Wikipédia:Lumière sur/Bloc des gauches

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Le Combes de l'activité dévorante pour faire le mal, caricature d'Achille Lemot dans Le Pèlerin le 27 juillet 1902.
Le Combes de l'activité dévorante pour faire le mal, caricature d'Achille Lemot dans Le Pèlerin le 27 juillet 1902.

La formule « Bloc des gauches » désigne, en France, l'alliance formée par les républicains modérés, les radicaux et les socialistes en vue des élections législatives de 1902, dans une logique de lutte contre la droite conservatrice et nationaliste renforcée politiquement par la crise de l'affaire Dreyfus entre 1898 et 1899.

Commencée en 1894 par la première condamnation pour espionnage du capitaine Alfred Dreyfus, cette affaire divise violemment le pays à partir de 1898, lors de la publication de la lettre ouverte J'accuse… ! d'Émile Zola. Les dreyfusards, partisans de la révision du jugement de 1894, s'opposent aux antidreyfusards, pour qui la révision est inadmissible, notamment en raison de la judéité de Dreyfus. L'agitation des nationalistes, majoritairement antisémites, menace gravement les institutions républicaines. En 1899, les républicains modérés décident de rompre avec la politique conservatrice de Jules Méline et des républicains progressistes, ce qui permet la formation d'un gouvernement de Défense républicaine présidé par Pierre Waldeck-Rousseau. Ce gouvernement lance une politique anticléricale, beaucoup de catholiques étant à la fois antisémites et antirépublicains, doublée d'une lutte active contre les milieux nationalistes, en même temps que sous la direction du socialiste Alexandre Millerand, il entreprend des réformes sociales.

Le Bloc des gauches remporte les élections législatives de 1902 au terme d'un scrutin qui enregistre un record de participation dans de nombreuses circonscriptions. L'action des partis de la majorité à la Chambre est coordonnée par un organisme créé à la suite de cette victoire, la « délégation des gauches », dans laquelle le socialiste Jean Jaurès tient un rôle essentiel. Le sénateur radical Émile Combes prend la tête du gouvernement. Ce dernier accentue la politique anticléricale du cabinet Waldeck-Rousseau et se montre intransigeant envers les congrégations religieuses dont la plupart sont expulsées tandis que les autres sont interdites d'enseignement, ce qui aboutit à la rupture des relations diplomatiques avec le Vatican en 1904.

L'affaire des fiches, qui consiste en un recensement occulte des opinions et pratiques religieuses des officiers militaires, entraîne la chute du gouvernement Combes en , mais sa politique est poursuivie sur le plan institutionnel par le gouvernement Rouvier, à l'origine du vote de la loi de séparation des Églises et de l'État le qui couronne la politique anticléricale du Bloc des gauches en mettant fin au Concordat de 1801.

L'unification des différents partis socialistes français au sein de la Section française de l'Internationale ouvrière (SFIO) en 1905 entraîne leur éloignement progressif vis-à-vis des républicains et la fissuration du Bloc des gauches. La logique de rassemblement est cependant maintenue sur la question de la laïcité, ce qui permet aux partis de gauche de remporter une large victoire aux élections législatives de 1906. Par la suite, la possibilité d'une résurgence du Bloc des gauches, souvent évoquée jusqu'à la Première Guerre mondiale, n'est pas réalisée, de sorte que le reclassement au centre du deuxième gouvernement Rouvier apparaît comme « l'épilogue de la période du Bloc », selon l'expression de l'historien Dominique Lejeune.

De nombreux historiens s'accordent sur le fait que l'action du gouvernement de Défense républicaine et du Bloc des gauches, période marquée par une stabilité gouvernementale peu courante sous la Troisième République, a permis de définir le caractère laïque de la République française et contribué à son enracinement dans le pays. Mais selon d'autres historiens, l'anticléricalisme militant du gouvernement Combes ne suffit pas à dissimuler la faiblesse du programme social du Bloc des gauches.