Gotland (cheval)

race de chevaux

Le Gotland (suédois : Gotland Russ) ou Skogsruss, est une race de poneys originaire de l'île du même nom, à l'est de la Suède. Ce poney autochtone rustique, proche des chevaux des Goths, a longtemps vécu dans l'isolement des forêts de son île natale. Menacé de disparition à la fin du XIXe siècle et au cours du siècle suivant, il est croisé avec des chevaux orientaux et Welsh, sans traces notables sur son modèle. Le gouvernement suédois se mobilise pour sa préservation. En 1943, son stud-book est fondé.

Gotland
Poney Gotland bai pangaré, au modèle.
Poney Gotland bai pangaré, au modèle.
Région d’origine
Région île de Gotland, Drapeau de la Suède Suède
Caractéristiques
Registre généalogique (sv) Svenska Russavelsföreningen
Taille 1,15 m à 1,30 m
Robe Généralement baie ou noire.
Tête Profil rectiligne
Pieds Très solides
Caractère Énergique, intelligent, amical
Statut FAO (conservation) En dangerVoir et modifier les données sur Wikidata

Le Gotland est un poney léger, qui présente souvent une robe aux caractères primitifs. Doux et rustique, il est désormais employé en équitation sur poney avec les enfants, et lors de courses de trot. Bien que rare, le Gotland jouit d'une certaine popularité dans toute la Scandinavie, et s'exporte en Amérique du Nord. L'effectif est d'environ 9 000 poneys dans toute la Scandinavie en 2011.

Histoire

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Le Gotland est également nommé Gotland Russ[1] et Skogsruss[2], qui signifie « petit cheval des bois » ou « petit bouc », en référence à son pied sûr[3]. Il vit sur l'île de Gotland dans la mer Baltique, d'où son nom, mais les habitants de l'île l'appellent skogsbaggar, soit « mouton des forêts »[4]. Il constitue l'une des deux races de chevaux autochtones de Suède, avec le Suédois du Nord[5]. Cela en fait la seule race de poney suédoise native[1], et donc le plus ancien et le plus petit des chevaux suédois[6]. Il forme, d'après les observateurs de Gotland, l'animal le plus intéressant parmi le peu d'animaux existant sur cette île[7].

Origine

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Il serait vraisemblablement le plus ancien cheval scandinave[2], l'opinion populaire fait remonter son origine à l'âge de pierre[8] et évoque l'ascendance du Tarpan[9] (qui comme lui présente souvent une raie de mulet, caractère propre aux chevaux primitifs[10],[11]) ou du cheval des forêts du Nord de l'Europe[8]. D'après l'étude de l'université d'Oklahoma, des traces de ces poneys sont attestées dès 1800 av. J.-C.. Ils ressemblent fortement aux chevaux des Goths établis sur l'île de Gotland (à laquelle ils ont donné leur nom) d'après les sculptures montrant des chariots tractés par des chevaux, vers l'an mil. Ces poneys se sont vraisemblablement répandus dans toute l'Europe de l'Est avec les migrations des Goths, mais l'absence de témoignage écrit ne permet pas de s'assurer[8] de leur influence sur d'autres races européennes[3].

Jusqu'au XIXe siècle

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La réforme agraire du Laga skiftet, appliquée sur l'île à partir de 1859, entraîne une augmentation des surfaces cultivées aux dépens des forêts[12]. Les chevaux de l'île qui jusque-là paissaient librement dans les forêts se rabattent sur les champs et commencent à être perçus comme nuisibles par les habitants[12]. Près de 2 000 chevaux (sur les 11 500 estimés sur l'île à l'époque) sont exportés en dehors de l'île rien que dans les années 1870, vers d'autres pays européens où ils servent par exemple dans des mines[12].

La menace d'extinction pousse certains éleveurs à tenter des croisements. Willy Wöhler, de Klintebys, se lance en 1880 en introduisant un étalon issu d'un croisement avec un Arabe ou un Knabstrup. La même époque voit l'irruption de l'étalon Olle 2, réputé pour son endurance et son trot, et issu d'un croisement avec un cheval oriental syrien[13]. Le Gotland connaît un regain de popularité par ces apports de sang oriental[9]. La première inspection de la race est organisée en 1896[13].

XXe et XXIe siècles

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1901 voit la création de deux sociétés de race, AB Gotlands Russtuteri et AB Gotlands Ponystuteri. AB Gotlands Russtuteri est supprimée en 1908, AB Gotlands Ponystuteri obtient seule la gestion de la race, jusqu'en 1912 où elle cesse à son tour son activité. De nouvelles inspections, incluant des poneys semi-sauvages, sont organisées entre 1914 et 1919. Un éleveur fait perdurer l'effectif jusqu'en 1922, le cheptel restant est offert au comté de Gotland contre la promesse de préserver ce poney. La création du stud-book est effective en 1943. La race se perpétue grâce à quelques éleveurs sur l'île de Gotland et sur le continent, mais en 1940, seuls neuf étalons sont actifs, entraînant une grande consanguinité. Des croisements avec des étalons Welsh sont pratiqués mais ont peu d'influence sur la race[13]. Jusqu'en 1955, le Gotland reste pratiquement le seul poney élevé en Suède[8]. Le gouvernement suédois se mobilise en 1954, pour permettre au Gotland de subsister dans son milieu naturel[14], l'île de Gotland.

La situation s'inverse après 1961, avec l'arrivée des courses de trot attelé[13]. Dans les années 1980, le regain d'intérêt pour les poneys de travail profite largement à la race[8]. Les exportations sur le continent suédois explosent. En 1984, le Gotland est reconnu comme race autochtone à préserver de l'extinction par le gouvernement suédois, un travail de recensement permet d'éliminer les poneys ayant plus de 2 % de sang d'origine étrangère[13].

Description

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description en légende
Tête d'un Gotland.

Le Gotland présente de nombreux caractères primitifs[2] et rappelle par bien des aspects l'Exmoor, un poney britannique également très ancien[8],[11].

Morphologie

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Il possède une constitution robuste[8], mais le modèle reste léger, élégant et attractif pour un poney[15]. La taille va de 1,15 m à 1,30 m[3], pour une moyenne de 1,22 m à 1,27 m[16]. Pour être enregistrés dans le stud-book, les poneys de trois ans ne doivent pas dépasser 1,28 m[17]. La tête est petite mais peut être grossière, avec un front large et un profil rectiligne, de grands yeux[18] et des oreilles bien plantées et expressives. L'encolure est courte et musclée, le garrot sorti, la poitrine profonde, l'épaule oblique et musculeuse. Le dos, assez long et plutôt droit[3],[14], peut présenter des faiblesses. La croupe est légèrement inclinée, avec une queue attachée très bas[16]. Les membres sont solides et les pieds bien conformés, avec des tendons bien définis et de longs canons. Les sabots ont une corne très dure[3],[14],[17].

Photo en pied d'un poney
Poney de robe palomino en été, sur l'île de Gotland.

La robe était originellement toujours porteuse du gène Dun, sous toutes ses variantes (isabelle sauvage, louvet, alezan sauvage et souris)[3],[16]. Désormais, presque toutes les robes sont admises sauf le crème aux yeux bleus[17]. Il est généralement noir ou bai, les robes alezanes, grises ou porteuses du gène Dun étant moins répandues. Certains sujets possèdent une raie de mulet[16].

Tempérament, entretien et allures

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Il est généralement énergique, intelligent et doux, mais il possède le caractère parfois têtu des poneys[16]. C'est une race robuste et rustique, forgée par les rudes conditions climatiques de son île suédoise[18], et réputée pour sa grande longévité[19] qui dépasse souvent les trente ans. Le galop du Gotland peut être désagréable sous la selle, ce qui le rend peu adapté aux enfants ayant un faible niveau équestre[16]. Les allures sont recherchées énergiques et rythmiques[17].

Sélection

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Le stud-book du Gotland est fermé, n'acceptant aucun croisement avec un cheval d'origine étrangère[13]. L'effectif réduit des reproducteurs entraîne un risque de consanguinité. Le taux de consanguinité est évalué à 11 % en moyenne pour les poneys nés entre 2000 et 2009, ce qui constitue un niveau relativement élevé, sans être critique[19]. Il existe trois lignées principales portant le nom de trois étalons, celle de Olle 2 (né en 1880), celle de Khediven 1 et celle de Frej 4[20]. Le concours annuel de la race a lieu le dernier lundi de juillet, il attire les passionnés de la race et beaucoup de touristes[13].

Utilisations

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Ses caractéristiques en font un poney très intéressant pour l'homme[1]. Il possède une aptitude naturelle au saut et au trot[8]. Autrefois très utilisé pour le trait léger dans les fermes suédoises et le travail dans les mines, il connaît au début du XXIe siècle deux utilisations principales : attelé dans des courses de trot, et monté comme poney de selle polyvalent pour les enfants[3],[19]. Les bonnes performances des Gotlands en trot attelé sont répertoriées au cours de l'histoire de la race[21]. Le Gotland est entré en croisement pour créer le cheval de Heck[22].

Diffusion de l'élevage

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Photo de quatre poneys broutant de l'herbe entre des rocailles
Groupe de Gotlands à Göteborg, en Suède.

Le Gotland est considéré par l'étude de l'université d'Uppsala (2010) comme une race régionale en danger, mais à diffusion internationale et transfrontière[23]. Equus Survival Trust classe la race comme étant « en danger » (entre 1 500 et 3 000 femelles aptes à se reproduire) aux États-Unis, d'après l'évaluation de 2016[24].

Il était historiquement élevé en système extensif dans les forêts de l'île de Gotland, mais seul un groupe d'une cinquantaine de juments conserve ce mode de vie au début du XXIe siècle, à Lojsta Hed, un espace protégé[25]. La majorité du cheptel ne vit plus sur Gotland, elle s'est répartie en Suède[19] et dans toute la Scandinavie. Ce poney est considéré comme rare[26], mais l'effectif est en croissance. En Suède, une étude réalisée en 2007 dénombre 600 juments poulinières pour 110 étalons reproducteurs[19]. Malgré cet effectif réduit, la race est populaire[27]. En 2011, d'après un ouvrage de vulgarisation, l'effectif total de poneys de Gotland en Suède, en Finlande et au Danemark confondus est estimé à 9 000 individus. La race commence à susciter de l’intérêt en Amérique du Nord[10],[11], des éleveurs sont recensés aux États-Unis[3]. Elle reste par contre très méconnue en Europe, hors de Scandinavie[9].

Notes et références

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  1. a b et c Bauer 2011, p. chap. « Gotland ».
  2. a b et c Edwards 2000, p. 192.
  3. a b c d e f g et h Hendricks et Dent 2007, p. 205.
  4. (en) Karen Briggs et Shawn Hamilton, Totally Crazy for Horses, Scholastic Canada, Limited, , 50 p. (ISBN 0439961394 et 9780439961394), p. 14.
  5. (en) Becky Ohlsen, Sweden, Lonely Planet, coll. « Country Guide Series », (ISBN 1742203809 et 9781742203805), p. 66.
  6. Churchill 1980, p. 81.
  7. (en) Arthur Spencer, Gotland, David & Charles, coll. « Island series », , p. 37.
  8. a b c d e f g et h Hendricks et Dent 2007, p. 204.
  9. a b et c Hubrecht 2005, p. 194.
  10. a et b (en) Karen Briggs, Understanding the Pony : Your Guide to Horse Health Care and Management, Blood-Horse, , 124 p. (ISBN 1581500556 et 9781581500554), p. 28.
  11. a b et c (en) Judith Dutson, Storey's Illustrated Guide to 96 Horse Breeds of North America, Storey Publishing, , 818 p. (ISBN 1603429182 et 9781603429184, lire en ligne), p. 305.
  12. a b et c (sv) « Om gotlandsrusset », sur Björksta stuteri.
  13. a b c d e f et g (sv) Liselotte Erixon, « Historia »(Archive.orgWikiwixArchive.isGoogleQue faire ?), Svenska Russavelsföreningen, (consulté le ).
  14. a b et c La passion du cheval, Éditions Atlas (no 37), p. 731.
  15. Bongianni 1988, p. 133.
  16. a b c d e et f Hubrecht 2005, p. 195.
  17. a b c et d (sv) « Rasstandard »(Archive.orgWikiwixArchive.isGoogleQue faire ?), Svenska Russavelsföreningen, (consulté le ).
  18. a et b Pickeral 2003, p. 211
  19. a b c d et e Eriksson et al. 2009, p. 14.
  20. (en + sv) Statens veterinärmedicinska anstalt Stockholm et Statens Veterinärbakteriologiska Ansalt, Meddelanden från Statens Veterinärmedicinska Anstalt: Collected papers from the National Veterinary Institute, The Institute, , p. 350.
  21. (sv) Liselotte Erixon, « Användning »(Archive.orgWikiwixArchive.isGoogleQue faire ?), Svenska Russavelsföreningen, (consulté le ).
  22. Rousseau 2016, p. 42.
  23. (en) Rupak Khadka, « Global Horse Population with respect to Breeds and Risk Status », Uppsala, Faculty of Veterinary Medicine and Animal Science - Department of Animal Breeding and Genetics, , p. 62 ; 65.
  24. (en) « EQUUS SURVIVAL TRUST 2016 EQUINE CONSERVATION LIST », sur equus-survival-trust.org, (consulté le ).
  25. (en) DK Eyewitness Travel Guide : Sweden, Dorling Kindersley Ltd, , 363 p. (ISBN 1405367431 et 9781405367431, lire en ligne), p. 168.
  26. (en) Committee on Managing Global Genetic Resources: Agricultural Imperatives, Board on Agriculture, National Research Council, Livestock, National Academies Press, (ISBN 0309562430 et 9780309562430), p. 154.
  27. Churchill 1980, p. 80.

Annexes

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Articles connexes

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Liens externes

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Bibliographie

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Ouvrages généralistes

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  • [Bauer 2011] (en) Mary Ellen Bauer, « Gotland Pony », dans Which Horse of Course, Xlibris Corporation, (ISBN 1462866239 et 9781462866236)
  • [Bongianni 1988] (en) Maurizio Bongianni (trad. de l'italien par Ardèle Dejey), « Gotland », dans Simon & Schuster's guide to horses & ponies of the world, New-York, Simon & Schuster, Inc., , 255 p. (ISBN 0-671-66068-3 et 9780671660680, OCLC 16755485, lire en ligne), p. 133. Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  • [Churchill 1980] (en) Peter Churchill, « Sweden », dans The World Atlas of Horses & Ponies, Sampson Low,
  • [Edwards 2000] (en) Elwyn Hartley Edwards, « Gotland & Fjord », dans The New Encyclopedia of the Horse, Dk Pub, (ISBN 0789471817 et 9780789471819), p. 192
  • [Hubrecht 2005] Emmanuelle Hubrecht (dir.), « Le fjord et le gotland », dans Les plus beaux chevaux du monde, Éditions Atlas, coll. « Atlas nature », (ISBN 9782723451406). Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  • [Pickeral 2003] (en) Tamsin Pickeral, « Gotland », dans Encyclopedia of horses and ponies, Parragon, (ISBN 0752541633 et 9780752541631), p. 211-212
  • [Rousseau 2016] Élise Rousseau (ill. Yann Le Bris), Guide des chevaux d'Europe, Delachaux et Niestlé, (ISBN 978-2-603-02437-9), « Gotland », p. 86.Voir et modifier les données sur Wikidata

Ouvrages de recherche

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  • (en) Bonnie Lou Hendricks et Anthony A. Dent, « Gotland », dans International Encyclopedia of Horse Breeds, University of Oklahoma Press, (ISBN 978-0-8061-3884-8), p. 204-205 Document utilisé pour la rédaction de l’article
  • (en) S. Eriksson, A. Näsholm, L. Andersson et S. Mikko, « Analysis of inbreeding in the Swedish Gotland pony using pedigree information and microsatellite markers », dans Book of Abstracts of the 60th Annual Meeting of the European Association for Animal Production: Barcelona, Spain, August 24th - 27th, 2009, Wageningen Academic Pub, (ISBN 9086861210 et 9789086861217) Document utilisé pour la rédaction de l’article