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4Q175

4Q175 (ou 4QTestimonia ou 4QTest), aussi dénommé Le Testimonia, est un des Manuscrits de la mer Morte trouvé dans la grotte 4 à Qumrân en Palestine (Cisjordanie). Long de seulement une feuille, 4Q175 est une collection de citations bibliques relative à une figure messianique, reflétant manifestement le triple aspect de l'attente messianique des auteurs des manuscrits ou de ceux qui les ont cachés : attente du Prophète de la fin des temps (le prophète semblable à Moïse), attente du Messie laïc (le prince futur), attente du Messie sacerdotal (un enseignant du sacerdoce).

Le premier éditeur et traducteur du manuscrit est John Marco Allegro, mais de multiples traductions et commentaires ont été publiés par la suite.

Observations externes modifier

Il y a consensus chez les épigraphistes pour estimer que le scribe qui a copié 4Q175 a également copié la version de la Règle de la Communauté (1QS) trouvée dans la grotte 1, ainsi qu'un manuscrit de Samuel trouvé dans la grotte 4. Tous ont été datés d'après le style d'écriture du Ier siècle av. J.-C. ou Ier siècle apr. J.-C. La même main a aussi copié le Recueil des Bénédictions (1QSB)[1]. Ce fait est notable car sur les plus de 850 scribes qui ont copié au moins un des 870 manuscrits retrouvés près de Qumrân, seuls une demi-douzaine ont participé à l'écriture de plus d'un texte[2].

Contrairement à la quasi totalité des manuscrits retrouvés à Qumrân qui sont des copies d’œuvres littéraires, 4Q175 pourrait être un texte autographe[3]. C'est-à-dire qu'il serait la création de celui qui a écrit ce document, même si cette création est limitée au fait de choisir les cinq citations qui figurent sur ce manuscrit.

Testimonia modifier

Lorsque « John Marco Allegro publia ce texte pour la première fois en 1957, il l'intitula « 4QTestimonia ». Le terme testimonia renvoyait alors à une théorie selon laquelle il circulait parmi les anciens Juifs et encore plus parmi les premiers Chrétiens, des recueils de passages choisis dans la Bible pour servir à la disputation[4]. » Selon cette théorie, en milieu chrétien ou proto-chrétien, ces recueils comportaient surtout des citations ayant une protée messianique[4] applicable symboliquement à des éléments de la personnalité de Jésus, afin de prouver qu'il était bien le Christ annoncé par les prophètes, méthode qui est évoquée à plusieurs reprises dans le Nouveau Testament et chez les Pères de l'Église et qui semble avoir été largement utilisée pour l'écriture des Évangiles. Parmi les autres groupes de Juifs, ces supposés testimonia auraient été des démonstrations utilisées pour débattre d'autres thèmes ou pour défendre la messianité d'autres personnages que Jésus.

Contenu modifier

Le Testimonia est « une feuille de cuir groupant[5] » une série de citations du Tanak (la version hébraïque de la Bible) visant des figures messianiques. Ce bref document contient quatre citations de la Bible hébraïque et une citation des psaumes de Josué, un livre apocryphe retrouvé à Qumrân qui n'a été retenu par aucun des canons bibliques. Ces cinq citations sont ordonnées en quatre sections concernant les activités de Dieu à la fin des temps. Les trois premiers articles « sont manifestement en rapport avec le triple aspect de l'attente messianique » des auteurs des manuscrits ou de ceux qui les ont cachés : attente du Prophète de la fin des temps (le prophète semblable à Moïse), attente du Messie laïc (le prince futur), attente du Messie sacerdotal (un enseignant du sacerdoce)[6],[1].

La première section se compose de deux textes du Deutéronome et fait référence au prophète semblable à Moïse (Deutéronome 5:28-29; 18:18-19)[1]. André Dupont-Sommer note que ce deuxième passage du Deutéronome « se trouve appliqué à Jésus lui-même dans les Actes des Apôtres (III, 22)[7]. »

La deuxième section est un extrait d'une prophétie de Balaam sur un personnage messianique qui est semblable à David (Nombres 24:15-17)[1]. Cette prophétie prédit : "Une étoile est sortie de Jacob et un sceptre s'élèvera d'Israël, il doit écraser les temples de Moab et détruire tous les enfants de Sheth". C'est à cette citation que fait référence le récit de la naissance de Jésus ajouté au début de l'évangile attribué à Luc ainsi que le verset de l'Apocalypse de Jean à forte coloration messianique : “Je suis le rejeton (nètzer) de la race de David, l'étoile (kokhav) radieuse du matin”[8],[9].

La troisième section est une bénédiction des Lévites, et du Prêtre-Messie qui serait un enseignant comme Lévi (Deutéronome 33:8-11)[1].

La dernière section « est tout entière une citation des psaumes de Josué, un livre apocryphe[7] » retrouvé à Qumrân (voir 4Q379). « Ce texte fait allusion à trois personnages maudits, un père et ses deux fils, coupables des plus graves impiétés à Jérusalem et dans la Terre sainte[7]. » Elle débute par un verset du Livre de Josué (VI, 26), mais dans le Livre de Josué, la ville dont ces personnages maudits construisent des murs et des tours est Jéricho, comme on le trouve dans le texte massorétique de la Bible hébraïque[10], alors qu'ici il s'agit de Jérusalem. Toutefois, dans la Septante, version de la Bible hébraïque en langue grecque de la même époque, le nom de la ville, Jéricho, est absent[10]. Pour André Dupont-Sommer,« son omission rend plus aisé l'application du verset biblique à la ville de Jérusalem[10]. »

Avec de nombreux autres écrits — notamment la centaine de ceux que l'on attribue au Yahad ou à la tendance d'esséniens qui ont écrits ces manuscrits — ces versets montrent que ceux qui ont les ont caché avant 68-70, étaient particulièrement intéressés par les prophéties messianiques trouvées dans le Tanakh, annonçant des personnages libérateurs.

Le messianisme dans les manuscrits modifier

Dans les plus anciens textes à contenu messianique, trois figures eschatologiques séparées sont attendues par la communauté: un prophète, un Messie-royal et un Messie-sacerdotal (4Q175 Le Testimonia) ; « ou encore un Prophète, un Messie d'Israël et un Messie d'Aaron (1QS IX, 11 ; Règle de la Communauté ou Manuel de discipline)[11]. » Mais le Prophète doit intervenir antérieurement aux deux autres dont il doit annoncer la venue[11]. Seuls les figures royales et sacerdotales sont de véritables Messies[11]. Le messianisme de la secte est donc bicéphale[11]. Émile Puech note que cette conception induit un partage des pouvoirs entre le Roi et le Prêtre[12]. Les conceptions messianiques de la secte évoluèrent toutefois, comme l'a montré Ernest-Marie Laperrousaz[13]. Après avoir semble-t-il désapprouvé le cumul des deux fonctions pratiqué par les Hasmonéens, « la communauté se mit à attendre un messie unique, à la fois sacerdotal et royal[13]. »

Écrits copiés par le même scribe modifier

Il y a consensus chez les épigraphistes pour estimer que le scribe qui a copié 4Q175 a également copié la Règle de la Communauté (1QS) trouvée dans la grotte 1, ainsi qu'un manuscrit de Samuel trouvé dans la grotte 4. Tous ont été datés d'après le style d'écriture du Ier siècle av. J.-C. ou Ier siècle apr. J.-C.. La même main a aussi copié le Recueil des Bénédictions (1QSB)[1]. Ce fait est notable car sur les plus de 850 scribes qui ont copié au moins un des 870 manuscrits retrouvés près de Qumrân, seuls une demi-douzaine ont participé à l'écriture de plus d'un texte[14].

Règle de la communauté (1QS) modifier

Le manuscrit le plus complet de la Règle de la communauté (1QS) a été retrouvé dans la grotte 1 et a été recopié par ce même scribe. Il comporte une citation de la prophétie d’Isaïe (40, 3) que l'on retrouve dans la bouche de Jean le Baptiste dans les quatre évangiles canoniques[15],[1]. Cette citation ne semble toutefois pas faire partie de la « Règle de la communauté » primitive et pourrait avoir été ajoutée dans les versions du Ier siècle av. J.-C. ou Ier siècle apr. J.-C., comme c'est le cas dans la version 1QS de la « Règle »[1].

Tentative de datation modifier

La datation du texte est débattue. Tous les écrits attribués à ce scribe ont été datés d'après le style d'écriture du Ier siècle av. J.-C. ou Ier siècle apr. J.-C.. F. M. Cross estime qu'il a été écrit ou copié entre 100 et 75 BCE[16]. D'autres critiques, qui y voit une application des prophéties messianistes à Jésus de Nazareth estiment que ce texte est daté de la moitié du Ier siècle.

La détermination de la date de ce document comme celle de la centaine de manuscrits de la mer Morte attribués à la « secte » ayant écrit ou caché ces textes est un important enjeu, objet de luttes et controverses multiples.

Voir aussi modifier

Références modifier

  1. a b c d e f g et h Jean Starcky, Le Maître de Justice et Jésus, Éd. Gallimard/Le Monde de la Bible, Paris, 2000, p. 144.
  2. Wise, Abegg et Cook 2003, p. 34-35.
  3. Devorah Dimant, Between Sectarian and Non-Sectarian, in Reworking the Bible: Apocryphal and Related Texts at Qumran, Volume 58, publié par Esther Glickler Chazon, Devorah Dimant, Ruth Anne Clements, Orion Center for the Study of the Dead Sea Scrolls and Associated Literature, 2005, Brill, Leiden - Boston, p. 132, note no 2.
  4. a et b harvsp|Wise|Abegg|Cook|2003|p=274}}.
  5. Jean Starcky, Le Maître de Justice et Jésus, Éd. Gallimard/Le Monde de la Bible, Paris, 2000, p. 143-144.
  6. Dupont-Sommer 1983, p. 330.
  7. a b et c Dupont-Sommer 1983, p. 331.
  8. Ap 22. 16
  9. François Blanchetière, Enquête sur les racines juives du mouvement chrétien, p. 123.
  10. a b et c Dupont-Sommer 1983, p. 330 note no 2.
  11. a b c et d Christian-Georges Schwentzel, Juifs et nabatéens: Les monarchies ethniques du Proche-Orient hellénistique et romain, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, p. 97
  12. Schwentzel 2013, p. 97-98
  13. a et b Schwentzel 2013, p. 99
  14. Wise, Abegg et Cook 2003, p. 34-35.
  15. « Voix de celui qui crie dans le désert : rendez droit le chemin du Seigneur. cf. Mc 1 1-8, Mt 1, 3, Lc 3, 1-18, Jn 1, 19-34.
  16. Devorah Dimant, Between Sectarian and Non-Sectarian, in Reworking the Bible: Apocryphal and Related Texts at Qumran, Volume 58, publié par Esther Glickler Chazon, Devorah Dimant, Ruth Anne Clements, Orion Center for the Study of the Dead Sea Scrolls and Associated Literature, 2005, Brill, Leiden - Boston, p. 108.

Liens externes modifier