=== Famille et jeunesse ===
Jeanne Ruello nait le {{date|25 octobre 1847}} à [[Issoire]], dans le [[Puy-de-Dôme]]. Elle est la fille de deux [[Bretagne|Bretons]] : Louis Marie Alphonse Ruello, professeur de mathématiques, et Edma Louise Pétronille Lostie de Kerhor, femme au foyer issue de la [[noblesse]] bretonne<ref group="p">{{Référence Harvard sans parenthèses|Paul|2019|p=45}}</ref>. Mariés en 1839, ceux-ci s'installent ensemble à [[Quimper]], où ils vivent jusqu'en 1846, date à laquelle Alphonse Ruello de Kerhor est nommé au collège d'Issoire. Outre Jeanne, lui et son épouse sont également les parents de trois autres filles : Julie (née en 19441844), Marie (née en 1845 ou 1846) et Louise Edma (née en 1850)<ref group="p">{{Référence Harvard sans parenthèsessfn|Paul|2019|p=46|gr=p}}</ref>. C'est à la suite de la naissance de sa quatrième fille qu'Edma Ruello meurt le {{Date|15 aout 1850}}, après quoi Alphonse Ruello de Kerhor abandonne ses filles<ref group="p">{{Référence Harvard sans parenthèsessfn|Paul|2019|p=48|gr=p}}</ref>. Ces dernières sont alors recueillies par leur tante et leur oncle, Hortense de Kerhor et Alexandre Gillet, qui les élèvent à [[Bordeaux]] avec le soutien financier de deux autres oncles<ref group="p">{{Référence Harvard sans parenthèsessfn|Paul|2019|p=49|gr=p}}</ref>.
 
Bien que Jeanne et Louise Edma Ruello ne bénéficient pas des mêmes moyens que leurs sœurs ainées, elles étudient comme elles au couvent des dames de Lorette jusqu'à l'âge de dix-huit ans<ref group="p">{{Référence Harvard sans parenthèsessfn|Paul|2019|p=52-58|gr=p}}</ref>. Puis lorsqu'elle en sort, en octobre 1865, Jeanne Ruello s'inscrit au cours Saugeon, où elle continue d'étudier, en particulier les matières scientifiques<ref group="p">{{Référence Harvard sans parenthèsessfn|Paul|2019|p=60-61|gr=p}}</ref>.
 
=== Carrière ===
En 1866<ref name=":2">{{Référence Harvard sans parenthèsessfn|Fabre|2020|p=118}}</ref>, Jeanne Ruello commence sa carrière d'enseignante, dans le cours qu'a fondé sa sœur Julie la même année<ref group="p">{{Référence Harvard sans parenthèsessfn|Paul|2019|p=59|gr=p}}</ref>. À partir de 1868, elle enseigne également au cours Saugeon. Tandis qu'elle s'occupe surtout de l'écriture et de la lecture au cours Ruello, elle dispense des cours de mathématiques, d'histoire et de sciences naturelles dans le second<ref group="p" name=":1">{{Référence Harvard sans parenthèsessfn|Paul|2019|p=61|gr=p}}</ref>.
 
Le {{Date|22 octobre 1873}}, plus d'un an après avoir été sollicitée par l'adjoint au maire de Bordeaux en charge de l'Instruction publique, Jeanne Ruello est nommée directrice de l'École supérieure de jeunes filles que la ville ouvre en décembre de la même année rue de Cheverus<ref group="p">{{Référence Harvard sans parenthèsessfn|Paul|2019|p=73-75|gr=p}}</ref>. Elle demeure huit ans à ce poste<ref name=":0" group="p">{{Référence Harvard sans parenthèsessfn|Paul|2019|p=84|gr=p}}</ref>. En parallèle, Jeanne Ruello étudie et obtient deux [[Baccalauréat scientifique|baccalauréats]] en 1878 et 1879, puis une [[licence ès sciences]] naturelles le {{Date|27 novembre 1880}}<ref group="p">{{Référence Harvard sans parenthèsessfn|Paul|2019|p=80|gr=p}}</ref>{{,}}<ref name{{sfn|Fabre|2020|p=":2" />118}}. En octobre 1881, [[Jules Ferry]], alors ministre de l'Instruction publique et des Beaux-Arts, la nomme à la tête du premier [[Lycée Georges-Clemenceau (Montpellier)|lycée public de filles]] de France, à Montpellier<ref name{{sfn|Paul|2019|p=":0" group84|gr="p" />}}.
[[Fichier:LyceeEdouardHerriotLyon45a.jpg|alt=Entrée du lycée Édouard-Herriot. Une porte massive en bois, à double battant, au-dessus de laquelle est gravé le nom du lycée, donne sur quelques marches puis le trottoir.|vignette|Entrée de l'actuel lycée Édouard-Herriot, à l'origine le premier lycée de jeunes filles de Lyon, dans le 6<sup>e</sup>{{6e}} arrondissement de la ville.]]
Jeanne Ruello ne reste qu'un an à Montpellier : alors que les [[Lois Jules Ferry|lois rendant l'enseignement public laïque]] font déjà l'objet de vives critiques de la part des congrégations religieuses, la directrice doit par ailleurs faire face à une municipalité qui ne lui fait pas confiance<ref group="p">{{Référence Harvard sans parenthèsessfn|Paul|2019|p=105|gr=p}}</ref>. Après avoir écrit à [[Jules Duvaux]], qui a succédé à Jules Ferry le {{Date|7 aout 1882}} à l'Instruction publique et aux Beaux-Arts, Jeanne, désormais Desparmet-Ruello, obtient d'être nommée à la direction d'un autre lycée de jeunes filles, cette fois-ci à Lyon<ref group="p" name=":2">{{Référence Harvard sans parenthèsessfn|Paul|2019|p=106|gr=p}}</ref>.
 
Le premier lycée de jeunes filles de Lyon ouvre ses portes en janvier 1883<ref name=":3" group="p">{{Référence Harvard sans parenthèsessfn|Paul|2019|p=122|gr=p}}</ref>. Devant le peu d'élèves qui y sont inscrites, Jeanne Desparmet-Ruello décide de visiter les familles, plutôt juives et protestantes, du [[6e arrondissement de Lyon|6<sup>e</sup> arrondissement]] de la ville, ''a priori'' plus susceptibles que les catholiques de lui envoyer leurs filles<ref group="p">{{Référence Harvard sans parenthèsessfn|Paul|2019|p=125|gr=p}}</ref>. D'une trentaine d'élèves en janvier 1883<ref name{{sfn|Paul|2019|p=":3" group122|gr="p" />}}, les effectifs passent à 97 à la rentrée d'octobre, puis à plus de 200 à la rentrée suivante<ref group="p">{{Référence Harvard sans parenthèsessfn|Paul|2019|p=130|gr=p}}</ref>.
 
En parallèle de ses activités de directrice, Jeanne Desparmet-Ruello fait régulièrement paraitre des articles, des extraits de ses propres cours ou bien les meilleures copies de ses élèves dans les revues ''L'Enseignement secondaire des jeunes filles'' (dirigée par [[Camille Sée]]) et ''Revue de l'enseignement secondaire et de l'enseignement supérieur''<ref group="p">{{Référence Harvard sans parenthèsessfn|Paul|2019|p=146|gr=p}}</ref>.
 
=== Mariage et enfants ===
Le {{Date|11 janvier 1882}}, Jeanne Ruello épouse Henry Desparmet<ref group="p">{{Référence Harvard sans parenthèsessfn|Paul|2019|p=88|gr=p}}</ref>, un professeur de mathématiques qu'elle a rencontré au cours Saugeon<ref name{{sfn|Paul|2019|p=":1" group61|gr="p" />}} et qui {{Citation|partag[e] et soutien[t] [ses] engagements}}. Ingénieur de formation, il semblerait qu'Henry Desparmet préfère ensuite assister son épouse dans ses missions plutôt qu'occuper un emploi à l'extérieur, ce qui leur est reproché dans un rapport d'inspection de 1901<ref name=":1">{{Référence Harvard sans parenthèsessfn|Fabre|2023}}</ref>. Ensemble, ils ont trois enfants : Édouard, né le {{Date|31 juillet 1884}} ; Edma, née le {{Date|10 octobre 1887}}, et Jean, né le {{Date|7 juillet 1891}}<ref group="p">{{Référence Harvard sans parenthèsessfn|Paul|2019|p=133|gr=p}}</ref>.
 
Après avoir obtenu son baccalauréat avec mention très bien, Édouard Desparmet poursuit ses études à l'Institut de chimie de l'université de Lyon<ref name=":9" group="p">{{Référence Harvard sans parenthèsessfn|Paul|2019|p=208|gr=p}}</ref>. Il s'installe ensuite à son compte en tant que chimiste, à [[Paris]]<ref name{{sfn|Paul|2019|p=":6" group217|gr="p" />}}. Le {{Date|3 janvier 1914}}, Édouard Desparmet épouse Yvonne Jouan, qu'il a rencontrée à la capitale. Ils ont deux enfants : Simone d'abord, née en 1915<ref name=":7" group="p">{{Référence Harvard sans parenthèsessfn|Paul|2019|p=228|gr=p}}</ref>, puis Jean, né en 1920<ref name{{sfn|Paul|2019|p=":8" group229|gr="p" />}}. Mobilisé durant la [[Première Guerre mondiale]] au centre de recherches de la poudrerie du Bouchet, Édouard Desparmet s'en retourne en région parisienne avec sa famille à la fin de la guerre. De nouveau à son compte, il crée la société LACHTENE (Laboratoire de recherches chimiques et techniques) à [[Nanterre]]<ref name{{sfn|Paul|2019|p=":8" group229|gr="p" />}}.
 
Edma Desparmet, quant à elle, étudie au lycée de jeunes filles que dirige sa mère jusqu'en 1906, année d'obtention de son brevet supérieur<ref name{{sfn|Paul|2019|p=":9" group208|gr="p" />}}. Elle épouse Raymond Aubert, un ami de son frère Édouard, le {{Date|5 octobre 1909}}, deux ans après leurs fiançailles<ref group="p">{{Référence Harvard sans parenthèsessfn|Paul|2019|p=211-212|gr=p}}</ref>. Ils deviennent parents en 1915, lors de la naissance de leur fille Hélène, la première des petits-enfants de Jeanne Desparmet-Ruello<ref name{{sfn|Paul|2019|p=":7" group228|gr="p" />}}. En 1924, à la suite de la nomination de son mari au poste de directeur de la société cotonnière de [[Nam Định|Nam Dinh]], Edma Aubert et sa famille s'installent au [[Tonkin]] (actuel [[Viêt Nam]]) pour cinq ans<ref name{{sfn|Paul|2019|p=":8" group229|gr="p" />}}.
[[Fichier:Jean Desparmet (1885-1911) publicity photo, front.jpg|alt=Photo montrant Jean Desparmet, en tenue d'aviateur, à bord d'un avion. Il regarde l'appareil photo.|vignette|Jean Desparmet à bord d'un avion.]]
Jean Desparmet, enfin, quitte le collège en classe de troisième pour une école de mécaniciens pilotes au [[Royaume-Uni]]. De retour à Lyon, il rentre à l'école d'aviation de [[Bron]] en tant que mécanicien avant d'intégrer l'école d'aviation d'[[Étampes]] où il obtient son brevet de pilote le {{Date|23 mars 1911}}. Peu de temps après, Jean Desparmet se fait embaucher en tant que chef pilote des [[Blériot Aéronautique|établissements Blériot]]<ref name{{sfn|Paul|2019|p=":9" group208|gr="p" />}}. Le {{Date|27 octobre 1911}} cependant, il meurt dans un accident d'avion, lors d'un concours à [[Reims]]<ref group="p">{{Référence Harvard sans parenthèsessfn|Paul|2019|p=221|gr=p}}</ref>. Ancien membre du Motocyclisme Club de Lyon, sa mère organise en sa mémoire une course de motocyclisme en juin 1912 : le Challenge Desparmet<ref name{{sfn|Paul|2019|p=":7" group228|gr="p" />}}. Une rue porte son nom dans le [[8e arrondissement de Lyon|8<sup>e</sup> arrondissement de Lyon]]<ref>{{Lien web |langue=fr-fr |titre=Rue Desparmet |url=https://www.ruesdelyon.net/rue/1728-rue-desparmet.html |site=Les rues de Lyon |date=2016-10-19 |consulté le=2023-12-13}}</ref>.[[Fichier:Rue Desparmet (Lyon) - panneau du nom de rue.jpg|alt=Panneau bleu marine indiquant, en blanc, la rue Desparmet, dans le {{8e}} arrondissement de Lyon.|vignette|Panneau indiquant la rue Desparmet, dans le 8<sup>e</sup> arrondissement de Lyon.]]
 
=== Engagements ===
==== Socialisme ====
Jeanne Desparmet-Ruello se revendique [[Socialisme|socialiste]] sans jamais clairement définir ce qu'elle entend par là<ref>{{Référence Harvard sans parenthèsessfn|Fabre|2020|p=132}}</ref>. D'après l'[[historien]]ne Mélanie Fabre, elle l'est ainsi moins par {{Citation|adhésion à une pensée doctrinale inspirée du marxisme}} que par ses fréquentations politiques et ses autres engagements, en particulier en matière d'éducation, qui donnent à voir une femme attachée à la [[Troisième République (France)|République]] et décidée à la rendre sociale<ref>{{Référence Harvard sans parenthèsessfn|Fabre|2020|p=116}}</ref>.
 
Ayant à cœur les intérêts des ouvriers, Jeanne Desparmet-Ruello n'en milite pas moins aussi pour l'amélioration des conditions de vie du personnel enseignant. Demandant au recteur qu'il améliore les conditions de vie de ses enseignantes à Lyon, que ce soit en les logeant à proximité du lycée, en augmentant le montant de leur indemnité compensatoire ou en accordant le traitement hors classe à certaines d'entre elles<ref group="p">{{Référence Harvard sans parenthèsessfn|Paul|2019|p=191-192|gr=p}}</ref>, elle milite plus généralement pour une augmentation des salaires des instituteurs et pour que leurs homologues féminines soient payées à égalité<ref>{{Référence Harvard sans parenthèsessfn|Fabre|2020|p=135}}</ref>.
 
==== Féminisme ====
Jeanne Desparmet-Ruello œuvre depuis le début de sa carrière à ce que les jeunes filles de ses établissements bénéficient non seulement des mêmes enseignements, mais aussi des mêmes conditions d'apprentissage que les garçons de leur âge<ref group="p">{{Référence Harvard sans parenthèsessfn|Paul|2019|p=192|gr=p}}</ref>, ce qui fait dire en 1911 à la rédaction du journal [[Féminisme|féministe]] ''[[La Française (journal)|La Française]]'' qu'elle est {{Citation|la première universitaire qui ait donné l'exemple du prosélytisme en faveur de notre cause}}<ref>{{Référence Harvard sans parenthèsessfn|Fabre|2020|p=118-119}}</ref>. Du côté de sa hiérarchie, les commentaires sont moins élogieux : ainsi, [[Gabriel Compayré]], le [[Recteur d'académie en France|recteur]] de Lyon d'alors, déclare en mai 1901 qu'elle {{Citation|compromet le lycée par sa réputation méritée de féministe exaltée}}<ref>{{Référence Harvard sans parenthèsessfn|Fabre|2020|p=123}}</ref>.
 
Ayant elle-même une sensibilité particulière pour la science, Jeanne Desparmet-Ruello réfute l'idée selon laquelle les femmes seraient plus naturellement disposées pour les lettres que les hommes. Selon elle, c'est par stratégie que les hommes tiendraient ce type de discours, afin d'exclure les femmes du domaine des sciences<ref name=":1" />{{sfn|Fabre|2023}}. Consciente également de ce que l'idée que les filles bénéficient du même enseignement en la matière que les garçons n'est pas des plus populaires, Jeanne Desparmet-Ruello mobilise à ce sujet des arguments relatifs à l'harmonie au sein du couple et, plus largement, de la société nationale, plus consensuels, pour convaincre ses opposants. Ainsi, il s'agirait surtout de former des femmes capables d'assister les hommes de leur famille dans leurs travaux et affaires<ref group="p">{{Référence Harvard sans parenthèsessfn|Paul|2019|p=142-143|gr=p}}</ref>.
 
Sous le pseudonyme de Paule Branzac, Jeanne Desparmet-Ruello fait paraitre de temps en temps ses opinions dans le journal féministe ''[[La Fronde (journal)|La Fronde]]'', fondé en 1897 par [[Marguerite Durand (féministe)|Marguerite Durand]]<ref group="p">{{Référence Harvard sans parenthèsessfn|Paul|2019|p=169|gr=p}}</ref>. Après être intervenue lors du congrès international de la condition et des droits des femmes en 1900<ref name=":1" />{{sfn|Fabre|2023}}, elle intègre également le comité directeur de la Société d'éducation et d'action féministes, fondée en 1903 par [[Odette Laguerre]]<ref group="p">{{Référence Harvard sans parenthèsessfn|Paul|2019|p=201|gr=p}}</ref>.
 
==== Affaire Dreyfus ====
Tous deux [[Affaire Dreyfus|dreyfusards]], Jeanne Desparmet-Ruello et son mari adhèrent à la [[Ligue des droits de l'homme (France)|Ligue des droits de l'homme]], créée en 1898 notamment par [[Ferdinand Buisson]], [[Gabriel Séailles]] et Charles-Marie Zévort<ref group="p">{{Référence Harvard sans parenthèsessfn|Paul|2019|p=170|gr=p}}</ref>. C'est dans le contexte de l'Affaire qu'elle initie la création de l'[[Université populaire de Lyon]], afin de « républicaniser » les ouvriers<ref>{{Référence Harvard sans parenthèsessfn|Fabre|2020|p=128}}</ref>.
 
==== Éducation populaire ====
Ainsi, Jeanne Desparmet-Ruello organise une première réunion afin de réfléchir à la création d'une [[université populaire]] qui réunirait les différents cercles populaires lyonnais à la fin de l'année 1899<ref group="p">{{Référence Harvard sans parenthèsessfn|Paul|2019|p=187|gr=p}}</ref>. Dans les mois qui suivent, la Société lyonnaise d'instruction et d'éducation populaire est créée. La victoire de [[Victor Augagneur]] aux [[Élections municipales françaises de 1900|municipales]] cette année-là lui permet de disposer en 1900 de son propre local, dans le quartier de [[la Croix-Rousse]]<ref group="p" name=":10">{{Référence Harvard sans parenthèsessfn|Paul|2019|p=189|gr=p}}</ref>. Avant cela, les membres de la Société — parmi lesquels plusieurs personnalités de la gauche républicaine ([[Charles Appleton]], le [[Georges Eugène Charles Beauvisage|docteur Beauvisage]], [[Louis Chazette]], [[Justin Godart]], [[Édouard Herriot]])<ref>{{Référence Harvard sans parenthèsessfn|Fabre|2020|p=124-126}}</ref> — organisaient des conférences dans les locaux des cercles de [[Vaise]]<ref name=":0">{{Chapitre|langue=fr-FR|auteur1=Laurence Roulleau-Berger|titre chapitre=Sociographie des Universités populaires : le cas de Lyon|auteurs ouvrage=Régis Bernard, Monique Buisson, Jean Camy, Laurence Roulleau-Berger et Guy Vincent|titre ouvrage=Éducation, fête et culture|lieu=Lyon|éditeur=Presses universitaires de Lyon|année=1981|pages totales=186|isbn=9782729709754|lire en ligne=https://books.openedition.org/pul/7352|passage=105-146}}.</ref>, [[la Guillotière]] et la Croix-Rousse<ref group="p">{{Référence Harvard sans parenthèsessfn|Paul|2019|p=188-189|gr=p}}</ref>. L'enseignement s'y veut « scientifique, laïque et social »<ref>{{Référence Harvard sans parenthèsessfn|Fabre|2020|p=126-127}}</ref>. Entre 1900 et 1904, Jeanne Desparmet-Ruello participe régulièrement à l'Université populaire de Lyon, y donnant soit des conférences, soit des lectures de la revue ''[[Pages libres]]'' ou de pièces de théâtre<ref group="p">{{Référence Harvard sans parenthèsessfn|Paul|2019|p=190|gr=p}}</ref>. Elle s'implique aussi au niveau national, participant en 1902 au congrès de la Ligue française de l'enseignement<ref name=":5" group="p">{{Référence Harvard sans parenthèsessfn|Paul|2019|p=191|gr=p}}</ref>, puis en 1904 au congrès des universités populaires<ref group="p">{{Référence Harvard sans parenthèsessfn|Paul|2019|p=204|gr=p}}</ref>. L'Université populaire de Lyon cesse ses activités à partir de 1905<ref name=":0" />.
 
Il est à noter que le père de Jeanne Desparmet-Ruello, Alphonse Ruello de Kerhor, était lui-même engagé en faveur de l'éducation populaire. Ainsi, il est l'auteur en 1848 d'une brochure, adressée au ministre de l'Instruction publique de l'époque, dans laquelle il appelle de ses vœux à la création d'« institutions fraternelles fondées sur la libre association de tous les dévouements ». Contrairement à sa fille cependant, qui se dit libre-penseuse, c'est « un sentiment religieux très prononcé » qui l'anime<ref name=":1" />{{sfn|Fabre|2023}}.
 
==== Anticléricalisme ====
[[Anticléricalisme|Anticléricale]] et attachée au principe d'un enseignement [[Laïcité|laïque]], Jeanne Desparmet-Ruello adhère en 1901 à la Société Condorcet, qui milite pour l'abrogation de la [[loi Falloux]], laquelle accorde une grande place à l'Église catholique dans l'enseignement primaire et secondaire. Du fait de son statut de directrice d'un établissement scolaire, elle est néanmoins contrainte d'en quitter le comité par [[Gabriel Compayré]]<ref group="p">{{Référence Harvard sans parenthèsessfn|Paul|2019|p=186|gr=p}}</ref>{{,}}<ref>{{Référence Harvard sans parenthèsessfn|Fabre|2020|p=121-122}}</ref>. Le recteur lui reproche aussi son engagement au sein de l'Université populaire de Lyon, s'appuyant dans un rapport notamment sur la description qu'en fait le pasteur Fulliquet, un de ses membres fondateurs : {{Citation|une école qui prend des allures accentuées d'athéisme}}<ref name=":1" />{{sfn|Fabre|2023}}. De fait, après avoir fait en sorte que le contenu des cours dispensés dans celle-ci soit non religieux<ref name{{sfn|Paul|2019|p=":10" group189|gr="p" />}}, Jeanne Desparmet-Ruello parvient lors du congrès de la Ligue de l'enseignement de 1902 à faire passer une motion stipulant que toutes les universités populaires ne peuvent désormais plus être organisées ni administrées {{Citation|que par des personnes dégagées de toutes préoccupations confessionnelles}}<ref name=":1" />{{sfn|Fabre|2023}}.
 
Parmi les autres manifestations de son hostilité aux religions établies, on compte également sa participation au congrès international de la [[libre-pensée]], à Rome, en 1904<ref>{{Référence Harvard sans parenthèsessfn|Fabre|2020|p=121}}</ref>, ainsi que certains de ses articles parus sous pseudonyme dans ''L'Instituteur républicain'', ''La femme nouvelle'' et ''La Fronde''<ref>{{Référence Harvard sans parenthèsessfn|Fabre|2020|p=122}}</ref>.
 
=== Retraite et mort ===
Après plus de vingt-cinq ans passés en tant que directrice du lycée de jeunes filles de Lyon, Jeanne Desparmet-Ruello quitte ses fonctions et prend sa retraite en juillet 1909<ref group="p">{{Référence Harvard sans parenthèsessfn|Paul|2019|p=216|gr=p}}</ref>. Avec son mari Henry, également retraité, ils quittent alors leur appartement de l'[[Avenue de Saxe (Lyon)|avenue de Saxe]], à Lyon, pour s'installer à [[Villeurbanne]], boulevard de la Côte (aujourd'hui boulevard Eugène-Réguillon)<ref name=":6" group="p">{{Référence Harvard sans parenthèsessfn|Paul|2019|p=217|gr=p}}</ref>. Ils n'y restent néanmoins pas longtemps : après la mort de leur fils cadet, Jean, Jeanne Desparmet-Ruello et son mari touchent une importante somme d'argent de la part des établissements Blériot, grâce à laquelle ils font construire la Villa Jean-Desparmet. Située à [[Bron]], où est enterré leur fils, ils s'y installent à l'été 1912<ref group="p">{{Référence Harvard sans parenthèsessfn|Paul|2019|p=227|gr=p}}</ref>.
 
Henry Desparmet meurt le {{Date|21 mai 1928}} à Castel Roch, leur maison de famille au [[Le Conquet|Conquet]]<ref name=":8" group="p">{{Référence Harvard sans parenthèsessfn|Paul|2019|p=229|gr=p}}</ref>. Depuis 1896 en effet, et le rachat par Jeanne Desparmet-Ruello et ses cousins de l'ancienne propriété de leur oncle Edmond Ferdinand Lostie de Kerhor de Saint-Hippolyte<ref group="p">{{Référence Harvard sans parenthèsessfn|Paul|2019|p=173}}</ref>, ils ont l'habitude de passer une partie au moins de la belle saison dans le [[Finistère]]<ref group="p">{{Référence Harvard sans parenthèsessfn|Paul|2019|p=174|gr=p}}</ref>. Après la mort de son mari, Jeanne Desparmet-Ruello s'installe à Marseille, chez sa fille Edma. C'est là qu'elle meurt à son tour le {{Date|6 février 1937}}. [[Crémation|Incinérée]], elle repose néanmoins à Bron, aux côtés de son fils cadet et de son mari<ref group="p">{{Référence Harvard sans parenthèsessfn|Paul|2019|p=231|gr=p}}</ref>.
 
== Principes pédagogiques ==
Jeanne Desparmet-Ruello a, depuis le début de sa carrière de directrice, à cœur que les jeunes filles de ses établissements bénéficient des mêmes enseignements que les garçons de leur âge. Au-delà des sciences, elle milite aussi pour qu'elles aient des cours d'[[Époque contemporaine|histoire contemporaine]], quand bien même cela {{Citation|touche[rait] de trop près à la politique}}. Après avoir requis une adhésion à la Ligue nationale d'éducation physique en 1889, elle fait également officiellement inscrire dans les programmes de ses élèves de Lyon les cours d'[[éducation physique]] en 1895<ref group="p">{{Référence Harvard sans parenthèsessfn|Paul|2019|p=145|gr=p}}</ref>. D'un autre côté, Jeanne Desparmet-Ruello agit afin que soit réduit le volume horaire accordé aux arts d'agrément qu'elle qualifie d'{{Citation|études frivoles}}<ref name{{sfn|Fabre|2020|p=":2" />118}}.
 
S'agissant des [[Enseignement des langues étrangères|langues étrangères]], Jeanne Desparmet-Ruello met en place des groupes de niveau en anglais et en allemand pour ses élèves de Lyon<ref group="p">{{Référence Harvard sans parenthèsessfn|Paul|2019|p=144|gr=p}}</ref>.
 
Elle plaide par ailleurs pour un enseignement laïque{{Refnec|date=19  mars  2024}}.
 
== Distinctions ==
Jules Ferry remet à Jeanne Desparmet les [[Ordre des Palmes académiques|palmes d'officier d'académie]] en 1880<ref name{{sfn|Paul|2019|p=":0" group84|gr="p" />}}. Deux ans plus tard, c'est au tour de Jules Duvaux de la récompenser par celles du grade de chevalier<ref name{{sfn|Paul|2019|p=":2" group118|gr="p" />}}.
 
Reconnue pour son travail au lycée de jeunes filles de Lyon, Jeanne Desparmet-Ruello est nommée officier de l'instruction publique le {{Date|12 juillet 1888}}, puis directrice 1<sup>ère</sup>{{1ère}} classe en 1894<ref group="p">{{Référence Harvard sans parenthèsessfn|Paul|2019|p=157|gr=p}}</ref>.
 
Le {{Date|25 juillet 1908}}, au vu de l'ensemble de sa carrière et de son engagement à la suite de l'Affaire Dreyfus<ref>{{Référence Harvard sans parenthèsessfn|Fabre|2020|p=138}}</ref>, elle est faite [[Ordre national de la Légion d'honneur|chevalier de la Légion d'honneur]]<ref group="p">{{Référence Harvard sans parenthèsessfn|Paul|2019|p=214|gr=p}}</ref>.
 
== Hommages ==
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Le {{Date|9 décembre 2022}}, un [[Gymnase (sport)|gymnase]] portant le nom de Jeanne Desparmet-Ruello est inauguré dans le quartier de [[Cusset (Villeurbanne)|Cusset]], à [[Villeurbanne]]. À cette occasion, Claire Paul, autrice d'une biographie de la directrice publiée en 2019, revient sur sa vie<ref>{{Lien web |langue=FR-fr |auteur=Étienne Le Page |titre=Villeurbanne. Le gymnase Jeanne-Desparmet-Ruello, un nouvel équipement pour Cusset |url=https://www.leprogres.fr/sport/2022/12/10/le-gymnase-jeanne-desparmet-ruello-un-nouvel-equipement-pour-cusset |accès url=limité |site=[[Le Progrès (Lyon)|Le Progrès]] |date=2022-12-10 |consulté le=2023-11-04}}.</ref>.
 
== BibliographiePublications ==
* {{Ouvrage|langue=fr-FR|titre=L'Enseignement secondaire des jeunes filles à l'Exposition de Zurich|sous-titre=l'école de Zurich|lieu=Paris|éditeur=L. Cerf|année=1884|pages totales=22}}
* {{Ouvrage|langue=fr-FR|titre=Les Programmes de sciences dans les lycées de jeunes filles|sous-titre=réponse à M. Camille Sée|lieu=Paris|éditeur=L. Cerf|année=1884|pages totales=11}}
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=== Bibliographie ===
{{Légende plume}}
* {{Ouvrage|langue=fr-FR|auteur1=Claire Paul|titre=Jeanne Desparmet-Ruello|sous-titre=Pionnière de l'éducation féminine|date=2019|pages=259|isbn=978-2957099948|libellé=Paul 2019|plume=oui}}
* {{Article|langue=fr|auteur1=Mélanie Fabre|titre=Éduquer pour la République, Jeanne Desparmet-Ruello, une intellectuelle au temps de Jaurès|périodique=Cahiers Jaurès|volume=1-2|numéro=235-236|pages=115-139|date=2020|lire en ligne=https://www.cairn.info/revue-cahiers-jaures-2020-1-page-115.htm|accès url=limité|libellé=Fabre 2020|plume=oui}}
* {{Chapitre|langue=fr-FR|prénom1auteur1=Mélanie|nom1= Fabre|titre chapitre=Des enseignantes engagées à la Belle Époque|sous-titre chapitre=une parole publique au service de l'école républicaine|auteurs ouvrage=Stéphanie Daudin (dir.)|titre ouvrage=Les enseignantes en France ({{sp-|XVI|-|XX}})|sous-titre ouvrage=Sexe, genre et identité professionnelle|lieu=[[Rennes]]|éditeur=[[Presses universitaires de Rennes]]|année=2023|pages totales=328|isbn=9782753595453|lire en ligne=https://books.openedition.org/pur/192895|libellé=Fabre 2023|passage=119-136|plume=oui}}
 
=== Liens externes ===
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{{Portail|femmes|éducation|Lyon}}
 
{{CLEFDETRI:Desparmet-Ruello, Jeanne}}
{{Article potentiellement bon|oldid=213107650|date=18 mars 2024}}
 
[[Catégorie:Naissance en octobre 1847]]
[[Catégorie:Naissance à Issoire]]
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[[Catégorie:Décès à 89 ans]]
[[Catégorie:Décès à Marseille]]
[[Catégorie:Chevalier de la Légion d'honneur décoré en 1908]]