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Néonationalisme (Québec ) modifier

Au Québec, le néonationalisme est généralement synonyme des réformes de la période de la Révolution tranquille.

Au Québec, le néonationalisme désigne un nouveau type de nationalisme apparu au milieu du 20e siècle, s'ancrant dans une rupture du sentiment d'appartenance des Québécois au Canada français et à ses traditions (comme la religion catholique et la vocation agricole). Développé durant les années 1940 et 1950, il est plus généralement associé aux transformations sociales, politiques, économiques et culturelles de la Révolution tranquille et des années 1960 et années 1970.

Le néonationalisme est l'expression du désir des Québécois de se libérer de leur situation d’infériorité au sein de la fédération canadienne et de leur volonté de jouer un plus grand rôle dans les décisions concernant leur société. Ce désir s'est concrétisé dans l'intervention accrue de l’État dans l’économie du Québec et dans la promotion d'une culture distincte de langue française en Amérique du Nord, menant à la redéfinition des « Canadiens français » en tant que « Québécois[1] ».

En politique, le néonationalisme est à l'origine du mouvement indépendantiste contemporain. Il a mené à la création du Rassemblement pour l’indépendance nationale (RIN) en 1960 et la fondation du Parti québécois en 1968, et à l'adoption de différentes mesures visant à faire du Québec l'État national des Québécois[2].

Origines modifier

Bien qu’il soit généralement associé à l’esprit et au dynamisme de la Révolution tranquille, le néonationalisme québécois est le résultat d’une longue évolution du nationalisme canadien-français depuis la seconde moitié du 19e siècle.

Honoré Mercier et le Parti national modifier

Honoré Mercier, premier ministre du Québec de 1887 à 1891, a été le premier à défendre l'autonomie du Québec.

En 1886, à la suite de la crise nationale provoquée par la pendaison de Louis Riel, Honoré Mercier décide de créer un nouveau parti politique : le Parti national. Ce parti rompt avec l’axe d’opposition traditionnel entre libéraux et conservateurs. Il vise à rallier les Québécois au-delà de leurs différences partisanes pour les unir autour d’un nouvel axe : celui de la défense de l’autonomie provinciale. Cette volonté d’unir les Canadiens français par la défense de leurs intérêts en tant que peuple amène les Canadiens français, pendant un temps, à cesser de diluer leurs voix dans une dynamique politique dominée par les intérêts des Canadiens anglais, et à faire bloc pour s’exprimer d'une seule voix, d'un peuple à l'autre[3]. Cette idée, appuyée par la croyance fort répandue au Québec à cette époque que la Confédération de 1867 était un « pacte » d’honneur entre deux peuples fondateurs (Français et Anglais), servait à redéfinir les Canadiens français non plus en tant que libéraux ou conservateurs, mais en tant que peuple distinct avec une culture et une langue communes, et des besoins propres.

Conscription de 1917 modifier

Suite à la Guerre des Boers, un fort sentiment d’hostilité à l’égard de l’impérialisme britannique se développe chez les Canadiens français. Ce sentiment est porté de manière très marquée par le journaliste et député Henri Bourassa. Ancien partisan de Wilfrid Laurier, charismatique et populaire auprès de la jeunesse francophone, Bourassa ne réussit pas cependant à empêcher l’envoi de soldats canadiens pour soutenir l’effort de guerre de l’Angleterre. Il se portera à la défense des minorités canadiennes-françaises hors-Québec durant les années 1900 et 1910, à la suite de la perte des droits des parents francophones à faire instruire leurs enfants dans leur langue dans les écoles primaires. Tout en étant très attaché aux droits des Canadiens français partout au Canada, Bourassa se montrera toutefois très hostile au nationalisme canadien-français, préférant le nationalisme pancanadien, où tous pourraient se sentir chez eux, peu importe leur langue maternelle, et la défense de la religion catholique[4].

Cette conception d’un Canada se voulant bénéfique pour la protection des droits de sa minorité francophone est mise à mal plus que jamais en 1917. En pleine Première Guerre mondiale, le premier ministre du Canada Robert Borden est reporté au pouvoir avec une large majorité. Conservateur, Borden forme cette fois un gouvernement d’union nationale avec des libéraux et des conservateurs, avec le mandat d’imposer un service militaire obligatoire. Après avoir joué durant la campagne électorale sur le sentiment francophobe omniprésent dans le Canada anglais, Borden avait réussi à prendre le pouvoir malgré l’opposition de la très vaste majorité du Québec à la conscription[5]. Malgré les appels à la collaboration et à la coopération loyale des Laurier, Bourassa et autres chefs de file francophones à Ottawa, l’imposition du service militaire révélait de façon très claire l’une des plus grandes lacunes du régime fédéral canadien : la profonde inégalité entre Canadiens français et Canadiens anglais.

Lionel Groulx modifier

Dès les années 1920, l’historien Lionel Groulx et ses disciples ont commencé à réfléchir à la création d’un État propre aux Canadiens français.

À la suite de la crise de la conscription, un certain nombre d’hommes politiques, de journalistes et de penseurs du Québec remettent en question le régime fédéral et sa capacité à assurer l’avenir et l’épanouissement des Canadiens français. Un petit groupe d’intellectuels organisés autour de l’historien Lionel Groulx se mettent à développer une réflexion sur ce sujet dans la revue L’Action française. Prenant leurs distances avec le nationalisme pancanadien défendu par Henri Bourassa, les collaborateurs de L’Action française mènent une enquête sur la situation d’infériorité des Canadiens français. Les résultats de cette enquête sont publiés en 1922 dans un ouvrage intitulé Notre avenir politique.

Lionel Groulx et ses disciples prônent une revalorisation de l’identité des Canadiens français par l’établissement d’un « État français[6]? ».

Cet État se définit d’abord par sa religion catholique, considérée comme un rempart contre les impérialismes britannique et américain, ainsi que contre un certain délitement des mœurs menant à une dissolution de la cohésion sociale. Cet État se définit également par son attachement à la langue française, à la culture française, et à la valorisation de ses liens avec la France. Enfin, cet État se définit aussi par une plus grande participation des francophones aux décisions importantes de leur société, en particulier en encourageant leur implication dans l’économie[7].

Autonomisme modifier

Grande dépression modifier

Pour Groulx et ses disciples, pour que cet État français puisse naître, la meilleure option politique se trouve dans la défense de l'autonomie provinciale. En effet, l'autonomisme apparaît comme une « étape préalable, à la fois nécessaire et réalisable, à l’aide d’un parti adéquat, pour l’émancipation nationale[8] ».

Ce désir de revalorisation et d'émancipation nationale se fait vivement ressentir lors de la Grande dépression. À la suite de l’effondrement de la bourse à Wall Street, les démocraties libérales sont frappées par la pire crise économique de leur histoire. La fermeture des entreprises entraîne une forte montée du chômage. De 1929 à 1933, le taux de chômage passe de 2,9 % à 25 %[9]. Le chômage entraîne la misère, la rancoeur, le désespoir. Des groupes de citoyens se forment pour discuter de la situation et chercher des solutions. L’idée largement répandue dans l’opinion publique est que le capitalisme est un système dépassé, et qu’il doit être remplacé par un autre régime. C’est dans ce contexte que la volonté d’une plus grande prise en charge de l’économie du Québec par des Canadiens français commence à trouver écho au sein de la population, non seulement chez les intellectuels et les journalistes, mais aussi chez les étudiants, les travailleurs et les professionnels[10].

Un certain nombre de nationalistes des années 1930 trouvent dans le corporatisme une forme de solution aux problèmes du Québec. En réponse au marxisme, le corporatisme oppose à la lutte de classe un mode de cogestion entre patrons et corps de métiers. Le corporatisme combine aussi une forme de catholicisme et de nationalisme qui, ensemble, placent le bien commun au-dessus de l’individualisme, source de la cupidité et du malheur entraîné par le capitalisme barbare. Surtout, le corporatisme veut également permettre la place de mesures pour planifier l’économie et éviter les futures crises[11]. Ces mesures sont proposées afin de lutter contre les monopoles (appelés « trusts » à l’époque) et de libérer l’économie des mains des capitalistes maintenant les Canadiens français en état de subordination.

Ainsi, un certain nationalisme économique se joint à un désir d’offrir un plus grand rôle à l’Église catholique dans l’encadrement de la vie sociale au Québec. Ces principes rejoignent les buts visés par le père Joseph-Papin Archambault et son École sociale populaire[12]. Ces principes trouvent écho en politique chez les disciples de Lionel Groulx : en particulier le conférencier Paul Gouin, le docteur Philippe Hamel, le professeur Ernest Grégoire et les avocats Oscar Drouin et René Chaloult. En 1935, ces hommes fondent un nouveau parti politique, l’Action libérale nationale, dans le but de mettre en application une série de réformes inspirées de ces principes. Notamment, ils préconisent la lutte aux monopoles, l’établissement d’un crédit agricole, et la nationalisation de l’hydroélectricité (l’électricité étant à cette époque assurée par des entreprises privées)[13]. Après les élections de 1935 où le gouvernement libéral en place voit sa majorité fortement réduite, à l'été 1936, tous ces hommes (sauf Paul Gouin) décident de se joindre à un nouveau parti fondé par Maurice Duplessis, unissant l’Action libérale nationale avec le Parti conservateur : l'Union nationale. Le parti est élu en août 1936. Toutefois, malgré la victoire de leur parti, les nationalistes réformistes des années 1930 verront la majorité de leurs idées-phares être laissées de côté par Duplessis[14].

Déçues, ces anciennes têtes d’affiche de l’Union nationale quittent le parti et fondent le Parti national pour continuer à défendre leurs idées. Leur aventure sera de courte durée. Aux élections de 1939, tous sauf Oscar Drouin (retourné chez les libéraux) sont défaits[15].

L'autonomisme face à la centralisation fédérale modifier

Deuxième Guerre mondiale modifier

André Laurendeau, disciple de Lionel Groulx, dirige le Bloc populaire de 1942 à 1947.

Le Parti libéral d’Adélard Godbout prend le pouvoir en 1939 avec le soutien politique et financier du Parti libéral du Canada. Devant l’arrivée d’une deuxième Guerre mondiale, le parti d’Adélard Godbout avait promis de s’opposer à toute imposition d’une conscription s’il était porté au pouvoir. Cette promesse lui avait obtenu l’appui d’une grande partie de la population, y compris chez les nationalistes. Toutefois, les empiétements successifs du gouvernement fédéral dans les compétences exclusives du Québec et le reniement de la promesse du Parti libéral fédéral de ne pas imposer la conscription finissent par mener à la création d’un nouveau parti nationaliste, le Bloc populaire, en 1942.

Dirigé par André Laurendeau, également un disciple de Lionel Groulx, le Bloc populaire prône l’indépendance du Canada (face à l’impérialisme britannique), le respect de l’autonomie des provinces par le gouvernement fédéral et la mise en place de réformes économiques et sociales pour aider les familles les plus pauvres au Québec[16]. Il s'oppose cependant au conservatisme de l'Union nationale de Maurice Duplessis, lui reprochant de pratiquer un « nationalisme verbal », s'opposant en principe aux empiétements du gouvernement du Canada dans les affaires du Québec, mais sans prendre de recours politiques pour renverser la situation d'infériorité des Québécois[17].

Malgré les objections du Bloc populaire, en 1944, l’Union nationale de Maurice Duplessis reprend le pouvoir. La guerre tirant à sa fin, les gouvernements du Québec et du Canada commencent alors à négocier la reconstruction de l’économie et la restitution des pouvoirs centralisés par le gouvernement du Canada durant le conflit[18]. Toutefois, dès 1946, le gouvernement du Canada indique de façon claire qu’il n’avait pas l’intention de restituer les pouvoirs aux provinces. Cette décision provoque une vague de nationalisme sans précédent au Québec. Portés par cette vague, Maurice Duplessis et son parti sont réélus avec une écrasante majorité en 1948[19].

Refus global modifier

Après la guerre, une nouvelle génération de Québécois arrive à l’âge adulte. Celle-ci commence à critiquer la vision du Québec proposée par les élites traditionnelles. Malgré plusieurs mesures importantes (notamment l’adoption du drapeau du Québec en 1948 et l’instauration d’un impôt provincial en 1955) effectuées par le gouvernement du Québec, les solutions proposées par l’épiscopat et la classe politique étaient de plus en plus en décalage avec les besoins d’une démocratie libérale moderne. Parmi les membres de cette nouvelle génération, un nombre grandissant d'étudiants, d'artistes, d'intellectuels, de journalistes et de gens d'affaires commençaient à perdre confiance en leurs institutions[20].

Publié en 1948, le Refus global exprime le désir ressenti par un nombre croissant de Québécois de se libérer du cadre traditionnel canadien-français. Malgré une tiède réception à l'époque de sa publication, ce texte traduisait un sentiment discrètement partagé par bon nombre de jeunes adultes diplômés des collèges classiques et des universités du Québec, se retrouvant dans une société où les postes de décision leur étaient inaccessibles, malgré leurs qualifications et leurs compétences[21].

Une grande partie de cette révolte était tournée vers l'Église catholique et ses enseignements jugés dépassés pour les besoins d'une démocratie moderne : « Rejetons de modestes familles canadiennes-françaises, ouvrières ou petites bourgeoises, de l’arrivée au pays à nos jours restées françaises et catholiques par résistance au vainqueur, par attachement arbitraire au passé, par plaisir et orgueil sentimental et autres nécessités. Colonie précipitée dès 1760 dans les murs lisses de la peur, refuge habituel des vaincus; là, une première fois abandonnée. L’élite reprend la mer ou se vend au plus fort. […] Un petit peuple serré de près aux soutanes restées les seules dépositaires de la foi, du savoir, de la vérité et de la richesse nationale. Tenu à l’écart de l’évolution de la pensée pleine de risques et de dangers, éduqué sans mauvaise volonté, mais sans contrôle, dans le faux jugement des grands faits de l’histoire quand l’ignorance complète est impraticable[22] ».

Les limites de l'autonomisme modifier

Parade de la Saint-Jean-Baptiste en 1946.

Bien que l’autonomisme de l’Union nationale rejoigne les sensibilités d’une large majorité de Québécois, plusieurs des mesures structurantes (comme la nationalisation de l’hydroélectricité, la création d’un système de santé publique ou la création d’un ministère de l’Éducation) devant mener à la création d’un État français continuent à être repoussées. Dénoncé par le Bloc populaire d'André Laurendeau ainsi que par les libéraux de Georges-Émile Lapalme, Maurice Duplessis justifie sa position au nom du respect de l'esprit original de la constitution de 1867.

Nationaliste mais également conservateur, même si Maurice Duplessis refuse de remettre en question publiquement l'autorité traditionnelle de l’Église catholique dans ces domaines et de la protection de la liberté de choix individuelle, dans les faits, son conservatisme et son désir de maintenir la mainmise de son parti sur l'administration québécoise l'amènent à retarder l'établissement d'une fonction publique et de programmes administrés uniquement par le Québec[23].

Malgré certains gestes politiques symboliques (comme l'adoption du fleurdelisé en 1948) et concrets (comme la création d'un impôt sur le revenu des corporations en 1947 et d'un impôt sur le revenu des particuliers en 1955), les appels à la collaboration et au respect de l'autonomie provinciale lancés par l'Union nationale continuent de se buter au refus du gouvernement de Louis St-Laurent. Devant le décalage croissant entre la vision de la société proposée par Lionel Groulx et les élites traditionnels et les besoins formulés par la jeunesse arrivant à l'âge adulte durant les années 1940 et 1950, un sentiment de désaffection parcourt la société québécoise. Les groupes d'opposition aux institutions traditionnelles se multiplient, jugeant très sévèrement leur discours. L'opposition se développe autour du père Georges-Henri Lévesque, à la faculté des Sciences sociales de l'Université Laval, dans le milieu journalistique avec Pierre Laporte, André Laurendeau et Gérard Filion du Devoir, dans le mouvement syndical avec Jean Marchand, Michel Chartrand, Gérard Picard et Madeleine Parent, dans la faculté d'histoire de l'Université de Montréal, avec Maurice Séguin, Michel Brunet et Guy Frégault, dans les cercles intellectuels avec Fernand Dumont, Marcel Rioux, François-Albert Angers, Gérard Pelletier et Pierre Elliott Trudeau, et enfin dans l'arène politique avec la Ligue d'action civique dirigée par Jean Drapeau et l'Alliance laurentienne dirigée par Raymond Barbeau[24].

Dans le cas des historiens néonationalistes Brunet, Séguin et Frégault, l'enseignement de l'histoire providentielle telle que conçue par Groulx et les siens était contredit par les nombreux échecs dans toutes les tentatives de développement et de protection des droits de la minorité de langue française hors du Québec depuis les débuts du Canada. Ainsi, les Québécois n'atteindraient jamais une véritable égalité avec les Canadiens anglais. Deux choix s'offraient à eux pour leur avenir : l'assimilation ou l'indépendance[25].

Pour tous ces gens, la structure politique héritée de 1867 apparaissait comme dépassée et incapable de répondre aux besoins et aux aspirations collectives du Québec. Si certains adversaires de Maurice Duplessis voyaient dans le nationalisme autonomiste une forme de repli identitaire dangereux ou de simple levier politique pour se maintenir au pouvoir, d'autres croyaient plutôt que la solution était dans la redéfinition du Québec non plus comme province fondatrice du Canada, gardienne de traditions ancestrales, mais comme foyer d'une nation distincte en Amérique du Nord, ayant besoin d'accroître ses pouvoirs au-delà de ce que le régime fédéral permettait, afin d'atteindre son plein développement[26].

Révolution tranquille modifier

Deux figures marquantes de la Révolution tranquille : Jean Lesage, premier ministre du Québec, et Jean Drapeau, maire de Montréal.

Le 22 juin 1960, le Parti libéral remporte les élections. Pour la première fois de son histoire, le Québec se retrouve avec un gouvernement « à la fois intensément réformiste et intensément nationaliste[27] ». Mettant fin à un règne unioniste de plus de seize ans, le Parti libéral dirigé par Jean Lesage devient le principal moteur d'une série de transformations faisant écho, trente ans plus tard, à l'appel lancé par Lionel Groulx dans les années 1930, visant à créer un État français pour les Québécois[28].

Déchargeant graduellement l'Église de son rôle dans la gestion des domaines comme la santé et l'éducation, le gouvernement Lesage incarne une volonté politique de transformer l'État en outil de promotion des intérêts de la collectivité québécoise. S'inscrivant dans le sillon de l'autonomisme des années 1940 et 1950, le gouvernement Lesage va cependant plus loin dans l'affirmation nationale du Québec et prend des initiatives au lieu de s'en tenir à la réclamation de ses droits[29].

Les réformes du gouvernement Lesage vont se concrétiser dès 1960 et 1961 avec la création de cinq nouveaux ministères, la mise sur pied d'un régime d'assurance-hospitalisation et l'institution d'une commission d'enquête sur l'enseignement au Québec (commission Parent). En 1962, le gouvernement Lesage pose également un geste sans précédent, témoignant d'un changement permanent de l'attitude du gouvernement à l'égard de l'économie en choisissant de proposer aux Québécois la nationalisation de l'hydroélectricité. Longtemps considéré comme une chasse gardée de la haute finance anglophone, le réseau électrique québécois appartenait à cette époque à des entreprises privées très influentes. Réticent au départ à cette idée de nationalisation, Jean Lesage finit par se laisser convaincre par ses conseillers, puis par ses ministres, en particulier celui qui devra porter le dossier : René Lévesque. La décision de cette envergure devient alors l'enjeu d'une élection anticipée, déclenchée à l'automne 1962[30].

Réélu avec une majorité accrue, le gouvernement Lesage poursuit ses réformes en économie avec la création d'une Régie des rentes et d'une Caisse de dépôt et placement. Ces deux instruments permettent de libérer l'économie du Québec de l'emprise des firmes de courtage et du syndicat financier anglo-montréalais qui influaient sur les décisions économiques du gouvernement depuis toujours[31].

D'autonomiste à indépendantiste modifier

Le symbole le plus éloquent du développement du néonationalisme des années 1960 est sans contredit l'apparition d'un nouveau mouvement pour l'indépendance du Québec. Un premier mouvement, l'Alliance laurentienne, est fondé en 1957 par le professeur de lettres Raymond Barbeau. Indépendantiste, le mouvement cherche à fonder un pays dans la vallée laurentienne dans le but de préserver les coutumes et les traditions ancestrales des Québécois. Ce mouvement sera ensuite supplanté par l'apparition du Rassemblement pour l'indépendance nationale (RIN) en septembre 1960. Ancré dans une désaffection à l'égard de la religion catholique et des traditions ancestrales, ce nouveau mouvement s'inspire des luttes pour la décolonisation des pays d'Afrique et d'Asie de la fin des années 1950. Le RIN prend également ses distances avec la conception rurale de la société québécoise et avec l'attachement à la religion catholique.

Le développement de ce mouvement indépendantiste mène au réalignement des forces politiques en présence au Québec selon un nouvel axe : les deux clans - libéraux et unionistes - sont peu à peu redéfinis selon le choix de rester fidèle au Canada - fédéraliste- ou au Québec - indépendantiste. Cet axe marque la vie politique et devient le centre des débats de la société québécoise des années 1960 jusqu'aux années 2000[32].

Notes et références modifier

Notes modifier

Références modifier

  1. Jean-Pierre Wallot, « L'histoire et le néo-nationalisme » dans Georges-Henri Lévesque et collab., CONTINUITÉ ET RUPTURE. Les sciences sociales au Québec, t. 1, 1984. Consulté le 1er août 2022.
  2. René Durocher, « L'émergence de l'histoire du Québec contemporain » dans Georges-Henri Lévesque et collab., CONTINUITÉ ET RUPTURE. Les sciences sociales au Québec, t. 1, 1984]. Consulté le 1er août 2022.
  3. Pierre Dufour, Jean Hamelin « MERCIER, HONORÉ » dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 18, Université Laval/University of Toronto, 2009. Consulté le 2 août 2022.
  4. Réal Bélanger, « BOURASSA, HENRI », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 18, Université Laval/University of Toronto, 2009. Consulté le 2 août 2022.
  5. Robert Craig Brown, «  BORDEN, Sir ROBERT LAIRD », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16, Université Laval/University of Toronto, 2005. Consulté le 3 août 2022.
  6. « Un État français fort, pratiquement homogène, totalement libre dans ses mouvements, formerait la plus sûre garantie de survie et d'intégrité pour l'âme des nôtres des avant-postes, couverts qu'ils seraient par le feu d'une puissante civilisation catholique et française, laquelle tiendrait en respect puis en échec les forces toujours éphémères des civilisations ambitieuses mais divergentes et matérialistes [...]. Et puis, présentement, qu'est-ce qui nous incite du côté du Québec à voler au secours des nôtres du lointain, sinon un idéal religieux et patriotiques qui ne s'arrête point aux courbes du méridien? » Mgr J.-M. Rodrigue Villeneuve, « Et nos frères de la dispersion? » dans Notre avenir politique, 1922, p. 119, 129-130.
  7. Lionel Groulx, Notre avenir politique, 1922, p. 121-127.
  8. Charles-Philippe Courtois, Lionel Groulx. Le penseur le plus influent de l’histoire du Québec, Les Éditions de l’Homme, 2017, p. 341.
  9. Paul-André Linteau et collab., Histoire du Québec contemporain, t. 2 : Le Québec depuis 1930, Boréal, 1989, 811 p.
  10. Lucia Ferretti, Brève histoire de l'Église catholique au Québec, Boréal, 2021, p. 138-141.
  11. [ https://www.erudit.org/fr/revues/rs/2004-v45-n2-rs835/009647ar.pdf Jean-Philippe Warren, « Le corporatisme canadien-français comme « système total ». Quatre concepts pour comprendre la popularité d’une doctrine », Recherches sociographiques, vol. 45, no 2, mai-août 2004, p. 219-238]. Consulté le 19 juillet 2022.
  12. [ https://bilan.usherbrooke.ca/bilan/pages/biographies/369.html Bilan du siècle, « Joseph-Papin Archambault (1880-1966) Homme d’Église »]. Consulté le 23 juillet 2022.
  13. Alexandre Dumas, Les quatre mousquetaires de Québec, Éditions du Septentrion, 2021, p. 38-57.
  14. René Chaloult, Mémoires politiques, 1969, Éditions du Jour, p. 91.
  15. Alexandre Dumas, Les quatre mousquetaires de Québec, Éditions du Septentrion, 2021, p. 237-278.
  16. Paul-André Comeau, Le Bloc populaire, 1942-1948, Montréal, Boréal, 1998, p. 267-282.
  17. Robert Rumilly, Maurice Duplessis et son temps, t. 2, 1973, p. 314.
  18. « La formule proposée par M. Duplessis », Le Devoir, 26 avril 1946, p. 3. Consulté le 21 août 2022.
  19. Pierre B. Berthelot, Duplessis est encore en vie, Les éditions du Septentrion, 2021, p. 64-65.
  20. Pierre B. Berthelot, Duplessis est encore en vie, Les éditions du Septentrion, 2021, p. 16-21.
  21. François-marc Gagnon, « Refus global », L'Encyclopédie canadienne, 11 juillet 2006. Consulté le 11 août 2022.
  22. Paul-Émile Borduas, Refus global & Projections libérantes, Éditions Parti pris, 1977, p. 25. Consulté le 2 août 2022.
  23. Fernand, « Le gouvernement Duplessis, l’éducation et la culture, 1944-1959 », Les Cahiers des Dix, no 68, 2014, p. 169-247.
  24. Pierre B. Berthelot, Duplessis est encore en vie, Les éditions du Septentrion, 2021, p. 21.
  25. Maurice Séguin, L'idée d'indépendance au Québec : genèse et historique, Boréal express, 1968, p. 12-13.
  26. Maurice Séguin, « Genèse et historique de l'idée séparatiste au Canada français », et Raymond Barbeau, « On ne peut plus prêcher la servilité à un peuple devenu adulte », Laurentie, no 119, juin 1962, p. 964-1006.
  27. Lucia Ferretti, « Dossier : La révolution tranquille », L’Action nationale, vol. 89, no 10, décembre 1999, p. 62
  28. Pierre Duchesne, Jacques Parizeau, t. 1 : Le Croisé, Québec Amérique, 2001, p. 208-213.
  29. Discours de Jean Lesage, Comptes rendus de la Conférence fédérale-provinciale 1960, Ottawa, 25, 26 et 27 juillet 1960, p. 28-39.
  30. Jean-Charles Panneton, Le gouvernement Lévesque, t. 1 : De la genèse du PQ au 15 novembre 1976, Septentrion, 2016, p. 54-57, 72-82.
  31. Pierre Duchesne, op. cit., p. 262-283.
  32. L'histoire du Québec « de 1960 au début des années 2000, peut être vue dans son ensemble comme le tableau d'une lutte acharnée pour résoudre la question nationale. Il s'agissait de rechercher pour le Québec un nouveau statut politique en mobilisant les énergies profondes de la nation, la lutte pour l'indépendance en représentant la forme la plus conséquente et achevée ». Mathieu Bock-Côté, « 30 octobre 1995. Le référendum sur la souveraineté : Il était une fois l'indépendance » dans Pierre Graveline (dir.), Dix journées qui ont fait le Québec, Typo, 2020, p. 316.