Utilisateur:Victor.hadamitzki/Brouillon

L'impact de la Charte de l'environnement de 2004 et de ses principes sur les pouvoirs publics

modifier

L'apparition de la notion de développement durable en droit français est évidemment antérieure à la Charte de l'environnement de 2004, mais celle-ci revêt un intérêt important compte tenu de sa force et de la portée symbolique considérable qu'elle revêt. Selon l'expression de parlementaires [1], la Charte "fait des principes du développement durable des références pour l'évaluation par le Conseil constitutionnel de la conformité d'une loi à la Constitution".

L'affirmation de trois principes à valeur constitutionnelle

modifier

Alpha

L'effectivité juridique de la Charte

modifier

La valeur juridique de la Charte de l'environnement et sa place dans la pyramide des normes ne fait aucun doute. Dans une décision du 19 juin 2008, le Conseil constitutionnel a affirmé que "l'ensemble des droits et devoirs définis dans la Charte de l'environnement ont valeur constitutionnelle".

L'exposé des motifs de la Charte en explicite parfaitement les objectifs [2] : « Composante du bloc de constitutionnalité, la Charte, tant par ses considérants que par ses articles, sera pour le législateur une nouvelle référence. Le respect de la Charte sera garanti par le Conseil constitutionnel et par les juridictions des deux ordres, administratif et judiciaire. La Charte concernera l'ensemble des sujets de droit, personnes morales comme physiques, privées comme publiques. Elle pourra contribuer à l'interprétation, par les juridictions, des engagements internationaux en matière d'environnement auxquels la France est partie ».

Concernant le législateur, celui-ci est directement impacté par l'article 6 de la Charte qui énonce le principe de conciliation et d'intégration : «Le législateur doit désormais, au nom d'une conception nationale du principe d'intégration, prendre en considération les données écologiques dans tous les projets de loi dont les conséquences concernent l'environnement" [3] S'agissant de l'Administration et des Collectivités territoriales, appliquent-elles elles aussi dans leurs politiques publiques les principes énoncés par la Charte ? Quelle est l'effectivité des principes de précaution et du pollueur-payeur ? Notons que nous ne développerons pas le principe de prévention qui est d'avantage un principe déclaratif.

Le principe de précaution

modifier

L'appartenance du principe de précaution à l'ordre juridique interne est certaine, mais la question de sa portée normative soulève un vif débat doctrinal. Le débat porte sur la question de savoir si le principe de précaution tel que défini par la Charte et par le Code de l'environnement est suffisamment prescriptif pour être invoqué seul ou s'il doit s'exercer dans le cadre des lois qui le définissent. Il ne serait alors qu'un principe directeur. Finalement c'est la question de l'autonomie du principe de précaution qui se pose.

Pour certains auteurs, le principe de précaution ne doit rester qu'un principe proclamatif, une déclaration d'intention. C'est l'avis du Commissaire du gouvernement Stahl dans ses conclusions sous l'affaire « Association Greenpeace France ». Cette partie de la doctrine affirme que laisser au juge la possibilité d'interpréter le principe créerait trop d'insécurité juridique. À l'inverse, d'autres auteurs comme Laurence Boy déduisent la valeur juridique du principe de son utilisation par le juge.

Force est de constater que le Conseil d'Etat semble avoir reconnu au principe une valeur normative. La Haute juridiction y a d'abord fait référence de manière implicite, notamment dans l'arrêt « Rossi » du 4 janvier 1995, bien avant l'adoption de la Charte de l'Environnement. C'est la première marque d'intérêt du juge administratif pour le principe de précaution. Le Conseil d'État, dans un arrêt du 1er octobre 2001, a confirmé l'applicabilité directe du principe de précaution énoncé à l'article L.110-1 II 1° du Code de l'environnement [4]. Les associations requérantes contestaient la décision prise par les autorités gouvernementales le 14 juillet 2000 de ne pas procéder à la destruction de cultures de maïs issues de semences traditionnelles contenant de manière fortuite des traces d'OGM.

Dès lors, on voit que le Conseil d'Etat n'a pas attendu l'adoption de la Charte de l'environnement pour donner une pleine effectivité juridique au principe de précaution. D'ailleurs, les tribunaux administratifs ont reconnu aux maires la possibilité pour eux de faire usage de leur pouvoir de police générale pour prendre des arrêtés municipaux interdisant la culture en plein champ d'OGM dans un périmètre délimité, et donc de faire ainsi application du principe de précaution, au moins implicitement. Voir par exemple : TA Limoges, 27 mars 2003, n° 011060-011457, préfet Indre c/ Cne Coings. Il est important de noter que seul le principe est reconnu dans cet arrêt. Le juge annule en revanche l'arrêté municipal qui ne répondait pas aux conditions d'application du principe de précaution.

Le principe du pollueur-payeur

modifier

L'article 4 de la Charte dispose que “toute personne doit contribuer à la réparation des dommages qu'elle cause à l'environnement, dans les conditions définies par la loi”. Certains auteurs se sont interrogés sur la portée de l'article 4, estimant que le terme “contribuer” renvoie à une prise en charge partielle des coûts de lutte contre la pollution, ce qui va à l'encontre de l'acception courante du principe pollueur-payeur et du principe de réparation intégrale. En réalité, les articles 3 et 4 de la Charte de l'environnement visent à sensibiliser toute personne aux nuisances qu'elle est susceptible de générer, par son comportement ou son activité.

A priori, on pourrait estimer que le principe du pollueur-payeur n'a aucun impact sur les collectivités locales. En réalité, les interventions de l'Administration ou des collectivités dans le domaine de l'environnement peuvent se trouver à l'origine de préjudices dont les victimes entendent lui demander réparation. Le plus souvent, le fait générateur du dommage peut également se trouver dans l'exercice par les pouvoirs publics de leurs fonctions normatives ou décisionnelles, dans le cadre notamment de la mise en œuvre de polices administratives telles celles de l'eau ou des installations classées. Ainsi, un dommage dont la réparation est sollicitée peut trouver son origine dans une activité juridique d'une collectivité ou de l'Administration.

Exemple : la pollution par les nitrates Les nitrates sont issus de la dégradation des apports azotés d'origine agricole et notamment à l'épandage des lisiers issus des exploitations d'élevage hors-sol. Cette situation a conduit le tribunal administratif de Rennes à mettre en cause la responsabilité de l'État dans le phénomène de "marées vertes" affectant les baies de Saint-Brieuc et Douarnenez. Par un jugement particulièrement motivé, ce tribunal, s'appuyant sur un rapport de la Cour des comptes de février 2002, a reproché à l'État d'avoir commis un grand nombre de fautes et carences “dans l'instruction des dossiers d'installation classées agricoles et dans le contrôle du respect de leurs règles de fonctionnement” (TA Rennes, 25 oct. 2007).

  1. J.-P. Dufau et E. Blessig, Rapp. AN n° 2248, p. 49
  2. doc. AN 27 juin 2003, n° 992
  3. L. Fonbaustier, obs. sous. Cons. const., 28 avr. 2005
  4. CE, 1er oct. 2001, Assoc. Greenpeace France, Sté Coordination rurale, Union nat