Utilisateur:Gagea/Brouillons/Evolution/Évolution (biologie)
En biologie, le terme évolution désigne la transformation des espèces vivantes au cours des générations. L'évolution explique la modification et la diversification de la vie, depuis ses premières formes jusqu'à l’ensemble des êtres vivants actuels, par une chaîne de modifications buissonnantes. L’histoire de l'évolution de la vie peut être décrite sous forme d'un « arbre d’évolution », ou arbre phylogénétique. L'évolution est caractérisée par la formation de nouvelles espèces, mais elle s'accompagne aussi d'extinctions d'espèces ou de taxons entiers.
L'évolution est causée, d'une part, par la présence de variations parmi les traits héréditaires d'une population d'individus (mutations); et d'autre part, par divers mécanismes qui favorisent la propagation de certains traits héréditaires plutôt que d'autres. Le plus célèbre de ces mécanismes est probablement la sélection naturelle, proposée par Charles Darwin et décrite dans son ouvrage majeur l'Origine des espèces, en 1859[1]. La séléction naturelle désigne simplement la différence de propagation entre les traits héréditaires causée par leur effet sur la survie et la reproduction des individus : si un certain trait héréditaire favorise les chances de survie et la reproduction, il s'ensuit mécaniquement que la fréquence de ce trait augmente d'une génération à l'autre.
Cependant, un certain trait peut aussi être propagé (ou éliminé) simplement par le fait de fluctuations aléatoires: on parle alors de dérive génétique.
Diverses théories se sont succédé pour conduire au consensus actuel : la théorie synthétique de l'évolution. Cette théorie est admise par l'ensemble des scientifiques, seules certaines divergences persistent quant aux détails sur les modalités. Par exemple on peut citer celle ayant opposé Stephen Jay Gould et Richard Dawkins, sur l'intérêt d'introduire la notion d'équilibres ponctués.
À cause, entre autres, de ses implications sur l'origine de l'humanité, l'évolution a été, et reste toujours, mal comprise ou mal admise par une bonne partie de la population, même dans les sociétés occidentales. Ses détracteurs se basent sur des analyses pseudo-scientifiques ou religieuses pour contredire l'idée même d'évolution des espèces (cf. créationnisme) ou la théorie de la sélection naturelle (cf. critique du darwinisme).
Les arguments en faveur de l'évolution.
modifierStratégie de raisonnement
modifierLes espèces actuelles semblent immuables aux yeux de la plupart d'entre nous. C'est une des barrières mentales qui rend difficile à accepter l'idée d'évolution. Donc si l'évolution est une réalité, il faut d'abord admettre qu'elle s'opère très lentement. La stratégie de raisonnement consiste donc à remonter loin dans le passé, pour prouver l'existence d'une espèce, qui serait l'ancêtre d'une autre espèce, bien différente.
Les témoins de ce passé lointain, que sont les espèces fossiles, sont souvent bien différents des espèces actuelles ; mais ce simple constat ne suffit pas à prouver l'évolution. D'ailleurs Georges Cuvier (1769-1832), père de la paléontologie moderne, expliquait ces différences par une succession de créations divines et d'extinctions catastrophiques [2]. Il faut démontrer qu'il y a un lien de parenté c'est-à-dire un lien génétique entre ces différentes espèces. Ce lien peut être mis en evidence par le partage de caractère(s) provenant d'un ancêtre commun, qu'on appelle homologie.
Si deux espèces différentes a et b partagent une homologie, alors ces deux espèces dérivent d'un ancêtre commun (qui peut être a , b ou une autre espèce disparue) ; on est obligé de déduire qu'il y a eu acquisition de caractéristiques nouvelles, aboutissant à la formation d'une espèce nouvelle : il y a bien eu évolution.
Ainsi de nombreux indices de parenté entre 2 espèces sont décelables, tant au niveau de la morphologie, qu'au niveau moléculaire ; et parfois même, pour des espèces trés proches, au niveau du comportement :
Indices morphologiques
modifier- les baleines, animaux adaptés à la vie aquatique gardent une trace de leurs ancêtres quadrupèdes par la présence d'os vestigials correspondant au bassin (ceinture pelvienne);
- En observant l'aile d'un oiseau ou d'une chauve-souris, on retrouve aisément la structure osseuse du membre antérieur de tout tétrapode (voir Tetrapoda);
- les défenses à croissance continue des éléphants sont en fait homologues des incisives des autres mammifères, dont l'homme;
- les appendices masticateurs des arthropodes sont à l'origine des appendices locomoteurs réduits (il en va de même apparemment pour les Onychophores);
- les membres des tétrapodes proviennent des nageoires de poissons;
- dans le monde végétal, la présence d'une double membrane autour des plastes et la présence d'un ADN circulaire à l'intérieur de ceux ci trahissent une origine endosymbiotique procaryote.
Indices moléculaires
modifier- le support de l'information héréditaire est toujours l'A.D.N. pour l'ensemble du vivant;
- Le code génétique, code de correspondance entre l'ADN et les protéines est quasiment le même chez tous les êtres vivants;
- le séquençage de l'A.D.N. fait apparaitre de nombreuses régions étroitement proches donc apparentés (gènes homologues: paralogues ou orthologue) qui codent des protéines aux fonctions ou structures différentes mais assez proches (Exemple: les gènes qui codent les hémoglobines, myoglobines...).
Indices comportementaux
modifierChez certaines espèces de Lacertidés américains du genre Cnemidophorus, ou lézards à queue en fouet, il n'existe plus que des femelles. Ces espèces pratiquent donc une reproduction asexuée. Cependant des simulacres d'accouplements persistent : pour se reproduire une femelle monte sur une autre dans un comportement similaire à celui des espèces sexuées. Ce comportement d'origine hormonale est à mettre en relation avec une origine récente de ces espèces parthénogénétiques[5]. Voir aussi : Théories de l'évolution
Vers une classification évolutive du vivant
modifierLa mise en évidence de ces parentés entre espèces ou groupes d'espèces, permet de tracer, par subordination des groupes les uns à l'intérieur des autres, le parcours arbustif de l'évolution des espèces, en exprimant ce parcours (la phylogénie) sous forme d'« arbres d’évolution » ou arbre phylogénétique.
En parcourant l'arbre du vivant établi par la méthode phylogénétique, depuis sa base, on peut se représenter l'histoire de l'évolution : l'apparition des premiers vertébrés terrestres, des végétaux à fleurs ...
L'évolution aujourd'hui.
modifierL'évolution, bien que lente et rarement observable à l'échelle humaine, peut parfois être décelée chez les espèces à reproduction rapide. Ainsi, les moustiques sont parfois localement devenus résistants à des insecticides. Il en va de même pour les bactéries responsables de pathologies humaines, souvent multirésistantes aux antibiotiques. Enfin, on peut constater le travail d'une évolution divergente récente dans le cas de la colonie de crabes découverte sous Rome : [1]
Méthodes d'étude de l'évolution
modifierApproche évo-dévo : évolution et développement
modifierDepuis les années 1980, les travaux visant à relier la génétique et l'embryologie apportent un nouvel éclairage sur les mécanismes de l'évolution biologique. Ces nouvelles approches réactualisent certains aspects de théories plus anciennes comme la théorie du monstre prometteur de Goldschmidt.
Ces travaux montrent en effet que les homologies observées au niveau des organismes se retrouvent aussi au niveau du développement. L'existence de gènes "chefs d'orchestre" quasi-identiques chez des espèces aussi diverses que les mouches, les souris et les humains, change la conception du rôle des gènes dans la construction de l'individu (l'ontogenèse) et dans les réorganisations anatomiques qui se produisent au cours de l'histoire évolutive (la phylogenèse). En plus de confirmer l'ascendance commune entre les espèces vivantes, ces découvertes montrent que de petites modifications dans la séquence génétique au niveau de ces gènes voire une simple différence dans la période pendant laquelle de tels gènes sont exprimés au cours de l'embryogenèse, peuvent avoir des effets très importants sur la morphologie de l'organisme. Cela montre que l'évolution ne consiste pas seulement à créer de nouveaux gènes par mutation mais aussi à changer la façon dont les gènes sont exprimés.
Parmi les autres découvertes de la biologie moléculaire, les mécanismes épigénétiques constituent une autre voie par laquelle de l'information peut être transmise "à côté" du seul code génétique. Ce type de transmission peut impliquer l'ADN, l'ARN ou les protéines ou les organites du cytoplasme cellulaire et peut être réversible ou non. L'un des processus épigénétiques les plus étudiés est la méthylation de l'ADN et son lien avec les modifications de la chromatine : ce mécanisme consiste en l'inactivation d'un gène par changement de la conformation de la chromatine du chromosome qui le porte. Ce changement rend le gène silencieux sans en affecter la séquence nucléotidique. Par conséquent, ce gène sera transmis "intact" mais silencieux aux générations suivantes. On pourra donc observer la résurgence d'un caractère ancestral plus tard dans la lignée simplement par réactivation du gène (via une reconformation de la chromatine, déclenchée par un évènement stressant dans l'environnement). L'importance de ces mécanismes épigénétiques est encore difficile à mesurer mais ils peuvent avoir des conséquences importantes dans l'explication de phénomènes qui ne respectent pas les lois de l'hérédité mendélienne.
Mécanismes de l'évolution
modifierL'évolution résulte de l'action de plusieurs mécanismes évolutifs susceptibles de modifier la fréquence des génotypes dans une population, et par conséquent de modifier des caractères morphologiques, physiologiques ou comportementaux. Le processus est dans tous les cas identique, dans le même ordre:
- Apparition d'un nouveau caractère héréditaire chez un ou quelques individus.
- Ce nouveau caractère se répand dans les populations, soit parce qu'il est plus adapté à l'environnement, soit à cause d'un effet de hasard.
L'apparition de caractères nouveaux et héréditaires
modifierModèle:Mécanismes de l'évolution A chaque génération, de nouveaux variants génétiques apparaissent qui peuvent eux-mêmes transmettre leur patrimoine génétique au moment de la reproduction. Ces sources de diversité génétique sont :
- les mutations ponctuelles dans la séquence d'ADN des gènes ;
- les réarrangements chromosomiques ;
- les recombinaisons ou brassages génétiques qui se produisent lors de la reproduction sexuée et, chez les bactéries, lors de transferts d'ADN entre cellules.
On peut ajouter à cette liste une autre source de diversité génétique que sont les migrations par lesquelles le stock génétique dans une population donnée se voit renouvelé par l'arrivée d'autres membres de l'espèce porteurs d'un pool génétique différent.
La mutation
modifierLes mutations résultent d'erreurs lors de la réplication des gènes. Ces modifications accidentelles peuvent être transmises à la descendance, donnant naissance à des individus porteurs de gènes nouveaux, qu'aucun de leurs parents ne portait.
Il existe plusieurs types de mutations (mutations ponctuelles, duplications de gènes, cassures des chromosomes, insertions ou délétions de séquences). Ces différentes modifications suffisent à expliquer la diversité génétique observée dans la nature.
Il peut s'y ajouter des mutations par échange de matériel génétique entre espèces, par différents mécanismes naturels :
- les bactéries sont capables d'intégrer et d'utiliser du matériel génétique (des plasmides) échangé entre deux bactéries, voire simplement présent dans le milieu. Le plus souvent cela ne conduit pas immédiatement à la définition d'une nouvelle espèce, mais le phénomène peut y contribuer et il contribue de façon importante à la sélection naturelle (par exemple, de nombreuses résistances aux antibiotiques se diffusent de cette façon).
- les virus peuvent servir de vecteurs de transfert de matériel génétique d'une espèce vers une autre, même très différente ; le plus souvent, l'infection virale conduit à la mort de la cellule victime, mais ce n'est pas nécessairement le cas, et la cellule cible peut participer à la reproduction (notamment pour les plantes). Un des exemples les mieux connus (et les plus utilisés par la recherche) est celui du tabac et des mosaïques.
- les plantes peuvent s'hybrider, conduisant à de nouvelles espèces (le blé étant un exemple typique).
Finalement, il faut mentionner les symbioses strictes, qui sont des créations de nouvelles espèces à partir d'anciennes, mais sans échange ni fusion du matériel génétique (au moins dans un premier temps). Les lichens et, selon l'hypothèse de l'endosymbiose, les organites dits « autonomes » à l'intérieur des cellules (chloroplastes, mitochondries) relèvent de ce type d'association.
Les mutations augmentent la variabilité génétique au sein d'une population. Cependant, elles sont rarement bénéfiques à l'individu qui les porte car elles peuvent détruire l'activité d'un gène essentiel.
La migration
modifierLa migration est une force de l'évolution qui augmente la variabilité génétique d'une population. De nouveaux arrivants en provenance d'une population éloignée amènent des allèles nouveaux, augmentant le pool génétique de la population d'accueil.
Le nouveau caractère se répand dans les populations
modifierLes mécanismes de l'évolution supposent qu'un ensemble d'individus, regroupés en une espèce sur la base de caractères partagés, évoluent « conjointement. » Se pose donc le problème de la spéciation, c'est-à-dire de l'évolution des espèces au-delà des simples individus.
La dérive aléatoire
modifierLorsqu'une petite population est isolée du reste d'une population-mère (par exemple, par isolement sur une petite île), certains types d'allèles tendent à disparaître, du fait de faible nombre de copies distribuées dans le pool génétique de la population au départ. Au fil des générations, la population dérive alors, acquérant des caractéristiques qui lui sont propres (ex: petitesse (mammouth nain de Sicile), gigantisme (varan de Komodo) parmi les espèces insulaires). La dérive est une force de l'évolution qui diminue la variabilité génétique au sein de la population. La dérive influe sur la fréquence des allèles. Elle ne crée en aucun cas de nouveaux allèles. Certains allèles vont être surreprésentés et d'autres sous-représentés par rapport à la population d'origine. Cette modification de la fréquence s'explique par une erreur d'échantillonnage. (hasard)
La sélection naturelle
modifierElle diminue la variabilité génétique d'une population en enlevant certaines combinaisons génétiques défavorables dans le milieu où elles se produisent. Cependant elle peut aussi maintenir à une fréquence stable, des nouveaux variants génétiques, sans pour autant éliminer les anciennes versions. C'est le cas pour l'allèle de la drépanocytose. La sélection naturelle participe donc à l'augmentation de la diversité génétique.
Devenir des mutations et caractères hérités
modifier- Les mutations se font toujours au hasard, et sont le plus souvent létales. La plupart du temps, elles perturbent gravement le fonctionnement de l'organisme mutant. Bien sûr, il arrive aussi qu'elles soient neutres (en modifiant un caractère sans pour autant le rendre moins fonctionnel) ou avantageuses; le cas est beaucoup plus rare, mais les mutations portent sur des millions d'individus pendant des dizaines de milliers de générations ou davantage, ce qui assure un facteur multiplicatif de 1010 à chacun de ces événements aléatoires.
- C'est la sélection naturelle, mise en évidence par Darwin, qui se charge de « faire le tri » entre les différentes variations. Il s'agit d'un processus purement mécanique : les mutants défavorisés auront tendance soit à mourir plus jeunes que les autres, soit à trouver plus difficilement un compagnon de reproduction. Dans un cas comme dans l'autre, ils laisseront moins (voire pas du tout) de descendants. Les mutants neutres mourront en moyenne au même âge que les autres, auront globalement autant d'enfants et pourront donc répandre leurs nouveaux caractères dans une population sous l'effet du hasard. Quant aux mutants avantagés, ils seront plus compétitifs et auront donc en moyenne plus de descendants. Une mutation qui permet de mieux échapper à un prédateur, de mieux s'orienter, de mieux séduire le sexe opposé, d'avoir plus de descendants, de mieux résister aux maladies, de mieux tirer profit d'une vie en société aura tendance à faire baisser le taux de mortalité chez les mutants ou à améliorer leur succès reproductif.
- Génération après génération, la sélection naturelle favorise les mutations qui se transmettent le plus, dans les populations (la dérive génétique, qui se fait au hasard, permet également à quelques mutations neutres de se fixer dans le génome de l'espèce). L'adaptation des populations tend donc progressivement à s'améliorer ; l'émergence d'organes aussi complexes et aussi fonctionnels que l'œil humain ou le radar de la chauve-souris s'explique par un tel processus de sélection cumulative. En revanche, l'existence de caractères sans utilité adaptative apparente peut s'expliquer par la fixation au hasard de mutations neutres. L'hypothèse dite de « l'auto-stop », ou « hitch hiking » en anglais, explique la fixation des mutations neutres par la mutation sur le même chromosome de deux gênes, l'une étant neutre et l'autre étant positive qui se transmettront simultanément.
Apparition d'espèces nouvelles
modifierLa spéciation désigne l'apparition de nouvelles espèces à partir d'une espèce ancestrale. Une espèce est un ensemble d'individus interféconds (interfertiles), isolés du point de vue reproductif des autres êtres vivants. L'apparition d'une barrière reproductrice (arrêt des échanges génétiques entre elles) au sein de cet ensemble homogène entraine l'apparition de deux groupes isolés (isolement reproductif). Les deux groupes vont ensuite évoluer indépendamment l'un de l'autre, et vont progressivement accumuler des différences génétiques, jusqu'à ce que l'isolement devienne irréversible.
- La spéciation dite allopatrique concerne deux ou plusieurs populations isolées géographiquement, séparées les unes des autres par des barrières géographiques (océan, montagne…). Un petit isolat peut aussi se former en périphérie de l'aire globale de distribution de l'espèce. Chaque population va alors pouvoir évoluer indépendamment, d'autant plus rapidement qu'elle est petite (les mutations se fixent plus facilement, pour des raisons mathématiques, dans les petites populations) et ainsi accumuler des remaniements chromosomiques pour finir par former une nouvelle espèce.
- la spéciation sympatrique: il arrive aussi qu'un isolement reproducteur apparaisse au sein d'une population qui ne sera jamais séparée géographiquement. Il suffit pour cela que quelques individus changent de période de reproduction ou de signaux pour la parade nuptiale pour que les autres représentants de l'espèce cessent rapidement de s'accoupler avec eux ; il y a alors formation de deux communautés se partageant le même espace, mais s'isolant sur le plan de la reproduction. Les deux populations, en évoluant chacune de leur côté, pourront finir par se transformer en deux espèces complètement différentes.
Comme les spéciations sont des phénomènes relativement courts, qui se produisent dans de petites populations isolées, on observe souvent une certaine discontinuité entre les différentes espèces dans les archives fossiles. Une espèce peut ne pas changer pendant très longtemps, puis être rapidement (à l'échelle géologique) remplacée par une autre.
Les mutations à l'origine des grandes modifications évolutives
modifierCertaines mutations minimes permettent à l'évolution d'agir très rapidement. On connaît des gènes régulateurs, dits gènes homéotiques, qui déterminent les grandes lignes du développement et du plan d'organisation de chaque partie du corps. Lorsque ces gènes (qui régulent eux-mêmes quelques milliers d'autres gènes) mutent, l'individu obtenu est souvent porteur de caractères nettement différents de ceux de ses parents. Certains « sauts évolutifs » s'expliquent par ce type de « macro-mutations » (que Goldschmidt avait découvert en proposant sa théorie du « monstre prometteur »). Par exemple, l'apparition de doigts et la disparition des rayons au bout de la nageoire des poissons crossoptérygiens (c'est-à-dire la formation des premières ébauches de pattes) s'expliquent par un simple décalage de l'activité de deux gènes homéotiques : Hox-a et Hox-b. Cette étape évolutive-là n'a pas nécessité des milliers, ni même des dizaines de mutations différentes : les gènes homéotiques ont permis l'émergence rapide de caractères radicalement nouveaux. Même si les « macro-mutations » donnent le plus souvent des « monstres » incapables de survivre et même si le processus, lent et sûr, de sélection cumulative de milliers de mutations minuscules a apparemment joué un rôle plus important dans l'évolution, il est de fait que certains « monstres prometteurs » ont permis à l'évolution de faire de grands bonds en avant.
D'autres mutations modifient la chronologie du développement : on parle d'hétérochronies. Elles peuvent être à l'origine de l'apparition d'une espèce plus juvénile (paedomorphique) ou, au contraire, plus adulte (hypermorphique) que son ancêtre. On connaît plusieurs exemples d'histoires évolutives qui ont fait intervenir les hétérochronies. L'axolotl, un urodèle mexicain qui passe sa vie entière à l'état larvaire sans jamais se métamorphoser, est paedomorphique par rapport à son ancêtre l'ambystome. Une simple hétérochronie a permis l'apparition d'une espèce complètement différente. De même, il semblerait que l'homme soit paedomorphique par rapport à ses ancêtres simiens, car il garde toute sa vie des caractères juvéniles que le chimpanzé et le gorille perdent. De plus, les phases générales de son développement sont ralenties par rapport à celles des grands singes.
L'apparition de nouveaux gènes s'explique principalement par la duplication de gènes préexistants. On connaît plusieurs « familles de gènes » dont les différents membres sont apparemment issus de plusieurs duplications d'un même gène ancestral. Par la suite, chacun des exemplaires « dupliqués » a pu muter et évoluer indépendamment des autres. Plusieurs familles multigéniques sont de toute évidence apparues grâce à ce processus.
De même, des duplications de l'ensemble du génome (polyploïdisations) ont également pu jouer. Par exemple, on estime que deux épisodes de polyploïdisations se sont produits depuis la séparation des deutérostomiens (soient essentiellement les échinodermes et les chordés dont les vertébrés) et des protostomiens (les invertébrés) sur la branche des vertébrés. On retrouve ainsi que beaucoup de gènes, comme HedgeHog impliqué dans le développement des polarités chez la drosophile, existent en trois ou quatre exemplaires chez les vertébrés (Desert HedgeHog, Indian HedgeHog et Sonic HedgeHog) pour des fonctions similaires.
L'évolution tend-elle vers un accroissement de la complexité ?
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Une image donnée par Richard Dawkins
modifierPour se trouver mille ancêtres différents, il faut remonter en arrière d'une dizaine de générations, ce qui représente quelques siècles. Or, avant le XIXe siècle, la moitié au moins des enfants mouraient en bas âge : on peut donc se demander combien de nos mille derniers ancêtres sont morts en bas âge, et la réponse n'est pas « au moins la moitié », mais bien entendu zéro, par définition. Nous ne sommes donc nullement représentatifs de l'humanité passée, car descendants d'une longue lignée de gens qui ont tous eu la chance d'amener une progéniture à l'âge de la procréation (c'est-à-dire survivre et trouver un partenaire, entre autres). Une génération peut avoir de la chance. Quand une dizaine en a coup sur coup, on peut supposer que cette « chance » correspond en fait à un ensemble de facteurs favorables qui se retrouvent de l'une à l'autre (facteurs qui ne sont pas tous génétiques : ils peuvent être culturels, religieux, économiques, etc.) Cette considération à elle seule montre que même à notre échelle, nous avons participé un tout petit peu, sur les quelques derniers siècles, à l'évolution. D'ailleurs notre simple choix d'un conjoint se révèle, comme le montre le biologiste Geoffrey Miller (The Mating Mind) obéir à des choix pas toujours conscients qu'on peut rapprocher de l'eugénisme.
Richard Dawkins pousse plus avant ses spéculations en considérant l'être vivant comme un conteneur à gènes (ce serait en tout cas le point de vue des gènes, s'ils en avaient un!). Pour lui les produits des gènes - cellules, tissus, organes, organismes, sociétés - servent aux gènes à se répliquer et à survivre. En quelque sorte, à la question : « De l'œuf ou la poule, qui est le premier ? », il répond : « La poule est le moyen trouvé par l'œuf pour faire d'autres œufs. ». Ce renversement de perspective considère l'être vivant comme la marionnette (Dawkins utilise le terme de véhicule-robot) de ses gènes.
Tout en la reconnaissant ingénieuse, Stephen Jay Gould a mis en garde contre une prise trop à la lettre de cette vision. Les gènes ne possèdent ni intention, ni projet au sens que nous donnons à ces termes. Dawkins n'a utilisé le terme qu'en tant que métaphore parlante, mais ses lecteurs n'ont pas toujours saisi la nuance.
En outre, il convient de se rappeler que les facteurs de survie ne sont pas seulement génétiques, ce qui est bien évident chez l'homme, mais ce qui est aussi le cas chez de nombreux animaux (par exemple, le chant des oiseaux, essentiel dans leur reproduction, dépend d'un apprentissage).
L'entraide, facteur de l'évolution
modifierC'est ainsi qu'elle sera développée en 1902 par Pierre Kropotkine dans L'Entraide : Un facteur de l'évolution, une critique claire vis-à-vis du darwinisme social.
Dans cet ouvrage, le prince et anarchiste russe répond, spécifiquement, aux théories de Thomas H. Huxley publiées dans La Lutte pour l'existence dans la société humaine en 1888. Kropotkine, sans nier la théorie de l'évolution de Darwin, y précise que les mieux adaptées ne sont pas nécessairement les plus agressives, mais peuvent être les plus sociales et solidaires. Il fournit des exemples empiriques du règne animal, ainsi que de ce qu'il appelle les « Sauvages », les « Barbares », les villes médiévales, ainsi que le temps présent. Kropotkine ne nie pas non plus l'existence de compétition, mais pense que la compétition est loin de constituer le seul facteur de l'évolution, et que l'évolution progressiste est plutôt due à la socialisation et à l'entraide mutuelle.
Une histoire imaginée par Richard Dawkins
modifierCette histoire amusante n'a d'autre but que de bien fixer un point important de la théorie darwinienne.
Deux brontosaures voient un T-Rex avancer dans leur direction et se mettent à courir aussi vite qu'ils le peuvent. Puis l'un des deux dit à l'autre : « Pourquoi nous fatiguons-nous au juste ? Nous n'avons de toute façon pas la moindre chance d'arriver à courir plus vite qu'un T-Rex ! »
Et l'autre lui répond cyniquement :
« Je ne cherche pas à courir plus vite que le T-Rex. Je cherche juste à courir plus vite que toi ! »
L'idée est de rappeler que le processus concerne moins une compétition entre espèces, qu'une compétition à l'intérieur de chaque espèce. C'est à partir de ce constat et de la découverte du conflit sexuel que Thierry Lodé[6] développe l'hypothèse que le conflit au sens large (conflit sexuel, conflit de reproduction, coévolution) serait un puissant vecteur d'évolution, né de multiples interactions antagonistes. En fait, le rôle des interactions et des mécanismes coévolutifs est encore probablement sousestimé.
Notes et références
modifier- Darwin n'utilise pas le mot évolution dans son œuvre puisque ce terme n'est introduit que dans les années 1870. Cf. Gould (1997) : 33-37, Laurent (2001) : 17.
- Et même sans évoquer l'intervention d'un dieu, la théorie de la génération spontanée pouvait expliquer l'apparition d'espèces nouvelles sans lien avec les espèces déja existantes
- L. Bejder, B.K. Hall, « Limbs in whales and limblessness in other vertebrates: mechanisms of evolutionary and developmental transformation and loss », Evol. Dev., vol. 6, no 4, nov.-dev. 2002, p. 445-58
- (en)Site du museum d'histoire naturelle américainavec une image
- Serotonergic modulation of male-like pseudocopulatory behavior in the parthenogenetic whiptail lizard, Cnemidophorus uniparens Brian George Dias et David Crews Hormones and Behavior Volume 50, Issue 3, Septembre 2006, 401-409
- Thierry Lodé "La guerre des sexes chez les animaux, une histoire naturelle de la sexualité. 2006, Eds Odile Jacob, Paris, (ISBN 2-7381-1901-8)
Articles connexes
modifierLiens externes
modifier- (fr) Evolution. De l'origine de la vie aux origine de l'homme, dossier Sagascience du CNRS (France)
Sources
modifier- Stephen Jay Gould (1997). Darwin et les grandes énigmes de la vie. Réflexions sur l'histoire naturelle. 1, S 43, Seuil (Paris), collection Point Science : 311 p.
- Goulven Laurent (2001). La Naissance du transformisme. Lamarck entre Linné et Darwin, Vuibert (Paris) et ADAPT (Paris) : 151 p. (ISBN 2-7117-5348-4)
Ouvrages sur le sujet
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Lorsqu'il y a deux dates, la première est celle de la première parution, dans la langue d'origine.
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