Abdel Sinoctou
De mon vrai nom : Abdel Sin'Otouc.
« Sans mendiants, le vaste monde, asile de la pitié, serait allées et venues de pantins en bois. »
— Tiruvalluvar (Inde, Tamoul, VIe siècle)
« Après tant d'imposture et de fraude, il est réconfortant de contempler un mendiant. Lui, du moins, ne ment ni ne se ment : sa doctrine, s'il en a, il l'incarne ; le travail, il ne l'aime pas et il le prouve ; comme il ne désire rien posséder, il cultive son dénuement, condition de sa liberté. Sa pensée se résout en son être et son être en sa pensée. Il manque de tout, il est soi, il dure : vivre à même l'éternité c'est vivre au jour le jour. Aussi bien, pour lui, les autres sont-ils enfermés dans l'illusion. S'il dépend d'eux, il se venge en les étudiant, spécialisé qu'il est dans les dessous des sentiments « nobles ». Sa paresse, d'une qualité très rare, en fait véritablement un « délivré », égaré dans un monde de niais et de dupes. Sur le renoncement, il en sait plus long que maint de vos ouvrages ésotériques. Pour vous en convaincre, vous n'avez qu'à sortir dans la rue... Mais non ! vous préférez les textes qui prônent la mendicité. Aucune conséquence pratique n'accompagnant vos méditations, on ne s'étonnera pas que le dernier des clochards vaille mieux que vous. Conçoit-on le Bouddha fidèle à ses vérités et à son palais ? On n'est pas un « délivré vivant » et propriétaire. »
— Cioran, la tentation d'exister.