Nombre presque entier
En mathématiques récréatives, un nombre presque entier est un nombre irrationnel qui est de façon surprenante très proche d'un entier.
Quelques cas
modifierPuissances du nombre d'or
modifierDes exemples de nombres presque entiers sont les puissances entières élevées du nombre d'or . Pour mémoire :
- .
On a par exemple :
- .
Le fait que ces valeurs s'approchent de nombres entiers s'explique du fait que le nombre d'or est un nombre de Pisot-Vijayaraghavan : un entier algébrique réel strictement supérieur à 1 dont les éléments conjugués (ici : ) sont en module strictement inférieurs à 1. Il en résulte que pour :
où Ln est le n-ième nombre de Lucas.
Constante de Ramanujan
modifierUne proportion importante des premiers nombres de la forme ont une partie décimale commençant par plusieurs 9 :
- .
En supposant que la partie décimale ait une répartition uniforme entre 0 et 1, on s'attendrait à observer statistiquement, parmi les nombres :
- un nombre (au lieu des onze observés) dont la partie décimale commence par 0,99..., pour 1 ≤ n < 100 ;
- un nombre (au lieu des neuf observés) dont la partie décimale commence par 0,999..., pour 1 ≤ n < 1 000 ;
- un nombre (au lieu des dix observés) dont la partie décimale commence par 0,9999..., pour 1 ≤ n < 10 000.
Le nombre , qui est le plus étonnant, est parfois nommé constante de Ramanujan[1], à cause de l'anecdote suivante : en 1975, Martin Gardner proposa dans la revue Scientific American un poisson d'avril, dans lequel il prétendait que ce nombre était un entier (à la précision des ordinateurs de l'époque) et que cela avait été prédit par le mathématicien indien Ramanujan. En réalité, on savait depuis 1934 que les nombres de cette forme sont non seulement non entiers, mais transcendants (c'est une conséquence du théorème de Gelfond-Schneider) ; d'autre part, en utilisant des développements en série liés aux formes modulaires[2], Ramanujan avait effectivement remarqué[3] d'autres nombres presque entiers, comme eπ√58, mais cette propriété pour eπ√163 avait été mentionnée par Charles Hermite dès 1859[4],[5].
Autre fait remarquable : trois des nombres de la liste correspondent aux valeurs de n qui sont les trois plus grands nombres de Heegner : 43, 67 et 163. On a :
La présence des carrés (de 9, 21 et 231) est en relation avec certaines séries d'Eisenstein[6].
Les puissances de la constante de Ramanujan sont également des nombres presque entiers, quoique de moins en moins au fur et à mesure que l'exposant augmente :
- eπ√163 = 262537412640768743,99999999999925...
- e2π√163 = 68925893036109279891085639286943768,00000000016...
- e3π√163 = 18095625621654510801615355531263454706630064771074975,9999999901...
- e4π√163 = 4750778730825177725463920948909726618214491718039471366318747406368792,00000030...
- e5π√163 = 1247257156019637304856107520018074552566824585862995272173368815794085495792299621093743,9999936...
- e6π√163 = 327451666639079200503292535866541250265248788274691526825971156747731856100971255480468836963064283775072,000097...
- e7π√163 = 85968313324331384516193000468092278329755548797409399442004776269126859976027905282083513810327974584994948290745606149951,9988...
- e8π√163 = 22569898549260886473888468331565301907474037192863812586061996691592154447956371062753799948390245371838040419276512345203199926422461218840,012....
Le fait que ces puissances soient elles aussi des nombres presque entiers est une coïncidence supplémentaire, elle ne découle pas du fait que la constante de Ramanujan soit un nombre presque entier (la différence entre le carré du nombre entier proche de eπ√163 et le nombre entier proche de e2π√163 est de 393 768).
Par ailleurs, ces puissances sont proches d'un entier alternativement par en dessous (exposants impairs) et par en dessus (exposants pairs). Enfin, la courbe représentant le logarithme de la distance de la puissance n-ième à l'entier le plus proche est remarquablement régulière de la puissance 1 à la puissance 8 (voir la figure ci-dessus).
Ceci s'observe également mais dans une moindre mesure pour les puissances de eπ√58 (approximations toutes par en dessous) :
- eπ√58 = 24591257751,99999982...
- e2π√58 = 604729957825300084759,9999921...
- e3π√58 = 14871070263238043663567627879007,99984...
- e4π√58 = 365698321891389219219142531076638716362775,9982...
- e5π√58 = 8992981693105016374155646905045678991816481660068751,984...
et pour les puissances de eπ√67 :
- eπ√67 = 147197952743,9999986...
- e2π√67 = 21667237292024856735768,00029...
- e3π√67 = 3189372971004509360884026494978975,982....
Des records ?
modifier.
François Le Lionnais cite[7] ce cas (qui n'est d'ailleurs qu'une variante de la constante de Ramanujan) comme étant « certainement l'approximation la plus étonnante d'un entier dans l'univers ».
Pourtant, l'approximation suivante, avec trente et un zéros après la virgule[8], dépasse ce record :
- ;
on trouvera des approximations plus précises encore, découvertes récemment par ordinateur, dans l'article « Mathématiques expérimentales ».
Autres cas
modifierDes nombres presque entiers utilisant les constantes π et e ont souvent étonné et amusé les mathématiciens. Par exemple :
- ;
- ;
- .
Notes et références
modifier- (en) Eric W. Weisstein, « Ramanujan Constant », sur MathWorld.
- (en) Voir l'article en anglais.
- (en) S. Ramanujan, « Modular Equations and Approximations to pi », Quart. J. Pure Appl. Math. (en), vol. 45, , p. 350-372 (lire en ligne).
- Charles Hermite, Sur la théorie des équations modulaires, Paris, Mallet-Bachelier, , 68 p. (lire en ligne), p. 48.
- (en) L. J. Lloyd et James Peter Kilford, Modular Forms : A Classical and Computational Introduction, Imperial College Press, , 224 p. (ISBN 978-1-84816-213-6, lire en ligne), p. 107.
- Article sur sci.math.research.
- Les nombres remarquables, 1983, Hermann, Paris, p. 100.
- Page personnelle de Simon Plouffe.
Voir aussi
modifierArticle connexe
modifierLiens externes
modifier- (en) Eric W. Weisstein, « Almost Integer », sur MathWorld
- (en) J. S. Markovitch, « Coincidence, data compression, and Mach's concept of economy of thought », sur cogprints.org,