Philippe Pétain

militaire, diplomate et homme d'État français
Ceci est une version archivée de cette page, en date du 27 août 2006 à 00:49 et modifiée en dernier par 83.113.203.32 (discuter). Elle peut contenir des erreurs, des inexactitudes ou des contenus vandalisés non présents dans la version actuelle.

Henri Philippe Benoni Omer Joseph Pétain (1856-1951) fut un militaire et un homme d'État français, fait Maréchal de France en 1918.

Philippe Pétain

Né le 24 avril 1856 à Cauchy-à-la-Tour dans le Pas-de-Calais, il meurt le 23 juillet 1951 à Port-Joinville durant son internement sur l'île d'Yeu en Vendée, où il est inhumé.

Comme chef militaire, le maréchal Pétain est généralement considéré comme le vainqueur de Verdun et un des vainqueurs de la Première guerre mondiale. Comme chef de l'État, son nom est associé à l'armistice de juin 1940 et au régime de Vichy qui a collaboré avec l'Allemagne nazie.

Biographie

Jeunesse, formation et première carrière

Ayant reçu une éducation catholique, il sert la messe comme enfant de chœur durant sa jeunesse. Impressionné par les récits de son oncle, qui a servi dans la grande armée de Napoléon, et très marqué par la guerre de 1870 alors qu'il a 14 ans, il décide d'être soldat.

À partir de 1876, il est élève à École spéciale militaire de Saint-Cyr. Il y entre parmi les derniers (403° sur 412) et en sort en milieu de classement (229° sur 336). Il est posté dans différentes garnisons, mais ne participe à aucune des campagnes coloniales. En 1900, à l'école de tir de Châlons, il s'oppose au directeur, le colonel Vonderscher, pour qui l'intensité du tir prime sur la précision. En 1919, ce colonel reconnut que Pétain avait raison.

En 1901, il occupe un poste de professeur adjoint à l'École de Guerre où il se distingue par des idées tactiques originales qui déplaisent à Foch. Il y retourna de 1904 à 1907 puis de 1908 à 1911, où il fut titulaire de la chaire de tactique de l'infanterie. Il s'élève alors violemment contre le dogme de la défensive de l'instruction de 1867, « l'offensive seule pouvant conduire à la victoire ». Mais il s'élève aussi contre le code d'instruction militaire de 1901 prônant la charge en grandes unités baïonnette au canon. Les milliers de morts d'août et septembre 1914 lui donnèrent raison.

Le 20 octobre 1912, il fut le premier chef d'unité de celui qui devint le général de Gaulle, alors sous-lieutenant. En septembre 1913, amené à commenter la tactique du général Gallet, qui avait fait charger à la baïonnette des nids de mitrailleuses, il dit : « le général vient de nous montrer toutes les erreurs à ne pas commettre ». Ce qui lui valut l'hostilité de la hiérarchie. Humiliés par la défaite de 1870, les États-majors se montrent volontiers bravaches et revanchards. On y prône la guerre à outrance. Pétain, lui, préconise la manœuvre, la puissance matérielle, le mouvement, l'initiative : « le feu tue ».

À 58 ans, en juillet 1914, le colonel Philippe Pétain s'apprêtait à prendre sa retraite après une carrière relativement médiocre, le ministre de la Guerre ayant refusé sa nomination au grade de général.

L'homme de Verdun

Dès le début de la Première guerre mondiale, à la tête d'une brigade d'infanterie, il se distingue en Belgique. Nommé général de corps d'armée, il réalise des actions d'éclat tout en se montrant soucieux d'épargner la vie de ses hommes dont il gagne le cœur.

En février 1916, c'est lui qui commande les troupes françaises à Verdun et son charisme n'est pas étranger à l'issue victorieuse du combat, même si la ténacité de ses troupes, comme par exemple celle du Colonel Pouchistah au Fort de Vaux, en a été le facteur décisif. On notera cependant que sa vision stratégique de la bataille lui a permis de comprendre immédiatement que le meilleur soldat du monde, s'il n'est pas ravitaillé, évacué sur blessure, ou relevé après de durs combats, sera finalement vaincu. Il mettra en place une noria continue de troupes, d'ambulances, de camions de munitions et de ravitaillement sur ce qui va devenir la « voie sacrée ». Comprenant la valeur de l'aviation dans les combats, il créera en mars 1916 la première division de chasse aérienne pour dégager le ciel au dessus de Verdun. Désormais, aux yeux de tous il est le « vainqueur de Verdun » même si cette appellation fut surtout exploitée plus tard, notamment sous le régime de Vichy.

En 1917, le général Nivelle prend la tête des armées françaises, alors que Joffre n'était que le chef du front du nord-est. Le général Pétain est nommé chef d'état-major général, poste spécialement créé pour lui. Il s'oppose à Nivelle dont l'apparente négligence du sang de ses hommes, que certains lui ont reproché, contraste avec le pragmatisme de Pétain. Cela a abouti à la bataille du Chemin des Dames, le 16 avril. Mais les Français ont tenu, même si, sous les drapeaux, le mécontentement a grondé. Nivelle est renvoyé et Pétain se trouve être l'homme providentiel pour lui succéder et ramener la confiance des troupes en améliorant les conditions de vie des soldats, en mettant fin aux offensives mal préparées et en faisant condamner les mutins, dont seule une petite minorité fut fusillée malgré les exigences des hommes politiques. En octobre 1917, il prendra le Chemin des Dames aux Allemands, par des offensives économes de la vie des soldats, mais toutes victorieuses.

Certains dénient à Pétain le titre mythique de « vainqueur de Verdun » et considèrent cette réputation due principalement à sa gestion du moral des combattants grâce à ses mesures « humaines » et à sa volonté d'éviter les offensives inutiles, plus qu'à ses qualités militaires. Parmi eux, on trouve Joffre, Foch et Clemenceau, qui reprochent à Pétain son défaitisme.

Au début de 1918, il est à l'origine du retour de Foch, qui avait été renvoyé avec Nivelle. Il sera désormais à l'origine de la coordination de toutes les troupes alliées, dont Foch sera le responsable. En octobre 1918, il prépare une grande offensive qui devait mener les troupes franco-américaines jusqu'en Allemagne. Le début de l'offensive est fixé au 13 novembre. Elle n'aura pas lieu, Foch et Clemenceau, contre son avis, ayant accepté l'armistice demandé par les Allemands.

Après la victoire, Pétain sera élevé à la dignité de maréchal de France le 19 novembre 1918. Il reçoit son bâton de maréchal le 8 décembre 1918.

L'entre-deux-guerres

En 1919, Pétain est élu membre de l'Académie des sciences morales et politiques qui rassemble de nombreux hommes politiques. Le 14 septembre 1920, agé de 64 ans, il épouse civilement Eugénie Hardon, qu'il avait précédemment demandé en mariage en 1901, mais dont il n'eut pas de descendance.

En 1925-1926, des troupes françaises sous Pétain en campagne avec une armée espagnole (250 000 hommes au total) mènent une campagne contre les forces d'Abd el-Krim de l'éphémère République du Rif, au Maroc; les forces franco-espagnoles sont victorieuses, grâce en partie à l'emploi des armes chimiques.

Le 20 juin 1929, il est élu à l'unanimité membre de l'Académie française, au 18e fauteuil, où il succède au maréchal Foch. Il en fut radié en 1945 et non remplacé de son vivant.

Le 22 janvier 1931, il est reçu par Paul Valéry, dont le discours de réception - qui retrace sa biographie - se trouve dans Variétés. Le discours rappelle et développe une phrase sur laquelle insistait Pétain : « le feu tue », et comporte des considérations sur la façon dont « la mitrailleuse a modifié durablement les conditions du combat à terre » et les règles de la stratégie. Le discours rappelle aussi les désaccords de vue, dans le respect mutuel, entre Pétain et Joffre.

Le 9 février 1934, il fut nommé ministre de la Guerre dans le gouvernement Doumergue, fonction qu'il occupa jusqu'au renversement du cabinet le 8 décembre 1934, car il jouissait d'une très grande popularité (en témoigne en 1935, la célèbre campagne lancée par Gustave Hervé intitulée « C'est Pétain qu'il nous faut ») et que son seul nom rassure. Il en garda un profond mépris pour le parlementarisme et refusa toutes les sollicitations ultérieures jusqu'à 1940. Lors de son passage au ministère de la Guerre, il réduira le budget de l'armée, alors que Hitler commençait au même moment à réarmer l'Allemagne.

Il préside par la suite le Conseil supérieur de la Guerre, où il laisse prévaloir la politique de guerre défensive et rejette les propositions de guerre offensive telles que celles du colonel de Gaulle préconisant la concentration de chars dans des divisions blindées. Les gouvernements de la fin des années 1920 affectent d'importants efforts budgétaires pour la construction des lignes de défense. L'adoption de cette stratégie (symbolisée par la très coûteuse Ligne Maginot) ne fut pas pour rien dans le résultat tragique de la Bataille de France, ce que Pétain ne mentionna jamais quand il examina les responsabilités de la défaite, qu'il imputa exclusivement aux politiques. Les responsabilités militaires dans la débâcle (notamment le défaitisme de l'état-major) sont pourtant écrasantes, comme le révèlera plus tard le procès de Riom qui se retournera contre Vichy.

Le 2 mars 1939, Pétain est nommé ambassadeur de France en Espagne. Le 20 mars 1939, il présente ses lettres de créance au général Franco, chef de l'État espagnol, résidant alors à Burgos.

Au nom du rapprochement diplomatique avec l'Espagne (allié potentiel d'Hitler dans la guerre qui approche), mais aussi par admiration pour ce régime traditionnaliste et autoritaire, Pétain fait rapatrier à Madrid l'or de la Banque d'Espagne et les toiles du musée du Prado que la République avait confié à la France. En 1941, devenu chef de l'Etat français, Pétain livrera à Franco plusieurs réfugiés politiques, dont l'ancien chef du gouvernement autonome catalan, Luys Companys, fusillé peu après à Barcelone.

Le printemps 1940

Le 17 mai 1940, Pétain est nommé vice-président du Conseil dans le gouvernement de Paul Reynaud. Franco lui avait conseillé de ne pas accepter d'apporter sa caution à ce gouvernement. Le 14 juin 1940, Paris est occupé par l'armée allemande. Le gouvernement, le président de la République et les Assemblées sont réfugiés à Bordeaux. Dès son arrivée au gouvernement, Pétain se fera un des avocats les plus constants de l'armistice auprès du président du Conseil Paul Reynaud. Ainsi, il mettra plusieurs fois sa démission dans la balance et déclare qu'il n'est aucunement question pour lui de quitter la France pour poursuivre la lutte.

Le 16 juin 1940, Paul Reynaud présente la démission du gouvernement et suggère, suivi en cela par les présidents du Sénat et de la Chambre des députés, de confier la présidence du Conseil au Maréchal Pétain, choix aussitôt approuvé par le Président de la République Albert Lebrun. Pétain est alors vu par beaucoup comme l'homme providentiel. Charles Maurras salue son arrivée comme une « divine surprise ».

Le 17 juin 1940, suivant le conseil énoncé le 12 juin par le général Maxime Weygand, chef d'état-major des Armées, Pétain annonce son intention de demander l'armistice qui fut signé le 22 juin 1940 à Rethondes, puis approuvé par le Conseil des ministres et le Président de la République.

Le 29 juin 1940, le Gouvernement s'installe à Vichy, en zone non occupée par l'armée allemande. C'est Pierre Laval qui, résidant à Châteldon, à une trentaine de kilomètres de la cité thermale, avait insisté pour que le gouvernement s'établisse à Vichy. Cela évitait de chercher refuge à Lyon ou Toulouse, vieux fiefs du radical-socialisme. De plus cette ville présentait les avantages d'un réseau téléphonique extrêmement performant et d'une multitude d'hôtels luxueux qui furent réquisitionnés pour servir aux différents ministères et ambassades.

Une loi, dite constitutionnelle, votée par les deux chambres (569 voix pour, 80 contre) réunies en Assemblée nationale au casino de Vichy donne tous les pouvoirs au maréchal Pétain avec pour mission la promulgation d'une nouvelle Constitution qui ne vit jamais le jour. De sorte que l'État français allait rester durant toute sa durée un État provisoire.

La constitutionnalité de cette réforme fut remise en question pour plusieurs motifs dont le fait que la Constitution ne peut pas être modifiée sous la menace directe d'un ennemi. La confusion de tous les pouvoirs (constituant, législatif, exécutif et judiciaire) entre les mêmes mains est contraire aux fondements même des lois constitutionnelles de 1875, fondées sur une séparation souple des pouvoirs.

De 1940 à 1944 : le régime de Vichy

L'installation du régime

La Troisième République est rendue responsable de la défaite de Juin 1940 par une partie de la droite, l'extrême-droite et les activistes anti-républicains. Cette accusation rencontre une forte audience auprès de nombreux Français, qui sont traumatisés par ce désastre militaire et la déroute d'une armée présentée auparavant par ses dirigeants, et plus particulièrement par le général Weygand, comme l'une des plus fortes au monde.

Le 10 juillet, insistant sur la responsabilité des institutions et des chefs de la Troisième République, Pierre Laval fait voter par le Parlement les pleins pouvoirs (constituant, législatif, exécutif et judiciaire) au maréchal Pétain, qui devient chef de l'État.

Jouant à fond sur sa réputation de « vainqueur de Verdun », le régime va stimuler le prestige du Maréchal et mettre en place un culte de la personnalité omniprésent : les photos du Maréchal figurent dans les vitrines de tous les magasins, sur les murs des cités, dans toutes les administrations, ainsi que dans tous les locaux scolaires et ceux des organisations de jeunesse.

Les libertés publiques sont suspendues tout comme les partis politiques, alors que les syndicats sont unifiés dans une organisation corporatiste du travail. Des juridictions d'exceptions sont mises en place.

Vichy s'appuie sur les notables, les autorités traditionnelles, les forces réactionnaires et contre-révolutionnaires du pays. A la différence du nazisme et du fascisme qui se présentent comme révolutionnaires, ennemis de la tradition et promoteurs d'un ordre nouveau, Vichy est avant tout un régime réactionnaire au sens strict du terme, c'est-à-dire qu'il développe une thématique de « retour à l'ordre ancien », de retour à la terre et aux valeurs traditionnelles. Ainsi, Vichy sera le premier régime à revenir totalement sur les fondements de la Révolution de 1789 et à nier complètement ses valeurs. La « Révolution Nationale » est lancée. Sa devise « Travail, Famille, Patrie » remplace la devise républicaine « Liberté, Égalité, Fraternité ».

Dans l'optique de la restauration de la France, le régime de Vichy va créer très tôt, sous la direction du général de La Porte du Theil, des camps de formation qui deviendront plus tard les Chantiers de la jeunesse française. L'idée est de réunir toute une classe d'âge (en remplacement du service militaire désormais supprimé), et, à travers une vie au grand air, dans une méthode proche du scoutisme, leur inculquer les valeurs morales du nouveau régime.

D'autres moyens de contrôle économique et social sont également mis en place dans le domaine économique, comme les Comités professionnels d'organisation et de répartition, ayant un pouvoir de juridiction sur leurs membres ou un pouvoir de répartition des matières premières, pouvoir capital en ces temps de restrictions généralisées. Il en est de même avec la Charte du travail instaurant le système du syndicat unique et le corporatisme paysan.

Parallèlement au développement d'un pouvoir centralisé, le maréchal se consacre au « relèvement de la France » : rapatriement des réfugiés, démobilisation, ravitaillement, maintien de l'ordre, et maintien de l'unité nationale. Il se porte garant du respect par l'Allemagne des conventions d'armistice.

Le régime du maréchal Pétain prend plusieurs mesures comme la création d'un ministère de la Reconstruction, l'unification du permis de construire, ou une politique familiale. D'autres dispositions, plus modestes, sont adoptées : interdiction de fumer dans les salles de spectacle, institution de la fête des mères.

Il faut cependant nuancer ces mesures qui s'accompagnent de décisions inacceptables. En octobre 1940 et sans demande particulière de la part des Allemands, des lois d'exclusion contre les francs-maçons et les juifs sont promulguées (Voir article La France sous le régime de Vichy). Ces textes discriminatoires, adoptés à la hâte en octobre 1940 et beaucoup plus durs que ceux de l'Italie fasciste, furent durcies en 1941 : ils excluent ainsi les Français de « race juive » (déterminée par la religion des parents) de la plupart des fonctions et activités publiques. Bien qu'un quota fût fixé pour le nombre d'étudiants juifs admissible à l'Université, la réticence de plusieurs universitaires permit de limiter les exclusions.

Le période de l'Armistice voit aussi la création de la « Légion française des combattants » (LFC), à laquelle furent ensuite agrégés les « Amis de la Légion » et les « Cadets de la Légion » : fondée par Xavier Vallat le 29 août 1940 et présidée par le maréchal Pétain, pour Vichy, elle doit servir au départ de fer de lance de la Révolution Nationale et du Régime.

De cette légion sort pourtant un Service d'ordre légionnaire (SOL) qui s'engagera dans la voie du collaborationisme. Commandée par Joseph Darnand, héros de la Première guerre mondiale et de la campagne de 1940, elle devient en janvier 1943 la « Milice française ». A la fin de la guerre, alors que Vichy n'est plus qu'un régime fantoche aux ordres des Allemands, une partie de la Milice (qui comptera au maximum 30000 hommes), participa activement à la lutte contre la Résistance, avec les encouragements publics du Maréchal Pétain comme de Pierre Laval, son président officiel.

Haïe et méprisée, la Milice s'illustrera dans d'innombrables actes de vols et de chantage, de tortures, de viols, de meurtres. Pétain attendra le 6 août 1944 pour les désavouer dans une note à Darnand, trop tardivement pour que ce dernier soit dupe. Pendant quatre ans, rappellera Darnand dans sa réponse caustique au Maréchal, vous m'avez encouragé au nom du bien de la France, "et maintenant que les Américains sont aux portes de Paris, vous commencez à me dire que je vais être la tâche de l'Histoire de France. On aurait pu s'y prendre avant !"

La collaboration

Sur le plan de la politique extérieure, Pétain, après avoir tenté dans un premier temps de rester neutre dans le conflit en cours entre les États de l'Axe et la Grande-Bretagne, engage le régime de Vichy dans la « Collaboration ». Certes, l'armistice avait permis, en un premier temps, de limiter l'occupation allemande à la moitié nord et ouest du territoire. Mais l'autonomie de la zone sud fut toute relative, car Pétain, avec ou sans discussion préliminaire, dut plier le plus souvent devant les exigences des autorités allemandes. Surtout, il est établi, notamment depuis les travaux de R.O. Paxton, amplement confirmés depuis, que le Maréchal Pétain a recherché et voulu la collaboration avec l'Allemagne nazie. Il l'a recherché et poursuivi dans l'espoir de faire de la France le partenaire privilégié du Reich dans une Europe durablement sous hégémonie allemande. Elle ne lui a pas été imposée.

Pétain propose à Hitler de collaborer, dès l'entrevue de Montoire du 24 octobre 1940. La « poignée de mains de Montoire », largement diffusée aux actualités cinématographiques, est exploitée par la propagande allemande. Le 30 octobre 1940 le maréchal Pétain, dans une allocution radiodiffusée appelle les Français à « collaborer » avec l'occupant.

Lorsque les Allemands mobilisèrent les Alsaciens-Lorrains, le 25 avril 1942, et les déclarèrent « citoyens allemands » le 30 août 1942, en violation flagrante de la Convention d'armistice, une protestation fut émise par Vichy, sans être rendue publique. Recevant les parlementaires alsaciens-lorrains, Pétain n'aura que la résignation à leur prêcher. Dès 1940, des ordres avaient été donnés à la censure de ne pas parler des milliers d'habitants francophiles expulsés brutalement des trois départements annexés. En revanche, il laisse Laval rapatrier à Strasbourg germanisée les trésors artistiques mis à l'abri en 1940, ainsi celui de la cathédrale de Strasbourg.

François Darlan, successeur désigné du Maréchal, et ministre des Affaires étrangères, signe avec Abetz, le 6 mai 1941, le premier « Protocole de Paris » prévoyant la cession à l'aviation allemande de la base aérienne d'Alep en Syrie, ainsi que la livraison des 3/4 du matériel et des armements de l'Armée française du Levant aux forces irakiennes en guerre contre les Britanniques. Pétain intervint personnellement pour que cet accord soit appliqué sans réserve. En Septembre 1942, le général Bridoux, ministre de Pétain, fit entrer secrètement en zone « non occupée » 280 policiers allemands, qu'il avait muni de faux papiers français, pour y combattre les résistants.

Lorsque les Alliés débarquèrent en Afrique du Nord, le 8 novembre 1942, Pétain donna officiellement l'ordre de les combattre à ses généraux d'Algérie et du Maroc, qui livrèrent 3 jours de combats sanglants aux Américano-Britanniques. Si ces ordres ne furent pas exécutés à Alger ce fut parce que son XIXe corps d'armée fut neutralisé par des résistants civils, dont le putsch du 8 novembre 1942 permit aux alliés d'y débarquer sans opposition, d'encercler la ville et de la capturer le jour même (voir Opération Torch). Les Américains, qui méprisent de Gaulle, jouent alors la carte Darlan : pour eux, il est le seul qui puisse mettre fin aux combats qui se poursuivent un peu partout. Bien que Pétain appelle l'Afrique du Nord à continuer le combat, le général Clark (adjoint d'Eisenhower) accourt de Gibraltar, bouscule, menace l'amiral qui finit par ordonner le cessez-le-feu « au nom du maréchal », le 10 novembre. La réaction publique de Pétain est immédiate : Darlan est désavoué, destitué, remplacé par Noguès. Mais le 11, Darlan reçoit de Vichy un télégramme laconique dont le code secret est inconnu des Allemands, mentionnant "l'accord intime du Maréchal". Selon Robert Paxton, ce télégramme ne révèle pas un quelconque « double jeu » de Pétain : il indiquerait au mieux que le maréchal appuyait la politique de neutralité de Darlan, lequel n'était pas encore passé dans l'autre camp. D'autres, comme François-Georges Dreyfus, y ont vu en revanche traditionnellement un élément probant de « double-jeu ». Le texte complet du télégramme - "accord intime du Maréchal, mais décision finale soumise autorisation allemande" rend cette dernière hypothèse hautement improbable, et dépourvue de cohérence avec tous les actes et les paroles publiques de Pétain entre 1940 et 1944. Par la suite, Darlan, grâce à l'approbation d'Eisenhower, peut reprendre sa place à la tête de l'Afrique du Nord, traiter au mieux avec les Alliés, confirmer le cessez-le-feu. Et sous la très forte pression de son entourage et des Américains, ramener l'Empire dans la guerre.

Quand, le 11 novembre 1942, les forces germano-italiennes envahirent la zone non occupée de la France, Pétain à nouveau ordonna personnellement aux officiers français de ne pas résister.

Lorsque le port de l'étoile jaune fut imposé aux juifs en zone occupée, Pétain ne protesta pas même si cette mesure ne fut pas étendue à la Zone sud.

Lorsque les Allemands envahirent la Zone sud pour répondre au débarquement américain en Afrique du nord, Pétain perdit son dernier atout aux yeux des Allemands avec le sabordage de la flotte française à Toulon où elle était ancrée (27 novembre 1942). Ce sabordage n'eut lieu qu'in extremis, alors que les premiers véhicules Allemands débouchaient sur le quai: l'amiral de Laborde, après avoir refusé de rejoindre les Alliés avec la flotte et conclu un accord avec la Wehrmacht, s'accrocha jusqu'au bout à l'illusion que le chancelier Hitler respectera sa parole. Un coup de fil de Pierre Laval tenta, trop tard, d'empêcher le sabordage, au risque de voir les bâtiments passer sous contrôle allemand - on peut se demander ce qu'eût été la guerre en Méditerrannée ou les difficultés du débarquement de Normandie si la flotte allemande s'étaient brusquement retrouvée pourvue de tous ces navires. Seuls quelques bâtiments prirent la mer pour rejoindre l'Afrique du Nord.

La perte de l'Empire, la fin de la flotte et de la zone libre, la dissolution de l'Armée d'Armistice faisaient perdre à Vichy ses derniers atouts face aux Allemands. La décision de maintenir malgré tout le cap de la collaboration d'Etat déçut jusqu'à un certain nombre de partisans et de participants du régime de Vichy. Pétain perdit beaucoup de la popularité dont il jouissait depuis 1940 et la Résistance s'intensifia malgré l'organisation de la milice de Vichy.

Selon l'historien Robert Paxton, dans son ouvrage La France de Vichy, publié en 1972, les nazis se sont toujours méfiés du concept de collaboration. C'est leurs propres réticences, plus qu'une hypothétique résistance de Vichy à leurs demandes, qui empêchera la collaboration d'aller aussi loin qu'elle aurait pu. En effet, dans le système de pensée nazi, la France était nécessairement inférieure à l'Allemagne et ne pouvait donc en aucun cas être considérée comme un allié à part entière, ni être mise sur un pied d'égalité avec le Reich dans l'Europe nouvelle. Ce qui montre que le calcul de Vichy, qui souhaitait une place éminente pour la France dans cette nouvelle Europe dominée par l'Allemagne nazie, était voué à l'échec dès le départ.

Selon Jean-Marc Varaut, ancien avocat du préfet Papon, dans son livre sur le procès Pétain, les Allemands se seraient plaints à de nombreuses reprises de la mauvaise volonté du chef de l'État français. On peur discuter de leur signification réelle: vu ses exigences insatiables, l'occupant n'était jamais disposé à se montrer satisfait, et la brutalité croissante des maîtres ne les disposaient pas à tolérer la moindre réticence, même non suivie d'actes. Quoi qu'il en soit, Pétain n'a jamais pu obtenir de la part de l'Allemagne les contreparties dont il se portait garant et qui étaient censées justifier la politique de collaboration.

Le 20 août 1944, le Maréchal fut enlevé et emmené contre son gré à Sigmaringen en Allemagne, où s'étaient réfugiés les dignitaires de son régime. Une fois de plus, il ne tenta pas de résister, et ne songea pas à démissionner, maintenant dans une lettre aux Français la fiction selon laquelle "je suis et demeure moralement votre chef."

Le 24 avril 1945 il décide de rejoindre la frontière suisse puis se rend aux autorités françaises le 26 avril.

Le procès et la captivité

Le procès du maréchal Pétain débuta le 23 juillet 1945 devant la Haute Cour de Justice. Défendu par Jacques Isorni, Philippe Pétain déclara le premier jour qu'il avait toujours été un allié caché du Général de Gaulle et qu'il n'était responsable que devant la France et les Français qui l'avaient désigné et non devant la Haute Cour de Justice. De ce fait, Philippe Pétain annonça qu'il ne répondrait pas aux questions qui lui seraient posées. Vinrent déposer de nombreuses personnalités en tant que témoins soit à charge (Édouard Daladier, Paul Reynaud, Léon Blum, Pierre Laval) soit à décharge (le général Weygand, le pasteur Boegner).

Le procès s'acheva le 15 août 1945 à l'aube : la cour le déclara notamment coupable d'intelligence avec l'ennemi et de haute trahison. Elle le condamna à mort, à l'indignité nationale et à la confiscation de ses biens, assortissant toutefois ces condamnations du vœu de non-exécution de la sentence de mort, en raison de son grand âge.

Il existe au moins deux compte rendus imprimés du procès :

  • Géo London, le Procès Pétain,avec 44 croquis d'audience de Jean Auscher,Lyon, Roger Bonnefon éditeur. Achevé d'imprimer le 10 février 1946. In-8 (225x145), 1084 p. (collection '« Les Grands Procès de la Guerre 1939-1945 ») ;
  • Le procès du Maréchal Pétain - Compte rendu sténographique", Collection des grands procès contemporains, Albin Michel (2 tomes) ; dépôt légal, octobre 1945.

Son avocat lors du procès, Jacques Isorni, publia également un livre sur sa chute : Souffrance et mort du Maréchal.

Eu égard au vœu de la Haute Cour de justice et peut-être également en raison des mérites passés du Maréchal et de leurs anciens liens, le général de Gaulle, chef du Gouvernement provisoire de la République, commua la sentence de mort en peine de réclusion à perpétuité.

Le maréchal Pétain fut brièvement interné au fort du Portalet, dans les Pyrénées, du 15 août au 16 novembre 1945, date à laquelle il fut transféré au Fort de la Citadelle, sur l'île d'Yeu (Vendée). Son épouse, installée à son tour dans l'île, bénéficia d'un droit de visite quotidien.

La santé du Maréchal Pétain déclina à partir du début de l'année 1951, les moments de lucidité devenant de plus en plus rares. Eu égard à cette situation, le Conseil supérieur de la Magistrature, présidé par Vincent Auriol, président de la République, en vue d'adoucir une fin prévisible, autorisa le 8 juin 1951 l'« élargissement » et la résidence « dans un établissement hospitalier ou tout autre lieu pouvant avoir ce caractère ». Le transfert dans une maison privée de Port-Joinville eut lieu le 29 juin 1951, et le Maréchal mourut le 23 juillet 1951. Il fut inhumé le surlendemain dans le cimetière marin de l'île d'Yeu.

Dans les années 1970 eut lieu un épisode rocambolesque : sa dépouille fut enlevée par des personnes se réclamant de sa mémoire, et désireuses d'obtenir le transfert de ses cendres au Fort de Douaumont (Verdun), auprès des centaines de milliers de soldats français qui y sont tombés, conformément à ses dernières volontés.

La tombe du maréchal Pétain fut fleurie au nom de la présidence de la République en 1966 et en 1976 (commémoration de Verdun). Sous le septennat de François Mitterrand, elle fut fleurie pendant plusieurs années consécutives entre 1984 et 1992 et cette pratique ne cessa qu'après les protestations de la communauté juive.

Compte-tenu de la peine de dégradation nationale prononcée le 15 août 1945, le maréchal Pétain fut exclu de l'Académie française. Toutefois, l'Académie n'a pas élu de remplaçant de son vivant au 18e fauteuil, égard auquel eut également droit Charles Maurras (tandis qu'Abel Bonnard et Abel Hermant y étaient remplacés dès 1946).

Malgré sa condamnation, Philippe Pétain conserva sa dignité de Maréchal de France, laquelle figure expressément sur son acte de décès.

Le jugement de Charles de Gaulle

« Toute la carrière de cet homme d'exception avait été un long effort de refoulement. Trop fier pour l'intrigue, trop fort pour la médiocrité, trop ambitieux pour être arriviste, il nourrissait en sa solitude une passion de dominer, longuement durcie par la conscience de sa propre valeur, les traverses rencontrées, le mépris qu'il avait des autres. La gloire militaire lui avait, jadis, prodigué ses caresses amères. Mais elle ne l'avait pas comblé, faute de l'avoir aimé seul. Et voici que, tout à coup, dans l'extrême hiver de sa vie, les événements offraient à ses dons et à son orgueil l'occasion tant attendue! de s'épanouir sans limites, à une condition, toutefois, c'est qu'il acceptât le désastre comme pavois de son élévation et le décorât de sa gloire...
Malgré tout, je suis convaincu qu'en d'autres temps, le Maréchal Pétain n'aurait pas consenti à revêtir la pourpre dans l'abandon national. Je suis sûr, en tout cas, qu'aussi longtemps qu'il fut lui-même, il eût repris la route de la guerre dès qu'il put voir qu'il s'était trompé, que la victoire demeurait possible, que la France y aurait sa part. Mais, hélas! les années, par-dessous l'enveloppe, avaient rongé son caractère. L'âge le livrait aux manœuvres de gens habiles à se couvrir de sa majestueuse lassitude. La vieillesse est un naufrage. Pour que rien ne nous fût épargné, la vieillesse du maréchal Pétain allait s'identifier avec le naufrage de la France »

Carrière militaire

  • 1878-1883 Sous-lieutenant - 1° affectation au 24°BCP de Villefranche
  • 12/12/1883-1890 Lieutenant - 1° affectation au 3° bataillon de chasseurs de Besançon
  • novembre 1888 - entrée à l'école de guerre 14° promotion
  • 1890 Capitaine à la sortie de l'école - affecté à l'état-major du 15° CA à Marseille.
  • 1892 - affecté au 29°BCP à Vincennes
  • 1893 - état-major du gouverneur militaire de Paris
  • 12/07/1900 Commandant - affecté à l'école de tir de Châlons.
  • début 1901 - affecté au 5° RI à la caserne de La Tour Maubourg à Paris
  • été 1901 - professeur-adjoint à l'école supérieure de guerre
  • été 1903 - chef de bataillon au 104°RI
  • été 1904 - 1907 - professeur à l'école de guerre
  • été 1907 Lieutenant-colonel commandant le 118° RI à Quimper
  • 1908-26/06/1911 - titulaire de la chaire de tactique de l'infanterie à l'école de guerre
  • 31/12/1910 Colonel
  • 26/06/1911- commandant le 33°RI à Arras
  • 1912 professeur de tactique générale à l' école de cavalerie de Saumur
  • 1914 commandant par intérim de la 4° brigade à Saint-Omer
  • 24/07/1914 - décision de prendre sa retraite
  • Août 1914 - Commandant la 4° brigade du 1°CA.
  • 27/08/1914 Général de brigade
  • 02/091914 - Commandant la 6°DI
  • 14/09/1914 Général de division. C'était alors le plus haut grade.
  • 20/10/1914 - Commandant le 33°CA
  • 10/05/1915 - Commandeur de la Légion d'Honneur
  • 21/06/1915 - Commandant de la II°armée
  • 25/02/1916 - la II° armée est envoyée à Verdun
  • 02/05/1916 - Commandant du groupe d'armées centre à Bar-le-Duc
  • 27/04/1917 - Chef d'état-major général, poste créé pour lui
  • 15/05/1917 - Général en chef des armées françaises
  • 19/11/1918 Maréchal de France

Notes


Sources et bibliographie

  • Marc Ferro, Pétain, Hachette Littérature, Poche, 1993
  • Henri Amouroux, La vie des Français sous l'Occupation, Le Livre de poche.
  • Henri Michel, Vichy, année 40, Robert Laffont, Paris, 1967.
  • William Langer, Le jeu américain à Vichy, Plon, Paris 1948.
  • Jean-Pierre Azéma et François Bédarida,Vichy et les Français, Paris, Fayard, 1996.
  • François-Georges Dreyfus, Histoire de Vichy, Éditions de Fallois, 2004
  • Général Albert Merglen, Novembre 1942 : La grande honte, L'Harmattan, Paris 1993.
  • Robert, Thibaut de Maurepas, Les Grands Hommes d'État de l'Histoire de France, Larousse, 1989, pages 450-453. ISBN 2-03-740030-6.
  • Général Jacques Le Groignec, Pétain, Nouvelles éditions latines, 1991.
  • Guy Pedroncini, Pétain, 1856-1918 : le soldat et la gloire, Perrin 1989
  • id., Pétain, novembre 1918-juin 1940 : la victoire perdue, Perrin 1995.
  • Gérard Boulanger, A mort la Gueuse ! Comment Pétain liquida la République à Bordeaux, Calmann-Lévy 2006

Liens internes

Modèle:Wikisource XY

Liens externes

Chronologies

Modèle:President du conseil France

Modèle:Chef de Gouvernement France Modèle:Académie française

Modèle:Lien AdQ