Hector Cattolica
Hector Cattolica est un affichiste, graphiste, illustrateur, peintre, poète, argentin, né le à Bragado et mort le , à Férolles-Attilly[1]. Il est le fondateur de la revue Margen et membre de l'Espace Latino-Américain[2] à Paris. Il est le premier à avoir donné une identité visuelle au Centre de Création Industrielle[3].
Parcours artistique
modifierFils d'un maçon émigré originaire du village de Cattolica en Italie, Hector révèle dès l'âge de douze ans un réel talent[4]pour le dessin. Il l'exprime en bandes dessinées à la gloire des héros des guerres d'indépendances sud-américaines et en illustrant des poèmes. Des comics qui lui valent à seulement vingt ans d'être mis au dessin de plans dans des studios d'architectes[4]. Cinq ans après, il s'évade de l'architecture grâce à la caricature et à la poésie[5].
L'usage qu'il fait de ces trois disciplines détermine le style de toute son œuvre, en y ajoutant souvent une pointe d'humour noir.
Les huiles sur toiles sont coûteuses et les résultats très lents. Il délaisse progressivement la peinture à partir de 1964 pour peindre à la gouache et à l'encre de couleur directement sur des tirages photos ou des films offset. Sa technique est caractérisé par l'emploi de forts contrastes, de trames de photogravure ainsi que des photo-montages très sophistiqués avant l'usage de l'époque. Comme sa virtuosité le lui permet, pour tous les styles demandés, il réalise toujours lui-même toutes les illustrations des projets sous sa direction artistique. Certaines affiches lui réclament plusieurs mois de travail, de leur conception à leur réalisation[4]. Perfectionniste, il est capable de revenir vingt fois sur un travail et de refuser de le livrer car inachevé; ce qui explique parfois que les délais exigés ne correspondent pas au cycle de sa création et, aussi, de sa rémunération à la vue du temps passé... Pendant plus de trente ans, ses exercices poussés en typographie, en composition, en volumes, en impression, comme sa culture très étendue lui permettent d'exercer sa créativité auprès des artistes célèbres de son époque[6].
Voyageant beaucoup, surtout par curiosité et par amitiés, il fait pourtant l'essentiel de sa carrière artistique en France. Il aime partager ses créations avec les autres et les commenter souvent d'une manière dérisoire et humoristique compte tenu des interprétations multiples qui pouvaient être perçues de manière souvent paradoxables voir ambigües[7].
Dans les années 1980, réfractaire aux nouvelles technologies, militant têtu déjà effacé des compétitions, opiniâtre artisan d'images qui font réfléchir, son portefeuille de clients ne survit pas longtemps à l'avènement de la publication assistée par ordinateur[8].
Ses derniers amis et clients convertis, ayant abandonné l'engagement politique comme le goût des images d'utilité publique portées par l'artiste, il reste sans commande pendant les quatre dernières années de sa vie. Période qu'il remplit à distribuer le courrier au sein d'une mairie locale[9] en rêvant à son dernier grand projet éclos en 1989, la création d'un Musée de l’histoire de l’immigration à Paris.
Biographie
modifierPoète du graphisme
modifierParti travailler à Buenos-Aires, comme son frère ainé Edolver aussi maquettiste, il publie ses dessins et caricatures dans la revue humoristique Tia Vicenta[10]. Il s'y lie d'amitié avec Quino, l'auteur du personnage Mafalda, et Copi. Il écrit beaucoup et publie en 1960 un recueil de poésies[11] dont le succès[12] l'invite à voyager et à se rendre à Paris, alors ville des Arts.
Il s'y installe en 1962 pour y créer et éditer la revue Margen dédiée à l'expression d'intellectuels d'Amérique Latine. Pour être économique et essentiellement littéraire, il conçoit cette revue semestrielle dans un format spécial novateur (9x18 cm) et avec une couverture très caractéristique (couverture en carton 350 g couleur kraft et composition noire Bodoni Bauer Black) comme le fut déjà son premier livre, deux ans plus tôt. Maquette reprise en 1964[13] et devenue depuis un classique de l'édition. Alors que Cattolica a arrêté sa publication après seulement cinq numéros, pour militer activement contre le franquisme[14], mais aussi abandon financier, un premier-né de sa compagne française Marie-Claire Decraene (avec qui il aura deux enfants), et logique d'un militantisme croissant contre les persécutions d'intellectuels hispanophones[15] comme pour les mouvements de décolonisation et anti-dictatoriaux. Il fait la maquette de la Petite Collection en 1967, puis des couvertures, pour François Maspéro et, à la suite d'un séjour de cinq mois à Cuba en 1966, il collaborera au chantier de ce dernier pour l'édition française de la revue Tricontinentale[7].
"Latino" du Quartier Latin
modifierArrive , et la sérigraphie livre les murs de Paris aux créations de l'Atelier Populaire de l'École des Beaux-Arts[16], où l'immigré argentin va retourner contre elle les subtilités d'une langue qu'il maîtrise encore mal, pour s'en moquer lorsque le mouvement prendra fin : le retour à la norme devient le retour à l'anormal.
Il réalise un autre affiche devenue presque aussi célèbre en détournant la face de la pièce de un Franc pour affubler Marianne d'un masque-à-gaz et d'un bouclier lors d'une barricade[17]. Dans la foulée du mouvement de Mai, chez les éditeurs, au Quartier Latin, dans les cafés, aux Beaux-Arts, il est l'ami d'illustrateurs qui deviennent déjà fameux comme Wolinski, Willem, Jean-Michel Folon, Serguei, Roland Topor et Siné, grâce auxquels il publiera des dessins dans la presse d'opinion, principalement l'Enragé et Action, sous son nom comme sous le pseudonyme de Sesamo[18].
Graphiste de Service Public
modifier- Dès 1969, il reçoit des commandes régulières de François Barré pour des créations d'affiches et de catalogues pour le Centre de Création Industrielle (CCI), dont il crée la signalétique et la première plaquette de préfiguration du Centre Georges-Pompidou avant son installation dans le bâtiment rue Beaubourg, brochure devenue aujourd'hui un collector[3].
- 1969-1970 Il dessine le logotype de la Société Africaine d'Édition, éditrice de L'Afrique littéraire et artistique.
- En 1972, il entame une collaboration irrégulière pour la collection "Folio" à la demande de Robert Massin, pour des illustrations de couvertures chez Gallimard.
Comme directeur artistique, pour l'exposition "Matériaux, technologie, forme" du CCI, à la Galerie du Musée des Arts Décoratifs en 1974, il crée une affiche doublement innovante : la première affiche en bas-relief, le gaufrage d'une empreinte numérisée sur un carton-fort métallisé, ton-sur-ton[17], la reproduction numérique de sa propre empreinte digitale. Il exposera aussi cette empreinte sous forme de listings informatiques lors de cette manifestation qui sera l'une des toutes premières expositions grand-public consacrées au design industriel[19], qui va en ouvrir la porte à des succès non-démentis jusqu'à aujourd'hui.
- Tout au long des années soixante-dix, il conçoit des logotypes et des chartes graphiques dont certains encore en usage aujourd'hui, comme celui de Merlin-Gérin ou de la Bred.
- Collaborant depuis deux ans avec Edouard Maurel[20] sur des projets de design graphique, en 1975, sous la direction artistique de Roger Tallon il dessine des sièges et oriente les choix de couleurs pour le projet des nouvelles rames de métro d'Alstom. Ces derniers ne sont pas retenus (une gamme de verts au lieu du bleu rituel de l'Administration d'alors) pour être finalement repris par la RATP des dizaines d'années plus tard.
- Il rencontre un autre fils d'immigré italien, Max Gallo dont il réalise cette année-là les couvertures de la série "La baie des Anges", livre qui sera un très fort succès d'édition.
- En 1977, il crée le logotype de l'ICEI (Information Culture et Immigration), sa charte graphique, puis de nombreuses affiches[17] pour l'institution aujourd'hui rattachée au Musée de l’histoire de l’immigration.
- En 1979, à l'occasion de l'Année internationale de l'Enfant, il fait pour le Centre Georges-Pompidou l'affiche de l'exposition du Centenaire de la naissance d'Albert Einstein, Einstein= mc2[21], alors devenue fameuse par de nombreuses ré-éditions en carteries, vraies ou fausses.
- À sa fondation en 1981, pour le compositeur argentin Edgardo Canton[22], il dessine le logotype de l'authentique cabaret du tango parisien "Trottoirs de Buenos-Aires" produisant les meilleurs musiciens de tango d'Amérique Latine, tels que le Sexteto Mayor, le Cuarteto Cedron, Susana Rinaldi, Juan José Mosalini, Beytelmann. Il y réalise les affiches de plusieurs artistes. Il imprime aussi un menu -un dépliant de 6 pages 12x12 cm en forme de bandonéon- qui est tellement apprécié que chaque client du café-concert l'emporte avec lui !
- Il dessine aussi l'identité visuelle de l'Espace Latino-Américain[2] à Paris en participant au collectif fondateur constitué autour de Le Parc avec ses meilleurs amis, Krasno, Roberto Matta, Jack Vanarsky, Luis-Felipe Noé et d'autres.
- Dès le début de ces années 1980 débute une longue collaboration suivie d'une véritable amitié avec le graphiste Claude Baillargeon [23]. Ils signeront ensemble plusieurs éditions et affiches, dont celles de la pré-campagne[24] du Parti Socialiste français de , pour les élections présidentielles victorieuses de ce parti.
- En 1990, sans savoir qu'il sera atteint d'un cancer qui l'empèchera de mener son ultime projet à terme, il retourne voir l'ancien directeur du CCI, devenu délégué aux arts plastiques du ministère de la culture, pour lui remettre sa grande idée militante d'un Musée de l'Immigration, avec un projet architectural et un parcours scénographique en forme de pyramide aztèque à degrés retraçant les chemins de l'immigration venue en France, à travers les siècles. Un musée inauguré sous une autre forme en au Palais de la Porte Dorée, sans le mentionner.
Citation
modifierI'm a public service artist. Not in the sense that I work for any authority.
I mean that each image tries to express something that belongs to millions of people.[25]
Expositions
modifier- expositions collectives à l'Espace Latino-Américain de Paris, dont Hommage à Krasno, 1982; Art Graphique Latino-Américain, 1985; 100 Artistes Latino-Américains pour le Bicentenaire, 1989;
- Exposition « L’Amérique Latine à Paris »[26] Grand-Palais, 8 au ;
- Maison de l'Amérique Latine - à retrouver
- Centre National des Arts Plastique - à retrouver
- "Matériau, technologie, forme" du CCI, à la Galerie du Musée des Arts Décoratifs, en - , 69- 70
- « Qu’est-ce que le design ? » locaux du musée des Arts décoratifs, 107-109, rue de Rivoli, Paris Ier arr. - à retrouver
Œuvres (extrait)
modifier- "l'Objet Industriel" exposition 1980 [affiche][24]
- Berlin 89... [affiche] auto-édition[24]
- "les Trottoirs de Saturne"[27] film de Hugo Santiago "Las veredas de Saturno" [affiche][24]
- couvertures pour le mensuel "Passages"
- couvertures pour le mensuel "New Internationalist"
- illustration de dossiers de presse de NI et de l'UNFPA[28]
- Rencontre de Deux Mondes, Espace Latino-Américain, Paris 1992 [affiche]
- Una sociedad colonial avanzada, de Luis-Felipe Noé, 1960, ré-édité 2003 [couverture]
- Tupac Tosco, la raison de la mémoire ; une vision chorégraphique, théâtrale et musicale de l'Argentine... Théâtre Fontaine [affiche] [24]
- République française, [La Semeuse avec masque à gaz, bouclier et pavé à la main] [affiche] [24]
- Beurs-Feujs. Première rencontre entre Arabes et Juifs en France, à l'Assemblée nationale le mardi . [affiche][24]
- Café-concert, affiches de la Bibliothèque du Musée des Arts décoratifs, du au [24]...
- Los Indianos, visions chorégraphiques d'Amérique latine[24]...
- Notre monde est dangereux, la Paix exige une autre politique. Parti socialiste, l'autre politique [affiche][24]
- Pour vivre en sécurité, défendons chaque liberté. Parti Socialiste, l'autre politique [affiche][24]
Bibliographie
modifier- "A Falta de Otra Cosa", Édition Uno 1960, 61 pages[29]
- "Los novelistas son como los buitres " dice Mario Vargas Llosa en una entrevista con E. Hurtado y H. Cattolica, 1961,
- "España hoy" José Martínez, Jordi Blanc, Héctor Cattolica, Antonio Pérez, Éditeur : Ruedo Iberico , 1963, 500 pages
- « Bible (La) cachée du P.S. », Philippe Lemaire, BàT - Bon à Tirer, no 70
- "Citizen Cattolica" New Internationalist[30]
- "Mort d'un homme-livre", Serguei, LE MONDE du [31]
- "Hector Cattolica" New Internationalist by David Ransom[32]
- "Cattolica pero anarquisto", Maria-Cristina Alonso, Mncd de Bragado, 2008, 60 pages
Notes et références
modifier- « matchID - Moteur de recherche des décès », sur deces.matchid.io (consulté le ).
- Christine Frérot, « « Art et Amérique latine à Paris : L’Espace latino-américain (1980-1993) » », Horizons et dispositifs des arts plastiques des pays du Río de la Plata (XXe siècle), Artelogie, n° 6., juin 2014. (lire en ligne)
- Pascale Bertrand, Beaubourg : Les dix premières années du Centre Georges Pompidou, 1977-1987, Beaux Arts magazine, 1987, 130 p., p. 110.
- (es) Maria Cristina Alonso, Cattolica pero anarquisto, Bragado, Argentine, Mncd Bragado, , 61 p.
- El Corno Emplumado(en) « El Corno Emplumado » (consulté le ).
- la cantatrice Mercedes Sosa, le sculpteur Krasno, la compagnie Tupac Tosco , le compositeur Edgardo Canton, l'écrivain Alicia_Dujovne_Ortiz, l'écrivain Julio Cortazar, le designer Roger Tallon, le designer Edouard Maurel, les orchestres Sexteto Mayor et Cuarteto Cedron, le peintre Louis-Felipe Noé, le cinéaste Fernando Ezequeil Solanans, Hugo Santiago, etc.
- correspondance avec Denis Decraene, Attaché Culturel, Ministère des Affaires Etrangères, France, 2014.
- (es) Alicia Dujovne Ortiz, Las perlas rojas, Buenos-Aires, Alfaguara,
- Mairie de Nogent-sur-Marne
- Tia Vicenta
- (es) Hector Cattolica, A Falta de Otra Cosa, Buenos-Aires, Edicion Uno, , 61 p.
- El Corno Emplumado de Margaret Randall no 22
- coll. dir. par Jean-François Revel, Libertés, Paris, J.J. Pauvert [puis] : R. Laffont, 1964-1972, vol. 1 (1964)-vol. 91 (1972)
- « LA DÉTENTION DE M. GONZALO ARIAS », Le Monde, (lire en ligne).
- (es) « Caricaturas de Héctor Cattolica publicadas en CRI y suplementos », sur ruedoiberico.org, 1963-1965? (consulté le ).
- « Cahier Spécial Mai 68 », Libération, (lire en ligne)
- « VIAF : Fichier d'autorité international virtuel », sur VIAF, (consulté le ).
- (es) Maria Cristina-Alonso, Cattolica pero Anarquisto, Bragado, Mncd Bragado, , 54 p.
- Tracé horizontal à intervalles réguliers rectifiant l'empreinte digitale d'un pouce droit, et vice-versa [estampe] (1) Bibliothèque nationale de France Tirage en offset d'un listing grandeur nature provenant d'un ordinateur ayant mémorisé l'empreinte digitale d'un pouce droit agrandie 16 fois [estampe] (1) Bibliothèque nationale de France Papier millimétré avec surimpression d'empreinte palmo digitale gauche agrandie 3,7 fois environ [estampe] (1) Bibliothèque nationale de France« Fichier d'autorité international virtuel », sur VIAF (consulté le ).
- Volume Edouard Maurel - http://www.centrepompidou.fr/id/cRRReyz/rn75pXR/fr
- [Richelieu - Estampes et photographie - magasin DK- 766 -FT 5 support : affiche-image] « Catalogue BNF », sur Bibliothèque Nationale de France, Galerie Richelieu, Estampes (consulté le ).
- Groupe_de_recherches_musicales
- « Images d'un engagement », sur Musée du Graphismes Echirolles, (consulté le ).
- « Catalogue Général Bibliothèque Nationale de France », sur BNF (consulté le ).
- New Internationalist, October 5, 1989
- « l'Amérique Latine à Paris », sur Nouveaux Droits de l'Homme, (consulté le ).
- http://www.viaf.org/viaf/unimarctags.xml#unimarc810
- (en) « Cartoon & reflection », sur Ukrainian Librairy dor School (consulté le ).
- « Books about », sur books.google.de (consulté le ).
- (en) « Citizen Cattolica ».
- Serguei, « Mort d'un homme-livre », Le Monde, (lire en ligne)
- (en) « Hector Cattolica », New Internationalist, (lire en ligne)
Liens externes
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