Jean-Baptiste Volcler
Jean-Baptiste Volcler, né le ou en 1765, à Désertines[1], est un religieux et révolutionnaire français, accusateur public du Tribunal révolutionnaire de la Mayenne.
Biographie
modifierOrigine
modifierIl est le dixième et avant-dernier enfant de fils de Louis Volcler, avocat au siège de la châtellenie de Saint-Aubin-Fosse-Louvain, et le frère de Louis Volcler[2], sieur de Vaubureau, notaire à Pré-en-Pail de 1783 à 1784. Ce dernier est peut-être pour Alphonse-Victor Angot, celui qui fut nommé par François-Joachim Esnue-Lavallée juge suppléant à Lassay le .
Religion
modifierIl effectue ses premières études chez François Migoret, curé de Rennes-en-Grenouilles[3], puis alla au séminaire de Domfront[4]. Il est néanmoins tonsuré au Mans, le , et ordonné prêtre le .
Il est nommé aussitôt vicaire à Saint-Fraimbault-de-Lassay, et chargé de la desservance de la chapelle du Rocher, en ville. Après avoir, au sujet du serment constitutionnel, juré en chaire « qu'il ne jurerait pas » il s'abstint en effet le ; mais le 26, dans la formule qu'il signa à Villaines, en accompagnant sa griffe des trois points maçonniques, il exposa que le tumulte qui s'était produit dans l'église, l'éloignement des autres prêtres qui l'eussent laissé seul, l'avaient empêché de se déclarer.
Lassay
modifierPendant la Révolution française, il est curé de Lassay, depuis 1791 jusqu'à la cessation du culte. Rentré à Lassay, il se fit apporter sur son lit le registre de la municipalité pour y renouveler son serment. Élu curé de Saint-Fraimbault, il en chassa les prêtres légitimes, emporta les ornements sacrés à Lassay, et s'installa dans le château avec Chedville, son vicaire, au mois de .
Volcler sera successivement vicaire, curé, maire de Lassay et accusateur public. Volcler avait pour aide à Lassay un avoué, Louis Saint-Martin du Plessis, sieur de la Rigaudière, et un marchand, Paul Laporte. Avec Saint-Martin-Rigaudière et Laporte, il constitua une sorte de triumvirat.
En pleine séance municipale, le , on veut désarmer comme suspect René Chappe, receveur de l'enregistrement et des droits réunis, malgré sa position et ses preuves de fidélité. Chappe proteste énergiquement et dénonce le comportement des 3 hommes.
- 1. Le sieur Volcler, curé de cette ville, comme ayant » par un discours en forme de sermon, à la grand'messe paroissiale de Lassay, provoqué hautement dans la chaire de vérité et l'évangile à la main, l'insurrection et le massacre lorsque, en expliquant le décret, qui met, avec justice hors la loi, tous les aristocrates, il a dit hautement et à plusieurs reprises Peut-être, citoyens, vous serez embarrassés pour connaître ces aristocrates. « Les aristocrates sont ceux qui ne vont point à la messe, sont ceux qui ont chez eux des femmes et des domestiques qui n'y vont pas ce sont les ci-devant religieuses qui ne sortent jamais de chez elles ce sont ceux-là que la Convention vous désigne c'est sur eux qu'elle vous dit de tirer, c'est eux qu'elle vous dit d'effondrer à coup de piques. Moi-même je vous en donnerai l'exemple, trop heureux si nous avons la clémence de nous borner à les incarcérer ».
- Le citoyen Chappe dénonce en outre comme atrocité les propos tenus par Volcler, sous les halles, en présence de plus de trente personnes de Lassay « Que tous les bourgeois étaient des aristocrates, ennemis de la révolution qu'il ne fallait recourir à aucune autorité constituée, qu'il les connaissait tous et les avait ci-devant désignés ». Il le dénonce encore pour avoir, au moment où il venait d'être élu capitaine de la garde nationale par l'assentiment général, dit aux citoyens qui venaient de l'élire « qu'ils mettaient à leur tête des citoyens pour les égarer » sur quoi le citoyen Chappe l'ayant sommé de s'expliquer, Volcler dit « qu'il était l'ennemi de la révolution et que ses liaisons intimes, avec une nommée Francine, ci-devant domestique de l'ancien curé, en étaient une preuve certaine ». Sur quoi il lui aurait répondu qu'il ne faisait point sa compagne de cette fille, qu'elle était chez elle et non chez lui, que ce motif était bien léger pour désigner à la vindicte publique un citoyen irréprochable.
» 2° Le sieur L. Martin, dont la vie est malheureusement trop connue pour avoir, dans « un moment où la municipalité faisait tous ses efforts pour apaiser une rixe survenue entre quelques citoyens, descendu avec précipitation de la chambre de la municipalité, proférant à haute voix qu'il fallait tuer, égorger tous ces scélérats là, désignant sans doute par là une partie des officiers municipaux, qu'il ne cesse de calomnier journellement, et qu'il cherche, autant qu'il est en son pouvoir, à faire suspecter au peuple. II le dénonce encore pour avoir dit qu'à Paris le tocsin ayant sonné, il était instant de faire la même opération à Lassay qu'il n'y avait plus de ménagement à garder, qu'il fallait égorger tous les aristocrates donnant toujours ce nom soit aux magistrats soit aux fonctionnaires publics et autres qui ont toujours manifesté le plus pur républicanisme. Finalement il le dénonce comme cherchant à faire perdre par ses discours insensés, la confiance due à la justice, au patriotisme et à l'intégrité des administrateurs du département de la Mayenne, en disant qu'ils sont des traitres, des complices de Dumouriez, de l'infâme La Fayette et enfin des aristocrates.
- 3. Le sieur Laporte, administrateur du district de Villaines, qui professant les mêmes principes du dit Saint-Martin et débitant journellement les mêmes absurdités, n'est presque jamais à son poste, réside toujours à Lassay pour y jeter le trouble et la dissension entre citoyens, vole impunément la nation en touchant son traitement, parce qu'il n'y est d'aucune utilité, qu'il ne s'occupe d'aucune manière de la partie des émigrés, concernant l'administration, et de laquelle il s'est chargé qu'il n'a rendu aucun compte à la municipalité comme ex-maire qu'enfin dans le moment même le dit Chappe est contraint de le faire exécuter pour raison de demers dont il est redevable envers la république, ayant acheté différents meubles et effets à la vente de cette ville. »
Il avait toujours à la bouche « des menaces de meurtre et de massacre » écrit-on au Directoire du département. En chaire, le , il dit qu'on devait regarder comme aristocrates ceux qui n'allaient pas à sa messe, leurs serviteurs, leurs enfants et les ci-devant religieuses ; qu'il fallait les tuer tous à coup de fusil et de piques et qu'il était disposé à donner l'exemple.
Nommé maire et commissaire de la Convention en 1793, il terrorisa plus que jamais, força tous les hommes à s'enrôler, mais inspira un tel dégoût qu'il demanda à Juliot-Lerardière et à Quentin une situation qui l'éloignât de Lassay.
Au passage des prêtres qu'on transférait à Rambouillet lors de l'Évacuation de Laval, il forme un corps de vingt-cinq bandits pour les fusiller comme des renards et il l'eût fait, dit-il, s'il avait été prévenu une heure plus tôt[6].
Commission militaire révolutionnaire
modifierLa Terreur s'installe. Le , Bourbotte et Bissy le nomment accusateur public de la Commission militaire révolutionnaire du département de la Mayenne[7].
La correspondance de Jean-Baptiste Volcler avec le Comité de Château-Gontier illustre cette période[8]. Volcler signait presque tous les jugements, et en rédigeait même un certain nombre[9]. Il certifiait aussi, parfois, l'exécution des condamnations à mort.
Il s'occupe encore à pourvoir son tribunal et, le 1er pluviôse, par la circulaire suivante, il incite au zèle des autorités révolutionnaires de la Mayenne, les menaçant d'incarcération, en cas d'inaction, et leur annonçant la promenade de la guillotine.
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Cette circulaire, envoyée par le district de Mayenne, à la Convention, est lue à la séance du 17 pluviôse an II. Elle apporta dans l'Assemblée un mouvement d'horreur et d'indignation[11].
La commission envoie à l'échafaud les 14 martyrs de Laval, comprenant l'ancien professeur de Volcler : François Migoret-Lamberdière.
Après le renouvellement de la commission du Tribunal révolutionnaire en , il retourne à Lassay et en devient maire.
Procès
modifierLe représentant Jean-François Boursault-Malherbe est chargé de différentes missions politiques dans l'ouest et notamment dans la Mayenne, où il tient une conduite relativement modérée. Il fait arrêter un certain nombre de terroristes à Laval, supprime la Commission militaire révolutionnaire du département de la Mayenne et réorganise le tribunal criminel, qui reprend ses fonctions le . Il est un de ceux qui contribuèrent le plus à la mise en accusation de François Joachim Esnue-Lavallée et de ses complices.
A l'arrivée de Boursault, Volcler est traduit devant le Comité révolutionnaire pour vols dans les églises et chez les particuliers (2 nov. 1794). Il s'esquiva. Les scellés furent mis sur ses meubles à Lassay, mais brisés par Laporte qui avait intérêt à faire disparaître les papiers compromettants pour les complices. Le juge de paix les apposa de nouveau.
Le , Boursault était à Lassay-les-Châteaux, il rassembla le club des jacobins dans l'église, qu'il avait pris soin de faire garder par une compagnie de gendarmes. Après une allocution contre le régime de la Terreur et ses agents, il commande aux gendarmes de se saisir de Marat-Rigaudière, de Pottier, de Jean-Baptiste Volcler et de Pierre Laporte. Ces deux derniers parvinrent s'évader, et Boursault repartit le lendemain, conduisant les deux autres en prison à Laval.
François Midy lance un mandat d'amener contre Jean-Baptiste Volcler, ex-maire de Lassay et accusateur public de la Commission révolutionnaire établie dans ce département indiquant qu' il s'est échappé et il est actuellement à la tête d'une bande de scélérats, sur le district de Lassay, qui vole et pille partout où elle passe. Volcler, n'était pas loin. Il avait sa retraite dans les environs de Lassay, écrit-on, le , à Gasté, président du département[12].
Son procès par contumace s'instruisait néanmoins à Laval. François Midy, l'accusateur public, indique qu'il s'était comporté comme accusateur public de la Commission Clément « d'une manière indigne d'un républicain » et renvoie aux dépositions des témoins[13]
Les administrateurs de Mayenne dénoncèrent, le , ses crimes à la Convention où ils soulevèrent un mouvement d'horreur. Un député, qui voulait peut-être le sauver, dit qu'il avait été arrêté. En fait, il ne le fut que le et bénéficia de l'amnistie accordée à tous les terroristes.
Volcler est contraint de s'expatrier ; il se retire à Abbeville, où il se marie[14].
Sa femme est morte en 1844. Il en eut un fils et trois filles. La dernière, née à Lassay, d'après l'acte officiel, est baptisée le à Saint-Wulfran d'Abbeville, et nommée par un oncle, de Désertines. Il meurt [15]à Abbeville, le , dans une auberge qu'il tenait place au Blé.
Sources partielles
modifier- Abbé Gillard, note mss. et Bénédictines de Lassay.
- Moniteur.
- Titres de la fabrique de Lassay.
- Greffe du tribunal civil de Laval.
- F. Le Coq, La Constitution civile du clergé.
- Théodore Perrin, Les Martyrs du Maine, 1830 ;
- Isidore Boullier, Mémoires ecclésiastiques concernant la ville de Laval et ses environs, 2e édition, 1848, in-8 ;
- Étienne-Louis Couanier de Launay, Histoire de Laval (818-1855), Imp. Godbert, , 608 p. [détail des éditions] (lire en ligne) ;
- La justice révolutionnaire - Prairial an III d'après des ..., Volume 1, 1870, p. 186. [1] ;
- « Jean-Baptiste Volcler », dans Alphonse-Victor Angot et Ferdinand Gaugain, Dictionnaire historique, topographique et biographique de la Mayenne, Laval, Goupil, 1900-1910 [détail des éditions] (lire en ligne), t.I et IV ;
- Emile Queruau-Lamerie, Bulletin de la Commission historique de la Mayenne, 1907 ;
- Christine Peyrard, Les Jacobins de l'Ouest [2].
Notes et références
modifier- Google livre, "Lassay: Ses châteaux, son passé" de S. Grard, consulté le 28 mars 2020
- Maître ès arts de l'Université d'Angers, il obtient ses provisions le 4 janvier 1783 et est reçu le 1er mai suivant (AD Sarthe, B 1032).
- Il sera l'une de ses victimes.
- M. Huen-Dubourg, qui y professait, fit tous ses efforts pour empêcher son admission au grand séminaire.
- Dom Piolin, dans son Histoire de l'église du Mans, t. VIII, 2158, cite une réclamation des habitants de Lassay contre la tyrannie de ces trois hommes, adressée au directoire du département de la Mayenne le 10 juin 1793.
- Déposition lors du procès de Volcalr de François Thoumin, Louis Goualier, Jean Leroy.
- « Ils sont passés, écrit-il le 20 janvier 1794 à toutes les municipalités, les temps de modération et d'insouciance. L'instant de la justice nationale est à l'ordre du jour pour faire tomber la hache de la justice sur la tête du traître et du parjure… Sur ce fondé et en vertu des pouvoirs qui me sont délégués, je vous déclare que pas une commune n'existe qui ne contienne de ces monstres. Toute municipalité qui ne fera pas traduire à la maison d'arrêt de son district des accusés, sera réputée les recéler et les favoriser et, pour ce fait, se trouvera à ma diligence, de jour ou de nuit, incarcérée sous mon réquisitoire. » A Mayenne, il voulait déférer d'un seul coup à la Commission républicaine toutes les religieuses du Calvaire et de la Chapelle-au-Riboul détenues à l'hôtel de Hercé. A Laval, il disait à l'un de ses collègues : « Vous êtes tous de f… mâchoires avec vos sursis. » Et comme on lui répondait qu'on ne pouvait guillotiner sans preuves, il répétait la même phrase qui avait pour lui une saveur spéciale.
- Je suis l'accusateur public. La Commission est on ne peut plus satisfaite de votre manière d'opérer.. Il trouve pourtant qu'on lui envoie trop de coupables. (9 janvier 1794). Mais le 23 janvier il ajoute : Votre manière d'opérer est au pas de la Révolution... Ne nous amenez plus de suppliciables : la guillotine partout nous suit ; nous irons vous voir.. Puis le 4 février : Puisque vos prisons sont pleines et qu'il nous est impossible de nous rendre à Château-Gontier d'ici quelque temps, vous pouvez nous amener quelques charetées des plus coquins que nous guillotinerons de suite. Si vous avez quelques grands coupables, gardez-les ; nous irons leur faire chez eux-mêmes expier leurs forfaits. On vous donnera leurs têtes à afficher sur des piques. Enfin le 22 février, le zèle des terroristes de Château-Gontier devient tel qu'il est obligé de leur rappeler que les enfants de l'un et l'autre sexe au-dessous de 14 ans ne sont pas réputés émigrés ou rebelles. C'est son adieu.. Il est remplacé par Publicola Garot.
- On le voit à son écriture très-reconnaissable dans les registres.
- Le 14 ventôse, Jean-Baptiste Le Carpentier, écrivant de Port-Malo, à la Convention, parlait aussi des purgatifs révolutionnaires. Moniteur du 18 ventôse an II, p. 680.
- Moniteur du 20 pluviôse an II, p. 576.
- On ajoutait qu'il commandait une horde de ses pareils. Des patrouilles avaient trouvé à Charchigné la retraite de sa servante et ses hardes.
- Il écrivait à la municipalité du Ribay pendant que la Commission révolutionnaire était à Lassay : « Vous avez tant d'habitants, vous devez avoir tant d'aristocrates à nous envoyer ». Dans la même circonstance, il retint toutes les pièces justificatives de Guilleaut-Beauchamp pour le faire condamner (dépos. du 21 pluviôse an III). — Après une séance où l'on avait prononcé des sursis, il disait au café à Faure lui-même : « Vous êtes tous des f… mâchoires avec vos sursis. — Mais nous ne pouvons pas guillotiner sans preuves, répondait l'autre. — Je te dis que vous êtes des f… mâchoires, ripostait Volcler, et que vous serez obligés d'en venir à mon avis. » — Une femme contre laquelle il réclamait la mort, se déclare enceinte : « Si tu ne te tais pas, je vas te f… mon sabot dans la panse » crie ce magistrat de la République (déposition de Michel Cribier). Quatre jours à l'avance, il annonçait la condamnation et l'exécution des 14 martyrs de Laval, et après la sentence il menaçait de mort celui qui donnerait un signe d'improbation (déposition Bougrain). Si un accusé voulait s'expliquer, il s'entendait dire : « Tais-toi, b…, ou je te f… mon soulier dans la gueule. ». Souvent ivre pendant que la Commission siégeait à Ernée, il allait à la Société populaire prêcher « le vol, le meurtre, le carnage, la destruction des riches » (déposition Clouard). Il profita de sa présence dans le pays pour aller à Désertines, sa paroisse natale, et à Saint-Aubin, abattre les croix, outrager le crucifix, qu'il traîna à la queue de son cheval (déposition R. Perrier). Pour condamner Enjubault, auquel il ne pouvait rien répondre, il se contenta de dire qu'il fallait se « méfier des hommes de génie» et que si aucune loi ne le condamnait, il le condamnait, lui, « comme dangereux pour la patrie » (Dépositions L. Gautier et M. Ménard).
- Il épouse le 7 février 1796 Émilie Riquier, âgée de vingt-deux ans et neuf mois, fille d'un huissier de la ville (état civil d'Abbeville, Somme.), auquel il succéda comme huissier.
- On le prétendait mort depuis 1830 dans une maison d'aliénés, où il était enfermé depuis longtemps.