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La double critique, féministe et raciale à travers le personnage d'Ourika

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Le texte est accompagné tout du long d’une double critique, féministe et raciale.
Il peint les valeurs des femmes ainsi que l’estime qu’on avait pour elles du temps de Mme de Duras; et plus particulièrement pour une esclave épargnée de son destin, achetée et amenée à grandir dans un monde luxueux et isolé de la société du XIXème siècle.

Ourika vit d’abord en osmose avec l’univers aristocratique dans lequel elle a été accueillie. Parfaitement instruite et cultivée, la protagoniste est une négresse de salon qui ne se rend compte de rien. Au début du roman, elle se sent valorisée lorsqu’on lui demande de représenter l’Afrique lors d’un bal, alors qu’Ourika est à ce moment là est objetisée en tant que jeune femme, et que sa présence représente pour le public une simple distraction. Lors de la conversation qu’elle surprend entre Mme de … et Mme de B, la jeune fille se rend compte de la réalité de la ségrégation et des propos avancés au XIXème siècle sur les esclaves et les noirs; elle réalise ainsi sa condamnation à vivre seule, sa situation « sans remède ». La critique raciale se trouve, en partie, dans tout ce que le regard de l’autre détruit chez le personnage d’Ourika, qui ne supporte plus sa couleur de peau à partir du moment où elle réalise ce que celle-ci implique hors des murs de Mme de B. Elle en vient jusqu’à se considérer presque étrangère à la race humaine, comprenant que sa présence dans l’univers aristocratique n’est que le fruit d’une décision purement intéressée. L’explosion de la vérité intervient au moment de la puberté de la protagoniste. Si, avant, Ourika pouvait s’épanouir chez Mme de B sans poser de problème, c’est parce qu’elle était une jeune fille. Et si Mme … annonce le début des malheurs dans la vie de cette dernière, c’est parce qu’Ourika est entrain de devenir femme. La société du XIXème siècle entretient une vision binaire qui met en opposition la race noire et la race blanche, l’anormal et le normal, les femmes et les hommes. Le bonheur d’Ourika pouvait être toléré lorsqu’elle était enfant, mais il ne peut cependant pas perdurer dans la mesure où on ne l’accorde pas aux femmes noires, habituellement condamnées à l’esclavage. Pour Mme de… le vrai obstacle quant à l’épanouissement de la jeune fille surviendra lors de ses quinze ans, soit l’âge exigeant le mariage, sans quoi elle ne pourra pas exister dans ce monde. Ici, Mme de Duras dégage une critique féministe soulignant l’impossibilité pour une femme d’exister sans lien matrimonial. La femme non affiliée à un homme est alors une femme inaccomplie, dont l’existence ne connait aucun intérêt dans la société du XIXème.

Cette découverte affaiblit radicalement Ourika qui tombe malade en prenant conscience des limites qui lui sont imposées. C’est ainsi qu’elle se tourne vers Dieu qui semble être le seul à pouvoir l’accepter. Le personnage est condamné à vivre et mourir seul, Ourika voudrait trouver une place dans le monde mais sa différence la tue et étouffe ses qualités et vertus personnelles. Mme de Duras souligne ici l’impossibilité d’une vie riche et heureuse pré-déterminée pour tous ceux qui sont différents, à commencer par les femmes noires au XIXème.

La jeune fille plonge dans un mal être profond, dû à une solitude absolue, jusqu’à ce que Mme de… vienne la rencontrer en lui exposant ce qu’elle juge être l’unique raison de son désarroi : l’amour impossible qu’elle éprouve pour Charles, le petit fils de Mme de B. Ourika est alors accusée de mauvaise foi par la marquise de…, celle qui lui avait déjà ôté tout espoir dans un premier temps. Il est impensable pour la marquise que la jeune fille puisse éprouver d’autre peine sinon celle causée par un homme. La critique féministe se lit ici à travers cette enfant, qu’on accuse d’une passion sans espoir, sans même envisager que la peine ait pu être déclenchée par sa solitude, la ségrégation, son enfermement dans une société qui ne veut manifestement pas d’elle. L’amour du personnage pour Charles, aristocrate, fils de la maréchale, est de ces faits impossible. L’écart social et racial entre les deux est trop important, comme s’ils venaient de deux planètes radicalement opposées, même s’ils ont grandi ensemble. Charles n’a pas de jugement envers Ourika, mais la venue de son mariage avec Anaïs de Thémines l’occupe pleinement et l’éloigne de la jeune fille alors qu’elle est gravement malade. Il est la raison de son épanouissement comme de son flétrissement. En effet, dès le début du roman, la protagoniste expose Charles comme la naissance de sa première peine, lorsque celui-ci commence le collège; il sera également la dernière. La jeune fille, elle, doit rester à la maison, apprendre à plaire à Mme de B, en se cultivant selon ses exigences. La critique de Duras peut se lire dans le cheminement de cette fillette noire qui se découvre à travers un jeune homme aristocrate, (qui, lui, s’abandonne à un mariage arrangé). Elle grandit cachée derrière un jeune homme blanc, comme si cette parure pouvait rendre sa présence plus acceptable. En son absence, elle est éduquée à plaire, à amuser des personnes blanches de haut-rang. La critique féministe se lit à travers le personnage d’Ourika, qui ressent ses premières et dernières émotions à travers un homme, qui grandit manipulée, dans le mensonge, et qui s’éteint pour pouvoir laisser ses pensées pour Charles exister. À travers l’évolution d’Ourika, l’auteure vise les valeurs traditionnelles d’une société patriarcale reposant sur un modèle économique (arrangeant les mariages, commercialisant les humains), ainsi que tous les préjugés raciaux, dont la domination de la race noire par la race blanche. Nous voyons à travers la protagoniste qu’il n’y a pas de place pour ce genre de différence sexuelle et sexuée dans la société française. Que les jeunes filles au XIXème, sont éduquées par et pour quelqu’un, modelée et préparée au mariage, qui se présente comme une finalité en soit. --Zsemp (discuter) 12 décembre 2019 à 00:26 (CET)Zoe Saurais BibliographieRépondre

Chantal Bertrand-Jennings, «  Condition féminine et impuissance sociale : les romans de la duchesse de Duras » », Persée, 30 octobre 2019 [lire en ligne]

Christiane Chaulet Achour, «  Racisme, lactification, exclusion : Ourika de Madame de Duras, 1823 » », ‘’Diacritik, 10 octobre 2019 [lire en ligne]

Christine Fauré, «  L'exclusion des femmes du droit de vote pendant la révolution française et ses conséquences durables » », ‘’Cairn.info’’, 20 septembre[lire en ligne]

Claire de Duras, Ourika, Paris, Flammarion, coll. « du Compte, de Mansfield, Scone Palace, Perth, Écosse », 2010 Modèle:978-2-0812-4559-4

Helene Diaz Brown, «  Voyage colonial et images opprimantes de la femme « noire » : Ourika de Claire de Duras et certaines œuvres picturales » », ‘’Muse, 30 octobre 2019 [lire en ligne]

Marie-Bénédicte, Diethelm, Paris, Gallimard, coll. « Folio/Classique », 2007 Modèle:978-2-07-030988-7 — Le message qui précède, non signé, a été déposé par Zsemp (discuter), le 11 décembre 2019 à 23:58 (CET)Répondre

Mary Donaldson-Evans, «  Douceur de la vengeance : portraits masculins dans Ourika de Claire de Duras » », ‘’Itinéraires’’, 5 novembre[lire en ligne]

Doris Y. Kadish, Ourika’s Three Versions, Kent, The Kent State University Press (Women’s Writing), 1994, 228 p.

--Zsemp (discuter) 12 décembre 2019 à 00:26 (CET)Zoe SauraisRépondre

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