Wikipédia:Lumière sur/Les Bijoux de la Castafiore

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Une émeraude semblable à celle appartenant à la Castafiore et mystérieusement disparue.
Une émeraude semblable à celle appartenant à la Castafiore et mystérieusement disparue.

Les Bijoux de la Castafiore est le vingt-et-unième album de la série de bande dessinée Les Aventures de Tintin, créée par le dessinateur belge Hergé. L'histoire est d'abord pré-publiée du au dans les pages du journal Tintin, avant d'être éditée en album de soixante-deux planches aux éditions Casterman en 1963. Les Bijoux de la Castafiore, qui se déroule uniquement au château de Moulinsart et ses alentours, est le seul album de la série qui possède une unité de lieu, mais également le deuxième de la série, après Le Secret de La Licorne, où les personnages ne voyagent pas.

Album déroutant, Les Bijoux de la Castafiore est une œuvre à part dans l'univers de Tintin. Trois ans après Tintin au Tibet, considéré comme son album le plus personnel, Hergé poursuit sa remise en question des codes de la bande dessinée. Conçue comme une « vague intrigue policière », selon ses propres mots, cette anti-aventure se compose d'une série de trompe-l'œil et de faux indices. Les personnages de cette vaste comédie sont tour à tour suspectés d'un vol de bijoux qui, finalement, n'en est pas un. Dans cette histoire où l'action et l'aventure sont absentes, le lecteur est pourtant tenu en haleine par les nombreux rebondissements et chausse-trapes que glisse l'auteur.

C'est d'abord le langage qui figure au centre de cette « histoire de fous », comme la qualifie Pierre Assouline. Les quiproquos, lapsus et malentendus s'enchaînent et contribuent au brouillage de l'intrigue autant qu'ils la font avancer. L'humour est aussi omniprésent dans cet album considéré comme « le sommet insurpassable du comique hergéen » par Thierry Groensteen.

Tout au long de l'album, Hergé développe un certain nombre de thèmes, comme la peur de l'étranger à laquelle s'opposent Tintin et le capitaine Haddock en portant assistance à un groupe de Tziganes envers et contre tous les préjugés, ou encore le concept de bonne distance entre les individus développé un siècle auparavant par le philosophe Arthur Schopenhauer. L'histoire renferme également de nombreux messages érotiques cachés qui renforcent l'ambiguïté des relations entre le capitaine et la Castafiore.

L'album signe également l'entrée de Tintin dans l'ère médiatique et témoigne du regard critique que porte l'auteur sur cet univers. Tandis que Moulinsart accueille le tournage d'une émission de télévision, les essais d'un modèle de téléviseur en couleurs mis au point par le professeur Tournesol s'avèrent infructueux et le dessinateur, à travers les reportages de la presse people, dénonce une forme de journalisme donnant la priorité au scoop plutôt qu'à la vérité. L'abondance des médias et leur place grandissante dans la société sont donc transposées dans un album qui interroge le lecteur sur sa perception du réel, tout autant qu'il révèle un certain désenchantement de l'auteur par rapport à son personnage et au monde qui l'entoure.

Selon Benoît Peeters, Les Bijoux de la Castafiore est pour Hergé son chant du cygne et son dernier chef-d'œuvre. Succès critique plus que populaire, il n'en demeure pas moins l'album le plus traduit de la série, notamment en langues régionales. Il a en outre fait l'objet de nombreuses adaptations, que ce soit à la radio, au théâtre ou à l'opéra.