Bernard Jouan de Kervenoaël

officier et résistant français

Bernard Jouan de Kervenoaël, né le [1] à Ploërmel, en Bretagne, et mort le à Grenoble, est un officier de cavalerie et résistant français, l'un des chefs du Corps-franc de la Montagne Noire.

Bernard Jouan de Kervenoaël
Surnom Capitaine Saint-Michel
Nom de naissance Bernard Charles Victor Jouan de Kervenoaël
Naissance
Ploërmel
Décès (à 57 ans)
Grenoble
Origine Français
Allégeance Drapeau de la France France
Arme Cavalerie
Grade Chef d'escadron
Années de service 19351962
Distinctions Officier de la Légion d'honneur
Chevalier de l'Ordre de Léopold
Médaille de la Résistance
Croix de guerre 1939-1945
Famille Jouan de Kervenoaël

Emblème

Biographie

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Origines

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Descendant d'une ancienne famille de la noblesse bretonne, cultivant les valeurs militaires, Bernard Jouan de Kervenoaël est le fils de Bernard Jouan de Kervenoaël (1881-1941), officier du train, et de son épouse Geneviève Ribal.

Il est issu de la branche aînée de sa famille, qui réside au château de Talhouët, à proximité de Pontivy.

Vers la guerre

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Bernard Jouan de Kervenoaël entre à l'École spéciale militaire de Saint-Cyr en 1935, puis à l'École d'application de la cavalerie et du train de Saumur en 1937.

Lieutenant de cavalerie en 1940, il participe aux combats de la bataille de France, est fait prisonnier mais réussit à s'évader dès août 1940. Revenu en territoire non occupé, il est affecté, au sein de l'armée d'armistice, au 3e Régiment de Dragons de Castres. Il participe très vite, au sein du réseau Action CDM, à du camouflage de matériel de guerre.

Entrée en Résistance

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En novembre 1942, au moment de l'invasion de la zone libre, le général de Lattre de Tassigny, commandant la 16e division, quitte son P.C. de Montpellier et se retranche à Saint-Pons-de-Thomières où il invite ses troupes à le rejoindre pour un baroud d'honneur.

Cependant, le colonel Amanrich, chef de corps du 3e régiment de Dragons, refuse de suivre de Lattre, alors que certains officiers souhaitent résister, créant des dissensions au sein du Régiment.

À la dissolution du régiment en décembre 1942, chaque groupe se regroupe autour d'un maquis : les uns dans le "Corps Franc du Sidobre ”, les seconds, menés par Kervenoaël, au sein du maquis "de Lattre"[2].

La refondation du 2e Lanciers

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Alors que le 3e Dragons se reconstitue dans le Maquis du Sidobre, Kervenoaël, devenu dans la Résistance le "Capitaine Saint-Michel", choisit de reprendre pour son maquis l'appellation de ”2e régiment de chevau-légers lanciers”, qui fut celle 3e Dragons de 1811 à 1814.

Très vite, le maquis Kervenoaël reçoit le renfort de réfugiés polonais, pour la plupart rescapés des 13e et 14e régiments de Lanciers de la République polonaise, enthousiastes à l'idée de rejoindre une unité de lanciers, rappel à leurs yeux de l'amitié franco-polonaise. Pour mieux incarner cette double filiation, Bernard de Kervenaoël donne aux escadrons des noms évoquant la Pologne et les lanciers polonais[3].

Dès le départ, l'entraînement et la discipline sont militaires, à tel point qu'on dira que le maquis Kervenoaël, et plus tard le Corps-franc de la Montagne Noire forme, sous la Résistance, l'unité de maquisards la plus professionnalisée. Une symbolique militaire est également créée. Aux traditions et insignes hérités du 2e Lanciers de l'Empire, Bernard de Kervenoaël, chef de nom et d'armes de sa famille, ajoute la devise familiale "Bon renom".

Les maquis du Tarn

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Les débuts sont difficiles. Si les volontaires ne manquent pas, il y a très peu de matériel. Au printemps 1943, Kervenoaël ne dispose ainsi, pour plusieurs centaines d'hommes, que de 60 mousquetons, deux mitrailleuses rouillées, deux grenades, cinq pistolets et quatre fusils[4]. Au départ, le maquis "de Lattre" fondé par Kervenoaël est affilié au mouvement Combat, l'une des trois composantes de Armée secrète, au sein de la région R4. Puis Kervenoaël crée le Service des maquis qui accueille les premiers réfractaires du STO : 28 maquis sont fondés, totalisant environ 700 hommes (dont 350 en instruction militaire). Arrêté après dénonciation et interné à Saint-Michel de Toulouse de février à avril 1944, Bernard de Kervenoaël, libéré de prison est mis en contact avec Roger Mompezat, également résistant de la première heure.

Le Corps-franc de la Montagne noire

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Le 20 avril 1944 est décidé à Castres la fusion des maquis du Tarn, fondés par Kervenoaël, avec le Corps-franc de la Montagne Noire, fondé par Roger Mompezat et Henri Sevenet[5]. Ainsi structuré, le Corps-franc de la Montagne Noire est un des plus puissants groupements résistants de la région R4. Installé au sud du Massif Central, dans une zone montagneuse située aux confins de plusieurs départements (la Haute-Garonne, le Tarn, l'Aude). Bernard de Kervenoaël supervise la formation militaire du millier de combattants, et joue le rôle d'adjoint opérationnel de Mompezat.

Le groupement, fort d'environ un millier de combattants, venant de tous horizons et de toutes nationalités, dispose d'un important stock d'armes et d'équipements, parachuté ou prélevé lors de différentes opérations-coups de poing, et constitue une sorte de réduit retranché, en relations directes avec l'état-major interallié qui définit ses orientations, mais assez autonome vis-à-vis des FFI[6].

Au matin du 8 juin 1944, il est donné l’ordre aux escadrons du Corps-franc de la Montagne Noire cantonnés à Laprade d’aller occuper Montolieu. À 13 heures, ce sont 120 hommes commandés par Kervenoaël qui défilent dans les rues de ce village d’un millier d’habitants.

Le 13 juillet, une prise d'armes est organisée à Laprade. Le 14 juillet 1944, ce sont des centaines d'hommes du Corps-franc qui défilent à Revel et à Dourgne, sous les acclamations de la foule en liesse.

Cette provocation, comme les embuscades dont sont régulièrement victimes les troupes allemandes lorsqu’elles transitent par les routes forestières de la Galaube ou de la Loubatière, décident les Allemands à lancer une offensive aéroterrestre sur les camps des maquisards.

Ainsi, le 20 juillet 1944, des bombardements aériens du camp de La Galaube inaugurent la manœuvre de trois divisions allemandes destinées à réduire le Maquis. Après d'après combats, il est décidé de disperser les membres du Corps-franc en de petites unités, plus discrètes et mobiles. Le 29 juillet, a lieu le combat du Bataillé entre les Allemands et le groupement Kervenoaël[7]. Alors que les villes commencent à être libérées et que l'armée de Lattre débarque en Provence, le Corps-franc de la Montagne Noire reçoit l'ordre de tenir son secteur afin d'interdire toute retraite de l'armée allemande.

Le 23 août 1944, au Pont de la Mouline, sur la route entre Cambon et Murat, avec 120 hommes, Kervenoaël et Roger Mompezat tendent une embuscade à une colonne de 2000 Allemands, 116 camions et 20 canons. Une centaine d'Allemands reste sur le terrain, contre neuf résistants. Kervenoaël est blessé à l'épaule et doit être soigné à l’hôpital de La Salvetat, à Castres, récemment libéré, où il est soigné quelques jours.

Le Corps-franc poursuit jusqu'à mi-septembre 1944 sa mission de contrôle des massifs de la Forêt noire, se tenant de facto à l'écart des combats, proches des centres urbains. Alors que les garnisons allemandes se rendent l'une après l'autre, il est décidé de dissoudre le Corps-franc, qui rejoint l'Armée de la Libération.

Libération et après-guerre

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L'escadron issu du Corps-franc de la Montagne Noire et commandé par le capitaine de Kervenoaël rejoint le 8e Dragons, participant aux combats de la 1ere Armée française en Alsace et dans la Forêt-Noire en 1944-1945, jusqu'au lac de Constance[8].

Partout, les lanciers sont reçus avec beaucoup d'enthousiasme, recevant, après guerre, la reconnaissance personnelle du général de Lattre pour leur action dans la Résistance, dès la première heure[9].

À la fin du conflit, le capitaine de Kervenoaël est officiellement réintégré dans l'armée active, mais sans avancement[10].

Il combat alors en Indochine de 1951 à 1954. C'est à cette période qu'il sauve et adopte un petit garçon vietnamien, promis à une mort certaine à l'occasion de l'attaque de son village. Affecté en Algérie après les accords de Genève, il sert au sein des sections d'administrations spécialisées[11], jusqu'en 1962, date à laquelle il prend sa retraite militaire. Il est alors chef d'escadron.

En mars 1958, Bernard de Kervenoaël prononce un discours le jour de l'enterrement de Roger Mompezat, brossant avec simplicité et émotion la fraternité d'armes au sein du Corps-franc, composé de Français de toutes origines et de toutes confessions[12]. À sa suite, il assure, à sa retraite militaire, la présidence des anciens du CFMN.

Il meurt à Grenoble le 22 juin 1970, encore jeune, à 57 ans, et est enterré au cimetière de Laprade, au cœur de la Montagne noire, en compagnie de Henri Sevenet et de l'abbé Henri de Villeneuve, ses compagnons de combat.

En 1977, la ville de Castres choisit d'honorer sa mémoire en donnant son nom à l'une de ses rues[13].

Famille

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Bernard Jouan de Kervenaoël épouse le 16 juin 1947, à Paris 17e, Jacqueline Le Cam (1924-2012). Le couple n'a pas d'enfant mais adopte un petit garçon vietnamien sauvé par Bernard pendant la Guerre d'Indochine, dont descendance.

Distinctions

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Hommages

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  • Rue Bernard Jouan de Kervenoaël, à Castres.
  • Une plaque, installée à Laprade, célèbre la mémoire des quatre résistants du Corps franc de la Montagne noire enterrés au cimetière de la commune, Henri Sevenet, l'abbé de Villeneuve, le lieutenant Jourdain et Bernard de Kervenoaël.

Bibliographie

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  • Roger Mompezat, Le Corps franc de la Montagne noire: Journal de marche, avril-septembre 1944, 1994.

Notes et références

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  1. a et b Ordre de la Libération - base des médaillés de la Résistance française, « Fiche Bernard Jouan de Kervenoaël »
  2. Antimaçonnisme, Francs-maçons et Résistance dans le Midi toulousain: De la persécution à la reconstruction des loges (1940-1945), 2016. P.450
  3. Le 1er escadron reçoit le nom de Marie Leczinska, le 2e s'appellera Poniatowski, le 3e Sommo-Sierra, le 4e Dresde, le 5e Leipzig, le 6e Poznan. Seul, le 7e escadron, composé de cavaliers musulmans, reçoit un nom arabe : Djebel Dehem
  4. Robert Payne, André Malraux, Buchet-Chastel, 1973, p. 264
  5. De Martinou à la Mouline: le maquis dans les monts de Lacaune : avril - août 1944, Centre de recherches du patrimoine de Rieumontagné, 1988, p.17
  6. Michel Goubet, La Résistance en Haute-Garonne, AERI, 2008
  7. [1]
  8. Revue du Tarn, 1966, p.467
  9. Discours prononcé par le général de Lattre de Tassigny le 20 juillet 1947, lors de l'inauguration du monument ossuaire du Corps-franc de la Montagne noire in Roger Mompezat, Le corps-franc de la Montagne noire : Journal de marche, avril-septembre 1944, 1994.
  10. Roger Mompezat, Le corps-franc de la Montagne noire : Journal de marche, avril-septembre 1944, 1994.
  11. François-Xavier Hautreux, La guerre d'Algérie des Harkis: 1954 -1962, Place des éditeurs, 2013.
  12. Jouvray et Olivier, Résistants oubliés, Glénat, 2015, p.38
  13. Olivier Durand,Castres et le Sud-Tarnais : hier, aujourd'hui, Martelle éditions, 1990.