Verpe de Bohême
Verpa bohemica, Ptychoverpa bohemica
Verpa bohemica, la Verpe de Bohême, est une espèce de champignons ascomycètes de la famille des Morchellaceae. Elle ressemble aux Morilles, bien qu'elle n'en soit pas une. Son chapeau conique, qui n'est pas soudé au pied, est orné de grosses rides très irrégulières mais n'a pas d'alvéoles. Elle apparaît au début du printemps en terrains humides et sablonneux. Elle n'est pas très fréquente, plus abondante en montagne.
Taxonomie
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Le nom correct complet (avec auteur) de ce taxon est Verpa bohemica (Krombh.) J. Schröt 1908
Synonymes
modifierVerpa bohemica a pour synonymes[1] :
- Morchella bohemica Krombh.
- Mitrophora bohemica (Krombh.) Gillet
- Morilla speciosa var. bohemica (Krombh.) Quél.
- Phalloboletus bohemicus (Krombh.) Kuntze
- Ptychoverpa bohemica (Krombh.) Boud.
- Morchella bispora Sorokīn, in Thümen
- Morchella bohemica var. bispora (Sorokīn) Cooke
- Phalloboletus bisporus (Sorokīn) Kuntze
- Verpa bohemica var. bispora (Sorokīn) Syd. & P. Syd.
- Verpa bispora (Sorokīn) Lagarde
- Morchella bispora var. truncata Peck
- Verpa bohemica var. pallida Pilát & Svrček
- Ptychoverpa bohemica var. pallida (Pilát & Svrček) Svrček
Phylogénie
modifierEn 1907, le Français Émile Boudier publie un traité sur les Discomycètes d'Europe dans lequel il considère les caractéristiques de ce champignon suffisantes pour le séparer dans un nouveau genre, Ptychoverpa, dont il devient l'espèce type[2].
Étymologie
modifierL'espèce est décrite pour la première fois en 1828 par Julius Vincenz von Krombholz sous le nom de Morchella bohemica. Il choisit l'épithète spécifique en allusion à la Bohême, région historique de l'actuelle République tchèque dont il est originaire et où il collecte les spécimens de ce champignon. Le naturaliste allemand Joseph Schröter le transfère dans le genre Verpa en 1893.
Description du sporophore
modifierLe chapeau (qui est une apothécie[3]) est conique et mesure en moyenne de 2 à 5 cm de haut pour 2 à 4 cm de large[4]. Il est campanulé[5] et posé sur le pied comme un dé à coudre[6]. Sa surface interne est blanc jaunâtre et constitue la partie stérile. La surface fertile se situe à l'extérieur : elle est profondément marquée par des côtes épaisses et flexueuses qui sont orientées longitudinalement et parfois ramifiées. Elles sont brun-jaune à fauve et forment des cavités et des sillons très différents des alvéoles des morilles. La marge est libre et sinueuse, et peut présenter un mince filet blanc[5].

Le stipe est cylindrique et un peu rétréci vers le chapeau. Il s'allonge parfois démesurément, jusqu'à 20 cm de long, donnant un port particulièrement élevé au champignon. Sa surface est blanc jaunâtre et montre souvent des zébrures floconneuses blanchâtres horizontales[7]. Il est fragile, d'abord farci d'une moelle cotonneuse, puis devient vite creux[4]. Il pénètre dans le chapeau et s'y rattache à mi-hauteur environ[8].
La chair du champignon est blanchâtre, mince et fragile, à la consistance comme de cire d'abeille[4]. Sa saveur est douce et son odeur d'abord fongique et agréable, puis spermatique avec l'âge[6]. La sporée est jaune[5].*
Caractéristiques microscopiques
modifierSes spores sont ellipsoïdes-allongées à cylindriques, parfois suballantoïdes, lisses, non guttulées, hyalines, très grandes, mesurant 50-87 x 15-20(22) µm. Ses asques sont clavés, à 2 spores, inamyloïdes, mesurant 250-350 x 18-25 µm et les paraphyses sont cylindriques, légèrement sinueuses, parfois fourchues, septées, légèrement élargies à l'apex, mesurant jusqu'à 5-8 µm de diamètre[9].
Galerie
modifierVariétés et formes
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- Verpa bohemica var. pallida possède un chapeau de couleur jaune doré vif à maturité[10].
Habitat et distribution
modifierSurtout répandue en montagne, la Verpe de Bohême est un champignon printanier[5]. Elle pousse dans les taillis, sous les frênes, les ormeaux et les noisetiers[7], sur sol dans les endroits mal drainés, dans les forêts riveraines ou alluviales, solitaire, dispersée ou grégaire[10][9].
Comestibilité
modifierLa Verpe de Bohême est traditionnellement considérée comme comestible : jugée excellente[6], égale ou inférieure aux morilles selon les avis divergents[5]. Comme ces dernières, elle est toxique crue ou mal cuite et ne doit être consommée qu'après une cuisson complète, de préférence après une dessication puis une réhydratation[11].
Tout comme avec les morilles, des effets indésirables ont été constatés chez des individus sensibles à la suite d'une consommation excessive en une seule prise ou de façon répétée sur plusieurs jours[12]. Les symptômes décrits comprennent un dérangement intestinal et une défaillance de coordination motrice. Des cas de coma après consommation excessive du champignon ont été rapportés[13]. Ils ont longtemps été considérés analogues à ceux que provoque l'ingestion de Gyromitra esculenta (syndrome gyromitrien)[14]. Une hypothèse était que Verpa bohemica synthétiserait de faibles quantités de la même toxine (gyromitrine (en))[15], mais elle a été réfutée par les spécialistes de la mycotoxicologie et est aujourd'hui une suspicion qui a été démentie, acceptée comme originellement infondée[16],[17],[18],[19],[20]. Il est cependant toujours à prendre en compte qu'une cuisson insuffisante génère des intoxications similaires à celles des morilles (syndrome gastro-intestinal et syndrome cérébelleux)[19],[18]. La Verpe de Bohême est signalée comme comestible par la Société mycologique de France[21]. Elle fait également partie de la liste des champignons comestibles publiée par l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (France) en 2017[22]. En Suisse, elle est reprise dans la liste positive des champignons comestibles commercialisables entérinée par le Département fédéral de l'intérieur dans une ordonnance de 2016[23].
Comme pour tous les champignons, il est conseillé de s'en tenir à de petites quantités, surtout s'il s'agit d'une première dégustation, afin de vérifier le niveau de tolérance du consommateur[24]. Certains spécialistes recommandent également de ne consommer que le chapeau et non le pied[25]. La Verpe de Bohême est aussi fréquemment vendue comme « morille » sur les marchés, stratégie malhonnête[5].
Confusions possibles
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Par son apparition précoce, son habitat et sa silhouette, la Verpe de Bohême est souvent confondue avec les différentes morilles (Morchella spp.), notamment le Morillon (Morchella semilibera), à la silhouette ressemblante. Cependant le Morillon a un chapeau alvéolé, alors que la Verpe de Bohême a un chapeau plissé sans alvéoles, de plus, et il s'agit du critère le plus flagrant et fiable pour les différencier, la chapeau de V. bohemica est relié au haut au du pied, alors que celui de M. semilibera est relié à sa moitié au pied, il suffit d'effectuer une coupe verticale pour vérifier. Enfin on peut aussi noter que le pied de la Verpe est plus ou moins zébré, alors que celui du Morillon est finement granuleux[6].
Il existe aussi une autre espèce de Verpe très ressemblante ; la Verpe conique (Verpa conica)[5] dont le chapeau en forme de dé à coudre est presque lisse ou très peu ridé[5].
Un risque de confusion existe aussi avec la Gyromitre (Gyromitra esculenta) qui a déjà provoqué des empoisonnements mortels. Elle a un chapeau en forme de cervelle qui est soudé au pied à sa base[6].
Notes et références
modifier- ↑ « Species Fungorum - GSD Species », sur www.speciesfungorum.org (consulté le )
- ↑ V. Robert, G. Stegehuis and J. Stalpers. 2005. The MycoBank engine and related databases. https://www.mycobank.org/, consulté le 30 mars 2020.
- ↑ Roland Labbé, « Verpa bohemica / Verpe de Bohême », sur Mycoquébec.org, (consulté le ).
- Christian Deconchat et Jean-Marie Polèse, Champignons : l'encyclopédie, Paris, Artémis Éditions, , 607 p. (ISBN 2-84416-145-6 et 978-2-84416-145-1, OCLC 424011070, lire en ligne), p. 84.
- Jean-Louis Lamaison et Jean-Marie Polèse, Encyclopédie visuelle des champignons, Paris, Artémis, , 383 p. (ISBN 2-84416-399-8 et 978-2-84416-399-8, OCLC 420280993, lire en ligne), p. 343.
- Guillaume Eyssartier et Pierre Roux, L'indispensable guide du cueilleur de champignons, Belin, , 355 p., p. 202-203.
- Hervé Chaumeton, Mini-guide encyclopédique des champignons, Paris, Artémis, , 319 p. (ISBN 978-2-84416-759-0 et 2-84416-759-4, OCLC 471025867, lire en ligne), p. 295.
- ↑ Jean-Marie Polèse, Champignons de France, Paris, Artémis, , 159 p. (ISBN 978-2-84416-303-5 et 2-84416-303-3, OCLC 470921134, lire en ligne), p. 48.
- « Champignons du Québec - Cardex : Verpa bohemica », sur www.mycoquebec.org (consulté le )
- « MycoDB : Fiche de Verpa bohemica », sur www.mycodb.fr (consulté le )
- ↑ (en) J. Duane Sept, Common mushrooms of the Northwest : Alaska, western Canada & the northwestern United States, Sechelt, Calypso Pub, , 96 p. (ISBN 978-0-9739819-6-4 et 0-9739819-6-2, OCLC 773473733, lire en ligne).
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- ↑ (en) John Maybrier et Theresa Maybrier, Morel hunting : How to Find, Preserve, Care for, and Prepare the Wild Mushrooms, Mechanicsburg, Stackpole Books, , 120 p. (ISBN 978-0-8117-4429-4 et 0-8117-4429-9, OCLC 773827958, lire en ligne), p. 18.
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- ↑ (en) Kent H. McKnight, Vera B. McKnight et National Wildlife Federation., A field guide to mushrooms : North America, Boston, Houghton Mifflin, , 429 p. (ISBN 0-395-42101-2, 978-0-395-42101-7 et 0-395-42102-0, OCLC 14586860, lire en ligne), p. 42.
- ↑ (en) Milan Pelouch, How to find morels, Ann Arbor, University of Michigan Press, , 103 p. (ISBN 978-0-472-03274-7 et 0-472-03274-7, OCLC 167511969, lire en ligne), p. 71.
Liens externes
modifierPtychoverpa bohemica :
- (en) MycoBank : Ptychoverpa bohemica (Krombh.) Boud. (consulté le )
Verpa bohemica :
- (en) BioLib : Verpa bohemica (Krombh.) J. Schröt. (consulté le )
- (en) Catalogue of Life : Verpa bohemica (Krombh.) J. Schröt. (consulté le )
- (en) Index Fungorum : Verpa bohemica (Krombh.) J. Schröt. 1893 (consulté le )
- (en) NCBI : Verpa bohemica (taxons inclus) (consulté le )