Reformulons d'abord le théorème dans un langage plus contemporain, sans intégrale de Stieltjes. On va d'abord énoncer et démontrer le théorème avec la condition de continuité à droite en zéro ; on en déduira ensuite le cas général.
- Théorème de Bernstein
Une fonction de dans est totalement monotone (si et) seulement si c'est la transformée de Laplace d'une mesure borélienne positive finie sur :
- .
(Le « si » est immédiat.) Pour prouver le « seulement si », supposons f totalement monotone. L'hypothèse implique que pour tout entier naturel n, est positive décroissante. Toutes les dérivées ont des limites en , qu'on notera .
On démontre d'abord (élémentairement) que
- ,
où
et μn est la mesure sur ayant pour densité (par rapport à la mesure de Lebesgue) la fonction positive .
Démonstration
Pour tout n > 0, par décroissance de ,
- .
En particulier (pour n = 1) puis (par récurrence)
- .
Par ailleurs, pour tous x, a > 0, d'après la formule de Taylor avec reste intégral,
- .
On déduit de ces deux points (en faisant tendre a vers +∞ puis en effectuant le changement de variable ) :
On a donc bien :
- .
Par convergence monotone, cette égalité est encore vraie pour x = 0. Autrement dit :
- .
Toutes les μn ont donc pour norme dans l'espace des mesures de Radon finies sur , espace qui est le dual de l'espace des fonctions continues sur qui tendent vers 0 à l'infini, muni de la norme uniforme.
Dans ce dual muni de la topologie faible-*, la boule fermée de centre 0 et de rayon R est séquentiellement compacte, car elle est à la fois compacte (théorème de Banach-Alaoglu) et métrisable (car est séparable). De la suite (μn), on peut donc extraire une sous-suite convergente . Notons sa limite. Alors, f est la transformée de Laplace de la mesure
- ,
où est la mesure de Dirac en 0.
Démonstration
Par conséquent,
- .
Si l'on abandonne l'hypothèse de continuité à droite en zéro pour f, l'équivalence reste vraie, mais seulement sur ]0, +∞[, et pour une mesure de Borel positive pas forcément finie mais telle que toutes les mesures soient finies.
- Démonstration
Pour tout réel , la fonction vérifie les hypothèses du théorème démontré ci-dessus ; notons la mesure associée :
- .
Pour , on a alors :
- .
Comme la transformation de Laplace des mesures est injective, on en déduit que pour tous réels , admet pour densité par rapport à . Il existe donc une mesure de Borel (unique) de densité par rapport à pour tout , si bien que
-
.
Remarquons que la démonstration ci-dessus prouve de surcroît que les valeurs d'une fonction totalement monotone sur [a, +∞[ pour a > 0 déterminent la fonction sur tout ]0, +∞[. Cette rigidité est à rapprocher de l'analyticité des fonctions absolument monotones.