Torseur (géométrie algébrique)

En géométrie algébrique, un torseur (ou fibré principal) est un analogue d'un fibré principal en topologie algébrique. Les ouverts de la topologie de Zariski sont cofinis donc assez rares, il est plus courant de considérer des torseurs en topologie étale ou autres topologies plates. La notion de torseur généralise celle d'extension galoisienne en algèbre abstraite. Bien que d'autres notions de torseurs soient connues dans un contexte plus général (par exemple sur des champs), cet article se concentrera sur les torseurs sur les schémas, le cadre original dans lequel les torseurs ont été pensés. Ils sont étudiés par exemple dans l'ouvrage de Michel Demazure et Pierre Gabriel Groupes algébriques, Tome I[1].

Définition modifier

Soit une topologie de Grothendieck et un schéma. Soit un schéma en groupe sur . un -torseur (ou -fibré principal) sur pour la topologie est la donnée d'un schéma et d'un morphisme munis d'une -action invariante sur localement triviale en  : c'est-à-dire qu'il existe un revêtement tel que le changement de base sur est isomorphe au torseur trivial [2].

Quand est la topologie étale (resp. fpqc, etc.) on parle aussi de torseur étale (resp. torseur fpqc etc.).

Topologies étale, fpqc et fppf modifier

Contrairement à la topologie de Zariski, dans de nombreuses topologies de Grothendieck, un torseur peut être lui-même un revêtement. Cela se produit dans certaines des topologies de Grothendieck les plus courantes, telles qu'en topologie fpqc, topologie fppf ou en topologie étale. Soit l'une des topologies {étale, fpqc, fppf}. Soit un schéma et un schéma en groupe sur . Alors est un -torseur si et seulement si sur est isomorphe au torseur trivial sur .

Correspondance entre fibrés vectoriels et -torseurs modifier

Sur un schéma donné, il y a une bijection entre fibrés vectoriels sur (c'est-à-dire des faisceaux localement libres) et -torseurs, où , le rang de . Etant donné on construit le faisceau (représentable) des isomorphismes qui a une structure de -torseur. Or on voit aisément que.

Torseurs triviaux et sections modifier

Un -torseur est isomorphe à un torseur trivial si et seulement si n'est pas vide, c'est-à-dire le morphisme admet au moins une section . En effet, s'il existe une section , alors est un isomorphisme. Réciproquement si est isomorphe à un -torseur trivial, alors  ; l'élément d'identité donne la section requise .

Exemples et propriétés de base modifier

  • Si est une extension galoisienne finie, alors est un -torseur (le groupe de Galois agit simplement et transitivement sur les racines.) Par abus de notation on note le schéma en groupes finis constant sur associé au groupe abstrait . Ce fait est la base de la descendance galoise.

Torseurs et cohomologie modifier

Soit un -torseur étale et soit un revêtement trivialisant . Un torseur trivial admet une section : on dispose d'éléments . Sur les intersections doubles, on peut écrire de manière unique sur avec . Différents choix de équivalent à la donnée de 1-cobords en cohomologie ; Ainsi, définit une classe de cohomologie dans le groupe de cohomologie de faisceau [3]. Un torseur trivial correspond à l'élément identité. Réciproquement, il est facile de voir n’importe quelle classe dans définit un -torseur dessus , unique à un unique isomorphisme près.

Torseur universel et schéma en groupe fondamental modifier

Dans ce contexte, les torseurs doivent être pris dans la topologie fpqc. Soient un schéma de Dedekind (par exemple le spectre d'un corps) et un morphisme fidèlement plat, localement de type fini. On suppose que a une section .On dit que a un schéma en groupe fondamental s'il existe -torseur pro-fini et plat, appelé le torseur universel de , muni une section tel que : pour tout -torseur fini muni d'une section , il existe un morphisme unique de torseurs qui envoi sur . Son existence a été prouvée par Madhav V. Nori[4],[5],[6] pour le spectre d'un corps et par Marco Antei, Michel Emsalem et Carlo Gasbarri quand est un schéma de Dedekind de dimension 1[7] ,[8].

Réduction d'un groupe de structure modifier

La plupart des constructions et de la terminologie concernant les fibrés principaux en topologie algébrique sont reprises telles quelles dans le contexte des G-fibrés. Par exemple, si est un G -fibré et G agit à gauche sur un schéma F, alors on peut former le fibré associé de fibre F. En particulier, si H est un sous-groupe fermé de G, alors pour tout H-fibré P, est un G-fibré appelé produit contracté.

Si P est un G -fibré isomorphe au fibré pour un H-fibré P', P on dit que admet une réduction du groupe de structure de G à H.

Soit X une courbe projective lisse sur un corps algébriquement clos k, G un groupe algébrique semi-simple et P un G-fibré sur une courbe relative, où R une k-algèbre de type fini. Un théorème de Drinfeld et Simpson énonce que, si G est simplement connexe et scindé, il existe un morphisme étale tel que admet une réduction du groupe de structure à un sous-groupe de Borel de G.

Autres propriétés modifier

  • Plus généralement, on considère un torseur sur des faisceaux en groupes.
  • La catégorie des torseurs de base fixe forme un champ. Tout un pré-champ peut être rendu champ en prenant la catégorie des torseurs (au-dessus du pré-champ).
  • Si est un groupe algébrique connexe sur un corps fini , tout -torseur sur est trivial. (Théorème de Lang.)

Invariants modifier

Soit P est un sous-groupe parabolique d'un schéma en groupes affines lisses G à fibres connectées, alors son degré d'instabilité, noté , est le degré de son algèbre de Lie vu comme fibré vectoriel sur X. Le degré d’instabilité de G est alors . Si G est un groupe algébrique et E un G -torseur, alors le degré d'instabilité de E est le degré associé au groupe  : . E est dit semi-stable si et est dit stable si .

Exemples de torseurs en mathématiques appliquées modifier

John Baez donne comme exemple de torseurs l'énergie, la tension, la position ou la phase d'une fonction d'onde en mécanique quantique. Dans chaque cas, seules des comparaisons peuvent être mesurées, et un point de référence doit être choisi arbitrairement pour que les valeurs absolues aient un sens[9]. Les intégrales indéfinies sont un autre exemple de torseurs[9].

Articles connexes modifier

Notes et références modifier

Notes modifier

  1. Michel Demazure et Pierre Gabriel, Groupes algébriques, tome I, North Holland, (ISBN 9780720420340)
  2. Angelo Vistoli, Grothendieck Topologies, in "Fundamental Algebraic Geometry", AMS, (ISBN 978-0821842454)
  3. Milne 1980, The discussion preceding Proposition 4.6.
  4. Nori, « On the Representations of the Fundamental Group », Compositio Mathematica, vol. 33, no 1,‎ , p. 29–42 (MR 417179, zbMATH 0337.14016, lire en ligne)
  5. Nori, « The fundamental group-scheme », Proceedings Mathematical Sciences, vol. 91, no 2,‎ , p. 73–122 (DOI 10.1007/BF02967978, S2CID 121156750)
  6. Tamás Szamuely, Galois Groups and Fundamental Groups, (ISBN 9780521888509, DOI 10.1017/CBO9780511627064)
  7. Antei, Emsalem et Gasbarri, « Sur l'existence du schéma en groupes fondamental », Épijournal de Géométrie Algébrique,‎ (DOI 10.46298/epiga.2020.volume4.5436, arXiv 1504.05082, S2CID 227029191)
  8. Antei, Emsalem et Gasbarri, « Erratum for "Heights of vector bundles and the fundamental group scheme of a curve" », Duke Mathematical Journal, vol. 169, no 16,‎ (DOI 10.1215/00127094-2020-0065, S2CID 225148904)
  9. a et b Baez, « Torsors Made Easy », math.ucr.edu, (consulté le )

Références modifier

Lecture complémentaire modifier