« Rus' de Kiev » : différence entre les versions

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[[Fichier:Prizvanievaryagov.jpg|thumb|''Riourik et ses frères au [[lac Ladoga]]'', par [[Apollinaire Vasnetsov|Apollinary Vasnetsov]] (1856-1933).]]
 
La '''Rusʹ de KievKyiv'''<ref>{{lien brisé|url=https://www.lemonde.fr/voyage/article/2009/10/01/kiev-la-doyenne_1339756_3546.html|titre=Kiev la doyenne|brisé le=25-03-2020}}.</ref>{{,}}<ref>[https://www.academia.edu/30994416/Диба_Юрій._Формування_території_Руської_землі_ІХ_-_Х_ст._у_контексті_функціонування_трансєвропейського_торговельного_шляху_Булгар-Київ-Реґенсбурґ Диба Юрій. Формування території “Руської землі” ІХ - Х ст. у контексті функціонування трансєвропейського торговельного шляху Булгар-Київ-Реґенсбурґ].</ref> ou '''Rous de KievKyiv''', avec une [[Transcription et translittération|translittération]] scientifique (en [[vieux russe]] : Роусь / ''Rous’'' ou Роусьскаѧ землѧ / ''Rous'skaja zemlja'' ; en {{lang-uk|Київська Русь}} ; en {{lang-ru|Киевская Русь}} / ''KievskajaKyivskaja Rusʹ'' ; en [[biélorusse]] : ''Кіеўская Русь / Kijeŭskaja Ruś''), appelée aussi '''État de KievKyiv'''<ref>[http://www.larousse.fr/encyclopedie/autre-region/%C3%89tat_de_Kiev/127474].</ref>, '''Russie kiévienne'''<ref name="Rauchenbach2" />, '''principauté de KievKyiv''' ou '''[[Ruthénie]] prémongole'''<ref>Élie Borschak, Roger Portal, [https://www.jstor.org/stable/40950173 « La Ruthénie prémongole, l'Ukraine et la Russie »], ''Revue historique'', tome 205, fascicule 2, 1951, {{p.|217-223}} {{ISSN|0035-3264}}.</ref>, est une [[principauté]] [[Slaves orientaux|slave orientale]] qui a existé du milieu du {{sp|IX|au milieu du|XIII}}, se désagrégeant en une multitude de principautés avant de disparaître formellement du fait de l’[[invasion mongole de la Rus' de Kiev|invasion mongole de la Rus' de Kyiv]], qui commença en 1223 et entraîna la disparition de la principauté en 1240. La Rusʹ est la plus ancienne entité politique commune à l'histoire des trois États slaves orientaux modernes : [[Biélorussie]], [[Russie]] et [[Ukraine]].
 
Fondée à l'origine par les [[Varègues]], dirigés selon la légende par le chef [[Vikings|viking]] [[Riourik]], et centrée sur [[Novgorod]], la Rusʹ tire son nom du terme varègue ''rodslagen'' (« le pays du gouvernail »)<ref>''Chronique de Nestor, naissance des mondes russes'', éd. Anacharsis, 2008.</ref>{{,}}<ref>Régis Boyer, ''Vikings et Varègues : histoire, mythes, dictionnaire'', éd. Robert Laffont, 2008.</ref>. En [[finnois]] actuel, la [[Suède]] est appelée {{lang|su|''Ruotsi''}}, nom à rapprocher de Rusʹ, ce qui peut signifier que les [[Finnois (peuple)| Finnois]] voyaient autrefois les populations des deux côtés de la [[mer Baltique]] comme apparentées. À partir du {{S-|VI}}, la [[colonisation slave du nord-est de la Russie]] commence.
 
À la fin du {{s-|IX}}, la capitale s'installe à [[Kiev|Kyiv]], cité slave prise par les Varègues en 864, et qui rendait jusque-là hommage aux [[Khazars]], un peuple [[Turcs (peuple)|turc]] semi-nomade. Au {{s|XI}}, la Rusʹ de KievKyiv est l'[[État]] d’[[Europe]] le plus étendu, atteignant la [[mer Noire]], la [[Volga]], ainsi que le [[Royaume de Pologne (1025-1138)|royaume de Pologne]] et ce qui devient le [[grand-duché de Lituanie]]. La Rusʹ est alors culturellement et ethniquement diverse, comprenant des populations {{Incise|peu nombreuses}} [[slaves]], [[Germains|germaniques]], [[Peuples finno-ougriens|finno-ougriennes]] et [[Peuples baltes|baltes]].
 
La Rusʹ est d'abord dirigée par une dynastie d'origine [[Scandinavie|scandinave]], les [[Riourikides]], rapidement slavisée. Les règnes de [[Vladimir Ier|Vladimir le Grand]] (980-1015) et de son fils [[Iaroslav le Sage]] (1019-1054) constituent l'[[âge d'or]] de la Rusʹ, convertie à l'[[orthodoxie]], et avec les premiers écrits en langue slave, notamment des codes juridiques, telle la ''[[Rousskaïa Pravda]]'' ({{Citation|le Droit russe}}<ref name="Rauchenbach2">{{Lien web|auteur=Boris V. Rauchenbach |titre=Le baptême de Kiev : naissance d'une nation |éditeur=Le Courrier de l'Unesco |date=juin 1988 |issn=0304-3118 |url=http://unesdoc.unesco.org/images/0007/000797/079702fo.pdf |site=unesco.org |format=pdf |page=8}}.</ref>). Une princesse riourikide devient [[Liste des reines et impératrices de France|reine de France]] sous le nom d'[[Anne de Kiev|Anne de Kyiv]], épouse du [[roi de France]] {{Souverain2|Henri Ier (roi des Francs)}}.
 
Cet essor est dû aux voies commerciales existant alors entre la [[Scandinavie]], fournisseur de [[bois]], de [[Fourrure|peaux]] et surtout d'[[ambre]], mais aussi d'[[Esclavage|esclaves]], et [[Constantinople]], source de [[cire d'abeille]] et de [[miel]], de [[Soie|soieries]], et d'[[or]]. La Rusʹ contrôle en effet deux routes commerciales importantes :
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== Histoire ==
=== La création et l'expansion de la Rusʹ de KievKyiv ===
[[Fichier:1899. Russian konung Oleg by Vasnetsov-2.jpg|vignette|''Le lai d'[[Oleg le Sage]]'', par [[Viktor Vasnetsov]].]]
D'après la ''[[Chronique des temps passés]]'' (''Chronique de Nestor'', par le moine [[Nestor (moine)|Nestor]]){{Sfn|Arrignon||2008|p=à préciser}}, le territoire du futur État de KievKyiv était originellement réparti et contrôlé entre les [[Varègues]] au nord-ouest et les [[Khazars]] au sud-est. Cette source affirme que, depuis 859, les [[Tchoudes]], les [[Maris (peuple)|Maris]] et les {{page h'|Krivitches}} rendaient hommage aux Varègues, alors que les Polianes, les [[Sévériens (tribu)|Sévériens]] et les [[Viatitches]] rendaient tribut aux Khazars. Puis trois frères varègues nommés Riourik, Sinéous et Trouvor (reconstruits comme Hrørekr, Signiutr/Signjótr et þorvarðr/þruvarðr en [[langues scandinaves|scandinave]]) s'établissent respectivement à [[Novgorod]], [[Belozersk|Beloozero]] et [[Izborsk]]. Deux ans plus tard, les deux frères de Riourik périssent, le laissant seul maître de la région. Certains historiens contestent néanmoins la validité de ce récit, ainsi que la ''[[Chronique des temps passés]]''<ref>[http://www.clio.fr/BIBLIOTHEQUE/l_empire_medieval_de_kiev_debats_historiques_d_hier_et_d_aujourd_hui.asp Iaroslav Lebedynsky, ''L'Empire médiéval de Kiev, débat historique d'hier et d'aujourd'hui''].</ref>.
 
La Rusʹ de KievKyiv est officiellement fondée par [[Oleg le Sage]] aux alentours de l’an 880. Le territoire de cet État est beaucoup plus petit que celui qu'a gouverné plus tard [[Iaroslav le Sage]]. Au cours de ses trente-cinq années de règne, Oleg soumet différentes tribus slaves et finnoises. En 882, il dépose [[Askold et Dir]] qui gouvernaient [[Kiev|Kyiv]], et choisit cette ville comme capitale en la désignant comme "mère de toutes les villes russes"<ref>{{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Nestor|titre=[[Chronique des temps passés]]|éditeur=Meideloff et Campé|année=1834|pages totales=190|passage=30|lire en ligne=https://www.google.fr/books/edition/La_chronique_de_Nestor/7lgzAAAAYAAJ?hl=fr&gbpv=0|consulté le=05/02/2024}}</ref>. En 883, Oleg bat les [[Drevliens]] et leur impose un tribut de fourrures. En 884, il réussit à contrôler les Polianes, les [[Drevliens]], les [[Sévériens (tribu)|Sévériens]], les [[Viatitches]] et les {{Lien|langue=ru|trad=Радимичи|Radimitches}}, tout en étant en guerre avec les [[Tivertses]] et les [[Oulitches]].
 
[[Fichier:Trizna 1899.jpg|thumb|right|''L'enterrement d'[[Oleg le Sage |Oleg]]'', par [[Viktor Vasnetsov]].]]
 
En 907, Oleg dirige une attaque contre [[Constantinople]] avec, selon la légende, {{unité|80000|guerriers}} transportés par deux mille navires. Il laisse pendant ce temps le gouvernement de KievKyiv à [[Igor de Kiev|Igor de Kyiv]]. Oleg ne peut prendre Constantinople, mais pille les environs et reçoit des Grecs de l'or pour 1 million de [[grivna]]s pour se retirer. En 912, il signe un traité de commerce avec l'[[Empire byzantin]]. Après la mort d'Oleg, cette même année, les [[Drevliens]] se rebellent, mais sont battus par [[Igor de Kiev|Igor de Kyiv]]. Dès 907 (?), Igor avait conclu une alliance avec les [[Petchénègues]], afin d'attaquer à nouveau l'[[Empire byzantin]], dans le but d’obtenir un traité de commerce, qui sera conclu en 912. Une seconde campagne, en 941, aboutit au [[Traité de Constantinople (945) |traité de 945]]. Les textes conservés dans la ''[[ Chronique des temps passés |Chronique]]'' soulignent les conditions faites aux marchands ruthènes pour écouler à [[Constantinople]] leurs marchandises, fourrures, cires, miel et esclaves, et, en retour, y acheter brocarts, bijoux et produits de luxe de l'artisanat byzantin.
 
[[Fichier:Sviatoslav1.png|thumb|left|250px|La Rusʹ de KievKyiv au début du règne de [[Sviatoslav Ier|Sviatoslav]] (en rouge), montrant son aire d'influence en 972 (en orange).]]
 
Durant le règne de {{Souverain2|Sviatoslav Ier}} (945-972), les dirigeants scandinaves de la Rusʹ adoptent le polythéisme slave, avec le culte de [[Péroun]], et ils adoptent aussi des noms slaves, alors que leur ''droujina'', leur garde personnelle, se compose encore essentiellement de [[Scandinaves]]. Les conquêtes militaires de {{Souverain-|Sviatoslav Ier}} sont nombreuses : il porte des coups mortels à deux de ses principaux rivaux. En 965, il détruit l'État [[Khazars|khazar]], et en 968, à la demande de l'empereur [[Nicéphore II Phocas|Nicéphore Phocas]], il est chargé de détruire le jeune État [[Premier Empire bulgare|bulgare]] et sa capitale [[Preslav]]. [[Ibn Hawqal]] raconte<ref>{{Ouvrage|langue=anglais|auteur1=Ibn Faldân,|titre=Ibn Faldân and the Land of Darkness, Arab Travallers in the Far North|passage=p.178|éditeur=Penguin classics|isbn=978-0-140-45507-6}}</ref> qu'il ne laisse à ces deux peuples que « quelques ruines sans valeur ».
 
La formation d'un État puissant et fort au nord des steppes de la mer Noire intéresse alors naturellement le pouvoir byzantin, qui confie aux princes de la Rusʹ la lourde charge de garder ouverte la « route des [[Varègues]] aux [[Grecs]] » menacée depuis 915 par l'arrivée d'un redoutable peuple nomade turc, les [[Petchénègues]]. Garants du maintien de la paix dans les steppes situées au nord de la mer Noire, les princes de la Rusʹ voient leur statut confirmé par la réception solennelle que l'empereur {{Souverain2|Constantin VII}} offre en 957, dans le [[Grand Palais (Constantinople)|Grand Palais de Constantinople]], à la veuve du prince Igor, la princesse régente [[Olga de Kiev|Olga]]<ref>Sophia Senyk, « A History of the Church in Ukraine », dans ''Orientalia Christiana Analecta'', Rome, Pontificio Istituto Orientale, vol. 1 (sur 5 prévus), 1993 (pour la partie Olga dans les chroniques).</ref>. Une fresque de la [[cathédrale Sainte-Sophie de Kiev|cathédrale Sainte-Sophie de Kyiv]] rappelle encore cette réception. C'est peut-être à l'occasion de ce séjour que la princesse est touchée par la foi chrétienne, à laquelle elle se convertit plus tard, à KievKyiv, à titre personnel.
 
Au cours du premier siècle de son existence, la Rusʹ de KievKyiv s'est donc imposée comme un partenaire commercial et un allié militaire calculé de l'Empire byzantin. C'est à elle désormais qu'il appartient de maintenir le ''statu quo'' dans les régions du nord de la mer Noire, pour garder ouverte l'artère économique principale qui relie, par le cours du [[Dniepr]], le monde scandinave au monde méditerranéen.
 
=== Le règne de Vladimir le Grand et la christianisation ===
[[Fichier:Vasnetsov Bapt Vladimir.jpg|thumb|''Le baptême de [[Vladimir Ier|Vladimir]]'', par [[Viktor Vasnetsov]].]]
La deuxième période de l'histoire de la Rusʹ de KievKyiv (980-1054) est marquée par deux règnes prestigieux, ceux des princes {{Souverain2|Vladimir Ier}}, dit le Beau Soleil (980-1015), et de son fils [[Iaroslav le Sage]] (1019-1054). Mais déjà la difficulté d'instaurer un ordre successoral cohérent menaçait l'unité et la stabilité de la principauté.
 
La région de KievKyiv est le centre de l'État de la Rusʹ de KievKyiv durant deux siècles. Il s'agit d'une fédération féodale où le « ''Velikiï Kniaz'' » ({{lang-ru|Великий Князь}}) ou « Grand Prince » contrôle directement KievKyiv et les terres autour de la ville, tandis que sa parentèle et ses vassaux, placés dans les autres grandes villes de la Rusʹ, lui paient tribut. L'apogée du pouvoir de l'État se situe pendant les règnes de [[Vladimir Ier|Vladimir le Grand]] (980-1015) et de [[Iaroslav le Sage]] (1019-1054). Les deux dirigeants poursuivent l'expansion de la Rusʹ, qui avait commencé sous Oleg.
 
Vladimir accède au pouvoir après la mort de son père {{Souverain2|Sviatoslav Ier}} en 972 et après avoir vaincu son demi-frère {{Souverain2|Iaropolk Ier}} en 980. Le règne du nouveau prince fait entrer la Rusʹ dans une phase de rassemblement autour du principe dynastique. En 981, il porte la guerre sur la frontière occidentale, reprenant des villes aux Polonais, aux Prussiens, et à la tribu lituanienne des Iatvingiens. C’est sous [[Vladimir Ier|Vladimir le Grand]] que s’opère la [[christianisation]] et l'entrée dans la communauté des États chrétiens, dans l’''oikouménè'' byzantine, de la Rusʹ à partir de 988. Vladimir fait alors le voyage à [[Constantinople]] en 988, saisissant et soumettant son intervention contre l'usurpateur [[Bardas Sklèros]] à l'octroi de la main de la princesse [[Anna Porphyrogénète|Anne]], sœur des empereurs byzantins {{Souverain2|Basile II}} et {{Souverain2|Constantin VIII}}. {{Souverain2|Vladimir Ier}} reçoit alors le baptême, suivi de leur mariage, en la [[cathédrale Saint-Vladimir de Chersonèse]], convertissant la principauté de KievKyiv au [[christianisme orthodoxe]] selon le [[rite byzantin]]<ref>{{Ouvrage |auteur1=Ìvan Mìrčuk |titre=L'Ukraine dans le cadre de l'Est européen |éditeur=Éditions Nauwelaerts |année=1957 |passage=113 }}.</ref>. Ce baptême aurait été célébré, selon les sources, par le métropolite de Chersonèse ou directement par le [[Liste des patriarches œcuméniques de Constantinople|patriarche de Constantinople]] [[Nicolas II Chrysobergès]]<ref> [[Marc-Antoine-François de Gaujal]], ''Études historiques sur le Rouergue : Volume 3'', Paris, [[Paul Dupont]], 1859, p. 216. {{lire en ligne|lien=https://books.google.ca/books?id=enE9AQAAMAAJ&dq=canonisation+nicolas+chrysoberges&hl=fr&source=gbs_navlinks_s|consulté le=5 novembre 2020}}</ref>.
 
Vladimir consacre la fin de sa vie à la mise en place d'une société nouvelle régie par les principes du [[Christianisme orthodoxe|christianisme]]<ref>Bernard Dupuis, « L'Église orthodoxe » (§ Destin de l'Église russe), dans ''Encyclopédie des religions'', Universalis, Paris, 2002, {{p.|113}}.</ref>, et jette les bases d'un État puissant et centralisé, uni autour de la nouvelle identité que lui donne le christianisme byzantin qui entraîne la construction de nouveaux édifices sacrés avec un programme iconographique de peintures monumentales<ref>{{Ouvrage |langue=fr |auteur1=François Boespflug |titre=La Crucifixion dans l’art |sous-titre=un sujet planétaire |lieu=Montrouge |éditeur=Bayard éditions |année=2019 |pages totales=559 |passage=86 |isbn=978-2-227-49502-9}}.</ref>.
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=== Le règne de Iaroslav le Sage ===
La guerre civile qui dure de 1015 à 1019 est marquée par deux événements importants : d'une part, l'assassinat en 1015 des deux fils de Vladimir, les princes [[Boris et Gleb]]<ref>[http://nominis.cef.fr/contenus/saint/1556/Saints-Boris-et-Gleb.html Nominis : saints Boris et Gleb].</ref> ; d'autre part, l'invasion polonaise, conduite en 1018 par [[Boleslas Ier de Pologne|Boleslas le Vaillant]], qui entendait placer son gendre [[Sviatopolk Ier|Sviatopolk]] sur le trône de KievKyiv. Cette intervention souligne tout l'intérêt que la Pologne portait à ces régions. Néanmoins, cet épisode est éphémère, et dès 1019 Iaroslav retrouve son trône kiévien, et règne sur la rive droite du Dniepr et sur Novgorod, laissant à son frère, Mstislav, la rive gauche du fleuve. En 1036, la mort de ce dernier permet à Iaroslav le Sage de réunir sous son autorité les deux rives du fleuve.
 
[[Fichier:Печатка Ярослава Мудрого.gif|vignette|Sceau de Iaroslav le Sage.]]
 
[[Iaroslav le Sage]]<ref name="Dvornik p171-228" /> eut également à lutter pour le pouvoir contre ses frères. Bien qu'il ait d'abord établi sa domination sur KievKyiv en 1019, il n'a un contrôle incontesté sur l'ensemble de la Rusʹ qu’à partir de 1036, à la mort de [[Mstislav de Tchernigov]]. Comme Vladimir, Iaroslav est désireux d'améliorer les relations avec le reste de l'Europe, et en particulier l'[[Empire byzantin]]. Il entreprend de conduire une active politique matrimoniale qui unirait la dynastie des Riourikides aux plus grandes familles royales d'Occident. La fille de son fils {{Souverain2|Vsevolod Ier de Kie}}, [[Adélaïde de Kiev|Eupraxie]], est mariée à {{Souverain2|Henri IV (empereur du Saint-Empire)}}, [[Liste des souverains du Saint-Empire|Empereur romain germanique]] (elle porte dès lors le nom d'Adélaïde).
 
Iaroslav avait épousé [[Ingigerd de Suède|Ingigerd]], la fille du roi [[Olof Skötkonung|Olof de Suède]]. Son fils aîné, {{Souverain2|Iziaslav Ier}}, épouse Gertrude, fille du roi de Pologne [[Mieszko II de Pologne|{{Souverain-|Mieszko II}} Lambert]] ; son second fils, {{Souverain2|Sviatoslav II}}, épouse Olga, fille du comte de [[Maison de Babenberg|Babenberg]] ; le troisième, {{Souverain3|Vsevolod Ier de Kiev}}, épouse Marie, la fille de l'empereur byzantin {{Souverain2|Constantin IX}}<ref>{{Ref-Settipani-Byzance|passage=245}}.</ref>. Quant aux filles, elles connaissent un destin semblable. Anastasia épouse le roi {{Souverain3|André Ier de Hongrie}} ; [[Élisabeth de Kiev|Élisabeth de Kyiv]], le roi [[Harald Hardrada|{{Souverain-|Harald III}} de Norvège]] ; [[Anne de Kiev|Anne de Kyiv]]<ref>[[Régine Deforges]], ''[[Sous le ciel de Novgorod]]'', vision romancée de la vie d'Anne, Fayard {{ISBN|2213021058}}.</ref>, le roi [[Henri Ier (roi des Francs)|{{Souverain-|Henri Ier}} de France]]. La cour de KievKyiv est alors apparentée aux plus grandes familles princières du temps, signe visible de l'importance reconnue de la puissance de la jeune dynastie des [[Riourikides]].
 
Iaroslav promulgue le premier code juridique slave, la ''[[Rousskaïa Pravda]]''<ref>''[[Première chronique de Novgorod]]'', ''Istoria russkoï literaturi'', Publication de l'Académie des Sciences d'URSS, {{Souverain-|livre II}}, partie 1, Moscou, 1946, {{p.|115}}.</ref>, il fait construire la [[Cathédrale Sainte-Sophie de Kiev|cathédrale Sainte-Sophie]]<ref group=alpha>Sainte-Sophie prolonge Constantinople vers le nord comme Constantinople prolongeait Rome en Orient. À ce titre, elle fait de la Rus l'héritière de la tradition byzantine.</ref> à KievKyiv, et les deux monastères Saint-Georges et Sainte-Hélène, qui sont au cœur de ce que l'on appelle la « Ville de Iaroslav ». Sa dédicace est assurée en 1050 par le métropolite [[Hilarion (métropolite de Kiev)|Hilarion]] ; fin lettré, son ''Sermon sur la loi et la Grâce''<ref>[[Georges Florovsky]], ''Les Voies de la théologie russe'', Paris, 1937 ; trad. et notes de J. C. Roberti, Paris, Desclée de Brouwer, 1991, {{p.|17}}.</ref> est un hymne à la gloire du prince [[Vladimir Ier|Vladimir]]. Il décide également la construction de la [[cathédrale Sainte-Sophie de Novgorod]]. Il encouragea le clergé local et les [[monachisme|moines]] à enseigner lecture et écriture aux paroissiens. Ses fils développèrent notamment la [[laure des Grottes de Kiev|laure des Grottes de Kyiv]]. Ainsi, le droit, l'éducation, mais aussi l'architecture, avec des expérimentations nouvelles, telles que l'utilisation des tambours de clochers percés de fenêtres et surmontés de bulles, ou encore d'autres aspects de l'art ruthène, connaissent un renouveau impressionnant sous son règne.
 
L'époque innove enfin sur le plan musical. En effet, l'usage de la [[slavon d'église|langue slavonne]]<ref>{{en}} Sara G. Thomason, « What Else Happens to Opaque Rules? », dans ''Language'', vol. 52, 1976, {{p.|370-381}}.</ref> pour la liturgie ne permettait pas d'utiliser les mélodies des psaumes grecs, car le chant byzantin est [[Syllabique|asmatique]], c'est-à-dire qu'à chaque syllabe correspond une note musicale, et par conséquent les mélodies grecques n'étaient pas aisément transposables en slavon, les mots slavons n'ayant pas le même nombre de syllabes que les mots grecs. C'est pour pallier cette difficulté que les [[Chantre (christianisme)|chantres]] de la [[cathédrale Sainte-Sophie de Kiev|cathédrale Sainte-Sophie de Kyiv]] inventent le [[Mélisme|''mélisma'']], ce signe de notation musicale qui permet de placer plusieurs syllabes sous une seule notation musicale. Ainsi naît sur les bords du Dniepr le chant mélismatique.
 
Malgré une [[Guerre entre Rus' et Byzantins (1043)|guerre perdue contre les byzantins]] en 1043, le prestige de l'État kiévien atteint alors son apogée : il s'étend du [[lac Ladoga]] près de la [[Mer Baltique|Baltique]] à la [[mer Noire]], et du confluent de l'[[Oka (Volga)|Oka]] avec la [[Volga]] jusqu'aux [[Carpates]] et au [[Dniestr]]. À la veille de sa mort, qui survint en 1054, Iaroslav le Sage tente de réguler le système successoral, en établissant chacun de ses fils dans une ville : {{Souverain2|Iziaslav Ier}} reçoit KievKyiv ; {{Souverain2|Sviatoslav II}}, [[Tchernihiv]] ; le troisième, {{Souverain2|Vsevolod Ier de Kiev}}, [[Pereiaslav|Pereïaslav-Khmelnytskyï]] ; le quatrième, Viatcheslav, [[Smolensk]] ; et le cinquième, Igor, [[Volodymyr-Volynsky|Vladimir de Volhynie]]. Cela préfigurait la formation d'entités patrimoniales princières, et conférait au prince de KievKyiv un pouvoir plus nominal qu'effectif. Cette transformation de la Rusʹ en principautés dynastiques est officialisée en 1097 au [[congrès de Lioubetch]]. La guerre civile reprend entre les princes immédiatement après le congrès.
 
=== Le déclin de KievKyiv et l'essor de centres régionaux ===
[[File:Kievan Rus in 1237 (FR).png|vignette|Les principautés composant la Rusʹ de KievKyiv en 1237.]]
[[Fichier:Igorsvyat.jpg|thumb|''Le champ de la bataille entre [[Igor Sviatoslavitch]] et les [[Coumans|Polovtses]]'', par [[Viktor Vasnetsov]], 1889.]]
Au {{s-|XII}}, les conflits entre les différentes principautés issues de la Rusʹ la mènent au déclin. La Rusʹ de KievKyiv se divise à cause du système de succession : de plus en plus de membres de la famille royale se taillent des principautés séparées et bientôt antagonistes, passant parfois alliance avec des États extérieurs tels que les [[Coumans]], les [[Polonais]] ou les [[Hongrois]]. Entre 1054 et 1224, pas moins de soixante-quatre [[principauté]]s plus ou moins éphémères évoluent et se succèdent. En raison de son prestige, le trône de KievKyiv devient l'enjeu permanent de guerres entre plusieurs dynasties, avant que celui de [[Novgorod]] ne devienne, de par sa prospérité, très convoité à son tour. La cité de [[Volkhov]] acquiert une certaine indépendance en élisant ses propres [[Magistrat|magistrats]] et en nommant son propre [[archevêque]]. Les autres principautés se développent également, notamment la [[Volhynie]], la [[Galicie]], [[Touraw|Tourov]]-[[Pinsk]], [[Polotsk]], [[Smolensk]], [[Tchernihiv|Tchernigov]], [[Riazan]] et [[Mourom]].
 
La ville de [[Rostov]], le plus ancien centre du nord-est, est supplantée d'abord par [[Souzdal]] puis par la ville de [[Vladimir]], qui devient la capitale de la principauté combinée de [[principauté de Vladimir-Souzdal|Vladimir-Souzdal]]. Celle-ci s'affirme comme l'une des principales rivales de KievKyiv au {{s-|XII}}, avant de devenir la puissance majeure quand, en 1169, son prince [[André Ier Bogolioubski ]] saccage KievKyiv et prend le titre de grand prince.
 
Le déclin s'accélère avec un nouveau sac de KievKyiv perpétré en 1203 par [[Riourik Rostislavitch]], suivi par la prise de Constantinople en 1204 par les forces de la [[quatrième croisade]] qui coupent les routes commerciales vers Byzance. Le 6 décembre 1240, ce sont les [[Mongols]] de [[Batu Khan]] qui [[Siège de Kiev (1240)|prennent la ville]] ou ce qu'il en restait, et les KieviensKyiviens doivent, comme les autres principautés russes, se soumettent à la [[Horde d'Or]] mongole pour plusieurs siècles.
 
=== Crépuscule du centre politique kiévien ===
[[Alexandre Nevski]] (1249)<ref>Catherine Durand-Cheynet, ''Alexandre Nevski ou le soleil de la Russie'', Éd. Perrin, 1983 {{ISBN|2262002975}}.</ref>, fils de {{Souverain3|Iaroslav II de Vladimir}}, grand-prince de Vladimir, prince de Novgorod en 1236, vainqueur des Suédois sur la [[Neva]] en 1240, puis des [[Ordre Teutonique|chevaliers Teutoniques]] et des Lituaniens sur la glace du [[lac Peïpous]] (ou Tchoudskoïe) en 1242, est investi comme grand-prince de KievKyiv par le khan [[Batu|Batou]] qui le reçoit à la [[Horde d'or]] en 1249 ; il en obtient aussi l'investiture pour Vladimir en 1252 et meurt en 1263.
 
KievKyiv est en fait administrée par un gouverneur mongol qui autorise jusqu'en 1299 le séjour du métropolite. Le pays de KievKyiv, qui a subi l'invasion mongole, est affaibli et désolé. Quand le franciscain [[Jean de Plan Carpin]] en route pour la cour mongole le traverse, il constate un pays en grande désolation<ref group=alpha>Extrait de [[Jean de Plan Carpin]], {{Citation|en passant par cette terre, nous y avons trouvé répandus dans la campagne d'innombrables crânes et d'os d'hommes morts ; car la cité avait été grande et peuplée et elle est maintenant réduite à presque rien ; on y trouve à peine deux cents maisons aujourd'hui et les gens y sont tenus en grande servitude}}.</ref>. Il est détruit de nouveau par les [[Tatars de Crimée]] en 1482 (peu après la [[Chute de Constantinople|prise de Constantinople en 1453]] par les Ottomans, à la suite de quoi, [[Ivan III]] de Vladimir et de Moscou reçoit en dot de [[Sophie Paléologue]] en 1472 le blason de l'Empire byzantin).
 
==== République de Novgorod ====
[[Fichier:Victoire de Novgorod sur André Bogolioubski.jpg|thumb|left|Icône de la victoire de Novgorod sur {{Souverain3|André Ier Bogolioubski}}, {{s-|XII}}.]]
{{Article détaillé|République de Novgorod}}
Dans le Nord, la [[république de Novgorod]] prospéra dans le cadre de la Rusʹ, car elle contrôlait les [[Route commerciale de la Volga|routes commerciales de la Volga]] à la [[mer Baltique]]. Au fur et à mesure que la Rusʹ s'affaiblissait, Novgorod devenait de plus en plus indépendante. Une [[oligarchie]] locale s'établit à Novgorod. En 1136, les Novgorodiens profitent de l'état d'anarchie dans lequel se trouve la Rusʹ pour se débarrasser de leur prince et imposer leur droit à le choisir et à lui dicter les conditions fixées par l'assemblée populaire de la ville, le ''vetché''<ref group=alpha name="vetche">Le ''vetche'' désigne l'assemblée de la ville qui décidait de la politique de celle-ci, de la paix ou de la guerre. Cette assemblée était réunie au son de la cloche, en slavon kolokol', symbole de liberté. c'est pour cette raison que dans le film d'[[Andreï Tarkovski]], ''[[Andreï Roublev (film)|Andreï Roublev]]'', {{Citation|les Russes ont perdu l'art de fondre les cloches}}, sous-entendu la liberté.</ref>, qui, parmi des [[boyard]]s, élit un Premier ministre (le ''posadnik'') et des commandants militaires (les ''tys'atskis''). Les territoires nordiques, riches en fourrures, en animaux marins et en salines, ont été d'une grande importance économique pour Novgorod, qui a mené une série de guerres contre la [[Grande-principauté de Moscou|principauté de Moscou]] pour le contrôle de ces territoires. En 1156, Novgorod devient un archevêché, signe de l'importance accrue et d'indépendance politique. L'archevêque est à la tête de l'exécutif et il est le propriétaire terrien le plus riche de Novgorod, possédant l'essentiel des terres et des richesses transférées par les princes de KievKyiv. Il est chargé du trésor et des relations extérieures. Les commerçants et les artisans participent également aux affaires politiques de la ville et ont leurs guildes appelées kontchans, oulitchans ou sotnias.
 
==== Principauté de Vladimir-Souzdal ====
Dans le Nord, les Slaves colonisaient le territoire qui allait devenir la [[Grande-principauté de Moscou|Moscovie]], en soumettant les tribus [[Langues finno-ougriennes|finnoises]] qui occupaient déjà la région et en se mélangeant avec elles. La ville de [[Rostov Veliki]] est dans un premier temps le principal centre de la région, avant d'être supplantée par [[Souzdal]], puis par la ville de Vladimir, qui devient la capitale de la [[principauté de Vladimir-Souzdal]]. La région enregistre des vagues de migrations continues à partir de la région de KievKyiv, pour échapper aux excursions des nomades de la steppe ([[Coumans]], [[Mongols]]…). La principauté combinée de Vladimir-Souzdal s'affirme alors comme une puissance majeure dans la Rusʹ. Profitant des guerres intestines, une figure se détache, celle du prince de Rostov-Souzdal, [[Iouri Dolgorouki]] (1125-1157)<ref>[[Pierre Lorrain (journaliste)|Pierre Lorrain]], ''Moscou et la naissance d'une nation'', Paris, Bartillat, 2010 {{ISBN|2841004503}}.</ref>, qui mène une active politique de renforcement de sa principauté, fondée sur la construction d'un réseau de forteresses destinées à se protéger des Novgodoriens au nord, et des Bulgares de la Volga à l'est : ainsi sont construites les forteresses de [[Zvenigorod]], Kidekcha, [[Iouriev-Polski]], [[Dmitrov]] et peut-être, en avril-novembre 1152, le premier [[kremlin de Moscou]]. Toutes ces villes forment aujourd'hui le célèbre [[Anneau d'or de Russie|« anneau d'or »]]. Cette politique est poursuivie par son fils et successeur [[André Ier Bogolioubski|Andreï Bogolioubski]] (1157-1174). En 1169, le prince {{Souverain3|André Ier Bogolioubski}} porte un coup sévère au pouvoir déclinant de la Rusʹ lorsque ses armées saccagent la ville de KievKyiv. {{Souverain-|André Ier}} installe son frère cadet, qui règne brièvement sur KievKyiv, alors que lui-même continue de gouverner son royaume de Suzdal. Ainsi, le pouvoir politique commence à dériver loin de KievKyiv dans la seconde moitié du {{s-|XII}}. En 1299, à la suite de l'invasion mongole, le [[métropolite]] déplace son siège de KievKyiv à la ville de Vladimir qui remplace ainsi KievKyiv comme un centre religieux majeur de la région.
 
==== Royaume de Galicie-Volhynie ====
{{Article détaillé|Principauté de Galicie-Volhynie}}
Au sud-ouest, la [[principauté de Galicie-Volhynie]] développe des relations commerciales avec ses voisins polonais, hongrois et lituanien et émerge comme le successeur local à la Rusʹ. Au début du {{s-|XIII}}, le prince [[Roman Mstislavitch]] unit les deux principautés de [[Galicie]] et de [[Volhynie]], auparavant distinctes, conquiert KievKyiv, et prend le titre de grand-duc de la Rusʹ. Son fils, [[Daniel de Galicie]], est le premier souverain de la Rusʹ à accepter une couronne de la [[Gouvernement de l'Église catholique|papauté]] romaine, sans rompre pourtant avec [[Constantinople]]. Au début du {{s-|XIV}}, le patriarche de l'[[Patriarcat œcuménique de Constantinople|Église orthodoxe d'Orient]], à Constantinople, accorde aux dirigeants de la Galicie-Volhynie une région métropolitaine afin de compenser le déménagement du métropolite de KievKyiv à Vladimir. Cependant, une longue et infructueuse lutte contre les Mongols, combinée avec l'opposition interne au prince et à des interventions étrangères, affaiblissent la Galicie-Volhynie. Avec la fin de la dynastie de Mstislavitch dans le milieu du {{s-|XIV}}, la principauté de Galicie-Volhynie cesse d'exister. La Galicie est conquise par le [[Royaume de Pologne (1320-1385)|royaume de Pologne]], le [[grand-duché de Lituanie]], lui, prend la Volhynie, y compris KievKyiv, conquis par [[Ghédimin|Gediminas]] en 1321.
 
== Société ==
[[Fichier:Birch bark N109.jpg|thumb|right|Lettre de Jisnomir à Mikoula, {{sp-|XI|-|XII|}}.]]
La Rusʹ de KievKyiv, bien que faiblement peuplée par rapport à l'[[Europe de l'Ouest|Europe occidentale]], eut pourtant une culture assez avancée. L'[[alphabétisation]] à KievKyiv, à Novgorod et dans d'autres grandes villes était élevée, par le biais notamment de [[documents sur écorce de bouleau]]. Novgorod avait un système d'égout et était [[Pavé en bois|pavée en bois]]. La ''[[Rousskaïa Pravda]]'' n’avait généralement pas recours à la [[Peine de mort|peine capitale]], et utilisait un système d'amendes. Certains droits inaliénables furent accordés aux femmes, tels que la [[propriété]] et les [[Impôt sur les successions|droits de succession]].
 
Autour de 1200, KievKyiv comptait environ {{nombre|50000|habitants}}, [[Novgorod]] et [[Tchernihiv|Tchernigov]] toutes deux près de {{nombre|30000|habitants}}, alors que [[Constantinople]] avoisinait les {{nombre|400000|habitants}} vers 1180. À la veille de l'invasion mongole, la Rusʹ aurait compté environ trois cents centres urbains.
 
[[Militaire|Soldats]] et [[Fonction publique|fonctionnaires]] recevaient des revenus et des terres des princes en contrepartie de leurs services politiques et militaires. La société ne disposait pas d'institutions fortes basées sur les [[Classe sociale|classes sociales]] ni de [[Commune (Moyen Âge)|mouvement communal]] comme c'était le cas à l'époque en l'[[Europe de l'Ouest|Europe occidentale]]. Néanmoins, les [[commerce de détail|commerçants]] en milieu urbain, les [[Artisanat|artisans]] et les [[ouvrier]]s exerçaient une influence politique à travers une assemblée municipale, le ''vetché''<ref group=alpha name="vetche" />, qui englobait tous les hommes de la population. Dans certains cas, le vetché conclut des accords avec les dirigeants ou les expulsa et en invita d'autres à prendre leur place. À la base de la société se trouvait un nombre important d'[[esclavage|esclaves]]. Il existait aussi une classe de paysans tributaires de leur seigneur, proches des [[Servage|serfs]], mais le caractère généralisé du servage n'existait pas dans la Rusʹ, à la différence de l'Europe occidentale ou, plus tard, dans l'[[Empire russe]]. La plus grande classe sociale était ainsi composée de paysans libres.
 
=== Institutions ===
Dans les siècles qui suivent la fondation de l'État, les descendants de [[Riourik]] se partagent la Rusʹ de KievKyiv selon une succession particulière : les prétendants au trône changent de [[fief]] à chaque fois que leur place dans la [[Féodalité|hiérarchie féodale]] évolue. Les membres mineurs de la dynastie commencent ainsi généralement leur carrière dans une région reculée et progressent jusqu'à recevoir des principautés plus lucratives, pour enfin prétendre à la principauté de KievKyiv. Le souverain a pour fonctions essentielles d’être à la tête des armées, d’appliquer la justice et d’administrer la terre.
 
Les [[boyard]]s n'ont aucun pouvoir légal pour s'opposer à la volonté du prince, mais il semble que dans la Rusʹ de KievKyiv ils soient devenus conseillers du prince.
 
Le ''vetché''<ref group=alpha name="vetche" /> est une assemblée des hommes libres, qui rassemble ainsi l'ensemble des chefs de famille. Ces réunions se tenaient généralement sur le marché, et elles touchaient une large part de la population qui habitait la Rusʹ, même avant l'arrivée des [[Varègues]]. D’importantes frictions se sont ainsi produites entre les vetchés et le pouvoir princier. Un cas extrême est celui de la [[République de Novgorod|principauté de Novgorod]], où le ''vetché'' était si puissant qu’il est même parvenu, en 1136, à expulser du trône le prince désigné.
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=== Économie ===
[[Fichier:Building ships by Roerich.jpg|thumb|''[[Bateau viking|Bateaux]] construits dans le pays des Slaves'', toile de [[Nicolas Roerich|Nikolaï Roerich]] représentant en 1903 la construction de bateaux de style vikings dans la Rusʹ.]]
L'économie de la Rusʹ de KievKyiv était tournée vers le commerce entre la [[Scandinavie]] et [[Byzance]], depuis le [[Dniepr]]. L'élite de la Rusʹ était essentiellement marchande. Les marchands de KievKyiv allaient non seulement jusqu'à Byzance, mais pouvaient atteindre [[Bagdad]] et la [[Empire perse|Perse]]. Les marchandises exportées étaient des [[esclavage|esclaves]], des [[fourrure]]s, de la [[cire]], du [[miel]], des produits agricoles tels que le [[Lin cultivé|lin]], le [[chanvre]] et le [[houblon]]. La Rusʹ importait de l'Est des chevaux et des [[armes]], de [[Byzance]] des équipements navals, et des métaux et de la [[verrerie]] d'[[Europe centrale]] et d'[[Europe de l'Ouest]]. En raison du trafic important, de nombreuses marchandises pouvaient servir de monnaie d'échange, comme les bovins dans la partie sud de la Rusʹ ou la fourrure (dont celle de la [[Martre des pins|martre]]) dans le Nord. Durant le règne de {{Souverain2|Vladimir Ier}}, des pièces commencent à être frappées, entre autres des ''srebrennik'' d'argent pesant 2,6 g en moyenne et des ''zlatnik'' d'or pesant 4,4 g (proche en termes de poids du [[Solidus (monnaie)|solidus]] byzantin ou du [[dinar or|dinar omeyyade]]) ; le système repose essentiellement sur l'argent métal, et le lingotin appelé [[grivna]]. Du fait de sa géographie, cet État est traversé par des marchands, on y trouve quantité de pièces en provenance de [[Byzance]], de [[Bagdad]], mais aussi de [[République de Venise|Venise]], et la fonction de changeur y était très apprécié.
 
L'[[agriculture]] jouait un rôle important dans l'économie de la Rusʹ, car si le commerce était principalement l'enjeu des classes sociales les plus élevées, l'agriculture était l'activité économique pratiquée par la plus grande partie de la population. Les activités agricoles sont attestées bien avant la naissance de la Rusʹ, en particulier dans les terres du Sud, chaudes et constituées de [[tchernoziom]], terre noire fertiles, riche en matière organique. Les terres du Nord de la Rusʹ (correspondant aujourd'hui aux [[oblast de Novgorod|oblasts de Novgorod]], de [[oblast de Moscou|Moscou]], de [[oblast de Vladimir|Vladimir]], d'[[oblast d'Ivanovo|Ivanovo]] et de [[oblast de Tver|Tver]]), couvertes de forêts de conifères et souvent marécageuses et aux sols [[Podzosol|podzoliques]], avaient une agriculture moins développée et évoluée, avec de plus longues [[jachère]]s. Dans les régions propices, des techniques de [[rotation culturale]] et d'[[assolement triennal]] furent pratiquées à la fin de la Rusʹ.
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== Querelle historiographique ==
En Occident, les termes de ''Rusʹ'' et de ''Russie'' furent longtemps distingués, Rusʹ était alors traduit par ''[[Ruthénie]]'', avant que l'[[historiographie]] russe ne prenne le pas et confonde son nom avec l'ancien État médiéval slave oriental. Ainsi il n'est pas rare de voir encore aujourd'hui écrit abusivement ''Russie de KievKyiv'' au lieu de ''Rusʹ de KievKyiv''<ref>{{Lien web |titre=La Rus’ : le point litigieux historique entre l’Ukraine et la Russie |url=http://www.nouvelle-europe.eu/node/1858 |auteur=Bogdan Mytrowytch |site=nouvelle-europe.eu |date=17 novembre 2014 |consulté le=21 mai 2015}}.</ref>.
 
La déformation et la captation d'héritage opérées par l'historiographie russe, fait remonter la naissance de l'État russe à l'époque de la principauté de KievKyiv. Mais la principauté de KievKyiv existait déjà aux {{s2-|IX|X}}, elle était alors le seul grand État des Slaves orientaux. Or la Russie proprement dite, (originellement appelée "Moscovie") avec son état d'esprit impérial, est apparue au cours des {{Sp-|XV|et|XVI|s}}<ref>{{Lien web |titre=Les Russes ont capté l'héritage de l'Ukraine à leur profit |url=https://www.liberation.fr/week-end/2004/12/11/les-russes-ont-capte-l-heritage-de-l-ukraine-a-leur-profit_502516 |site=liberation.fr|date=11 décembre 2004 |consulté le=24 novembre 2014}}.</ref>.
 
De son côté, à l'instar de l'historiographie russe, l'historiographie ukrainienne, longtemps méconnue, s'est réapproprié cet héritage à titre parfois exclusif<ref>Par exemple [[Arkady Joukovsky]] soutient cette thèse dans ''Histoire de l'Ukraine'', Paris, Dauphin, 1993.</ref>. La [[Biélorussie]] quant à elle n'a jamais insisté sur sa période ruthène, ce qui lui vaut parfois d'être omise de la querelle historiographique. Son rôle étroit historiquement au sein du grand-duché de Lituanie a contribué à forger cette position, quoique ce dernier prétendit, comme la [[Grande-principauté de Moscou|Moscovie]], être la continuité de la Rusʹ.
 
Dans les faits, cet État composé de tribus slaves orientales se disloqua en une multitude de principautés indépendantes avant même l'invasion mongole reprenant par ailleurs plus ou moins les anciennes divisions tribales slaves orientales préexistantes. KievKyiv, la capitale, n'était alors plus un véritable enjeu. Ni l'[[Ukraine]], ni la [[Biélorussie]], ni la [[Russie]] ne peuvent se prévaloir héritières seules et légitimes de la Rusʹ puisque la notion même d'identité russe, biélorusse et ukrainienne lui était encore étrangère au moment de son effondrement<ref>{{Ouvrage|prénom1=Alexandra|nom1=Goujon|titre=L'Ukraine : de l'indépendance à la guerre|date=2021|isbn=979-10-318-0479-8|oclc=1287917594}}</ref>. {{refnec|Mais on peut aussi bien dire que la Rus' est l'ancêtre commun de ces trois États contemporains dans la mesure où elle couvrait une partie des territoires de ces trois États, unifiés à cette époque par une langue, une religion et des mœurs communes.}}
 
=== Débat relatif à l'empire médiéval de KievKyiv ===
Les Slaves ont fait, à la fin de l'Antiquité, leur entrée dans l'Histoire. Le groupe oriental {{Incise|ancêtres des Biélorusses, des Russes et des Ukrainiens}} était représenté, au {{s-|IX}}, par une série de tribus déjà groupées autour de centres proto-urbains, dont l'un fut à l'origine de la ville de KievKyiv. Cette mosaïque, encore unie par [[vieux russe|la langue écrite]], la culture et la religion subit le choc des invasions mongoles de 1237-1240, dont on considère qu'elles marquent la fin de la période « kiévienne » et le début de l'histoire différenciée des peuples slaves orientaux modernes.
 
L'héritage kiévien n'est pas allé tout entier à un héritier unique : il a été partagé et interprété différemment à l'ouest par les Ukrainiens et les Biélorusses dans le cadre de la grande principauté lituanienne puis de l'ensemble polono-lituanien des {{sp-|XVI|-|XVIII|s}}, à l'est par le [[Tsarat de Russie|tsarat de Moscovie]] (qui prit le nom de Russie en 1721, une dénomination dérivée de Rusʹ).
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=== Articles connexes ===
* [[Christianisation de la Rus' de Kiev|Christianisation de la Rus' de Kyiv]]
* [[Métropolinat de Kiev|Métropolinat de Kyiv]] (Église de KievKyiv et de toute la Rusʹ)
* [[Route commerciale des Varègues aux Grecs]]
* [[Guéniza du Caire]]
* [[Khazars]]
* [[Liste des souverains de Kiev|Liste des souverains de Kyiv]]
 
=== Liens externes ===
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