Risque de génocide à Gaza depuis 2023

génocide de la population palestinienne de la bande de Gaza lors de l'opération militaire de l'armée Israélienne en 2023 et 2024
(Redirigé depuis Génocide de Gaza)

Des experts, des gouvernements, des agences des Nations Unies et des ONG ont accusé Israël de perpétrer un génocide contre le peuple palestinien lors de son invasion et de ses bombardements de la bande de Gaza dans le cadre de la guerre en cours entre Israël et le Hamas. Les experts des Nations Unies ont déclaré que les graves violations commises par Israël à l'encontre des Palestiniens après l'attaque du Hamas contre Israël d'octobre 2023, en particulier à Gaza, indiquent un génocide en cours. Ils ont présenté des preuves d'une incitation croissante au génocide, d'une intention manifeste de « détruire le peuple palestinien sous occupation », d'appels répétés à une « seconde Nakba » à Gaza et dans le reste des territoires palestiniens occupés, ainsi que de l'utilisation d'armements puissants aux effets intrinsèquement indiscriminés, entraînant un bilan humain colossal et la destruction d'infrastructures vitales[1],[2]. Un rapport de Francesca Albanese, rapporteuse spéciale des Nations Unies sur les territoires palestiniens, intitulé Anatomie d'un génocide, évoque trois actes de génocide qui auraient été commis à l'encontre du peuple palestinien à Gaza[3]. Divers observateurs ont cité des déclarations de hauts responsables israéliens qui pourraient indiquer une « intention de détruire » (en tout ou en partie) la population de Gaza, une condition nécessaire pour qu'une des actes soient considérés légalement comme génocidaires. Une majorité d'universitaires du Moyen-Orient, principalement basés aux États-Unis, pensent que les actions d'Israël à Gaza visaient à la rendre inhabitable pour les Palestiniens, et 75 % d'entre eux affirment que les actions d'Israël à Gaza constituent soit des « crimes de guerre majeurs s'apparentant à un génocide », soit un « génocide ».

Risque de génocide à Gaza
Image illustrative de l’article Risque de génocide à Gaza depuis 2023
Des funérailles dans la bande de Gaza en 2023.

Date depuis le
Lieu Drapeau de la Palestine Palestine
Drapeau d’Israël Israël
Victimes Palestiniens
Type Génocide, Châtiment collectif, Nettoyage ethnique, Déplacement forcé, Répression à l'aveugle
Morts 42000 selon les chiffres du ministère de la santé gazaoui (contrôlé par le Hamas)

Plus de 186000 selon la revue The Lancet

Auteurs Armée israélienne
Ordonné par Gouvernement israélien
Motif Remplacement de population
Établissement d'un Grand Israël
Guerre Conflit israélo-palestinien
Conflit Gaza-Israël
Conflit israélo-arabe

Définition juridique du génocide

Le terme de génocide a été créé en 1944 par le juriste Raphaël Lemkin.

L'ONU en a donné une définition juridique dans la convention du 9 décembre 1948 pour la prévention de la répression du crime de génocide (art II)[4]: "Le génocide s'entend de l'un quelconque des actes ci-après, commis dans l'intention de détruire, ou tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel : meurtre de membres du groupe ; atteinte grave à l'intégrité physique ou mentale de membres du groupe ; soumission intentionnelle du groupe à des conditions d'existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle ; mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe; transfert forcé d'enfants du groupe à un autre groupe"[5].

Cette définition est le résultat d’un processus de négociation et reflète le compromis obtenu par les États Membres des Nations Unies lors de la rédaction de la Convention en 1948.

La convention pour la prévention et la répression du crime de génocide précise : "La définition du génocide se compose de deux éléments, à savoir l’élément physique, qui renvoie aux actes commis, et l’élément mental, qui renvoie à l’intention. L’intention est l’élément le plus difficile à déterminer. Pour qu’il y ait génocide, il doit y avoir une intention avérée de la part des auteurs de détruire physiquement un groupe national, ethnique, racial ou religieux. La destruction culturelle ne suffit pas, ni l’intention de simplement disperser un groupe, bien qu’elle puisse constituer un crime contre l’humanité tel qu’indiqué dans le Statut de Rome. C’est cette intention spécifique, ou dolus specialis, qui fait du génocide un crime si unique. Pour parler de génocide, il doit également être établi que les victimes sont ciblées de manière délibérée et non aléatoire, en raison de leur appartenance réelle ou perçue à l’un des quatre groupes protégés par la Convention. Cela signifie que la cible de la destruction doit être le groupe en tant qu’entité, ou même une partie du groupe, mais pas ses membres à titre individuel"[6].

Contexte

Après les attaques du par le Hamas, Yoav Gallant, ministre de la Défense israélien, a déclaré : « Nous combattons des animaux humains, et nous agissons en conséquence »[7]. Avi Dichter, ministre israélien de l'Agriculture, a appelé à ce que la guerre soit une "Nakba de Gaza" sur la chaîne 12[8]. Amihai Eliyahu, ministre israélien du Patrimoine, a appelé à larguer une bombe atomique sur Gaza[8]. Le président d'Israël Isaac Herzog a blâmé toute la Palestine pour l'attaque du 7 octobre[9].

Le général-major Ghassan Alian (en), directeur du coordinateur des activités gouvernementales dans les territoires, a déclaré : « Il n'y aura ni électricité ni eau (à Gaza), il n'y aura que destruction. Vous vouliez l'enfer, vous aurez l'enfer, »[7]. La membre du Parti républicain de la Chambre des représentants de Floride, Michelle Salzman (en), a déclaré à la Chambre que la mort de tous à Gaza serait une réponse à une question rhétorique[10].

Au , plus de 21 000 Palestiniens, dont plus de 8 000 enfants, 6 200 femmes aurait été tués, de même que 61 journalistes[11]. Selon certaines estimations, des milliers de corps supplémentaires ont été enterrés sous les décombres[12],[13],[14]. La guerre, toujours en cours, et l'absence d'enquête indépendante rendent difficile la qualification juridique de la situation dans la bande de Gaza.

Plainte de l'Afrique du Sud contre Israël pour génocide

Saisie de la Cour internationale du justice, décembre 2023

Le 29 décembre 2023, l'Afrique du Sud saisit la Cour internationale de justice en vertu de la convention de Genève pour enquêter sur Israël pour des allégations de génocide, de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité[15]. L'Afrique du Sud lance cette requête pour dénoncer ce qu’elle estime être le caractère « génocidaire » de l’invasion israélienne à Gaza. Dans sa requête, l’Afrique du Sud affirme qu’Israël « s'est livré, se livre et risque de continuer à se livrer à des actes de génocide contre le peuple palestinien à Gaza ». Elle dénonce des « massacres » et une intention de « détruire » ce peuple. Elle indique également que « L'État israélien, y compris aux plus hauts niveaux, du président, du Premier ministre et du ministre de la Défense israéliens expriment une intention génocidaire »[16]. Le président de l'Afrique du Sud, Cyril Ramaphosa, a comparé les actions d'Israël à l'apartheid[17]. Israël a nié les allégations et a accusé l'Afrique du Sud de collaborer avec le Hamas[15]. Israël a qualifié les actions de l'Afrique du Sud d'accusation antisémite de meurtre rituel[18]. Les États-Unis, principal soutien d’Israël, a qualifié cette accusation de génocide d’ « infondée, contre-productive et basée sur aucun fait »[16]. Le , Israël a décidé de comparaître devant la CIJ en réponse à l'affaire présentée par l'Afrique du Sud selon laquelle Israël commettrait un génocide[19].

Première décision de la Cour internationale de justice, 26 janvier 2024

La Cour internationale de justice rend une première décision le 26 janvier 2024, par laquelle elle considère comme plausible l’accusation de génocide dirigée contre Israël, indique six mesures conservatoires, mais s'abstient d'évoquer un cessez-le-feu à Gaza[20]. La Cour ordonne notamment à Israël d'empêcher tout éventuel acte génocidaire, de prendre des mesures immédiates permettant de fournir aux Palestiniens « l’aide humanitaire dont ils ont un besoin urgent »[21]. Israël doit aussi « prévenir et punir » l’incitation au génocide[22]. Cette décision a « l'impact symbolique « énorme » de toute décision rendue contre l'État hébreu au titre de la Convention sur le génocide, compte tenu de son histoire » selon une analyse pour l'AFP de Juliette McIntyre, experte en droit international à l'Université d'Australie du Sud[23]. Les livraisons d'armes à Israël deviennent plus problématiques du fait de la mention par la Cour d'un risque de génocide à Gaza. De même, selon le site Mediapart, cette décision marque « un tournant dans la guerre », qu'elle soit mise en œuvre ou non par l'État hébreu[24].

La Cour internationale de justice (CIJ) a pourtant rejeté la saisie de l’Afrique du Sud, imputant à Israël la commission d’un « génocide » à Gaza ; interrogée par la BBC, Joan Donoghue, ex-directrice de la CIJ, a été très claire : "la CIJ n'a pas indiqué que l'accusation de génocide était plausible"[25],[26]. L’organe judiciaire, dans son ordonnance du 26 janvier 2024, demande simplement à Tel Aviv de prendre toutes les mesures pour "prévenir et punir l'incitation directe et publique à commettre" un génocide et à "prendre toutes les mesures en son pouvoir pour prévenir la commission" des actes matériels (la destruction de tout ou partie d'un groupe) entrant dans la définition d'un génocide, sans se prononcer sur un éventuel élément moral[27],[28].

Rapport de Francesca Albanese à l'ONU en mars 2024

En , Francesca Albanese, rapporteuse spéciale des Nations unies sur les territoires palestiniens occupés, livre un rapport intitulé Anatomie d’un génocide, selon lequel « il existe des motifs raisonnables de croire que le seuil permettant de qualifier la situation de génocide a été atteint[29] ».

Le texte distingue trois actes de génocide qui auraient été commis contre les Palestiniens, et qui comptent parmi les cinq actes inscrits dans la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide de 1948[30]  : le meurtre direct des membres du groupe ; les dommages physiques ou psychiques causés aux membres du groupe ; « la soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle »[31].

Le rapport évoque aussi un « nettoyage ethnique » de Gaza[32].

Les autorités israéliennes ayant affirmé leur respect du droit international humanitaire dans leur conduite de la guerre, Francesca Albanese déclare que l'Etat hébreu a « invoqué ce droit comme un "camouflage humanitaire" afin de légitimer la violence génocidaire qu’il déploie à Gaza »[33]. Le rapport accuse les dirigeants israéliens d’avoir dans les faits traité « un groupe entier » comme s'il était « terroriste » ou « soutenant le terrorisme », pour « transformer ainsi tout et tout le monde en cible ou en dommages collatéraux »[30].

Pertes humaines

Le rapport fait état en mars 2024 de « 30 000 morts, 12 000 disparus (sous les décombres) et 71 000 blessés graves »[34].

Le blocus de la bande de Gaza pratiqué par Israël a provoqué des morts dues à la famine, notamment la mort de 10 enfants par jour, les habitants ayant été privés des moyens de se procurer une nourriture suffisante, selon le rapport Anatomie d’un génocide[31].

Les bombardements de la bande de Gaza ont conduit au largage, dans les premiers semaines de la guerre, de « plus de 25 000 tonnes d'explosifs » - soit l'équivalent de deux bombes nucléaires - sur des quartiers densément peuplés[31].

70% des personnes tuées à Gaza sont des femmes et des enfants, selon les chiffres du ministère de la santé du Hamas[31]. Les 30% restants sont des hommes, mais Israël n'a pas fourni les preuves permettant d'établir que ces victimes masculines étaient armées[31].

Atteintes à l'intégrité physique ou mentale

Selon le rapport Anatomie d’un génocide, « infliger des dommages corporels ou mentaux graves aux enfants peut raisonnablement être interprété comme un moyen de détruire le groupe en totalité ou en partie »[31].

Le blocus de la bande de Gaza par Israël a mis en danger la santé des Palestiniens, en raison de l'absence d'approvisionnement en médicaments et en désinfectants[31]. Des opérations sans anesthésie ont dû être pratiquées, y compris des amputations sur des enfants[31].

Des milliers d'hommes et de jeunes garçons palestiniens ont été emprisonnés par Israël selon le rapport ; ces détentions se sont accompagnées dans un grand nombre de cas de mauvais traitements, d'actes de torture, qui ont provoqué des « incapacités à long terme », et parfois la mort[31].

Les Palestiniens « ont subi des dommages physiques et psychologiques incessants » durant cette guerre selon le rapport[31].

Conditions de vie devant entraîner la destruction du groupe

Priver un groupe des moyens de se perpétuer - même sans porter atteinte directement aux membres du groupe - constitue un acte de génocide[31]. Relèvent de ce type d'action, selon le rapport, les destructions dans les opérations militaires israéliennes des hôpitaux (en), des terres agricoles, du bétail, des équipements de pêche, des moyens de télécommunication, des établissements d'enseignement et du patrimoine culturel palestinien[31].

Le rapport relève des déclarations publiques de responsables israéliens comme celle du ministre de la Défense israélien, Yoav Gallant, qui avait assumé le 9 octobre 2023 le fait qu'un « siège complet  » de Gaza tel qu'il le mettrait en oeuvre signifiait qu'il n'y aurait « pas d'électricité, pas de nourriture, pas d'eau, pas de carburant », ou le propos semblable d'Israël Katz, alors ministre de l'Energie, le 12 octobre 2023[31].

Les accusations portées par Israël contre l'UNRWA (Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient) selon lesquelles cette agence des Nations unies comptait parmi ses employés ses combattants du Hamas, avaient provoqué le retrait de certains donateurs étatiques, et une exacerbation de la catastrophe humanitaire dans l'enclave palestinienne[31].

Nettoyage ethnique

Des civils qui, obéissant aux ordres d'évacuation, s'étaient déplacés vers le sud de la bande de Gaza, ont été néanmoins tués[30]. Ce constat, associé aux propos de dirigeants israéliens planifiant le déplacement massif de Palestiniens hors de Gaza et le remplacement de ces habitants par des colons israéliens, « conduisent raisonnablement à déduire que les ordres d’évacuation et les zones de sécurité ont été utilisés comme des outils génocidaires pour parvenir à un nettoyage ethnique », selon le rapport[30].

« Camouflage humanitaire »

Le rapport dénonce une instrumentalisation du droit international en vue de légitimer un génocide présumé[33]. Ainsi par exemple le gouvernement israélien allègue l'utilisation des civils par le Hamas comme boucliers humains, alors qu'une telle situation ne dispense pas un Etat de distinguer civils et combattants[33],[35]. La notion d’objectif militaire a été étendue à l'ensemble du territoire gazaoui[33],[35]. Le concept de « dommage collatéral » est devenu un élément habituel du langage politique israélien en vue de masquer un massacre de masse[33],[35]. Les ordres d’évacuation, présentés comme une preuve du respect du droit humanitaire, auraient été employés comme un moyen d'épuiser la population[35] - raison pour laquelle l’Assemblée générale de l'ONU exige dans la résolution du 26 octobre 2023 qu'Israël revienne sur son premier ordre d’évacuation du nord de Gaza[33].

Recommandations

Le rapport recommande aux États de mettre en place un embargo sur les armes contre Israël, d'instaurer un cessez-le-feu à Gaza, et de protéger l'enclave palestinienne en y envoyant une force internationale[33]. Il recommande aussi de poursuivre le soutien financier à l'UNRWA. L'Union européenne est appelée à suspendre son accord d'association avec Israël[36].

Les autorités israéliennes ont nié l'ensemble des faits évoqués dans le rapport, ou ont fourni des justifications fondées sur les nécessités imposées par le terrain, et accusé Francesa Albanese de chercher à délégitimer l'existence d'Israël[30].

Yann Barte dans Franc-tireur met en cause la neutralité de la rapporteuse et de l'instance à laquelle elle appartient - Le Conseil des Droits de l'Homme[37][non neutre]

Discours académique et juridique

Marie Lamensch, coordonnatrice de projets à l’Institut montréalais d’études sur le génocide et les droits de la personne de l’Université Concordia, à Montréal, explique qu’il faudra encore des années pour déterminer si un génocide est en cours, selon les définitions du droit international, tout en déplorant que le débat sur les termes juridiques occulte une situation humanitaire « horrible »[29]. Le professeur de droit à l'Université du Middlesex William Schabas explique que la difficulté réside dans le fait qu'il faille prouver les intentions génocidaires des dirigeants israéliens[29].

Or, certains universitaires citent les déclarations israéliennes qu'ils considèrent comme constituant une « intention de détruire » la population de Gaza, une condition nécessaire pour que le seuil légal du génocide soit atteint[38]. Le politologue Norman Finkelstein, auteur d'une étude sur l'industrie de l'Holocauste, affirme que Benjamin Netanyahu en appelant les Palestiniens Amalek fait un appel au génocide[39]. Il accuse Israël de mener une « guerre génocidaire »[40]. Dès octobre 2023, l'historien israélien Raz Segal qualifie la guerre de « cas typique de génocide »[9],[41]. Les attaques d'Israel contre les infrastructures, l'eau et la nourriture sont également qualifiées de génocidaires, par la spécialiste du génocide arménien Elyse Semerdjian[42]. Le 19 octobre 2023, les chercheurs Raz Segal, Barry Trachtenberg, Robert McNeil, Damien Short, Taner Akçam et Victoria Sanford, s'associent à une lettre adressée au procureur de la Cour pénale internationale, Karim Khan, par cent organisations issues de la société civile, l'appelant à émettre des mandats d'arrêt contre des responsables israéliens pour des affaires antérieures au 7 octobre ; à enquêter sur de nouveaux crimes commis dans les Territoires palestiniens, y compris l'incitation au génocide, depuis le 7 octobre ; à émettre une déclaration préventive contre les crimes de guerre ; et à rappeler à tous les États leurs obligations envers le droit international. La lettre affirme que les déclarations des responsables israéliens montrent une « intention claire de commettre des crimes de guerre, des crimes contre l'humanité et une incitation à commettre un génocide, en utilisant un langage déshumanisant pour décrire les Palestiniens »[43],[44],[45].

Le 10 novembre 2023, l'historien spécialiste de la Shoah Omer Bartov déclare « Ma principale préoccupation, en observant le déroulement de la guerre Israël-Gaza, est qu'il y ait une intention génocidaire, qui puisse facilement conduire à une action génocidaire[46] ». En réponse, cinq spécialistes de l'Holocauste, tout en reconnaissant des « déclarations ignobles de la part des responsables israéliens, qui ne peuvent être ignorées »[47], ont souligné que seuls quelques responsables avaient fait de telles déclarations et les ont justifiées en faisant référence aux crimes du Hamas. Les cinq spécialistes ont fait valoir que le langage déshumanisant n'était « pas une preuve d'intention génocidaire ». Bartov déclare plus tard qu'à partir de mai 2024, « il n'était plus possible de nier qu'Israël était engagé dans des crimes de guerre systématiques, des crimes contre l'humanité et des actions génocidaires », tout en notant que très peu de personnes en Israël (hormis les Palestiniens) étaient prêtes à accepter ce point de vue[48].

Le sociologue et spécialiste du génocide Martin Shaw soutient que le terme « génocide » est sous-utilisé, car les États souhaitent « éviter la responsabilité de prévenir et punir » qu'impose la convention ; de plus, il soutient qu'il existe « une aversion particulière à enquêter sur ses implications pour la conduite d'Israël. Les États occidentaux continuent de le protéger, croyant à tort que les Juifs, ayant été les principales victimes historiques du génocide, ne peuvent en être également les auteurs. »[49],[50] En janvier 2024, l'article de Shaw, « Inescapably Genocidal », publié dans le Journal of Genocide Research, note que l'application du cadre du génocide à la Palestine a, selon un commentateur, « habituellement suscité des réactions fanatiques », mais que la nature de l'assaut israélien sur Gaza « représente un choix stratégique » plutôt qu'une conséquence involontaire, et qu'il est donc justifié et inévitable de l'appeler génocide[51].

À l'extermination des êtres humains, s'ajoute la destruction du patrimoine culturel et historique palestinien, à laquelle l'armée israélienne se livre de manière massive et méthodique. Constitutive du génocide, cette composante de destruction patrimoniale est relativement documentée, malgré les difficultés à le faire en raison de la poursuite des bombardements, destructions et massacres à Gaza[52].

Ces analyses sont cependant contestées par d'autres universitaires ou juristes pour qui les actions israéliennes ne constituent pas un génocide. Cela a ainsi été contesté par Dov Waxman président du département d'études israéliennes à l'UCLA[38], l'avocat Alan Dershowitz[40], le professeur David Simon et Ben Kiernan de l'université Yale[9]. Ces deniers soulignent notamment que la guerre à Gaza est défensive - il s'agit d'une riposte à l'attaque terroriste du 7 octobre 2023 - et vise le Hamas et non spécifiquement les civils. La référence à Amalek désignerait d'ailleurs le Hamas et pas les Palestiniens dans leur ensemble[40]. Ils estiment que l'intention attribuée à l'armée israélienne de détruire un groupe (religieux, ethnique ou raciale) n'est pas démontrée en l'état et que, malgré les nombreuses victimes civiles palestinienne de Gaza, leur nombre n'atteint pas le seuil très élevé requis pour correspondre à la définition juridique du génocide[43].[pertinence contestée]

Julia Sebutinde, juge ougandaise à la CIJ, ayant notamment contribué à l'écriture des lois anti-apartheid en Namibie, a pour sa part indiqué douter fortement de toute "intention génocidaire" des dirigeants israéliens et dénonce "l'idéologisation" de la justice internationale[28].

En France, les tenants de la "contextualisation" et de la remise en perspective historique de l'attaque du 7 octobre par le Hamas, tel que l'anthropologue Didier Fassin, dénoncent l'acquiescement occidental "au massacre et à la destruction, voire à un possible génocide par l’État d’Israël"[53],[54],[55]. D'autres universitaires estiment qu'il ne peut y avoir d'amalgame entre guerre et génocide, que "l’État d’Israël a été attaqué sur son territoire souverain" dans lequel "il a le droit et l’obligation de protéger sa population" et donc dispose de la légitimité à prendre les mesures pour que cela ne se reproduise pas. Ils jugent aussi qu'on ne peut exonérer le Hamas de sa responsabilité vis à vis de sa propre population utilisée comme bouclier humain et dont le calvaire pourrait cesser avec la libération des otages[56],[57],[58],[54]. Enfin, certains intellectuels dénoncent une "inversion victimaire" se traduisant par "la nazification" de la victime (les Juifs) alors que, pourtant, l'intention génocidaire visant les Juifs est clairement formulée et répétée par le Hamas[59],[60],[61],[62],[63],[64].[pertinence contestée]

Documentation

Euro-Mediterranean Human Rights Monitor (organisation indépendante à but non lucratif pour la protection des droits de l'homme) documente des preuves d'exécutions commises par les Forces de défense israéliennes. Elle a soumis les preuves et la documentation à la Cour pénale internationale et au rapporteur spécial des Nations unies[65].

Notes et références

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Articles connexes

Bibliographie

Articles de presse

Articles issues de la littérature scientifique

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Ouvrages