Yara Sallam

féministe égyptienne et défenseure des droits humains

Yara Sallam (en arabe : يارا رفعت سلّام), née le au Caire en Égypte, est une féministe égyptienne, défenseure des droits humains.

Yara Sallam
Biographie
Naissance
Nationalité
Formation
Activités

Elle est avocate et chercheuse pour la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples, puis pour plusieurs organisations égyptiennes et internationales de défense des droits de l'homme. Elle est primée en 2013 par le Réseau panafricain des défenseurs des droits humains.

Elle est arrêtée le en même temps que d'autres militants pendant une marche de protestation pacifique contre la loi égyptienne restreignant le droit de manifester. Son procès, ainsi que celui d'autres manifestants, est un symbole de la résistance à la restriction des libertés imposée par le gouvernement du président Abdel Fattah al-Sissi.

Amnesty International qualifie cette affaire de procès-spectacle basé sur des preuves rares et douteuses, et estime que ce procès est destiné à dissuader quiconque défie la loi égyptienne sur les manifestations. Elle est libérée un an après sa condamnation, par grâce présidentielle.

Biographie

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Jeunesse, formation, débuts militants

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Yara Sallam naît dans le quartier d'Héliopolis au Caire. Elle est la fille de parents historiquement engagés dans des causes de gauche. Elle grandit dans une famille de gauche croyant en l'égalité entre les hommes et les femmes et appliquant ces valeurs[1].

Son intérêt pour les droits humains se manifeste quand elle a 15 ans, alors membre de l'association Al-Nosoor al-Sagheera (Les Jeunes Aigles), travaillant sur les droits des enfants[2]. Cette association organise des réunions et des camps pour les jeunes dans les années 1990 et au début des années 2000, et contribue à impliquer ces jeunes dans les questions relatives aux droits humains[3].

Yara Sallam étudie le droit à l'Université du Caire dont elle est diplômée en 2007, et obtient aussi une maîtrise en droit commercial de l'Université Panthéon-Sorbonne à Paris en 2007. Elle étudie également aux États-Unis et obtient en 2010 une maîtrise en droit (LL.M.) en droit international sur les droits de l'homme de l'Université de Notre-Dame-du-Lac. Tout en poursuivant ses études, elle milite professionnellement pour les droits humains en Égypte. En tant que chercheuse au sein des bureaux du Caire de l'Institut de recherche pour le développement, un organisme de recherche français, elle étudie les effets de la loi et de la politique du divorce sur la vie des femmes égyptiennes. Elle rejoint ensuite l'unité des libertés civiles de l'Initiative égyptienne pour les droits personnels (EIPR), un important groupe national de défense des droits humains. Elle s'y concentre sur la discrimination et la violence contre les minorités religieuses. Hossam Bahgat (en), fondateur de l'EIPR, témoigne de sa capacité à continuer à travailler professionnellement sur un sujet malgré l'émotion qui la submerge parfois[4].

Début de carrière, militantisme

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Après avoir reçu sa maîtrise en droit sur les droits de l'homme, Yara Sallam déménage en Gambie pour y travailler comme assistante juridique auprès de la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples. Elle retourne dans son pays après la Révolution égyptienne de 2011 et est alors recrutée par Nazra for Feminist Studies, un groupe de défense des droits des femmes, pour diriger son programme de défenseuses des droits des femmes. Son travail de documentation des abus contre les militantes féminines lui vaut le prix Bouclier du défenseur des droits humains en Afrique du Nord en 2013, décerné par le Réseau panafricain des défenseurs des droits humains[5]. Évoquant la situation des femmes égyptiennes cette année-là, Yara Sallam affirme sa volonté de lutter contre un gouvernement qui n'assume pas ses responsabilités dans les violations des droits humains, y compris les violences contre les femmes allant jusqu'au viol. Elle lutte également contre les groupes civils qui ne sont pas convaincus de l'importance de faire pression pour l'inclusion des femmes dans la sphère publique[1].

Elle rejoint en l'Initiative égyptienne pour les droits personnels en tant que chercheuse au sein de l'unité de justice transitionnelle[6],[7]. Au moment de la répression des manifestations antigouvernementales de l’été et de l’automne 2013, elle prend l’initiative de documenter la violence des massacres, avec la mort de plus de 1 000 manifestants[Selon qui ?].

Manifestation contre la loi, arrestation

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Le président par intérim Adly Mansour signe le 24 novembre 2013 une nouvelle loi égyptienne sur les manifestations. La loi, adoptée par décret en l'absence de toute autorité démocratiquement élue dans le pays, donne au gouvernement des pouvoirs étendus pour approuver ou interdire toute manifestation. Il prévoit des peines de prison allant de 2 à 5 ans pour les manifestants incitant à perturber l'intérêt public[8]. La loi est rapidement utilisée pour emprisonner d'éminents opposants pacifiques au gouvernement, comme Alaa Abdel Fattah et l'avocate des droits humains Mahienour Al-Massry[9].

Les militants égyptiens appellent à une journée internationale de solidarité contre la loi sur les manifestations, le 21 juin 2014. Ce jour-là, une manifestation de plusieurs centaines de personnes se rassemble dans le quartier Héliopolis du Caire et se dirige vers le palais présidentiel. Des hommes en civil attaquent les manifestants avec des bouteilles cassées et des pierres, sans intervention de la police, tandis que les forces de sécurité en uniforme tirent des gaz lacrymogènes. Les forces de sécurité arrêtent une trentaine de manifestants, parmi lesquels Yara Sallam et son cousin[8]. Son cousin est libéré la nuit même, mais, selon Amnesty International, Yara Sallam est maintenue en détention quand les forces de sécurité découvrent qu'elle travaille à l'Initiative égyptienne pour les droits personnels[10]. Des détenus libérés de prison déclarent à des organisations locales de défense des droits humains qu'« un certain nombre de manifestants arrêtés ont été battus et menacés d'être accusés d'appartenance aux Frères musulmans interdits » ou au Mouvement révolutionnaire des jeunes du 6 avril[11].

Détention, procès

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Quatorze hommes et huit femmes arrêtés lors de la marche sont jugés le et risquent des années d'emprisonnement en vertu de la loi sur les manifestations. Un autre accusé, un mineur, est jugé séparément. Outre Yara Sallam, les accusés comprennent Sanaa Seif, une étudiante et militante révolutionnaire qui est la sœur d'Alaa Abdel Fattah ; le photojournaliste Abdel-Rahman Mohamed ; et la photographe Rania El-Sheikh. Lors de l'audience de juin, le juge refuse de libérer les accusés sous caution et rejette même les demandes visant à retirer les chaînes des détenus de sexe masculin[10]. Il reporte l'affaire de plus de deux mois. Depuis, les hommes détenus sont incarcérés dans la prison de Tora, un complexe de haute sécurité connu pour détenir des prisonniers politiques, et les femmes sont détenues dans la prison pour femmes d'El-Qanater. Après les audiences ultérieures des et , le procès est reporté au . Ce , le juge annonce qu'il rendra son verdict le [12].

En prison, Yara Sallam continue à défendre les droits humains. En , le Conseil national des droits de l'homme (NCHR), dépendant du gouvernement égyptien, envoie des enquêteurs à la prison d'El-Qanater pour interroger les femmes détenues dans cette affaire sur leur traitement. Les militantes refusent de rencontrer les enquêteurs et délèguent Yara Sallam et Salwa Mehrez pour les informer « que s'ils veulent connaître la réalité de la situation en prison, ils doivent rencontrer d'autres détenus qui sont dans des conditions bien pires et subissent plus d'abus »[13]. Peu avant l'arrestation de Yara Sallam et des autres militants, les organisations égyptiennes de défense des droits humains documentent des pratiques répandues de torture et d'abus sexuels sur les femmes détenues à El-Qanater, où sont également détenus de nombreux partisans des Frères musulmans[14]. Le , un tribunal correctionnel d'Héliopolis condamne les accusés de l'affaire Ettehadiya, dont Yara, accusés d'avoir violé la loi sur les manifestations, à trois ans de prison et à une amende de 10 000 livres égyptiennes[15].

Grâce présidentielle et libération

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Le 23 septembre 2015, la veille du départ du président égyptien Abdel Fattah al-Sisi pour New York pour se rendre à l'Assemblée générale des Nations Unies, une grâce présidentielle est annoncée au profit de cent jeunes condamnés dans plusieurs affaires pour diverses raisons politiques, dont l'affaire des « manifestations du Conseil de la Choura » et l'affaire des « affrontements au palais présidentiel d'Ettehadiya », et qui purgent une peine pour des accusations, notamment de violation de la loi sur les manifestations ; le nom de Yara Sallam y figure ; la grâce présidentielle inclut également des accusés souffrant de graves problèmes de santé. Yara Sallam est ainsi libérée[16].

L'Organisation des Nations unies ouvre une enquête, déclare que la détention de Yara Sallam a été arbitraire et réclame en janvier 2016 qu'elle soit indemnisée en conséquence[17].

Notes et références

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(en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Yara Sallam » (voir la liste des auteurs).
  1. a et b (en) Hakima Abbas, « Feminists We Love: Yara Sallam », The Feminist Wire, (consulté le ).
  2. (en) « WLUML networker Yara Sallam awarded North African HRD Shield », Women Living Under Muslim Laws (consulté le )
  3. (en) Hanan Elbadawi, « Yara Sallam: A prisoner of passion and human rights », Mada Masr (consulté le ).
  4. (en) Magda Boutros, « Yara Sallam: Optimist Against All Odds », Tahrir Institute for Middle East Policy (consulté le ).
  5. « Winners of the 2013 Human Rights Defenders Awards », East and Horn of Africa Human Rights Defenders Project (EHAHRDP) (consulté le ).
  6. Tooni Akanni et Masa Amir, « Egypte : Les défenseurs des droits humains détenus pour avoir protester une loi contre les manifestations », sur uaf-africa.org (consulté le ).
  7. Nelly Bassily, « Yara Sallam injustement incarcérée depuis un an en Égypte », sur awid.org, (consulté le ).
  8. a et b (en) Scott Long, « Yara Sallam in jail, and the moral bankruptcy of the United States », A Paper Bird (consulté le ).
  9. (en) Sergi, and Costanza Spocci with Max Siegelbaum Cabeza, « Jailed but not forgotten », Middle East Eye (consulté le )
  10. a et b (en) « Egypt: Release women's rights defender, protesters arrested for challenging draconian protest law », Amnesty International (consulté le ).
  11. (en) « Masr el-Gedeida's Prosecution Jails Protesters and Rights Defenders for 4 Days Pending Investigations Reflecting the Superficiality of Investigations in Protests' Cases », Egyptian Initiative for Personal Rights (consulté le )
  12. Mada Masr, Lawyers denounce charges against Ettehadiya protesters, verdict expected Oct 26
  13. (en) Jihad Abaza, « Detained female activists refuse NCHR delegation », Daily News Egypt (consulté le ).
  14. (en) Ayah Aman, « Female prisoners in Egypt suffer rampant abuse », Al-Monitor (consulté le ).
  15. « 23 activists sentenced to 3 years for violating protest law », sur en.aswatmasriya.com (consulté le )
  16. (en) « Update: Activists Yara Sallam, Sanaa Seif released from prison », Mada Masr (consulté le )
  17. « Egypte : L’Onu déclare que la détention de la défenseuse des droits de l’homme Yara Sallam est arbitraire et demande une indemnisation appropriée », sur fidh.org, Fédération internationale pour les droits humains, (consulté le ).