Avortement en Tunisie

aperçu de la légalité et de la prévalence de l’avortement en Tunisie

L'avortement en Tunisie est légal depuis 1973 et pratiqué gratuitement, à la demande de la femme, jusqu'à trois mois de grossesse. La Tunisie est, avec la Turquie, l'Albanie, la Bosnie-Herzégovine, le Kosovo et Bahreïn, l'un des seuls pays à majorité musulmane où l'interruption volontaire de grossesse est légale[1],[2].

Le pays possède un programme national de planning familial incluant des services publics pour la pratique de l'avortement chirurgical et médicamenteux, utilisant des méthodes modernes[1].

Évolution légale modifier

À la promulgation du code pénal en 1913, la pratique de l'avortement est interdite par son article 214[3],[4].

Le décret du réprimant la provocation de l'avortement renforce l'arsenal juridique et interdit jusqu'au discours prônant cette pratique[5],[6].

Le décret du relatif à la répression de l'avortement et de l'outrage aux bonnes mœurs confirme cette interdiction.

La loi no 64-34 du abroge les dispositions de ce dernier décret et amende l'article 214 du code pénal en autorisant l'avortement légal dans deux situations seulement[7] :

La loi no 73-2 du instaure finalement le droit à l'avortement, en l'inscrivant dans l'article 214, dans les conditions suivantes[8] :

  • L'avortement est autorisé dans les trois premiers mois de grossesse ;
  • L'avortement est autorisé après les trois premiers mois de grossesse si la mère présente une grossesse à risque pour sa santé physique ou psychique ou si l'enfant à naître présente une maladie ou un handicap grave.

L'avortement n'est légal que s'il est pratiqué par un médecin de profession dans un centre hospitalier ou sanitaire ou dans une clinique autorisée. L'avortement dans d'autres conditions est fortement réprimé par une peine de prison et une amende.

Contexte culturel modifier

Si 98 % de la population tunisienne est musulmane, il s'agit de l'un des rares pays musulmans ayant adopté une interprétation considérée comme libérale de la charia sur les questions liées aux femmes et à la famille. La polygamie y a été abolie et l'âge minimum du mariage pour les femmes est de 18 ans[9]. Les femmes tunisiennes ont le droit de voter, de divorcer et de travailler[1],[10].

Planning familial modifier

Le programme national de planning familial a été mis sur pied en 1976, trois ans après la légalisation de l'avortement selon les principes suivants[1] :

  • les services sont gratuits ;
  • les services sont offerts sur l'ensemble du territoire national ;
  • les femmes peuvent choisir librement leur méthode contraceptive ;
  • les femmes peuvent choisir librement d'avorter.

En Tunisie, les sages-femmes sont souvent celles qui fournissent les services d'avortement médicamenteux sur prescription médicale. Ces services ont d'abord été offerts par le secteur public puis par le secteur privé[1],[11].

Nombre d'avortements modifier

En 1996, 19 000 avortements ont été pratiqués en Tunisie[12].

Selon le docteur Selma Hajri, endocrinologue, chercheuse en santé reproductive et coordinatrice du Réseau africain pour l'avortement médicamenteux, affilié au Consortium international pour l'avortement médicamenteux depuis 2010, 25 000 avortements médicamenteux ont été pratiqués dans 15 des 24 gouvernorats de la Tunisie depuis sa mise en œuvre ; il était prévu que les services soient étendus à d'autres gouvernorats d'ici la fin 2011[1]. Dans les régions où il est pratiqué, l'avortement médicamenteux représente entre 60 % et 70 % des avortements provoqués, des chiffres similaires à ceux des pays européens où cette pratique a été introduite et mise en œuvre[13]. Pour Hajri, « la procédure d'avortement médicamenteux a été acceptée par les femmes et les professionnels de la santé en Tunisie non seulement comme une méthode moderne et sûre, mais aussi comme un moyen pour les femmes d'atteindre une plus grande autonomie et une autodétermination »[1].

Références modifier

(es) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en espagnol intitulé « Aborto en Túnez » (voir la liste des auteurs).
  1. a b c d e f et g (es) « Túnez »(Archive.orgWikiwixArchive.isGoogleQue faire ?), sur ipas.org, .
  2. (es) Ignacio Cembrero (es), « El aborto clandestino provoca tragedias en Marruecos », El País,‎ (ISSN 1697-9397, lire en ligne, consulté le ).
  3. La première version de l'article 214 en vigueur jusqu'en 1965 dispose :

    « L'avortement obtenu de quelque manière que ce soit, soit par la femme, soit, même avec son consentement, par un tiers ne rentrant pas dans l'une des catégories de personnes visées à l'alinéa suivant, est puni de cinq ans d'emprisonnement.

    Est puni de dix ans de travaux forcés, le médecin, le chirurgien, le pharmacien, la sage-femme, l'officier de santé convaincu d'avoir participé comme auteur ou complice à un avortement obtenu ou tenté. »

  4. Amédée Guiraud, Code pénal annoté, suivi des textes de répression en Tunisie, Paris, Librairie du Recueil Sirey, , 703 p., p. 75.
  5. Ainsi dans son article premier :

    « Sera puni d'un emprisonnement de six mois à trois ans et d'une amende de 100 à 3 000 francs, quiconque : Soit par des discours proférés dans des lieux ou des réunions publiques ; [...] Aura provoqué au crime d'avortement, alors même que cette provocation n'aura été suivie d'aucun effet. »

  6. Guiraud 1932, p. 588.
  7. « Loi no 65-29 du 1er juin 1965 », Journal officiel de la République tunisienne, no 33,‎ , p. 819 (ISSN 0330-7921, lire en ligne [PDF]).
  8. « Code pénal », sur jurisitetunisie.com (consulté le ).
  9. « Code du statut personnel », sur jurisitetunisie.com (consulté le ).
  10. (es) « Aborto e Islam en el Oriente Medio y Africa Septentrional »(Archive.orgWikiwixArchive.isGoogleQue faire ?), sur ipas.org, .
  11. « Méthodes médicamenteuses d'avortement au cours du premier trimestre de la grossesse »(Archive.orgWikiwixArchive.isGoogleQue faire ?), sur apps.who.int.
  12. (es) Stanley K. Henshaw, Susheela Singh et Taylor Haas, « La incidencia del aborto inducido a nivel mundial », Perspectivas Internacionales en Planificación Familiar,‎ , p. 16-24.
  13. (es) Elena G. Sevillano, « España, a la cola europea en aborto farmacológico », El País,‎ (ISSN 1697-9397, lire en ligne, consulté le ).