Utilisateur:Tanqredi/Brouillon/Innocence (opéra)

Tanqredi/Brouillon/Innocence (opéra)

Innocence est un opéra de la compositrice finlandaise Kaija Saariaho sur un livret de l'écrivain finlandaise Sofi Oksanen créé en 2021 au Festival international d'art lyrique d'Aix-en-Provence. L'histoire raconte le traumatisme que la tragédie d'un massacre de masse par fusillade dans un lycée international a laissé sur les élèves survivants et les familles des victimes et de l'auteur.

Description

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Quatrième opéra (ou drame lyrique[1]) de la compositrice, le livret contient la présence de neuf langues : anglais (principal), français, allemand, espagnol, roumain, tchèque, finnois, suédois et grec, traduit par Aleksi Barrière, le fils de la compositrice[2]. L'ouvrage, cinq actes et vingt-six scènes, qui mettent en scène treize personnages, dure environ une heure et quarante-cinq minutes et s'inspire notamment de la fusillade de Tuusula en 2007[3].

Génèse

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En 2011, le metteur en scène danois Kasper Holten, qui a pris la direction artistique du Royal Opera House de Londres, lui propose de produire un ouvrage. L'opéra a évolué sur l'outil de la compositrice et de la librettiste pendant huit années et débute la fabrication au même moment que l'écriture de son autre œuvre Only the Sound Remains créé en 2018. Trois années ont été nécessaire pour l'écriture, et l'idée des treize personnages lui provient de la fresque de Léonard de Vinci, La Cène[4]. Kaija Saariaho, pour la structure d'Innocence, trouve l'inspiration dans les opéras expressionnistes du début du XXe siècle dans Elektra de Richard Strauss et Wozzeck d'Alban Berg : court mais dense ouvrage sans interruption[5].

L'opéra est une commande conjointe du Festival d'art lyrique d'Aix-en-Provence et la Royal Opera House. de l'Opéra Nationale de Finlande, du San Francisco Opera et l'Opéra National des Pays-Bas. La première, prévue pour la saison 2020, est repoussée d'une saison en raison des restrictions liées à la pandémie de Covid-19[6].

Création

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L'ouvrage est créé le lors du Festival d'art lyrique d'Aix-en-Provence au Grand Théâtre de Provence pour quatre représentations. Dirigé par le chef d'orchestre finlandaise Susanna Mälkki avec l'Orchestre symphonique de Londres et le Chœur de chambre philharmonique estonien, la mise en scène y est assurée par Simon Stone et les décors par Chloe Lamford. Les costumes sont de Mel Page, la lumière de James Farncombe et la chorégraphie de Arco Renz. On y retrouve également la mezzo-soprano tchèque Magdalena Kožená dans le rôle de la serveuse ainsi que la soprano française Sandrine Piau en tant que mère du marié[7].

La mise en scène lors de la création présente un espace découpé en cases accueillant chacune un décor et une histoire différents, qui tourne sur place, montrant ainsi deux jeux de décors. La première se passe lors d'une fête de mariage et la seconde après la fusillade du lycée, parmi les élèves qui ont survécu au drame[6] On y retrouve le restaurant, la salle de classe notamment. La dramaturgie de la mise en scène relève du genre cinématographique et en particulier du thriller[8], avec des références filmiques telles que Elephant ou encore Festen[9]. Les pièces se vident de leur mobilier au fur et à mesure de l'avancée de l'histoire, découvrant des murs nus raturés de sang et des personnages éperdus[10].

L'opéra connait un fort succès lors de sa première[7], générant même une standing ovation de la part du public. Il est retransmis en direct sur Arte Concert le 10 juillet[6]. L'Avant Scène Opéra classe l'opéra « parmi les grandes réussites du XXIe siècle »[11] et le New York Times le décrit comme « l'ouvrage le plus puissant que Saariaho a écrit dans ses cinquante années de carrière »[12].

Postérité

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Récompenses

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Kaija Saariaho reçoit le prix du compositeur pour cet opéra lors des Victoires de la musique classique 2022[13].

Descriptif

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Rôles Voix Créateurs[14]
Tereza, le serveuse mezzo soprano Magdalena Kožená
Stela, la mariée soprano Lilian Faharani
Tuomas, le marié ténor Markus Nykänen
Patricia, sa mère soprano Sandrine Piau
Henrik, son père baryton Tuomas Pursio
Le pasteur baryton-basse Jukka Rasilainen
Cecilia, le professeur soprano Lucy Shelton
Marketa, une étudiante, fille de Tereza Vilma Jää
Lilly, une étudiante soprano Beate Mordal
Iris, une étudiante, la complice du tueur contralto Julie Hega
Anton, un étudiant Simon Kluth
Jeronimo, un étudiant ténor Camilo Delgado Díaz
Alexia, une étudiante soprano Marina Dumont
Chœur

Orchestration

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  • 3 flûtes piccolos [aussi 2 flûtes alto] , 3 hautbois, 3 clarinettes basses, 3 contrebassons, 4 cors, 2 trompettes, 3 trombones, tuba, timbales, 4 percussionnistes, harpe, piano, célesta, 14 violons, 12 violons II, 10 altos, 8 violoncelles, contrebasse.

Résumé

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Deux histoires se chevauchent : une fête de famille au cours d'un mariage entre le finlandais Tuomas et sa fiancée roumaine Stela ; un massacre dans un lycée dix ans auparavant. Le lien entre ces deux histoires est cristallisé par la serveuse Tereza engagée pour le mariage, au travers de sa fille, Marketa, décédée lors de la fusillade, commis par le frère ainé du marié. L'histoire explore les émotions des personnages victimes de la fusillade ou de l'entourage du meurtrier, alternant entre remords et désespoir.

Argument

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Un soir d'été dans les années 2000 à Helsinki.

Dix ans après la fusillade, les élèves survivants Anton, Jerónimo et Lilly souffrent toujours du traumatisme de l'événement. Markéta, qui a été tuée à l'époque, erre au milieu d'eux comme un fantôme. Lors du mariage, les beaux-parents accueillent chaleureusement la mariée tandis que la serveuse Tereza semble terrassé par ses souvenirs. L'enseignante présente lors de la fusillade se remémore l'événement pendant ce temps que les anciens élèves tentent de projeter tant bien que mal leur avenir. Patricia, la mère du marié, craint que sa bru ne quitte son fils si elle savait que ce dernier est le frère du tueur.

Acte II

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Tereza se rend compte qu'elle est train de servir la famille de l'assassin de sa fille. Les étudiants et l'enseignante n'arrive pas à oublier le passé : cette dernière a arrêté son travail. Patricia souhaite tout de même inviter son fils ainé à la fête, son père, Henrik, refuse catégoriquement. Ce dernier se met à parler de son fils à Tereza. Cette dernière et sa fille fantôme songent toutes deux à leur vie passée. La serveuse envie la famille du mariée, qui arrive à vivre normalement malgré tout. Le matin de la fusillade : un examen est prévu ce jour-là ; Iris, une étudiante, au courant, ne se rend pas à l'école.

Acte III

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Tereza interroge Stela, la mariée, sur le fils aîné, mais elle ne le connaît pas. Les élèves Jeronimo et Lilly se sentent coupables de n'avoir pas pu réagir lors de la fusillade. Ils racontent comment leurs camarades sont morts. Au mariage, le pasteur essaie de soulager la culpabilité de Patricia mais ne croit pas en ses propres mots, secoué par une telle affaire lui-même. Maketa et les élèves se remémorent la cérémonie après la fusillade. Henrik, qui se méfie de Tereza, l'interroge. Elle lui avoue l'avoir reconnu et l'accuse du meurtre de sa fille.

Acte IV

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Les anciens élèves repensent à la réaction de leur famille tandis que l'enseignante regrette de n'avoir pas pu détecter la menace avant. Henrik confie à son fils l'accusation de Tereza et réfléchissent à leur réaction. Iris se remémore sa relation avec le tueur, et la manière dont ils planifié le massacre. Tereza avoue le crime à Stela en présence de ses beaux-parents. Ils rétorquent que leur fille harcelait leur fils. Marketa raconte qu'elle a écrit une chanson pour se moquer de lui et Lilly explique comment les autres élèves l'harcelaient au quotidien.

Stela reproche au marié de lui avoir caché cela et d'être le complice de son frère. Iris se rappelle qu'ils voulaient se suicider la matin de la fusillade. La prêtre conseille au marié de mettre le passé derrière lui mais celui-ci ne voit plus d'avenir possible avec Stela. La complicité du marié avec son frère est discutée autour des vidéos qu'il faisait avec lui tirant avec des armes. Il avoue par la suite être allé avec lui au lycée ce matin-là mais n'avoir pas pu se résoudre à tirer.

Épilogue

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Les élèves racontent comment cet événement a bouleversé leur vie et comment ils l'ont finalement reconstruite et Marketa demande à sa mère d'enfin lâcher prise.

Analyse

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Il y a neuf chanteurs et quatre acteurs, mais le personnage du tueur ne doit pas être montré sur scène. Les chanteurs et les acteurs sur scène tiennent leur rôle dans leur propre langue. Il y a des passages déclamés au milieu de ceux chantés, variant par ailleurs les styles, du Sprechgesang au chant plus traditionnel[15]. À chaque personnage est associé une manière spécifique de chanter (ou déclamer), qui l'identifie et le personnalise[16].

Mêlant la tragédie contemporaine des fusillades dans les écoles avec les questionnements autour de la violence et de la mort, cet opéra explore les thèmes de l'innocence et de la culpabilité au travers de la complicité du marié, frère du tueur, et d'Iris l'étudiante, tous deux complices du massacre. L'histoire se déploie sous la forme d'un thriller, mettant en scène le rapport de la serveuse Tereza, mère d'une jeune fille tuée pendant l'acte, avec ceux qu'elle soupçonne de complicité[10].

Notes et références

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  1. Sophie Bourdais, « Festival d’Aix-en-Provence : dans “Innocence”, Kaija Saariaho et Sofi Oksanen dévoilent les mille facettes de la vérité » Accès limité, sur Télérama, (consulté le )
  2. Sylvie Bonier, « A Aix-en-Provence, une «Innocence» sous haute tension », Le Temps,‎ (ISSN 1423-3967, lire en ligne, consulté le )
  3. Jean-Luc Clairet, « Innocence à Aix-en-Provence : la fabrique des monstres », sur ResMusica, (consulté le )
  4. Pierre Gervasoni, « Kaija Saariaho : « Avec “Innocence”, je voulais entreprendre une fresque » », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne Accès limité, consulté le )
  5. (en-US) Condé Nast, « The Sublime Terror of Kaija Saariaho’s “Innocence” », sur The New Yorker, (consulté le )
  6. a b et c Marie-Aude Roux, « Opéra : à Aix-en-Provence, Kaija Saariaho se joue de « l’innocence » dans un chef-d’œuvre bouleversant », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne Accès limité, consulté le )
  7. a et b Philippe Venturini, « Le choc d'« Innocence » à Aix-en-Provence », sur Les Echos, (consulté le )
  8. Christophe Candoni, « Innocence de Kaija Saariaho, un drame sublimé – Sceneweb », sur Scène Web, (consulté le )
  9. Romain Daroles, « Innocence à Aix-en-Provence : Saariaho cultive le secret », sur Bachtrack, (consulté le )
  10. a et b Alain Duault, « Innocence, une vraie tragédie contemporaine (Chronique) », sur Opera Online, (consulté le )
  11. Jules Cavalié, « Innocence de Saariaho au Grand Théâtre de Provence (Mälkki/Stone), compte rendu », sur Avant Scène Opéra, (consulté le )
  12. (en-US) Zachary Woolfe, « Review: A Composer Creates Her Masterpiece With ‘Innocence’ », The New York Times,‎ (ISSN 0362-4331, lire en ligne, consulté le )
  13. Charles Arden, « Victoires de la Musique Classique 2022 : les nommés et les résultats », sur Ôlyrix, (consulté le )
  14. « INNOCENCE », sur Festival International d'Art Lyrique d'Aix-en-Provence, (consulté le )
  15. Didier Van Moere, « Triomphe pour “Innocence” de Kaija Saariaho à Aix-en-Provence », sur Diapason, (consulté le )
  16. Florence Lethurgez, « Innocence de Kaija Saariaho à Aix-en-Provence, silence : on tourne », sur Ôlyrix, (consulté le )

Voir aussi

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Liens externes

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Palette Kaija Saariaho {:{Portail|musique classique|opéra}}