Le patus (aussi appelé pate, patec, patecq ou encore regale, voire relargue en Provence) est une ancienne notion du droit coutumier provençal désignant un terrain dépendant d'un bâtiment, destiné à ses commodités, et pouvant être divis (un seul propriétaire) ou indivis (plusieurs propriétaires en indivision).

Historique modifier

Le terme vient probablement de la fonction de ces biens, qui étaient à l'origine, dans une construction rurale (ferme), l'espace non construit autour de la maison et dédié aux commodités (passage, aire, puits, cloaque, four…). C’était donc un espace intermédiaire entre les bâtiments et les terres cultivées ou pâturées[1].

Selon les régions, cet espace est appelé « patecq », « patus », « régale », « relarguier »[2].

Il se distingue notamment d'une cour par le fait que cette dernière est partie intégrante de l'espace privé et de l'architecture d'une habitation. Le mot occitan patus signifie "pacage, basse-cour" (Louis Alibert). Il dérive du latin populaire pasticium qui signifie "pâturage".

Terrain rattaché à une ferme, le patecq peut, à l’occasion des successions et partages entre héritiers, rester commun aux copartageants. Cette évolution, très fréquente, a donné naissance à l’idée erronée qu’un patecq est nécessairement une copropriété entre les riverains.

Depuis le XIIIe siècle au moins, le patus faisait partie intégrante du lot attribué à un fermier par le seigneur, sans pouvoir ni être modifié, ni en être retiré. Ce lot comprenait généralement aussi l'hortus, parcelle dédiée au potager. Au XVIIIe siècle, on voit également apparaître le mot « patus » dans l'acception de pièce fermée par quatre murs et à ciel ouvert, mais il semble s'agir là d'un homonyme.

Définition et régime modifier

Origine du patecq modifier

La notion de patecq n’est pas définie dans les textes légaux et résulte des usages et traditions.

Dans une réponse ministérielle de 1987 à la question écrite d'un député qui demandait une définition exacte de ce terme, le Gouvernement avait apporté les précisions suivantes[3] : "Le « pâté », « patec » ou « pateq », également dénommé « patus », « patis » ou « régale » est une notion juridique absente du Code civil".

Les actes notariés, les textes des historiens et surtout la jurisprudence permettent d’en préciser les contours, bien que les différentes jugements rendus soient parfois approximatifs voire contradictoires.

Le plus souvent, les cadastres ne rendent pas compte de manière correcte de l’existence des patecqs, les espaces correspondant pouvant parfois y apparaître comme des terrains publics ou des parcelles non cadastrées. De manière constante, la jurisprudence établit alors la primauté des actes notariés sur les indications cadastrales (réf. Cour de cassation - chambre civile 3 - Audience publique du - N° de pourvoi: 10-25466 ; Cour de cassation - chambre civile 3 - Audience publique du - N° de pourvoi: 10-25466 ; Cour de Cassation (Chambre civile 3) 1971-01-14 Bulletin 1971 III N. 33 p. 21).

Le patecq est, selon les auteurs de référence, défini comme « une bande de terre non construite, entourant la ferme, dédiée aux commodités (aire, puits, cloaque, four…) »[1], « l’espace vide et nu qui s’étend à proximité des bâtiments et qui sert à la fois de passage et de débarras »[2] ou encore « un petit terrain dépendant d’une construction, à l’usage de certains ayants droit »[4].

Les auteurs convergent donc pour souligner qu’à l’origine, le patecq est un terrain qui dépend d’une construction (en général une ferme ou bastide), appartenant à un propriétaire.

Selon la jurisprudence constante d’une des plus hautes juridictions françaises, la Cour de Cassation, « un patecq est un espace généralement non bâti que l’on laisse autour d’un ou plusieurs bâtiments, à l’usage de ce ou ces bâtiments » (Cour de cassation - chambre civile 3 - Audience publique du - N° de pourvoi: 14-16216). Cette définition fait donc droit à celle donnée par les auteurs de référence.

Son origine fait que le patecq est nécessairement contigu à la maison dont il dépend.

Le patecq est affecté à l’usage des propriétaires de la maison dont il dépend et les droits au patecq sont rattachés à ladite maison.

Les ayants droit sur un patecq sont traditionnellement nommés les communistes.

Évolution du patecq modifier

Le patecq va évoluer en même temps que la famille propriétaire de la construction originelle. À l’occasion de partages et de transmissions, ces droits peuvent être répartis entre plusieurs ayants-droit : « Devenus adultes, les enfants vont construire contre la ferme des parents. Le patecq reste indivis, par commodité. On aboutit ainsi à la transformation de la bastide en hameau, et à la juxtaposition de plusieurs familles de même souche, conservant chacune un foyer distinct »[1].

À cette occasion, le patecq est conservé à l’usage des descendants, de manière indivise. Lors de la transformation de la bastide en hameau (cas de descendants construisant leurs maisons contre celle de leurs parents, cas fréquent en Provence), le droit au patecq peut être transmis à ces descendants. Cela est alors indiqué dans les actes notariés. C’est à l’occasion des actes de partages qu’il apparaît que le patecq reste commun aux copartageants : les actes notariés le mentionnent expressément.

Caractéristiques juridiques du patecq modifier

Le patecq est attaché de manière indissoluble au bien dont il dépend : il ne peut être cédé indépendamment de la maison à laquelle il est rattaché, et celle-ci ne peut être cédée sans le patecq qui lui est rattaché : « Les copropriétaires d’un régale ne peuvent céder leurs droits sur celui-ci indépendamment du bâtiment au service duquel il est attaché » (Cour de Cassation - chambre civile 3 - Audience publique du - N° de pourvoi : 11-16953). Le patecq est donc défini comme un bien immobilier affecté à titre d’accessoire indispensable à l’usage du ou des bâtiments dont il dépend.

Pour prétendre faire partie des propriétaires concernés, tout comme bénéficier de la protection possessoire (afin de ne pas être privé de la jouissance du patecq), il faut justifier l’existence de ce droit indivis avec suffisamment de vraisemblance, en démontrant notamment sa mention sur les actes notariés de propriété, actuels ou anciens.

C’est donc par erreur que certains tribunaux ont cru pouvoir dire que le patecq peut être commun par nature à tous les habitants d’un hameau (Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 4e Chambre, , no 253). Seuls les propriétaires d’un bâtiment dont les actes de propriété attestent de la présence d’un patecq rattaché à leur bâtiment, ont des droits sur ledit patecq.

En cas de patecq indivis, le patecq est « soumis à un régime d’indivision forcée, de nature perpétuelle, nul ne pouvant y mettre un terme, par dérogation au régime de l'indivision classique, les droits en patecq ne se perdant pas même par non-usage » (Cour de Cassation, 3e Chambre Civile, Audience publique du mardi - N° de pourvoi: 12-11885). La prescription trentenaire ne s’applique donc pas aux patecqs (Cour de Cassation, Chambre Civile, , S 1937-1-148).

Du fait de son régime d’indivision forcée, le partage d'un patecq indivis, ou sa dissolution, ou son appropriation par un ou plusieurs des communistes, ne sont possibles que par l'accord unanime de tous les communistes (Cour de cassation, 3e chambre civile, , no 12-11885).

En revanche, chacun des communistes peut user de la totalité du bien et en retirer tous les usages sous réserve de ne pas porter atteinte aux droits égaux des autres, ni de nuire à sa destination, déterminée par l'usage auquel il est affecté. Les communistes possèdent en commun un droit de jouissance sur ce sol. Dans le cas d'un patecq divis, ce droit appartient au seul propriétaire.

Distinction avec d’autres notions juridiques modifier

Le patecq ne doit pas être confondus avec d’autres notions juridiques proches, mais différentes :

  • La servitude
  • La destination du père de famille
  • Les caraires
  • Les chemins d’exploitation
  • La copropriété des immeubles bâtis
  • La cour commune

Le patecq ne relève pas du domaine public mais d'un usage exclusivement privé. Il ne sera donc pas possible, sauf procédure exorbitante du droit commun, qu'une commune en dispose pour l'intégrer aux espaces publics lui appartenant, par exemple en le transformant en parking ou en place publique.

Notes et références modifier

  1. a b et c Doublat s.d.
  2. a et b Livet 1962.
  3. Réponse ministérielle à la question écrite n° 9630 de M. Daniel Colin, député du Var, publiée au J.O. de l'Assemblée Nationale du 27 avril 1987, p. 2432.
  4. Anonyme, Recueil des Usages locaux à caractère agricole en vigueur dans les Bouches-du-Rhône, Archives départementales, Préfecture des Bouches-du-Rhône,

Voir aussi modifier

Bibliographie modifier

  • Corinne Doublat, Le Patecq en Provence : survivance désuète d’un usage rural et agricole ancestral (Mémoire pour l’obtention du diplôme de notaire), Riccobono, s.d, 79 p. (lire en ligne).
  • Christian Atias, Les copropriétés forcées, Dalloz, 2012, p. 1018.
  • Jean-Louis Bergel, Les biens en indivision forcée et perpétuelle échappent au droit commun de l'indivision et au principe au partage, Revue de droit immobilier, 2014, p. 401.
  • René Souriac : Les communautés et leurs terroirs en France méridionale au XVIIe et XVIIIe siècles, 1998 - (ISBN 2-84274-033-5).
  • Recueil des Usages Locaux à Caractère Agricole en vigueur dans les Bouches-du-Rhône Archives départementales, Préfecture des Bouches-du-Rhône, 1975
  • R.C. Livet, Habitat rural et structures agraires en Basse Provence, Ophrys, coll. « Publication des Annales de la faculté des Lettres d’Aix-en-Provence », (lire en ligne).

Articles connexes modifier

Liens externes modifier