Budget du gouvernement du Québec de 1995

Le budget du gouvernement du Québec de 1995 s'appliquant à l'année fiscale 1995-96 est présenté par Jean Campeau le à l'Assemblée nationale. C'est le premier (et seul) exposé budgétaire de Jean Campeau et le seul budget présenté sous le gouvernement Parizeau.

Budget 1995 du Québec
Description de l'image Budget 1995-96 (Québec).svg.
Sous-titre Aucun
Année fiscale 1995-96
Législature 35e
Gouvernement Jacques Parizeau
Parti Parti québécois
Discours sur le budget
Date
Présenté par Jean Campeau
Ministre des Finances et ministre du Revenu
Projections
Revenus 38,440 milliards
Dépenses 42,415 milliards
Déficit 3,975 milliards
Besoins financiers nets 2,900 milliards
Parcours législatif
Projet de loi 108
Adoption
Sanction
Abréviation L.Q. 1995, ch. 63

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Discours sur le budget

Contexte modifier

Ce budget est le premier présenté après les élections de septembre 1994 où le Parti québécois a remporté la majorité des sièges. Jacques Parizeau, devenu premier ministre, a promis qu'un référendum sur la souveraineté serait tenu en 1995, un projet de loi en ce sens est déposé le . Le budget est présenté un mois après que la date du référendum ait été repoussée à l'automne 1995.

Le budget précédent connait une exécution difficile avec des recettes fiscales inférieures de 681 millions aux prévisions[1], des transferts plus faibles que prévus du fait de modifications statistiques relevées par Statistiques Canada[2] et des dépenses plus élevées que prévu du fait d'une hausse des taux d'intérêts en 1994 (hausse du coût de la dette publique)[3], conséquence du relèvement du taux directeur de la réserve fédérale américaine à partir de [4].

Le contexte économique a continué de s'améliorer en 1994 au Québec. La croissance du PIB réel (+ 3,6 %) est la meilleure depuis 1988 et est meilleure que prévue lors du discours sur le budget précédent (+ 3,2 %), en grande partie du fait d'un très bon niveau d'exportations. 76 000 emplois ont été créés, là encore le meilleur résultat depuis 1988[5].

Déclaration du 21 décembre 1994 modifier

Sans attendre le budget 1995, Jean Campeau annonce le dans une déclaration ministérielle à l'Assemblée nationale la création du crédit d'impôt Premier toit comportant deux volets[6]:

  • Un crédit d'impôt de 20 % sur les intérêts hypothécaires[note 1] à l'achat d'un logement neuf acheté entre le et le [note 2] ;
  • Un crédit d'impôt de 10 % sur les rénovations faites à l'achat d'un logement existant[note 3] sur la même période que le volet précédent.

En le député de Papineau Norman MacMillan interpelle Jean Campeau sur l'échec du programme Premier toit. Ce dernier concède que le programme n'a pas atteint ses objectifs et que le gouvernement est en voie d'apporter des correctifs[8] :

« Alors, je suis conscient que ce programme, et je tiens à le dire au député, n'a pas pris l'ampleur souhaitée et que son application est difficile dans le contexte où les constructeurs d'habitation n'arrivent pas à vendre les unités construites avant l'entrée en vigueur du programme. »

— Jean Campeau, ministre des Finances

Dans le discours du budget la règle relative à la date du permis de construire est abolie pour faciliter la vente des logements démarrés avant le mais dont la vente était rendue difficile puisqu'ils ne qualifiaient pas pour le programme Premier toit[9].

Principales mesures modifier

Impôt sur le revenu modifier

Pour la première fois depuis plusieurs années, l'impôt sur le revenu des particuliers est presque inchangé excepté pour quelques mesures spécifiques :

  • Le crédit d'impôt Premier toit annoncé en  ;
  • Un nouveau crédit d'impôt de 20 % à l'achat d'actions dans le fonds de travailleurs de la CSN[10] ;
  • Le montant maximal du crédit d'impôt remboursable pour frais d'adoption est doublé passant de 1 000 à 2 000 $[11],[12] ;
  • Une déduction spéciale est accordée aux artistes[13] ;
  • Le crédit non-remboursable pour contributions politiques est augmenté (montant maximum passant de 140 $ à 250 $ avec un taux bonifié à 75 % pour les premiers 200 $ de contributions)[note 4],[14],[15].

Taxe de vente du Québec modifier

Le ministre annonce dans son budget une réforme de la TVQ afin d'en simplifier l'administration. Plusieurs modifications sont proposées[16]:

  • L'application de la taxe à toutes les étapes de production à partir du  ;
  • Les restrictions au remboursement de TVQ sur les achats des entreprises sont abolies (pour les plus petites dès le et pour les plus grandes entreprises à partir du [17],[note 5]) ;
  • Le seuil d'exemption pour percevoir et remettre la TVQ au ministère du Revenu est haussé à 30 000 $ par an.

Le ministre énonce dans son discours que les perspectives des finances publiques ne laissent que deux possibilités[18]:

  • Soit la récupération de toute la capacité fiscale par le gouvernement du Québec, si l'option de la souveraineté est choisie au cours du référendum à venir ;
  • Soit la hausse de la TVQ d'un point au cours de l'année 1996.

Autres taxes modifier

Financement du remboursement de TVQ modifier

Taux de taxes corporatives
Taxe Jusqu'au
À partir du
Taxe sur le capital générale 0,56 % 0,64 %
Taxe sur le capital spéciale[note 6] 1,12 % 1,28 %
Cotisation au FSS 3,75 % 4,25 %

Afin de financer le remboursement de TVQ sur les intrants, les taux de la taxe sur le capital et de la contribution des entreprises au FSS sont haussés à partir du [19].

D'autres mesures fiscales sont également modifiées en raison du remboursement de TVQ :

  • Le crédit d'impôt pour taxi est aboli au (puisque ce crédit d'impôt servait à compenser les restrictions au remboursement de la TVQ) ;
  • La taxe sur les carburants portant sur le mazout est portée à 15,2 cents le litre à la même date pour la même raison.

Impôt sur les sociétés modifier

Le budget annonce une limite au caractère remboursable de certains crédits d'impôts pour les entreprises. Les plus grandes entreprises (25 millions de dollars ou plus d'actif) ne peuvent plus demander le remboursement intégral des crédits d'impôts auxquels ils ont droit (le remboursement est limité au montant de taxe sur le capital et de contribution au FSS payés dans l'année). Les montants non remboursés sont reportables aux années futures[20].

Certains crédits d'impôts destinés aux entreprises sont modifiés par le budget :

  • Le crédit d'impôt remboursable pour stage en milieu de travail est étendu à de nouvelles catégories d'étudiants[21] ;
  • Le crédit d'impôt à l'augmentation de capital des PME (annoncé dans le budget 1991) est aboli[22].

Réactions modifier

Le budget suscite des réactions contrastées. Claude Picher de La Presse regrette le manque de précision du budget (parlant d'un vrai budget seulement en 1996) et pointe une « avalanche de petits cadeaux » envers certaines clientèles (les auteurs, les agriculteurs, la CSN qui obtient le droit d'opérer un fonds de solidarité). Il fait le parallèle avec le premier budget (en) présenté par Paul Martin en 1994 qui avait précédé un budget beaucoup plus substantiel l'année suivante[23].

La possibilité de hausser la TVQ d'un point en 1996 si la souveraineté du Québec était rejetée lors du référendum (alors prévu pour l'automne) marque les esprits, comme en témoignent les titres à la une des journaux du lendemain  :

  • « Une taxe sur le NON » (Michel Venne, Le Devoir)[24]
  • « La carotte et le bâton » (Gilles Lesage, Le Devoir)[24]
  • « La souveraineté ou des taxes! » (Denis Lessard, La Presse)

Parcours législatif modifier

Jean Campeau ayant quitté le poste de ministre des Finances quelques jours après le référendum, c'est Pauline Marois, nouvellement nommée ministre des Finances) qui présente le le projet de loi 108 qui implémente les mesures du budget 1995[25].

Le projet de loi est adopté à main levé le et est sanctionné le lendemain[26].

Exécution modifier

Le budget 1995-96 a été exécuté correctement malgré des rentrées fiscales inférieures de 737 millions aux prévisions. Des transferts fédéraux plus élevés que prévu, un bon contrôle des dépenses et la baisse du coût de la dette ayant permis d'atteindre (et même très légèrement dépasser) la cible de déficit public.

Exécution du budget 1995-96 (en millions de dollars)
Indicateur
Discours[27]
Résultats
définitifs[28]
Variation
Revenus autonomes 30 845 30 108 en diminution 737
Transferts fédéraux 7 595 8 146 en augmentation 551
Revenus totaux 38 440 38 254 en diminution 186
Dépenses de programme 36 198 36 182 16
Service de la dette 6 217 6 038 179
Dépenses 42 415 42 220 195
Déficit 3 975 3 966 9

Suites modifier

Le , Pauline Marois (nommée ministre des Finances au lendemain du référendum) annonce que le gouvernement n'exclut pas une hausse d'un point de la TVQ en 1996[26]:

« Il est évident, M. le Président, que ce n'est jamais de gaieté de cœur qu'un gouvernement doit envisager une telle solution ou une telle avenue. Cependant, pour l'instant, c'est ce qui est prévu, tel qu'écrit au discours du budget du ministre des Finances qui a été déposé en cette Chambre en mai dernier. Je dis aux membres de cette Assemblée que je cherche effectivement une alternative, parce que, si nous pouvions en trouver une, nous l'appliquerions. »

— Pauline Marois, ministre des Finances

Notes et références modifier

Notes modifier

  1. Le crédit ne peut excéder 2 000 $ par an et 4 000 $ au total à vie.
  2. Plusieurs conditions supplémentaires doivent être remplies, notamment[7]:
    • Le permis de construire du logement doit avoir été obtenu après le  ;
    • Le prix du logement ne doit pas excéder 125 000 $ (ou 150 000 $ dans la communauté urbaine de Montréal) ;
    • Le logement est construit par un entrepreneur en règle auprès de la Régie du bâtiment du Québec ;
    • Le logement est couvert par un plan de garantie pour maison neuve.
  3. Les dépenses doivent excéder 10 000 $ et le crédit est plafonné à 3 000 $.
  4. En pratique le taux applicable est de :
    • 75 % pour la portion des contributions inférieure à 200 $
    • 50 % pour la portion des contributions comprise entre 200 $ et 500 $
    • Aucun crédit n'est accordé pour la portion des contributions excédant 500 $.
  5. L'échéance du est repoussée au dans le budget suivant puis indéfiniment lors du budget 1997.
  6. S'applique seulement aux institutions financières.

Références modifier

  1. Discours sur le budget, p. Annexe C - 6.
  2. Discours sur le budget, p. Annexe C - 10.
  3. Discours sur le budget, p. Annexe C - 12.
  4. Discours sur le budget, p. Annexe D - 5.
  5. Discours sur le budget, p. Annexe D - 4.
  6. Journal des débats du . Assemblée nationale du Québec.
  7. LQ 1995, c. 63, art. 209.
  8. Journal des débats, 25 avril 1995. Assemblée nationale du Québec.
  9. Discours sur le budget, p. Annexe A - 90.
  10. Discours sur le budget, p. Annexe A - 71.
  11. Discours sur le budget, p. Annexe A - 85.
  12. LQ 1995, c. 63, art. 206.
  13. Discours sur le budget, p. Annexe A - 86.
  14. Discours sur le budget, p. Annexe A - 87.
  15. LQ 1995, c. 63, art. 83.
  16. Discours sur le budget, p. 22-23.
  17. Discours sur le budget, p. Annexe A - 14.
  18. Discours sur le budget, p. 35.
  19. LQ 1995, c. 63, art. 283.
  20. Discours sur le budget, p. Annexe A - 35.
  21. Discours sur le budget, p. Annexe A - 68.
  22. Discours sur le budget, p. Annexe A - 74.
  23. Claude Picher, « Le vrai budget sera l'an prochain », La Presse,‎ , A1 (lire en ligne)
  24. a et b Le Devoir du .
  25. Journal des débats du 29 novembre 1995. Assemblée nationale du Québec.
  26. a et b Journal des débats du 14 décembre 1995. Assemblée nationale du Québec.
  27. Discours sur le budget, p. 32, 39.
  28. Comptes publics 1995/1996, vol. 1, p. 13.

Textes officiels modifier

  • Budget 1995-1996 : Discours sur le budget et renseignements supplémentaires, Québec, (ISSN 0839-8445, lire en ligne)
  • Loi modifiant la loi sur les impôts, la loi sur la taxe de vente du Québec et d'autres dispositions législatives, LQ 1995, c. 63 (lire en ligne, consulté le )