Marguerite van Eyck

peintresse, miniaturiste et enlumineuse flamande du XVe siècle

Marguerite van Eyck (ou d'Eyck ; en néerlandais : Margareta van Eyck[n 1]) est une peintresse flamande du XVe siècle, active dans les Pays-Bas bourguignons. Appartenant à l'école des primitifs flamands, ses frères Jean, Hubert et Lambert van Eyck sont aussi artistes. Son existence a été remise en question car aucun document contemporain ne la mentionne, mais elle aurait travaillé en étroite collaboration avec ses frères dans les régions de Bruges et de Gand, où elle est inhumée auprès de Hubert, dans la cathédrale Saint-Bavon.

Marguerite van Eyck
Marguerite van Eyck par Jan l'Admiral. (1764)
Naissance
Décès
Nom de naissance
Margareta van Eyck
Autres noms
Marguerite d'Eyck (en français), Margriete van Eyck, Margarete van Eyck, Margaretha van Eyck (en néerlandais).
Activité
Mouvement
Influencée par
Fratrie
Hubert van Eyck
Jan van Eyck
Lambert van Eyck (d)Voir et modifier les données sur Wikidata
Parentèle
Marguerite van Eyck (belle-sœur)
Œuvres principales
Enluminures dans les Heures de Turin-Milan (?) et le bréviaire de Salisbury, personnages dans L'Agneau mystique (attributions et contributions incertaines)

Ses talents de miniaturiste sont renommés en l'Europe de son temps, et si plusieurs ouvrages furent attribués à Marguerite van Eyck — elle a peut-être enluminé une partie des Heures de Turin-Milan —, aucune œuvre d'elle n'est connue avec certitude. Marguerite van Eyck ne doit pas être confondue avec Marguerite van Eyck, sa belle-sœur et épouse de Jean.

Biographie

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Sources

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En 1559, dans son Ode à l'Agneau mystique, le peintre et auteur Lucas D'Heere écrit, à propos de Hubert van Eyck, que : « sa sœur impressionna aussi beaucoup avec ses peintures » et qu'elle est enterrée avec lui. En 1574, l'historien de l'art Marcus van Vaernewijck rapporte qu'elle s'appelait Marguerite. Il affirme encore qu'en raison de l'atmosphère familiale, elle peignait comme ses frères et qu'elle est restée vierge jusqu'à la fin de sa vie[1]. En 1604, Carel van Mander ne fait que répéter les informations précédentes dans le Schilder-boeck[2].

En 1907, l'artiste belge Henri Hymans considérait l'existence de Marguerite comme « problématique » ; il suggère qu'elle est un doublet malencontreux de Margareta van Eyck, épouse de Jean van Eyck et dont le nom de famille est inconnu[3]. En 1915, Fritz Winkler, dans sa notice, croit que C. van Mander a croisé les informations de L. D'Heere et M. van Vaernewijck, donnant lieu à de nombreuses hypothèses sur les œuvres attribuées de Marguerite van Eyck, dont l'existence lui paraît suspecte[4].

En 1984, Rudy van Elslande affirme que la sœur des frères Van Eyck s'appelait Elisabeth. En 1426, les héritiers d'une dénommée Elisabeth Eyck's[n 2] sont prélevé de 20 SCH., selon une inscription à côté de la mention de la quittance des héritiers d'Hubert van Eyck[n 3]. Durant la « furie iconoclaste » de 1566, les inscriptions de la chapelle où Hubert et sa sœur furent inhumés sont détruites. Selon Elslande, l'épitaphe ayant été détruite, Van Vaernewijck ne pouvait plus lire le nom de la sœur, à qui il aurait donné le nom d'une femme de la famille qu'il connaissait, celui de l'épouse de Jean van Eyck[5]. Certains écriront, par confusion entre les deux femmes, qu'elle peignait comme son mari.

Collaboration avec Hubert van Eyck

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Pierre tombale de Hubert van Eyck, qui aurait aussi porté le nom de Marguerite.

En 1675, Joachim von Sandrart donne des détails biographiques, mais R. van Elslande juge qu'il faut les reléguer au rang de fables. Ainsi, Marguerite van Eyck aurait travaillé avec son frère Hubert à Gand, mais l'information est incertaine[6]. Des faussaires gantois du XIXe siècle tentèrent de « prouver » par de faux extraits du registre de la confrérie de la cathédrale Saint-Bavon de Gand que Marguerite van Eyck y appartenait avec son frère Hubert[7].

Hubert van Eyck avait un atelier d'artiste dans la ville d'Artevelde entre 1423 et 1426. Une ancienne tradition dit que les Van Eyck séjournèrent dans une maison au coin de Vogelmartk et de la Koestraat, aux no 50-52. Il est possible que Hubert et Marguerite aient accueillis leur frère Jean, après avoir quitté La Haye en 1425. Hubert van Eyck meurt à Gand en septembre 1426 et il n'a aucun héritier résidant dans la ville[8].

Une tradition attestée depuis Lucas D'Heere et répandue en Flandres affirme que sa sœur est enterrée avec lui. Marguerite van Eyck est-elle morte avant Hubert[n 4] ou s'est-elle installée à Gand après la mort de celui-ci ? Son corps a-t-il été exhumé pour être enterré avec lui ? Plusieurs questions sans réponses définitives[6], mais être inhumée dans une chapelle de la cathédrale Saint-Bavon est un grand honneur qu'on lui fit[9].

Théories biographiques

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On sait que l'artiste était très respectée à Bruges[9]. En 1848, Jean Memling trouve dans les archives du béguinage de Bruges une dénommée Marguerite S'Heyx; présente comme béguine entre 1438 et 1465. Cependant, il est improuvable et incertain qu'il s'agisse de la sœur de la famille van Eyck, dont l'orthographe du patronyme était fluctuante dans les sources anciennes[10].

L'historien de l'art Erwin Panofsky découvre qu'en 1437, les dénommés Jan et Margriete van Eycke [sic], enfants de Willems van Eycke, paient une rente semi-annuelle à Bruxelles. Panofsky se demande s'il s'agit du peintre et de sa sœur sans pouvoir l'affirmer avec certitude. Ces rentes étaient émises pour le duc Philippe le Bon, afin de rembourser ses dettes liées à la guerre de Cent Ans. Le paiement de la rente de Jan et Margriete van Eycke dure jusqu'en 1493, date de la mort Jan van Eycke et à laquelle le montant est totalement remboursé[6].

Œuvres

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Parce qu'elle est une femme, Marguerite van Eyck a longtemps été reléguée au rang de miniaturiste, dont les talents furent renommés jusqu'en Italie du Sud. Cependant, les peintresses de cette époque n'étaient pas cantonnée à cette pratique, et plusieurs auteurs estiment possible que Marguerite van Eyck collabora aux enluminures des Heures de Turin-Milan, avec son frère Jean et d'autres membres du mouvement eyckien[6],[9]. D'après R. van Elslande, les miniatures des Heures de Turin-Milan sont beaucoup trop tardives pour être de Marguerite van Eyck[11]. En 1847, Gustav Friedrich Waagen attribuait les illustrations du bréviaire de Salisbury aux adelphes van Eyck[10].

Une version du Repos de la sainte Famille pendant la fuite en Égypte, réalisée par Gérard David, issue de la collection Florent van Ertborn et conservé actuellement au musée royal des Beaux-Arts d'Anvers, était attribué précédemment à Marguerite van Eyck par Johann David Passavant[10],[12]. Les historiens de l'art rejettent l'identification de la peintresse avec le Maître de Flémalle, souvent identifié à Robert Campin, ou avec le Maître de la Légende de sainte Barbe, ou encore avec le Maître de Sainte-Gudule[7],[9],[11].

Il se peut que Lambert et Marguerite contribuèrent au retable de Gant en aidant leurs frères Hubert, qui le commença, et Jean, qui le termina[9]. On a souvent attribué à la main de Marguerite van Eyck des miniatures ou des détails picturaux jugés féminins ou d'inspiration eyckienne maladroitement exécutées. Elle aurait collaboré, seule et parfois avec Gerard van der Meere, disciple de son frère Hubert, à peindre les sybilles et les prophètes bibliques du retable de Gand ; cette attribution reste improuvable[5],[7].

Il est possible que l'adelphie van Eyck ait été à la tête d'un atelier d'artistes familial et que Marguerite participa à la réalisation de commandes pour la municipalité ou des particuliers gantois[9]. En 1904, Clara Erskine Clement écrit que Marguerite van Eyck a peint les portions d'un bréviaire conservé à la Bibliothèque nationale de France à Paris, plusieurs illustrations de divers et riches manuscrits sont de sa main, et une Madonne conservée à la National Gallery de Londres lui est attribuée. C. Erskine Clement note qu'aucune œuvre n'est exclusivement attribuable à Marguerite van Eyck étant donné qu'elle a étroitement collaboré avec ses frères[13].

Postérité

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Marguerite van Eyck (détail du tableau de Ducq, 1820).
Marguerite van Eyck (détail du tableau de Ducq, 1820).

Dans les arts figurés

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En 1848, Jean Hemling indique que la femme à droite de Marie Madeleine, dans le diptyque de la Crucifixion et du Jugement dernier, est une représentation possible de Marguerite van Eyck[10]. En 1905, Hippolyte Fierens-Gevaert dit qu'« on croyait reconnaître jadis Marguerite Van Eyck » dans la Madeleine elle-même[7].

Une gravure avec les portraits de Jean, Hubert et Marguerite van Eyck est réalisée par Jan l'Admiral en 1764.

Marguerite van Eyck, habillée en vert et avec une coiffe blanche, est représentée assise à droite du tableau Antonello de Messine dans l'atelier de Jan van Eyck, peint par Joseph-François Ducq en 1820[14].

Dans la littérature

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En 1861, Charles Reade publie Le Cloître et le cœur, son ouvrage le plus célèbre, dans lequel Marguerite van Eyck (Margaret Van Eyck) enseigne la miniature au père d'Érasme.

En 2022, Kathleen Vereecken publie Margriete, une biographie fictive de Marguerite van Eyck.

Notes et références

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  1. Marcus van Vaernewijck l'appelle ainsi en 1574. Carel van Mander l'appelle Margriete van Eyck en 1604.
  2. Régulièrement, les femmes utilisent plutôt un « ’s » à la place des préfixes « van » ou « de ».
  3. En droit fiscal néerlandais, l’issuerecht est un type d'impôt prélevé par l'administration d'une ville sur les successions qui appartiennent à des personnes extérieures à celle-ci.
  4. Une légende, que R. van Elslander qualifie de « frappante », affirme que Marguerite van Eyck meurt dans la maison au coin de Vogelmartk et de la Koestraat, en 1426. Elle doit être nécessairement décédée avant son frère s'il n'a pas d'héritiers en ville[8].

Références

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  1. (nl) Marcus van Vaernewyck, De historie van Belgis, vol. 2, 1829, D. J. Vanderhaeghen (1re éd. 1574) (lire en ligne), p. 206-207.
  2. Carel van Mander, Het schilder-boeck, 1969, f. 199 r.
  3. Henri Hymans, Les Van Eyck, Paris, Henri Laurens, , 127 p., p. 56 et 87.
  4. (de) Fritz Winkler, « Eyck, Margriete van », dans Allgemeines Lexikon der bildenden Künstler, vol. 11, Leipzig, E. A. Seemann, (20 juin 2024), p. 134
  5. a et b Rudy van Elslande, « De Van Eyck's te Gent: leerlingen en medewerkers (1e deel) », Ghendtsche Tydinghen, 13(5), 1984, p. 319-332.
  6. a b c et d Rudy van Elslande, « De Van Eycks te Gent », Ghendtsche Tydinghen, 12(3), 1983, p. 155 et 159-160.
  7. a b c et d Hippolyte Fierens-Gevaert, « Lambert, Marguerite et Hubert Van Eyck », La renaissance septentrionale et les premiers maîtres des Flandres, G. Van Oest, 1905, p. 104-122.
  8. a et b Rudy van Elslande, « De Van Eycks te Gent II: De verblijfplaatsen », Ghendtsche Tydinghen, 12, 1983, p. 268-277.
  9. a b c d e et f Catherine Verleysen et al., Van Eyck : de optische revolutie, Hannibal, 2020, 41 p., p. 7-8.
  10. a b c et d Jean Hemling, Les trois frères Van Eyck, Bruges, Vandecasteele-Werbrouck, , 100 p., p. 74, 77 et 85
  11. a et b Rudy van Elslande, « De Van Eyck's te Gent III: hun oeuvre », Ghendtsche Tydinghen, 13(1), 1983, p. 29-39.
  12. « Le repos durant la fuite en Égypte », sur kmska.be (consulté le )
  13. (en) Clara Erskine Clement, « Eyck, Margaretha van », dans Women in the fine arts : from the seventh century B.C. to the twentieth century A.D., Boston et New York, Houghton, Mifflin and Compagny, , 395 p., p. 119-120
  14. Musea Brugge, livret pour l'exposition Mysthische primitieven, 2015, p. 2-3.

Annexes

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Articles connexes

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Liens externes

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