Fête nationale de Jeanne d'Arc et du patriotisme
La Fête nationale de Jeanne d'Arc et du patriotisme est une fête nationale officielle en France, instituée en 1920, célébrée chaque année lors du deuxième dimanche du mois de mai, jour anniversaire de la libération d'Orléans le par l'armée française, sous le commandement de Jeanne d'Arc.
Fête nationale de Jeanne d'Arc | |
Statue équestre de Jeanne d'Arc sur la place des Pyramides à Paris[1]. | |
Nom officiel | Fête nationale de Jeanne d'Arc et du patriotisme |
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Observé par | France |
Type | Fête nationale |
Signification | Commémoration en hommage à Jeanne d'Arc |
Date | Deuxième dimanche du mois de mai |
Lié à | Mythes de Jeanne d'Arc, Fêtes johanniques d'Orléans |
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Ce jour n'est pas férié et ne doit pas être confondu avec la Sainte Jeanne d'Arc, célébrée par l'Église catholique le , jour de son exécution sur le bûcher en 1431.
Instauration
modifierAu cours des siècles, et principalement à partir du XIXe siècle, la figure historique de Jeanne d'Arc a été reprise par de nombreux auteurs pour illustrer ou cristalliser des messages religieux, philosophiques ou politiques. Dans le domaine politique, elle est devenue un symbole national français lors de la guerre franco-allemande de 1870 puis est reprise par de nombreux partis et figures politiques qui vont du parti socialiste jusqu'à l'extrême-droite. Dès 1894, Joseph Fabre proposa une fête annuelle de Jeanne d'Arc baptisée « fête du patriotisme »[2],[3].
Elle est instaurée par la loi du [4], adoptée à l'unanimité par la Chambre des députés et le Sénat, sur proposition du député et écrivain Maurice Barrès, quelques semaines après la canonisation de Jeanne d'Arc.
Célébrations officielles
modifierLa célébration est toujours en vigueur et fait partie des douze journées nationales organisées chaque année par le ministère de la Défense[5]. Une cérémonie militaire a lieu traditionnellement devant la statue équestre de Jeanne d'Arc sur la place des Pyramides, à Paris[6].
À Orléans, une grande fête johannique est organisée chaque année à la même période, réunissant les autorités militaires, religieuses et civiles, mais elle n'a pas de lien direct avec cette fête nationale[7]. Les fêtes johanniques d'Orléans sont en effet bien antérieures à la loi de 1920, puisqu'elles sont organisées dès le XVe siècle.
La statue de Jeanne d'Arc réalisée par Georges Halbout du Tanney est inaugurée à deux reprises lors de la fête de Jeanne d'Arc : d'abord à Alger en 1951, puis après l'indépendance de l'Algérie, à Vaucouleurs en 1966[réf. nécessaire].
Défilés de l'extrême droite
modifierDivers mouvements d'extrême droite firent rapidement de cette fête leur point de ralliement, dont l'Action française (AF)[5], les Camelots du roi et les Croix-de-feu[2].
Le Front national s'y joignit à partir de 1979[8] jusqu'en 1988, lorsque le FN décide de défiler seul et le premier mai : le parti indique alors que ce changement de date visait à briser le « monopole syndicalo-gauchiste » et à rassembler l'hommage à Jeanne d'Arc et la fête du Travail du maréchal Pétain[9].
En 2010, le défilé est organisé en même temps que celui du Comité du 9-Mai (C9M) et mobilise jusqu'à 700 personnes. Plusieurs mouvements politiques, tels la Nouvelle droite populaire de l'ancien député alsacien Robert Spieler, Terre et Peuple de Pierre Vial, les Nationalistes autonomes de Lorraine, le Renouveau français, le Groupe union défense et les Jeunesses nationalistes révolutionnaires de Serge Ayoub, participent à cette manifestation[10].
En 2015, un défilé est organisé à l'appel de Civitas, de Béatrice Bourges et d'Alain Soral. D'après Libération, Jany Le Pen fait une apparition remarquée lors de la manifestation. Des slogans tels que « Islam, hors d'Europe » et « Hollande démission, République dissolution » sont scandés par des manifestants[11].
En 2016, le défilé rassemble Civitas, le Parti nationaliste français et l'AF. Le pétainiste Pierre Sidos est invité à s'exprimer lors de la manifestation, et évoque sa nostalgie de l'Algérie française et de l'Occupation. D'autres partis européens sont également invités, notamment PEGIDA, Aube dorée et un parti phalangiste. Plus de 1 000 personnes participent à la manifestation[12].
En 2022, le défilé rassemble des militants de l'AF, de Civitas, du Parti de la France, du C9M et des Nationalistes (ex-Parti nationaliste français). Des slogans antirépublicains et antimaçonniques sont scandés lors de la manifestation[13].
Épisode de mai 2023
modifierEn 2023, la secrétaire d'État chargée de la Citoyenneté Sonia Backès annonce l'interdiction du défilé, dont l'organisation était prévue par l'Action française. Cette interdiction survient après une manifestation polémique du C9M, et la circulaire introduite subséquemment par le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin instruisant l'« interdiction des manifestations et rassemblements de l'ultradroite »[14]. D'autres manifestations, l'une organisée par Les Nationalistes, l'autre par l'organisation souverainiste Penser la France et une autre par un groupe se réclamant du mouvement des Gilets jaunes et l'association de militaires Place d'armes, sont également interdites[15],[16].
L'Action française voit son référé-liberté l'emporter au tribunal administratif de Paris, lui permettant ainsi de se rassembler le , le tribunal estimant que l'arrêté de la préfecture de police visant à son interdiction « porte une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté de manifester ». L'État se voit contraint de verser la somme de 1 500 € au mouvement royaliste. Le groupuscule Les Nationalistes, quant à lui, voit son recours être rejeté[16].
Le groupe de Gilets jaunes dont la manifestation a été interdite défile malgré l'interdiction, et 62 d'entre eux sont verbalisés[16]. Environ 500 personnes se rendent à la manifestation de l'Action française[17].
Notes et références
modifier- Christel Sniter, « La guerre des statues. La statuaire publique, un enjeu de violence symbolique : l'exemple des statues de Jeanne d'Arc à Paris entre 1870 et 1914 », Sociétés & Représentations, Paris, Éditions de la Sorbonne, no 11, , p. 263-286 (ISSN 1262-2966, DOI 10.3917/sr.011.0263, lire en ligne).
- Winock 1997.
- Sanson 1973.
- « Loi instituant une fête nationale de Jeanne d'Arc, fête du patriotisme », Journal officiel de la République française, no 191, 52e année, , p. 10018 (lire en ligne).
- Dominique Albertini, « Pourquoi le Front national défile-t-il le ? », Libération, (lire en ligne).
- « Célébration de la fête de Jeanne-d'Arc », question écrite no 6430 du sénateur Albert Voilquin, dans le Journal officiel Sénat, , p. 1317, et réponse du Premier ministre, Journal officiel Sénat, , p. 2196.
- « Les Fêtes de Jeanne d'Arc », sur tourisme-orleansmetropole.com, Orléans Val de Loire Tourisme (consulté le )
- Valérie Igounet, « Jeanne d'Arc... le FN d'hier à aujourd'hui », sur Derrière le Front, France Télévisions, .
- Valérie Igounet, « Le , il arrive qu'il pleuve aussi », sur Derrière le Front, France Télévisions, (consulté le ).
- Olivier Faye, Abel Mestre et Caroline Monnot, « : un ancien du GUD menace des journalistes » , sur Droite(s) extrême(s), Le Monde, (consulté le ).
- Bernadette Sauvaget, « A cheval, Civitas veut «délivrer la France» » , Libération, (consulté le ).
- « Paris : des cortèges d'extrême droite en l'honneur de Jeanne d'Arc » , Le Point, (consulté le ).
- Pierre Plottu et Maxime Macé, « Salut nazi, prière de rue et agression, les fafs manifestent dans Paris » , sur StreetPress, (consulté le ).
- « Une manifestation d'extrême droite interdite dimanche à Paris » , Libération, (consulté le ).
- Camille Polloni, « À Paris, l'extrême droite privée de ses manifestations du week-end » , sur Mediapart, (consulté le ).
- Vincent Vantighem et Fanny Rocher, « Ultradroite: la justice suspend l'interdiction de la manifestation de l'Action française prévue dimanche à Paris », BFM TV, (consulté le ).
- « Environ 500 personnes à la manifestation finalement autorisée de l’Action française » , L'Obs, (consulté le ).
Bibliographie
modifier- Jean-Patrice Boudet (dir.) et Xavier Hélary (dir.), Jeanne d'Arc : Histoire et mythes, Rennes, Presses universitaires de Rennes, coll. « Histoire », , 292 p. (ISBN 978-2-7535-3389-9, présentation en ligne).
- Olivier Bouzy, « Idéologie ou historiographie : Évolution de l'image de Jeanne d'Arc du XVIe au XXIe siècle », Connaissance de Jeanne d'Arc, Chinon, no 33, , p. 25-42 (lire en ligne).
- Boris Bove, Le temps de la guerre de Cent ans : 1328-1453, Paris, Belin, coll. « Histoire de France », , 669 p. (ISBN 978-2-7011-3361-4), chap. 15 (« L'atelier de l'historien. Entre histoire et mémoire : Jeanne d'Arc, une héroïne disputée »), p. 541-563.
- Philippe Contamine, « Jeanne d'Arc dans la mémoire des droites », dans Jean-François Sirinelli (dir.), Histoire des droites en France, t. II, Paris, Gallimard, coll. « NRF essais », , XI-771 p. (ISBN 2-07-072747-5), p. 399-435.
- Philippe Contamine, Olivier Bouzy et Xavier Hélary, Jeanne d'Arc. Histoire et dictionnaire, Paris, Robert Laffont, coll. « Bouquins », , 1214 p. (ISBN 978-2-221-10929-8).
- Ton Hoenselaars (dir.) et Jelle Koopmans (dir.), Jeanne d'Arc entre les nations, Amsterdam / Atlanta, Rodopi, coll. « CRIN. Cahiers de recherches des Instituts néerlandais de langue et littérature françaises » (no 33), , 147 p. (ISBN 90-420-0338-3).
- Rémi Dalisson, « Les nouvelles fêtes nationales : Fusions et confusions, République et douleur », dans Célébrer la nation : Les fêtes nationales en France de 1789 à nos jours, Paris, Nouveau Monde, , 543 p. (ISBN 978-2-84736-324-1), p. 292–303.
- Gerd Krumeich (trad. de l'allemand par Josie Mély, Marie-Hélène Pateau et Lisette Rosenfeld, préf. Régine Pernoud), Jeanne d'Arc à travers l'histoire [« Jeanne d'Arc in der Geschichte : Historiographie, Politik, Kultur »], Paris, Albin Michel, coll. « Bibliothèque Albin Michel / Histoire », , 348 p. (ISBN 2-226-06651-9).
- Gerd Krumeich, « Maurras, les maurrassiens et Jeanne d'Arc », dans Michel Leymarie (dir.), Olivier Dard (dir.), Jacques Prévotat (dir.) et Neil McWilliam (dir.), L'Action française : Culture, société, politique, vol. 3 : Le maurrassisme et la culture (colloque, -, Paris, organisé par le Centre d'histoire de Sciences Po, l'IRHIS, le CRUHL et les Visual Studies de l'Université Duke), Villeneuve-d'Ascq, Presses universitaires du Septentrion, coll. « Histoire et civilisations », , 370 p. (ISBN 978-2-7574-0147-7, lire en ligne), p. 197-207.
- (en) Neil McWilliam, « Conflicting Manifestations : Parisian Commemoration of Joan of Arc and Etienne Dolet in the Early Third Republic », French Historical Studies, vol. 27, no 2, , p. 381-418 (DOI 10.1215/00161071-27-2-381).
- Yann Rigolet, « Entre procès d'intention et générations successives : Historiographie du mythe Jeanne d’Arc de la Libération à nos jours », dans François Neveux (dir.), De l'hérétique à la sainte : Les procès de Jeanne d'Arc revisités (actes du colloque organisé par l'Office universitaire d'études normandes de l'université de Caen – Basse-Normandie, et tenu au Centre culturel international de Cerisy-la-Salle du au ), Caen, Presses universitaires de Caen, coll. « Symposia / Colloques de Cerisy », , 343 p. (ISBN 978-2-84133-421-6, lire en ligne), p. 249-272.
- Rosemonde Sanson, « La « Fête de Jeanne d'Arc » en 1894 : Controverse et célébration », Revue d'histoire moderne et contemporaine, vol. 20, no 3, , p. 444–463 (DOI 10.3406/rhmc.1973.2259, JSTOR 20528136, lire en ligne).
- Lorella Sini, « De l'icône à l'exemple historique : Le discours de commémoration de Jeanne d'Arc par Marine Le Pen », Argumentation et analyse du discours, no 16, (DOI 10.4000/aad.2189, lire en ligne).
- Michel Winock, « Jeanne d'Arc », dans Pierre Nora (dir.), Les lieux de mémoire, t. III : Les France, vol. 3 : De l'archive à l'emblème, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque illustrée des histoires » (no 3), , 1034 p. (ISBN 2-07-072304-6), p. 674-733.
- Michel Winock, « Jeanne d'Arc est-elle d'extrême droite ? », L'Histoire, no 210, , p. 60.