Utilisateur:HARauCégepTR/Rue Saint-Denis (1927)

Rue St-Denis est une huile sur toile peinte en 1927 par Adrien Hébert (1890-1967)[1], un peintre d’origine française et fils du sculpteur Louis-Philippe Hébert. Elle représente un paysage urbain, plus précisément une rue achalandée de Montréal dans les années 1920, la rue St-Denis, qui existe encore aujourd’hui.

Description

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L’œuvre est une peinture, plus précisément une huile sur toile rectangulaire et orientée en portrait, de dimensions 191,5 × 138,5 cm[2].

L’artiste crée plusieurs textures avec des coups de pinceau précis que seule la peinture permet : des textures rugueuses par des lignes irrégulières ou grossières (tronc d’arbres, brique), des lisses où le coup de pinceau est invisible ou très discret (l’eau au sol) et des uniformes où le coup de pinceau est régulier (murs des maisons). Il y a une utilisation organique de la ligne pour former les branches plus fines des arbres. Elle est aussi employée pour des contours noirs sur les bâtiments, arbres et trottoirs, entre autres.

Le point de vue est normal et le centre d’intérêt est le clocher de l’église qui est mis en évidence par un espace plus dégagé autour et une position centrale dans la toile. Quant aux lignes de force, elles se retrouvent à la verticale dans le clocher de l’église, le bâtiment à l’extrême gauche et dans les troncs des arbres, qui donnent un effet de hauteur.

La peinture respecte la règle des tiers. Le tiers inférieur comprend la rue et les personnages, celui du milieu des immeubles et le tiers supérieur contient du feuillage et du ciel. On y retrouve aussi une certaine symétrie, quoique imparfaite : de chaque côté on retrouve un arbre ainsi que des bâtiments plus hauts qui montent de façon à créer un cadrage.

L’œuvre représente une réalité urbaine au Québec dans les années 1920. Elle illustre la vie et la routine d’une belle journée sur la grouillante rue Saint-Denis. Les indices permettant de reconnaître l’époque sont les vêtements des personnages, l’automobile, ainsi que le tramway. De plus, l’église est facilement identifiable comme telle par son clocher, qui possède sa forme, sa hauteur et son architecture distinctes.

L’artiste utilise des couleurs neutres comme le gris et le beige (édifices, rue) et des couleurs éclatantes dont le cyan (couleur primaire) et le vert (couleur secondaire) pour le décor naturel (ciel, arbres, gazon, etc.). Aussi, le rapport entre les différentes valeurs est équilibré. On nuance en utilisant diverses teintes d’une même couleur sur un même bâtiment, notamment celui à l’extrême droite. Le dégradé présent assure une transition graduelle entre les teintes. Ces deux techniques de modelé créent le volume des corps et leur réalisme.

Un effet de profondeur illustre la conception à trois dimensions de l’artiste : tous les types de perspective (linéaire, à chevauchement, à diminution, atmosphérique) sont présents. Cet effet combiné à la dimension du tableau crée un sentiment d’immersion et de grandeur. De plus, les ombres portées sont rationnelles, car elles concordent avec la position de la source de lumière (le soleil suggéré derrière des immeubles). D’ailleurs, alors que l’avant-plan, dans l’ombre, est composé de couleurs plus froides et sombres, les édifices éclairés par le soleil ont des couleurs chaudes et vives ce qui amène une certaine luminosité et une impression de chaleur.

Historique de la rue St-Denis

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Tout commence le 15 août 1818[3], lorsque Louis-Joseph Papineau décida, avec sa tante, de donner le premier tronçon de la rue à la ville, mais sous quelques conditions. Celles-ci incluaient la construction d’un pont et la mise en place d’un marché public. De plus, puisque sa tante était veuve de Denis Viger, la rue fut nommée en son honneur et le marché hérita de son nom de famille. Pendant plus de 100 ans, la route s’allongea graduellement pour rejoindre d’autres rues, comme les rues Sainte-Catherine et Sherbrooke et l’avenue du Mont Royal, pour finalement devenir le grand axe de communication que l’on connait aujourd’hui. Elle comporta d’ailleurs un tramway hippomobile dès 1874, puis un électrique en 1892.

L’église St-Jacques est sans aucun doute l’un des monuments les plus caractéristiques de la rue. C’est pourquoi elle constitue le point central de la peinture d’Hébert. Cette église, devenue officiellement cathédrale en 1836, fut construite en 1823 en raison de l’avoisinant quartier francophone. Dans les décennies qui suivirent, elle incitera l’essor d’un noyau éducationnel. S’y établiront entre autres l’UQAM en 1979 et le Cégep du Vieux Montréal à proximité. Par effet d’entraînement, le quartier latin prendra de l’ampleur et plusieurs petits commerces y verront le jour.

Alors que la rue était plutôt résidentielle à ses débuts, d’abord pour la bourgeoisie canadienne-française, puis pour diverses classes sociales après la Première Guerre mondiale, elle vît apparaître des commerces de plus en plus importants au fil des années. Cela a commencé avec des bureaux de professionnels, des pharmacies, des petits restaurants, etc. Aujourd’hui, on y retrouve plutôt des institutions tels que le Théâtre d’Aujourd’hui et l’Institut de tourisme et d’hôtellerie du Québec.

Influence de l’église sur la société au tournant du XXe siècle

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À l’aube du XXe siècle, l’Église catholique a une grande importance au sein de la société québécoise[4]. Celle-ci demeure la référence solide, immuable et rassembleuse qu’elle a toujours été dans l’histoire du Québec. Toujours très présente dans les écoles, elle transmet ses idéaux à la future génération citoyenne, modelant le futur à son image. D’ailleurs, un engouement nouveau pour la religion catholique se dessine au début du siècle et les effectifs religieux grossissent prodigieusement passant de 464 prêtres à 2 276 en 1901[5]. Ambitieux, le Clergé cherche à étendre sa sphère d’action afin de conserver sa place d’influence alors que d’importants changements s’opèrent dans la société. Il participe alors à la création de syndicats catholiques (formés de 1907 à 1920), de caisses populaires, de coopératives et de ligues diverses, tous ayant pour point commun le catholicisme[6]. L’Église est alors présente plus que jamais chez les Québécois et son emprise ne faiblit pas dans cette apogée de son pouvoir. Elle représente pourtant une antithèse frappante face à la révolution sociale qui remanie la société québécoise alors que l’industrialisation et l’urbanisation s’installent. Dans Rue St-Denis, ce contraste avec la modernité se manifeste par l’église St-Jacques, le point central, cernée par le portrait urbain.

Deuxième révolution industrielle et urbanisation

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Au tournant du XXe siècle, période de croissance et de prospérité, le Québec connaît un élan industriel considérable alors que l’électricité succède à la vapeur comme source énergétique, que de nouvelles industries comme les pâtes et papiers et l’hydro-électricité connaissent des débuts remarqués et que les manufactures comme le textile et l’alimentation prennent de l’importance[7]. D’ailleurs, cette deuxième phase d’industrialisation est marquée par la production en chaine à grande échelle ainsi que par l’automatisation en série. Au cours de cette période de révolution, les entreprises transforment la fabrication, le travail et le paysage urbain[8]. Les activités socioéconomiques sont alors déplacées dans les villes à cause de cette innovation de l’industrie urbanisée. De ce phénomène d’importants progrès découle la troisième phase d’urbanisation québécoise (de 1870 jusqu’aux années 1920). Ainsi, les gens habitant les milieux ruraux s’installent en grand nombre dans les villes, élargissant ces agglomérations urbaines et contribuant à l’amplification des banlieues, des édifices et des industries s’y trouvant. De plus, un réseau urbain national composé de chemins de fer, du télégraphe, de bureaux de poste et du téléphone est créé et s’enrichit constamment des savoirs émergeant de cette période[9].

À partir de 1905, une ville est au-devant de cette révolution : Montréal. Elle est l’une des villes les plus importantes du Canada à l’époque. La Rue St-Denis est un emblème éloquent de cette métropole et la peinture la représentant démontre bien la fierté que le progrès et la prospérité relatifs à l’urbanisation inspirent. Les citoyens sont fiers de leur belle ville qui se modernise et s’accroit ainsi que de leurs industries qui prennent leur place dans le monde.

Révolution artistique des années 1920

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Le climat d’après-guerre des années folles[10], avec sa joie, sa frénésie et ses excès, crée une atmosphère parfaite pour des changements dans tous les domaines. La métropole devient entre autres le théâtre d’une véritable révolution artistique, des musiciens aux cinéastes en passant par les peintres. Chez ces derniers, le Groupe de Beaver Hall sortira particulièrement du lot. Il s’agit d’un regroupement fondé en 1920 par Edwin Holgates, Lilias Torrence Newton, A.Y. Jackson, Mabel Lockerby et plusieurs autres dont faisait partie Adrien Hébert[11]. Ils se ralliaient à l’idée de l’importance de créer un art contemporain d’origine canadienne, dans la même lignée que le Groupe des Sept de Toronto.  Bien que le Groupe de Beaver Hall n’ait duré que trois ans, il a tout de même joué un grand rôle dans l’apport de modernité à cette époque. Effectivement, il est reconnu pour avoir mis de l’avant les femmes, autant par leur représentation abondante dans les peintures que par une grande proportion d’artistes féminines dans le groupe. En outre, ces artistes avaient une vision commune d’une esthétique moderne, vivante et originale, comprenant autant de tableaux ruraux qu’urbains, mais qu’on reconnait principalement par l’utilisation de couleur vives et osées pour l’époque[12]. La peinture Rue St-Denis, par sa palette de couleur et sa vivacité, s’inscrit parfaitement dans ce renouveau artistique.

Notes et références

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  1. Pierre L'allier, « Hébert, Adrien », sur L’encyclopédie Canadienne, (consulté en )
  2. « HÉBERT, ADRIEN Rue Saint-Denis », sur mnbaq.org (consulté en )
  3. « La rue Saint-Denis célèbre ses 200 ans ! », sur Rue Saint-Denis, de Gilford à Roy (consulté en )
  4. Université Laval, « 400 ans de vie religieuse au Québec : perspectives historiques. », sur Université Laval, (consulté en )
  5. « Apogée de l'Église au Québec : 1840-1930 », sur Vatican II et la société québécoise (consulté en )
  6. Choquette, Robert, T. Allan Smith, Nive Voisine., « Catholicisme au Canada », sur L'Encyclopédie Canadienne, (consulté en )
  7. « L’industrialisation du Québec », sur Agriculture, commerce et industrie. Société et Territoires (consulté en )
  8. Dimitry Anastakis, « Industrialisation au Canada ». », sur L’encyclopédie Canadienne,, (consulté en )
  9. Artibise, Alan F.j., G.a. Stelter, « Urbanisation », sur L’encyclopédie Canadienne, (consulté en )
  10. « Les années folles », sur histoire-du-quebec.ca (consulté en )
  11. (en) « History », sur beaverhallgroup.weebly.com (consulté en )
  12. « Le Montréal des années 1920 au Musée des beaux-arts : Un nouveau regard sur les œuvres du Groupe de Beaver Hall », sur prevel.ca, (consulté en )