Utilisateur:Michel Abada/Article en cours de modification/Maîtres de Justice

Le Maître de Justice (en hébreu מורה הצדק) ou le Prêtre maître de Justice est un ou plusieurs personnages désignés par ce pseudonyme symbolique qui apparaissent dans certains des manuscrits de la mer Morte découverts dans des grottes, près des ruines de Qumrân. Pour les partisans du « modèle standard » et de la théorie anti-hasmonéenne, il s'agirait au IIe siècle av. J.-C., du fondateur du mouvement des Esséniens ou pour le moins du fondateur du groupe qui se désigne sous le nom de Yahad (Unité, Alliance) dans les manuscrits. Toutefois, il n'existe aucun consensus, ni au sujet de l'identité du Maître, ni au sujet d'autres personnages désignés eux aussi sous des noms symboliques, comme les adversaires du Maître, le « Méchant prêtre » et le « Cracheur de mensonges » (ou l'Homme du mensonge). Il n'y a pas non-plus de consensus sur la période concernée. Notamment, les partisans de la théorie pro-hasmonéenne font remarquer que plusieurs documents qui parlent du Maître de Justice, renvoient à un Maître en activité entre -76 et -63, ce qui est bien loin du début de l'activité du Maître de Justice du « modèle standard », supposé avoir fondé la « secte » vers -176.

Une partie de la critique retient donc l'hypothèse selon laquelle derrière ces pseudonymes symboliques, se cachaient plusieurs « Maître de Justice » successifs et plusieurs Grands prêtres successifs appelés « Méchant prêtre » dans certains manuscrits, alors que d'autres estiment qu'il n'est pas prouvé que les manuscrits font référence à plusieurs « Maîtres de Justice ».

Les Manuscrits de la mer Morte et les Esséniens modifier

Le « Maître de Justice » est cité dans certains Manuscrits de la mer Morte retrouvés dans onze grottes situées à proximité des ruines de Qumrân où ils avaient été entreposés probablement pendant la Grande révolte juive, avant que le site soit attaqué et pris, après un siège effectuée par l'armée romaine (probablement après août 70)[1]. Les manuscrits datent pour l'essentiel du IIe siècle av. J.-C. jusqu'à la seconde partie du Ier siècle ap. J.-C. (mais probablement avant 70). Quelques-uns, dont des textes bibliques, sont plus anciens et datent du IIIe siècle av. J.-C.[2]. Parmi ces 870 manuscrits — dont il ne reste parfois que quelques fragments — une trentaine mentionnent le « Yahad » (« Unité », « Alliance »)[3], un mouvement religieux derrière lequel bon nombre de chercheurs reconnaissent les esséniens. Dans d'autres manuscrits qui ne mentionnent pas le Yahad, on repère un vrai système de mots ou de formules qui les font classer également parmi les écrits dits « sectaires »[3]. Ils sont à eux tous une bonne centaine[3].

Plusieurs points de convergence entre la description des esséniens chez les auteurs antiques et la doctrine décrite dans les manuscrits semblent effectivement permettre d'identifier avec eux les membres de la communauté du Yahad. Un grand nombre de critiques estiment que ce mouvement doit être identifié aux Esséniens, toutefois des chercheurs[N 1] préfèrent distinguer les deux groupes, à cause de différences existant entre eux[4]. Toutefois, d'autres éléments ne correspondent pas et surtout un autre élément est carrément contradictoire avec les sources au sujet des esséniens (Josèphe, Philon): les membres du yahad sont littéralement obsédés par les « féroces Kittim[5] », derrière lesquels on reconnaît aisément les Romains[6], et de nombreux écrits parlent de guerres apocalyptiques (en) qu'il faudra mener contre eux. La Charte du Yahad utilise même « une terminologie militaire très marquée[7] », les volontaires y sont « organisés en groupes par milliers, centuries, cinquantaines et décuries[7]. » Ce « mode d'organisation est celui utilisé dans la guerre sainte menée par Moïse et Josué quand Israël attaqua pour la première fois les Cananéesns[7]. » Or, Philon d'Alexandrie et Flavius Josèphe insistent sur l'aspect que l'on pourrait qualifier de « non-violent » de la doctrine des esséniens, les conduisant même jusqu'à refuser de posséder des armes. Selon Norman Golb, lorsqu'ils voyageaient, les esséniens n'emportaient que des armes défensives[8]. Les guerres apocalyptiques qu'il va falloir mener, selon plusieurs écrits du mouvement du Yahad, sont conduites par le Messie – ou par deux messies successifs[9] – et ont pour but d'instaurer le Royaume de Dieu.

Une version de ce qui semble être la notice utilisée par Flavius Josèphe trouvée dans un texte attribué à Hippolyte de Rome (Réfutation de toutes les hérésies, IX, § 26) pourrait être une des clefs du problème[10]. Dans celle-ci, à l'endroit où le texte de la Guerre des Juifs sur les Esséniens rapporte leur division en « quatre lots » ou « quatre classes », on trouve la définition des « quatre catégories[11] » d'Esséniens[12]. Parmi celles-ci, tant les Sicaires que les Zélotes — qui sont présentés comme les deux noms du même groupe — et ce qui semble être la Quatrième philosophie, sont issus du mouvement essénien, qui se serait séparé en quatre tendances[10],[11].

Le Maître de Justice modifier

Le « Maître de Justice » est une figure dominante du mouvement. Les références au Maître se trouvent dans quatre documents[13] : le Document de Damas, le Pesher d'Habacuc [N 2], le Pesher des Psaumes[N 3] et le Pesher de Michée[N 4]. La quinzaine de mentions de ce personnage ne fournit que peu d'information[14].

À partir des divers textes qui en parlent, il est possible de reconstituer la trame de l'histoire du Maître de Justice[15]. Celui-ci était un prêtre qui grâce à son intuition religieuse hors du commun a « reçu de Dieu la révélation du sens caché des Écritures[15] » et de la juste interprétation de la Loi de Moïse[16],[15]. Il parvint à rassembler derrière ses idées un grand nombres de prêtres et de Juifs vertueux[15]. Toutefois, « l'Homme du mensonge » s'opposa à lui et grâce à une habile rhétorique, il en dissuada un grand nombre de suivre le Maître[15]. Les « Chercheurs de flatterie » — dont « l'Homme du mensonge » était probablement le chef — s'opposèrent aussi à lui[15]. « Au départ, le « Prêtre impie » semblait être favorable au Maître mais, « quand il gouverna en Israël », il se montra irréligieux, cupide, corrompu et violent[15]. » Il harcèle le « Maître », tente de l'assassiner et finalement le contraint à l'exil[16],[15] et tente au moins une fois de l'assassiner sans y parvenir[15]. Les nations des Gentils s'emparèrent du « Prêtre impie », le maltraitèrent et le menacèrent[15]. Il n'est pas impossible que le Maître périt finalement de mort violente, bien qu'il n'y ait aucune certitude à ce sujet[15].

Dans ces textes, parmi les imprécations contre les ennemis du Maître, la venue imminente des féroces Kittim est assimilé à un châtiment divin s'abattant sur les Juifs pour avoir rejeté le Maître et ses disciples[15].

Difficultés d'identification modifier

De plus, l'extraction d'éléments historiques à partir de ces textes est problématique. Ces textes ont été composés et recopiés sur une longue période. Les pesharim notamment prétendent rapporter des éléments historiques, mais il est difficile de les considérer comme objectifs ou fiables. Ils présentent la vision que les sectaires avaient de leur propre histoire et en particulier de la vie du Maître de Justice[17]. Ils ne sont pas non plus complémentaires car les informations historiques rapportées peuvent dépendre les unes par les autres. Les Hodayot (« Hymnes d'actions de Grâce ») semblent décrire une expérience personnelle attribuable au Maître de Justice. Or le Document de Damas et les Hodayot sont généralement considérés comme antérieurs aux pesharim. Le personnage du Maître de Justice tel qu'il apparaît dans le Pesher d'Habacuc peut résulter d'une reconstruction de son histoire par les sectaires à partir des textes plus anciens. Dans ce cas, sa valeur historique resterait très limitée[18].

Notes et références modifier

Notes modifier

  1. André Paul, Norman Golb, Michael Wise, Martin Abbeg, Edward Cook, Robert Eisenman
  2. 1QpHab
  3. 4QpPsa[=4Q171] et 4QpPsb[=1Q173]
  4. 1Q14

Références modifier

  1. Golb 1998, p. 8.
  2. (en) Devorah Dimant, « Qumran : Written Material », dans Lawrence H. Schiffman et James VanderKam (dir.), Encyclopedia of the Dead Sea Scrolls, Oxford University Press, (ISBN 978-0195084504)
  3. a b et c André Paul, Qumrân et les esséniens – L'éclatement d'un dogme, Paris, Éditions du Cerf, p. 26
  4. Paul 2008 p. 72-73
  5. Erreur de référence : Balise <ref> incorrecte : aucun texte n’a été fourni pour les références nommées Wise_p28
  6. Erreur de référence : Balise <ref> incorrecte : aucun texte n’a été fourni pour les références nommées Wise_30
  7. a b et c Wise, Abegg et Cook 2003, p. 145.
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  9. Erreur de référence : Balise <ref> incorrecte : aucun texte n’a été fourni pour les références nommées Blanchetière_45
  10. a et b Eisenman 2012 vol. II, p. 366-371.
  11. a et b Dupont-Sommer 1983, p. 43, note no 4.
  12. Dupont-Sommer 1983, p. 43.
  13. Erreur de référence : Balise <ref> incorrecte : aucun texte n’a été fourni pour les références nommées Knibb
  14. Murphy-O'Connor 1992
  15. a b c d e f g h i j k et l Erreur de référence : Balise <ref> incorrecte : aucun texte n’a été fourni pour les références nommées Wise_Abegg_p28
  16. a et b Erreur de référence : Balise <ref> incorrecte : aucun texte n’a été fourni pour les références nommées Schwentzel_2013_p95
  17. Collins 2009, p. 17
  18. Collins 2009, p. 18