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PACS ouvert : enjeux modifier

Introduction modifier

Le film radiologique, utilisé en radiographie conventionnelle, a depuis 1895 — date à laquelle fut produite la première radiographie médicale par le prix Nobel Wilhelm Röntgen — grandement contribué à aider la médecine à établir des diagnostiques de plus en plus précis.

Cependant, avec les années, ce support d’image a trouvé ses limites et présente aujourd’hui de nombreux inconvénients. Le premier inconvénient est d’ordre financier : les films radiologiques coûtent cher à produire et à stocker. On estime actuellement qu’un examen coûte 3,23€ à stocker en utilisant un archivage dit “classique” [1]. De plus, un tel stockage occupe un espace non négligeable et il peut être laborieux de retrouver manuellement un cliché parmi des centaines de milliers. À titre d’exemple, les clichés archivés représentent à l’Assistance Publique - Hôpitaux de Paris (APHP) plusieurs centaines de kilomètres linéaires d’archives [1]. Enfin, ce support physique peut même aller jusqu’à porter préjudice à la santé des patients : surexposition aux rayons X en cas de clichés ratés, perte de temps et coûts liés aux traitements chimiques permettant de révéler les images sur les films…

Les progrès technologiques en matière d’imagerie médicale ainsi que le développement de l’imagerie numérique ont permis de s’affranchir des contraintes liées à l’utilisation de films radiologiques notamment grâce à l’acquisition, au traitement et à l'interprétation par ordinateur des images acquises par l’ensemble des modalités d’acquisition d’images. Les près de 61 millions d’examens radiologiques par an en France [1] sont à l’origine de l’explosion du nombre et du poids des images ayant rendu leur gestion nécessaire par un outil informatique : le PACS.

Nous étudierons tout d’abord le fonctionnement et les raisons d’être d’un système PACS, avant d’étudier la faisabilité, les enjeux et les défis de nouvelles problématiques liées au fort développement technologique dans ce secteur : les interconnexions entre plusieurs systèmes PACS ainsi que la mutualisation d’une infrastructure PACS entre plusieurs établissements de soins.

Fonctionnement et raisons d’être d’un système PACS modifier

Nécessité d'un système PACS modifier

Le système d’informations d’un hôpital, appelé Système d’Informations Hospitalier (SIH), est d’une importance vitale au bon fonctionnement de l’établissement de santé. Il permet notamment une gestion des plannings, de la facturation, du suivi médical des patients, une collaboration entre les différentes unités de soins, etc. C’est notamment dans le SIH qu’est stocké le dossier médical informatisé des patients (DMP). Le SIH est composé de nombreux sous-systèmes qui gèrent chacun une problématique précise.

Le système d’informations radiologique (ou RIS pour radiology information system) est le sous-système chargé du bon fonctionnement du secteur de radiologie d’un établissement de santé. Il permet notamment de stocker les images produites par les équipements d’imagerie médicale (appelées modalités) ainsi que les compte rendus liés et de programmer les examens en fonction des horaires des personnels et de la disponibilité des modalités.

Un service de radiologie produit à longueur de journée de nombreuses images et vidéos : images à rayons X, scanner CT, images IRM, images TEP, etc. Ces images sont produites par les modalités et seront ensuite analysées par un radiologue, mais également par des spécialistes tels que des cardiologues, des chirurgiens ou encore des médecins urgentistes. Le RIS doit alors permettre de stocker et d’archiver ces images et d’en donner l’accès aux différents praticiens.

Qu'est-ce qu'un PACS ? modifier

Un système PACS (Picture Archiving and Communication System) est un système informatique dédié au stockage, à l’archivage et à la mise à disposition d’images médicales.

Un système PACS a ainsi pour objectif de stocker les images provenant des modalités telles que les appareils radiologiques, scanner, IRM, endoscopes etc. Si elles produisaient auparavant des images analogiques, comme des images à rayons X stockées sur des films radiologiques, elles produisent désormais toutes des images numériques. Chaque modalité produit de nombreuses images pour chaque examen. A titre d’exemple, un scanner corps entier va ainsi générer entre 2,000 et 3,000 images qu’il faudra stocker. De plus, certains équipements produisent des vidéos ou des images combinées entre plusieurs modalités : on peut citer le scanner combinant CT et TEP, ou l’arrivée sur le marché de machines combinant IRM et TEP.

Pour assurer un suivi des patients au cours de leur parcours hospitalier, le PACS doit mettre à disposition de tous les praticiens concernés ces images, ainsi que celles provenant d’examens antérieurs. Les images doivent être conservées intactes (compression sans pertes) car elles ont une valeur diagnostique ; la loi impose par ailleurs un stockage des images allant jusqu’à 20 ans après le dernier contact entre le patient et l'établissement (décret du 4 janvier 2006 [6]).

Le PACS est chargé de stocker et de mettre à disposition ces images médicales. Les défis sont nombreux : volumétrie importante, confidentialité des données, conservation des données sur plusieurs décennies selon la législation en vigueur, intégration entre plusieurs constructeurs, traitement intelligent des données...

Le PACS assure donc un rôle de “mémoire” de l’ensemble des images radiologiques liées à un patient et assure la communication de celles-ci entre tous les professionnels de santé engagés dans la prise en charge du patient.


Bien que les défis soient nombreux, l’utilisation d’un tel système procure de nombreux avantages :

  • La diminution du risque de perte des dossiers d’imagerie d’un patient lié à un stockage fastidieux des images.
  • L’amélioration du quotidien des patients, notamment grâce à l’accès aux examens antérieurs, en évitant de leur refaire passer des examens radiologiques.
  • La disparition, ou presque, des supports d’imagerie traditionnels (films, papiers) coûteux et polluants.
  • L’amélioration de l’accessibilité aux images médicales à l’ensemble des praticiens de la santé visant à une amélioration du diagnostic : mise à disposition immédiate des images d’un patient peu importe le lieu, amélioration de la coopération entre les professionnels de santé face au déclin du nombre de radiologues en France, visualisation immédiate des images antérieures du patient et des comptes rendus associés
  • La possibilité d’obtenir des fonctionnalités avancées telles que le post-traitement des images et la reconstruction en 3D, améliorant également le diagnostic.
  • Respecter plus étroitement la législation en matière d’archivage de données médicales en évitant la mise en place de structures d’archivage de films radiologiques pouvant mener à leur perte ou à leur dégradation.

Principaux flux générés par l’utilisation d’un système PACS modifier

Le PACS est étroitement lié au service d’imagerie d’un établissement de santé. Ainsi, avant son implantation il est nécessaire de s’interroger sur le niveau d’intégration souhaité entre ces deux entités. Les principaux flux d’informations échangés entre le RIS et le PACS sont les suivants :

  • Synchronisation des identités des patients (RIS -> PACS)
  • Demande d’examen (RIS -> PACS)
  • Indicateur de fin d’examen (Modalité/PACS -> RIS)
  • Transfert du compte rendu d’examen (RIS -> PACS)

Il s’agit ici d’un niveau d’intégration standard et certains établissements préféreront pousser l’intégration plus loin en proposant de piloter l’interface du PACS depuis le RIS et inversement.


Une demande d’examen aboutit à l’élaboration d’une liste de travail au format DICOM (appelée DICOM Work List) pour chaque modalité ainsi qu’à la création d’un dossier au niveau du PACS. Cette liste de travail contiendra les informations liées au patient (identité, dossier d’images du patient) mais aussi les actes radiologiques à effectuer. La modalité émettra à destination du RIS un message permettant d’indiquer la fin de l’examen demandé (HL7 MPPR) indiquant la disponibilité de la modalité correspondante pour un prochain examen.

Le RIS doit permettre la remise des résultats soit sous forme d’un support analogique (impression sur films), soit sous forme d’un support numérique (DVD ou stockage de l’image dans le PACS au format DICOM).

Note : La récupération d’images du PACS au format compressé (avec pertes) est également possible mais ne doit pas être utilisé à des fins de diagnostic. Cette fonctionnalité pourra par exemple bénéficier au médecin traitant pour avoir une vue d’ensemble des examens passés par son patient. Pour effectuer un diagnostic précis, il est préférable d’utiliser des stations de travail hautes définitions adaptées au format DICOM (16 bits par pixel au lieu de 8 pour une compression standard JPEG expliquant ainsi la forte volumétrie des images manipulées en radiologie).

Vers un PACS ouvert et inter-connecté modifier

Comme noté dans les sections précédentes, le PACS n’est pas un système isolé : il doit s’interconnecter avec le RIS afin d’accéder au compte-rendu associé à l’examen ainsi qu’avec le SIH. Ces interconnexions sont néanmoins limitées au périmètre de l’établissement et sont maîtrisées depuis de nombreuses années par les constructeurs de systèmes PACS ainsi que par le personnel hospitalier.

Si le PACS apparaît aujourd’hui comme une technologie mature, seulement 20% des établissements de santé publics français en sont équipés [2]. Cette limite à l’expansion du PACS peut s’expliquer par l’investissement significatif en terme d’équipements et de compétences qu’il requiert. En outre, le PACS demeure onéreux pour des raisons de :

  • coûts des équipements/logiciels
  • coût de l’archivage (frein majeur) en raison de la législation
  • coût de l’infrastructure réseau pour son bon fonctionnement, une bonne qualité de service ainsi qu’une haute disponibilité des archives
  • coût de la maintenance des infrastructures

Le constat actuel fait état de 900 sites (établissements de soins publics, cabinets libéraux etc.) déjà équipés d’un PACS local et de plus de 900 sites non équipés à ce jour [1]. Par ailleurs, les examens radiologiques génèrent tous les ans plus de 5 Po de données. Il est donc aisé de comprendre le frein de certains établissement à s’équiper, ne possédant pas les moyens d’investir dans de lourdes infrastructures de stockage.

Pour pallier ce problème, un plan national de mutualisation des PACS a démarré depuis quelques années afin de rattraper le retard de la France en matière de déploiement des PACS sur certains pays. De plus, il est désormais possible d’interconnecter différents systèmes PACS entre eux afin de permettre un partage des images radiologiques entre établissement de soins.

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Les enjeux de la mutualisation et de l’interconnexion des PACS modifier

Avant même d’étudier la faisabilité technique et financière d’une mutualisation des PACS au niveau national, il est essentiel de se focaliser sur les bénéfices qu’offrirait une telle démarche.

La mutualisation des PACS, et donc de l’imagerie médicale, répond à plusieurs objectifs :

  • Améliorer la prise en charge des patients et le diagnostic : à titre d’exemple, il serait alors aisé pour un praticien situé dans le sud de demandé l’avis d’un expert situé en Ile-de-France en quelques minutes.
  • Diminuer les coûts de prise en charge des patients et des examens (diminution de la redondance des examens pour un même patient).
  • L’accès pour n’importe quel praticien aux images médicales d’un patient et à leur interprétation quelque soit le lieu de production de ces images.
  • La permanence et la continuité des soins dans le cas d’un changement de territoire du patient.
  • La démocratisation de l’adoption du PACS même pour les plus petits établissements de santé.

En effet, pour ce dernier point, la mutualisation des PACS au niveau national permettrait de pallier au problème de coût des équipements et plus particulièrement à celui de l’archivage des images.

Il faut en effet distinguer les fonctions de PACS et d’archivage. Les fonctions de PACS dites “classiques” consistent en le stockage et l’accès aux images récentes produites par les modalités : ces images nécessaires au diagnostic doivent être accessibles rapidement par l’ensemble des praticiens. En revanche, les fonctions d’archivage consistent en un stockage pérenne des images. Ces images sont plus vieilles et doivent être conservées pour respecter les durées de stockage préconisées par l’article R1112-7 du Code de la santé publique [6]. Elles ne sont donc pas soumises aux mêmes contraintes : l’accès aux images peut être plus long, mais il est indispensable que les images soient lisibles plusieurs décennies après leur production, ce qui pourra nécessiter des conversions de formats de fichiers, au gré des évolutions technologiques.

Proposer des fonctions d’archivage n’est pas le cœur de métier d’un établissement de soin : une fonction d’archivage mutualisée au niveau national pourrait être réalisé par des groupements d’industriels qui mettraient à disposition des infrastructures de stockage qui seraient plus efficaces et moins coûteuses que si elles étaient développées et déployées indépendamment par chaque établissement. Ainsi, les établissements de soins n’auraient plus à héberger localement et à investir dans une quantité importante de serveurs. L’accès aux images se ferait alors par le biais d’une interface web en souscrivant à un abonnement : c’est le principe de Software as a Service (SaaS) qui consiste à déléguer la maintenance et l’exploitation des infrastructures physiques et logicielles à un opérateur spécialisé.

Les avantages d’une évolution vers une solution de type SaaS pour les établissements de soins sont nombreux :

  • Un investissement de départ limité : réduit aux prestations de connexion à la plateforme, d’intégration avec le SI de l’établissement et de formation des utilisateurs.
  • La facturation à l’examen : en phase avec l’activité de l’établissement.
  • Très peu d’équipements installés dans l’établissement : les composants critiques du système sont externalisés sur la plateforme hébergée par l’opérateur.
  • Les évolutions technologiques sans coût supplémentaire car incluses dans le coût à l’examen.
  • L’accès à une qualité de service supérieure à moindre coût grâce à la mutualisation des moyens techniques et humains de l’opérateur.
  • Une plateforme sécurisée en conformité avec les réglementations (hébergement de données de santé chiffré assurant la confidentialité des données).
  • Une plateforme assurant une disponibilité totale en cas de sinistre, car hébergée sur plusieurs centres de données redondants.


L'accès aux fonctions d’archivage externalisées ainsi que la solution logicielle permettant l'interaction avec celles-ci s’effectue par la souscription à différents abonnements. On peut citer l’exemple de la société Orange qui fournit 3 niveaux d’abonnement aux établissements de santé :

  • Archivage : Solution Centricity Archive
    • Archivage des images de l’établissement dans les Data Center d’Orange
    • Consultation temps réel à la demande par le personnel soignant
    • Partage avec les médecins de ville par Internet
  • PACS : Solution Centricity PACS-IW
    • Fourniture de la solution logicielle PACS de la plate-forme
    • Outils de diagnostic / Distribution Clinique
    • Fonctions avancées d’analyse et de traitement de l’image.
  • RIS : Solution Xplore
    • Accueil du patient, planification des examens et gestion des comptes rendus.

Ainsi, plusieurs départements ont d’ores et déjà évolué vers des solutions de ce type à l’image du département de la Loire que les experts qualifient de “PACS territorial”. Leur solution a été construite sur un référentiel de données centralisé, unique et fiable, “ce qui permet de faire vivre une stratégie de l’établissement médical tournée vers la communication et les coopérations, tout en produisant les indicateurs essentiels au pilotage médico‐économique.” [10].

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En contrepartie, chaque établissement de soin paie une redevance à l’usage auprès de ces opérateurs. Ainsi, « Le coût moyen d’un examen radiologique avec un PACS mutualisé en mode SaaS est de 2,15 €TTC contre 2,63 €TTC dans le cadre d’une généralisation des PACS établissement par établissement et même 3,23 € TTC en laissant l’archivage actuel (CD/DVD, film, papier). » [1].

Le coût annuel du stockage de l’imagerie médicale en France atteindrait donc les 130 millions d’€ sur une base de 2 millions d’examens annuels contre 160 millions d’€ pour une solution basée sur des PACS locaux, ou encore 200 millions d’€ annuels pour une solution sans PACS. La mutualisation des PACS apparaît donc comme une solution d’avenir permettant à la fois une meilleure prise en charge des patients, une optimisation des diagnostics et de la télé-radiologie mais aussi un moteur favorisant l’adoption du PACS à l’échelle nationale grâce aux économies induites par la mutualisation des infrastructures.

Cependant, les coûts cités précédemment ne tiennent pas compte des besoins en ressources telles que la bande passante. En effet, la volumétrie des images médicales étant une contrainte importante. A titre d’exemple, le service hospitalier de l’hôpital de Bourgoin-Jailleu a effectué en 2013 plus de 65,000 examens, ce qui a généré près de 10 To (soit 10,000 Go) de données.

Un PACS stocke énormément d’images de haute résolution : une mammographie génère des images 5 Mpx, un scanner génère jusqu’à 2000 images par examen. À titre d’exemple, on considère qu’une IRM produit 1 Go de données brutes par examen, tandis qu’un scanner récent produit près de 10Go d’images pour un scan corps entier [1] ; on peut également citer le cas de l’hôpital de Bourgoin-Jailleu, où le poids moyen constaté d’un examen est de 150 Mo. Les quantités d’information à transporter entre le lieu d’hébergement du système PACS et les hôpitaux sont conséquentes. Il sera alors nécessaire d’inclure également le renouvellement des liens WAN des établissements de santé vers des liens à très haut débit (fibre optique par exemple), ainsi qu’inclure éventuellement des frais supplémentaires pour pallier le problème de haute disponibilité (résilience de liens) que requiert une architecture mutualisé (quelle tolérance aux pannes accepter et donc à quel abonnement souscrire). À titre d’exemple, le Groupement de Commandes du Territoire de Santé de Montélimar, regroupant trois centres hospitaliers, a équipé chacun de ses centres d’une liaison en fibre optique à 20 Mbit/s afin d’assurer une fluidité des transferts d’images [3].

Développement de nouveaux usages : la télé-radiologie modifier

Comme cité précédemment, l’interconnexion entre systèmes PACS et le développement de PACS mutualisés ouvre la voie à de nouveaux usages, dont le plus important est la téléradiologie. La loi Hôpital, patients, santé, territoires (HPST) du 22 juillet 2009 [7] a fait de la télémédecine un de ses axes fort et la téléradiologie en fait partie intégrante. En effet, les effectifs médicaux des radiologues sont insuffisants [9] et la téléradiologie est une piste intéressante pour permettre un accès au plus grand nombre au diagnostic d’un spécialiste.

Les possibilités d’utilisation sont nombreuses : diagnostic par un spécialiste situé dans un hôpital distant, téléexpertise en prison pour conseiller le médecin présent sur place sur les données d’un patient détenu [8]… On citera également l’exemple du plan AVC, qui va permettre aux équipes médicales de réagir aux accidents vasculaires cérébraux en faisant appel à des unités neuro-vasculaires (UNV) spécialisées. Ces unités permettent au médecin en contact direct avec le patient de disposer de l’avis et de l’interprétation d’un médecin radiologue ou neuro-radiologue distant du lieu de réalisation de l’examen de l’imagerie, formé à la lecture spécifique de l’imagerie AVC [8]. Dans ce domaine, l’interconnexion entre PACS permet de faire face au manque significatifs de neurologues dans les hôpitaux et cliniques en permettant d’améliorer la prise en charge concertée de patients dans un court délai. Ces moyens permettent de mettre en lien temporel des intervenants de spécialités différentes (neurologues des UNV, radiologues, urgentistes) répartis sur des entités géographiques différentes pour une prise de décision la plus rapide possible afin de limiter au maximum les séquelles pour le patient.

Le frein légal modifier

Les développements liés à l’interconnexion de systèmes PACS et à la mutualisation des systèmes PACS entre établissements de santé sont néanmoins freinés par le dispositif légal actuellement en place en France.

Tout d’abord, dans le cas d’un usage d’un système PACS en mode SaaS, l’hébergeur doit être agréé “hébergeur de données de santé” par le ministère de la santé. L’agrément est délivré pour une durée de trois ans au delà il devra être renouvelé.

Par ailleurs, les données seront hébergées dans des infrastructures françaises, pour éviter les problèmes juridiques liés à un hébergement à l’étranger : ainsi l’étude de cadrage pour la généralisation des SI de radiologie en France métropolitaine [1] n’a pas envisagé d’hébergement à l’étranger : « L’étude a limité son champ d’analyse de l’offre aux infogéreurs et hébergeurs ayant des ‘datacenters’ sur le territoire français ». Le législateur français n’a pas statué sur ce sujet et il sera difficile de trouver une base légale commune à de nombreux pays : les conditions d’hébergement, de sécurité des données, de durée de conservation, etc. sont en effet très différentes en fonction des états.

De plus, si la télé-radiologie permet à un spécialiste parisien de conseiller un homologue marseillais, en faire de même avec un médecin américain, indien ou australien est beaucoup plus compliqué légalement. Les lois étant différentes, qui sera responsable en cas d’erreur d’interprétation médicale ? Cela impose notamment la définition légale du lieu de réalisation d’un examen médical fait à distance : le patient est-il réputé s’être virtuellement déplacé chez le télémédecin, ou au contraire considère-t-on que le télémédecin s’est virtuellement transporté chez le patient ? Ce point d’extrême importance a des conséquences directes sur les conditions légales d’exercice de la médecine, ainsi que sur la définition du tribunal et de la procédure concernés [11]. À contrario, si les deux médecins concernés sont français se pose tout de même la question de la responsabilité légale : il ne faut pas que l’acte d’interprétation radiologique soit totalement sous-traité au médecin distant. Cette pratique, dénommée “ghost reading” aux États-Unis était initialement considérée comme “non éthique et possiblement frauduleuse” [12] par l’American College of Radiology, mais a récemment recommandé que cette pratique soit considérée comme illégale à la lumière d’un récent procès où un radiologue a été condamné à 4 ans de prison et 900,000$ d’amende car il signait des milliers de comptes-rendus produits par des assistants radiologues qu’il n’avait jamais lus [13].

Interconnexion de plusieurs systèmes PACS : focus sur l'IPP modifier

Un des enjeux pour interconnecter des PACS au niveau national ou international est l’utilisation d’un numéro d’identification unique de patient. Il est en effet indispensable de pouvoir relier de manière fiable un examen au patient dont on il provient ; ce lien est effectué grâce au numéro d’identification unique de patient, appelé IPP, pour Identifiant Permanent du Patient. Or, la CNIL refuse pour des raisons de confidentialité que le numéro de sécurité sociale soit utilisé comme identifiant [4]. Chaque hôpital utilise ainsi un numéro d’identification patient spécifique, ce qui rend impossible la mise en correspondance de ces identifiants entre deux SIH différents. Pour interconnecter les SI de différents hôpitaux il faudra alors utiliser un système dit de réconciliation qui va mettre en relation les différents identifiants de patients.

Le gouvernement a voté le 30 janvier 2007 l’instauration d’un Identifiant National de Santé, appelé INS-C pour pallier à ces problèmes [5]. Donnée personnelle qualifiée de sensible, son utilisation est cantonnée au domaine de la santé et est progressivement disponible depuis novembre 2009 [2]. Le système de réconciliation doit alors faire le lien entre l’IPP utilisé à l’intérieur du SIH et l’INS-C qui sera utilisé pour l’interconnexion entre systèmes PACS.

De plus, il faut pouvoir réconcillier les images produites par un examen avec un patient. Sur les gros systèmes comme les IRM ou les scanners où les examens sont prévus et planifiés cette réconcilliation est aisée, mais quand on utilise des échographes ambulants elle est plus difficile.

Conclusion modifier

Le développement des systèmes PACS a permis la numérisation totale des unités de radiologie des établissements de soins. Ces systèmes sont coûteux mais permettent néanmoins une forte économie en réduisant les coûts de stockage et d’archivage des examens. Ils sont difficiles à mettre en œuvre de part leur complexité et leur interaction avec les systèmes d‘informations de radiologie et de l’hôpital, en témoigne la faible utilisation de ces systèmes dans les établissements français. Deux phénomènes émergent actuellement : 1) la possibilité d’interconnecter des systèmes PACS entre eux, afin de partager des informations médicales entre établissements de soins : c’est le système dit de “PACS ouvert” 2) la mutualisation des infrastructures de PACS, permettant une mutualisation des efforts financiers entre établissements et une meilleure couverture du territoire français. Ces phénomènes ouvrent la voie à de nombreux usages en télé-radiologie, ce qui permettra à terme de fournir des soins de meilleure qualité aux patients. Les défis technologiques ne sont néanmoins pas à négliger : de nouvelles infrastructures vont devoir être développées, l’interconnexion de systèmes d’informations hétérogènes n’est pas triviale, des problèmes de vie privée, de droit d’accès aux données médicales ainsi que de nombreux problèmes légaux se posent.

Références modifier

[1] Etude pour des propositions sur une politique publique de généralisation des PACS en France métropolitaine, Ministère des Affaires Sociales et de la Santé, 2010

[2] Guide d'aide à la mise en oeuvre des PACS mutualisés, Agence Nationale d'Appui à la performance des Etablissements de santé et médico-sociaux, 2012

[3] Le PACS de territoire élargit l’horizon, Technologies et innovations hospitalières, mai 2012

[4] “Quel identifiant pour le secteur de la santé ?”, Communiqué de la CNIL, 20 février 2007

[5] Dossier de conception de l’INS‐C, Agence des Systèmes d’Information Partagés de Santé, 2014

[6] Article R1112-7, Code de la santé publique, 4 janvier 2006

[7] Loi “Hôpital, patients, santé, territoires”, paru le 22 juillet 2009 au Journal Officiel

[8] Recommandations pour la mise en œuvre d’un projet de télémédecine, Ministère des Affaires Sociales et de la Santé, 2012

[9] Livre blanc sur la Téléradiologie : Pour un déploiement rapide et efficient de solutions sécurisées, Gixel-Lessis, Avril 2009

[10] La Loire se mobilise dans la santé et vient au Cloud, avril 2012

[11] Téléradiologie : champ d’action et recommandations, Journal de radiologie, novembre 2006

[12] ACR White Paper on Teleradiology Practice: A Report From the Task Force on Teleradiology Practice, American College of Radiology, 2013

[13] Atlanta Radiologist Sentenced To Prison, Bureau du Procureur de Géorgie, 2011

[14] Imagerie Médicale et e-santé : l’effet du numérique, Grand Roanne Agglomération, 20 mars 2012